Ecole : Les Filles et garçons ont-elles/ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Ecole : Les Filles et garçons ont-elles/ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Nos enfants auront-ils les mêmes chances que les autres dans la vie ? Cette question nous est souvent posée par des familles qui nous téléphonent pour leur venir en aide et/ou les conseiller face aux décisions de certaines écoles fondamentales où est scolarisé leur enfant. Il nous arrive aussi de participer à des rencontres organisées par des écoles de devoirs ou des maisons de quartier, afin d’expliquer l’Ecole (le système scolaire) et questionner son « efficacité ».

Dernièrement, lors d’une rencontre avec des familles d’enfants entrant en 6e primaire sur le thème de l’échec scolaire, nous constations qu’il y avait plus de garçons en décrochages que de filles, de même que l’Ecole oriente deux fois plus de garçons que de filles vers l’enseignement spécialisé. Le débat a alors tourné sur les chances d’avoir un « bon » métier plus tard, quand on est une fille mais aussi quand on est un garçon, afin de sortir du cycle de la précarité.

En matière d’éducation, l’Ecole se veut « neutre »

La mixité de nos écoles tous réseaux confondus est assez récente dans l’histoire de l’Ecole. Elle remonte à moins de 30 ans. Avant cela, les écoles confessionnelles séparaient les filles des garçons[1]. D’autres écoles en faisaient autant. On voit encore dans les village, en lettres taillées dans la pierre, qu’il y avait l’ « Ecole des garçons » et l’ « Ecole des filles ». L’éducation se veut « neutre ». Chaque enfant, qu’il soit fille ou garçon, reçoit les mêmes enseignements. Dans une école, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en Droits[2]. Hors le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de se passer bien dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques.

Si les parcours sont vraiment identiques, comment se fait-il qu’au moment de la formation professionnelle, les choix soient tellement différents ? C’est une question qui ne peut que tarauder les défenseurs et défenseuses des Droits de l’Enfant. Si tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, comment se fait-il que de telles inégalités existent encore dans notre société ?

Filles et garçons ont-ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?

Toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. L’Ecole a encore du chemin à parcourir pour être enfin égalitaire et non discriminatoire.

Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[3]. Cependant, leurs choix d’orientation professionnelles ne sont pas les mêmes que les choix des garçons. De ce fait, on assiste à une sexualisation des études professionnelles, supérieures ou universitaires. C’est-à-dire qu’ils attirent plutôt les filles ou plutôt les garçons.

Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués dès le plus jeune âge. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[4] (1997) a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés. Certains métiers seraient destinés aux filles et d’autres aux garçons.

Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et ont sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et d’être en conformité avec les normes de sexe[5].

Selon Albert Bandura[6] (2003), le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%). Tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin). Par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[7].

Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[8]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[9].

Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, en électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[10]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement et ont souvent des salaires plus élevés que leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et ont généralement des salaires inférieurs[11] .

Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves. 

Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués qui leur conviennent et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales, où les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrées[12]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques ou une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.

Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou par des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.

Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, il faut constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[13].

Peut-on essayer d’inverser ce mécanisme ?

La première chose, pour inverser un mécanisme – qui plus est, est millénaire – est de le comprendre. Ensuite, on peut tenter de modifier les mentalités. Mais cela prend du temps. ÉNORMÉMENT de temps. En fait… plusieurs vies. Donc, on s’accroche pour les millénaires qui viennent.

Cela commence donc par la compréhension du problème, sans laquelle, nous ne pourrons jamais rien changer. Sans cela, comment éviter que nos fils deviennent de méchants machos et que nos filles aient une vie de « maman » sans pouvoir jamais penser à leur avenir professionnel.

Nous devrons éduquer nos enfants de manière « neutre ». Non, les filles ne doivent pas porter de rose et les garçons de bleu. Oui, les garçons peuvent porter une robe, s’ils le souhaitent. Non, les filles ne sont pas nulles en math et les garçons faibles en français.

Comprendre la sexualisation du monde du travail explique la sexualisation des choix de projets de vie, tant pour les filles que pour les garçons.

Comprendre, c’est pouvoir agir

On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, on se rend compte qu’elle a déjà été une réalité tout au long de l’histoire de toutes les civilisations. Aujourd’hui, elle se retrouve sur tous les marchés du travail du monde entier où elle a une image identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[14]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[15].

En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB (Produit intérieur Brut) a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[16]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.

Il s’agit d’une liste de métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels ». Ils ne doivent pas être trop obsédants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[17].  C’est le domaine de la domesticité[18]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier (1977) a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[19] »

Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[20]

Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes. [21]»

Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.

Mais elles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber, en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[22]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[23]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance. 

Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[24] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.    

Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[25]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés vendredi par l’Office européen des statistiques Eurostat[26].

L’Ecole doit être vraiment neutre.

Est-il normal que la moitié de l’Humanité soit vouée à changer des couches et à tenir un ménage en plus d’un emploi, parfois, à temps plein ? Est-il normal que nos filles ne pensent leur avenir qu’en tant que (future) mère ? Ne peuvent-elles pas penser à elles et uniquement à elle, dans le choix de leur métier d’avenir ? L’informatique, la mécanique automobile ou devenir pompier ne sont-ils pas faits aussi pour les filles ? Institutrice, bibliothécaire ou Hôte(sse) de l’air est-il chasse-gardée réservée aux femmes ou des garçons peuvent-ils se former à ces métiers ?

Chacun et chacune, à titre personnel, mais également professionnel peut agir pour permette aux filles et aux femmes de choisir vraiment leur voie dans la vie professionnelle. Quelle éducation donner à nos enfants, à nos élèves ? Comment agir en famille, mais également dans les écoles et, au bout du compte dans nos entreprises ? La réponse est dans le cœur de chacun. Mais qui veut, peut !


[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/  et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/

[2] Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ONU, 10 décembre 1948. Article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

[3] FONTANINI, C. (2016). Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr

[4] Hutchings Merryn, 1997. « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14.

[5] Mosconi N. & Stevanovic B., 2007. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan

[6] Bandura A., 2003. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck

[7] Sources : chiffres 2010, statbel.fgov.be & VDAB (Belgique)

[8] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002 no 29

[9] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008.

[10] Lemarchant C., 2007. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n°2

[11] Couppie T. & Epiphane D., 2001 Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, no 178

[12] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17

[13] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c

[14] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584

[15] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.

[16] statbel.fgov.be, chiffres 2016.

[17] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier

[18] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140

[19] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.

[20] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.

[21] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.

[22] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973

[23] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004

[24] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013

[25] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011

[26] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Résumé du premier article : Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles – G. Magerotte (professeur émérite UMons), D. Paquot (Directeur de l’école fondamentale Singelijn) et J.P. Coenen (enseignant). Membres de la Ligue des Droits de l’Enfant.

Si l’enseignement spécialisé a une longue histoire, il a connu son développement à partie de 1970. Ensuite, des tentatives d’intégration ont été réalisées via une collaboration entre les écoles spécialisées et les écoles ordinaires. L’évolution des idées internationales et les études PISA ont conduit la FWB à mettre en place une réflexion sur son système d’enseignement. Tout en prévoyant le maintien d’un enseignement spécialisé et le développement de classes à visée inclusive, la FWB implante la méthodologie des aménagements raisonnables et prépare la mise en places de Pôles territoriaux regroupant toutes les écoles ordinaires d’un territoire donné et animés par une équipe pluridisciplinaire gérée par une école spécialisée: conduiront-ils en 2030 à une école inclusive ?

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Parution – ANAE N° 177 –  Construire une école inclusive – Lecture avec des enfants déficients visuels

ANAE N° 177

Construire une école inclusive

N° coordonné par le Pr Ghislain Magerotte, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation – Université de Mons (Belgique)

 La Convention des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU, et en particulier à l’article 24, a pour but explicite, de promouvoir le respect du droit à une école inclusive.

De quoi parle-t-on ? Quelles différences entre l’intégration et l’inclusion ?

Le terme « intégration » est fréquemment utilisé, même par les pays qui se revendiquent évoluer dans le sens d’une école inclusive. Il est donc essentiel de préciser ces deux termes d’intégration et d’inclusion.

L’intégration signifie que les élèves doivent s’adapter au milieu de la classe et de l’école.L’inclusion suppose un changement systémique de l’environnement de l’école et de la classe, tant physique et social que pédagogique visant les  programmes/curriculums/référentiels, les méthodes et stratégies éducatives et pédagogiques, et ce dans le but d’assurer à tous les élèves de chaque classe d’âge un enseignement basé sur l’équité répondant au mieux à leurs besoins.

Ce qui signifie aussi la nécessité de changer les autres systèmes de services, qu’ils soient sociaux, médicaux et médico-sociaux, qui doivent aussi favoriser la participation de l’élève à la vie de la cité, et en premier lieu de l’école inclusive.

D’autre part la définition de la personne en situation de handicap par l’ONU insiste sur le fait que la participation pleine et entière à la vie de la société sur la base de l’égalité avec les autres est contrariée, non seulement par les incapacités (physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles) durables, mais aussi par les barrières comportementales et environnementales.

Ce qui signifie que

• le modèle médical ou bio-médical qui insiste sur les incapacités

• doit être complété par le modèle social qui met en avant la nécessité d’identifier et ensuite de diminuer, voire de faire disparaître les barrières à cette participation.

D’où l’importance de la notion des « aménagements raisonnables ». Mais il faudra s’interroger sur la notion de « raisonnables ».

Dans ce numéro nous présenterons l’évolution récente de la scolarisation des élèves handicapés ou en situation de handicap dans les différents pays francophones (Belgique francophone/Fédération Wallonie-Bruxelles, France, Québec) et en Suisse qui, en fonction de leur histoire, s’inscrivent dans la perspective de l’école inclusive.

Nous verrons comment se développe l’école inclusive qui tend à remplacer, dans une démarche encore hésitante, les stratégies d’éducation spécialisée via des dispositifs scolaires séparés…

Nous verrons également quelques stratégies indispensables dans la mise en place progressive d’une école inclusive avec :

• le rôle de l’évaluation durant tout le processus de l’inclusion visant à dépasser le modèle « biomédical » axé sur les déficiences et proposant une approche d’évaluation plus dynamique et contextuelle.

• l’importance de tenir compte de la parole des élèves eux-mêmes sur leur parcours d’intégration dans une perspective d’autodétermination.

• un modèle multidimensionnel d’évaluation de la qualité de l’école inclusive via des indicateurs.

Si les textes proposés dans ce numéro concernent d’abord les élèves ayant des besoins liés à leur handicap, il est impératif aussi d’inclure les élèves ayant d’autres différences comme celles associées aux milieux défavorisés, les différences sexuelles ou liées au statut de réfugiés, etc. En d’autres mots, il importe d’élargir rapidement la perspective pour faire profiter tous ces élèves du droit à une école inclusive.

Quant aux stratégies employées par les enseignants et autres intervenants professionnels de première ligne (personnel paramédical, orthopédagogique, éducatif et social), elles doivent faire l’objet

• d’une confrontation avec les données de la recherche, sous l’aspect des pratiques fondées sur des preuves ou « evidence-based practices »

• de synthèses utilisables par les professionnels de première ligne et les responsables des services.

Ainsi se posent plusieurs défis : celui de la formation initiale des personnels assurée par les Hautes Écoles et/en collaboration avec les Universités, autour du fil conducteur qu’est l’inclusion, un investissement scientifique plus important dans les pratiques probantes (evidence-based practices) et enfin, un inventaire des obstacles et leviers pour des pratiques inclusives dans la perspective politique des décideurs en éducation. En conclusion, comme vous le constaterez à la lecture de ces articles, l’école inclusive n’est pas au bout du chemin, mais elle est le chemin.

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anae177
SOMMAIRE

Éditorial – Comment favoriser les interactions vertueuses entre le monde de la recherche et le monde de l’éducation en France : trois propositions  É. GENTAZ – en accès libre

Avant-propos – Vers une école inclusive G. MAGEROTTE

Les débuts hésitants de l’école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles G. MAGEROTTE, D. PAQUOT, J.-P. COENEN

L’éducation inclusive en France : des avancées significatives et de nouveaux défis É. PLAISANCE

Lente construction de l’école inclusive au Québec PH. TREMBLAY

De la séparation à l’inclusion : la Suisse en route vers une école inclusive R. LANNERS

L’école inclusive en Italie : facteurs de transformation et situation actuelle L. DE ANNA

Mise en oeuvre de politiques inclusives : quelles réalités locales S. RAMEL

Soutenir le développement d’écoles inclusives : le cas des écoles alternatives du Québec M. PARE, J. HORVAIS, P. PACMOGDA

Un autre regard sur le potentiel de l’enfant en vue de l’inclusion scolaire : évaluation dynamique des besoins J. LEBEER

Parole de l’élève sur un parcours d’intégration et implications pour son autodétermination J. Gosselain, N. Nader-Grosbois, S. MAZZONE

L’évaluation de la qualité d’une école inclusive PH. TREMBLAY VARIA

Des ronds de texture pour illustrer les livres tactiles : observations de séances de lecture avec des enfants déficients visuels  C. MASCLE, CH. JOUFFRAIS, G. KAMINSKI, F. BARA  

Je commande le N° 177 d’ANAE
Difficultés d’apprentissage en lecture : l’origine sociale et l’environnement linguistique ont un impact négatif

Difficultés d’apprentissage en lecture : l’origine sociale et l’environnement linguistique ont un impact négatif

Pourquoi certains enfants de milieux populaires doivent-ils redoubler ou sont-ils orientés en début d’école primaire ?

Il nous arrive fréquemment d’être appelés à l’aide par des familles de milieux populaires suite à des difficultés avec l’école de leur enfant. De plus en plus fréquemment, certaines écoles « exigent[1] » un redoublement ou une orientation vers l’enseignement spécialisé parce que l’enfant ne parle pas – ou trop peu – la langue de l’enseignement : le français.

A la lecture des bulletins, nous remarquons fréquemment que les difficultés ne se limitent pas au français écrit ou parlé, mais s’étendent à d’autres branches comme la mathématique ou l’« éveil ». Mais cela n’empêche pas ces enfants d’avoir des relations sociales avec leurs pairs à la cour de récréation. Le problème se situe au niveau des apprentissages.

Cela nous questionne. Non seulement sur les solution « exigées » par les directions, c’est-à-dire le redoublement ou l’orientation vers le spécialisé. Mais surtout, pourquoi certains enfants parlant une autre langue à la maison ont-ils si difficile à apprendre le français en arrivant en 3e maternelle. De nombreux enfants, dans le même cas, y arrivent parfaitement. Les enfants parlant italien, anglais, espagnol, etc. On estime d’ailleurs que l’apprentissage d’une langue de manière correcte dure environ 6 mois, quand on baigne dedans. Ce qui est le cas de la classe. Les élèves y sont 7 à 8 heures par jour. Mais ces enfants parlent à la maison une langue d’origine européenne. Pourquoi certains enfants venant de zones langagières extra-européenne ont-ils plus de mal ?

Est-ce cette langue qui est à l’origine des difficultés ou il y a-t-il une autre cause?

Combien d’élèves ont-ils des difficultés en lecture ?

On ne connaît pas le nombre d’élèves qui sont concernés par cette situation. Si l’on se base sur le nombre d’enfants éprouvant des difficultés d’apprentissage de la lecture en début de scolarité, la fourchette se situe entre 5% et 15%. Cela dépend sans doute des écoles. Les écoles en milieux populaires se rapprochant probablement du chiffre le plus haut, mais cela reste une hypothèse. Dans ce pourcentage, on retrouve aussi tous les enfants qui ont des « troubles spécifiques des apprentissages », comme la dyslexie ou la dysorthographie.

Les recherches sur la dyslexie ont principalement été faites dans les pays anglophones (et donc pour la langue anglaise). Selon celles-ci la dyslexie varie entre 2,3% et 12%[A] des personnes, adultes et enfants confondus (on est dyslexique à vie). Les difficultés en lecture ont également des effets négatifs sur les autres apprentissages, à court et, surtout, à long terme. Comment comprendre et pouvoir résoudre un problème en mathématique si l’on ne sait pas bien lire ou bien comprendre le français ? Il en va de même pour la découverte des sciences, de manière générale, ou de l’histoire.

Que dire des solutions proposées par les écoles ?

Les solutions ‘exigées’ par les directions, c’est-à-dire le redoublement ou l’orientation vers le spécialisé sont-elles efficaces ? Pour le premier, on connaît son inefficacité. Plus tôt un élève redouble dans sa scolarité, plus il redoublera dans son cursus et plus vite il sera à risque de décrochage. Il faut savoir qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, 4,9 % des jeunes âgés de 14 à 21 ans en 2018-2019 qui fréquentaient une troisième, quatrième ou cinquième année de l’enseignement secondaire ordinaire de plein exercice ne sont plus inscrits ni dans l’enseignement ordinaire de plein exercice ni dans l’enseignement ordinaire en alternance (CEFA) ni dans l’enseignement spécialisé en 2019-2020[B]. Ils ont disparu des radars et ont quitté l’école sans diplôme et donc sans beaucoup de chance de trouver un emploi valorisant, qui pourrait les sortir de la pauvreté.

Ensuite, les effets sont DEVASTATEURS : le redoublement opère un marquage social des élèves qui le subissent : les « mauvais » élèves ! Les élèves qui ont vécu un redoublement ressentent divers sentiments : de honte, de tristesse, de gêne. Ils vivent un véritable malaise intérieur, ont des sentiments d’incapacité et d’infériorité. Le doute s’installe, la confiance s’étiole, l’auto-dévalorisation se développe[C].

Quant à l’orientation vers le spécialisé, elle est pire encore[D]. On connaît les taux de réussite au CEB des élèves orientés vers les Types 1,3 et 8, qui sont respectivement de 0,7%, de 4,2% et de 8,2%. Autrement dit, on refuse à tous ces élèves le droit de suivre un enseignement général qui leur permettrait de choisir leur avenir professionnel et social. On les condamne à la pauvreté. Or, l’on sait que pour qu’une famille sorte de la pauvreté, il faut 6 générations, soit 120 ans.

Les difficultés de ces enfants avec la langue française ne sont connues, ni par les familles, ni par les associations de première ligne qui s’en occupe durant l’extrascolaire, et encore moins par les écoles. Ces dernières sont généralement coupées des réalités de leurs publics. Est-ce parce que ces enfants parlent une autre langue à la maison ? Mais, comme nous l’avons vu, c’est le cas de nombreux enfants. Alors, pourquoi eux ? Et quelles conséquences cela a-t-il sur les autres apprentissages ?

Les études PISA évaluent les connaissances des élèves au sein de tous les pays de l’OCDE[2]. Il en ressort qu’en Belgique, les résultats en lecture sont en baisse depuis les rapports de 2012 et 2015. Les Wallons réussissant moins bien que les Flamands tant en lecture, qu’en mathématique et en sciences :

MoyennesLectureMathSciences
OCDE493494497
Belgique505517505
Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB)481495485
Communauté germanophone483505483
Communauté flamande516531521

Le niveau de lecture a été évalué par la compréhension de documents différents : articles de journaux, textes, graphiques et schémas, ou encore des récits.

Il en ressort qu’en FWB la proportion d’élèves de 15 ans, très peu performants en lecture est plus élevée que dans la moyenne des pays de l’OCDE[E] (23,9 % au lieu de 22,7 %). De même, la proportion d’élèves très performants, capables de réaliser les tâches les plus complexes, est
plus basse : 6,7 % contre 8,6 %.

Cela a des conséquences dramatiques. Selon l’ASBL Lire et Ecrire, environ 10% des adultes serait illettrés. C’est-à-dire qu’ils ont des difficultés à lire un journal, à compléter un formulaire ou qu’ils ne comprennent pas bien les questions qu’on leur pose. Or, la faiblesse de la compréhension et de l’usage de la langue orale peut être considérée comme de l’illettrisme.

Quels sont les élèves concernés ?

Lors de la rencontre avec ces familles, nous nous sommes rendus compte qu’au moins un des deux parents, sinon les deux, parlaient très mal le français, alors qu’ils sont en Belgique depuis de nombreuses années. Ils se font en général accompagner par un traducteur ou une traductrice. Parfois, ce n’est autre que leur grand fils ou leur grande fille. Ceux-ci suivent des études en secondaire et parlent correctement le français. Si ces jeunes ont réussi à dépasser la barrière de la langue, pourquoi leur plus jeune frère ou sœur n’y arrive-t-il ou elle pas ? Ce n’est visiblement pas dû à la langue parlée à la maison. Il faut donc chercher ailleurs.

Ce qui est interpellant quand on rencontre ces jeunes, c’est qu’à 15 ou 16 ans, ils ne sont plus dans l’enseignement de transition mais ont basculé en professionnel ou en technique. Or, l’on sait que l’on retrouve dans ces filières d’enseignement une majorité d’enfants dont les familles sont socio-économiquement défavorisées (voir tableau en références[F]).

Quand on vit dans une famille socio-économiquement défavorisée, on a plus de (mal)chances de vivre un ou des redoublements ou une ou des orientations vers l’enseignement technique ou qualifiant. Ces élèves ont également plus de (mal)chances de décrocher de l’école, ou d’être orienté vers l’enseignement spécialisé.

Les difficultés en lecture ou en apprentissage de la langue de l’enseignement, ne viendraient-elles pas de là ?

Origine sociale et environnement linguistique

Une évaluation du niveau de lecture et de mathématique a été menée par le Ministère de l’éducation nationale française[G]. Elle montrait que les résultats étaient fortement liés à l’origine sociale des élèves. Il y avait un écart important qui séparait les résultats des enfants de familles ouvrières et ceux des enfants de familles de ‘cadres’. Tant en lecture qu’en mathématique.

Mais ces résultats vont plus loin, car il y a des milieux socialement inférieurs à la catégorie « ouvrier ». Ce sont les personnes sans emploi ou « inactives ». Leurs enfants ont des scores inférieurs à ceux des enfants d’ouvriers en lecture et en mathématique.

Selon le rapport de l’OCDE (2000), le fait de vivre dans un milieu social défavorisé ou peu favorisé multiple par deux la possibilité d’avoir des difficultés en lecture et en mathématique. Cette étude signale qu’une partie de ces effets pourrait être influencée par la langue que l’on parle à la maison. Cela a un impact sur les performances aussi fort que celle du milieu socioculturel. Vivre dans un milieu défavorisé et parler une autre langue que celle de l’école augmente double le risque d’avoir des difficultés en lecture et en mathématique.

L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), toujours en France, a mené une étude en 2004 et 2005 qui a évalué les performances d’adultes en lecture par rapport avec la vie quotidienne (lire le titre et le nom des invités d’une émission, noter une liste de courses, comprendre le résumé d’un film).

Sept pourcents des personnes francophones nées en France, avaient des difficultés en lecture.

Ce chiffre montait à 11% pour les francophones nés hors de France et chez les non francophones nés en France.

Mais le pourcentage montait à plus de 30% chez les non francophones nés hors de France et à plus de 60% chez ceux qui ont appris à lire dans une autre langue que le français.

L’environnement linguistique a bien un impact sur la compréhension orale.

La relation entre la compréhension en lecture et la compréhension à l’oral est importante. Les adultes qui avaient les scores les plus élevés en lecture ont également de bonnes performances en compréhension orale. Par contre, un tiers des personnes qui avaient des difficultés en lecture avaient également des difficultés à comprendre ce qu’on leur disait. Ensuite, la moitié de ceux qui avaient des difficultés en lecture sont également en situation d’échec en mathématique.

Des études[3] montrent que le retard en lecture des enfants parlant une autre langue que celle de l’enseignement pourrait provenir d’un manque de vocabulaire doublé de problèmes liés au traitement des sons de la parole.

C’est ce que l’on appelle un « déficit phonologique ». Cela correspond à une production fréquente de remplacements et de suppressions de sons. Par exemple, l’enfant qui produit « t » au lieu de « k » dans tous les mots (ex.: « tamp » pour « camp », « tafé » pour « café »)[4].

Les capacités phonologiques et le niveau socioéconomique sont directement liés et agissent sur les performances en lecture. Autrement dit, à un déficit phonologique, un faible niveau socioéconomique est un facteur aggravant. Cela veut dire qu’un élève de milieu socialement et économiquement faible va éprouver des difficultés pour mettre en place des stratégies compensatoires en compréhension orale et donc aussi en lecture[H].

S’il existe des enfants en difficulté d’apprentissage dans tous les milieux socioculturels, certains facteurs environnementaux peuvent empêcher ou favoriser la mise en place de stratégies de compensation, tant au niveau comportemental qu’intellectuel[I] (procédés de mémorisations, de mises en relations avec des situations vécues, du recours aux propriétés de la mémoire qui concernent le sens de ce que l’on dit, que l’on entend).

Conclusion

L’enjeu est important pour ces enfants et leurs familles. Les travaux que nous avons cités et dont les références sont en annexe, démontrent que les enfants qui ont des difficultés à lire et/ou comprendre la langue de l’enseignement ne répondent pas de la même manière que les autres élèves aux interventions pédagogiques ou éducatives dont ils bénéficient.

Faire redoubler ou orienter un élève qui ne parle pas ou lit mal le français est tout sauf une bonne idée. C’est non seulement, contraire à leurs droits, mais cela n’aura d’autres effets que de les dégoûter plus encore de l’école et les priver d’avenir.

Ainsi que nous venons de le voir, ce qui handicape ces élèves, c’est la position socioéconomique et/ou linguistique de leurs familles. Ni le redoublement, ni l’orientation ne vont solutionner leurs problèmes. La seule solution est interne à l’école. Ce n’est pas en baissant les bras, mais par des pratiques pédagogiques adaptées, que l’on pourra aider ces enfants. La mise en place d’aménagements raisonnables tels ceux qui sont mis en place pour des élèves avec une grosse dyslexie jointe à une dyscalculie, peuvent les aider sur le long terme. Les écoles doivent devenir inclusives et permettre à tous les enfants d’acquérir tous les savoirs, quelles que soient leur milieu socio-économique.

S’il faut six générations pour sortir de la pauvreté, l’école, à elle-seule, peut casser ce cycle en donnant une formation de qualité, solide et complète, à chaque enfant.


[1] L’école ne peut que proposer. La décision du redoublement revient toujours aux parents à l’école primaire (voir Décret sur l’Ecole de la réussite du 14-03-1995). Il en va de même pour toute orientation vers l’enseignement spécialisé, et ce tant en fondamental qu’en secondaire.

[2] Organisation de coopération et de développement économiques

[3] en psychologie cognitive et en neuroscience. La psychologie cognitive étudie le champ des fonctions mentales, telles que l’attention, le langage, la mémoire, la perception, le raisonnement, la résolution de problèmes, l’intelligence, la perception, la créativité ou l’attention.

[4] https://aqoa.qc.ca/trouble-du-developpement-des-sons-de-la-parole/


[A] BADIAN NA, 1999. Reading disability defined as a discrepancy between listening and reading comprehension: A longitudinal study of stability, gender differences, and prevalence. J Learn Disabil 1999, 32 : 138-148

[B] Les indicateurs de l’enseignement 2021

[C] Lire le dossier de la Ligue des Droits de l’Enfant sur le redoublement : https://www.liguedroitsenfant.be/3437/le-redoublement/

[D] https://www.liguedroitsenfant.be/3850/orientations-abusives-vers-lenseignement-specialise-deleves-ne-presentant-aucun-handicap/

[E] PISA 2019, Performances des jeunes de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences, https://events.uliege.be/pisa-fwb/wp-content/uploads/sites/18/2020/06/Synth%C3%A8se-R%C3%A9sultats-PISA-2018.pdf

[F] Les indicateurs de l’enseignement 2021, page 41 : http://www.enseignement.be/index.php?page=28584&navi=4904

[G] MEN (MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION), 2001. Les élèves en début de CE2 : Évaluation 2000. Note d’information 01-35, Juillet 2001

[H] NOBLE KG, MCCANDLISS BD, 2005. Reading development and impairment: behavioral, social, and neurobiological factors. J Dev Behav Pediatr 2005, 26 : 370-378

[I] SHAYWITZ SE, SHAYWITZ BA, FULBRIGHT RK, SKUDLARSKI P, MENCL WE, et coll.

Neural systems for compensation and persistence: young adult outcome of childhood reading disability. Biological Psychiatry 2003, 54

Actes de la Table Ronde sur le projet d’ECOLES POUR TOU.TE.S – Analyse

Actes de la Table Ronde sur le projet d’ECOLES POUR TOU.TE.S – Analyse

En organisant cette table-ronde, nous pensions n’être qu’une poignée, comme à la dernière table-ronde que nous avions organisée l’année avant la pandémie. Or, il se fait que nous avons été plus d’une vingtaine, ce qui est une réussite. Peu d’écoles sont prêtes à se lancer dans le projet d’Ecole Pour Tou.te.s et, si cela se confirme, nous avions autour de la table des Pouvoirs organisateurs communaux, des directions de nouvelles écoles intéressées par la réflexion et surtout des personnes qui sont membres de PMS et qui donnent l’EVRAS dans les écoles. Il nous paraissait intéressant de voir ce qui les attirait et d’analyser les ouvertures, tout comme les freins possibles et les besoins.

1.    Pourquoi les participant.e.s ont-ils.elles tenu à participer à cette table-ronde ?

Manque de formation initiale

  • Parce que c’est un sujet dont on ne parle pas assez, notamment dans les formations de base.
  • Les Ecoles normales n’abordent quasiment pas le sujet, pensant que les étudiants ont déjà eu de l’EVRAS pendant leurs études secondaires.
  • La formation à donner l’EVRAS devrait être incluse dans le cours d’orthopédagogie

Besoin d’aides et de conseils

  • Pour savoir que faire quand on se retrouve face à des inégalités qui touchent les personnes LGBTQIA+
  • Comme membre d’un CPMS dans une école qui a demandé de faire des animations autour du genre car ils ont une situation d’un élève qui se pose des questions sur son genre et pouvoir leur relayer l’information de cette table-ronde

Pour débattre entre professionnels

  • Pour pouvoir en discuter d’un point de vue professionnel (direction d’école)
  • Idem, mais comme membre d’un CPMS qui a en charge l’EVRAS
  • Echevine qui met en place des actions pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune

Pour s’informer

  • Une journaliste qui couvre l’enseignement dans son journal et qui vient découvrir le projet d’Ecole Pour Tou.te.s, sans toutefois vouloir en faire un article, mais simplement s’informer
  • Conseillère pédagogique qui vient s’inspirer de ce projet afin de le transmettre
  • Professeure de philosophie-citoyenneté qui a des élèves qui s’assument de plus en plus et qui ont besoin d’être reconnus et qui se retrouve trop seule dans son école du fait que ses collègues ne sont pas informés sur la thématique ou n’y sont pas sensibles
  • Enseignante ayant un élève trans, qui ne trouve pas sa place et qui n’est pas soutenue par sa direction. Se demande ce qu’on peut faire dans une école qui n’est pas sensible au désarroi d’un élève.
  • Besoin de comprendre la problématique des personnes LGBTQIA+, et plus spécialement des élèves trans.
  • Une échevine de l’enseignement qui veut mettre un maximum de choses en place pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune.

Pour comprendre comment porter un tel projet

  • Besoin d’en savoir plus avant de le relayer vers le Pouvoir organisateur
  • Demande de raconter notre cheminement

2.    Bref historique du projet

La LDE a porté plusieurs fois le combat pour la communauté LGBT en étant à leurs côtés pour le mariage pour tous et l’adoption homoparentale. A chaque fois, le Politique a rédigé des lois qui répondaient à la demande de la communauté. Mais une fois ces combats terminés, la Ligue n’était plus active dans la défense des Droits des enfants LGBT ou vivant au sein de familles homoparentales. Aussi, nous avons décidé de lancer une plate-forme associative et citoyenne visant à continuer à porter des combats visant à défendre ces droits. Lors de notre tout premier colloque destiné à baliser les priorités que nous devions porter, il est apparu que la plus importante de toutes était l’école. C’est un lieu de grandes souffrances pour les jeunes LGBT, mais c’est aussi un système qui ne remplit pas son rôle en éduquant les élèves à accepter toutes les différences ainsi qu’à lutter au quotidien contre l’homophobie et la transphobie.

Il n’y avait aucune association membre de la Rainbowhouse qui portait le combat pour une Ecole LGBT-friendly. Nous avons donc entamé le chantier avec des citoyen.ne.s et des associations capables de nous alimenter et de nous aider à porter le combat. Nous sommes devenus la première association généraliste membre de la Rainbowhouse.

Nous avons donc mis sur pied une Charte et un carnet d’accompagnement afin de proposer aux écoles de devenir des écoles LGBT-friendly. Nous les invitons à y adhérer et à se voir labellisées « Ecoles Pour Tou.te.s ».

3.    Pour rentrer dans le débat explication de ce qu’est la transsexualité

Le mot « transsexualité » provient d’une hypothèse que des psychiatres ont émise il y a plus d’un siècle. Ils se sont dit que si des personnes ne se sentaient pas bien avec leur assignation de naissance c’est qu’elles voulaient probablement inverser les rôles dans leur relation sexuelle, c’est-à-dire devenir pénétrante ou pénétré ou inversement. Ils se sont dit, ces personnes-là on va les opérer, ainsi il n’y aura plus de problèmes. Pendant des décennies, il y a eu des expérimentations, pour finalement parvenir à la conclusion que les personnes qui avaient l’étiquette « transsexuelles » ne souffrent d’aucune maladie mentale.

Il ne s’agit pas d’une maladie, ce n’est pas « réparable », il s’agit simplement d’une caractéristique et non d’un trouble.

Depuis les années 70’s, des associations LGBTQIA+ se sont constituées et ont lutté afin de mettre fin aux expérimentations de conversions psychiatriques. Elles ont exigé d’obtenir les résultats des expériences menées, les hypothèses infirmées et de retirer la transsexualité du DSM.  Mais si les psychiatres ont bien été contraints de corriger le DSM en 2013, ce n’est pas pour autant qu’ils ont publié leurs conclusions négatives. Donc, la société continue actuellement de stigmatiser et pathologiser toute forme de non-conformité aux convenances binaires.

Au-delà des identités de genres, le problème touche également les personnes présentant des variations des systèmes sexués, les personnes intersexes. Mutilées au niveau des parties génitales pour certaines, dès leur naissance, elles endurent des chirurgies « d’assignation » jusqu’à l’âge adulte au prétexte de devoir correspondre à un modèle de binarité dit « normal, naturel, biologique » et niant toute forme de variation du système sexué.

Le combat vise à faire cesser toutes ces mutilations inutiles et permettre à toute personne dès sa naissance de vivre pleinement son identité de genres et/ou ses variations biologiques dans le respect des diversités.

4.    Quels sont les engagements à prendre pour devenir une Ecole Pour Toute.s

Présentation de la charte en 9 points et explications rapide, chaque point étant détaillé dans les documents accompagnant la charte et remis aux participant.e.s, et débat autour de ces 9 points.

La Charte est divisée en 4 axes : L’axe Inclusion, l’axe Education, l’axe Visibilité et l’axe Action

Au niveau de l’axe Inclusion :

1. Accepter toutes les personnes quelles que soient leurs identités de genres et leurs orientations sexuelles.

2. Respecter l’intimité de chaque personne.

Débat : Il y a consensus sur le point 1, tout comme sur le point 2, mais sur ce dernier, des questions se posent de manière pratico-pratique. Les écoles ne sont pas construites pour laisser de l’intimité aux élèves. Les vestiaires sont communs et les toilettes genrées. Cela nécessitera du temps pour les adapter. Cependant, tout le monde convient que ce n’est pas impossible et que cela permettra de modifier les mentalités et lutter contre les stéréotypes de genre. Le défi qui semble le plus à même de motiver les professeurs est celui dégenrer les productions internes, jouets, manuels et activités culturelles, artistiques et sportives (point 1.5)

Au niveau de l’axe Education :

3. Permettre à chaque élève de participer à toutes les activités organisées dans l’école.

4. Éduquer aux diversités liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles.

Débat : Le priorité pour la majorité des participant.e.s semble être la formation prioritaire des enseignant.e.s, avant celle des élèves. Il est important, selon un directeur d’école, que les enseignant.e.s puissent s’approprier les outils pour pouvoir travailler cela avec les élèves qui leurs sont confiés. Par contre, l’adaptation de l’écriture inclusive dans les écoles rencontre moins de succès. C’est parfois compliqué à lire, alors qu’il y a des élèves dyslexiques et dysorthographiques. De même, comment apprendre à lire aux petits si on leur demande de lire de l’écriture avec des points partout. On pourrait y réfléchir à partir de la quatrième secondaire. Avant cela, il faudra bien former les enseignant.e.s à cette écriture.

Au niveau Formation :

5. Enseigner à repérer les discriminations et les formes de harcèlement.

6. Soutenir toutes les initiatives qui luttent contre les discriminations.

Débat : Adapter les projets pédagogiques et d’établissement est une excellente chose. Les parents devant adhérer aux idéaux de l’école et signer ces deux documents fait qu’ils devront adhérer au projet, au moins passivement. Prévoir une formation eux est également relevée. Il faudrait voir s’il y a des associations de parents dans chaque école, de manière à ce que ce soient les parents qui organisent les formations pour leurs pairs. Cela passerait mieux que si c’est l’école. Cela pourrait aussi être une co-organisation.

Au niveau Action :

7. Lutter contre le sexisme, la transphobie et l’homophobie.

8. Accompagner les victimes des discriminations.

9. Sanctionner les actes sexistes, transphobes et homophobes de manière éducative

Débat : La médiation doit être la priorité. Les participant.e.s pensent que si la formation des élèves commence le plus tôt possible, il y aura peu d’actes homo-bi-transphobes. Evidemment, il y a toujours les élèves qui arrivent en cours de cursus pour qui il faudrait prévoir une formation immédiate, leur permettant d’acquérir la conscience de leurs pairs sur le respect de tou.te.s le plus rapidement possible.

En conclusion, il ressort qu’il y ait consensus sur les balises prioritaires suivantes par rapport aux points de la Charte :

  1. Pour commencer, il est important de créer un environnement inclusif pour les élèves, les membres du personnel, les intervenant.e.s extérieur.e.s et les parents en prenant en considération toutes les identités qui peuvent être multiples, en luttant contre les discriminations, en respectant la diversité des familles et des élèves, en garantissant le droit à l’intimité de chaque personne et en dégenrant les productions internes, les jouets, les activités culturelles, artistiques et sportives.
  • De même, il faut éduquer et former les membres du personnel et les élèves à la diversité liée aux identités de genres et aux orientations sexuelles en informant que chacun a une identité de genre et une orientation sexuelle qui lui est propre et ne se conforme pas nécessairement au modèle dominant. En sensibilisant le personnel éducatif et les élèves, quel que soit l’âge, et les outiller à repérer les discriminations et toutes les formes de harcèlement. En adoptant l’orthographe inclusive dans les communications de l’école, en outillant les enseignants à adopter une attitude critique face aux manuels et outils pédagogiques peu inclusifs et en mettant en place des animations et formations en collaboration avec les associations spécialisées qui souscrivent à notre charte.
  • Il est important de rendre visible le projet de lutte contre les discriminations liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles en intégrant la lutte contre l’homo-bi-transphobie dans le ROI et le projet d’établissement, dans une logique de co-construction incluant tous les acteurs de l’école, en prenant en compte la diversité des familles, des élèves et des membres du personnel et en prévoyant une information spécifique pour les familles.
  • La prévention vaut mieux que la répression. Aussi, il faut mettre en place un accompagnement des situations d’homo-bi-transphobie en décidant d’une procédure de signalement contre les discriminations et en en informant les élèves. Il faut également identifier des personnes de confiance qui accompagneront les personnes en questionnement et traiteront toutes les plaintes en termes de discriminations et de harcèlement. Il faudra également accompagner les victimes et les personnes auteures des discriminations, par la médiation, la rencontre de tous les acteurs et, le cas échéant, appliquer des sanctions cohérentes et mesurables. Il s’agit ici d’analyser avec les directions ce que prévoit chaque règlement d’ordre intérieur et ainsi, avec les éducateurs et les élèves, de proposer des mesures visant à une reconnaissance des actes discriminants d’élèves et l’acceptation de faire évoluer positivement les élèves victimes dans un cadre sécurisé et balisé. Nous conseillons d’adopter la médiation, la communication non violente et une gestion positive des conflits.
  • Enfin, il est essentiel de fonder une équipe porteuse du projet dans l’école.

5. Pour conclure : Pratico-pratiquement, comment faire ?

Nous proposons aux écoles de mettre en place un Plan triennal. Ce plan a été réfléchi de manière globale, Aux écoles à l’adapter à leur réalité. On ne devient pas Ecole Pour Tou.te.s du jour au lendemain. Il faut du temps. Ce n’est pas en faisant une campagne d’une semaine ou de 15 jours qu’un beau matin, on arrive dans une Ecole Pour Tou.te.s. Nous estimons qu’il faut trois années pour que les membres du personnel et les élèves soient informés, sensibilisés et formés à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. De même, ce projet doit être pérenne. Chaque année, de nouveaux élèves et de nouveaux professionnels arrivent dans l’école et, de ce fait, chaque année, il faut repartir de zéro avec eux. Evidemment, cela ira de plus en plus vite au fur et à mesure que l’école aura pleinement intégré les concepts et se sera transformée afin de permettre à tou.te.s les élèves et tou.te.s les membres du personnel de pouvoir être reconnu.e.s et respecté.e.s dans leurs identités.

Ce fut un bel échange qui a duré 2 bonnes heures et demi, suivies de discussions informelles autour d’une tasse de café pendant une bonne demi-heure. Rendez-vous l’année prochaine.

Droit de recours suite aux délibérations des conseils de classe et du jury de qualification

Droit de recours suite aux délibérations des conseils de classe et du jury de qualification

Pourquoi fait-on des examens ? Ou comprendre la fabrique de l’échec scolaire en 8 petites minutes !

Les exemples de courriers à télécharger, ci-dessous, ont été rédigés par Infor-Jeunes Laeken

Les recours sont un Droit des parents de l’élève mineur et un droit de l’élève majeur à qui le Conseil de classe aurait donné une A.O.B. ou une A.O.C.

L’A.O.B. est l’Attestation d’Orientation B, qui permet de passer dans la casse supérieur mais en interdisant à l’élève :

  • d’aller dans certaines sections (par exemple, l’enseignement général de transition, l’enseignement technique de transition, voire l’enseignement technique) ;
  • d’aller dans certaines formes (pour l’enseignement spécialisé);
  • d’aller dans certaines options (par exemple : math forte ou infographie).

L’A.O.C. est l’Attestation d’Orientation C, qui met l’élève en échec total et donc qui décide de le faire redoubler.

Comment procéder pour un recours interne ?

1. Dès que l’école vous communique un échec

Dès que l’école vous communique un échec impliquant une AOB ou une AOC, vous devez, IMMÉDIATEMENT, sauf si vous l’avez déjà reçue, exiger par écrit la motivation précise de la décision d’échec ou de réussite avec restriction prise par le Conseil de classe ou d’un refus d’octroi du certificat de qualification pris par le Jury de qualification.

Cette demande doit être faite par écrit et elle doit être déposée à l’école le plus rapidement possible qui DOIT dois donner un accusé de réception.

L’école DOIT fournir la motivation précise (!!!) d’une décision d’échec ou de réussite avec restriction prise par le
Conseil de classe ou d’un refus d’octroi du certificat de qualification pris par le Jury de qualification.

ATTENTION : VOUS N’AVEZ QUE 2 JOURS POUR RENTRER VOTRE RECOURS INTERNE !!!

2. Vérifier le règlement des études de l’établissement

Avant de rédiger votre recours, il vaut mieux vérifier le règlement des études de l’établissement qui doit avoir été remis aux familles et aux élèves majeurs en début d’année scolaire. Ce règlement doit comprendre les modalités essentielles :

  • d’organisation des différentes épreuves à caractère sommatif ;
  • du déroulement des délibérations ;
  • de la communication des décisions des conseils de classe aux élèves et à leurs parents ou à la personne investie de l’autorité parentale ;
  • L’école doit laisser au minimum 2 jours ouvrables pour permettre aux requérants de déposer un recours.

L’école se doit de respecter son propre règlement. Dans l’hypothèse où elle n’aurait pas motivé la décision du Conseil de classe, ce point devra être mis en exergue dans le recours.

3. Analyser la motivation de la décision du Conseil de classe ou du Jury de qualification

Le Conseil de classe doit baser sa décision sur les informations qu’il est possible de recueillir sur l’élève telles que, par exemple :

  • les études antérieures
  • des résultats d’épreuves organisées par des professeurs
  • des éléments contenus dans le dossier scolaire ou communiqués par le centre psycho-médico-social
  • des entretiens éventuels avec l’élève et les parents

.

4. Consulter ou obtenir copie des épreuves sur lesquelles s’est basée la décision du Conseil de classe

L’élève majeur, les parents ou la personne investie de l’autorité parentale de l’élève mineur peuvent consulter, autant que faire se peut en présence du professeur responsable de l’évaluation, toute épreuve constituant le fondement ou une partie du fondement de la décision du Conseil de classe. Les parents peuvent se faire accompagner par une personne de leur choix.

Il est également possible, sur demande écrite adressée au chef d’établissement, d’obtenir, à prix coûtant, copie de toute épreuve constituant le fondement ou une partie du fondement de la décision du Conseil de classe.

.

5. Rédiger le recours interne et le déposer à l’école, contre accusé de réception dans les 2 jours (ou plus si le règlement des études le permet).

Le recours interne doit être introduit par les parents si l’élève est mineur. Par contre, si l’élève est majeur, il doit l’introduire lui-même.

Pour le Jury de qualification il n’y a pas de recours externe. Seul le recours interne est possible et doit être tenté.

Dans la mesure du possible, il est intéressant de sortir des arguments dont le Conseil de classe n’avait pas connaissance lorsqu’il a pris sa décision, ou dont il avait connaissance, mais n’a pas pris en compte. Par exemple :

  • arguments d’ordre pédagogique ou problèmes relationnels avec un.e enseignant.e, une équipe pédagogique, la direction, …
  • nombre de cours non donnés et matière non vue pour cause d’absence d’un.e enseignant.e, de la pandémie ou autre, matière non donnée ou non évaluée et remédiée en cours d’année, …
  • Premier quadrimestre en présentiel et/ou distanciel, et les mesures impactantes sur l’élève
  • Une année scolaire = 182 jours en présentiel. Qu’en a-t-il réellement été ?
  • La gestion Covid a creusé les inégalités, qu’en a-t-il été de la/des remédiation/s ?
  • L’élève a des besoins spécifiques, les aménagements raisonnables ont-ils été correctement mis en place toute l’année ? Aux examens ?
  • Lors des évaluations durant l’année, lorsque des difficultés sont apparues, une remédiation a-t-elle été mise en place ?
  • La procédure de recours interne a été modifiée pendant l’année et nous n’en avons pas été informé
  • Le jury n’a pas été composé de tou.te.s les professeur.e.s;
  • Mettre en évidence les efforts qui ont été réalisés, les motivations, faire des propositions pour récupérer les apprentissages non acquis
  • Relever les erreurs de cotations, les vices de forme, les cotations injustes (par exemple un zéro qui relèverait de la sanction), contestation des cotations durant l’année scolaire
  • Est-ce que l’école a communiqué une copie des examens demandés ou non ?
  • Relever l’inadéquation de certaines évaluations par rapport au Règlement de l’école sur les méthodes d’évaluation et de cotation
  • etc.

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6. Attendre la réponse du Conseil de classe ou du Jury de qualification

Le Jury de qualification doit rendre sa réponse pour le 25 juin au plus tard

Le Conseil de classe doit rendre sa réponse pour le 30 juin au plus tard

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7. Selon la réponse, intenter ou non un recours externe

Ce recours externe doit être envoyé par lettre recommandée à la l’Administration de la Communauté française avec copie recommandée au chef d’établissement, AVANT LE 10 JUILLET

Direction générale de l’enseignement obligatoire

Conseil de recours contre les décisions des conseils de classe de l’enseignement secondaire

Enseignement à caractère confessionnel / non confessionnel (à préciser en fonction de l’école de votre enfant)

Bureau 1F140

Rue Adolphe Lavallée, 1

1080 Bruxelles

Le Conseil de recours siègera entre le 16 août et le 31 août (ils ne se fatiguent pas) pour examiner les décisions des Conseils de classe relatives aux délibérations de juin.

Le recours est introduit par les parents de l’élève mineur ou par l’élève majeur.

Il doit inclure :

  • les RAISONS PRECISES pour lesquelles ils contestent la décision de l’école
  • une copie de cette décision
  • une copie des bulletins des deux dernières années scolaires
  • tout autre document jugé utile par les parents ou l’élève majeur pour appuyer le dossier

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8. En cas de seconde session (fin août, début septembre)

La notification de la décision du Jury de qualification doit arriver dans les 5 jours qui suivent la délibération.

La notification de la décision du Conseil de classe doit arriver dans les 5 jours qui suivent la délibération. Les recours externes peuvent être introduits jusqu’au 5e jour ouvrable scolaire qui suit la notification de la décision. Le Conseil de recours siègera entre le 16 septembre et le 10 octobre (ils ne se pressent décidément pas).

EN DERNIÈRE MINUTE (24 juin 2022 à 14h59) : Circulaire 8652:
Recours contre les décisions des Conseils de classe et des Jurys de qualification dans l’enseignement secondaire ordinaire 2021-2022

L’école inclusive, une école qui se construit ensemble.

L’école inclusive, une école qui se construit ensemble.

Une analyse de l’ASBL « Education sans limites » pour la Ligue des Droits de l’Enfant

L’ASBL Education sans limites a accompagné des projets d’inclusion dans plusieurs écoles bruxelloises et du Brabant Wallon durant trois ans. Cette expérience sur le terrain a permis de mieux définir les enjeux de l’école inclusive.

Des facteurs de réussite

Plusieurs facteurs sont indispensables pour assurer la réussite de la mise en place d’une école inclusive 

  • Un travail de collaboration de l’ensemble de l’équipe pédagogique.
  • Adhésion de tous à la philosophie inclusive au sein de l’établissement.
  • Tous les intervenants doivent être pleinement impliqués dans le projet
  • Une communication fluide et régulière entre les différents intervenants.
  • La mise en place de soutien et d’adaptation afin que tous les élèves puissent s’épanouir pleinement.
  • La mise en place d’aménagements raisonnables.
  • Ces aménagements doivent également être pensés durant les périodes de « temps libre » des élèves.
  • La mise en place des stratégies inclusives et individualisées (PIA) si nécessaire en favorisant la différenciation pédagogique notamment grâce à l’utilisation des TIC et des outils numériques.

Des défis à relever

Les défis à relever dans la mise en place des projets d’inclusion sont nombreux. Même si les choses bougent par rapport à la mise en place des aménagements raisonnables et que le Pacte pour un Enseignement d’Excellence aborde la thématique de l’école inclusive. Il faut reconnaitre que la définition de l’inclusion scolaire reste encore floue pour un bon nombre d’enseignants et de directions d’école. De plus, quels sont les moyens prioritaires à mettre en place ? Nous avons tenté de lister plusieurs éléments qui nous semblaient importants.

► Un premier constat capital est l’urgence et l’obligation de former les enseignants tant en formation continue qu’en formation initiale. La reforme concernant la formation initiale n’est pas encore en d’application. Concernant la formation continue, des propositions existent et se sont fortement diversifiées ces dernières années. Elles sont malheureusement encore difficile à organiser (remplacement, horaire, places disponibles, …) et trop souvent sur base volontaire. Soyons cependant honnête, demander aux enseignants de mettre en place des aménagements raisonnables et une pédagogie différenciée sans les former n’est pas réaliste.

► Le plus grand challenge est de faire évoluer les mentalités. Il s’agit de sensibiliser et de démystifier le handicap. Une première étape pour atteindre cet objectif est la compréhension et la connaissance du handicap, des troubles, … par les enseignants. Il est important que l’enseignant bénéficie des éléments, ressources, formations pour comprendre le fonctionnement, les forces et les défis de l’élève qu’il va accompagner afin de poser un regard positif sur le projet d’inclusion. Ceci afin de valoriser les élèves, leur potentiel, leur créativité et l’expression de leur talent, mais aussi de vivre dans une société plus riche de sa diversité.

► Un second constat est l’importance d’avoir une vraie philosophie inclusive au sein des établissements. Cela passe par une direction ayant défini un projet d’établissement clair avec une continuité pédagogique. C’est le projet de toute une école et de toute une équipe éducative, voire même de tout unsystème scolaire, dont il s’agit et non de l’action d’un enseignant seul face à de nouvelles réalités et pratiques pédagogiques auxquelles il n’est pas préparé.

► Un autre défi à releverest l’exigence des résultats dans notre système scolaire belge. Dans le cadre des projets d’inclusion initiés par l’ASBL Education sans limites, la certification était rarement l’objectif prioritaire. Les parents étaient en demande d’une éducation inclusive permettant à leur enfant d’évoluer à leur rythme au niveau des apprentissages mais également des compétences transversales (reproduction de comportements sociaux adaptés, socialisation, …) et non d’obtenir une certification. Les épreuves du CEB en fin de 6ème primaire, du CE1D en fin de 2ème secondaire ou encore CESS en fin de 6ème secondaire sont des freins pour l’élève porteur d’un handicap de poursuivre son parcours scolaire dans un environnement familier et sécurisant.

En lien avec cette exigence des résultats, notons que l’un des obstacles majeurs à la mise en place de différenciation évoqué par les enseignants est l’argument de l’égalité. En effet, les enseignants ont peur d’être injustes avec les élèves. Ils ont l’impression d’octroyer des traitements de faveur à certains élèves au détriment des autres. Il ne s’agit pas d’égalité bien ici d’équité. Permettre à un élève à besoins spécifiques de bénéficier d’aménagements raisonnables, c’est comme donner des lunettes à un enfant qui aurait des problèmes de vue. Ce point nous ramène à l’urgence de former les enseignants pour faire évoluer le système scolaire en place.

► Enfin, établir une communication de qualité avec tous les intervenants qui gravitent autour de l’enfant et particulièrement avec l’enseignant référent qui est présent tous les jours. Cela permettra la mise en place d’objectifs cohérents ainsi que de définir les intentions de chacun. De plus, les échanges sont bénéfiques pour trouver des solutions à des problèmes, avoir de nouvelles pistes pour travailler. Cela permet également de connaitre différentes facettes de l’enfant et de prendre en compte les différents intérêts de l’enfant. 

Comment mettre l’école inclusive en place ?

Voici nos recommandations :

  1. Création d’écoles ayant un véritable projet inclusif d’établissement.

Nous avons constaté qu’en Belgique, à l’heure actuelle, quasi aucune école de la Fédération Wallonie Bruxelles n’a un projet d’établissement inclusif. Certaines écoles le mentionnent dans leur projet pédagogique mais la réalité sur le terrain est tout autre.

  • Des enseignants qui ne sont pas formés ou équipés pour entreprendre de tels projets.
  • Une vision de la direction vague et non-définie auprès des équipes pédagogiques
  • Des infrastructures peu adaptées à une Conception universelle de l’apprentissage.

Les conséquences sont les suivantes :

  • Les projets d’inclusion sont à l’initiative d’un enseignant. Cela signifie que le projet est remis en question chaque année et que le projet ne peut se construire dans le temps.
  • Par le manque de moyens et de formation, certains enseignants baissent les bras en court de projet obligeant les familles à rebondir et à se remettre en recherche d’une autre école.

Il est grand temps que les établissements scolaires aient une vision claire par rapport à l’inclusion et qu’ils définissent des moyens pour la mettre en place. La mise en place d’un projet d’inclusion doit être un critère clairement défini lorsque la direction engage ses professeurs. Sans cette condition, les projets resteront peu qualitatifs et uniquement basés sur la chance de tomber sur un professeur motivé.

  1. La mise en place d’une pédagogie basée sur la Conception universelle de l’apprentissage (CUA)

Mise en place dans de nombreux établissements du Canada, la conception universelle de l’apprentissage change radicalement d’approche et répond aux critères d’un véritable changement des mentalités.

La conception universelle de l’apprentissage est une approche flexible au niveau des objectifs, des méthodes utilisées, des évaluations et du matériel éducatif. Elle prend en compte, de manière préventive les besoins de tous les utilisateurs potentiels.

Il ne s’agit plus de réserver aux seuls étudiants porteurs d’un handicap des aménagements spécifiques, mais à tous les étudiants. L’inclusion est pensée en amont, alors qu’aujourd’hui les aménagements sont pensés après coup et que pour certains.

  • La formation des enseignants

Une recommandation incontournable est l’importance d’accompagner, d’outiller et de former les enseignants à des approches comme la CUA.

Les enseignants font un métier formidable et extrêmement difficile. Ils doivent continuellement se réinventer, innover, différencier les approches. Chaque enfant est unique et demande d’autres adaptations. La formation initiale des enseignants ne les forme pas à la gestion des besoins spécifiques. Evidemment, de nombreuses formations existent aujourd’hui. Il s’agit de formation de deux ou trois jours et sont souvent sur base volontaire.

La mise en place de projets d’inclusion est pour certains établissements très classiques un changement radical d’approche. L’évolution des pratiques et le changement de regard ne seront envisageablse qu’à la condition d’un accompagnement au quotidien.

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