En organisant cette table-ronde, nous pensions n’être qu’une poignée, comme à la dernière table-ronde que nous avions organisée l’année avant la pandémie. Or, il se fait que nous avons été plus d’une vingtaine, ce qui est une réussite. Peu d’écoles sont prêtes à se lancer dans le projet d’Ecole Pour Tou.te.s et, si cela se confirme, nous avions autour de la table des Pouvoirs organisateurs communaux, des directions de nouvelles écoles intéressées par la réflexion et surtout des personnes qui sont membres de PMS et qui donnent l’EVRAS dans les écoles. Il nous paraissait intéressant de voir ce qui les attirait et d’analyser les ouvertures, tout comme les freins possibles et les besoins.

1.    Pourquoi les participant.e.s ont-ils.elles tenu à participer à cette table-ronde ?

Manque de formation initiale

  • Parce que c’est un sujet dont on ne parle pas assez, notamment dans les formations de base.
  • Les Ecoles normales n’abordent quasiment pas le sujet, pensant que les étudiants ont déjà eu de l’EVRAS pendant leurs études secondaires.
  • La formation à donner l’EVRAS devrait être incluse dans le cours d’orthopédagogie

Besoin d’aides et de conseils

  • Pour savoir que faire quand on se retrouve face à des inégalités qui touchent les personnes LGBTQIA+
  • Comme membre d’un CPMS dans une école qui a demandé de faire des animations autour du genre car ils ont une situation d’un élève qui se pose des questions sur son genre et pouvoir leur relayer l’information de cette table-ronde

Pour débattre entre professionnels

  • Pour pouvoir en discuter d’un point de vue professionnel (direction d’école)
  • Idem, mais comme membre d’un CPMS qui a en charge l’EVRAS
  • Echevine qui met en place des actions pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune

Pour s’informer

  • Une journaliste qui couvre l’enseignement dans son journal et qui vient découvrir le projet d’Ecole Pour Tou.te.s, sans toutefois vouloir en faire un article, mais simplement s’informer
  • Conseillère pédagogique qui vient s’inspirer de ce projet afin de le transmettre
  • Professeure de philosophie-citoyenneté qui a des élèves qui s’assument de plus en plus et qui ont besoin d’être reconnus et qui se retrouve trop seule dans son école du fait que ses collègues ne sont pas informés sur la thématique ou n’y sont pas sensibles
  • Enseignante ayant un élève trans, qui ne trouve pas sa place et qui n’est pas soutenue par sa direction. Se demande ce qu’on peut faire dans une école qui n’est pas sensible au désarroi d’un élève.
  • Besoin de comprendre la problématique des personnes LGBTQIA+, et plus spécialement des élèves trans.
  • Une échevine de l’enseignement qui veut mettre un maximum de choses en place pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune.

Pour comprendre comment porter un tel projet

  • Besoin d’en savoir plus avant de le relayer vers le Pouvoir organisateur
  • Demande de raconter notre cheminement

2.    Bref historique du projet

La LDE a porté plusieurs fois le combat pour la communauté LGBT en étant à leurs côtés pour le mariage pour tous et l’adoption homoparentale. A chaque fois, le Politique a rédigé des lois qui répondaient à la demande de la communauté. Mais une fois ces combats terminés, la Ligue n’était plus active dans la défense des Droits des enfants LGBT ou vivant au sein de familles homoparentales. Aussi, nous avons décidé de lancer une plate-forme associative et citoyenne visant à continuer à porter des combats visant à défendre ces droits. Lors de notre tout premier colloque destiné à baliser les priorités que nous devions porter, il est apparu que la plus importante de toutes était l’école. C’est un lieu de grandes souffrances pour les jeunes LGBT, mais c’est aussi un système qui ne remplit pas son rôle en éduquant les élèves à accepter toutes les différences ainsi qu’à lutter au quotidien contre l’homophobie et la transphobie.

Il n’y avait aucune association membre de la Rainbowhouse qui portait le combat pour une Ecole LGBT-friendly. Nous avons donc entamé le chantier avec des citoyen.ne.s et des associations capables de nous alimenter et de nous aider à porter le combat. Nous sommes devenus la première association généraliste membre de la Rainbowhouse.

Nous avons donc mis sur pied une Charte et un carnet d’accompagnement afin de proposer aux écoles de devenir des écoles LGBT-friendly. Nous les invitons à y adhérer et à se voir labellisées « Ecoles Pour Tou.te.s ».

3.    Pour rentrer dans le débat explication de ce qu’est la transsexualité

Le mot « transsexualité » provient d’une hypothèse que des psychiatres ont émise il y a plus d’un siècle. Ils se sont dit que si des personnes ne se sentaient pas bien avec leur assignation de naissance c’est qu’elles voulaient probablement inverser les rôles dans leur relation sexuelle, c’est-à-dire devenir pénétrante ou pénétré ou inversement. Ils se sont dit, ces personnes-là on va les opérer, ainsi il n’y aura plus de problèmes. Pendant des décennies, il y a eu des expérimentations, pour finalement parvenir à la conclusion que les personnes qui avaient l’étiquette « transsexuelles » ne souffrent d’aucune maladie mentale.

Il ne s’agit pas d’une maladie, ce n’est pas « réparable », il s’agit simplement d’une caractéristique et non d’un trouble.

Depuis les années 70’s, des associations LGBTQIA+ se sont constituées et ont lutté afin de mettre fin aux expérimentations de conversions psychiatriques. Elles ont exigé d’obtenir les résultats des expériences menées, les hypothèses infirmées et de retirer la transsexualité du DSM.  Mais si les psychiatres ont bien été contraints de corriger le DSM en 2013, ce n’est pas pour autant qu’ils ont publié leurs conclusions négatives. Donc, la société continue actuellement de stigmatiser et pathologiser toute forme de non-conformité aux convenances binaires.

Au-delà des identités de genres, le problème touche également les personnes présentant des variations des systèmes sexués, les personnes intersexes. Mutilées au niveau des parties génitales pour certaines, dès leur naissance, elles endurent des chirurgies « d’assignation » jusqu’à l’âge adulte au prétexte de devoir correspondre à un modèle de binarité dit « normal, naturel, biologique » et niant toute forme de variation du système sexué.

Le combat vise à faire cesser toutes ces mutilations inutiles et permettre à toute personne dès sa naissance de vivre pleinement son identité de genres et/ou ses variations biologiques dans le respect des diversités.

4.    Quels sont les engagements à prendre pour devenir une Ecole Pour Toute.s

Présentation de la charte en 9 points et explications rapide, chaque point étant détaillé dans les documents accompagnant la charte et remis aux participant.e.s, et débat autour de ces 9 points.

La Charte est divisée en 4 axes : L’axe Inclusion, l’axe Education, l’axe Visibilité et l’axe Action

Au niveau de l’axe Inclusion :

1. Accepter toutes les personnes quelles que soient leurs identités de genres et leurs orientations sexuelles.

2. Respecter l’intimité de chaque personne.

Débat : Il y a consensus sur le point 1, tout comme sur le point 2, mais sur ce dernier, des questions se posent de manière pratico-pratique. Les écoles ne sont pas construites pour laisser de l’intimité aux élèves. Les vestiaires sont communs et les toilettes genrées. Cela nécessitera du temps pour les adapter. Cependant, tout le monde convient que ce n’est pas impossible et que cela permettra de modifier les mentalités et lutter contre les stéréotypes de genre. Le défi qui semble le plus à même de motiver les professeurs est celui dégenrer les productions internes, jouets, manuels et activités culturelles, artistiques et sportives (point 1.5)

Au niveau de l’axe Education :

3. Permettre à chaque élève de participer à toutes les activités organisées dans l’école.

4. Éduquer aux diversités liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles.

Débat : Le priorité pour la majorité des participant.e.s semble être la formation prioritaire des enseignant.e.s, avant celle des élèves. Il est important, selon un directeur d’école, que les enseignant.e.s puissent s’approprier les outils pour pouvoir travailler cela avec les élèves qui leurs sont confiés. Par contre, l’adaptation de l’écriture inclusive dans les écoles rencontre moins de succès. C’est parfois compliqué à lire, alors qu’il y a des élèves dyslexiques et dysorthographiques. De même, comment apprendre à lire aux petits si on leur demande de lire de l’écriture avec des points partout. On pourrait y réfléchir à partir de la quatrième secondaire. Avant cela, il faudra bien former les enseignant.e.s à cette écriture.

Au niveau Formation :

5. Enseigner à repérer les discriminations et les formes de harcèlement.

6. Soutenir toutes les initiatives qui luttent contre les discriminations.

Débat : Adapter les projets pédagogiques et d’établissement est une excellente chose. Les parents devant adhérer aux idéaux de l’école et signer ces deux documents fait qu’ils devront adhérer au projet, au moins passivement. Prévoir une formation eux est également relevée. Il faudrait voir s’il y a des associations de parents dans chaque école, de manière à ce que ce soient les parents qui organisent les formations pour leurs pairs. Cela passerait mieux que si c’est l’école. Cela pourrait aussi être une co-organisation.

Au niveau Action :

7. Lutter contre le sexisme, la transphobie et l’homophobie.

8. Accompagner les victimes des discriminations.

9. Sanctionner les actes sexistes, transphobes et homophobes de manière éducative

Débat : La médiation doit être la priorité. Les participant.e.s pensent que si la formation des élèves commence le plus tôt possible, il y aura peu d’actes homo-bi-transphobes. Evidemment, il y a toujours les élèves qui arrivent en cours de cursus pour qui il faudrait prévoir une formation immédiate, leur permettant d’acquérir la conscience de leurs pairs sur le respect de tou.te.s le plus rapidement possible.

En conclusion, il ressort qu’il y ait consensus sur les balises prioritaires suivantes par rapport aux points de la Charte :

  1. Pour commencer, il est important de créer un environnement inclusif pour les élèves, les membres du personnel, les intervenant.e.s extérieur.e.s et les parents en prenant en considération toutes les identités qui peuvent être multiples, en luttant contre les discriminations, en respectant la diversité des familles et des élèves, en garantissant le droit à l’intimité de chaque personne et en dégenrant les productions internes, les jouets, les activités culturelles, artistiques et sportives.
  • De même, il faut éduquer et former les membres du personnel et les élèves à la diversité liée aux identités de genres et aux orientations sexuelles en informant que chacun a une identité de genre et une orientation sexuelle qui lui est propre et ne se conforme pas nécessairement au modèle dominant. En sensibilisant le personnel éducatif et les élèves, quel que soit l’âge, et les outiller à repérer les discriminations et toutes les formes de harcèlement. En adoptant l’orthographe inclusive dans les communications de l’école, en outillant les enseignants à adopter une attitude critique face aux manuels et outils pédagogiques peu inclusifs et en mettant en place des animations et formations en collaboration avec les associations spécialisées qui souscrivent à notre charte.
  • Il est important de rendre visible le projet de lutte contre les discriminations liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles en intégrant la lutte contre l’homo-bi-transphobie dans le ROI et le projet d’établissement, dans une logique de co-construction incluant tous les acteurs de l’école, en prenant en compte la diversité des familles, des élèves et des membres du personnel et en prévoyant une information spécifique pour les familles.
  • La prévention vaut mieux que la répression. Aussi, il faut mettre en place un accompagnement des situations d’homo-bi-transphobie en décidant d’une procédure de signalement contre les discriminations et en en informant les élèves. Il faut également identifier des personnes de confiance qui accompagneront les personnes en questionnement et traiteront toutes les plaintes en termes de discriminations et de harcèlement. Il faudra également accompagner les victimes et les personnes auteures des discriminations, par la médiation, la rencontre de tous les acteurs et, le cas échéant, appliquer des sanctions cohérentes et mesurables. Il s’agit ici d’analyser avec les directions ce que prévoit chaque règlement d’ordre intérieur et ainsi, avec les éducateurs et les élèves, de proposer des mesures visant à une reconnaissance des actes discriminants d’élèves et l’acceptation de faire évoluer positivement les élèves victimes dans un cadre sécurisé et balisé. Nous conseillons d’adopter la médiation, la communication non violente et une gestion positive des conflits.
  • Enfin, il est essentiel de fonder une équipe porteuse du projet dans l’école.

5. Pour conclure : Pratico-pratiquement, comment faire ?

Nous proposons aux écoles de mettre en place un Plan triennal. Ce plan a été réfléchi de manière globale, Aux écoles à l’adapter à leur réalité. On ne devient pas Ecole Pour Tou.te.s du jour au lendemain. Il faut du temps. Ce n’est pas en faisant une campagne d’une semaine ou de 15 jours qu’un beau matin, on arrive dans une Ecole Pour Tou.te.s. Nous estimons qu’il faut trois années pour que les membres du personnel et les élèves soient informés, sensibilisés et formés à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. De même, ce projet doit être pérenne. Chaque année, de nouveaux élèves et de nouveaux professionnels arrivent dans l’école et, de ce fait, chaque année, il faut repartir de zéro avec eux. Evidemment, cela ira de plus en plus vite au fur et à mesure que l’école aura pleinement intégré les concepts et se sera transformée afin de permettre à tou.te.s les élèves et tou.te.s les membres du personnel de pouvoir être reconnu.e.s et respecté.e.s dans leurs identités.

Ce fut un bel échange qui a duré 2 bonnes heures et demi, suivies de discussions informelles autour d’une tasse de café pendant une bonne demi-heure. Rendez-vous l’année prochaine.

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