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En Belgique, de nombreux enfants grandissent dans des conditions de précarité qui compromettent l’exercice effectif de leurs droits fondamentaux. La pauvreté ne se limite pas à un simple indicateur économique, elle constitue une atteinte directe au droit à un niveau de vie suffisant, à la santé, à l’éducation, au logement et à la protection. La Ligue des droits de l’enfant rappelle que la pauvreté infantilise les droits. En effet, elle les rend abstraits, inaccessibles et conditionnels. Elle crée une inégalité structurelle entre enfants, dès le plus jeune âge, et compromet ainsi les principes d’égalité des chances et de non-discrimination pourtant consacrés par la Convention relative aux droits de l’enfant, que la Belgique a ratifiée en 1991.
Une violation du droit à la vie familiale de l’enfant
Cette réalité devient d’autant plus préoccupante lorsque la précarité sociale ou économique conduit au placement d’enfants en dehors de leur milieu familial. En effet, les services de protection de la jeunesse et les juges de la jeunesse peuvent être amenés à retirer un enfant de son environnement familial, non pas à cause d’une maltraitance avérée ou d’un danger, mais tout simplement parce que les parents sont en situation de pauvreté extrême ou d’exclusion sociale. Cette pratique pose de sérieuses questions juridiques et éthiques : la précarité peut-elle, en tant que telle, justifier le retrait d’un enfant de sa famille ? 40 000 enfants sont placés (en institution, en maison d’accueil ou au sein de structure spécialisée) en Belgique et sont par conséquent, éloignés de leur famille [1].
Les textes de référence internationaux rappellent que la pauvreté, à elle seule, ne saurait justifier la séparation d’un enfant de sa famille. Ces normes imposent aux États l’obligation de soutenir les familles vulnérables pour leur permettre d’élever leurs enfants dans des conditions dignes, plutôt que de recourir au placement comme solution par défaut.
Le placement, une réponse institutionnelle ?
En Belgique pourtant, de nombreux professionnels du secteur soulignent un phénomène préoccupant: des familles en situation de pauvreté sont jugées inaptes à assumer leur rôle parental en raison de leur précarité matérielle, de leur logement insalubre ou de leur accès limité aux soins [2]. Ce constat a été dénoncé à plusieurs reprises par les acteurs du secteur associatif, par les services de défense des droits humains, et récemment par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU dans ses observations adressées à la Belgique. Le placement devient alors, non pas un outil de protection de l’enfant contre un danger direct, mais une réponse institutionnelle à la pauvreté, ce qui constitue une forme d’injustice sociale [3].
Or, les conséquences de ces placements sont lourdes : rupture du lien parental, stigmatisation, instabilité affective et parfois institutionnalisation prolongée. Au lieu de renforcer les droits de l’enfant, le système peut contribuer à leur fragilisation. Cette situation révèle une forme de défaillance systémique car l’État ne remplit pas son obligation de soutenir les familles se trouvant en situation de précarité, et pallie cette carence par des mesures intrusives, voire répressives [4].
L’urgence de renforcer le soutien aux familles
Face à cette réalité, il est impératif de réaffirmer que la pauvreté ne doit jamais être criminalisée. Elle est un fait social, non une faute parentale. Le droit des enfants à vivre en famille, dans un cadre sécurisant, doit être garanti à travers des politiques sociales robustes, centrées sur la prévention, l’accompagnement des familles, l’accès effectif au logement, à l’aide sociale, aux soins et à l’éducation.
Il est donc urgent de repenser le rôle de la protection de la jeunesse et de renforcer les mécanismes de soutien aux familles, afin que le placement ne soit plus une réponse à la pauvreté, mais uniquement une mesure de dernier recours lorsqu’il y a une « situation de danger », comme l’exige les dispositions juridiques nationales et internationales [5].
[1] L’ilot, « Placement en institution et précarité : causes et alternatives », aout 2025, https://ilot.be/placement-en-institution-et-precarite/
[2] J. Giltaire, « Faut-il placer un enfant uniquement parce que sa famille est très pauvre ? », RTBF Actus, https://www.rtbf.be/article/faut-il-placer-un-enfant-uniquement-parce-que-sa-famille-est-tres-pauvre-10097265
[4] J. Giltaire, « Faut-il placer un enfant uniquement parce que sa famille est très pauvre ? », RTBF Actus, https://www.rtbf.be/article/faut-il-placer-un-enfant-uniquement-parce-que-sa-famille-est-tres-pauvre-10097265
[5] L’ilot, « Placement en institution et précarité : causes et alternatives », aout 2025, https://ilot.be/placement-en-institution-et-precarite/
 
					 
							 
							 
							