Le décrochage scolaire : état des lieux en Fédération Wallonie-Bruxelles :

Le décrochage scolaire : état des lieux en Fédération Wallonie-Bruxelles :

En Belgique, un élève en décrochage scolaire est un élève en âge d’obligation scolaire et qui pourtant, n’est ni inscrit dans un établissement scolaire, ni inscrit pour des cours par correspondance. Un jeune est aussi considéré en décrochage s’il présente plus de 20 demi-journées d’absences non-justifiées.

Qui sont ces jeunes à risque?

D’après Catherine Blaya, une pédagogue française, Il n’existe pas qu’un seul profil de décrocheur. En effet, celle-ci a tenté de relevé quatre “profils” de jeunes à risque de décrochage scolaire1.

  • Le premier groupe concerne des élèves aux comportements appelés “contestataires” et qui ont donc tendance à montrer leur mécontentement de façon voyante.
  • Le deuxième groupe sont des élèves qui ne trouvent aucun intérêt à suivre une scolarité et adoptent donc une attitude passive.
  • Le troisième groupe sont des élèves dont les problèmes familiaux prennent le dessus sur le quotidien du jeune et provoque un impact négatif sur ses résultats scolaires.
  • Le quatrième et dernier groupe, sont des élèves en états dépressifs. Par conséquence, ceux-ci ont du mal à se concentrer.

Malgré la volonté de vouloir énumérer les différents portraits de jeunes en décrochage scolaire, il existe une multitude de profil différents. Cette variété implique qu’un “groupe homogène”2 n’existe pas.

Divers facteurs comme la relation avec le corps enseignant, la pédagogie, l’ambiance scolaire, la relation avec la famille, influencent fortement le jeune.

Quelles en sont les causes?

Les facteurs qui influencent le jeune sont multiples. Si nous voulons trouver une définition complète à ce phénomène complexe, il est :

“multidimensionnel et multifactoriel résultant d’une combinaison de facteurs interagissant les uns avec les autres”3 et ou chacun des acteurs de la vie du jeune a une part de responsabilité.

Il est notamment important de noter qu’un facteur a lui tout seul ne peux expliquer le décrochage scolaire du jeune et en être la seule cause. C’est un phénomène à analyser de façon systémique, c’est à dire qu’il faut tenir compte du réseau entier de l’élève et non pas se focaliser sur une seule cause.

En voici quelques-unes :

  • Les facteurs individuels

Ce phénomène peut être lié à des facteurs propres à l’élève comme une inadaptation au système scolaire traditionnel ou encore, à la question du genre (on remarque que les garçons sont les plus touchés), à un comportement inadapté, violent, à un état dépressif, une démotivation, à des difficultés d’apprentissage, à un haut potentiel, etc.

  • Les facteurs familiaux

La famille a un rôle important dans la réussite scolaire de l’enfant. En effet, si le jeune ne se sent pas épaulé ou soutenu dans son parcours, ceci aura un impact sur sa motivation ou son intérêt à suivre une scolarité et donc, sur sa réussite.

Les relations conflictuelles peuvent également être un facteur considèrent du décrochage scolaire.

De plus, Il est important de souligner que tous les jeunes ne sont pas égaux face à l’institution scolaire. Les enfants issus de famille ayant une situation socioéconomique familiale faible, sont plus susceptible de décrocher que les autres.

  • Les facteurs scolaires

Ce facteur est prédominant parmi les causes énumérées ci-dessus.

Le fonctionnement général du système scolaire est souvent problématique pour ces jeunes qui ont du mal à trouver leur place. Le climat qui règne dans l’établissement scolaire, l’implication et le soutien des professeurs dans les apprentissages, l’étiquetage, la clarté du règlement d’ordre intérieur de l’école, l’orientation, etc. sont “un tout” qui fait que l’élève peut se retrouver en décrochage.

Catherine Blaya et al., met l’accent sur deux points importants qui sont pour eux, centraux4:

  1. L’étiquetage :

Soit on rentre dans la colonne “bon élève”, soit on rentre dans la colonne “mauvais élève”. De façon implicite, quand un jeune est face à une difficulté, celui-ci va intérioriser son sentiment d’échec. L’institution aura tendance à “naturaliser” la situation et, pire encore, à le maintenir dans cette croyance. Conséquence : L’élève pensera qu’il n’est pas fait pour apprendre car le système scolaire le rejette.

Ces jeunes devront faire face au redoublement mais aussi à la relégation et à la ségrégation. Ce sentiment d’échec à répétition et cette impression de ne pas “être à sa place”, aura tendance à les regrouper dans “une sous-culture d’opposition au système et à l’image qu’il leur renvoie, dans un processus réactionnel à la stigmatisation ou à l’exclusion qu’ils subissent”4.

  • Le climat scolaire :

Le climat d’une classe, la motivation ainsi que la pédagogie apportée par le professeur sont des facteurs primordiaux dans la réussite scolaire de l’élève. Si les relations entre les différents acteurs (professeur-élèves, élèves-élèves) intra-muros sont mauvaises, il est clair que le jeune aura tendance à décrocher. Sans oublier la problématique du harcèlement scolaire qui n’est pas à exclure et qui doit être pris en charge en amont afin d’éviter le repli sur soi, le décrochage, voir encore – et cela arrive trop souvent – le suicide.

La question de l’orientation choisie ou subie est aussi une véritable problématique. C’est dans les filières professionnelles que l’on retrouve un taux de décrochage élevé. D’après l’étude PISA, les élèves issus d’une famille pauvre seraient plus sujets au décrochage.

La culture de l’école est aussi à prendre en compte. Bien souvent, des élèves ne comprennent pas ce qu’on leur demande et se sentent donc exclus du système scolaire.

  • L’absentéisme et l’ennui

L’absentéisme est à la fois une cause et une conséquence de ce phénomène sociétal.  Ainsi, l’élève qui adopte une “stratégie d’évitement” et, de ce fait, a des absences à répétition sera à terme, déscolarisé.

Le jeune se sent donc “inadapté” en milieu scolaire. Un sentiment qu’il traînera derrière lui une fois qu’il entrera dans le marché du travail, voire tout au long de sa vie.

En ce qui concerne l’ennui, celui-ci n’augmente pas le phénomène de décrochage scolaire mais il doit être considéré comme “symptomatique” d’un dysfonctionnement institutionnel et social.

  • L’intériorisation

Cette problématique est décelable chez des jeunes en difficulté scolaire. Bien souvent, ils ont intériorisé l’échec comme une normalité par conflit de loyauté envers les parents (papa, maman qui ont arrêté prématurément leur scolarité) ou parce qu’ils sont harcelés et cela va parfois même jusqu’à la phobie scolaire. Ou encore, parce que l’enseignement traditionnel n’est pas adapté à leurs besoins. Tout ceci conduit à une sorte de fatalité dont ils pensent ne pas y échapper. Ce qui les plongent plus facilement dans le décrochage scolaire.

Quelles sont les pistes de solutions ?

L’accrochage : “Mieux vaut prévenir que guérir”.

Et pour cause, le décrochage scolaire n’est pas un phénomène qui s’opère du jour au lendemain mais bien une situation que l’on peut prendre en main, voire éradiquer en amont si les moyens mis en place sont présent. Et c’est l’école qui y joue un rôle essentiel!

  • Nous devons penser à “un changement de culture de l’école”, revoir le fonctionnement scolaire et renverser la tendance.
  • La formation des enseignants face à ce fléau est aussi un point important dont il faut remédier absolument. Trop peu de futur enseignants sont en manque d’informations sur la gestion de situations de décrochage scolaire et se sentent donc impuissant.
  • Un “climat scolaire positif” semble avoir toute son importance pour répondre aux besoins de l’élève. Adopter un comportement bienveillant, empathique et à l’écoute peut apporter à l’élève un soutien tout au long de son parcours et ainsi, le faire progresser.
  • Un travail de réseau entre les écoles, les intervenants sociaux et les familles est nécessaire pour que les mesures d’interventions soient efficaces. Adopter une intervention plus individualisée, s’assurer que le jeune ait trouvé sa place au sein de sa classe (et donc, dans la société) et refuser les étiquettes qu’on pourrait lui coller, peut anticiper la situation de décrochage.

Dans le cas de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’accrochage scolaire est pris en charge par par différents organismes comme :

  • Les Centres Psycho Médico Sociaux (CPMS);
  • Les services de la médiation scolaire bruxellois et wallons;
  • Les éducateurs de quartiers ainsi que les Maisons de Jeunes (MJ);
  • A Bruxelles, des contrats de préventions sont financés par les 19 communes de façon individuelle, pour la mise en place d’écoles de devoirs, par exemple.

Le raccrochage : Une utopie?

Plus difficile mais pas impossible!

Il existe différentes mesures dites de “réparation ou de compensation” dans l’enseignement comme par exemple, la formation qualifiante (filières techniques, professionnelle et en alternance qui semblent bien fonctionner pour certains jeunes mais qui souffre de visibilité).

Elle se fait donc soit par la formation qualifiante, soit par les études.

  • Par formation qualifiante :

Par ce biais, le jeune peut se former à un métier bien spécifique ou entrer directement dans le monde du travail. Cependant, sans diplôme, il risque d’avoir des difficultés à trouver un travail sans pénibilité et précarité.

Il existe des médiateurs emploi qui ont pour mission de rencontrer les jeunes en conflit avec l’école et les informer sur le système du marché du travail et les familiariser avec celui-ci.

Ensuite, les Missions Locales, Bruxelles-Formation et le Forem qui proposent des formations professionnelles. Et pour finir, le système de la formation par alternance qui réoriente le jeune dans l’enseignement technique ou professionnel.

Le service citoyen peut aussi être efficace pour ces jeunes en rupture scolaire car il vise le “développement personnel” et responsabilise le jeune en tant que citoyen actif et critique dans la société par une réinsertion aux études ou formation professionnelle.

  • Par la réinsertion aux études :

Il existe les services d’accrochage scolaires (S.A.S) et sont au nombre de 12 en Wallonie et à Bruxelles. Ceux-ci accueillent les jeunes qui sont en décrochage scolaire de façon provisoire, avec comme objectif de les réinsérer dans au milieu scolaire le plus rapidement possible. Le but est que le jeune se rende compte de ses compétences et qu’il puisse reprendre confiance en lui.

Des dispositifs d’accrochages scolaires (DAS) sont également mis en place pour apporter un réel travail de prévention. Le but est de créer une “dynamique autour de l’école” en rassemblant les divers acteurs sociaux et scolaire autour de la table pour agir ensemble sur la question de façon la plus efficace possible.

Les “alliances éducatives” sont sans nuls doutes la bonne marche à suivre pour aider les élèves en décrochage scolaire. Penser à réorganiser le système est loin d’être impossible mais prendra du temps. POUR LA SOLIDARITE-PLS propose de renforcer l’alternance, une voie développée au Québec et en Allemagne. Le jeune est confronté au monde du travail, parallèlement à deux jours de cours généraux en centre de formation.

1Pour la solidarité, Marie SCHULLER, “Décrochage scolaire, un phénomène complexe et multifactoriel”, Novembre 2017.

2Ibid.

3Ibid.

4Ibid.

Apprendre dans l’Ecole inclusive

Apprendre dans l’Ecole inclusive

Introduction

Le constat est connu et les résultats des enquêtes PISA successives le démontrent largement. En Belgique, l’Ecole francophone dysfonctionne. Or, le Droit international impose aux États à la fois un enseignement basé sur l’égalité des chances[1] et la mise en place d’une École inclusive[2]. Ces deux exigences sont d’ailleurs indissociables. En effet, donner des chances égales d’émancipation sociale à tous les élèves ne peut se faire que dans une École qui accueille tout le monde, sans distinction d’origines, de genres, de capacités intellectuelles, physiques, sensorielles, etc.

Aujourd’hui, nous sommes encore loin du compte. Notre système scolaire demeure profondément discriminant : il reproduit les inégalités sociales, mais en plus, il les amplifie ! Le taux d’échecs assorti des redoublements et des orientations reste trop important en Fédération Wallonie-Bruxelles. En outre, l’échec concerne prioritairement les élèves qui sont en situation de handicap, avec ou sans ‘dys’, ou issus des milieux les plus défavorisés. Nombre d’entre eux sont dirigés inadéquatement vers l’enseignement spécialisé, qui n’est rien d’autres qu’un enseignement ségrégué. L’égalité des chances à laquelle ils ont pleinement droit leur est confisquée. Leurs possibilités de choix sont réduites de manière drastique. Leur avenir professionnel est compromis. Nous pouvons même affirmer que c’est leur avenir « tout court » qui est compromis.

Ces combats, les militants de la Ligue des Droits de l’Enfant, ainsi que nos partenaires associatifs, les portent depuis plus de 20 ans[3] et déplorent le manque d’ambition du Pacte pour un enseignement d’excellence.

Il faut donc changer l’école de la cave au grenier. Le Pacte pour un enseignement d’excellence a pour vocation d’améliorer l’Ecole, mais il n’a pas pris ses responsabilités de manière complète, privilégiant les intérêts des réseaux et de leurs écoles, alors que c’était celui des élèves qui devait primer. Les écoles ont donc eu tout le loisir de défendre leurs propres intérêts, qu’elles soient de transition (généralement ségrégatives), ou de qualification. Ces dernières reçoivent des élèves scolairement et psychologiquement cassés et n’ont d’autres choix que de ségréger à leur tour sur base de la (dé)motivation de ces élèves (dés)orientés.

Notre enseignement est partagé par trois courants : « l’école ségrégative », « l’école intégrative » et « l’école inclusive ».

« L’école ségrégative »

L’école ségrégative est celle de la massification de l’enseignement d’après-guerre, remise un tout petit peu au goût du jour. Elle reçoit « trop » d’élèves différents et ne sait pas enseigner à tous. C’est celle qui pratique allègrement la compétition entre les élèves, de manière à orienter le plus rapidement possible les élèves qui ne sont pas dans la « norme ». Ce sont des écoles élitistes et sélectives, au sein desquelles rien ou prou n’est mis en place pour aider les élèves qui ont besoin de plus de temps ou de plus d’explications. On n’y enseigne pas, on y donne cours ! Ce sont des écoles pyramidales[4], dont le nombre de classes – et donc de places disponibles – diminue au fur et à mesure qu’on monte dans les années. Exactement comme les étages d’une pyramide. Au sommet subsiste le tiers des classes qu’il y avait à la base. De ce fait, environ 65% des élèves entrés en première secondaire ont été orientés avant d’atteindre ce sommet. L’école ségrégative est une école qui ne pratique aucune pédagogie active, mais seulement l’enseignement frontal.

« L’école intégrative »

L’école intégrative diffère de l’école ségrégative du fait qu’elle accueille des « élèves à besoins spécifiques » et leur permet d’avoir des aménagements raisonnables. Ces élèves ont un ou plusieurs « manque.s » et, pour bénéficier de l’intégration scolaire, doivent bénéficier d’un diagnostic qui permet l’intégration grâce à l’aide de l’enseignement spécialisé. L’école intégrative met la responsabilité de la réussite de cette intégration sur l’élève et sa famille. Elle garde une part de ses anciennes racines ségrégatives dans le fait qu’elle pratique elle aussi la compétition et la sélection. La seule différence est que les élèves en intégration auront un peu plus de moyens pour être compétitifs et seront moins rapidement orientés. L’école intégrative ne pratique pas de pédagogie active et/ou institutionnelle, mais met en place ponctuellement des pratiques pédagogiques qui bénéficient également à tous les autres élèves, grâce aux interventions de l’enseignement spécialisé dans les classes.

« L’école inclusive »

L’école inclusive diffère radicalement des deux autres modèles. Elle s’est donnée pour mission de privilégier, non la compétition, mais la coopération. Elle s’adresse à tous les élèves et s’adapte pour leur permettre d’acquérir tous les savoirs en y mettant tous les moyens possibles. Elle rejette l’échec car elle postule que tous les élèves sont capables d’apprendre et met en place toutes les conditions pour y parvenir. Elle rend les aménagements raisonnables, UNIVERSELS. Toutes et tous les élèves peuvent en bénéficier en fonction de leurs besoins. Les élèves apprennent ensemble et non les uns contre les autres. Ils coopèrent, s’entraident et se soutiennent au travers de pratiques pédagogiques validées, telle le tutorat ou les équipes de coopération. L’école inclusive est une école qui pratique une pédagogie active et institutionnelle. 

Quelles bases juridiques ou légales imposent-elles à notre système scolaire de devenir pleinement inclusif ?

C’est le Droit fondamental qui définit le droit des enfants à bénéficier d’un enseignement inclusif. Notamment les deux Conventions internationales qui précisent ce qu’est le Droit à l’éducation :

  • La Convention internationale des Droits de l’Enfant précise dans son article 29 (Droits à l’Education) que « L’éducation des enfants doit les aider à développer pleinement leur personnalité, leurs talents et leurs capacités. Elle doit leur enseigner à comprendre leurs droits et à respecter les droits et la culture des autres, ainsi que leurs différences. Elle doit les aider à vivre en paix et à protéger l’environnement. »
  • La Convention des Droits des Personnes handicapées reconnaît en son article 24 que « Les personnes handicapées ont droit à l’éducation sans discrimination. » et qu’elles doivent pouvoir, sur la base de l’égalité avec les autres, (à) avoir accès, à un enseignement inclusif, de qualité et gratuit (lire ci-dessous).

La Belgique et ses entités fédérées ont signé et ratifié ces deux Conventions. Elles sont donc transposées (ou doivent l’être) dans les Lois et Décrets, dont ceux qui concernent l’éducation, et donc l’Ecole. La Belgique a inscrit le Droit à l’inclusion dans la Constitution belge. Celle-ci affirme que « Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables. » (Article 22 ter)

Dès lors, tous les professionnels de l’éducation ont mission de favoriser et de permettre de manière très concrète la scolarisation des élèves en « situation de handicap » dans l’école ou l’établissement du choix de leurs parents.

Qu’est-ce qu’être en « situation de handicap » ?

UNIA[5] nous explique que la notion de « personne en situation de handicap » correspond mieux au modèle « social » du handicap. Celui-ci est différent de l’ancien modèle « médical » du handicap qui s’acharnait sur les déficiences pour tenter d’inclure ces personnes dans la société. Le modèle « social » du handicap, quant à lui, se base sur les compétences des personnes. C’est en se basant sur leurs compétences, que l’inclusion sera possible.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées précise que « par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières – comportementales et environnementales – peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. »

Pour la Ligue des Droits de l’Enfant et sa « plate-forme associative pour une Ecole inclusive », et en nous basant sur les définitions de l’Unesco, nous affirmons que L’École inclusive concerne tous les élèves avec leurs diversités, qu’elles soient intellectuelles, physiques, culturelles, sociales, de genre, de langue, d’orientation sexuelle, … tout au long de leur scolarité et non uniquement les élèves en situation de handicap, qualifiés actuellement « à besoins spécifiques ». Cette diversité fait la richesse de nos classes, de nos écoles et de notre société.

Quelle différence fait-on entre l’intégration et l’inclusion ?

Si le terme « Inclusion » progressivement rentré dans le langage scolaire à la place du terme « intégration », il n’en a pas pour autant changé radicalement l’Ecole. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Que recouvrent ces notions ? Pourquoi les confond-on encore aujourd’hui ?

Le Pacte pour un enseignement d’excellence nous donne une définition en trompe-l’œil de l’Inclusion, ce qui – et c’est bien naturel – perturbe les professionnels de l’éducation. En son Avis n° 3 – Axe 4, il précise que « L’école inclusive est définie comme « permettant à un élève à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel, pédagogique et/ou organisationnel ».

C’est évidemment contraire à la définition de l’Unesco qu’a signé la Belgique et ses entités fédérées. C’est, par ailleurs, cette définition – celle de l’Unesco – qui doit être comprise lorsqu’on lit la Convention des Droits des Personnes handicapées lorsqu’elle impose aux Etats signataires de permettre que les enfants en situation de handicap  «  puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire » (inclusif également). 

Ces deux notions sont bien différentes

L’intégration scolaireL’inclusion scolaire
  L’intégration est le modèle du « manque ». Il est centré sur l’individu et fait référence à une norme. « Il manque quelque chose à cet élève, il faut absolument combler ce manque ou parvenir à le compenser pour atteindre la norme et donc, pour qu’il puisse être scolarisé dans notre école ».    L’inclusion est le modèle de la « diversité ». Il n’y a pas de « norme », autre que la diversité.   L’élève ne doit pas se conformer à la « norme » ou aux « normes » de l’école. C’est cette dernière qui s’adapte à toutes les diversités.
  Ce manque (handicap, ‘dys’, troubles, maladie chronique grave, milieu social défavorisé, …) va nécessiter l’intervention de spécialistes qui vont poser un diagnostic qui pointera les solutions à apporter au problème de l’enfant (chaise roulante, logopédie, interventions de personnel soignant sur le temps de midi, enseignement spécialisé, …).    L’inclusion n’est pas centrée sur l’individu, mais sur le groupe. Elle s’appuie sur les potentiels et les compétences de chaque élève. Ces derniers ne doivent pas s’adapter à leur environnement, mais c’est l’environnement qui s’adapte constamment à toutes les diversités présentes dans l’école.
  C’est donc une approche en termes de déficit.s qui va embarrasser le personnel éducatif car il risque de se sentir incompétent. Les nombreuses demandes d’orientation vers l’enseignement spécialisé sont le signe de cet embarras.    L’école inclusive est une école à pédagogie active et coopérative. Elle est fondée sur le « postulat d’éducabilité[6]  » : Tous les élèves, mieux… tous les êtres humains sont capables d’apprendre.
  En effet, l’élève a besoin d’un accompagnement spécifique qui lui permettra de combler ses manques.             Il a besoin d’aménagements « raisonnables ». Il s’agit d’outils d’ordre matériel, pédagogique ou organisationnels indispensables, qui vont combler son/ses « manque.s ». Ces aménagements raisonnables sont « octroyés » en fonction de son diagnostic.    L’environnement s’adapte constamment en fonction des diversités de l’école. L’accessibilité universelle est une démarche constante. Chaque élève trouve une solution à ses besoins. Les obstacles sont éliminés ou mis entre parenthèse le temps que l’élève termine son parcours scolaire, et cela bénéficie à tout le monde.   Les aménagements, les outils mis à disposition des élèves, ont dépassé le simple « raisonnable » pour devenir « UNIVERSELS ». Ils sont disponibles pour toutes et tous, en fonction des besoins de chacune et de chacun.  
  L’élève est donc accepté seulement sous conditions. L’intégration est une dynamique qui demande à l’enfant, au jeune, de s’adapter pour s’intégrer. En réalité, c’est l’école qui n’est pas adaptée.    C’est donc une école qui accepte tout le monde sans restriction. Les parents y sont partie prenante et impliqués dans le processus. Leur avis et leurs ressentis sont pris en compte.
          Définition de l’inclusion par l’Unesco (2005)   « L’inclusion est considérée comme un processus visant à tenir compte de la diversité des besoins de tous les apprenants et à y répondre par une participation croissante à l’apprentissage, aux cultures et aux collectivités, et à réduire l’exclusion qui se manifeste dans l’éducation. Elle suppose la transformation et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies, avec une vision commune qui englobe tous les enfants de la tranche d’âge concernée, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif général d’éduquer tous les enfants (…) [7]»   Et d’ajouter : En particulier, quatre éléments essentiels occupent généralement une place importante dans la conceptualisation de l’inclusion : Linclusion est un processus. En dautres termes, linclusion doit être envisagée comme la recherche perpétuelle de meilleurs moyens de répondre à la diversité. Elle consiste à apprendre comment vivre avec la différence et comment en tirer des leçons. On en vient ainsi à regarder les différences d’une manière plus positive, comme une incitation à favoriser l’apprentissage, chez les enfants comme chez les adultes.Linclusion sattache à identifier et à lever les obstacles (physiques ou procéduraux, visibles ou invisibles, intentionnels ou non intentionnels) qui nuisent à la participation et à la contribution des personnes.Linclusion sintéresse à la présence, à la participation et aux acquis de tous les enfants.Linclusion nécessite qu’une attention particulière soit accordée aux groupes susceptibles d’être exposés à un risque de marginalisation, d’exclusion ou d’échec.   L’éducation inclusive nécessite un changement de paradigme au sein des écoles. Il s’agit maintenant de déplacer le problème individuel du « manque » de chaque enfant (l’intégration) à un problème collectif. Cela nécessite la modification de ce système centré sur l’individu, de manière à ce que tous les enfants bénéficient d’une éducation de qualité, visant leur réussite, et ce quels que soient leurs besoins.   L’UNESCO, en 2017[8] précisait sa définition de l’inclusion par « un processus qui aide à dépasser les barrières limitant la présence, la participation et la réussite des apprenants » et l’éducation inclusive par « un processus de renforcement de la capacité d’un système éducatif donné à s’adresser à tous les apprenants »  

Il y a-t-il des modèles d’Ecoles inclusives en Europe ?

La plupart du temps, on nous parle de l’Ecole italienne, où tous les enfants seraient rassemblés dans la même école « ordinaire ». C’est un modèle que nous n’avons pas pu visiter, mais des études ont été faites sur celui-ci. Penchons-nous dessus…

Dès les années 60, l’Italie a mené une réflexion sur une politique d’inclusion de tous et toutes les élèves, souhaitant adopter une voie unique d’éducation pour tous. Celle-ci a abouti à une adaptation du système éducatif italien. Les écoles spécialisées ont été fermées afin de réduire les risques de « différentiation structurelle » pour les élèves porteurs de handicap.s. Cela a amené le fait que la (quasi-)totalité des élèves est scolarisée dans des écoles ordinaires.

L’Italie a ainsi rejoint le groupe des pays européens qui privilégient « la voie de la trajectoire unique », nommée « one track approach », comme la Suède, la Norvège, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Ceux-ci se sont engagés pour l’intégration de tous les enfants à besoins spécifiques dans des écoles ordinaires. Les écoles spécialisées ne sont pas complétement fermées, mais soutiennent les écoles ordinaires en y étant devenus des centres de ressources de documentation et de soutien. Moins de 0,5% des élèves, ayant des besoins particuliers, y sont accueillis[9].

D’autres pays d’Europe privilégient une « approche multiple de l’intégration », appelée quant à elle, « multi track approach ». Ils adaptent leurs approches aux handicaps des élèves. Ce système est plus souple car il peut évoluer avec les élèves. Ces pays sont l’Angleterre, l’Autriche, le Danemark, la France, l’Irlande, le Luxembourg et la Pologne.

En Belgique, nous pratiquons deux systèmes éducatifs distincts, ce que l’on nomme « two track approach ». Les enfants en situation de handicap se retrouvent dans un enseignement ségrégué, les privant d’une vie sociale dans un environnement inclusif. Très peu d’entre eux ont la chance d’être « intégrés » dans une école ordinaire, avec leurs pairs. Dans cette discrimination, la Belgique n’est pas seule. La Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas ont également deux systèmes d’éducation. Ces deux systèmes d’enseignement sont soumis à des règles et des législations différentes.

 

Quels sont les résultats de l’integrazione scolastica en Italie ?

En Italie, la réflexion sur la fermeture des établissements d’enseignement spécialisé, contrairement à bien d’autres pays européens, dont la Belgique, a commencé à la fin des années 70[10]. La législation scolaire italienne et le discours pédagogique italien ont créé un cadre positif pour un système basé sur l’inclusion scolaire.

C’est le psychiatre italien Franco Basaglia[11] qui a inspiré la réflexion sur le handicap en général. En 1973, il lance la « psychiatrie démocratique », mouvement social qui s’étend à toute l’Italie en interpellant les forces politiques et syndicales. Que les personnes handicapées soient placées en institutions et déshumanisées le révoltait. Pour lui, « l’institutionnalité totale » portait atteinte aux personnes avec handicap. Il a appelé à la « désinstitutionalisation ». Cela impliquait un changement fondamental, visant à reconnaître la personne comme une qualité et non comme une simple quantité physique ou « nosographique[12] »dans un système thérapeutique. Ce mouvement a conduit à la fermeture des asiles de personnes « aliénées », tout comme des classes et écoles spécialisées, ou des hôpitaux psychiatriques pour adultes[13].  

Parallèlement, se sont développées des « structures locales d’aide ou d’accompagnement et de nouveaux supports thérapeutiques [pour] favoriser l’intégration sociale et la reconnaissance du droit à la citoyenneté pour ceux que l’on considérait jusqu’alors comme des non-personnes. »

Dès 1977, le droit à l’instruction et à l’intégration en milieu ordinaire est garanti pour tous les enfants en situation de handicap, de l’école maternelle à la fin du secondaire. Ensuite, dans les années 1990, ce droit a été étendu à la crèche et à l’université.

L’integrazione scolastica oblige les écoles italiennes à mettre en place un aménagement visant à accueillir des services socio-psychopédagogiques ainsi que des « enseignants de soutien ». Ces derniers font du co-enseignement avec leurs collègues « ordinaires », dans les classes accueillant un ou plusieurs élèves en situation de handicap.

En injectant dans l’Ecole inclusive des moyens importants, l’Italie permet de scolariser, dans l’enseignement ordinaire, quasiment tous les enfants en situation de handicap. Les procédures de reconnaissance du handicap sont rapides. Il suffit aux parents de contacter l’établissement et celui-ci les décharge d’une partie de la procédure, grâce à une plus grande implication des personnels de direction et du conseil de classe.

Les résultats doivent être nuancés, comme dans tous les systèmes scolaires qui ne sont pas réellement inclusifs, même s’ils en ont la volonté. Pour Ianes et Demo (2013), les limites du système se situent du côté des finalités. Selon eux, au lieu de se tourner vers un enseignement de qualité et la participation réelle de tous les élèves à la vie scolaire le système s’oriente plutôt vers une série de mesures spéciales correspondant à certains types de publics.

La situation des élèves avec handicap dans les écoles italiennes est bien connue. On a parlé notamment des enseignants de soutien qui permettent à ces élèves une meilleure intégration. Mais elle est plus compliquée pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou des troubles du comportement (Ciambrone, 2018). Ceux-ci étaient placés dans des « classes différenciées » jusque dans les années 1990. Ces classes ont été officiellement abolies en 1977 mais n’ont été réellement supprimées qu’en 1992. Ces élèves sont catégorisés comme élèves « à besoins éducatifs particuliers », mais leur statut n’a été reconnu qu’en 2010. Il faut noter que l’on pratique encore de « micro-exclusions » d’élèves dans ce système scolaire qualifié d’inclusif par la législation (Slee, 2013).

D’autres auteurs relèvent les inégalités géographiques de traitement des élèves en situation de handicap. L’Italie est un pays à fortes disparités économiques d’une région à l’autre. Il s’y présente des disparités en matière de représentation du handicap. Malgré la loi nationale, « certaines conceptions de la “malformation”, de la “folie” et des anomalies du corps ou du psychisme, relèvent encore, dans le Sud, de la pensée magique » (Goussot & Canevaro, 2010).

Enfin, il faut également tenir compte du poids de l’église catholique qui considère encore que le handicap est une punition consécutive à une « faute ». Il est un signe de la volonté divine. Selon la conception de chaque enseignant, deux pratiques d’accompagnement en découlent, basées d’une part sur la charité (ce qui est tout, sauf de l’inclusion) et d’autre part sur le respect de la dignité des élèves en situation de handicap (écoles inclsuives).

En conclusion, le cas de l’Ecole italienne démontre bien la pertinence de la conception de l’inclusion par l’Unesco : « L’inclusion est un processus ». Et ce processus prend du temps. Il y a des réfractaires, des professionnels sans beaucoup de motivations, des personnes handicapophobes[14], des structures institutionnelles, etc., que l’on doit convaincre. Ce qui peut prendre plus d’une génération.

Se dire inclusif, c’est se mettre en chemin vers l’inclusion. Or, l’inclusion, c’est notre horizon. Au fur et à mesure que l’on marche, l’horizon recule. On ne l’atteindra jamais. Mais en étant sur le chemin, on progresse et pas après pas, l’on devient de plus en plus inclusif. C’est valable pour tout enseignant, pour toute école, pour tout système scolaire.

Comment prend-on en charge le handicap en Belgique francophone ?

Commençons par rappeler que le droit à l’enseignement est garanti par la Constitution belge. Cela signifie que chaque enfant, quels que soient ses spécificités, a le droit d’être scolarisé.

L’histoire de l’enseignement spécialisé éclaire la situation en Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais commençons par remonter le temps sur l’origine de la prise en charge éducative des enfants ayant des déficiences sensorielles ou mentales en Europe.

1.    Le commencement

Cela a commencé au XIXe siècle avec Jean Itard (1774-1838). C’était un médecin français spécialisé dans la déficience auditive et l’éducation spécialisée. Il est essentiellement connu pour son travail dans le cas de l’ « enfant sauvage » : Victor de l’Aveyron.

En 1797, un enfant, alors âgé de 9 ou 10 ans est aperçu dans le Tarn où il vivait de manière sauvage. Il faudra deux années pour l’attraper. « Il marche à quatre pattes, se nourrit de plantes, est velu, sourd et muet ». Victor est alors considéré comme un malade mental, un idiot de naissance. Il est transféré à Paris où il est livré à la curiosité de la foule et des savants.

En 1801, il est confié au docteur Jean Itard. C’est celui-ci qui lui donnera le prénom de Victor. Contrairement à tous ceux qui ne croient pas à sa réinsertion sociale, Jean Itard va se mettre au travail afin de lui permettre de s’intégrer dans la société. Jean Itard travaillera cinq années avec Victor mais considèrera toujours comme un échec personnel l’incapacité de l’enfant à parler.

Cette histoire a été adaptée au cinéma dans le film « L’Enfant sauvage » (1970), réalisé par François Truffaut avec Jean-Pierre Cargol dans le rôle de Victor, l’enfant sauvage, et Truffaut lui-même dans celui du docteur Itard. A voir ou à revoir.

Jean Itard a eu de multiples collaborateurs, dont Edouard Séguin, pédagogue français. Itard le convainc de se consacrer à l’éducation des personnes ayant une déficience intellectuelle. Vers 1840, Séguin crée la première école destinée à l’éducation des « déficients intellectuels ». Il a écrit et publié, notamment, ce qui est considéré aujourd’hui comme le premier manuel systématique sur les besoins parriculiers des enfants avec une déficience intellectuelle « Traitement moral, Hygiène et Education des idiots. »

Cela lui a valu d’être surnommé « l’instituteur des idiots ». N’étant pas reconnu en France, il émigre aux Etats-Unis où il crée son propre modèle d’écoles, dédiées au traitement des « handicapés mentaux ». Il publiera encore plusieurs ouvrages sur la question.

En Belgique aussi quelques écoles pionnières vont s’ouvrir pour soigner les personnes handicapées.

Jean-Baptiste Pouplin, un instituteur belge d’origine française, a fondé une des premières écoles pour sourds-muets sur le continent européen, plus précisément, à Liège. En 1819, il accueille dans sa classe 19 élèves sourds-muets. Deux ans plus tard, l’école de Pouplin devient l’ « Institut des sourds-muets », qui vit toujours et est devenu l’actuel « Institut Royal pour Handicapés de l’Ouïe et de la Vue ». 

Seize ans plus tard, en 1835, la Congrégation des Sœurs de la Charité fonde l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles à Uccle, dans un parc de 5 hectares.

Il faudra attendre 1905 et le XXe siècle, pour qu’Ovide Decroly organise à Bruxelles une école pour les « enfants irréguliers ». Ovide Decroly refusait de parler d’ « anormaux » ou de « handicapés », leur préférant le terme d’ « irréguliers ». C’est ainsi qu’il fondera l’ « Institut d’enseignement spécial pour enfants des deux sexes ». Ces enfants irréguliers sont libres et sont éduqués avec les trois enfants d’Ovide Decroly et de son épouse Agnès Guisset. Progressivement, il met en place une pédagogie active innovante, soutenue par une approche scientifique de la psychologie de l’enfant. En 1907, il fondera l’Ecole Decroly et l’élargira aux élèves « normaux ».

Enfin, en 1914, l’obligation scolaire impose aux communes d’organiser des classes pour « enfants faiblement doués ou arriérés ou pour enfants anormaux ».

Depuis cette date, nous avons un système ségrégué, c’est-à-dire que nous avons deux systèmes d’enseignement. Le premier est un système d’enseignement « ordinaire » et le second est un système d’enseignement « spécial ». Les législations sont différentes.

2.    L’enseignement « spécial »

Dans les années 60, des associations de parents d’enfant ayant un handicap intellectuel ou un handicap physique militent pour que l’on s’occupe efficacement de leurs enfants. Depuis la fin de la guerre, la population scolaire était en augmentation. C’était l’époque de la « massification »  de l’enseignement et des écoles s’ouvraient. Ces associations demandaient qu’on ouvre des écoles pour leurs enfants à besoins spécifiques.

C’étaient les Golden Sixties, l’Etat avait de l’argent, l’enseignement « spécial » fut créé. La loi du 6 juillet 1970 sur l’enseignement spécial, assure la mise en place d’un enseignement spécial autonome, donc ségrégué, pour les élèves « aptes à suivre un enseignement mais inaptes à le suivre dans une école ordinaire ».

3.    L’enseignement « spécialisé »

Le Décret Missions du 24 juillet 1997, ainsi que le Décret organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004, modifié le 5 février 2009, ont défini les missions prioritaires des enseignement fondamental et secondaire. Ils ont précisé que l’enseignement spécialisé ou intégré est destiné aux « enfants et aux adolescents qui, sur base d’un examen multidisciplinaire, doivent bénéficier d’un enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques. Pour assurer cette mission, 8 « types » d’enseignements spécialisés sont créés :

L’enseignement de type 1 est destiné aux enfants qui ont un retard mental léger.

L’enseignement de type 2 est destiné aux enfants qui ont un retard mental modéré à sévère.

L’enseignement de type 3 est destiné aux enfants qui ont des troubles du comportement

L’enseignement de type 4 est destiné aux enfants qui ont des déficiences physiques

L’enseignement de type 5 est destiné aux enfants malades ou hospitalisés

L’enseignement de type 6 est destiné aux enfants qui ont une déficience visuelle

L’enseignement de type 7 est destiné aux enfants qui ont une déficience auditive

L’enseignement de type 8 est destiné aux enfants présentant des troubles instrumentaux (problèmes de développement du langage, de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul, sans retard mental, de troubles physiques comportemental ou sensoriel).

4.    L’intégration

Le Décret de 2009 a permis à tous les élèves – hormis ceux qui sont malades ou hospitalisés – d’être intégrés dans l’enseignement ordinaire grâce à un projet d’intégration temporaire totale qui est établi conjointement par 4 structures : les deux écoles (ordinaire et spécialisé) et les deux CPMS[15] (ordinaire et spécialisé). En outre, des services d’aide à l’intégration sont subsidiés pour soutenir les processus d’intégration des élèves âgés de 6 à 20 ans.

Il existait alors 4 types d’intégration individuelle : l’ « intégration totale » permanente ou temporaire et l’ « intégration partielle » permanente ou temporaire. La collaboration entre l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire consiste à un accompagnement de 4 heures par semaine de chaque élève en intégration (8 heures par semaine pour l’accompagnement des élèves du 3e degré du secondaire ordinaire).

Grâce à ce décret, les enfants avec une déficience intellectuelle ou un trouble du comportement pouvaient bénéficier d’une intégration temporaire totale. Oui, nous avons bien écrit « pouvaient ». Malheureusement, la Fédération Wallonie-Bruxelles ayant besoin d’argent, a trouvé que l’intégration temporaire totale – et donc les enfants qui en bénéficiaient – coûtait trop cher.

La forte augmentation du nombre d’élèves en intégration temporaire totale n’a pas eu d’impact sur la diminution du nombre d’élèves dans le spécialisé. Au contraire, certaines écoles ordinaires, gardant leurs mauvaises habitudes, continuaient à orienter les élèves à besoins spécifiques ou en difficultés vers le spécialisé. Entre 2010 et 2020, l’augmentation de ces orientations s’élevait à 17%, ce qui représentait une augmentation du budget de la FWB passant d’environ 15M€[16] à un budget de 52M€ en 2019-2020.

Plutôt que de maintenir une aide à l’intégration d’enfants ayant une déficience intellectuelle ou comportementale dans l’ordinaire, le gouvernement de la FWB a préféré utiliser cet argent à la mise en place de nouvelles structures, appelées Pôles territoriaux.  Ceux-ci ont pour mission d’accompagner les équipes pédagogies afin de mettre en place les aménagements raisonnables nécessaires aux élèves à besoins spécifiques, tels que définis par le Décret du même nom. En intégration permanente totale, le Pôles ont également pour mission de suivre les élèves ayant des troubles sensorimoteurs[17].

Et tant pis pour les enfants les plus fragiles. Pour pouvoir bénéficier à l’avenir d’une intégration, les élèves ayant une déficience intellectuelle ou comportementale devront passer au moins un an dans l’enseignement spécialisé. Et l’école spécialisée aura le dernier mot. Si celle-ci craint de perdre des heures-enseignant en intégrant un enfant dans l’ordinaire, elles auront tout-à-fait le loisir de lui refuser, sous des prétextes futiles, de vivre une vie ordinaire, dans un milieu ordinaire, avec des copains ordinaires.

Comme nous l’avons vu en début de cette analyse, cette décision politique est contraire au Droit fondamental et aux Droits des enfants en situation de handicap. D’ailleurs, le Comité européen des droits sociaux a condamné la Belgique, et plus précisément la Fédération Wallonie-Bruxelles (FBW), pour le manque d’efforts déployés en faveur de l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap intellectuel[18].

La création des Pôles territoriaux part du constat que les enseignants de l’ordinaire ne savent pas mettre en place des aménagements raisonnables. Ils ont donc besoin d’aides. Les Pôles territoriaux devraient donc permettre d’assurer une prise en charge des élèves à besoins spécifiques (hors déficiences mentales et/ou comportementales) dans toutes les écoles de l’enseignement ordinaire.

5.    Le rêve de l’Ecole inclusive

La FWB est encore très loin de l’inclusion. Le Pacte pour un enseignement d’excellence confond encore avec l’inclusion avec l’intégration. Faudra-t-il espérer un Nouveau Pacte en 2030 pour espérer voir le système scolaire de venir réellement inclusif… 15 ans plus tard encore ?

Les écoles ordinaires, ne souhaitant plus accueillir un élève en situation de handicap continuent à proposer aux parents une orientation vers l’enseignement ségrégué. Ceux-ci peuvent refuser, mais quelle alternative ont-ils ? Les Pôles territoriaux sont destinés – en principe – aux seuls élèves diagnostiqués « à besoins spécifiques » ou avec déficience sensorimotrice. Les enfants avec déficience intellectuelle ou comportementale ne sont – en théorie – pas pris en charge. Et, même, si l’on sait que des Pôles territoriaux ont décidé de ne pas faire de différences entre les élèves, ils n’auront jamais les moyens de remplacer l’accompagnement que le spécialisé donnait avant 2020.

Les notions d’exclusion, de ségrégation, d’intégration, d’inclusion, d’école inclusive ne sont pas comprises, pas intégrées par la majorité des actrices et acteurs du système scolaire de la même manière. Encore moins par les parents. S’il est vrai que, sur le plan international, il n’y a pas d’unanimité dans la définition de l’éducation inclusive, parce qu’elle est étroitement liée à des considérations politiques, sociétales, historiques et pédagogiques (Hyatt & Hornby, 2017 ; Beaucher, 2012 ), il semble qu’il en soit de même dans notre quasi-marché scolaire où chaque école a sa liberté pédagogique. Et tant pis si, pour cela, on discrimine les plus fragiles d’entre les plus fragiles.

Pourtant, les définitions existent et sont définies par les Conventions internationales citées au début de cette étude. Le Comité des Personnes handicapées, les a rappelées en 2016 :

« On parle d’exclusion lorsque l’accès à une quelconque forme d’éducation est empêché ou refusé, directement ou indirectement.

On parle de ségrégation lorsque des enfants handicapés sont scolarisés dans des établissements spécifiques, conçus ou utilisés pour accueillir des personnes ayant un handicap particulier ou plusieurs handicaps, et qu’ils sont privés de contact avec des enfants non handicapés.

On parle d’intégration lorsque des enfants handicapés sont scolarisés dans des établissements d’enseignement ordinaires, dans l’idée qu’ils pourront s’adapter aux exigences normalisées de ces établissements. […] l’intégration ne garantit pas automatiquement le passage de la ségrégation à l’inclusion.

On parle d’inclusion dans le cas d’un processus de réforme systémique, impliquant des changements dans les contenus pédagogiques, les méthodes d’enseignement ainsi que les approches, les structures et les stratégies éducatives […] Si elle ne va pas de pair avec des changements structurels […], la scolarisation d’enfants handicapés dans des classes ordinaires ne relève pas de l’inclusion. [19]»

Serge Ebersold (2009), a résumé l’évolution du terme « inclusion ». « Si à l’origine le terme d’inclusion soulignait la volonté de scolariser les enfants présentant une déficience ou un trouble d’apprentissage en milieu ordinaire, il désigne désormais l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire et l’inscription sociale de tout élève indépendamment de ses caractéristiques individuelles ou sociales. Sa consécration dépasse en cela largement la question du handicap et de la scolarisation d’un groupe minoritaire ».

Comment permettre à tous les élèves d’apprendre dans l’Ecole inclusive ?

L’école doit s’approprier une pratique inclusive sans laquelle il est vain d’espérer accueillir toutes les différences et leur permettre d’évoluer le plus loin possible.

Se lancer sur le chemin de l’inclusion, c’est aussi se mettre en péril, comme lorsqu’on se met en route sur n’importe quel chemin de randonnée. Quel temps aurons-nous, comment nous équiper pour le chaud, pour le froid, pour la pluie ; quelles chaussures mettre, quel ravitaillement prendre, quel poids maximal porter sur le dos, etc ?  

Pour des enseignant.e.s, cela se traduit par des craintes associées aux pratiques inclusives, par la transformation de leur rôle, l’apprentissage du réel travail collaboratif entre eux, mais aussi avec les intervenants et intervenantes extérieurs (CPMS, Pôles territoriaux, associations d’accompagnement, orthopédagogues, professionnel.le.s du handicap, des ‘dys ‘, mais aussi avec les parents, etc.). Leur sentiment de compétence sera mis à rude épreuve. La formation continue sera également questionnée.

Passer de l’intégration scolaire à une véritable pédagogie de l’inclusion nécessite un changement de paradigme éducationnel :  « Le paradigme du groupe-classe, traditionnellement conçu comme « 1 X 30 » (un groupe relativement homogène de 30 élèves), est appelé à être remplacé par une nouvelle conception du groupe-classe, qu’on pourrait illustrer par la phrase mathématique de « 30 X 1 » (30 fois 1 ou 30 apprenants individuels) On peut décrire sommairement le défi que pose l’implantation d’une pédagogie de l’inclusion, en disant que cela revient à passer du « 1 X 30 » au « 30 x 1 » ! » (Isaacs, Greene et Valesky, 1995)

L’inclusion scolaire agit sur trois fronts :

  • Elle est inconditionnelle et automatique. C’est une philosophie du rejet zéro qui donc s’interdit toute forme de rejet.
  • Elle ne conçoit qu’un seul placement pour tous les élèves, soit la classe ordinaire, quelles que soient les capacités intellectuelles, comportementales, ou les particularités de fonctionnement des élèves avec handicaps ou en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation.
  • Elle vise une intégration pédagogique optimale ; d’une part, en intégrant le maximum de contenus d’apprentissage des programmes d’études ordinaires, d’autre part, en favorisant la participation active des élèves en difficulté aux activités d’apprentissage de la classe.

Il est donc nécessaire de mettre en place une véritable pédagogie de l’inclusion qui imposera des transformations pédagogiques validées et indispensables. Ce modèle doit permettre la gestion des différences tout en répondant aux besoins particuliers des élèves. Ce modèle, doit faire appel à des pratiques communes pouvant bénéficier à la fois aux élèves en situation de handicap, mais aussi à tous les autres élèves de la classe. 

La mise en place de ces pratiques repose sur la coopération entre les différent.e.s intervenant.e.s scolaires et entre les élèves. Ceci, tant sur la reconnaissance de la prise en compte de l’individualité de chaque élève, sur leur pleine participation, le développement de leur autonomie et enfin, sur une pédagogie active favorisant la construction et l’assimilation des savoirs.

Ces pratiques devront, pour certains élèves en situation de handicap en difficulté, être accompagnées d’interventions ou d’accompagnement spécialisé.

La pédagogie de l’inclusion est apparue dans les années 1990 (Stainback et Stainback, 1992). Elle proposait une approche complétement différente de celle de l’intégration. L’inclusion adopte une philosophie éducative qui exclut toute forme de rejet, donnant mission aux écoles de répondre aux besoins éducatifs de tous les élèves. Il s’agit d’un modèle pédagogique qui repose sur le postulat d’éducabilité : chaque élève est unique et tous les élèves peuvent être éduqué. Autrement dit, que toutes et tous peut apprendre, progresser – et s’émanciper comme personne relationnelle, aussi libre, autonome et heureuse que possible.

Les écoles et les pratiques pédagogiques d’apprentissage veillent à ce que chaque élève reçoive une éducation adaptée à ses besoins et ses compétences personnels.

Un modèle d’inclusion totale

Ce modèle est loin d’être nouveau. Il remonte au début du 21e siècle, mais on sait combien l’Ecole en FWB a du mal à regarder au-delà de nos frontières. Rien que la pratique du redoublement en est la preuve. Nous sommes la région de l’OCDE où le redoublement est – de loin – le plus pratiqué. Pire, il ne l’est que par commodité, pour soulager les enseignants.

Ce modèle d’inclusion totale a été établi en 2002 par Raymond Vienneau et comprend cinq composantes :

  • la normation optimale de l’expérience de scolarisation de chaque élève ;
  • une participation pleine et entière de chaque enfant à la vie de sa communauté d’appartenance, y compris à sa communauté d’apprenantes et d’apprenants ;
  • l’individualisation optimale du processus d’enseignement-apprentissage ;
  • la reconnaissance de la contribution unique et irremplaçable de chacune et de chacun au développement et à l’épanouissement de cette communauté d’apprenantes et d’apprenants ;
  • l’accès de chaque élève aux ressources et aux milieux d’apprentissage les plus favorables à son développement intégral et tant que personne.

Le tableau suivant reprend chacune des cinq composantes du modèle en précisant les implications éducatives de chacune d’elles.

Composantes et implications éducatives de l’inclusion

Composantes Implications éducatives de l’inclusion
Normalisation1.1.accès aux activités offertes par sa communauté (intégration communautaire) ;
 1.2.inscription à l’école de son quartier ou de son village (intégration physique) ;
  accès aux activités sociales, culturelles, sportives de son choix parmi les activités organisées par l’école (intégration sociale) ;
  inscription dans un groupe-classe d’élèves de son groupe d’âge ou le plus près possible de son groupe d’âge (intégration pédagogique) ;
  programmes et services éducatifs offerts à tous les élèves par la même unité administrative (intégration administrative).
2. Participation2.1.participation à la vie communautaire et à la vie sociale de l’école encouragée et soutenue par le milieu (cercle d’amis) ;
 2.2.participation optimale de chaque élève aux activités d’apprentissage vécues en classe ou à l’extérieur de la classe.
Individualisation3.1.individualisation maximale des contenus d’apprentissage pour chaque élève ;
  individualisation du processus d’enseignement-apprentissage à travers l’utilisation de stratégies et de techniques d’enseignement variées ;
  individualisation de la démarche évaluative pour tenir compte des particularités de fonctionnement pouvant influencer la mesure des apprentissages
Unicité4.1.sensibilisation de la classe au vécu des élèves en difficulté (activité pour comprendre le vécu d’un élève avec handicap visuel) ;
  valorisation du caractère unique de chaque élève (dimensions intrapersonnelle, interpersonnelle, sociale et culturelle) ;
  mise en valeur des particularités en vue d’enrichir les expériences d’apprentissage de la classe (apprentissage du braille).
Intégralité5.1.équilibre entre les divers types de savoirs visés ;
  équilibre entre les pôles d’autonomisation et de socialisation ;
  équilibre entre les domaines de développement (prise en compte de toutes les dimensions de la personne).

Au moins trois de ces composantes abordent la dimension pédagogique de l’inclusion :

  • La composante de la participation : exigence d’une participation optimale de chaque élève aux activités d’apprentissage vécues par le groupe-classe
  • La composante d’individualisation du processus d’enseignement-apprentissage, composante au cœur même du modèle pédagogique
  • La composante du développement intégral, dont les objectifs rejoignent les préoccupations des militants de l’approche humaniste en éducation.

La dimension pédagogique de l’Ecole inclusive

L’inclusion scolaire est-elle compatible avec les attentes d’efficacité de notre système scolaire ? Ne va-t-on pas parler de « nivellement par le bas » ?

Nombre d’enseignants et de directions d’école (voire de membres de P.O.[20]) pensent que des classes homogènes sont plus efficaces. Elles permettraient de limiter les stratégies d’enseignement et donc de transmettre de meilleurs apprentissages scolaires, surtout aux élèves qui ont un « bon » niveau. Des parents issus de milieux socialement favorisés vont dans le même sens. Il leur semble qu’enseigner à leurs enfants qui n’ont pas de difficultés spécifiques d’apprentissages ou étant en situation de handicap, permettrait de mettre en place de meilleures stratégies d’enseignement. A l’inverse, rendre les écoles inclusives ne risquerait-il pas d’impacter les apprentissages de leurs enfants. 

Voyons ce qu’en dit la littérature scientifique. Les recherches sur l’école inclusive remontent à plus de 20 ans.

Le classement des élèves en groupes homogènes (les ‘forts‘ avec les ‘forts’, les ‘faibles’ avec les ‘faibles’) est, non seulement, largement ségrégatif, mais est critiqué par la recherche sur trois points essentiels : l’absence de gain concernant l’efficacité, le caractère inéquitable de ce groupement et enfin sa contribution à la ségrégation des publics scolaires souvent déjà marginalisés (Dupriez, Draelants, 2004).

Organiser des classes de niveaux scolaires n’améliore pas la moyenne générale de l’ensemble des élèves. Le fait de pousser les élèves prétendument « forts » à devenir encore meilleurs n’améliore pas la moyenne générale de l’ensemble des élèves. Au contraire, cela augmente la perte de performance chez les plus faibles.

Si les élèves prétendument « forts » profitent des classes homogènes, les élèves étiquetés « faibles » en pâtissent. La constitution de classes homogènes contribue à amplifier l’écart qui existe entre les prétendument « forts » et les prétendument « faibles ».

A l’opposé, les classes hétérogènes contribuent à le réduire : elles sont bénéfiques aux élèves ayant le plus de difficultés sans porter préjudice aux autres élèves (Crahay, 1997).

Dans une classe hétérogène, les élèves reçoivent la même qualité d’enseignement. Par contre, dans des classes homogènes, les élèves prétendument « forts » bénéficient d’enseignants qui, conscients des aptitudes élevées de leurs groupes-classes, se montent exigeants et avancent à un bon rythme dans la matière. Par contre, les groupes composés d’élèves injustement étiquetés de « faibles » se retrouvent généralement face à des enseignants quelque peu sceptiques quant à leurs capacités d’apprentissage. Ils reçoivent un enseignement moins exigeant ou de moindre qualité ; notamment, on leur impose moins de matière à étudier. Conséquence logique de ceci : en cours d’année, les premiers bénéficient d’opportunités d’apprentissage bien plus importantes que les seconds. En revanche, dans les classes hétérogènes ceux-ci bénéficient du même enseignement que les prétendument « forts » et l’écart ne se creuse pas.

Enfin, le groupement homogène peut participer à la ségrégation scolaire de publics déjà marginalisés (les enfants en situation de handicap, issus de milieux populaires, migrants, …), tandis que les élèves plus favorisés sur le plan socioculturel et socioéconomique tendent à entretenir leur domination dans le système. Ils n’y sont pas entrés avec les mêmes acquis. Le classement par niveaux va sur-favoriser ces élèves déjà choyés par le système.

Pour celles et ceux qui pensent que l’inclusion c’est parachuter des enfants en situation de handicap dans une classe ou une école, cela ne fait en rien une classe ou une école inclusive, sauf y placer un élève avec handicap ou en difficulté. Le seul placement physique de l’élève avec handicap dans une classe ordinaire constitue une condition nécessaire mais non suffisante en soi, pour une inclusion scolaire réussie.

En ce qui concerne la comparaison entre inclusion scolaire et « classes à visée inclusive » ou écoles spécialisées, la recherche montre clairement que le groupement des élèves à besoins spécifiques (écoles spécialisées) est moins efficace que la scolarisation en classe ordinaire (Tremblay, 2012)

Il ne suffit pas de se déclarer inclusif, mais d’en posséder toutes les caractéristiques. Une école inclusive doit être plus efficace que tous les autres types de scolarisation. La recherche a démontré que la scolarisation en classe inclusive est plus efficace pour les élèves en situation de handicap qu’un enseignement en enseignement spécialisé.

La différence entre l’intégration scolaire et l’inclusion réside dans la dimension pédagogie de celle-ci. C’est faire le choix de travailler à la transformation du système éducatif de manière à augmenter sa capacité de répondre aux besoins de tous les élèves. La mise en place d’une pédagogie inclusive permet précisément de venir en soutien à tous les élèves. Et donc de faire progresser encore plus tous les enfants et tous les jeunes, quel que soit leur niveau.

Pour arriver à cela, il est indispensable de mettre en place des pratiques efficaces pour tous les élèves, sans la moindre exception.

1.    Des pratiques efficaces

De nombreuses études, essentiellement anglo-saxonnes, ont mis en lumière les pratiques efficaces d’écoles pratiquant l’inclusion scolaire.

Sur le plan humain, du bien-être, du plaisir d’aller à l’école ou d’y enseigner, (Arceneaux, 1994 ; Gallucci, 1997 ; Slee et Weiner, 2001) et Morefield (2002) relèvent 12 spécificités communes aux écoles inclusives efficaces :

  • un leadership fort et très humain exercé par la direction de l’école ;
  • un but commun partagé par tous les intervenants et intervenantes ;
  • un environnement où l’on se sent aimé et protégé ;
  • un sentiment de responsabilité partagée (tous les adultes sont responsables de tous les élèves)
  • un climat disciplinaire ferme, juste, cohérent et positif ;
  • des attentes élevées pour chaque élève ;
  • un personnel qui croit que l’enseignement est une « vocation », pas un simple métier ;
  • un curriculum multiculturel qui s’intègre dans les activités quotidiennes ;
  • d’excellentes pratiques pédagogiques ;
  • une croyance ferme dans l’importance du rôle des parents ;
  • une approche faisant la promotion d’une bonne santé mentale ;
  • un environnement physique agréable, propre et esthétique.

Le sixième critère permet de rassurer celles et ceux qui pensent que l’école inclusive nivèle par le bas. Dans toute pédagogie active, les objectifs sont bien de pousser tous les élèves le plus loin possible. Parfois, en fonction de leurs capacités moindres, mais sans que cela n’impacte les autres élèves. La quête d’ « excellence » ou de normes élevées doit être une préoccupation de toute école inclusive.

D’autres chercheurs (ex : Forness, 2001 ; Hattie, 2009 ; Slavin et Lake, 2008 ; Mitchell, 2008; Bissonnette, Richard, Gauthier et Bouchard, 2010) ont, quant à eux, pu définir sur base de méta-analyses et de recensions, des pratiques pédagogiques universelles efficaces pour les élèves en situation de handicap scolarisés dans des classes ordinaires[21] :

  • l’enseignement explicite ;
  • l’enseignement de stratégies mnémoniques ;
  • l’enseignement de stratégies métacognitives ;
  • le tutorat entre élèves ;
  • l’enseignement réciproque ;
  • l’apprentissage coopératif ;
  • l’enseignement stratégique ;
  • l’évaluation formative ;
  • l’intervention précoce, etc.

Ces pratiques nous viennent, pour nombre d’entre elles, de l’autre côté de l’Atlantique où elles ont pu prospérer durant des décennies, sans percoler chez nous. C’est grâce aux maisons d’éditions de livres pédagogiques québécoises que, progressivement, ces pratiques nous sont parvenues. Mais elles ont encore beaucoup de mal à entrer dans les écoles. Tremblay (2020) nous rappelle que de nombreux ouvrages sur ces pratiques sont disponibles en langue française. Il ajoute que « des pratiques axées sur des dimensions psychosociales, utilisées au niveau de la vie de l’école et de la classe comme la culture scolaire, la qualité de l’environnement et le climat de la classe (Mitchell, 2008) sont également considérés comme efficaces par la recherche en Education. 

Toutes les pratiques citées ci-dessus présentent un caractère universel. C’est-à-dire que leur mise en place seraient tout aussi efficaces pour les élèves en situation de handicap que pour les élèves qui ne présentent pas de difficultés d’apprentissages (Torgensen, 2000 ; Cook et Schirmer, 2003). Ces pratiques efficaces bénéficient à tous les élèves (Tremblay, 2012 ; Thomazet, 2008).

2.     Une pédagogie coopérative[22]

Une véritable pédagogie de l’inclusion est avant tout une pédagogie coopérative. Il en existe de nombreuses. La coopération est au cœur de l’inclusion et doit se développer dans tous les domaines : au niveau des équipes pédagogiques, de leur collaboration avec d’autres professionnels, mais également entre apprenants et entre enseignants et apprenants, ainsi qu’entre enseignants et parents. 

Une véritable pédagogie de l’inclusion repose tout d’abord sur la coopération et sur la prise en compte du caractère unique de chaque apprenant. Elle est axée sur la participation de tous les élèves et sur l’acquisition progressive d’une autonomie dans tous les domaines (apprentissages, comportements, accessibilité, etc.), ainsi que sur la participation, tant aux apprentissages, qu’à la vie de la classe, de l’école, dans l’élaboration des règles du vivre ensemble et de la construction de l’école inclusive.

Enfin, c’est enfin une pédagogie qui favorise la construction et l’intégration des savoirs pour tous les apprenants, en fonction de leurs capacités sachant que celles-ci progresseront toujours en fonction de l’acquisition de nouveaux savoirs.

Johnson et Johnson (1982, 1982) ont démontré – cela fait plus de 40 ans – que l’apprentissage coopératif favorisait l’apprentissage et le développement social chez tous les élèves, qu’ils soient avec ou sans difficultés, lorsque ceux-ci sont réunis au sein d’équipes hétérogènes coopératives. Dans ces équipes, l’on travaille ensemble afin d’atteindre un/des objectif.s commun.s, mais aussi en s’entraidant dans la poursuite de résultats d’apprentissages propres à certains élèves.

Un des premiers bénéfices que l’on remarque quand on met en place dans sa classe des équipes coopératives, c’est l’accroissement de l’implication des élèves dans les apprentissages. Ils se sentent responsabilisés et, s’ils continuent à craindre l’échec, ce n’est plus sur le plan individuel. Au contraire, cela les motive pour mieux faire réussir l’apprentissage collectif. Aucun élève n’a envie d’être tenu pour responsable d’un échec collectif, fût-il momentané.

Sur le plan cognitif, l’interaction stimule l’activité cognitive dans l’apprentissage de concepts complexes. Les élèves apprennent les uns aux autres, et les uns des autres, en utilisant différentes méthodes : par la discussion, l’exemple, la confrontation de points de vues différents, de raisonnements adéquats ou inadéquats, ou encore la reformulation pour favoriser la compréhension des autres qui favorise l’intégration dans la mémoire.

Sur le plan social, la coopération établit des relations sociales plus harmonieuses entre personnes ayant des spécificités ou provenant de milieux socioculturels différents. Les élèves considèrent davantage les qualités personnelles des autres que ce qui pourrait les différencier sur les plans physiques, ethniques, sociaux, … On observe l’éclosion d’une identité commune, puisque les apprentissages qu’ils font ensemble sont d’un intérêt commun et se font dans un but commun.

Cette identité commune engendre l’acceptation de la diversité et favorise l’intégration de tous dans un système inclusif, au-delà des appartenances particulières. Les élèves acquièrent ainsi une identité sociale qui les rassemble au lieu de les diviser en groupes distincts.

L’apprentissage coopératif forme les jeunes aux exigences d’une vie dans une société démocratique pluraliste. Les pratiques de la coopération reproduisent, en effet, les conditions de la vie relationnelle dans une société démocratique moderne. Les élèves y apprennent à la fois l’autonomie et la responsabilité via la coresponsabilité de la construction de leurs apprentissages. Ils apprennent également à assumer des rôles sociaux et à prendre des responsabilités dans leur environnement social. Les élèves acquièrent une capacité à dialoguer, à régler des conflits, à confronter des points de vue, à co-construire des aménagements sociaux et à participer à l’élaboration de lois et du vivre ensemble.

3.    La Conception Universelle de l’Apprentissage[23]

Concernant l’élaboration même des programmes d’études adaptés à chaque élève en situation de handicap, Hitchcock, Meyer, Rose et Jackson (2002) suggèrent un modèle de design pédagogique ambitieux, intitulé Universal Design for Learning (UDL), dont l’objectif est de permettre l’élaboration d’un « curriculum non seulement meilleur pour les élèves en difficulté, mais également pour tous les élèves »

Traduite en français sous le label de La Conception Universelle de l’Apprentissage (CUA), celle-ci s’inspire de l’universal design dont l’objectif est de réfléchir, dès les premiers pas du projet, aux difficultés qui pourraient se présenter aux utilisateurs potentiels. Cela permet d’établir des plans proactifs qui répondent à un besoin avant même que celui-ci ne se manifeste (ascenseur, mains courantes, rampes d’accès, panneaux en braille, etc.).

LA CUA prend exemple sur ce concept pour prévoir la planification rigoureuse des difficultés qui pourraient se présenter afin de mettre en place préalablement les aménagements pédagogiques, organisationnels et physiques qui seront indispensables pour permettre à tous les élèves d’accéder à tous les apprentissages qu’ils seront capables d’acquérir en enseignement inclusif.

Concernant les ressources permettant d’aider les élèves en difficulté dans leurs apprentissages, Lenz et Schumaker (2003) relèvent trois types d’adaptations susceptibles d’être apportées au matériel pédagogique :

  • transformer le matériel existant (réécrire dans un langage plus simple, ajouter des illustrations ou des exemples, etc ) ;
  • fournir une médiation des contenus étudiés par l’élève (un enregistrement audio fournissant des directives orales ou des explications détaillées) ;
  • et enfin, lorsque les deux premiers niveaux d’adaptation ne suffisent pas, choisir un matériel alternatif (un texte de lecture d’un degré de difficulté moindre, un didacticiel adapté aux élèves en difficulté, etc ).

Contrairement aux adaptations reprises ci-dessus, les aménagements raisonnables ne modifient pas les programmes d’études. Pour aider les élèves en situation de handicap, des « arrangements » sont élaborés dans la manière de leur présenter les apprentissages ou dans la manière d’évaluer leurs apprentissages. Prenant l’exemple de l’élève malvoyant, l’arrangement sera d’introduire l’utilisation du braille. Pour un élève avec une dyslexie, on fournira des documents rédigés dans une police adaptée, imprimés sur une feuille jaune, ou on lui permettra l’usage d’un correcteur orthographique. De même, l’élève ayant une dyscalculie pourra utiliser une calculatrice.

4.    Des interventions spécialisées

L’application de stratégies et de techniques pédagogiques qui tiennent compte de l’individualité de chaque élève permettra de spécialiser progressivement l’enseignement ordinaire. Il est donc indispensable que chaque élève, quelles que soient ses difficultés, reçoive les adaptions, les aménagements et les modifications (Williams, 2001) nécessaires à un apprentissage de qualité.

Des adaptations des programmes seront nécessaires pour certains élèves. Cela pourra aller d’une diminution du critère visé pour atteindre un apprentissage spécifique (le nombre de mots lus en une minute), à l’allègement des résultats d’apprentissage (reconnaître un triangle parmi d’autres formes géométriques plutôt que d’avoir à préciser la sorte de triangle), jusqu’à la suppression de certains objectifs considérés non indispensables ou de niveau trop difficile (Vienneau, 2006).

Les enseignants ordinaires ne disposent pas de l’expertise de leurs collègues de l’enseignement spécialisé. Adapter son enseignement à différents élèves en situation de handicap, présentant des différences catégorielles (déficience physique, intellectuelle, sensorielle, ‘dys », …) n’est pas évident au début. C’est l’occasion de quitter l’approche médicalisante, c’est-à-dire le modèle médical du handicap (ce qui empêche une personne en situation de handicap de s’intégrer dans la société), pour se baser sur le modèle social du handicap (quelles sont les compétences de cette personne sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour l’aider à progresser). Cela permettra de ne plus considérer les élèves en situation de handicap comme étant objets de pitié, mais comme sujets de droits. Cela permettra un changement de pratiques.

Pour le faire, Tremblay (2020) propose deux pistes possibles : la formation/accompagnement et le coenseignement. La coopération entre l’enseignant ordinaire et un enseignant ou un professionnel spécialisé (orthopédagogue, par exemple) peut permettre aux classes ou écoles inclusives de se spécialiser progressivement (Hagtvet, 2009 ; Johnsen, 2011 ; Pijl et Meier, 1997).

Tremblay (2012) définit le coenseignement « comme un travail pédagogique en commun, dans un même groupe et dans un même temps, de deux ou de plusieurs enseignants se partageant les responsabilités éducatives pour atteindre les objectifs spécifiques. Cette collaboration peut fonctionner à temps partiel (ex : une heure par semaine) ou à temps complet ». Et de préciser que le coenseignement vise à maintenir tous les élèves au sein d’un même groupe (même ceux à besoins spécifiques) par un travail de différenciation de l’enseignement. Le coenseignement est ainsi étroitement associé à une conception d’une orthopédagogie (ou d’une enseignement spécial) non pas corrective, mais plutôt qualitative, c’est-à-dire visant à améliorer la qualité de l’enseignement offert à tous les élèves.

Tremblay cite six configurations du coenseignement :

  • L’un enseigne, l’autre observe. Cela permet de prendre des informations sur un ou des élèves du groupe, ou permet à un enseignant débutant à analyser comment mailler leur pratique à celle de leur collègue.
  • L’un enseigne, l’autre aide (enseignement de soutien). Un enseignant mène l’activité et cela permet à l’autre enseignant d’aider un ou des élèves en difficulté.
  • L’enseignement parallèle. La classe est partagée en deux et chaque enseignant anime une partie plus ou moins importante du groupe-classe. Le contenu est le même mais les méthodes d’enseignement peuvent différer. Les contenus peuvent également être différents et, dans ce cas, les élèves reçoivent les deux enseignements successivement.
  • L’enseignement en ateliers. Les élèves passent successivement d’un atelier animé par un enseignant aux autres ateliers animés par d’autres enseignants. Les élèves en difficultés sont insérés dans de plus petits groupes.
  • L’enseignement alternatif. Un enseignant travaille avec la plus grande partie du groupe, tandis que certains élèves clairement identifiés, travaillent dans un petit groupe de soutien, d’apprentissages anticipés, d’enrichissement, de remédiation avec un autre enseignant.
  • L’enseignement partagé (enseignement en tandem). Les deux co-enseignants présentent la même activité au groupe-classe, en se partageant les rôles et le travail de manière régulière.  Cette collaboration nécessite le plus haut degré de coopération et de confiance entre ces deux co-enseignants.

Conclusion

Se dire inclusif en intégrant des enfants à besoins spécifique est tout, sauf de l’inclusion. Sans une pédagogie coopérative, sans pratiques pédagogiques adaptées et efficaces, sans une coopération avec des spécialistes, comme les Pôles territoriaux, les CPMS, les professionnels des ‘dys’, les associations de soutiens aux personnes en situation de handicap, sans collaboration avec les parents et les familles, sans la mise en place de parcours adaptés jusqu’au bout, l’école ne peut pas se dire inclusive et ne le sera pas. Nous parlons bien d’un tronc commun, sans redoublement et sans échecs.

Notre système scolaire ne fonctionne pas ainsi. Mais si les écoles ont une liberté pédagogique qu’elles ont toujours mal employé, préférant la mettre au service de l’échec, de la sélection des prétendus « meilleurs » et au rejet des prétendus « faibles », elles peuvent aujourd’hui décider, pour les sections qu’elles gèrent, que celles-ci seront pleinement inclusives. Elles ont, par ailleurs la liberté pédagogique pour être pleinement inclusis et décider que le cursus dépasserait le (futur) tronc commun et que l’inclusion dans leur établissement irait jusqu’au au terme de la scolarité obligatoire.

L’Ecole inclusive n’efface ni le handicap, ni les difficultés spécifiques d’apprentissage, pas plus que les vécus parfois difficiles des élèves. Elle ne fait pas disparaître, non plus, leurs besoins éducatifs particuliers. Par contre, elle permet à de nombreux élèves de participer à la vie en société avec leurs pairs, sans ne plus être discriminé dans un enseignement ségrégué. De même, ils accèdent à l’apprentissage de la citoyenneté en apportant leur contribution à la vie d’une communauté d’apprenantes et d’apprenants. Dans notre système scolaire exclusif actuel, ils en sont exclus. Selon Vienneau (2004), « Ne serait-ce que pour respecter ce droit d’apprendre en compagnie de ses pairs, ne serait-ce que pour les effets positifs de l’inclusion auprès des élèves de la classe ordinaire, les efforts pour généraliser l’implantation d’une pédagogie de l’inclusion méritent d’être poursuivis.

L’Ecole inclusive, si elle l’est réellement, sera la seule voie possible pour rendre notre enseignement efficace pour tous les élèves et non plus ségrégué, discriminant et maltraitant, comme il l’est de nos jours. Il permettra, non seulement, de fournir dans un contexte de classe et d’école ordinaire, les programmes et les services spécialisés nécessaires à l’épanouissement de tous les élèves, qu’ils soient en situation de handicap, avec des difficultés scolaires ou non. Cela, sans que cela n’impacte le niveau des études. Bien au contraire, l’école inclusive devant avoir des exigences élevées.

L’Ecole inclusive transformera les approches et les pratiques pédagogiques des enseignantes et des enseignants d’écoles ordinaires, de manière à leur permettre d’atteindre le plus haut niveau d’inclusion pédagogique pour le plus grand nombre d’élèves de l’école. Et ce, indépendamment de leurs capacités intellectuelles ou de leurs particularités de fonctionnement.

C’est le système d’éducation tout entier qui profitera des modifications nécessaires pour répondre aux besoins éducatifs des élèves en situation de handicap. En effet, « si l’on parvient à créer une situation d’apprentissage efficace pour les élèves avec handicaps à l’intérieur de l’enseignement ordinaire, on prépare en même temps un contexte éducatif idéal pour tous les élèves » (Van Steenlandt, 1995, p 4).

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[1] Convention internationale des Droits de l’Enfant, 1989, Article 28, 1 : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances (…). »

[2] Convention internationale des Droits des Personnes handicapées, 2006, Article 24 § 2 b : « Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire » (version originale : Persons with disabilities can access an inclusive, quality and free primary education and secondary education on an equal basis with others in the communities in which they live. » )

[3] La Plate-forme pour une École inclusive a été lancée en 2001 et la Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire, le 1er septembre 2003. Elles font partie de la Ligue des Droits de l’Enfant et, au vu des « avancées » en matière de Droit de l’Enfant à l’Ecole, elles sont loin de mettre la clef sous le paillasson !

[4] Les critères pour choisir une bonne école à Bruxelles, Analyser s’il s’agit d’une école « pyramidale » : https://ijbxl.be/etude_formation/comment-trouver-une-bonne-ecole-a-bruxelles/

[5] Unia, Carole Van Basselaere, dans le JDJ N°423, mars 2023, p.22 – https://www.unia.be/files/Documenten/Publicaties_docs/Article_enseignement_inclusif_JDJ_-_version_finale.pdf

[6] https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[7] Unesco – Principes directeurs pour l’inclusion : Assurer l’accès à « l’Education Pour Tous », 2005, p14

[8] UNESCO (2017). A guide for ensuring inclusion and equity in education. Paris : UNESCO.

[9] La Suède a maintenu ses écoles spécialisées pour les enfants qui ont des déficiences physiques, sensorielles ou mentales sévères.

[10] Rappelons-nous qu’en Belgique, la création d’un enseignement, dit « spécial », date de 1970.

[11] Franco Basaglia (1924-1980) était un psychiatre italien critique de l’institution asilaire et fondateur du mouvement de la psychiatrie démocratique.

[12] La nosographie est la description et la classification méthodique des maladies. Elle est également appelée « histoire de la maladie ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Nosographie

[13] A l’exception des instituts pour malentendants ou malvoyants.

[14] Wikipedia : Handicapophobie – Aversion, traitement défavorable contre les personnes vivant un handicap, physique ou mental.

[15] Centre psycho-médico-social.

[16] Chiffres de 2014-2015

[17] Troubles sensorimoteurs : troubles qui relèvent à la fois des fonctions sensorielles (handicaps auditifs et visuels, notamment) et de la motricité (difficultés à se mouvoir, se déplacer, …)

[18] https://www.rtbf.be/article/la-belgique-condamnee-pour-manque-d-inclusion-scolaire-des-enfants-porteurs-d-un-handicap-intellectuel-10689057

[19] Comité des droits des personnes handicapées (2016). Observation générale n° 4 relative au droit à l’éducation inclusive. Genève : ONU

[20] Pouvoirs organisateurs

[21] Citées par Philippe Tremblay (2020), Ecole inclusive. Conditions et application. Ed. Academia L’Harmattan.

[22] https://www.liguedroitsenfant.be/3017/pour-une-ecole-inclusive-lapprentissage-cooperatif/

[23] https://www.liguedroitsenfant.be/3794/la-pedagogie-universelle/

L’Ecole pour Tous : tenir compte des besoins spécifiques de tous les enfants

L’Ecole pour Tous : tenir compte des besoins spécifiques de tous les enfants

Introduction

L’Ecole Pour Tous est un très ancien combat de la Ligue des Droits de l’Enfant. Notre Mémorandum (2022) préconise d’ailleurs la fusion entre les écoles « ordinaires » et les écoles spécialisées. D’autant plus que l’enseignement spécialisé concentre plus d’élèves sans aucun handicap que d’élèves en situation de handicap. La majorité est donc composée d’élèves sans le moindre handicap qu’un handicap « social ». Si ce mot est entre guillemets, c’est qu’il représente une réalité qui ne devrait pas exister. Toutes les élèves, en entrant à l’école maternelle, ne partent pas de la même ligne. Il en est qui sont pour ainsi dire déjà très proche de la ligne d’arrivée, alors que d’autres partent de très, très loin derrière la ligne de départ. Selon que l’on soit né dans une familles socialement favorisée, qui possède les codes de l’école ou non, le chemin vers tous les diplômes va être aisé ou dramatique. L’école « ordinaire » ne remplit pas sa mission qui est de faire « réussir » tous les enfants. Elle ne se forme pas à enseigner aux enfants de familles « populaires », et préfère orienter leurs enfants vers un enseignement qui ne leur est pas destiné. C’est une façon de se débarrasser des problèmes d’apprentissage, tout en se donnant bonne conscience. Cela fait une vingtaine d’année que l’on connaît les résultats du spécialisé. Ces enseignants font ce qu’ils peuvent – et souvent plus que les professeurs de l’ordinaire, mais lorsqu’on reçoit un élève de 9-10 ans qui est en échec et complètement cassé, comment lui faire acquérir tous les savoirs destinés au CEB en 4 ans ? Alors que l’école ordinaire a avoué son échec et son incompétence.

Comprendre pour avoir un esprit critique

Depuis 30 ans, le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement spécialisé ne cesse d’augmenter. Cette augmentation concerne essentiellement les types 1, 2, 3 et 8, autrement dit, les types destinés aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage dues à des handicaps mentaux ou intellectuels, des troubles du comportement ou de prétendus troubles instrumentaux.

Ces chiffres alarmants pourraient laisser à penser à une augmentation importante du nombre d’enfants ayant un handicap mental, tout spécialement au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Rassurons-nous, il n’en est rien. Cet accroissement dramatique est dû au fait que l’enseignement ordinaire ne remplit plus sa mission et considère aujourd’hui l’enseignement spécialisé comme une remédiation. Elle y oriente de plus en plus souvent des élèves en difficulté scolaire qu’elle a, pourtant, pour mission d’amener à l’acquisition des savoirs.

Il s’agit, en grande partie, d’enfants n’ayant comme seul handicap qu’un handicap « social ». Nés dans les quartiers les plus défavorisés de nos grandes villes, ils sont exclus de l’enseignement ordinaire et dirigés vers un enseignement qui ne leur est pas destiné, sous prétexte qu’ils sont plus lents et ont besoin de plus de temps pour apprendre. C’est une double victimisation et une injustice profonde !

Quelles alternatives à l’orientation vers l’enseignement spécialisé sont-elles possibles ? Première solution, la plus logique, c’est de se mettre à la pédagogie. Un enseignement de type frontal, où les élèves ne sont pas en action, mais passent la plupart du temps de manière passive est la meilleure manière d’aggraver les difficultés d’apprentissages auxquelles sont confrontés ces élèves. Il faut passer à un enseignement actif, avec une pédagogie adaptée, où chaque enfant peut apprendre et évoluer à son rythme, avec l’aide du groupe, de tuteurs et des enseignants rendus plus disponibles du fait que ce sont les élèves qui sont en action.

Solution transitoire en attendant que le terme « pédagogie » soit intégré dans le vocabulaire de l’institution scolaire : l’inclusion. Sauf handicaps mentaux (interdits d’inclusion depuis 2020), les enfants ayant des difficultés d’apprentissage peuvent être maintenus – ou réintégrés – dans l’enseignement ordinaire grâce à l’aide d’un enseignant spécialisé (à raison de 4 heures semaines). Cela permet à l’enseignant de l’ordinaire d’être accompagné et conseillé par un enseignant formé dans la détection et la remédiation des difficultés d’apprentissage (ou qui devrait l’être). Malheureusement, ce précieux dispositif est limité par une enveloppe budgétaire fermée qui, lorsqu’elle est vide, empêche toute nouvelle intégration, notamment des enfants avec déficience intellectuelle. Quand donc se résoudra-t-on à récupérer les 350 millions d’euros gaspillés par le redoublement ?

Nous plaidons pour que les familles soient informées, via le réseau de première ligne (écoles de devoirs, maisons de jeunes, de quartier, associations de terrain, CPAS, CPMS, …) des réalités de l’orientation dans l’enseignement spécialisé. Aucune orientation n’est bénigne. Elles sont en droit d’attendre un investissement de la part de l’école de leur enfant dans les outils à mettre en place pour permettre la réussite de tous : remédiation immédiate (via le tutorat par les pairs, par exemple), évaluations formatives, individualisation, plan individuel d’apprentissage, …

Enseignement spécialisé et ségrégation

 En 2008 déjà, le chercheur Québécois Philippe Tremblay, dans ses recherches sur l’orientation des élèves en enseignement spécialisé de type 8, avait montré une forte corrélation entre cette orientation et le milieu socioéconomique des élèves. Les derniers chiffres révélés par la Commission de pilotage du système éducatif confirment les faits.

Alors que la part de la population porteuse de handicap reste stable, l’orientation en enseignement spécialisé n’a cessé de croître ces dernières années. L’enseignement de type 8 (troubles instrumentaux, dits aussi « troubles d’apprentissage ») a vu son effectif augmenter de 50,3 % en 30 ans. L’enseignement de type 1 (élèves atteints d’arriération mentale légère) a, dans le même temps, augmenté sa population de 80,8 %, tandis que les enseignements de type 2 (arriération mentale modérée et/ou sévère) et 3 (troubles caractériels) ont vu leur population augmenter respectivement de 38 % et 49,1 %.

Les orientations vers l’enseignement spécialisé de types 1, 2, 3 et 8 sont fortement corrélée au niveau socioéconomique du quartier de résidence de l’élève. Dans les quartiers les plus modestes ce sont 4% des filles et 6,2% des garçons qui se retrouvent dans l’un de ces 4 types d’enseignement, alors qu’ils ne regroupent que 1% des filles et 1,5% des garçons des quartiers les plus favorisés. Le genre est un second facteur de discrimination : moitié plus de garçons que de filles sont orientés vers l’enseignement spécialisé. Vous avez dit « bizarre » ?

Une proportion importante d’enfants n’entre dans l’enseignement spécialisé qu’à partir de l’âge de 9, voire 10 ans. Principalement dans le type 8 avec, pour la grande majorité d’entre eux, présentant un important retard scolaire. On constate ensuite que très peu d’élèves (8%) réintègrent l’enseignement primaire ordinaire ou secondaire ordinaire (13%). La majorité de ces derniers se retrouvera en premier degré différencié (anciennement la classe d’accueil). La très grande majorité des élèves reste dans l’enseignement spécialisé secondaire (où le Type 8 vient d’être créé pour se joindre au tronc commun). 80 % passeront dans l’enseignement de type 1 et 15% dans l’enseignement de Type 3. Par un miracle à l’envers, chaque année 450 élèves voient leurs difficultés d’apprentissage se transformer en « arriération mentale légère » ou seront subitement atteints de troubles comportementaux.

Cependant, tous les élèves qui fréquentent l’enseignement spécialisé n’ont pas les mêmes chances de réintégrer l’enseignement ordinaire. Les données montrent que là aussi, le genre et l’indice socioéconomique est prépondérant. Si 37,2% de filles sont inscrites dans l’ES pour 62,8% de garçons, le nombre de garçons et de filles qui réintègrent l’enseignement primaire ordinaire est identique, ce qui signifie que les filles ont plus de chances de réintégration. C’est encore plus vrai pour l’enseignement secondaire ordinaire.

Les données montrent également que l’indice socioéconomique moyen des élèves qui réintègrent l’enseignement ordinaire est plus élevé que l’indice socioéconomique moyen des élèves qui restent dans l’enseignement primaire spécialisé. Cette différence est encore plus marquée pour le niveau secondaire.

Nombre d’écoles de l’enseignement ordinaire ne reconnaissent pas les besoins spécifiques des enfants. Le terme de « besoins spécifiques » ne concerne pas seulement les enfants porteurs de handicaps ou de maladies invalidantes. Tous les enfants, quels qu’ils soient ont des besoins éducatifs propres. Que ce soit pour des difficultés d’apprentissage, des difficultés relationnelles, familiales ou sociales. Chacun doit voir ses besoins reconnus et rencontrés. C’est alors seulement que les écoles seront vraiment des Ecoles pour tous.

Des besoins spéciaux aux besoins spécifiques … pour chaque enfant !

La notion de besoins « spéciaux », appelés aujourd’hui « spécifiques », date de la fin des années 80. En 1990, la conférence mondiale pour « l’école pour tous » a lieu. Elle jette d’importantes bases pour « l’école pour tous », une école qui devait à l’époque paraître lointaine et surtout rêvée.

En juin 1994, la Déclaration de Salamanque, concernant l’inclusion de besoins spécifiques, réaffirme l’engagement des états pour une éducation pour tous, et reconnaît à chaque enfant des caractéristiques, des aptitudes, des intérêts et des apprentissages qui lui sont propres.  Cette déclaration invite les Etats à intégrer les enfants handicapés dans des écoles ordinaires et à mettre au point un système éducatif centré sur l’enfant, et capable de répondre à ses besoins. A ce titre, l’école doit accueillir tous les enfants quelles que soient leurs caractéristiques particulières, qu’elles soient d’ordre physique, social, intellectuel, affectif, linguistique, ethnique, culturel. Le handicap ne doit plus être stigmatisé mais représente une particularité, parmi d’autres, pouvant être vécues par l’enfant.

Nous y trouvons une première définition des besoins éducatifs spéciaux. Ils concernent tous les enfants et adolescents dont les besoins découlent de handicaps ou de difficultés d’apprentissage. A travers cette définition, les nombreux enfants rencontrant des difficultés d’apprentissage et présentant par conséquent des besoins éducatifs spéciaux à un moment ou à un autre de leur vie scolaire sont reconnus.

A l’époque, il était question de besoins éducatifs spéciaux. Cette notion a évolué. Dans le décret de la Fédération Wallonie Bruxelles, voté le 5 février 2009, on parle de besoins spécifiques et non de besoins spéciaux. Certains peuvent y voir une simple modification de termes, mais cela va plus loin. La notion de « spécial » renvoie à celle de handicap. « Quand on vit le handicap, tout est spécial ! ». Il s’agit d’une réflexion courante quand il y a vécu d’une situation de handicap. La notion de « spécifique », plus fine, renvoie d’avantage aux particularités de chacun. Chaque être, chaque enfant est spécifique. L’enfant est donc considéré avec ses spécificités, qu’elles soient enrichissantes ou difficiles à vivre.

Le législateur a éclairci les choses par rapport aux enfants en situation de handicap, il permet l’intégration de tout enfant ayant un handicap dans l’enseignement ordinaire avec une aide de l’enseignement spécialisé. Mais, nous le savons, alors que des efforts sont faits pour les enfants handicapés, d’autres sont exclus de l’école. Ils n’ont pas de diagnostic leur permettant d’avoir l’aide nécessaire pour trouver leur place, s’épanouir et continuer à apprendre à l’école. Les besoins de ces enfants peuvent se retrouver dans cette notion de « spécifiques ». Ils ne bénéficieront probablement pas de l’aide octroyée grâce à ce décret mais pourront être considérés au même titre qu’un autre enfant. Cette notion oblige l’école à considérer l’enfant avec ses besoins. Aujourd’hui, l’école demande aux enfants de se plaquer à elle. Avec cette notion de besoins spécifiques, elle va devoir se plier aux besoins de chaque enfant qu’elle accueille !

Quelles pratiques mettre en place pour une école intégratriceaujourd’hui et demain en Communauté française ?

Le P.I.A.

 A la différence de ce qui se passe dans certains pays européens, l’intégration scolaire dans notre Communauté française s’inscrit dans le développement d’une collaboration soutenue entre les deux systèmes d’enseignement, à savoir l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire. Afin que ce mariage soit réussi au bénéfice des élèves eux-mêmes, de leurs parents et de tous les professionnels concernés, plusieurs pratiques doivent être mises en place en s’appuyant sur les recherches et pratiques faites à l’étranger et en Belgique. Nous envisagerons ces pratiques en donnant la priorité à l’établissement d’un P.I.A. (Projet Individuel d’Apprentissage). Les autres pratiques (horaire des activités, organisation des espaces, travail en équipe professionnelle, travail avec les autres élèves en tant que tuteurs de l’élève à Besoins Spécifiques) seront envisagées dans une analyse suivante. Il faudra à l’avenir envisager également les conditions administratives et organisationnelles favorisant cette collaboration.

Mettre en place un Projet Individualisé d’Apprentissage pour chaque élève

La première pratique pourrait être résumée en une maxime bien connue de tous : « Pour enseigner le latin à John, il faut connaître le latin, mais surtout connaître John ». L’individualisation : tout le monde est d’accord. Mais au-delà du mot, deux questions se posent : pourquoi en parler aujourd’hui ? Et surtout comment le faire ?

D’une part, le Ministère de l’Education a pris en 2004 la décision « politique » de rendre obligatoire l’outil essentiel d’individualisation que constitue le P.I.A. Certes, bien avant cette date, des écoles spécialisées utilisaient déjà un Projet individualisé (par exemple, on a parlé de P.E.I. pour Projet ou Programme Educatif Individualisé). L’actuel Ministère de l’Education a ajouté une condition essentielle à sa mise au point et sa réalisation, à savoir la collaboration de l’élève et de ses parents ! Rappelons à ce propos cette maxime parue dans un ouvrage sur le syndrome de Rett : « si tu fais quelque chose pour moi, si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi ! ». Relevons encore une nuance : non seulement le projet doit être « individuel » mais il doit aussi être « individualisé » ! Les besoins éducatifs d’un élève de 8 ans ayant une trisomie 21 ne sont certainement pas les mêmes qu’un autre élève de 8 ans ayant aussi une trisomie 21, mais provenant d’une famille différente, ayant des compétences et des difficultés différentes !

D’autre part, l’établissement du P.I.A. est un processus consistant d’abord au rassemblement des informations sur l’élève, focalisé certes sur ses difficultés, déficiences, mais aussi sur ses forces, ses intérêts et ceux de la famille. Cette collecte des informations est réalisée par un membre du personnel, qui remplit le rôle de « coordonnateur ». Il prend contact avec les différents membres de l’équipe enseignante et multidisciplinaire constituée du personnel paramédical (logopède, kinésithérapeute, infirmière), psychologique et social (psychologue, assistant social et le personnel du centre P.M.S.), complétée selon les besoins par du personnel extérieur à l‘établissement (médecin, etc.), ainsi qu’avec l’élève et ses parents, et établit un premier bilan des objectifs. Ce bilan est alors discuté, complété, modifié en réunion d’équipe professionnelle avec la collaboration de l’élève (c’est une excellente occasion pour apprendre à l’enfant à choisir et à respecter ses choix !) et/ou de ses parents. La décision est prise par consensus.

Le P.I.A. doit répondre à quelques critères. Il doit comprendre quelques objectifs évaluables, généralisables, dans une perspective d’équilibre entre les domaines de développement ou des secteurs d’activités. Une attention particulière sera accordée aux moments de transition entre les classes, les niveaux d’enseignement, les différents milieux de vie de l’élève, et notamment lors du passage au statut d’adulte. Enfin y seront précisés les responsables pour chaque objectif retenu et les échéances. Eventuellement, le P.I.A. pourra reprendre certaines indications méthodologiques particulières. En bref, il s’agit d’un « contrat individualisé des professionnels de l’éducation avec l’élève et ses parents ».

Qui remplira le rôle de coordonnateur ? S’il est logique de penser d’abord au titulaire de la classe, d’autres formules sont à envisager, non seulement dans une optique de partage des tâches mais aussi de responsabilisation de chacun. Les parents pourront sans doute agir aussi en tant que co-coordinateurs.

Conclusion

Quand on veut, on peut !

Comprendre le phénomène des orientations, chaque être humain doit se révolter. Se dire enseignant.e (Du latin populaire « insignare » : transmettre un savoir, la connaissance d’une discipline, d’une science, d’un art) et ne pas savoir faire progresser tou.te.s les élèves est un mensonge. Quand on transmet un savoir, un art, on ne laisse personne sur le bord du chemin.

Tout au plus est-on professeur (du latin « professor » personne qui se prétend experte dans un art ou une science), mais qui ne s’est pas formée à la transmission des savoirs à tous et toutes les élèves.

Révoltez-vous. Formez-vous, non pas en quelques cours du soir ou d’une prétendue agrégation, mais au quotidien et durant toute votre carrière. Enseigner est un art et il n’est pas d’art qui n’évolue. On ne peut être artiste de l’enseignement que si l’on se donne à fond pour tous les élèves, quelles que soient leurs difficultés et leurs spécificités.

L’éducation est un Droit de tous les Enfants et non des professeurs ! Ces derniers doivent respecter ces Droits et veiller à ce que toutes et tous leurs élèves en bénéficient sur base de l’égalité des chances.

Colloque : Ecole inclusive et fréquentation scolaire

Colloque : Ecole inclusive et fréquentation scolaire

Un colloque soutenu et organisé avec l’aide de la Cocof

Comment lutter contre le décrochage ?

Les écoles qui visent à être inclusives veulent accueillir tous les élèves. Malheureusement certains jeunes ont des besoins tels que leurs écoles sont mises en difficulté. Ils seraient plus de 23 000 (chiffres de février 2023), C’est 35,5 % de plus qu’en 2022 et 90,5% de plus qu’en 2019.

Selon la Ligue de l’Enseignement, « le décrochage scolaire touche tous les âges, même si l’enseignement secondaire reste le plus impacté avec une hausse de 33,5% depuis décembre 2021. En décembre 2022, on comptait 1.855 élèves absent·es en 3e maternelle, 6.217 (dont 661 dans l’enseignement spécialisé) en primaire et 12.616 (1.691 dans le spécialisé) en secondaire.« 

Les droits à l’instruction et à l’inclusion sont des droits fondamentaux

Si l’instruction scolaire est un droit fondamental, inscrit dans la Constitution, l’inclusion scolaire l’est tout autant (cfr article 22 ter[1] de la Constitution). Or, de nombreux élèves ne peuvent rentrer dans les cases de notre système scolaire car celui-ci est trop rigide. Ils se retrouvent en situation de handicap pour toutes une série de raisons : absentéisme, maladies de longue durée ou chroniques, phobies scolaires, difficultés socioéconomiques, détresse psychologique, troubles mentaux, handicap.s, méconnaissance de la langue et de la culture de l’école, enfants de personnes en recherche d’asile, MENAs, élèves LGBTQIA+, …

La législation relative à l’obligation scolaire a pour objectif de préserver le droit à l’instruction[2].

Cependant, elle trop cadrante :

  • A partir de 9 demi-jours d’absence injustifiée, la direction de l’école avertit la Direction générale de l’enseignement obligatoire et convoque les parents. Tout demi-jour supplémentaire est signalé à la fin de chaque mois à la DGEO qui prévient la médiation scolaire.
  • A partir du 2e degré du secondaire, tout élève, qui cumule plus de 20 demi-jours d’absence injustifiée au cours de la même année scolaire, devient élève libre, encourt le risque de ne pas pouvoir présenter ses examens et ne pas être délibéré en fin d’année. Il risque donc de rater son année.
  • Dans l’enseignement secondaire, les présences sont relevées à chaque heure de cours. Toute absence non justifiée à une période entière de cours est considérée comme une demi-journée d’absence injustifiée.

Le système implique de telles contrainte qu’il génère de l’exclusion.

Les écoles sont démunies pour ré-inclure ces élèves dans notre système scolaire. Le certificat médical permet de justifier les absences mais peut devenir un écran. Il entretient le décrochage et entrave la recherche d’une solution intermédiaire, comme la possibilité d’être en situation de handicap à temps partiel, tout en restant scolarisé !

Des dispositifs se sont créés : les SAS, l’école à l’hôpital, l’enseignement à domicile, l’enseignement à distance tel que classcontact.

Ces dispositifs présentent également – mais à leur corps défendant – des effets pervers. Ils sont peu connus, ne sont pas toujours utilisés à bon escient et devraient être cadrés de manière plus explicite par une réglementation rassurante sans être trop contraignante. La recherche d’un point d’équilibre est difficile et peine à être étudié par notre système d’enseignement.

D’autres dispositifs sont créés. Les secteurs de l’aide à la jeunesse et de l’enseignement ont mis en place des dispositifs de concertation indispensables (décret intersectoriel de 2013). Des campagnes de sensibilisation sur le ‘bon usage’ du certificat médical s’organisent pour les médecins généralistes, dans le cadre des réseaux de santé mentale, etc…

Objectifs du colloque

Proposer un changement de la législation sur l’obligation scolaire, afin que celle-ci permette enfin l’inclusion de TOUS les élèves, notamment de ceux qui, aujourd’hui, ne répondent pas au Décret sur l’obligation scolaire, pour les raisons citées ci-dessus.

Pour cela, nous cherchons à mettre en avant :

  1. une population d’élèves exclue par la Loi de l’école et pour lesquels les Décrets ne leur apportent rien (aménagements raisonnables, …) car ils ont déjà perdu le contact avec l’école et pour lesquels celle-ci n’a pas d’outils pour les aider.
    • La raison pour laquelle ils ont perdu le contact est le caractère trop rigide de la législation sur l’obligation scolaire. En quoi est-elle nécessaire et en quoi ce levier d’accrochages scolaire devient un levier d’exclusion par rapport à une certaine population et comment peut-on moduler cette législation de manière raisonnée (pour qu’elle ne devienne pas la porte ouverte au décrochage scolaire).
  2. les ressources existantes (réglementation et dispositifs… par exemple les SAS, l’enseignement à domicile et les SSAS dans le spécialisé – structures scolaires d’aide à la socialisation).
    • Ces ressources sont insuffisantes pour certains élèves car ils sortent du cadre classique pour tout un tas de raisons. Il faut donc créer un dispositif spécifique pour eux

Renseignements pratiques

Quand ?

Le lundi 20 novembre 2023

Où ?

Campus du Ceria – Av. Emile Gryson 1, 1070 Anderlecht, bâtiment 4C, locaux 606 et 607

Inscriptions AU PLUS TARD POUR LE 15 novembre 2023

Envoyer un mail à l’adresse suivante (remplacer le ‘at’ par @, sans espaces) :

formations ‘at’ liguedroitsenfant.be

Pour toute question complémentaire : téléphoner au 0477 545 907 (de 9h30 à 18h)

Participation aux frais :

30 €/personne

22 € pour les étudiant.e.s, pour les institutions de la Cocof et les parents d’enfants à besoins spécifiques

Pause, repas et documents compris

A verser sur le compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant

avec la mention « colloque 20 novembre 2023 + Nom.s et prénom.s du/des participant.e.s »

La/les inscriptions seront confirmées par mail une fois la participation aux frais perçue.

Les institutions peuvent nous demander une facture et payer après le colloque

Attention : le nombre de places est limité.


[1] Article 22 ter de la Constitution belge : Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables »

[2] Actuellement, l’obligation scolaire est régie par la loi du 29 juin 1983 (avec des modifications en vigueur publiées jusqu’au 27-05-2022 inclus). Cette loi est appuyée par le Décret du 3 mai 2019 portant les livres 1er et 2 du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, et mettant en place le tronc commun (articles 1.7.1-1. à 1.7.1-36.).

Le déconventionnement massif des logopèdes n’est pas un acte dirigé contre les patients, mais contre l’INAMI.

Le déconventionnement massif des logopèdes n’est pas un acte dirigé contre les patients, mais contre l’INAMI.

En mai 2022 une nouvelle Convention INAMI 2022-2023 a été approuvée. Cette convention fixe, entre autres, les tarifs officiels des prestations logopédiques. Les mutuelles remboursent sur base de ces tarifs. Une augmentation des honoraires de plus ou moins 5 Euros pour une séance de logopédie de minimum 30 minutes avait été négociée au sein de l’INAMI (L’Institut national d’assurance maladie-invalidité, qui est l’Assurance soins de santé et indemnités) avec l’ensemble des différents partenaires en commission de convention. Cependant, cette hausse des tarifs n’a pas été reprise dans la convention 2022-23 (Message de l’UPLF à ses membres du 5.8.2022[1]). De plus, la nouvelle convention prévoit une indexation non proportionnelle à l’inflation. En conséquence, les associations professionnelles des logopèdes n’ont pu se décider à la signer, et la signature a été soumise aux logopèdes individuellement. Seulement 40% d’eux ont accepté la nouvelle convention, alors qu’auparavant 99% des logopèdes étaient conventionnés.

Les logopèdes qui suivent la convention acceptent un tarif de 29,28 Euros la séance de 30 minutes. La quote-part du patient est de 5,50 Euros. Les 23,78 Euros restants sont remboursés par l’assurance soins de santé obligatoire (tableau tarifs UPLF 2023[2]). Les logopèdes qui ne sont pas conventionnés sont libres à fixer leurs propres tarifs et peuvent facturer un supplément à la charge du patient.

Par conséquence, le cout de la logopédie a augmenté pour de nombreuses familles. C’est problématique à une époque où le budget familial est souvent serré en raison de l’augmentation massive du coût de la vie. Les familles précarisées en sont particulièrement touchées (même si les patients à bas revenus bénéficiaires de l’intervention majorée ne sont pas concernés par l‘augmentation des coûts de la logopédie). De nombreux parents risquent de ne plus consulter de logopèdes avec leurs enfants par manque des moyens (Le Floch, 2023[3]). Cela pose encore plus de problème dans les endroits où certaines logopèdes indépendantes facturent des suppléments disproportionnés.

Tout en comprenant la situation souvent très difficile des familles concernées, il faut aussi voir ce qui est difficile du côté des logopèdes. Il est bien sûr dans l’intérêt de tous les enfants que les logopèdes se portent bien et qu’ils puissent exercer leur profession dans des conditions dignes. Sans leur engagement professionnel, les troubles du langage, de la parole, de la communication, de l’alimentation, du calcul, de l’écriture et de la lecture, de nombreux enfants ne seraient pas traités, avec les conséquences dramatiques que cela impliquerait pour leur participation à la vie dans notre société, pour leur parcours scolaire et pour les possibilités de formation et d’exercice d’une profession plus tard dans leurs vies.

Il y a de plus en plus de logopèdes indépendantes qui rencontrent des difficultés financières. « On constate que nombre de logopèdes arrêtent leur pratique professionnelle, ne parvenant plus à en vivre. Par conséquent, les patients ne trouvent plus forcément de prestataires de soins pour leur traitement » (A. Duval, représentante de l’UPLF, dans un article dans La Libre en mai 2022[4]).

Cependant, le problème va bien au-delà de la « simple » question du niveau des tarifs pour les séances de thérapie individuelles. Il y a de nombreux soins pratiqués par les logopèdes justifiés dans la littérature scientifique, qui jusqu’à présent ne sont pas remboursés par les mutuelles. La nomenclature (= liste de tous les actes remboursés en logopédie) a été établie à la fin des années 1990. Depuis, elle n’a plus été revue. Toute une série de pathologies ne se retrouvent pas dedans, et les frais de traitement ne sont donc pas pris en charge par les mutuelles. Il s’agit par exemple des troubles du langage chez des personnes ayant de l’autisme, des troubles du langage chez des personnes ayant un QI inférieur à 86, des troubles de communication chez des enfants avec des handicaps lourds, des troubles en lien avec une démence ou encore des troubles alimentaires pédiatriques (Duval, 2022[5]). Les logopèdes demandent depuis des années que la nomenclature soit enfin révisée et que les frais de traitement de ces troubles soient également pris en charge par les mutuelles. Elles veulent mettre de la pression au politique pour faire bouger aussi ceci en refusant de se conventionner.

Le non-remboursement des frais logopédiques pour le traitement des troubles qui ne sont pas listés dans la nomenclature pose souvent de gros problèmes aux familles concernées. Elles doivent assumer l’ensemble des coûts (et non seulement le quote-part du patient), ce qui représente rapidement plusieurs centaines d’euros par mois.  Cependant, les problèmes ne concernent pas seulement les familles, qui doivent payer le traitement de leur poche. Lorsqu’un-e logopède traite un patient hors convention, cela signifie aussi qu’elle/il subit des inconvénients majeurs : Si elle/il prend en charge un enfant hors convention, cela ne sera pas non plus pris en compte pour son statut social INAMI, elle ne profitera donc pas d’un avantage social en vue de la constitution contractuelle d’une rente, d’une pension ou d’un capital en cas d’invalidité, de retraite et/ou de décès. Il en résulte chez beaucoup de logopèdes un manque de motivation de prendre en charge ces patients et de se former pour pouvoir leur proposer un suivi logopédique optimal. Il est donc encore plus difficile de trouver une logopède indépendante qui travaille avec des enfants ayant par exemple de l’autisme, une déficience intellectuelle ou des troubles de l’alimentation, et qui dispose de la formation nécessaire.

Les logopèdes investissent beaucoup au niveau du temps et de l’argent dans la préparation individuelle des séances de thérapie, dans les déplacements lors des visites à domicile ainsi que dans la formation continue. Tout cela n’est pas couvert par les tarifs fixés par l’INAMI. De plus, les associations professionnelles demandent depuis longtemps des simplifications administratives afin de pouvoir exercer leur profession dans des conditions dignes.

En se déconventionnant, les logopèdes s’opposent donc d’une part à trop d’insécurité financière et d’administration, et à un dénigrement de leur profession. De plus, elles montrent dans quelle mesure des groupes entiers de patients sont discriminés n’ayant pas accès à la thérapie dont ils ont besoin, en demandant une nomenclature révisée (UPLF 2022). La résistance n’est donc de loin pas seulement dans l’intérêt des logopèdes eux-mêmes, mais aussi dans celui de tous les patients touchés par des troubles de langage, de communication, d’alimentation etc. Une grande partie de ces patients sont effectivement des enfants. Il faut apporter des corrections importantes à un système de santé qui n’a pas été revu depuis trop longtemps et qui ne répond pas aux besoins de tous les citoyens.  L’association professionnelle des orthophonistes francophone UPLF n’apprécie pas qu’en fin de compte, tant qu’il n’y a pas de nouvelle convention acceptable que les logopèdes sont prêts à signer, ce soient les patients qui doivent supporter le coût des tarifs plus élevés. Ils espèrent, par leur déconventionnement massif, exercer une pression suffisante sur le monde politique pour que de nouvelles négociations soient entamées et que les améliorations souhaitées puissent être obtenues dans l’intérêt de tous (article dans la Libre du 2.5.2022).


[1] Message de l’UPLF à ses membres (5.8.2022) : Près de 60 % des logopèdes ont refusé d’adhérer à la nouvelle convention 2022-2023. https://www.uplf.be/pres-de-60-des-logopedes-ont-refuse-dadherer-a-la-nouvelle-convention-2022-2023/

[2] UPLF (2023) : Tableau de simulation des tarifs https://www.conventionlogopede.be/

[3] Le Floch, M. (24.3.2023) : Déconventionnement des logopèdes : Quels impacts sur les familles peu aisées ? https://pro.guidesocial.be/articles/actualites/article/deconventionnement-des-logopedes-quels-impacts-sur-les-familles-peu-aisees

[4] Article dans La Libre (2.5.2022) : Les logopèdes manifesteront jeudi pour réclamer la revalorisation de leurs honoraires. https://www.lalibre.be/belgique/societe/2022/05/02/les-logopedes-manifesteront-jeudi-pour-reclamer-la-revalorisation-de-leurs-honoraires-L4JJKVBSLRBNNOF2EBSC2FJ5GY/

[5] Duval, A. (2022) : Déconventionnement massif des logopèdes : La révolution des fourmis en marche. https://pro.guidesocial.be/articles/carte-blanche/article/deconventionnement-massif-des-logopedes-la-revolution-des-fourmis-est-en-marche

Les services d’accompagnement

Les services d’accompagnement

  1. Introduction

La Ligue des Droits de l’Enfant milite pour une école inclusive qui accueille tous et toutes les enfants, en milieu ordinaire, et ce, depuis 2001. Plus de 20 ans de combats ont permis de faire avancer l’accueil de certains enfants, mais il reste du chemin à faire. Pour plus d’informations sur la manière dont nous développons notre point de vue spécifique sur l’inclusion scolaire, voir toutes nos études et analyse, ainsi que les actes de nos colloques et notre Mémorandum sur le site de la Ligue des Droits de l’Enfant.

L’inclusion scolaire est une démarche qui nécessite le soutien de milieux pédagogiques (les Pôles territoriaux, par exemple) ou extrascolaire. Les enseignants et les écoles en général, ne sont pas formés – ou ne se forment pas – à l’inclusion de tous et toutes les élèves, quelles que soient leurs spécificités. Que ce soit un trouble spécifique des apprentissages et, pire encore, des élèves vivant avec un handicap, qu’il soit physique ou… pire, intellectuel ou comportemental. Pourtant, tous et toutes ces élèves ont droit à bénéficier d’un enseignement inclusif dans une école ordinaire, tout au long de leur scolarité.

Cependant, les écoles commencent seulement (2023) à prendre conscience que les Pôles territoriaux existent et que leur mission est de les aider à mettre en places des aménagements raisonnables que, pour bien faire, il faut rendre universels.

Si les écoles découvrent les Pôles territoriaux qui sont récents, il est d’autres structures d’aide bien plus anciennes qu’elles ne connaissent toujours pas et auxquelles elles ne font jamais appel, lors d’une inclusion. Il s’agit des services d’accompagnement.

Dès lors, et afin de les aider, mais aussi et surtout aider les parents, nous avons décidé d’enquêter, c’est-à-dire d’aller à la rencontre de certains de ces services d’accompagnement, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, afin qu’ils nous expliquent leurs missions et la manière dont ils fonctionnent.

Voici les résultats de notre recherche. Il ne s’agit pas simplement d’informations. L’objectif est de permettre aux écoles, aux lieux d’accueils extrascolaires et aux familles de faire les meilleurs choix pour leurs enfants/élèves/animés. Dans les faits ces services sont trop peu connus et, de ce fait, les familles, les intervenantes et intervenants, ne les utilises que trop peu ou prou.

Nous avons rencontré trois services d’accompagnement et débattu avec eux de leurs compétences. Nous n’allons pas vous bassiner avec ces débats. Ceci est un résumé de ce que ces services peuvent apporter, tant aux écoles qu’aux familles. Nous espérons maintenant que ceux-ci vont bénéficier de plus de moyens encore car l’Ecole et l’extrascolaire doivent devenir de plus en plus inclusifs.

L’Ecole inclusive est un tout. Voici des services trop peu connus qui s’exprime sur leurs missions :

2. Les questions nécessaires afin de poser un jugement critique sur la question de l’accompagnement d’un enfant avec handicap ?

Pourquoi faire appel à un service d’accompagnement ?

Voici quelques questions que nous avons recueillies et qui, selon ces services sont fréquemment posées pour évaluer le processus de scolarisation de l’enfant :

– L’enfant est-il dans un environnement qui l’aide à progresser ?

– L’enfant continue-t-il à progresser dans les différents domaines du développement ?

– L’enfant semble-t-il heureux et épanoui, aime-t-il aller à l’école ?

– L’enfant a-t-il des amis, des copains dans la classe, dans l’école ?

– L’enfant a-t-il des interactions avec les autres enfants ou seulement avec les adultes, initie-t-il des interactions, est-il la « mascotte » des autres ou a-t-il avec eux un rapport égalitaire, est-il stigmatisé ?

– Comment l’enfant vit-il sa déficience, a-t-il des lieux pour en parler ou en entendre parler, a-t-il des projets, des rêves ?

– L’enfant a-t-il des activités en dehors de l’école, des loisirs, des rencontres avec d’autres enfants atteints de handicaps ou/et sans handicap ?

– Quels sont les aménagements, les réorientations, changements de classe, d’école ou de type d’enseignement nécessaires pour répondre à ses besoins et pour procurer des conditions plus favorables à son développement et à son bien-être ?

– L’aide en classe, s’il y en a, agit-elle en cohérence avec le projet, ne renforce-t-elle pas une stigmatisation, est-elle réellement nécessaire à chaque moment où elle est présente, son temps d’intervention est-il adéquat ?

– Qu’envisage-t-on pour l’année scolaire prochaine ? (Cette question est importante et doit être posée plusieurs mois avant la fin de l’année. Poser et répondre à cette question, même si la réponse à ce moment n’est pas encore définitive, est essentiel car cela permet d’envisager différentes possibilités, de s’y préparer et de ne pas être mis au pied du mur au terme de l’année).

– Au-delà de l’année prochaine, quelles pourraient être les perspectives ? (L’école n’est qu’une étape de vie, elle doit s’inscrire dans une continuité de projet).

3. Avoir un point de vue critique, c’est avant tout se poser la question de « Quels services d’accompagnement dois-je contacter au besoin, afin de permettre à mon enfant/élève/animé de progresser ? »

En Fédération Wallonie-Bruxelles, il existe différents services qui, à la demande, peuvent accompagner l’enfant, le jeune ou l’adulte présentant des besoins spécifiques. Ils travaillent également avec la famille. L’accompagnement se fait généralement par un ou plusieurs professionnels issus d’une équipe pluridisciplinaire. Avec des variations entre les services et selon les besoins de la personne, il pourra s’agir d’un(e) kiné, d’un(e) logo, d’un(e) psychologue, d’un(e) éducateur (trice), d’un(e) assistant(e) social(e),… Ces professionnels peuvent être des ressources pour les écoles.

En effet, l’accompagnement de ces services cible, en fonction des demandes et des besoins, la personne elle-même mais également son réseau et ses milieux de vie, dont l’école fait partie. L’objectif sera d’élaborer ensemble un projet qui corresponde au mieux aux besoins de la personne, dans le souci de son évolution, de son épanouissement et de sa qualité de vie.

« L’accompagnement serait cette façon de considérer la personne comme son égal, de respecter son projet et ses choix tout en la guidant vers plus de réalisme ou vers une solution pour un « mieux-vivre » qui correspondrait à cette personne ». (Ch. Bartholomé, sociologue)

Les professionnels de ces services ne font pas de rééducations. C’est un travail différent qui est proposé, complémentaire au travail des autres professionnels présents dans le suivi « quotidien » de la personne.

Différents types de services d’accompagnement existent actuellement en région wallonne. La plupart sont subventionnés par l’AVIQ (anciennement l’AWIPH) :

  • Les Services d’Aide Précoce (concernent les enfants à besoins spécifiques qui ont entre 0 et 8 ans) – SAP
  • Les Services d’Aide à l’Intégration (concernent les enfants et les jeunes ados/adultes qui ont entre 6 et 21 ans) – SAI
  • Les Services d’Accompagnement (concernent les jeunes adultes et adultes) – SAC
  • Les Services à initiatives spécifiques (tels que le SAPI, cfr. Ci-dessous).
  • En région Bruxelloise, il s’agit de services d’accompagnement pouvant accompagner la personne en situation de handicap tout au long de sa vie. Certains services se concentrent davantage sur les enfants alors que d’autres se centrent sur les adultes. Les missions de ces services sont :
  • Assurer une aide précoce aux enfants en situation de handicap et à leur famille, parfois même avant la naissance de l’enfant. Il s’agit d’une aide éducative, psychologique, social (à l’enfant ou à sa famille) et une aide technique par un soutien individualisé à domicile ou dans les autres lieux de vie de l’enfant
  • Concernant l’enfant en âge scolaire, il s’agit d’assurer un prolongement à l’aide précoce élaborée pour l’enfant en bas âge en accentuant petit à petit la relation enfant-famille-école. Il s’agit également d’encadrer la scolarité au niveau psychologique, identitaire et relationnel
  • Par rapport à l’accompagnement de l’adulte en situation de handicap, cela se traduit par une aide à conserver ou à acquérir son autonomie par un soutien individualisé dans les actes de la vie quotidienne. Les services d’accompagnement orientent la personne vers les services qui peuvent lui être utiles et l’accompagnent dans ses démarches auprès de ces services sans pour autant se substituer à l’action de ceux- ci ;
  • D’assurer le placement familial et organiser, conjointement à l’accompagnement, la recherche et la sélection de familles d’accueil.

Il y a des missions annexes dont l’une est l’aide à l’intégration. Il s’agit d’une aide destinée aux enfants en situation de handicap. Cette aide comprend le soutien de l’enfant en situation de handicap et de son entourage dans les différentes dimensions du processus d’intégration scolaire. A savoir, l’aide à l’utilisation de matériel spécifique, la coordination et la médiation entre les divers intervenants susceptibles d’intervenir à l’exclusion de toute intervention thérapeutique.

Les services d’accompagnement de la région Bruxelloise sont subventionnés par le service « PHARE », anciennement Service bruxellois francophone de la Personne handicapée (SBFPH)

3.1. Les services d’accompagnement

En région wallonne comme à Bruxelles, chaque service fonctionne selon un mode « ambulatoire », c’est-à-dire qu’il se déplace là où la personne se trouve. On parle aussi d’intervention en « milieu ouvert ». Le nombre et la fréquence des interventions sont variables en fonction de chaque situation individuelle. Les interventions s’effectuent dans le respect du cheminement de chacun mais aussi des convictions parentales, des repères familiaux et socioculturels.

Il existe des services spécifiques et des services polyvalents. Les services polyvalents accompagnent les bénéficiaires qui présentent tout type de handicap, les aidant dans la globalité de leurs demandes ou besoins. Les services spécifiques accompagnent des bénéficiaires qui présentent un ou plusieurs handicaps définis. Ils assurent également une mission de support, de formation, de référence pour les services généraux, ils contribuent à la recherche de solutions et à l’avancée de la recherche fondamentale. Quelle que soit la spécificité du service, c’est la personne à part entière qui est d’abord considérée, au-delà de son handicap. Ainsi, parallèlement aux apports et adaptations spécifiques, c’est la qualité de vie, l’épanouissement et l’identité qui sont recherchés. Les projets sont élaborés au départ des compétences, des ressources et des potentialités des personnes.

3.2 Les Services d’Aide Précoce – les SAP (0-8 ans)

« Nous intervenons à la demande des parents d’enfants présentant un retard de développement ou un handicap, que celui-ci soit physique et/ou mental et/ou sensoriel et qu’il soit avéré ou suspecté. « 

En effet, un certain pourcentage des enfants suivis par les SAP n’a pas encore pu être diagnostiqué. Peut-être même qu’ils ne pourront jamais l’être : « Soit le handicap ou le syndrome est établi pendant la grossesse de la maman ou dans les jours qui suivent la naissance de l’enfant, soit le handicap se révèle au fur et à mesure du développement de l’enfant. »

Il s’agit alors d’un cheminement des parents vers une démarche diagnostique (analyses génétiques, bilans pluridisciplinaires, équipes médicales, centres de références, …). « Ces démarches, accompagnées par notre service, si les parents le souhaitent, peuvent prendre du temps et demandent de l’énergie aux parents et aux enfants. La recherche génétique progressant à petits pas, il arrive que le diagnostic ne puisse être posé que tardivement voire jamais. »

« De façon générale, nos services ont pour mission d’apporter une aide éducative à l’enfant différent ainsi qu’un soutien éducatif, social et psychologique à sa famille. Notre but est de favoriser le développement de l’enfant et son intégration sociale par une action au niveau de ses différents milieux de vie (domicile, crèche/école, loisirs,…). Nous intervenons pour qu’un projet cohérent pour l’enfant et son devenir soit mis en place en tenant compte des ressources de ces différents milieux. »

Les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire ne font pas de rééducation mais, en partenariat avec les parents et les professionnels présents autour de l’enfant (puéricultrices, enseignants, paramédicaux indépendants, équipe médicale, …), ils veillent à optimiser les conditions environnementales de l’enfant et à favoriser ainsi son développement. La généralisation et le transfert des apprentissages d’un lieu à l’autre sont recherchés.

« Une fois par an et pour la plupart des enfants que nous suivons, un bilan de développement peut être réalisé afin de cibler les objectifs à atteindre ensemble à partir des difficultés mais aussi des ressources de l’enfant. »

Lorsque l’enfant approche de l’âge de l’entrée à l’école, les services d’aide précoce peuvent, par exemple, accompagner les parents dans leur recherche de solution(s) qui corresponde (nt) au mieux aux besoins de leur enfant. Ensuite, à la demande des parents et des enseignants, un accompagnement à l’école (ordinaire ou spécialisée) pourra être proposé.

« Un autre axe d’intervention de nos SAP se situe au niveau de la prévention, notamment vis à vis du risque de handicaps surajoutés. Par exemple, en tenant compte des spécificités du développement de chaque enfant, on évite ou on limite l’apparition de handicaps secondaires ; en favorisant son intégration dans les milieux « ordinaires », on évite de le marginaliser. »

« Nous organisons également – mais ponctuellement des activités collectives ou communautaires. Ce sont des actions collectives que nous organisons pour les enfants et les familles bénéficiaires du service. ».

Des actions communautaires peuvent également être organisées. Celles-ci s’adressent à toute personne qui en fait la demande (ex. information générale sur la différence dans une école).

3.3. Les Services d’Aide à l’Intégration – les SAI (6-21 ans)

Si les parents et/ou le jeune le souhaitent, les services d’aide à l’intégration sont là pour prendre le relais des services d’aide précoce ou établir un nouveau projet d’accompagnement. Les Services d’Aide à l’Intégration se donnent pour mission l’épanouissement du jeune en situation de handicap mais aussi la construction de son identité en regard de ses désirs et dans la relation à l’autre.

Les professionnels de ces services peuvent notamment, en fonction des besoins exprimés : soutenir le jeune dans son parcours et son projet de vie, assurer une guidance familiale, collaborer avec l’école, favoriser la participation sociale dans les milieux ordinaires, …

Tout comme pour le SAP, il s’agira d’élaborer ensemble un projet cohérent et au plus proche des besoins du jeune. Encore plus qu’au niveau du SAP, l’avis du jeune sera recherché.

3.4. Les Services d’Accompagnement (adultes)

Les services d’accompagnement ont pour mission d’aider les personnes adultes à mener à bien des projets qui leur apporteront une plus grande autonomie.

Certains services d’accompagnement sont spécialisés dans certains types d’activités (recherche d’emploi, apprentissage des nouvelles technologies, etc.). Ces services ne seront pas développés ici, étant donné que la majorité de leur population n’est plus concernée par l’âge de l’obligation scolaire.

3.5. Quel accompagnement des SAP, services d’accompagnement et des SAI au sein des écoles ?

Pendant la scolarisation, les services sont un lien entre l’école, la famille et l’enfant. Le fait que les professionnels des services connaissent déjà l’enfant et sa famille et qu’un partenariat est, la plupart du temps, déjà établi avec les parents, va aider à ce que le projet scolaire s’inscrive dans le respect de l’enfant et du projet de vie que les parents ont pour celui-ci.

A la demande des parents et avec l’accord des écoles, les équipes proposent des rencontres régulières aux enseignants. Le plus souvent, il s’agira de temps d’observation et/ou d’échanges avec les différents partenaires du projet (parents, école, SAP/SAI, service d’accompagnement, PMS, enfant/jeune en fonction de son âge et selon ses possibilités d’expression). C’est un partenariat qui est recherché entre les différents acteurs afin de mobiliser ensemble les ressources et d’ajuster au mieux les attentes de chacun et les objectifs définis aux réalités de l’enfant ou du jeune (son rythme, ses capacités, ses besoins, son identité, …).

« Il sera important d’« écouter » (observer pour les plus petits) et de respecter le vécu de l’enfant ou du jeune et ses souhaits. C’est en tenant compte de ses difficultés et de ses possibilités, en respectant ses envies, mais aussi ses refus que nous lui permettront de s’épanouir dans l’environnement que nous lui proposons et ainsi de se construire tant sur le plan cognitif que sur le plan personnel et émotionnel. »

Les visites en classe fournissent au service l’occasion d’observer l’enfant ou le jeune, de voir ses progrès, de fixer de nouveaux objectifs, de rechercher ensemble comment pallier aux difficultés qu’il peut rencontrer dans les tâches observées ou dans ses relations aux autres.

« Différents outils guident l’observation, certains sont centrés sur les interactions sociales, sur l’autonomie, d’autres permettent d’observer l’évolution de l’enfant dans le cadre d’activités scolaires spécifiques. »

Les observations complémentaires réalisées dans les autres milieux de vie de l’enfant/du jeune ou au cours de bilans réalisés au service permettent de réfléchir sur un projet global et cohérent pour le bénéficiaire. « A la maison, des aménagements sont éventuellement mis en place pour assurer l’acquisition de notions vues en classe ou pour pallier à des difficultés vécues à l’école. Les objectifs à poursuivre et les moyens pour les atteindre peuvent être fixés en commun. »

La collaboration entre le service, les parents, les enseignants, les autres professionnels et l’enfant n’est jamais définitivement établie. « Elle se construit tout au long des rencontres et ne devient efficace que lorsqu’elle s’établit entre des partenaires qui apportent chacun leur spécificité d’approche, de regard, de compétence sans porter de jugement sur autrui, pour ensemble concourir au développement harmonieux et au bien-être de l’enfant/du jeune. »

3.6. Conventions de soutien à la scolarité

Les écoles (d’enseignement ordinaire et d’enseignement spécialisé) et les services d’accompagnement (SAP-SAI-SAC) signent une convention précisant les objectifs et modalités de leur collaboration autour du projet de l’enfant.

Cette convention est issue d’un accord de coopération entre la Communauté française et la Région wallonne ou la Région Bruxelloise en matière de soutien à la scolarité pour les jeunes présentant un handicap. « C’est une façon d’établir le début de la collaboration et de définir, au début de chaque année, quel rôle chacun va pouvoir jouer pour mener à bien le projet de scolarisation de l’enfant ou du jeune et les objectifs qui y sont liés. »

4. En pratique

En région wallonne, l’AWIPH (Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées) agrée et subventionne 20 services d’aide précoce, 28 services d’aide à l’intégration et 41 services d’accompagnement répartis sur l’ensemble du territoire wallon. Une liste de ceux-ci est disponible sur le site de l’AWIPH, aux bureaux régionaux ou au centre de documentation de l’AWIPH. Parmi ces services, on retrouve plusieurs services à missions spécifiques.

En région de Bruxelles Capitale, il y a 20 services d’accompagnement. La liste est disponible sur le site du service « phare ». Tout comme en Wallonie, il y a des spécialisations dans les services.