Colloque : Comment rendre l’école inclusive ?

Colloque : Comment rendre l’école inclusive ?

Les inscriptions sont clôturées le 22 novembre à 20 heures

Journée « boîte à outils »

Avec le soutien de la Cocof et de WBE

L’école inclusive, ce ne sont pas que des textes de loi ou des réglementations. Pour être mise en œuvre, il faut des personnes. Ce sont les élèves, ce sont les enseignants, ce sont ces nouvelles institutions que sont les Pôles territoriaux, ce sont aussi les CPMS et les associations en lien avec l’Ecole et, enfin, ce sont les parents. Mais le concept d’ « Ecole inclusive » paraît encore flou à de nombreux professionnels, tous horizons confondus. Comment se mettre sur le chemin de l’inclusion ? Ce colloque propose de rappeler brièvement le cadre légal et surtout de le mettre en regard avec le quotidien des professionnels de l’Ecole. Que mettre en place pour devenir inclusif. Des pratiques probantes que l’on peut réaliser dans les écoles vous seront présentées. Chacun.e aura la possibilité de la/les expérimenter sur son/ses terrain.s par la suite. Nous proposerons ensuite, un second colloque en avril 2023, afin d’approfondir la manière de rendre l’Ecole plus inclusive et, si possible, de partager des expériences.

Ce colloque est ouvert à tout le monde, professionnels de l’éducation, associatifs, familles, militant.e.s, politiques, etc.

La classe et/ou l’école inclusive concerne tou.te.s les élèves avec leurs diversités, qu’elles soient intellectuelles, physiques, culturelles, sociales, de genre, de langue, d’orientation sexuelle, … . Par la bienveillance éducative, elle tient compte des besoins de chacun.e (accessibilité, différenciation, aménagements universels, …) et s’articule autour d’une pédagogie active et coopérative, et vise les objectifs les plus ambitieux en fonction des capacités de tou.te.s les élèves, qui restent ensemble tout au long de la scolarité.

Ce colloque est un pari. Les classes/écoles qui veulent se lancer sur le chemin de l’inclusion se retrouvent souvent sans outil, sans beaucoup d’aides. En mutualisant nos expériences et en créant des réseaux participatifs, le chemin vers l’inclusion n’en sera que plus plane et plus riche, du simple fait qu’on ne marchera plus tout seul.

Se lancer sur le chemin de l’inclusion, c’est s’engager dans un long voyage. L’important est de se mettre en chemin, avec la volonté d’aller le plus loin possible. L’inclusion c’est un rêve. Le rêve d’une école meilleure, plus efficace, plus efficiente, plus adéquate, plus pertinente, plus congruente avec sa communauté. Le rêve d’une école qui s’adapte à tous les élèves sans en oublier aucun.e en chemin. L’inclusion c’est surtout l’horizon vers lequel nous devons viser. L’important est d’être sur le chemin et de pouvoir porter de plus en plus d’élèves vers ce soleil qui pointe lentement et qui, plus on avance, monte irrésistiblement pour éclairer toutes celles et tous ceux que nous accompagnons sur le chemin.

On ne peut être inclusif si l’on ne met pas en place les outils indispensables à l’accompagnement de tou.te.s les élèves. A commencer par une pédagogie active et coopérative. C’est celle-ci qui guidera les pratiques adaptées que l’on doit mettre en place pour permettre à chacun.e de progresser sans perdre pied. Aussi, ce colloque veut donner des outils à celles et ceux qui désirent se lancer sur le chemin de l’inclusion.

PROGRAMME

8h30 : Accueil

09h00 : Introduction

Jean-Pierre Coenen, Président de la Ligue des Droits de l’Enfant

09h20 : Pourquoi les écoles doivent-elles devenir inclusive ? Rappel du Droit

UNIA – Carole Van Basselaere, conseillère juridique au service Handicap/Convention

09h45 : Forum 

1. Parole aux acteurs : Que manque-t-il aux écoles pour être inclusives ?

Des personnes du « Mouvement Personnes D’abord »

Thomas Dabeux de l’ASBL Inclusion

10h20 : Méthodes et stratégies éducatives à utiliser en Ecole inclusive

Echange de bonnes pratiques expérimentées. Présentations faites par des enseignant.e.s ayant une expérience dans le domaine abordé

2. Comment mettre en place une pédagogie active

Présentation d’une expérience dans le fondamental et d’une expérience en secondaire

L’Ecole fondamentale du Tivoli

Michèle Masil, directrice

L’école secondaire Jules Vernes

Ariane Merland, directrice

11h00-11h25 : Pause

11H30- 12h30 : Forum (suite)

Le Tutorat

Jean-Pierre Coenen, instituteur

L’évaluation non compétitive : Le portfolio

Nicolas Paillé et Magali Cerfont (instituteur/trice primaire)

et Jeanne Delhausse (pour le 5-8), Ecole Clair-Vivre

Le co-enseignement

Alizée Lemoine, Ecole fondamentale Singelijn

12h35 – 13h20 : Walking Dîner

13h30 – 14h : Forum suite

Les Aménagements universels et raisonnables indispensables

Sarah Wilem (Pôle territorial WBE Namur), Audrey Van Michel, dit Valet (PT WBE Huy-Waremme) et Jérémy Krol (PT WBE WAPI B)

14h00 – 14h45 : Débat (QR)

Animateur : Dominique Paquot, directeur de l’école Singelijn

Les participants peuvent questionner les professionnels qui ont fait les présentations du matin et de l’après-midi

14h45 : Table-ronde : La formation des enseignants (initiale et continue)

Animateur : Yves Robaey, orthopédagogue

Comment forme-t-on les professionnels aux pratiques expérimentées ?

Les 30 minutes de Table-ronde seront suivies de 30 minutes de débat avec la salle

15h45 Conclusion et synthèse

Jean-Pierre Coenen, Ligue des Droits de l’Enfant

16h15 Fin de la journée

Renseignements pratiques

Quand ?

Le vendredi 25 novembre 2022 (journée boîte à outils)

Une seconde journée sera organisée en avril 2023 (journée participative – date à préciser)

Où ?

Athénée Royal Da Vinci , 5 rue Chomé Wynz à Anderlecht

Privilégier les transports en commun, le parking étant payant dans la commune

Inscriptions AU PLUS TARD POUR LE 22 NOVEMBRE

Envoyer un mail à l’adresse suivante (remplacer ‘at’ par @, sans espaces) :

formations ‘at’ liguedroitsenfant.be

ou par téléphone au 0477 545 907 (de 9h30 à 18h)

Participation aux frais : 30 €/personne

22,50 € pour les étudiant.e.s et les parents d’enfants à besoins spécifiques

Pause, repas et documents compris

A verser sur le compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant

avec mention « colloque 25 novembre 2022 + Nom.s et prénom.s du/des participant.e.s »

La/les inscriptions seront confirmées par mail une fois la participation aux frais perçue.

Attention : le nombre de places est limité.

Ecole inclusive : Accueillir un élève avec une dysphasie

Ecole inclusive : Accueillir un élève avec une dysphasie

1.   Comment permettre à un élève avec une dysphasie d’être inclus dans son école ?

1.1.      Pourquoi parler de dysphasie ?

Parmi les parents, mais aussi les professionnels qui nous ont rejoints sur le combat pour une Ecole inclusive, plusieurs d’entre eux se battent pour que leur enfant soit accompagné à l’école en tenant compte de leur spécificité très particulière, qui est la dysphasie. Les enseignant.e.s ne sont pas formé.e.s à ce trouble qui, dans le milieu scolaire, peut être très handicapant. Nous vous proposons de vous pencher avec nous sur cette réalité. En effet, il n’y a pas qu’à l’école qu’elle se rencontre. Dans le milieu extrascolaire, il en va de même. Certains enfants qui fréquentent une école de devoirs, une maison de quartier, un club de sport, une académie, … sont porteurs de ce trouble. Il vaut mieux le connaître afin de ne pas discriminer un.e enfant, sans même s’en rendre compte. L’Ecole inclusive est un Droit de tous ces enfants.

Lors des précédentes années, nous avions abordé d’autres « dys ». La dernière concernait la dyspraxie. La demande qui a été faite par les membres de la Plate-forme pour une Ecole inclusive a été de n’oublier aucun « dys », même les plus rares. L’analyse suivante a déjà été décidée. Elle concernera un trouble moins connu, les déficiences mnésiques.

1.2.      Comprendre la dysphasie ?

La dysphasie se situe au niveau du langage oral. C’est un trouble « structurel » sévère, spécifique et durable de l’apprentissage et du développement du langage oral. Il entraîne un déficit sévère et malheureusement durable de la production de la parole, donc du langage, mais également de la compréhension. La dysphasie peut se présenter sous différentes formes plus ou moins sévères.

Environ sept pourcents des enfants de 3 ans et demi présentent un trouble du langage oral, mais la majorité se corrige avant l’âge de 6 ans. Un pourcent des enfants gardent des troubles importants du langage oral. On considère alors que le trouble est durable.

La différence entre retard et trouble du langage oral est synthétisé dans le tableau suivant[1] :

Retard de langageDysphasie·s
Décalage chronologique des acquisitions langagièresTrouble primaire et durable
Simplifications de parole : parapluie = papuiDéviances phonologiques : cancagne ou panpagne pour campagne
Compréhension normaleCompréhension difficile
Lexique réduit (peu de vocabulaire)Troubles de l’évocation : cherche ses mots, forme des périphrases (p.ex. : dire en beaucoup de mots ce que l’on peut dire en peu de mots)
Syntaxe maladroite (manière incorrecte de combiner les mots pour former des phrases ou des énoncés dans une langue)Dyssyntaxie[2] (substitution de mots) / agrammatisme[3] (« style télégraphique », ou omission de mots)
Intonation normaleDysprosodie (dysfonctionnement de la communication)
Atteinte Homogène Phonologie/lexique/syntaxeEcarts de performance
Peu de conscience du troubleConscience aigüe du trouble
Amélioration avant 6 ansDéficit durable

Il ne s’agit pas d’un simple retard de l’apprentissage du langage. Ces enfants ne sont pas malentendants et n’ont aucun retard mental, ni d’autisme. On ne peut donc pas expliquer une dysphasie par d’autres troubles, une malformation des organes phonatoires, pas plus que par un désordre affectif grave. Ce handicap est lié à un dysfonctionnement des structures cérébrales qui sont activées afin de traiter l’information langagière.

Ce trouble est encore peu connu pour deux raisons. D’une part, pendant longtemps les études au sujet des problèmes de communication des enfants étaient davantage tournées vers la surdité et les séquelles des lésions cérébrales. D’autre part,  il est  difficile  d’initier  l’idée  qu’un  enfant  qui n’a  ni  déficit  particulier  ni  réticence  à  interagir  avec  son  entourage  puisse  être soumis  à  un empêchement durable de communiquer[4]. Ce n’est que depuis les années 70 que des recherches en phonologie du langage et en linguistique ont été menées. Plus récemment les neurosciences s’y sont à leur tour intéressées. 

On ne connaît pas les raisons qui font qu’un enfant ait une dysphasie. Celle-ci est un trouble dont l’origine reste incertaine. Il y aurait plusieurs causes qui se combinent. Actuellement deux hypothèses sont évoquées, soit une cause génétique, soit une cause neurobiologique (fonctionnement cérébral).

Il y a plusieurs formes de dysphasies, puisque tant la compréhension que l’expression ainsi que tous les niveaux linguistiques (enchainement des sons, lexique, syntaxe, discours) peuvent être touchés à des degrés divers. On devrait donc parler des dysphasies.

En général, on parle de deux grandes catégories de dysphasies :

  • Les dysphasies réceptives, ou par « agnosie verbale » : l’enfant ne reconnaît pas les sons du langage, ne parle pas ou peu, a un vocabulaire pauvre, se replie sur soi par peur de communiquer, etc. ;
  • les dysphasies expressives (discours incompréhensible, difficultés à trouver ses mot, discours inadapté au contexte, difficultés dans l’apprentissage de l’écrit, troubles de la compréhension des langages écrit ou oral, etc.

A celles-ci, on peut ajouter les dysphasies mixtes qui sont à la fois des dysfonctionnements de l’expression et de la réception du langage.

On a vu qu’à l’école, cela représente un élève sur cent. Les conséquences sont importantes sur l’adaptation sociale et affective de l’enfant et sur la qualité de ses apprentissages scolaires. A l’âge adulte, c’est au niveau de l’insertion professionnelle que la dysphasie mettra le travailleur en situation de handicap.

Pourtant ce sont des enfants intelligents, curieux, gentils et calmes. S’ils perdent parfois leur sang-froid, c’est dû à la frustration de ne pas être compris. Ils ont le désir de communiquer mais n’y arrivent pas. Cela n’empêche pas qu’ils puissent avoir une vraie motivation d’apprendre, surtout les tâches qui ne requièrent pas le langage. Enfin, ils ont un sens de l’observation pointu.

Malheureusement pour lui, l’enfant avec une dysphasie voit souvent sa pathologie accompagnée par d’autres troubles qui handicapent sa scolarité comme la dyslexie et tous les troubles de la lecture, la dysorthographie, une difficulté à se repérer dans l’espace et dans le temps (dysphasie visuo-spatiale), un trouble de l’abstraction, voire problèmes de comportement en rapport avec ses troubles de la compréhension et d’adaptation à une situation nouvelle.

2.    Comment peut-on reconnaître une dysphasie chez un élève ?

Les enseignants et les accompagnants ne peuvent qu’élaborer des suppositions face aux difficultés langagières d’un élève. Le diagnostic doit être réalisé par une équipe de professionnels et ne peut être clairement posé qu’à partir de 5 ans.

En cas de signaux d’alerte avant cet âge, les enseignants de maternelle peuvent suggérer aux parents de consulter leur médecin traitant, suite aux constations qu’ils ont faites. Ce dernier orientera logiquement les parents vers un centre spécialisé. Il doit être établi par une équipe pluridisciplinaire (neuropédiatre ou pédopsychiatre, psychologue, orthophoniste, psychomotricien, …) qui établiront chacun un bilan. L’orthophoniste va analyser et évaluer la communication de l’enfant aussi bien au niveau de la qualité que de la quantité. D’autres tests sont également effectués afin d’écarter tout autre pathologie (neurologique, psychologique ou sensorielle) ainsi qu’un bilan psychométrique[5]. Ensuite une rééducation sera proposée. Il s’agit d’une rééducation orthophonique qui a pour objectif de permettre à l’enfant de vivre avec son handicap et de pouvoir suivre une scolarité plus apaisée, en fonction de la sévérité de sa dysphasie. Cette rééducation sera intensive et sur le long terme.

3.   Signes qui doivent alerter

Il y a des signes qui doivent alerter les intervenants scolaires et extrascolaires.  Au plus tôt les troubles sont dépistés, au plus tôt pourra commencer la prise en charge du jeune patient. Il est donc important de ne pas banaliser les signes qui peuvent faire penser à un retard de langage chez le petit enfant et de consulter.

3.1.1.    Chez le nourrisson

  • Il est silencieux (pas ou peu de babillements) ;
  • Il ne réagit pas à la voix et aux bruits ;
  • Les sons qu’il émet ne sont pas mélodieux ;

3.1.2.    Avant 3 ans

Une dysphasie ne se détecte pas en fonction du langage mais par rapport en fonction des facultés qu’a l’enfant de communiquer.

  • Il ne semble pas comprendre ce qu’on lui dit ou comprend mieux lorsqu’on lui fait des gestes ;
  • Il a le regard évitant (peu d’intérêt pour les autres) et est passif ;
  • Il répète systématiquement tout ce qu’on lui dit (écholalie) ;
  • Il est mutique (ne parle pas ou très peu) et communique par gestes ;
  • Il utilise un langage pauvre, uniquement des mots et non des phrases complètes (faim, soif, banane, …) ;
  • Il pose peu ou ne pose pas de questions ;
  • Il a des difficultés à se rappeler des comptines, des chansons, malgré une mémoire efficace (troubles mnésiques) ;
  • Il comprend bien, mais on ne le comprend pas ou on le comprend mal, ses phrases ne sont pas distinctes (il n’est compris que de son entourage) ;

3.1.3.    Après 3 ans

Les symptômes s’aggravent. Les parents qui mettaient le retard de langage sur un retard de développement peuvent maintenant difficilement les ignorer.

  • Le langage reste pauvre. Il s’exprime mal, voire pas du tout. Ses phrases sont courtes et mal structurées ;
  • Il ne comprend toujours pas ce qu’on lui demande, les consignes qu’on lui explique, fussent-elles simples ;
  • Son vocabulaire est très restreint, il utilise de courtes phrases mal construites avec peu de verbes et de pronoms ;
  • A l’école maternelle, il n’est pas attiré par le travail de la conscience phonologique (comptines, jeux de vire-langues, …) et a des difficultés à exprimer les notions d’espace et de temps ;

3.1.4.    A l’entrée à l’école primaire (première année ou CP),

Les symptômes sont plus difficiles à déceler. C’est surtout leurs impacts sur la vie sociale et scolaire de l’enfant qui sont perçus. Il y a une grande différence entre ses compétences intellectuelles et son expression orale.

  • Il a du mal à utiliser les pronoms personnels à bon escient ;
  • Il a du mal à parler distinctement et se révèle incapable de séparer les syllabes (conscience phonémique défaillante) ;
  • Il a du mal à utiliser des termes qui semblent plutôt génériques (ex : « insecte » est le terme générique de « papillon », « abeille », « mouche », « moustique », « sauterelle », … ;
  • Il prononce des phrases qui semblent incohérentes, avec des verbes non conjugués, des mots placés là aux mauvais endroits (ex : « veux manger pas »), etc.
  • Il confond les mots phonétiquement proches  (ex : loi, noix, roi, bois, soie, poids, …);
  • Il n’utilise que rarement les connecteurs logiques (car, comme, malgré, afin que, donc, d’abord, en deuxième lieu, puis, enfin …) ;

En cas de doute, en parler avec les parents et le CPMS[6] en Belgique, ou le RASED[7] en France

4.   Comment aider l’enfant à l’école et dans l’accueil extrascolaire ?

Il faut rapidement mettre des aménagements en place. D’abord, en veillant à comprendre ce qu’est la dysphasie. Celle-ci ne résulte pas d’un problème psychologique, physique ou intellectuel, pas plus que comportemental. Il s’agit d’un handicap et l’enfant n’est pour rien dans les difficultés qu’il présente au quotidien. Il ne faut en aucune manière le dévaloriser en lui rappelant ses difficultés, mais au contraire constamment l’encourager et le valoriser aux yeux de ses pairs.

L’enfant avec une dysphasie éprouve non seulement des difficultés à s’exprimer, mais il peut avoir également du mal à comprendre ce qu’on lui explique ou qu’on lui demande de vive voix. Il est donc indispensable d’adapter les méthodes pédagogiques à son trouble (et aux autres troubles présents dans la classe telles les dyslexies, dysorthographies, dyscalculies, dyspraxies, troubles de l’attention, du comportement, etc.) et donc de viser à devenir une classe (et une école) pleinement inclusive.

Une école inclusive met tout en place pour être un environnement propice aux apprentissages pour tous les élèves à besoins spécifiques. Un enfant avec un « dys » n’aime fort logiquement pas l’école. Il faut donc que la classe et l’école soient des environnements non stressants et qu’elles soient le seul lieu des apprentissages scolaires. Il y a donc lieu de bannir autant que faire se peut leçons et devoirs à faire à la maison.

Avoir des élèves avec des « dys » dans sa classe est une véritable chance. Cela donne du sens au métier d’un enseignant et cela lui permet de mettre en place des pratiques pédagogiques auxquelles il n’aurait jamais pensé (qui ne sont pas dans la culture de l’établissement scolaire) et qui vont lui être d’une aide certaine pour transmettre les savoirs à tous les élèves, même ceux qui n’ont pas de troubles spécifiques des apprentissages mais qui ont besoin de plus d’explications, de plus de temps, de plus d’aides. Les aménagements raisonnables doivent être introduits dans le but de devenir structurels et bénéficier à tous, quelles que soient leurs difficultés et leurs facilités. Ainsi, progressivement d’année en année, la classe (ou l’école) devient inclusive, et prête à accueillir de nouveaux élèves avec leurs spécificités.

Les collègues de l’école doivent connaître l’enfant, ses difficultés et la manière de l’aborder (professeurs de gymnastique, de cours confessionnels, de langue, de citoyenneté, ou autres). Ils doivent connaître et respecter les aménagements mis en place pour cet enfant. En cas de remplacement, un dossier reprenant toutes les informations le concernant, ainsi que la manière de l’aborder et de le soutenir dans ses apprentissages et la liste des aménagements raisonnables mis en place doit être à disposition du remplaçant. Un enfant avec une dysphasie est déstabilisé face à une situation nouvelle. Il y a  donc lieu de le rassurer au mieux. Il en va de même lors de changements de classes, avec le nouvel enseignant. L’idéal est de garder sa classe au moins deux ans d’affilée (que ce soit en primaire ou en secondaire), afin de minimiser le nombre d’enseignants et de pratiques différentes auxquels l’enfant sera confronté dans sa scolarité.

Il est également important de collaborer étroitement avec les parents et les intervenants qui pratiquent la rééducation afin de les informer des progrès réalisés, mais également d’obtenir des conseils de personnes compétentes en matière de dysphasie. La question de l’usage de l’informatique est à poser en fonction des difficultés de l’enfant.

Enfin, il est important de collaborer avec les autres élèves de la classe en expliquant clairement et régulièrement ce qu’est la dysphasie et les conséquences qu’elle a sur les apprentissages. Ils seront ses partenaires durant sa scolarité (amis, tuteurs, …). Il est important de veiller à ce que l’enfant avec une dysphasie soit parfaitement intégré et ne subisse ni moquerie, ni stigmatisation qui ne pourraient que le détruire plus encore.

5.    Pour conclure

Quel que soit le trouble des apprentissages, il n’y a pas de remédiation « miracle ». On ne guérit pas d’un trouble DYS, mais on peut apprendre à développer des techniques de compensation qui deviendront parfois une seconde nature.

Au plus les aides sont adaptées, au mieux elles vont aider à compenser les fonctions déficientes et à améliorer les apprentissages. C’est ainsi que le jeune pourra développer tout son potentiel et ne plus (trop) se trouver en situation de handicap en classe.

Annexe

Aménagements dits « raisonnables »

Cette liste est loin d’être exhaustive et doit être analysée avec les spécialistes qui effectuent la rééducation de l’enfant.  Elle résulte de la pratique de parents qui ont demandé la mise en place d’aménagements « raisonnables » dans les classes de leurs enfants, ainsi que de professionnels suivant les enfants. 

1.    De manière générale

  • L’enfant doit avoir confiance en vous et être heureux d’être dans votre classe. Cela implique de ne pas le juger (mais le féliciter et minimiser ou limiter les échecs) et d’établir un cadre bienveillant, ne pas le placer dans des situations dévalorisantes ;
  • Un enfant avec une dysphasie ne comprend pas l’humour ;
  • Il faut accepter sa lenteur et ses difficultés, reformuler à l’oral chaque consigne et s’assurer qu’il a compris ;
  • Il faut placer l’enfant en situation de réussite, l’évaluer formativement (sans notes) et positivement (ne pas barrer les erreurs mais mettre un P aux bonnes réponses, lui permettre de se corriger), en évitant toute compétition entre élèves, alléger les questions, lui donner plus de temps, limiter les productions écrites et accepter un style télégraphique ;
  • Affichez l’horaire de la journée et prévenez les enfants de tout changement d’activité et permettez-leur de prendre une petite pause, utilisez le programme avec des pictogrammes, des couleurs, des formes ;
  • Donner un modèle de procédures pour les apprentissages que l’enfant suivra tout au long de l’année ;
  • Fixer un objectif à la fois ;
  • L’encourager à demander quand il n’a pas compris ;
  • Alléger les tâches à faire en fonction des l’énergie supplémentaire qu’il doit dépenser par rapport à ses camarades, mais être exigeant sur le résultat ;
  • Evitez les tâches secondaires ou prenez-les en charge (avec tutorat, par exemple) : copie, découpages, … ;
  • L’aider à prendre les bons outils scolaires et veiller à ce que chaque cahier ou livre soit recouvert d’une couleur différente ;
  • Utiliser un cahier de communication avec des bandes velcro pour les pictogrammes, utiliser des couleurs pour les matières à revoir ;
  • Apprenez-lui à se repérer sur un calendrier (donnez-lui la « charge » de barrer progressivement les jours de l’année, par exemple), à lire l’heure, puis les minutes, … ;
  • Utilisez un « vision timer » (une horloge de compte à rebours) pour qu’il sache le temps qui reste) ;
  • Faites-lui régulièrement réciter les jours de la semaine, les mois de l’année. Ecrire la date au tableau chaque jour, toujours au même endroit ;
  • Ne le changez pas de place (ou alors avec son accord) car cela peut le perturber (dysphasie visuo-spatiale) ;
  • Utilisez des codes couleurs ou une numérotation de manière à structurer l’écrit ;
  • Faire du lien entre les apprentissages, rappeler succinctement les connaissances déjà acquises précédemment qui sont en lien avec le nouvel apprentissage ;
  • Utiliser les arts plastiques et favoriser l’expression de ses émotions par des thèmes libres. La difficulté à s’exprimer amène des frustrations, voire de la colère. Les arts visuel, manuel, ou corporel peuvent constituer une soupape binefaisante.

2.    Lorsque vous vous exprimez

  • De quelqu’endroit de la classe vous vous trouvez, assurez-vous toujours qu’il vous regarde quand vous parlez. N’hésitez jamais à manipuler des objets, à faire des gestes, à mimer, à montrer des photos, des schémas, à écrire au tableau, utilisez des synonymes, des pictogrammes (Bliss[8], Pecs[9], Grach[10], …), etc. Cela l’aidera mais cela aidera également d’autres élèves ;
  • Encourager les habiletés d’écoute (ne pas jouer avec ses outils, s’asseoir confortablement, regarder l’adulte, …) ;
  • Contrôlez le niveau sonore de la classe (évitez les sources de distractions, objets sur le bureau pouvant servir de jouets,) et placez l’enfant avec une dysphasie à côté d’enfants calmes, capables de le stimuler, loin des fenêtres et de la porte qui sont des éléments distrayants ;
  • Parlez lentement et distinctement en essayant d‘articuler au mieux. Insistez sur ce qui est important. Reformulez de manière à ce qu’il puisse comprendre encore mieux ;
  • Utilisez des phrases simples avec des mots courants et ne donnez jamais plus d’une consigne à la fois et laissez le temps à l’enfant pour intégrer la consigne, utilisez le même style de consignes ;
  • Ne pas utiliser de mots isolés, plus difficiles à comprendre que placés dans des phrases ;
  • En cas de consignes complexes, les décomposer et les expliquer progressivement durant l’apprentissage ;
  • Uniquement s’il le peut, demandez à l’enfant d’expliquer dans ses mots à lui le message que vous avez voulu faire passer. Cependant, l’enfant avec une dysphasie aura toujours du mal à s’exprimer et ce n’est à faire que s’il en a la capacité ;
  • Vous renseigner sur les moyens utilisés par les parents et l’orthophoniste pour communiquer (langue des signes, Makaton[11], pictogramme, méthode Borel-Maisonny, lecture labiale, …) afin d’utiliser une méthode connue de l’enfant ;
  • Ne pas tout lui mâcher. Il doit pouvoir progressivement, en grandissant, penser par lui-même, se souvenir des procédures apprises, … ;

3.    Lorsque l’enfant doit s’exprimer

  • Susciter des situations où l’enfant aura envie ou besoin de s’exprimer (faire semblant d’oublier de lui donner une feuille, à dire merci, …) ;
  • Les enfants avec une dysphasie ont un stock lexical faible. Il faut accepter la méconnaissance du mot et lui apprendre le terme exact, sans le forcer à répéter (sauf s’il est volontaire) ;
  • L’aider à trouver ses mots en lui donnant des indices ou en amorçant les phrases. L’inciter à décrire le mot qu’il cherche, dire à quoi il sert ou ce qu’il représente à donner sa définition ;
  • Reformuler ses réponses avec bienveillance ;    
  • Si cela lui permet de mieux se faire comprendre, favoriser la communication gestuelle, les mimiques, … ;
  • L’inciter à décrire le mot qu’il cherche avec ses mots (à quoi ça sert, qu’est-ce que cela représente ? …). Ne pas le forcer à répéter le mot une fois trouvé ou donné ;
  • Privilégier le sens du contenu plutôt que la forme et laisser la parole spontanée et naturelle ;
  • Laisser aller l’enfant au bout de son propos sans l’interrompre afin de ne pas perturber sa pensée ;
  • Prévenir ses parents des prochains apprentissages afin qu’ils puissent faire des recherches avec lui à la maison ;
  • L’inciter progressivement à s’exprimer par des choses simples : dire bonjour/au-revoir, appeler par le prénom ou le titre (madame, monsieur, …), donner des réponses de plus en plus élaborées, refuser poliment, etc. ;

4.    Lorsque l’enfant doit lire

  • Chaque fois que c’est possible, quand on l’interroge sur sa lecture, permettre à l’enfant de passer par le langage écrit ;
  • Si la lecture à haute voix devant la classe le gène, accepter la lecture à voix basse ;
  • Alterner la lecture avec l’enfant, chacun une phrase à tour de rôle ;
  • Expliquer le vocabulaire incompris et les expressions figurées (découvrir le pot aux roses, se jeter dans la gueule du loup, tomber dans les pommes, …)  ;
  • Relire le texte ensuite, afin qu’il ait un modèle correct ;
  • Répartir sur la journée la lecture par périodes courtes de 15 minutes maximum ;
  • Utiliser des couleurs ou des pictogrammes pour montrer le sens de la lecture, de gauche à droite (par exemple, feu vert à gauche et feu rouge à droite) ;
  • Laisser l’enfant choisir le thème des textes à lire. Il faut que ces thèmes lui soient connus. Lui fournir les textes à l’avance ; 
  • Privilégier un vocabulaire simple et connu de l’enfant, qui lui sera utile. Exercer régulièrement l’enfant à les lire. Augmenter progressivement le stock de mots ;
  • La poésie n’est pas évidente pour l’enfant. Il n’en comprend pas le sens et les tournures de phrases. Il faut donc la lui expliquer et, s’il en a la capacité, la lui faire apprendre une strophe à la fois. En tous cas, le sensibiliser à cet art et lui faire comprendre ce que sont des rimes ;
  • Utiliser une police d’écriture et une taille qui sont faciles à lire (voir le dossier sur la dyslexie) avec un interligne de 1,5 ;

5.    Lorsque l’enfant doit écrire

  • Ne pas différencier apprentissage de la lecture et de l’écriture qui doivent être simultanés ;
  • Proposer des textes à trous, questions à choix multiples, code couleurs (lui permettre de surligner les réponses et les questions dans deux couleurs différentes) ;
  • Limiter les dictées et privilégier les textes à trous. Complexifier progressivement la difficulté des phrases et des consignes ;
  • Utiliser des étiquettes de mots afin de pouvoir les classer en fonction de leur catégorie grammaticale (noms, verbes, adjectifs, articles, etc.). Prévoir des sous-catégories : noms propres et communs, de choses, d’animaux, de personnes, …) ;
  • Lui apprendre à structurer ses prises de notes ;
  • Limiter les lignes de copies et lui donner du temps ;
  • Lui conseiller de commencer par ce qui est le plus facile pour lui ;
  • En cas de longue copie, écrire dans son cahier à la place de l’enfant ;
  • Lui permettre d’écrire sur des feuilles à lignes largement espacées (au besoin en photocopier) ;
  • Lui fournir un cours photocopié, afin qu’il ne doive pas le recopier ;
  • Lui apprendre des stratégies de relecture en fonction de l’apprentissage (vérifier les terminaisons en conjugaison, les marques du pluriel, est-ce que tous les « blancs » sont complétés, …) ;   
  • Valoriser la créativité de ses rédactions plutôt que la forme ;

6.    Lorsque l’enfant doit mémoriser

  • Créer pour et, si possible, avec l’enfant des aide-mémoire très visuels, avec des couleurs, des schémas, des tableaux (abaques, conjugaisons, …), des listes thématiques  (vocabulaire, tables de multiplication, …) ;
  • Distribuer des photocopies claires et aérées, avec les codes couleurs utilisés en classe et des schémas qu’il connaît. Surligner les essentiels qu’il doit appendre (éviter la surcharge visuelle) ;

7.    Lorsqu’il fait d’autres apprentissages

7.1. En mathématique

  • La classification pose régulièrement des problèmes (ranger selon des formes, des poids, des tailles, des couleurs, …) ;
  • Choisir un code couleurs pour les abaques (une couleur par colonne), faire des paquets ;
  • Choisir des exercices ludiques pour les apprentissages qui le permettent (mesures, comptages, …) ;
  • La lecture des énoncés et le langage utilisé sont complexes pour lui. Il est donc nécessaire de simplifier le vocabulaire et d’expliquer les mots spécifiques à la mathématique (additionner, ôter, tous, …) tout en s’assurant qu’il a bien compris les notions ;
  • Toujours tenir compte de ses difficultés de langage. Ne pas lui demander de répondre par des phrases complètes mais se contenter de voir s’il a compris ;
  • Les tables de multiplications ne doivent pas être apprise par cœur. Lui donner une feuille les reprenant ;
  • Décomposez les informations lorsqu’il y en a plusieurs dans une phrase (utilisez des couleurs) ;
  • Il faut permettre à l’enfant de procéder par étapes tout en veillant à ce qu’il arrive chaque fois au bon résultat ;
  • Il doit pourvoir compter sur ses doigts et /ou utiliser la calculatrice ;
  • Lors de problèmes, les illustrer, faire des schémas pour permettre à l’enfant de comprendre mieux et organiser les étapes de la résolution ;
  • … ;

7.2. En histoire et géographie

  • Ne pas lui faire retenir de dates mais utiliser une frise historique (changer de couleur par période, ou par siècle) ;
  • Il en va de même pour les noms (de pays, de départements, de capitales, …). Confectionner pour lui des fiches qui seront ses aide-mémoire ;


[1] Etat d’AME numéro 21 «troubles spécifiques des apprentissages  http://ameds.free.fr

[2] Incapacité ou difficulté à utiliser correctement la syntaxe du langage. La dyssyntaxie se caractérise par des anomalies dans la construction de la phrase que l’on ne peut réduire à un défaut d’organisation syntaxique. Le sujet se trompe de syntaxe ou utilise les marques syntaxiques à la mauvaise place. http://definitions-de-psychologie.psyblogs.net/2017/

[3]  Manque de la capacité à construire correctement des phrases en utilisant les règles de grammaire ou les marques syntaxiques, ibid.

[4] Léa ESCOFFIER, 2017, La dysphasie, présentation d’un trouble peu connu, Faculté ALLSHS d’Aix-en-Provence

[5] Afin d’évaluer le fonctionnement intellectuel et le profil cognitif de l’enfant.

[6] Centre Psycho Médico Social

[7] Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté

[8] https://www.isaac-fr.org/outils/bliss/

[9] https://www.autismaide35.com/pictogrammes

[10] http://rnt.eklablog.com/pictos-grach-a108891218

[11] Le programme Makaton a été mis au point par Margaret Walker, orthophoniste britannique, pour répondre aux besoins d’un public d’enfants et d’adultes souffrant de troubles d’apprentissage et de la communication. Elle propose  une solution aux troubles du langage par la parole, les signes et les pictogrammes. https://www.makaton.fr/

L’école n’est pas faite pour les enfants ayant un handicap invisible

L’école n’est pas faite pour les enfants ayant un handicap invisible

L’école n’est pas faite pour les enfants de manière générale, et spécialement pour les enfants ayant un handicap invisible

Introduction

L’école inclusive a pour mission d’accueillir tous les élèves, quelles que soient leurs différences. Mais on peut très bien accueillir des élèves avec une différence significative sans s’en rendre compte. Lors de nos colloques des personnes de l’associatif (écoles de devoirs et associations en lien avec un handicap) nous interpellent régulièrement : « Il faudrait parler beaucoup plus des handicaps invisibles ». En effet, des élèves porteurs de handicaps ne sont pas pris en charge correctement dans nos écoles – ni au sein de l’extrascolaire – parce que les accueillants et enseignants ignorent tout simplement le.s handicap.s qu’ont certains enfants. Ces derniers, souvent, ne veulent pas en parler, par crainte de stigmatisation ou d’incompréhension.

Il faut savoir que 80 % des handicaps sont invisibles. La plupart arrivent au cours de la vie et ne sont pas toujours apparents. De ce fait, ils peuvent être mal compris. Les enseignants, ignorant les problèmes que cela pose aux élèves, se méprennent sur les capacités ou la volonté de l’élève et les risques d’échec sont fortement multipliés.  

Tous les enseignants n’ont pas fait une année d’orthopédagogie et il y a peu de chances pour qu’ils le fassent un jour. Il s’agit donc, non pas de les former aux handicaps invisibles, mais de leur donner l’information nécessaire à l’accueil et l’intégration des élèves à besoins spécifiques qu’ils ont en classe : maladies chroniques ou graves, handicaps, difficultés spécifiques d’apprentissage.

Le handicap invisible concerne-t-il beaucoup d’enfants ?

Il s’agit d’un problème important car, de ce fait, certains handicaps invisibles sont simplement niés. Des professeurs ne pensent pas à mettre en place des aménagements raisonnables. La déficience intellectuelle, les troubles comportementaux, les problèmes psychologiques ou psychiatriques, certains « dys » risquent d’être considérés, soit comme de la fainéantise, soit comme un défaut d’éducation. Les exemples ne manquent pas. Nous en recevons très régulièrement d’associations avec qui nous travaillons épisodiquement :

  • L’élève dyspraxique est un « cochon » qui ne sait pas (ou ne veut pas) écrire proprement ;
  • L’élève dyslexique risque de voir ses dictées ou rédactions commentées à haute voix devant toute la classe et ses points annoncés tout haut ;
  • L’enfant hyperactif est mal élevé et a des parents démissionnaires ;
  • L’élève ayant une déficience intellectuelle est « bête à bouffer du foin » ;
  • L’étudiante anorexique est responsable de son état car elle pourrait manger comme tout le monde ;
  • L’enfant phobique est un comédien ;
  • L’enfant avec un autisme (non détecté) est responsable s’il est rejeté par tout le monde, parce qu’ « il n’a qu’à faire comme tout le monde » ;

Il est évident que l’idée même que ces jeunes pourraient être en situation de handicap ne nous vient pas à naturellement à l’esprit. Il faut une solide formation ou une solide expérience pour pouvoir repérer ce que les principaux intéressés préfèrent taire, au risque de se voir stigmatisés. Et ce n’est pas avec trois journées annuelles de « conférences pédagogiques » qu’on va les sensibiliser à cela. D’autant plus qu’il n’y a pas que les enseignants qui pensent ainsi. Les directions d’écoles ne sont pas mieux formées et les CPMS ne sont pas d’un grand secours si personne ne les en informe ou ne demande leur aide. Ces élèves sont alors considérés comme autant d’éléments « perturbateurs » avec les conséquences que cela engendre.

Et c’est aussi valable pour d’autres différences, comme la précarité, le fait d’être né dans un milieu populaire, parlant une autre langue à la maison, d’être LGBTQI+, d’être gros·se, etc…

Comme s’y mettre ?

Commençons par adapter des locaux (et des écoles) afin de les rendre inclusifs

Si des efforts ont été faits pour rendre des classes et des bâtiments accessibles, il y a encore du travail pour permettre à tou·te·s les élèves d’y être en sécurité. Certains enfants malades ne sont pas pris en considération. Pensons spécifiquement aux enfants allergiques, asthmatiques ou ayant une mucoviscidose. S’il existe des craies sans poussière, toutes les écoles ne les utilisent pas. Il y a souvent des coins avec des tapis rarement aspirés, des tentures qui prennent la poussière et ne sont pour ainsi dire jamais lavées, des odeurs dangereuses pour la santé (feutres pour tableaux blancs contenant du toluène ou du xylène, hautement toxiques et très odorants), le nettoyage des classes se fait avec des produits industriels toxiques qui perdurent pendant plusieurs jours… jusqu’au nettoyage suivant.

Au niveau bruit, là encore il y a des choses à améliorer. Certains de ces bruits sont internes à la classe et sont réverbérés par les plafonds et murs. Côté fenêtre, il y a souvent une cour de récréation avec les bruits qui vont avec (récréation des autres sections, cours de gymnastique, …). Cela perturbe les enfants avec un TDA, hyperactifs, malentendants, stressés, ayant une déficience intellectuelle, qui ont besoin de calme, etc. Idem pour les réfectoires dont le nombre de décibels rivalise avec celui d’un avion au décollage, les salles de gymnastique qui réverbèrent les cris des jeunes sportifs. Si certains professeurs d’éducation physique se mettent des bouchons d’oreilles, ce n’est pas le cas des enfants.

Le casque anti-bruits peut être un emplâtre, mais difficile à porter en sport. Il faut surtout ne plus se contenter d’une jambe de bois. Cela nécessitera des investissements qui doivent être programmés sur quelques années.

Les cours de récréation doivent être apaisées. Trop souvent, elles sont monopolisées par les « footballeurs », ne laissant que les côtés aux autres élèves (qui doivent quand même essayer d’éviter les ballons dans la figure). Certains de ceux-ci n’y trouvent pas leur place à cause d’un handicap invisible. Ils auraient besoin de calme, d’endroits où pouvoir s’asseoir, s’isoler, jouer calmement, simplement parler, … Des initiatives ont vu le jour pour « dégenrer » les cours de récréation. C’est à encourager. Même si l’idée de départ est de permettre aux filles et aux garçons de profiter de l’intégralité de l’espace, cela bénéficiera inévitablement aussi aux enfants à besoins spécifiques. 

La pédagogie universelle (sans dire le mot)

Les profs n’aiment pas qu’on leur fasse la leçon et nombre d’entre eux attrapent des boutons quand ils entendent le mot « pédagogie ». Autant ne pas (trop) leur en parler. Ils pensent tous que ce qu’ils font est très bien et ceux qui les bassinent avec Freinet, Montessori ou les pédagogies coopératives (ne parlons même pas de l’Universelle) ne sont que des « pédagogistes ». Il vaut donc mieux ne pas les prendre de face, mais par la bande. On pourra parler de pédagogie quand ils seront dans la dynamique. En fait, elle sera incontournable. Une pédagogie active est un doit de l’élève.

Peu d’écoles ou de classes sont inclusives. Le message à faire passer est que ce n’est pas très compliqué de le devenir et que c’est bénéfique pour tout le monde, enseignant compris. Le monde ne s’étant pas fait en un jour, il faut encourager les classes et les écoles à le devenir progressivement en prenant appui sur les aménagements raisonnables qui sont obligatoires et en les rendant universels[1].

Chaque année, dans toutes les classes, il y a des élèves à besoins spécifiques. Si certains « dys » reviennent fréquemment, au fil des ans de nouvelles difficultés spécifiques des apprentissages se présentent.

L’idée est de pérenniser chaque aménagement raisonnable, tout en en faisant bénéficier tous les élèves. Donc en les rendant u-ni-ver-sels. La première année, il n’y aura que quelques aménagements à mettre en place, tout en sachant qu’ils profiteront aussi aux élèves des années suivantes, car ils doivent devenir structurels. L’année suivante, il suffira d’en ajouter quelques-uns en fonction des élèves présents. Et ainsi de suite, d’année en année jusqu’à ce que la classe et/ou l’école soient enfin sur le chemin de l’inclusion. Nous disons « sur le chemin », car l’inclusion n’est jamais terminée.

Cela a l’avantage de permettre aux enseignants à se former progressivement, en fonction des spécificités de leurs élèves du moment. De même, ils ne se sentiront pas surchargés par de nouvelles pratiques à acquérir. Enfin, ils pourront se rendre compte progressivement de l’intérêt de devenir inclusifs, tant sur le plan des apprentissages, que sur le fait que cela va faciliter leur métier et non le surcharger. Ils seront moins confrontés à l’échec.

Concrètement, comment peut-on devenir inclusif ?

LePacte pour un enseignement d’excellence pousse les écoles à devenir inclusives. Si toutes les écoles n’ont pas repris cet item dans leurs plans de pilotage. Elles peuvent toujours le rajouter. Les DCO (Délégués aux Contrats d’Objectifs) et les DZ (Directeurs/trices de zone) devraient avoir pour mission de pousser toutes les écoles à aller dans ce sens.

Les Pôles territoriaux sont un nouvel outil qui doit permettre aux écoles de devenir plus inclusives. Si, pour le moment, ils sont dans une phase transitoire, ils sont cependant opérationnels. Etant encore peu connus, ils sont trop peu sollicités. Raison de plus pour en profiter et faire appel à l’expertise de ces professionnels de l’inclusion pour qu’ils viennent conseiller les enseignants dans une école qui décide de devenir plus inclusive.

  1. Informer les enseignants, en prenant exemple sur le Livre Blanc[2]. Prévoir des brochures explicatives d’une pathologie, d’un handicap, d’un trouble spécifique des apprentissages, mais aussi de situations de vie difficiles à vivre pour les élèves (perte d’un proche, pauvreté, comment communiquer avec un parent illettré, sur la fracture numérique, élève maltraité, LGBTQI+, …)
    1. Expliquer de quoi il s’agit ;
    1. Quelles sont les conséquences sur la vie de l’élève ;
    1. Quelles sont les conséquences sur la scolarité de l’élève ;
    1. Que mettre en place (liste non exhaustive d’aménagements raisonnables) et avec qui (professionnel·le qui aide l’enfant ou la famille et qui doit participer à la réflexion sur les aménagements raisonnables nécessaires) ;
    1. Comment sensibiliser les pairs à la situation de handicap de leur camarade (outils existants, sites Internet) ;
    1. Une liste d’associations/structures de référence ou qui peuvent venir en aide ;
    1. Des témoignages d’enfants, de familles, d’enseignants, montrant que c’est possible et que cela marche.
  • Encourager à l’adaptation des bâtiments et cours de récréation à l’accueil de toutes les différences physiques et intellectuelles. Prévoir des lieux de repos et d’isolement si un·e élève en éprouve le besoin. Avoir des toilettes toujours propres (!!!) et accessibles, des éviers dans toutes les classes, des fontaines d’eau dans la cour, des bancs, des espaces de jeux calmes, …
  • Adapter les règlements d’ordre intérieur à l’aspect inclusif de l’école. Autoriser, par exemple, d’aller aux toilettes en fonction des besoins, à boire et manger même pendant les cours, à s’habiller en fonction de ses envies mais également de ses besoins, la possibilité de rester en classe aux récréations, prévoir qu’un·e élève pourrait arriver en retard en raison de son handicap invisible sans qu’iel soit sanctionné·e mais reçoive de l’aide pour rattraper son retard ou se mettre en ordre, …
  • Prendre connaissance du Mémorandum pour une Ecole inclusive[3] et en appliquer ce qui relève des missions et compétences de l’école.

C’est le premier pas qui coûte.

Se lancer dans une classe ou dans une école inclusive, c’est un changement de paradygme. C’est se rendre compte d’abord que tous les élèves sont différents, mais aussi qu’ils sont tous capables. Qu’il n’y a pas d’élèves qui ont l’intelligence de la main quand d’autres auraient celle du cerveau ou seraient doués pour les arts. C’est le postulat d’éducabilité[4]. Si on n’est pas convaincu de cela, alors il vaut mieux ne pas s’y mettre et rester dans ses croyances moyenâgeuses. Au moins les familles sauront à quoi s’attendre. A peu de choses, en somme.

Par contre, si on postule que c’est exact, que tout élève est bel et bien capable d’apprendre les matières enseignées par l’école, alors on peut commencer. Les aménagements raisonnables que l’on rend universels nous y aideront. Commençons par supprimer le superflu :  les devoirs et les examens (et autres interros). Les devoirs d’abord parce qu’il a été démontré par la recherche qu’ils sont au mieux inefficaces (ils ne font pas progresser les élèves), au pire contre-productifs (ils bouffent le temps libre aux élèves et leur retire ce droit élémentaire, déchirent les relations familiales et prennent du temps à l’enseignant qui doit les corriger et ne peut pas être disponible pour les élèves qui ont besoin d’aide).

Ensuite, les examens car eux, bouffent le temps d’enseignement auxquels ont droit les élèves. Cela peut aller jusqu’à 40 % de l’ensemble de l’année scolaire en primaire et jusque 60 % du temps en secondaire). Ensuite, il est impossible d’évaluer avec des points[5].

On a ainsi gagné du temps pour évaluer formativement (Article 15 du Décret Missions, 1997) et pour mettre des aménagements raisonnables à disposition de tous, dont le tutorat est, bien évidemment, la pierre angulaire. Cela soulage énormément les enseignants et est un bénéfice énorme pour ceux qui ont besoin d’un complément d’explications. On intègre alors des élèves avec des handicaps plus lourds, comme les déficiences intellectuelles, les élèves mutiques ou avec comportement difficile. Ce n’est plus un enseignant qui intègre, mais une classe d’enseignants. Et on adapte les apprentissages à ces élèves qui ne savent pas apprendre la même chose que les autres, mais qui savent apprendre quand même. Et bien plus qu’on ne pensait au départ.

La pédagogie se met alors lentement en place, selon le choix de l’école (Conception Universelle des Apprentissages, Pédagogie Freinet, Montessori, Pédagogie de la Coopération, Pédagogie par Projets, … etc.) et le niveau de connaissance de tous les élèves augmente, tout comme leur soif d’apprendre. Ils deviennent solidaires, donc citoyens. Savent vivre avec toutes les différences. Et une fois adultes, ils n’auront qu’un désir, celui de rendre la société plus juste. Et l’école aura, enfin, rempli sa mission.


 

[2] https://www.liguedroitsenfant.be/621/livre-blanc/

[3] Parution prévue le 2 décembre 2022. Note complétée 07/12/22 : https://www.liguedroitsenfant.be/7954/memorandum-pour-une-ecole-inclusive-4/

[4] https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[5] Lire : https://www.liguedroitsenfant.be/2838/etude-les-notes-a-lecole/

Ecole : Les Filles et garçons ont-elles/ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Ecole : Les Filles et garçons ont-elles/ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Nos enfants auront-ils les mêmes chances que les autres dans la vie ? Cette question nous est souvent posée par des familles qui nous téléphonent pour leur venir en aide et/ou les conseiller face aux décisions de certaines écoles fondamentales où est scolarisé leur enfant. Il nous arrive aussi de participer à des rencontres organisées par des écoles de devoirs ou des maisons de quartier, afin d’expliquer l’Ecole (le système scolaire) et questionner son « efficacité ».

Dernièrement, lors d’une rencontre avec des familles d’enfants entrant en 6e primaire sur le thème de l’échec scolaire, nous constations qu’il y avait plus de garçons en décrochages que de filles, de même que l’Ecole oriente deux fois plus de garçons que de filles vers l’enseignement spécialisé. Le débat a alors tourné sur les chances d’avoir un « bon » métier plus tard, quand on est une fille mais aussi quand on est un garçon, afin de sortir du cycle de la précarité.

En matière d’éducation, l’Ecole se veut « neutre »

La mixité de nos écoles tous réseaux confondus est assez récente dans l’histoire de l’Ecole. Elle remonte à moins de 30 ans. Avant cela, les écoles confessionnelles séparaient les filles des garçons[1]. D’autres écoles en faisaient autant. On voit encore dans les village, en lettres taillées dans la pierre, qu’il y avait l’ « Ecole des garçons » et l’ « Ecole des filles ». L’éducation se veut « neutre ». Chaque enfant, qu’il soit fille ou garçon, reçoit les mêmes enseignements. Dans une école, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en Droits[2]. Hors le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de se passer bien dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques.

Si les parcours sont vraiment identiques, comment se fait-il qu’au moment de la formation professionnelle, les choix soient tellement différents ? C’est une question qui ne peut que tarauder les défenseurs et défenseuses des Droits de l’Enfant. Si tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, comment se fait-il que de telles inégalités existent encore dans notre société ?

Filles et garçons ont-ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. L’Ecole a encore du chemin à parcourir pour être enfin égalitaire et non discriminatoire.

Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[3]. Cependant, leurs choix d’orientation professionnelles ne sont pas les mêmes que les choix des garçons. De ce fait, on assiste à une sexualisation des études professionnelles, supérieures ou universitaires. C’est-à-dire qu’ils attirent plutôt les filles ou plutôt les garçons.

Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués dès le plus jeune âge. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[4] (1997) a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés. Certains métiers seraient destinés aux filles et d’autres aux garçons.

Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et ont sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et d’être en conformité avec les normes de sexe[5].

Selon Albert Bandura[6] (2003), le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%). Tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin). Par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[7].

Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[8]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[9].

Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, en électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[10]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement et ont souvent des salaires plus élevés que leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et ont généralement des salaires inférieurs[11] .

Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves. 

Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués qui leur conviennent et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales, où les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrées[12]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques ou une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.

Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou par des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.

Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, il faut constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[13].

Peut-on essayer d’inverser ce mécanisme ?

La première chose, pour inverser un mécanisme – qui plus est, est millénaire – est de le comprendre. Ensuite, on peut tenter de modifier les mentalités. Mais cela prend du temps. ÉNORMÉMENT de temps. En fait… plusieurs vies. Donc, on s’accroche pour les millénaires qui viennent.

Cela commence donc par la compréhension du problème, sans laquelle, nous ne pourrons jamais rien changer. Sans cela, comment éviter que nos fils deviennent de méchants machos et que nos filles aient une vie de « maman » sans pouvoir jamais penser à leur avenir professionnel.

Nous devrons éduquer nos enfants de manière « neutre ». Non, les filles ne doivent pas porter de rose et les garçons de bleu. Oui, les garçons peuvent porter une robe, s’ils le souhaitent. Non, les filles ne sont pas nulles en math et les garçons faibles en français.

Comprendre la sexualisation du monde du travail explique la sexualisation des choix de projets de vie, tant pour les filles que pour les garçons.

Comprendre, c’est pouvoir agir

On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, on se rend compte qu’elle a déjà été une réalité tout au long de l’histoire de toutes les civilisations. Aujourd’hui, elle se retrouve sur tous les marchés du travail du monde entier où elle a une image identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[14]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[15].

En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB (Produit intérieur Brut) a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[16]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.

Il s’agit d’une liste de métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels ». Ils ne doivent pas être trop obsédants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[17].  C’est le domaine de la domesticité[18]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier (1977) a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[19] »

Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[20]

Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes. [21]»

Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.

Mais elles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber, en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[22]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[23]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance. 

Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[24] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.    

Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[25]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés vendredi par l’Office européen des statistiques Eurostat[26].

L’Ecole doit être vraiment neutre.

Est-il normal que la moitié de l’Humanité soit vouée à changer des couches et à tenir un ménage en plus d’un emploi, parfois, à temps plein ? Est-il normal que nos filles ne pensent leur avenir qu’en tant que (future) mère ? Ne peuvent-elles pas penser à elles et uniquement à elle, dans le choix de leur métier d’avenir ? L’informatique, la mécanique automobile ou devenir pompier ne sont-ils pas faits aussi pour les filles ? Institutrice, bibliothécaire ou Hôte(sse) de l’air est-il chasse-gardée réservée aux femmes ou des garçons peuvent-ils se former à ces métiers ?

Chacun et chacune, à titre personnel, mais également professionnel peut agir pour permette aux filles et aux femmes de choisir vraiment leur voie dans la vie professionnelle. Quelle éducation donner à nos enfants, à nos élèves ? Comment agir en famille, mais également dans les écoles et, au bout du compte dans nos entreprises ? La réponse est dans le cœur de chacun. Mais qui veut, peut !


[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/  et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/

[2] Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ONU, 10 décembre 1948. Article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

[3] FONTANINI, C. (2016). Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr

[4] Hutchings Merryn, 1997. « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14.

[5] Mosconi N. & Stevanovic B., 2007. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan

[6] Bandura A., 2003. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck

[7] Sources : chiffres 2010, statbel.fgov.be & VDAB (Belgique)

[8] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002 no 29

[9] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008.

[10] Lemarchant C., 2007. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n°2

[11] Couppie T. & Epiphane D., 2001 Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, no 178

[12] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17

[13] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c

[14] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584

[15] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.

[16] statbel.fgov.be, chiffres 2016.

[17] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier

[18] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140

[19] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.

[20] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.

[21] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.

[22] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973

[23] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004

[24] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013

[25] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011

[26] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Résumé du premier article : Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles – G. Magerotte (professeur émérite UMons), D. Paquot (Directeur de l’école fondamentale Singelijn) et J.P. Coenen (enseignant). Membres de la Ligue des Droits de l’Enfant.

Si l’enseignement spécialisé a une longue histoire, il a connu son développement à partie de 1970. Ensuite, des tentatives d’intégration ont été réalisées via une collaboration entre les écoles spécialisées et les écoles ordinaires. L’évolution des idées internationales et les études PISA ont conduit la FWB à mettre en place une réflexion sur son système d’enseignement. Tout en prévoyant le maintien d’un enseignement spécialisé et le développement de classes à visée inclusive, la FWB implante la méthodologie des aménagements raisonnables et prépare la mise en places de Pôles territoriaux regroupant toutes les écoles ordinaires d’un territoire donné et animés par une équipe pluridisciplinaire gérée par une école spécialisée: conduiront-ils en 2030 à une école inclusive ?

.

Parution – ANAE N° 177 –  Construire une école inclusive – Lecture avec des enfants déficients visuels

ANAE N° 177

Construire une école inclusive

N° coordonné par le Pr Ghislain Magerotte, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation – Université de Mons (Belgique)

 La Convention des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU, et en particulier à l’article 24, a pour but explicite, de promouvoir le respect du droit à une école inclusive.

De quoi parle-t-on ? Quelles différences entre l’intégration et l’inclusion ?

Le terme « intégration » est fréquemment utilisé, même par les pays qui se revendiquent évoluer dans le sens d’une école inclusive. Il est donc essentiel de préciser ces deux termes d’intégration et d’inclusion.

L’intégration signifie que les élèves doivent s’adapter au milieu de la classe et de l’école.L’inclusion suppose un changement systémique de l’environnement de l’école et de la classe, tant physique et social que pédagogique visant les  programmes/curriculums/référentiels, les méthodes et stratégies éducatives et pédagogiques, et ce dans le but d’assurer à tous les élèves de chaque classe d’âge un enseignement basé sur l’équité répondant au mieux à leurs besoins.

Ce qui signifie aussi la nécessité de changer les autres systèmes de services, qu’ils soient sociaux, médicaux et médico-sociaux, qui doivent aussi favoriser la participation de l’élève à la vie de la cité, et en premier lieu de l’école inclusive.

D’autre part la définition de la personne en situation de handicap par l’ONU insiste sur le fait que la participation pleine et entière à la vie de la société sur la base de l’égalité avec les autres est contrariée, non seulement par les incapacités (physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles) durables, mais aussi par les barrières comportementales et environnementales.

Ce qui signifie que

• le modèle médical ou bio-médical qui insiste sur les incapacités

• doit être complété par le modèle social qui met en avant la nécessité d’identifier et ensuite de diminuer, voire de faire disparaître les barrières à cette participation.

D’où l’importance de la notion des « aménagements raisonnables ». Mais il faudra s’interroger sur la notion de « raisonnables ».

Dans ce numéro nous présenterons l’évolution récente de la scolarisation des élèves handicapés ou en situation de handicap dans les différents pays francophones (Belgique francophone/Fédération Wallonie-Bruxelles, France, Québec) et en Suisse qui, en fonction de leur histoire, s’inscrivent dans la perspective de l’école inclusive.

Nous verrons comment se développe l’école inclusive qui tend à remplacer, dans une démarche encore hésitante, les stratégies d’éducation spécialisée via des dispositifs scolaires séparés…

Nous verrons également quelques stratégies indispensables dans la mise en place progressive d’une école inclusive avec :

• le rôle de l’évaluation durant tout le processus de l’inclusion visant à dépasser le modèle « biomédical » axé sur les déficiences et proposant une approche d’évaluation plus dynamique et contextuelle.

• l’importance de tenir compte de la parole des élèves eux-mêmes sur leur parcours d’intégration dans une perspective d’autodétermination.

• un modèle multidimensionnel d’évaluation de la qualité de l’école inclusive via des indicateurs.

Si les textes proposés dans ce numéro concernent d’abord les élèves ayant des besoins liés à leur handicap, il est impératif aussi d’inclure les élèves ayant d’autres différences comme celles associées aux milieux défavorisés, les différences sexuelles ou liées au statut de réfugiés, etc. En d’autres mots, il importe d’élargir rapidement la perspective pour faire profiter tous ces élèves du droit à une école inclusive.

Quant aux stratégies employées par les enseignants et autres intervenants professionnels de première ligne (personnel paramédical, orthopédagogique, éducatif et social), elles doivent faire l’objet

• d’une confrontation avec les données de la recherche, sous l’aspect des pratiques fondées sur des preuves ou « evidence-based practices »

• de synthèses utilisables par les professionnels de première ligne et les responsables des services.

Ainsi se posent plusieurs défis : celui de la formation initiale des personnels assurée par les Hautes Écoles et/en collaboration avec les Universités, autour du fil conducteur qu’est l’inclusion, un investissement scientifique plus important dans les pratiques probantes (evidence-based practices) et enfin, un inventaire des obstacles et leviers pour des pratiques inclusives dans la perspective politique des décideurs en éducation. En conclusion, comme vous le constaterez à la lecture de ces articles, l’école inclusive n’est pas au bout du chemin, mais elle est le chemin.

.

anae177
SOMMAIRE

Éditorial – Comment favoriser les interactions vertueuses entre le monde de la recherche et le monde de l’éducation en France : trois propositions  É. GENTAZ – en accès libre

Avant-propos – Vers une école inclusive G. MAGEROTTE

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles G. MAGEROTTE, D. PAQUOT, J.-P. COENEN

L’éducation inclusive en France : des avancées significatives et de nouveaux défis É. PLAISANCE

Lente construction de l’école inclusive au Québec PH. TREMBLAY

De la séparation à l’inclusion : la Suisse en route vers une école inclusive R. LANNERS

L’école inclusive en Italie : facteurs de transformation et situation actuelle L. DE ANNA

Mise en oeuvre de politiques inclusives : quelles réalités locales S. RAMEL

Soutenir le développement d’écoles inclusives : le cas des écoles alternatives du Québec M. PARE, J. HORVAIS, P. PACMOGDA

Un autre regard sur le potentiel de l’enfant en vue de l’inclusion scolaire : évaluation dynamique des besoins J. LEBEER

Parole de l’élève sur un parcours d’intégration et implications pour son autodétermination J. Gosselain, N. Nader-Grosbois, S. MAZZONE

L’évaluation de la qualité d’une école inclusive PH. TREMBLAY VARIA

Des ronds de texture pour illustrer les livres tactiles : observations de séances de lecture avec des enfants déficients visuels  C. MASCLE, CH. JOUFFRAIS, G. KAMINSKI, F. BARA  

Je commande le N° 177 d’ANAE
Accessibilité