Le droit aux loisirs et au repos,  un droit encore largement méconnu et peu respecté

Le droit aux loisirs et au repos, un droit encore largement méconnu et peu respecté

Les Droits de l’enfant sont multiples et complexes. On en connaît généralement assez peu que l’on répète à l’envi, comme s’ils étaient un tout : droit à l’éducation, droit de ne pas être séparé d’avec les parents, protection contre les mauvais traitements, adoption, travail des enfants, protection dans les conflits armés, justice pour mineurs, … Ces droits sont communément reconnus. Qui oserait aujourd’hui réclamer la réintroduction du travail forcé à 14 ou 16 ans pour les enfants « qui ont l’intelligence de la main[1] », le retour des sévices corporels ou l’enrôlement de mineur·e·s dans des forces armées ? En veillant au respect de ces droits, nous apaisons notre bonne conscience.

Mais, face à ceux-ci, de nombreux droits de l’enfant continuent à être méconnus, voire niés. Donner des droits aux enfants reste laborieux, près de 30 ans après l’adoption de la CIDE[2]. Quand les adultes prennent des décisions qui les concernent, que ce soit en famille, à l’école ou au niveau politique, le respect de leur intérêt supérieur et le principe de non-discrimination sont souvent oubliés. Par exemple, et pour ne pas la citer, s’il y a bien un lieu où la discrimination règne en maître, c’est à l’école, seul lieu de passage obligé pour la quasi-totalité des jeunes.

De même, les libertés d’expression et d’association sont carrément bafouées. Tenir compte des demandes de ses enfants en termes de liberté d’association (choix des ami·e·s, de participation à un mouvement de jeunesse, …), ou en termes de choix d’études ou d’inscription dans un club sportif, par exemple, a du mal à passer chez des parents qui, dès leur naissance, savaient à l’avance ce qui serait bon pour eux.

Sur la liste des droits de l’enfant mal connus ou méconnus, nous pouvons classer le « droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique[3] ». Ce constat est général, la plupart des Etats investissent peu dans le respect de ces droits. Le Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU précise que « les investissements consentis pour leur donner effet sont insuffisants, la législation visant à les protéger est lacunaire ou inexistante, et les enfants sont, pour ainsi dire, invisibles dans les politiques nationales et locales de planification [4]». Les investissements « ne concernent que l’organisation d’activités structurées et organisées »,  poursuit le rapport. Ceux-ci oublient trop souvent le temps et les espaces nécessaires à la spontanéité, tant dans les activités récréatives que créatives. En résumé, ces droits sont largement bafoués !

De plus, certaines catégories d’enfants sont plus discriminées que d’autres. Le Comité cite les filles, les enfants issus de familles précarisées, des enfants porteurs de handicaps, les enfants autochtones et ceux appartenant à des minorités. Dans certaines familles, les tâches domestiques et les travaux scolaires, toujours plus lourds empêchent les enfants d’exercer leurs droits aux loisirs et au repos.

Importance de l’article 31 dans la vie des enfants

L’article 31 doit être compris comme faisant partie d’un tout, aussi bien en ce qui concerne sa teneur que sa place dans l’ensemble de la Convention. Tous ses éléments sont liés entre eux et se renforcent mutuellement, et contribuent, lorsqu’ils sont appliqués, à enrichir la vie des enfants. Pris ensemble, ces éléments constituent les conditions nécessaires pour préserver l’unicité de l’enfance tout en tenant compte de son caractère évolutif. Ils jouent un rôle déterminant dans la qualité de l’enfance, l’exercice du droit des enfants à un développement optimal, la promotion de la résilience et la jouissance d’autres droits[5].

Mais quels sont ces droits et que représentent-ils pour les enfants ?

Le repos est un besoin fondamental et psychologique de l’enfant.

Le manque de repos peut avoir un impact irréversible sur la santé et le bien-être de l’enfant. Se reposer, ce n’est pas seulement dormir, c’est aussi un temps à ne rien faire ou à faire ce que l’on veut. Contrairement à la croyance de certains parents qui surinvestissent leurs enfants, le repos permet à l’enfant de se concentrer, d’être plus attentif·ve, plus actif·ve et d’avoir l’énergie nécessaire pour participer à toutes les activités qui lui sont proposées.

Le jeu permet de réinventer le monde en exerçant sa propre créativité.

Si l’enfant a le droit de se livrer au jeu, c’est parce que celui-ci est essentiel à son épanouissement. C’est un moment de partage, de convivialité et de socialisation. Le jeu est naturel chez l’être humain. Il se caractérise aussi par l’amusement qu’il procure et il développe chez l’enfant de multiples compétences comme la logique, l’esprit de déduction, le sens de l’anticipation, la résolution de conflits ainsi que des apprentissages sociaux tel celui de savoir perdre et accepter que l’autre gagne.

La participation à la vie culturelle et artistique fait ressortir chez l’enfant le sentiment d’appartenance à une communauté.

Outre l’aspect fondamental d’appartenance à notre humanité, cette participation concourt à la construction de l’identité des enfants et de leur préhension du monde. Cela leur permettra de contribuer, à leur tour, à dynamiser la vie culturelle et les arts traditionnels pour en assurer la pérennité. Par leurs productions artistiques et culturelles, les enfants participeront ainsi à la construction d’une démocratie plus égalitaire et plus inclusive, et au vivre ensemble qui seront les bases de la société de demain. Une société qui permettra à chacun·e, et notamment les enfants issus de familles socialement exclues, de trouver une place dans le dialogue démocratique, d’échanger et d’agir en société.

La culture est le patrimoine et le terreau d’une société. Elle peut prendre un nombre infini de formes bénéfiques aux enfants : danse, chant, théâtre, musée, cinéma, médias… Ceux-ci peuvent ainsi découvrir et interroger le monde et leur environnement.

Les vacances sont un temps de « ressourcement » à part entière

Les vacances sont bien un droit car elles sont avant tout du repos. Elles créent une rupture des rythmes quotidiens que sont l’école, la vie à la maison et dans le quartier, les activités dites « extrascolaires »… et sont propices au bien-être et au lien parents-enfant, mais aussi au jeu, à l’émancipation, à la découverte de nouveaux apprentissages et à la construction du lien social dans un autre espace-temps, plus proche du rythme des enfants.

En somme, en donnant du temps aux jeunes en dehors de leurs conditions quotidiennes d’existence, les vacances permettent à chacun·e de faire des découvertes inattendues, de se confronter à des situations nouvelles et ainsi de se découvrir soi-même et les autres, autrement.  

La Belgique, élève moyenne, en retard d’une guerre.

Si de nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années par les Communautés pour améliorer l’accès des enfants au repos, aux loisirs et aux activités culturelles et artistiques, notre pays manque encore cruellement d’espaces de jeux, d’espaces récréatifs et de lieux de rencontre informelles pour les jeunes, en particulier dans les régions rurales. Le manque d’infrastructures de jeux sécurisées ou d’espaces propices au jeu et à la rencontre contraint les enfants à rester chez eux ou jouer dans des espaces confinés et les jeunes à traîner leur ennui d’aubette de bus en halls d’entrée d’immeubles sociaux.

De nombreux enfants sont encore privés d’activités de loisirs, et ne parlons même pas d’accès aux arts et à la culture. Plus de 10 % des familles en situation de pauvreté ne bénéficient pas de loisirs réguliers et 40 % des enfants vivant à Bruxelles et en Wallonie ne bénéficient pas d’une semaine au moins de vacances par an.  Les conditions de vie socioéconomiques empêchent de plus en plus de familles à accéder à la culture et aux loisirs.

Les enfants porteurs de déficience physique et/ou intellectuelle sont très souvent exclus des plaines de jeux par manque d’accessibilité tout comme ils n’ont souvent pas accès à certaines associations culturelles et sportives par manque de projets d’inclusion. Cette discrimination à l’accès empêche l’intégration harmonieuse avec les autres enfants.

Par contre, d’autres enfants sont en situation de sur-stimulation. Certaines familles cherchent à armer au mieux leurs enfants en s’engageant dans « l’hyper-éducation ». Dès lors, ceux-ci sont inscrits à de multiples activités parascolaires qui prennent tout leur temps libre, au détriment de leur rythme biologique et de leurs besoins de repos et de ne rien faire.

Les secteurs d’activité comme l’éducation, la culture, les loisirs éducatifs manquent cruellement de financement. Celles-ci sont remplacées par des activités privées lucratives auxquelles certaines familles n’ont pas financièrement accès.

Enfin, l’école en Communauté française est chronophage. Elle empiète sur le temps libre des enfants et des jeunes, sur leur vie de famille et les surcharge (et se décharge) de tâches qui relèvent de ses missions pédagogiques. On sait combien la régulation des travaux à domicile dans l’enseignement fondamental n’est, pour ainsi dire, pas respectée ce qui engendre des conséquences néfastes pour les enfants et leurs familles : hyper-éducation, coûts financiers, culpabilisation, mobilisation du temps libre de la famille. Enfin, les horaires scolaires ne sont pas en phase avec les rythmes chrono-biologiques et chrono-psychologiques de l’enfant. Il s’agit d’une source supplémentaire d’inégalités dans l’accès aux loisirs, à la culture, aux sports et au repos.

Enfin, les enfants et les jeunes restent encore trop peu consultés avant les prises de décisions en matière de droit au repos, aux loisirs et à la culture, que ce soit au familial, au niveau communal et au niveau scolaire, trois niveaux qui devraient montrer l’exemple en matière de respect des droits de l’enfant. 

Le droit au repos, aux loisirs et à la culture, un droit à défendre comme tous les autres.

On l’a vu, les droits définis par l’article 31 de la CIDE sont essentiels à l’équilibre, au bien-être et à la santé de l’enfant. Ils participent de son éducation à la citoyenneté et de la construction du lien social qui aident à en faire un citoyen du monde. Ces droits doivent donc être respectés à tous les niveaux.

Si les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer en finançant suffisamment l’extrascolaire et les lieux de créations artistiques, en repensant l’espace public trop souvent dédié à la mobilité, en augmentant les infrastructures et en le réaménageant de manière à permettre aux enfants et à leurs familles de le réinvestir, en créant des lieux de vacances pour les familles populaires, en renforçant les investissements d’espaces de jeux dans les lieux publics, etc., ils ne sont pas les seuls à devoir agir. Nous avons tou·te·s notre rôle à jouer, en actionnant les leviers auxquels nous avons accès.

Au sein des écoles, en plaçant des jeux dans les cours de récréation afin qu’elles soient adaptées à l’extrascolaire et pour que ces dernières ne soient plus genrées (filles et garçons jouant à des jeux différents, étiquetés « jeux de garçons et jeux de filles »). En garantissant le respect du rythme chrono-biologiques et chrono-psychologiques des enfants et en révisant les rythmes scolaires. Mais aussi en garantissant le respect de la réglementation relative aux travaux à domicile et en l’étendant jusqu’à 18 ans, afin de garantir le respect de l’article 31 tout au long de la scolarité obligatoire.

Pour les lieux de culture et de loisir, en veillant à une hétérogénéïsation du public, en refusant de s’inscrire dans un processus de marchandisation et en veillant à ce que toute famille ait accès à l’offre. Enfin, en sensibilisant les parents à l’intérêt des loisirs et du temps-libre pour leurs enfants.

Enfin, pour tou·te·s, en considérant le temps libre comme un véritable temps d’éducation, en mettant sur pied des logiques d’accueil et d’activités inclusives qui permettent la participation active de tou·te·s les enfants, et en ne surinvestissant pas leur temps libre. Sans oublier d’interpeller notre Conseil communal afin qu’il veille au respect de l’article 31 sur l’ensemble de son territoire.

Voici brièvement quelques pistes sur lesquelles chacun·e, à son niveau, peut agir. Le simple respect de ces droits permet à des enfants vivant d’autres discriminations d’être un peu plus heureux et de voir la vie de manière plus positive, et non plus seulement avec les difficultés de vie inhérentes à leur situation. C’est un droit qui procure du bonheur, non seulement le temps où celui-ci est exercé, mais aussi par après, quand la vie reprend son cours habituel. On n’est plus seul·e, abandonné·e dans son coin, on crée des liens, on découvre ses capacités, on développe des compétences nouvelles, on est acteur de ses droits et, ainsi, on devient citoyen·ne de ce monde. Voilà pourquoi ce droit doit être défendu pour tous les enfants, avec un focus sur les plus discriminé·e·s (enfants socialement défavorisé·e·s, handicapé·e·s, réfugié·e·s, filles, …). C’est un combat qui mérite toute l’implication des citoyen·ne·s soucieux·ses des droits fondamentaux de tou·te·s les enfants.


[1] Expression néolibérale pour désigner les enfants qui ne réussissent pas à l’école dans les matières « nobles » (math, français, sciences, …)

[2] CIDE = Convention Internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 20 novembre 1989)

[3] Article 31 de la CIDE

[4] Nations Unies, Comité des droits de l’enfant. Observation générale no 17 (2013) sur le droit de l’enfant au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives et de participer à la vie culturelle et artistique (art. 31), p 3

[5] Nations Unies, Comité des droits de l’enfant. Observation générale no 17, ibid. p 4

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »    2. La Dysgraphie

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS » 2. La Dysgraphie

La dysgraphie est un trouble spécifique d’apprentissage qui affecte le geste graphique, entraînant une lenteur importante dans la réalisation des productions graphiques et l’écriture manuscrite, entraînant une malformation des lettres. La calligraphie lente et inégale est souvent accompagnée d’une grande fatigabilité, voire de douleurs. En effet, écrire ou dessiner requiert une énorme tension et des efforts permanents chez une personne avec une Dysgraphie, alors que de tels gestes s’effectuent normalement automatiquement.

C’est en fait un trouble spécifique d’apprentissage qui se traduit par des difficultés de coordination et de la conduite du trait. Ce trouble n’est pas causé par un déficit neurologique spécifique ou intellectuel. En effet, les personnes qui en sont atteint n’ont aucun retard intellectuel ou déficit neurologique. Les enfants ne manquent pas d’attention et encore moins de volonté. C’est l’organisation même de la fonction graphique qui est touchée.

Ce trouble peut apparaître dès l’apprentissage de l’écriture, en cours de scolarité ou plus tard. En général, l’écriture, une fois maîtrisée, devient automatique. Malheureusement, chez la personne avec dune dysgraphie, les gestes appris ne s’automatisent pas, malgré une rééducation intensive faite par un professionnel. Les productions écrites restent de pauvre qualité, souvent illisible. Ces enfants se révèlent souvent incapables d’être multitâches : dans le même temps réfléchir au mot à écrire, à la manière de former les lettres et orthographier les mots.

La dysgraphie peut avoir plusieurs causes. Elle peut être la conséquence d’autres troubles spécifiques des apprentissages comme la dyspraxie, la dysorthographie ou la dyslexie, les hésitations créant des gestes inadaptés. Elle peut également être une conséquence d’une trouble de l’attention avec ou sans l’hyperactivité (TDAH) ou être liée à la précocité. Environ 70 % des enfants précoces sont touchés par une dysgraphie.

On distingue plusieurs formes de dysgraphies :

  • Les dysgraphies raides, quand l’écriture est raide et qu’il y a une crispation lors de l’écriture. Le tracé est régulier mais anguleux, les droites sont prédominantes sur les courbes avec des changements brutaux de direction. Le crayon est fortement appuyé, on sent le tracé au dos de la feuille qui peut se déchirer ;
  • Les dysgraphies molles : l’écriture de l’enfant est irrégulière dans la dimension des lettres, elle manque de tenue et donne une impression de négligence. Le tracé est petit et arrondi, peu précis, voire atrophié (diminue de volume). Les lignes d’écriture sont ondulantes et les pages peuvent paraître négligées ;
  • Les dysgraphies maladroites : Le trait est de mauvaise qualité, les lettres sont mal proportionnées et les formes sont lourdes avec parfois des pochages[1]. Les pages sont confuses et désordonnées, remplies de multiples retouches, de reprises et de soudures maladroites ;
  • Les dysgraphies impulsives : l’enfant écrit vite au détriment de la forme des lettres qui perdent toute structure ; les gestes sont rapides, parfois saccadés et non contrôlés entraînant une écriture désorganisée. L’enfant préfère la précipitation à la qualité, dès lors ses pages paraissent négligées ;
  • Les dysgraphies lentes et précises dans lesquelles, à l’inverse des dysgraphies impulsives, l’enfant parvient à écrire correctement, avec une écriture très appliquée et un excès de précision mais en fournissant un effort épuisant. L’écriture est ainsi excessivement lente, appliquée et précise. Elle a parfois un aspect calligraphique. Cela explique pourquoi c’est la dysgraphie la plus difficile à diagnostiquer, car qui penserait qu’un enfant ayant une jolie écriture puisse avoir des difficultés ?

La dysgraphie concerne environ 10 % des enfants, et surtout des garçons.

Signes qui doivent alerter

Il est de nombreux signes différents qui peuvent indiquer la présence d’un trouble dysgraphique. Ce n’est pas parce qu’un enfant présente un des signes suivants qu’il est automatiquement porteur de ce trouble. Seul des spécialistes sont à même de détecter un trouble de la dysgraphie. En général, un diagnostic de dysgraphie est posé par une équipe pluridisciplinaire: psychologue, ophtalmologiste, orthoptiste, orthophoniste, psychomotricien, … . L’avis d’un neuropédiatre sera nécessaire pour interpréter les bilans médicaux et paramédicaux établis par l’équipe pluridisciplinaire.

  • Une mauvaise connaissance de son schéma corporel, c’est-à-dire de sa morphologie (ses limites dans l’espace), de ses possibilités motrices (souplesse, rapidité, …), de ses possibilités d’expression à travers le corps (attitudes, mimiques, …). L’enfant n’arrive pas à utiliser le vocabulaire corporel, à se représenter correctement sur un dessin, à assembler les morceaux d’un pantin. L’enfant ne se perçoit pas comme un tout ;
  • Une mauvaise organisation spatiotemporelle : l’enfant a des difficultés à écrire correctement ou à écrire sur la ligne, ses opérations mathématiques ne sont jamais alignées correctement, il est dans l’incapacité de comprendre une carte de géographie. Il est vite perdu dans l’organisation, dans la méthodologie, il ne sait plus où il en est dans un apprentissage, il fait les choses dans le désordre ou à l’envers. Les notions de temps, d’heure, de chronologie, de suites logiques lui sont incompréhensibles. La lecture et l’écriture sont touchées : il s’embrouille, inverse les lettres, perd la structure et la syntaxe de la phrase, … On constate une lenteur et des difficultés à l’école dans les exercices réclamant un passage à l’écrit. De même, des difficultés persistantes dans la reproduction de formes. Il a difficile à visualiser la page et ne parvient pas à écrire sur les lignes ;
  • Des difficultés de latéralisation : l’enfant est malhabile, gauche, a une démarche souvent raide et lourde. Il ne sait pas comment « bien bouger ». Il n’’investit pas les activités sportives ;
  • Un retard dans le développement psychomoteur ou des troubles praxiques (difficultés dans l’enchaînement automatique, c’est à dire l’élaboration, la planification et l’automatisation de mouvements volontaires et de gestes précis), mauvaise tenue persistante des outils (ciseaux, règle, crayon). Crispation dans la tenue du crayon, l’enfant peut trouer la feuille sur laquelle il écrit, tellement il appuie fort ;
  • Des difficultés de concentration entraînant une écriture plus irrégulière, saccadée. Les automatismes sont plus difficiles à intégrer. Le rythme d’écriture est inadapté : l’enfant peut être très lent et faire beaucoup d’efforts pour obtenir un résultat plus ou moins correct ou à l’inverse écrire trop rapidement de façon impulsive. L’écriture peut être peu lisible : l’enfant colle les lettres, les superpose, juxtapose des lettres trop grandes à d’autres plus petites, il y a des télescopages, des tracé trop légers ou trop écrasés, le geste tremble ou est très mal maîtrisé, les lettres sont de mauvaises dimensions, le sens de la graphie n’est pas respecté, le travail semble très peu soigné. En grandissant, le jeune adopte souvent une écriture scripte[2] ;
  • Des enfants hypertoniques ou hypotoniques. Leur geste graphique manque de contrôle et produit une écriture maladroite. Il y a souvent fatigue et des crampes peuvent survenir lors de l’écriture. Le poignet est rigide ;
  • Des problèmes d’ordre psychologique tels que le manque de confiance en soi, anxiété à l’approche de l’écriture, le refus d’écrire ou le désir de non-communication, voire encore le désir de ne pas grandir.

Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)

  1. Au niveau de l’écrit
  • Eviter les pressions. Un élève dysgraphique ne sait pas écrire plus vite, ne pas culpabiliser l’enfant sur l’état de ses cahiers et de ses productions écrites, ne jamais obliger un élève à recommencer un travail écrit jugé non-satisfaisant ;
  • Veiller à ce que son crayon ou le stylo soit correctement tenu. Pour les dysgraphiques, l’écriture manuelle n’apporte rien sur les apprentissages, pire elle peut même les retarder ;
  • Faites attention à ce qu’il n’ait pas tendance à écriture trop vite ;
  • Veiller à ce qu’il soit attentif au sens de rotation des lettres rondes, continuer l’entraînement graphique (via des séquences courtes) ;
  • Dans les petites classes, privilégier les lettre mobiles (façon Montessori ou autre) ;
  • Privilégier des productions écrites courtes ET lui donner du temps supplémentaire, mais rester exigent sur la qualité de l’apprentissage lui-même ;
  • Adaptez les exercices pour limiter la quantité d’écrits ;
  • Privilégier l’oral à l’écrit ;
  • Inviter l’élève à montrer ses connaissances et à ne pas se focaliser sur l’écrit ;
  • Privilégier la qualité du travail à sa quantité. On peut souvent faire aussi bien en faisant moins. L’école à tendance à multiplier les mêmes exercices alors que ce n’est pas nécessaire ;
  • Organisation spatiale et temporelle
  • Veiller à lui fournir des cours complets et exploitables (photocopies, …) ou veillez à ce que ceux qu’il a copiés soient clairs et compréhensibles. En échange, exigez qu’il sache possède la matière ;
  • Soyez attentif à ce qu’il soit correctement installé. Son banc ou sa table doit être adaptée à ses difficultés. Elle doit être large et à la bonne hauteur. De même, sa chaise doit être adaptée à sa taille et qui lui permettre d’avoir un bon appui sur le sol ;
  • S’il lui en manque, veillez à lui fournir les outils nécessaires et adaptés aux apprentissages (stylo, latte, crayon, feuille, etc.) ;
  • Via le tutorat, proposer une tournante dans la classe afin qu’un élève puisse lui servir de secrétaire ou de relecteur ;
  • Les solutions techniques
  • Passer au clavier. L’école est presque exclusivement axée sur l’écrit. L’enfant va écrire pratiquement jusqu’à 6 heures à 8 heures par jour selon son niveau de scolarité. Il est indispensable de soulager l’écriture manuelle et de proposer un passage au clavier (tablette, ordinateur, imprimante) ;
  • Privilégier les outils de dictée vocale ;
  • Fournissez-lui des photocopies pour chaque cours[3], afin qu’il ait la possibilité de les revoir et de les étudier ;
  • Avant l’évaluation
  • S’assurer de la mise en place de remédiations immédiates (ou de tutorat) dans chaque cours. Sans remédiation l’élève se décalerait de plus en plus par rapport à la vitesse et la qualité d’écriture de son âge.
  • Au niveau de l’évaluation
  • Privilégier l’oral, quel que soit le niveau d’études pour vérifier les connaissances ;
  • Se focaliser sur les connaissances et non sur l’orthographe, évaluer la réponse et non la manière dont elle a été écrite ; 
  • Accepter les productions faites au clavier, avec correcteur orthographique.

De manière générale, les aménagements raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous les élèves de bénéficier des mêmes facilités, on évite non seulement la stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques mais qui ont des difficultés d’apprentissage, d’en bénéficier. C’est aussi introduire un peu de justice dans les apprentissages.  

En période de stage ou en enseignement en alternance

Même lorsqu’une prise en charge a été correctement mise en place dès le plus jeune âge, les difficultés de graphie persistent et ne disparaissent jamais. Les troubles orthographiques demeurent. Le jeune aura toutes les difficultés du monde à rédiger un texte graphique (vitesse), sera difficilement lisible et fera régulièrement des fautes d’orthographe qui peuvent avoir des conséquences dans le cadre professionnel, voire dans la vie quotidienne. Cela peut se révéler pénalisants pour un adulte dans l’emploi.

Lorsqu’un jeune ayant une dysgraphie entre en stage dans une entreprise, ou quand un jeune travailleur commence un premier (ou un nouvel) emploi, il est nécessaire de mettre des aménagements raisonnables en place.  Par exemple (ceci est loin d’être exhaustif) :

  • Privilégier l’oral à l’écrit. La relation entrepreneur/travailleur doit se faire de vive voix ;
  • Eviter de lui demander de prendre des notes. En cas de nécessité, mettre à la disposition du travailleur des stylos-billes ergonomiques (qui améliorent la préhension et réduisent la fatigue de l’écriture) et ou des crayons triangulaires qui fatiguent moins l’écriture ;
  • Informatique : mettre en place un outil de dictée vocale ;
  • Durant les formations, fournir un syllabus suffisamment explicite pour que les prises de notes soient inutiles et permettre l’enregistrement par la personne qui suit la formation.

Pour plus d’informations, prendre contact avec l’Aviq (Wallonie) ou avec Phare (Bruxelles).


[1] Lettres teinte à l’encre.

[2] L’écriture scripte est une écriture manuscrite dans lequel les lettres ne sont pas liées les unes aux autres et dont le tracé correspond approximativement, en le simplifiant, à celui des caractères typographiques utilisés en imprimerie.

[3] Sur les photocopies, voir notre fiche sur la dyslexie et la dysorthographie.

Le décrochage scolaire chez l’ado

Le décrochage scolaire chez l’ado

Le pourcentage de personnes âgées de 18 à 24 ans qui n’ont pas de diplôme du secondaire supérieur et qui ne suivent plus aucune forme d’enseignement ou formation. Ils sont 14,8% à Bruxelles, 6,8% en Région flamande, 10,3% en Région wallonne. Ils sont en moyenne 8,8% au niveau belge [1].

Un adolescent sur dix est en décrochage scolaire en Belgique dont 14,4% à Bruxelles. Cette problématique retient de plus en plus l’attention des pouvoirs publics. A cet effet, l’axe 4 du Pacte pour un enseignement d’excellence prévoit de lutter activement contre « l’échec scolaire, le décrochage et le redoublement »  en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Les exclus du système scolaire ont de plus grandes chances de devenir des exclus de la société. Lutter contre le phénomène devient donc urgent et nécessaire tant ses conséquences sont négatives pour l’individu et la société : les charges sociales, la délinquance, les difficultés d’insertion socio-professionnelle, les problèmes de santé, la faible estime de soi, la dépression et autre maux qu’il entraine provoquent des coûts sociaux et économiques importants.

Les exclus du système scolaire ont de plus grandes chances de devenir des exclus de la société. Lutter contre le phénomène devient donc urgent et nécessaire tant ses conséquences sont négatives pour l’individu et la société : les charges sociales, la délinquance, les difficultés d’insertion socio-professionnelle, les problèmes de santé, la faible estime de soi, la dépression et autre maux qu’il entraine provoquent des coûts sociaux et économiques importants.

Mais avant tout, le décrochage scolaire touche profondément et avant tout l’individu. L’enfant, l’ado victime tend à s’intérioriser et vit un profond sentiment de mal-être, de détresse qu’il va subir tant qu’il n’en sort pas.

Mais d’abord, qu’est-ce que le décrochage scolaire ?

Certains parlent de décrochage pour parler d’élèves qui ne s’investissent plus dans leur travail scolaire. Mais la définition la plus communément admise du décrochage scolaire est celle qui désigne des enfants, des ados, des jeunes en âge d’obligation scolaire, qui ont abandonné l’école et qui ne suivent aucun autre type d’enseignement ou de formation. On estime qu’un élève est considéré en décrochage quand il dépasse les 20 demi-jours d’absence non justifiés. Le taux de sorties prématurées des 3èmes, 4èmes et 5èmes années secondaires est de 6,3 % en 2016-2017 en Région de Bruxelles-Capitale[1]. Il constitue le taux le plus élevé en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Quel est leur profil?

Il existe une multitude de profils différents. D’abord, les garçons sont plus touchés que les filles, les jeunes d’origine sociale précarisée ainsi que les jeunes d’origine étrangère dont la probabilité de décrochage et d’abandon scolaire est cinq fois plus élevée.

De nombreux facteurs comme la relation avec les professeurs, les autres élèves, la pédagogie, la situation familiale ont tendance à provoquer un fort impact sur l’ado et sa scolarité.

Justement quelles en sont les causes?

 C’est d’abord notre système scolaire qui en est la cause. Un système particulièrement et profondément injuste qui se caractérise par la séparation des élèves en fonction de leur profil socio-économique et/ou socio-cognitif, par son système d’évaluation, ses redoublements, la relégation vers l’enseignement qualifiant ou l’orientation vers l’enseignement spécialisé. Il contribue grandement à accroître à moyen et à long terme les risques de décrochage scolaire.

 À 16 ans, 7 % des élèves qui appartiennent à l’indice socio-économique le plus faible sont orientés vers le spécialisé contre seulement 2 % des élèves de 16 ans faisant partie de la population plus favorisée.

On constate pourtant que certains enfants scolarisés dans le spécialisé ne souffrent d’aucun trouble d’apprentissage ou d’un handicap avéré ; le seul «handicap» de ces enfants est leur milieu social. Ils se retrouvent alors orientés vers le spécialisé et quasi-définitivement condamné comme élève à y rester parce qu’on estime chez eux une certaine forme de « démission ». Par conséquent, les enseignements spécialisés de type 8 et 1 deviennent les instruments de relégation pour les jeunes en obligation scolaire.

Cette problématique de décrochage relève d’une série d’autres facteurs déterminants et multiples tel que le degré d’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, leur rapport au savoir, leur relation avec l’école et les enseignants, leur niveau d’études, de connaissances de la langue parlée à l’école, de moyens de subsistance ainsi que leur propre intégration socioprofessionnelle.

Les causes peuvent aussi et tout simplement être dues à un retard trop important dans une ou des matières, à un manque de confiance en soi, à des problèmes relationnels, d’apprentissage, à un encadrement insuffisant. L’ado a un besoin énorme d’appartenance à un groupe, besoin d’être reconnu par ses pairs pour se sentir exister et confirmé dans son statut. S’il est laissé de côté, il perd à ses propres yeux toute légitimité et estime de soi.

Quelles sont les conséquences ?

D’abord, le décrochage sur l’ado se manifeste par l’ennui, un comportement contestataire et rebelle, par une intériorisation et une passivité totale pour les cours, par l’absentéisme, de l’irritabilité, des phobies, par un état dépressif, …

L’ado qui ne se préoccupe plus de l’école, perturbe bien souvent le bon déroulement de la classe parce qu’il est lui-même perturbé et subit généralement un état de mal-être profond. Ayant décroché, il change fréquemment d’options, voire d’école.10,2 % des élèves ayant changé d’établissement scolaire dans le 1er degré en secondaire redoublent, contre 6,2 % qui sont restés dans le même établissement[1]. Les enseignants et la direction proposent alors rapidement des filières moins valorisées. Il est reconnu que l’enseignement à horaire réduit est une sorte de filet de repêchage pour l’ado suivant un enseignement à temps plein et ne possédant pas de diplôme ou d’attestation. Dans ce système, on retrouve hélas beaucoup d’ados à problèmes.

Il existe de nombreuses autres conséquences du décrochage scolaire, tel que l’alcoolémie, la toxicomanie, la délinquance et bien d’autres situations tout aussi graves. Fréquemment, l’ado en décrochage entretient un lien familial faible. De ce fait, il se réfugie alors auprès d’amis ayant le même vécu. Et s’il ne rencontre personne avec le même parcours que lui, il tombe en dépression et s’isole.

Une dernière conséquence à évoquer et qui est de taille, c’est sa vulnérabilité sur le marché de l’emploi. Un ado ayant connu un décrochage précoce dans l’enseignement se voit contraint de trouver un emploi. S’il en trouve, c’est généralement un travail précaire dans lequel il stagnera toute sa vie au même niveau de qualification parce que son employeur investira peu dans sa formation, et sa situation restera bien souvent incertaine.

Que faire et ne pas faire en tant que parent face à un ado en décrochage scolaire ?

Une chose à éviter et qui est pourtant assez courante, c’est de comparer l’ado en décrochage avec ses frères et sœurs. Cette comparaison ne l’aidera pas à se motiver. Bien au contraire, il en sera encore plus frustré.

Lui supprimer des loisirs utiles tels que le sport ou des activités artistiques par exemple n’est pas la solution. Bien au contraire, ce sera une source supplémentaire de frustration et de déception pour lui. A défaut de trouver la motivation pour l’école, il trouve au moins une source de motivation dans d’autres activités qu’il aime! En revanche, on pourra supprimer les écrans tels que les jeux vidéo qui ne sont pas utiles pour son développement.

Ne faut-il pas mieux privilégier une enquête approfondie pour comprendre les causes réelles du décrochage que mettre tout sur le compte de la paresse ? Peut-être vit-il mal une déception sentimentale, réagit-il à un conflit dans le couple et il est inquiet à l’idée que ses parents vont se séparer ; peut-être que quelque chose se passe à l’école, que quelqu’un l’importune, qu’il est en conflit avec un professeur et qu’il est même en train de traverser une phase de dépression ?

Dans une telle situation, adopter en tant que parent une attitude d’écoute et de dialogue, même si parfois c’est très difficile, est sans doute l’approche la plus constructive. Il vaut mieux chercher à limiter « la casse » car son problème peut encore s’accentuer, si ce n’est déjà pas le cas, par des troubles du sommeil par exemple, par la rumination mentale, par des problèmes de fatigue chronique, par l’épuisement.

Dans l’imaginaire collectif, le décrochage est souvent associé aux cancres de la classe ; pourtant il concerne des élèves au parcours fluide et même brillant mais qui tout à coup de mettent à angoisser et à paniquer. On parle alors de burn-out scolaire.

L’hyperparentalité est source de grand stress aussi pour les ados qui s’investissent alors de trop, terrifiés à l’idée de rater et de décevoir. Pour la majorité des parents, l’école a toujours été un ascenseur social ; or, c’est loin d’être le cas : 80 % de leurs enfants auront des postes inférieurs à ceux qu’ils occupent eux-mêmes.

 Et pourtant, la pression exercée sur l’ado est énorme et génère une anxiété profonde. Dans ce contexte, certains parents ont tendance à diagnostiquer et à voir un décrochage de manière précoce, suite à des résultats en baisse. Et ils vont jusqu’à en convaincre leur enfant.

Qu’un ado se désintéresse pour une matière est tout à fait normal ! Il faut donc cesser de viser l’hyperperformance. Le soumettre à un niveau d’exigence extrême exerce une pression qui l’empêche d’apprendre. Il est tout aussi erroné de lui faire croire qu’une fois devenu adulte, la réussite à l’école est synonyme de bonheur. On ne cesse de lui rabâcher que sa réussite scolaire va lui ouvrir toutes les portes, mais en réalité avec un tel discours, on l’enferme dans une spirale infernale.

Si cette réussite est essentielle, il ne faut pas exclure le reste. Un ado qui réussit, c’est celui qui est capable d’utiliser ses échecs comme une rampe pour progresser, et non celui qui performe d’office.

Pour bien cerner le problème si votre ado est vraiment victime de décrochage scolaire, il vaut mieux privilégier la rencontre avec l’équipe pédagogique, les professeurs, le directeur de l’école pour essayer de comprendre ce qui se passe, pour avoir leur avis et ainsi pouvoir mener une action commune et collective.

C’est important aussi de veiller à l’autonomiser. En tant que parent, vous êtes la seule personne qui se préoccupe de lui et de sa scolarité ; peut-être de trop ! Il se peut alors qu’il cherche de son côté à « décoller » de vous et du même coup de l’école. Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux fixer avec lui un objectif atteignable pour chaque matière, sur deux mois plutôt que sur un mois par exemple ?

Mais surtout, il s’agit de donner du sens à l’école. Peut-être que jusque-là, il allait à l’école pour vous faire plaisir, pour vous rendre heureux en tant que parent. Maintenant il a grandi, il y a des remaniements intérieurs, et la motivation, il la cherche. Il ne veut plus travailler pour vous faire plaisir et ne sait plus pourquoi étudier. Il vaut mieux alors lui parler comme à un grand, de l’avenir, du métier qu’il veut faire, pourquoi on va à l’école ; bref  de trouver un sens à sa scolarité.

 Il ne faut pas hésiter à changer de regard sur lui et à ne plus le considérer comme un enfant. C’est peut-être le moment et l’occasion de changer sa chambre, de lui proposer des activités nouvelles et de marquer ainsi le coup en opérant un véritable changement dans le regard que vous portez sur lui.

Comment aider concrètement son enfant à accrocher scolairement et à reprendre goût à l’école?

Si en tant que parent vous souhaitez augmenter les chances d’aider votre ado à sortir d’un décrochage scolaire, il existe des pistes de solutions concrètes pouvant contribuer à l’aider.

D’abord et comme évoqué plus haut, pourquoi ne pas commencer à changer son espace de travail, à installer un lieu agréable et calme pour que votre ado ait un espace destiné à l’étude et à la réalisation de ses devoirs ? Cette initiative nécessite un minimum de ressources financières et de débrouillardise pour préparer cet espace.

Ne serait-il pas temps de vous impliquer autant dans l’écoute que dans l’accompagnement de ses études et devoirs, indépendamment de la capacité de suivre les matières apprises par votre enfant ?

 Bien sûr que cela demande de pouvoir dégager du temps pour lui mais c’est important qu’il voie son parent s’intéresser à ce qu’il apprend à l’école. Cette attitude suscite implicitement son intérêt pour ses cours.

Et si en tant que parent ou couple de parents vous n’avez pas le « bagage » nécessaire pour comprendre ou même pour partager l’expérience scolaire avec votre ado, pourquoi ne pas penser à vous tourner alors vers un autre membre ou ami de la famille ou encore vers les parents d’un ami de votre enfant, qui eux, ont ce bagage. Cette personne pourra éventuellement apporter son soutien de manière ponctuelle ou régulière car il aura peut-être plus le temps, l’espace et les connaissances nécessaires pour mieux le faire. Il s’agit non pas de vous remplacer en tant que parent mais de permettre à votre ado de vivre d’autres expériences et ainsi se confronter à d’autres rapports au monde et à la scolarité.

 Il ne faut pas non plus négliger l’aide que peut lui apporter un camarade de classe. Plus un ado partage et vit des expériences différentes plus il a de chance de pouvoir rattacher ce qu’il apprend à l’école avec ce qu’il a déjà vécu. Ces expériences permettront de renforcer potentiellement son accrochage scolaire.

Justement, un des facteurs les plus déterminants dans l’accrochage scolaire, est le rapport ludique au savoir que communiquent les parents à leur enfant. En effet, un parent qui réussit à communiquer le plaisir d’apprendre, le fait qu’on peut s’amuser en apprenant, augmente les chances d’éveiller l’intérêt de l’ado pour ce qu’il apprend à l’école. Des moments réguliers dédiés spécialement à ce partage de savoir de manière ludique est l’une des pistes pour renforcer l’accrochage scolaire de votre enfant.

Si vous vous sentez capable, pourquoi ne pas envisager alors, une fois par semaine par exemple, avec votre ado et toute la famille, de dédier du temps à jouer, à organiser des championnats du savoir, des expériences scientifiques faites à domicile, des batailles de culture générale, etc. Les possibilités de ces jeux cognitifs sont nombreuses

Quels sont les moyens et les dispositifs existants en faveur de l’accrochage scolaire ?

Le Pacte d’excellence qui va progressivement être mis en œuvre cette année va tenter de parer aux problèmes existants dans notre système scolaire en centrant l’enseignement sur l’humain. Cette réforme va mettre les écoles en Fédération Wallonie-Bruxelles en chantier jusqu’en 2030 et devrait en principe aboutir à un enseignement de meilleure qualité, plus moderne, tout en privilégiant une approche personnalisée sur les acteurs de l’enseignement en général, et sur les élèves en particulier. Le pacte prévoit de lutter activement, entre autres, contre le redoublement et le décrochage scolaire.

Depuis de nombreuses années, il existe des dispositifs internes d’accrochage scolaire tel que le D(I)AS au sein des établissements scolaires bruxellois, qui qui prennent diverses formes dont des cours de remédiations, donnés le plus souvent le mercredi après- midi, parfois après les cours ou sur les temps de midi le reste de la semaine ou la participation à d’activités citoyennes, culturelles, créatives et qui proposent parfois aussi aux élèves concernés d’être extraits de leur classe durant plusieurs jours/semaines et d’être pris en charge au sein de l’école par des membres de l’équipe éducative. Ils permettent aussi de favoriser et de collaborer à l’accrochage scolaire des élèves, par la lutte contre l’absentéisme, la violence et les incivilités.

Ces dispositifs apportent un réel travail de prévention. Leur objectif est aussi de créer une dynamique autour de l’école en rassemblant les divers acteurs sociaux et scolaires pour agir efficacement ensemble contre le décrochage scolaire.

Il existe aussi le service de médiation scolaire en Région bruxelloise qui met à disposition des écoles une cinquantaine de médiateurs scolaires avec pour objectif de prévenir la violence et le décrochage scolaires dans les établissements d’enseignement secondaire. Ce sont généralement les premiers interlocuteurs vers lesquels on peut se tourner.


A Bruxelles, les médiateurs sont présents dans les établissements tout au long de l’année ; et bien qu’ils soient présents dans l’école même, ils ne font pas partie du personnel de l’école et ne dépendent donc pas de la direction.

Le Centre PMS ou Psycho Medico Social ou le CPMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. C’est un lieu d’accueil, d’écoute et de dialogue où l’élève et/ou la famille peuvent aborder les questions qui les préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire, professionnelle, etc.

Le Centre PMS est composé de psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d’assistants sociaux (auxiliaires sociaux) et d’infirmiers (auxiliaires paramédicaux) qui travaillent en équipe. Un médecin est également attaché à chaque Centre PMS.

On peut donc les contacter à tout moment.

Chaque commune dispose d’un service scolaire communal qui vise l’intégration sociale des jeunes en favorisant l’accrochage scolaire.

Ces services sont des relais qu’on peut contacter en cas de difficultés en lien avec la scolarité. Ce sont des lieux d’accueil, d’écoute et d’accompagnement.
On peut contacter aussi bien le service scolaire communal de sa propre commune que de celle dans laquelle l’ado est scolarisé.

Les services d’accrochage scolaire ou S.A.S (S.S.A.S. dans l’enseignement spécialisé) qui sont des services permettant d’accueillir et d’aider temporairement des élèves mineurs rencontrant des difficultés scolaires.

Cette aide concerne par exemple des élèves exclus d’une école et ne pouvant être réinscrits dans un autre établissement scolaire ou encore ceux qui sont inscrits dans un établissement mais qui sont en situation de crise, qui ne fréquentent pas l’école sans pour autant en avoir été exclus.

Ils apportent une aide sociale, éducative et pédagogique par l’accueil en journée et, le cas échéant, une aide et un accompagnement dans le milieu familial.

Concrètement, l’objectif de ces services est que l’enfant ou l’ado puisse être réintégré dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions possibles, dans une structure scolaire ou une structure de formation agréée dans le cadre de l’obligation scolaire.

Le tissu associatif

Si certains parents offrent des cours particuliers à leurs enfants, bien d’autres ne le peuvent pas, surtout en faveur de ceux qui, pourtant, ont le plus grand besoin. Hélas, loin d’assurer la réussite de tous, l’école produit massivement de l’échec et même du décrochage scolaire et tout spécialement dans les milieux défavorisés qui n’ont ni les compétences ni les codes nécessaires pour y faire face.

Fort heureusement, il existe d’autres solutions beaucoup moins onéreuses pour tenter de pallier à ce problème. Il y a les associations, notamment les AMO (Aide en Milieu Ouvert) qui sont un serviced’accueil, d’écoute, d’information, de soutien et d’accompagnement aux jeunes et les EDD (écoles de devoirs) plus connues par le grand public et qui visent l’épanouissement global de l’enfant et du jeune jusqu’à ses 26 ans, en plus du soutien scolaire. Elles mènent des projets qui contribuent à faire des enfants, ados et jeunes adultes accueillis de futurs citoyens actifs, réactifs et responsables, capables de poser un regard critique sur le monde et d’en comprendre le fonctionnement.

Malheureusement, le secteur des EDD manque cruellement de moyens : manque de places, de subsides, d’animateurs formés, alors qu’elles jouent un rôle de cohésion sociale fondamental. Les EDD permettent à leur jeune public de garder le contact avec le milieu scolaire, de les accompagner dans leur processus éducatif à travers leçons et devoirs, mais aussi, de manière plus globale, de redonner du sens à leur parcours scolaire, de les réconcilier avec l’école, voire même avec leur avenir scolaire.

Enfin, il existe également un certain nombre d’écoles d’enseignement spécialisé de type 5, organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui accueillent des élèves à l’arrêt sur le plan scolaire et qui proposent un suivi psychopédagogique qui vise à remobiliser le désir d’apprendre et à renouer avec ses pairs dans un cadre sécurisant en :

•  prenant en considération l’arrêt du jeune et en accueillant cet arrêt ;

•  proposant un temps et un espace pour découvrir de nouvelles manières d’apprendre ;

•  visant à faire émerger un projet pédagogique et à le rendre possible.

Cf : www.enseignement.be – circulaire 6853 du 05 19 2018

Conclusion

C’est d’abord aux pouvoirs publics de saisir et de remédier à la problématique du décrochage scolaire en s’y attaquant de manière multilatérale et en dégageant les moyens nécessaires. Des moyens certainement très importants pour permettre de repenser et de reconstruire un système éducatif défaillant en Fédération Wallonie-Bruxelles : il est actuellement source d’élitisme, d’un déficit de mixité et d’égalités sociales qui aboutit à plus d’exclusion scolaire et sociale, à des compétitions entre élèves et entre écoles. Cette refonte ne peut aboutir que par une réforme de la formation et par la revalorisation du métier d’enseignant, en prônant la culture de la bienveillance et de la coopération et en renforçant l’ouverture et l’inclusion à l’école.

Le Pacte d’excellence a été justement réfléchi et réalisé dans l’objectif d’apporter ces réformes nécessaires et indispensables au système scolaire actuel. On peut espérer que ces améliorations qui vont bientôt être entreprises pendant une durée de neuf ans ne seront pas vaines, qu’un réel travail en profondeur sera réalisé. Il ne faudrait pas juste modifier le cadre, mais surtout revaloriser l’enseignement en mettant réellement l’accent sur la dimension humaine à tous les niveaux (élèves, enseignants, parents, éducateurs, etc.).

Une autre piste d’action pourrait aussi se situer au niveau de la communication et du rapprochement entre toute la communauté scolaire, en privilégiant le partenariat entre les familles, l’école et sans oublier le monde associatif (AMO, Maisons de Jeunes, EDD). La clé étant d’être complémentaires, chacun avec sa spécificité pour viser ensemble l’épanouissement global des enfants et ados.

Mais avant tout, il est essentiel que nos enfants et ados grandissent dans un environnement familial positif. La famille joue un rôle très important car ce sont les valeurs et les modèles qu’elle véhicule qui contribuent au développement de ses enfants. La participation des familles à leur vie scolaire est en outre essentielle pour les aider à mieux comprendre l’implication qu’ils devraient avoir vis-à-vis de leur travail scolaire. Une participation qui privilégie l‘écoute, suscite l’estime de soi, stimule la motivation et la concentration, permet de créer un état d’esprit et des habitudes de travail sains. Parallèlement, leur fournir un endroit calme et approprié pour réaliser leur travail scolaire à des moments réguliers les sécurise et les mets dans une dynamique de confiance.

Une telle implication des parents permet d’agir dès les premiers signes d’échecs scolaires ; elle permet en même temps de prévenir et de les prémunir du décrochage scolaire.


[1] http://accrochagescolaire.brussels/le-ba-ba-de-laccrochage/indicateurs

[2] Les indicateurs de l’enseignement 2018, page 37.



Les devoirs à la maison

Les devoirs à la maison

« L’aide au travail personnel de l’élève doit nous aider à (re)faire vraiment de la classe“un lieu où les élèves travaillent”… Sinon quelle dérision cela serait que de vouloir les aider à quelque chose que l’on n’a pas déjà engagé avec eux ! »

Philippe Meirieu, 2006.

INTRODUCTION

La première chose que les élèves apprennent quand ils entrent à l’école (parfois même en maternelle), c’est qu’après l’école, c’est encore l’école. Si la première est inscrite dans le temps, la seconde ne l’est pas et peut investir les dernières heures de la journée d’un enfant, que ce soit déjà en primaire, mais tout au long de la scolarité. Au point qu’une fois devenu adulte, le parent va trouver normal que son enfant soit investi de travail supplémentaire après une journée déjà bien chargée, qui l’a fatigué à l’extrême. Non content de cela, si le maître ne donne pas assez de devoirs à faire à la maison, il s’insurgera, en réclamera et si ses désirs d’adulte gâté ne sont pas rencontrés, conclura et fera savoir à qui veut l’entendre sur le trottoir de l’école que tel professeur est incompétent.  

Les devoirs sont une prescription de l’école que doit porter l’élève entre deux ou trois sphères différentes : l’école, la famille et parfois l’aide aux devoirs. Cette triple localité du travail scolaire explique aussi pourquoi le travail des élèves en dehors du temps scolaire reste un domaine peu connu, notamment par tous les intervenants scolaires. C’est cette méconnaissance, voire ce refus de savoir, qui fonde le discours professoral sur le manque de travail supposé des élèves et la démission des familles.

La question des devoirs remonte à un temps que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître. Capolarello et Wunsche[1] ont analysé la revue « l’Educateur » et recherché les articles qui traitent des travaux à domicile. Ils ont pu constater que ceux-ci font objet de débats depuis 1865 et en ont relevé plus de 70 entre 1865 et 1900. Il s’agit donc bien d’une controverse qui alimente l’école et les familles depuis très longtemps, et qui n’a visiblement toujours pas été tranchée.

La société et la famille ont beaucoup changé ces dernières décennies. La maman a fort heureusement acquis son indépendance. Elle n’est plus cantonnée à la gestion du ménage et travaille en journée. Dans de nombreuses maisons, le parent qui reste assume seul le quotidien et donc les charges de la famille.  

Les recours aux services de garde après la classe ont augmenté de manière importante ces dernières décennies et les difficultés pour aider les devoirs des enfants à domicile se sont accrues dans le même ordre. C’est d’autant plus prégnant quand l’enfant a des difficultés d’apprentissage et lorsque les parents ne parlent pas la langue de scolarisation ou lorsque la culture scolaire leur est étrangère.

Les devoirs deviennent alors sources de stress. Les tensions familiales qu’ils génèrent engendrent de forts ressentiments par rapport à l’école, et impactent la persévérance des enfants et des familles face à la masse de devoirs qui leur est imposée. Tous les élèves ne sont pas égaux face aux travaux à domicile, mais les professeurs se soucient très peu des conditions dans lesquelles se passent les devoirs de leurs élèves les plus fragiles.

Pourtant, de manière générale, la plupart des parents, tous milieux sociaux confondus, tiennent aux devoirs, même si leurs effets sur la réussite des élèves sont loin d’avoir été démontrés. En outre, il arrive, à ces mêmes parents, de poser de gros problèmes à leurs enfants, notamment pour l’acquisition de bonnes méthodes de travail. Les travaux à domicile permettent aux familles de suivre la scolarité de leur enfant. Cette participation, en établissant un lien régulier entre famille et école, est un facteur important dans la réussite de leur progéniture.

Les études scientifiques ne montrent pas d’effets des devoirs sur les résultats scolaires tant en primaire qu’en début de secondaire. Par ailleurs, l’idée que se font les professeurs et les parents que les devoirs renforceraient le sens de l’effort et la discipline personnelle n’a pas été validée par les recherches, peu nombreuses sur ce point, il est vrai.

L’Ecole attend des enfants qu’ils s’investissent pendant des heures en classe puis, qu’une fois fatigués, ils prolongent leur journée par des travaux supplémentaires au sein de la sphère familiale. Toutefois, cette attente ne devrait concerner que les élèves de secondaire, les devoirs étant interdits depuis 2001 en Communauté française de Belgique, et les travaux à domicile fortement régulés. Mais les limites de cette interdiction pour l’école primaire montrent à quel point les professeurs sont réticents à l’appliquer et à respecter les droits de leurs élèves. Malgré la loi, des devoirs continuent à être donnés aux enfants d’école primaire.

L’école n’est pas un ascenseur social et ne l’a jamais été, loin s’en faut. Sans doute l’a-t-elle été un jour dans les abbayes pour quelques clercs ou enfants illégitimes d’un seigneur local, mais depuis la création de l’école, celle-ci a toujours différencié les élèves sur base de leurs origines sociales. Les familles l’ont bien compris et le « travail hors la classe pour l’école », comme les chercheurs appellent prosaïquement les « devoirs et leçons », est un enjeu important. Tous les parents, quel que soit leur milieu social ont pris conscience de la relation de plus en plus forte entre niveau de diplôme et chances d’échapper à la misère. 

Les devoirs sont souvent le seul lien qu’elles ont avec l’école. Dès lors, elles l’investissent dans l’espoir d’aider leurs enfants à mieux réussir leurs études. A l’heure où un certificat de fin de secondaire ne signifie plus rien sur le marché de l’emploi, ou même un baccalauréat et un master ne garantissent plus un emploi à vie, la bataille pour l’avenir de la progéniture commence parfois avant l’école maternelle, par les premiers stages de langue, la psychomotricité ou l’hypothérapie.

Si la pratique des devoirs perdure, c’est sans doute parce qu’elle est considérée par les professeurs et les familles comme un compromis social. Interdits à l’école primaire en France depuis 1956 et en Belgique depuis 2001, cette pratique « désirée et rejetée, nécessaire et inutile, efficace et inefficace, sécurisant et source de tension[2] », est toujours passée outre son interdiction.

Ce compromis social entre l’école et les familles, apparaîtrait comme le moins mauvais possible[3] mais serait plus important que le compromis cognitif[4], tant pour certains professeurs que par la majorité des familles qui les plébiscite. Même pour les familles dont les enfants en sont les premières victimes[5]. En effet, les devoirs structurent l’emploi du temps des élèves après l’école. C’est le moment où l’autorité parentale peut enfin s’exercer en lien avec les loisirs autorisés ou non, en fonction de l’avancée des devoirs.

Seule une réflexion globale menée au sein de chaque école qui donne encore des devoirs permettra de changer les pratiques, tant en primaire qu’au secondaire. Il est important de questionner la pertinence des devoirs, leur type, et les conditions de réalisation de ceux-ci pour chaque enfant et chaque famille. De même que de s’interroger sur d’autres manières de proposer des renforcements aux élèves. Enfin, comment aider les familles qui n’ont pas les codes de l’école et quels soutiens les professeurs peuvent-ils leur offrir (en dehors de l’externalisation des apprentissages vers l’extrascolaire).  Il est important que si le choix des professeurs est de se décharger d’une partie de leur mission sur les familles, chaque élève doit pouvoir tirer pleinement profit de chacun de ces apprentissages et que ceux-ci ne soient plus discriminants et vecteurs d’échecs scolaires.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

On parle ici du travail explicitement demandé par l’école, c’est-à-dire des « leçons » et des « devoirs » donnés par les maîtres, pendant l’année scolaire ou les vacances. Nous ne parlerons pas du travail « en plus » délibérément choisi par les élèves, ou imposé par leurs parents, en lien direct ou non avec les exigences scolaires, notamment les « cours particuliers ».

A suivre :

Pourquoi donne-t-on des devoirs ?

Quels types de devoirs demande-t-on réellement ?

Les effets escomptés, selon les professeurs

Les parents en sont convaincus : les devoirs participent à la réussite de leurs enfants.

La maison, un lieu de scolarisation « secondaire »

Toutes les familles n’ont pas les mêmes ressources pour accompagner les enfants

Les devoirs, sources de tensions familiales

L’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs…… mais pas sur les apprentissages

Quel est le temps passé à faire des devoirs ?

Les élèves ne savent pas ce que signifie « apprendre une leçon ». Au fait, comment fait-on les devoirs ?

L’externalisation des devoirs et de la rémédiation

Les devoirs à la maison jouent de manière déterminante dans la reproduction des inégalités scolaires.

Posons-nous la question de l’équité des devoirs

Les dangers du travail à la maison ou le déni des droits de l’enfant

Des bénéfices pas toujours démontrés

Comme enseignant, ai-je le droit de donner des devoirs ou suis-je hors-la-loi ?

Les devoirs doivent être corrigés. Comment font les professeurs ?

Conclusions : Il y a des solutions, mais rappelons-nous que l’échec scolaire tue !


[1] Capolarello, Wunsche, 1999, Le pour et le contre. Une analyse historique de articles consacrés aux devoirs à domicile dans l’Educateur 1865 – 1992, Université de Genève, Mémoire de Licence

[2] Favre B., Steffen N., 1988, « Tant qu’il y aura des devoirs… », Service de la recherche pédagogique, cahier n°25 – 1988

[3] Kus Stéphane & Martin-Dametto Sylvie (2015). Quelles collaborations locales pour améliorer l’accompagnement à la scolarité. Rapport du Centre Alain-Savary. Lyon : ENS de Lyon, Institut français de l’Éducation.

[4] Caillet Valérie & Sembel Nicolas (2009). Points de vue et pratiques des partenaires du travail hors la classe. In Patrick Rayou (dir.), Faire ses devoirs : enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire. Rennes : Presses universitaires de Rennes, p. 33- 70.

[5] Bonasio Rémi & Veyrunes Philippe (2016). Activité collective et apprentissages dans la pratique des devoirs. Education & formation, n° 304-01, p. 73-86.

Le Décret inscriptions

Le Décret inscriptions

1 Pourquoi un décret inscription ?

1.1 Les objectifs politiques

L’Ecole est un droit de tous les enfants et nul ne peut pratiquer de discrimination à leur encontre[1]. Ce principe élémentaire était bafoué par certaines[2] écoles au moment de l’inscription. En effet, plusieurs écoles, parmi les plus demandées, pratiquaient allègrement la discrimination à l’inscription. Quoi de plus facile quand on a trop de demandes ? Elles triaient principalement leurs futurs élèves sur base de critères sociaux (les enfants issus de milieux moins favorisés étaient trop souvent refusés), mais également sur base de critères aléatoires (les résultats scolaires antérieurs) ou comportementaux (dossiers de l’élève à l’école primaire). D’autres encore acceptaient des inscriptions prématurées, parfois trois ans à l’avance, afin de réserver les places à leur public privilégié.

Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, estimant à juste titre que ce sont principalement les personnes les moins favorisées qui avaient des difficultés à s’inscrire dans l’école de leur choix, a voulu promouvoir davantage de mixité sociale dans les écoles qu’elle subsidiait et a tenu à lutter contre cette forme de discrimination.

L’inscription n’est, d’ailleurs, pas la seule illégalité pratiquée par les directions de certaines écoles. D’autres dysfonctionnements ont entraîné l’apparition d’une logique de marché scolaire dont les parents sont les clients, et qui ont pour conséquence l’inefficacité de notre système scolaire pointé par toutes les études internationales. Citons, par exemple, Le minerval ou les frais à l’inscription ; la ségrégation durant la scolarité (de manière à éliminer les moins « scolaires », de préférence s’ils sont issus de milieux sociaux défavorisés et ce, via l’échec scolaire) ou le caractère homogène de l’offre d’enseignement (peu de choix d’options ou choix d’options « fortes » comme, par exemple le latin, car on sait que certains milieux sociaux ne choisissent pas cette option), etc.

Il fallait commencer à détricoter cet écheveau en commençant par un bout : le Politique a choisi le moment de l’inscription dans l’enseignement secondaire[3]. Il est à porter au crédit de la Ministre Marie Arena d’avoir été la première à oser s’en prendre à ce système.

Comme le rappelle Benoît Galand[4] (CGé, 2007), « on peut s’interroger sur les effets en termes de cohésion sociale du degré de mixité sociale que l’on rencontre dans les écoles d’un système scolaire (Meirieu & Giraud, 1997). Quel message transmet-on aux jeunes en les scolarisant dans des écoles où ils rencontrent une grande diversité sociale ou au contraire dans des écoles très ségrégées socialement ? Comment cette mixité sociale affecte-t-elle les représentations des différents groupes et rôles sociaux, les préjugés, les perceptions de la justice sociale, … des élèves et des enseignants ? L’école n’a-telle pas là un rôle à jouer ? Les enjeux de la mixité sociale ne sont donc pas minces. D’autant que les effets en termes d’apprentissage sont socialement déséquilibrés : ce sont généralement les élèves les moins bien préparés à la scolarité (souvent ceux d’origine populaire) qui sont le plus affectés par la qualité de l’enseignement qui leur est proposé. »

Il est évident que l’objectif politique est noble, puisqu’il vise, à terme, une société plus hétérogène et plus inclusive. Il ne peut qu’avoir le soutien de tous les démocrates, même si l’objectif de mixité sociale est loin d’être atteint. Si on veut arriver à une véritable mixité sociale cela imposera, qu’à Bruxelles, le pourcentage d’enfants prioritaires issus de quartiers moins favorisés, passe à 50 %[5].

1.2 Les objectifs pédagogiques

Le concept de mixité sociale n’est pas en lui-même porteur en termes pédagogiques. Il est plus parlant de parler de gestion de l’hétérogénéité scolaire, càd du « Comment faire face aux différents niveaux d’acquis présents au sein d’un groupe-classe? [Rudy Wattiez, Cgé].

En effet, sur le plan pédagogique, ce n’est pas de mixité sociale que l’on parle. Pour faire progresser un groupe-classe, il est important d’hétérogénéiser le public, plutôt que de tenter de l’homogénéiser. Au plus les différences d’apprentissages sont grandes, au plus il est nécessaire de mettre des pratiques pédagogiques en place. Pratiques pédagogiques qui vont bénéficier à tous les élèves, quelles que soient leurs facilités ou difficultés scolaires. L’hétérogénéité permet un véritable « nivellement » vers le haut, tandis que l’homogénéité, recherchée actuellement par les redoublements et orientations diverses, est un nivellement catastrophique vers le bas !

Les études internationales ont démontré que, de tous les peuples de l’OCDE, les belges étaient les plus inégalitaires ! Notre enseignement est l’un de ceux où l’hétérogénéité sociale est la plus faible et, par corollaire, qui est l’un des plus inefficaces. Le niveau des élèves dépendant de l’école qu’ils fréquentent.

Selon que vous soyez puissant ou misérable… les jugements d’Ecole vous garantiront la réussite ou l’échec. En choisissant leur population scolaire, certaines écoles décident aussi de l’avenir des élèves qu’elles rejettent. En effet, l’école que fréquente un enfant influence son niveau scolaire. Les élèves issus de milieux moins favorisés, et se trouvant inscrit dans une école défavorisée, réussissent moins bien que les enfants issus de milieux favorisés, scolarisés dans des écoles favorisées.

Pourquoi ?

Parce qu’on n’apprend pas tout seul ! L’effet des pairs (élèves du même âge) est fondamental : on apprend moins vite dans un environnement où les acquis scolaires sont faibles que dans un environnement où les acquis scolaires sont élevés. Et cela, même si on a soi-même, des acquis scolaires faibles !

Cela s’explique. Dans son étude, Benoît Galand[6] relève trois raisons :

  • On apprend plus vite quand on est entouré d’élèves de bon niveau scolaire. Le niveau scolaire étant en partie liée à l’origine sociale, c’est dans les écoles « privilégiées » que l’on a le plus de chances de fréquenter des élèves au niveau scolaire élevé ;
  • Les ressources financières et humaines des écoles sont influencées par son public. Sur le plan financier, les familles favorisées peuvent contribuer aisément à l’équipement et aux frais scolaires de leur enfant. Sur le plan humain, les équipes pédagogiques (les enseignants) sont plus expérimentées et moins soumises à des rotations du personnel dans les écoles privilégiées. La qualité de l’enseignement varie donc, parfois, selon le public de l’école ;
  • Selon le public de l’école, l’élève sera plus ou moins exposé à la violence et à la (dé-)motivation scolaire. Le risque d’être confronté à des violences verbales et/ou physiques est plus important dans les écoles « défavorisées », contrairement aux écoles « favorisées » ou les élèves ont une attitude plus positive vis-à-vis de leur scolarité. Ces élèves, en outre, souhaitent suivre une scolarité plus longue et ont une ambition forte pour leur avenir. Rassembler les publics les moins favorisés au sein des mêmes écoles, ne fait qu’accroître les difficultés (scolaires et comportementales).

Le niveau de mixité sociale des écoles a des conséquences sur le cursus scolaire des élèves ainsi que sur le travail des équipes éducatives.

Et Benoît Galand de conclure « Les faits rappelés ci-dessus montrent que la mixité sociale apparaît comme un des éléments importants si l’on veut éviter de voir se creuser les inégalités scolaires et de voir augmenter le nombre d’élèves n’atteignant pas le niveau d’apprentissage attendu au terme de la scolarité obligatoire. »

Les effets « école » sur les élèves

Selon qu’ils sont intégrés dans une école favorisée ou non, les élèves ont une vision différente de leur scolarité (C. Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :

  • Les élèves des classes les plus défavorisées portent sur leur école des jugements moins favorables que les élèves des autres écoles ;
  • Certaines normes sociales sont moins intégrées par les enfants de milieux défavorisés (confusion des normes scolaires) ;
  • Dans les classes primaires défavorisées, l0 % des élèves envisagent un métier d’ouvrier;
  • Les élèves favorisés ont des ambitions moins élevées lorsqu’ils fréquentent des classes défavorisées ;
  • Il n’y a pas de différences d’attitudes selon que les enfants sont scolarisés dans des classes favorisées ou défavorisées ;
  • les élèves ont de meilleures ambitions lorsqu’ils sont scolarisés dans une école favorisée ;
  • Dans les classes favorisées, les élèves modestes n’envisagent jamais un métier ouvrier ;
  • Les élèves ont l’impression que le climat est meilleur dans les écoles favorisées.

Il va donc de l’intérêt de tous les enfants issus de milieux défavorisés d’être intégrés au sein d’un établissement scolaire favorisé. 20 % des places leur sont réservées en priorité, mais dans les faits, le nombre de familles qui choisissent de bénéficier de cet avantage est faible. Il est dans l’intérêt de tous que ce pourcentage augmente.

Tous les élèves sont-ils faits pour toutes les écoles ?

Absolument ! Croire ou faire croire que certains enfants[7] ne seraient pas capables de suivre un enseignement dans les écoles favorisées tient, ou de l’affabulation, ou de l’incompétence ! En effet, tous les élèves sont doués pour l’étude. Croire que certains élèves seraient des intellectuels tandis que d’autres seraient plutôt artistes ou manuels est absolument faux (des gens « bien mal pensants » parlent même d’ « intelligence de la main », une autre manière – ségrégationniste – de désigner les enfants défavorisés). En fait, chacun de nous a, à la fois, de grandes capacités intellectuelles et manuelles !

Cette idée archaïque, qui date du début du XXe siècle est à ranger au musée de l’histoire de la pédagogie. Jean Piaget[8] a démontré, au début des années 60, que l’intelligence se construit. Il a prouvé que TOUS les enfants devaient reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent évidentes aux adultes. Bref, grâce à la théorie de PIAGET, on est convaincu aujourd’hui que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit[9]. Ce qui distingue les élèves c’est leur vitesse d’apprentissage. Bref, la qualité de l’apprentissage réalisé n’a aucun rapport avec le temps mis pour y arriver. Depuis 50 ans, on peut affirmer que TOUS les élèves sont doués pour l’étude (cela s’appelle le « postulat d’éducabilité »).

Il n’y a donc pas d’école plus adaptée à un certain public scolaire qu’à un autre. Tous les enfants, quelles que soient leurs origines, sont capables de suivre un enseignement de qualité[10], quelle que soit l’école. Dès lors, il est fondamental que les familles les moins favorisées inscrivent massivement leurs enfants dans les écoles favorisées, afin de leur donner un maximum de chances d’atteindre un niveau scolaire de meilleure qualité.

Les effets « école » sur les enseignants

Selon qu’ils enseignent dans une école favorisée ou défavorisée, les enseignants ont une vision différente de leur métier (C.Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :

  • Tous déclarent des priorités identiques (méthodes de travail efficaces, apprendre à mobiliser et réutiliser des connaissances, …) mais dans la pratique, les différences apparaissent ;
  • Les pronostics de réussite sont nettement plus forts dans les classes favorisées ;
  • Dans les classes défavorisées, les enseignants reconnaissent le plus souvent ne pas terminer le programme ;
  • Les problèmes de discipline sont plus fréquents dans les classes défavorisées ;
  • L’exercice du métier est jugé plus agréable dans les écoles favorisées que dans les écoles défavorisées.

L’objectif de viser à une véritable mixité sociale et donc à une véritable hétérogénéité pédagogique est également de l’intérêt de tout le corps enseignant. Avec leur slogan « Toutes les écoles doivent être bonnes », les détracteurs[11] du décret inscriptions vont dans le même sens que nous. A la différence que pour nous, démocrates progressistes, une bonne école est, par définition une école socio-culturellement et pédagogiquement mixte et qui vise la réussite de tous, sans la moindre exception, loin du « chacun chez soi » que masque cette revendication « politiquement correcte ».

3.  « Comment tester les limites du politiquement correct ? »

Lors de l’élaboration du Décret inscriptions, les résistances ont été virulentes. Si celles-ci sont, aujourd’hui, moins violentes, elles ne sont toujours pas éteintes. Les arguments évoqués par les « anti-décret » sont navrants, tant ils sentent la mauvaise foi. Leur objectif inavoué est de mettre des barrières aux populations les moins favorisées et garder leur « pré carré », ces écoles « forteresses » où nul ne pourrait entrer s’il n’est « bien né ». Autrement dit, s’il est d’un milieu social par trop éloigné de la clientèle privilégiée souhaitée.

Citons-en quelques-uns pêle-mêle :

  1. « Les familles doivent pouvoir inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. » Cette revendication est inutile, car c’est précisément l’objectif du Décret : permettre à chaque famille d’accéder à l’école de son choix. pour autant qu’il y ait assez de place, bien évidemment. C’est le principe de la baignoire. Une fois remplie, l’eau s’écoule et doit trouver un autre endroit pour se loger. Les écoles les plus demandées ne peuvent accueillir plus de places qu’elles n’ont, et les familles non satisfaites doivent – c’est mathématique – chercher une autre école où inscrire leur enfant. Le Décret n’a donc jamais supprimé ce droit à qui que ce soit. Au contraire, il l’a étendu à tous. Et c’est précisément ce qui gène les adversaires du Décret : que celui-ci donne les mêmes droits à toutes les familles !
  2. Ces parents revendiquent notamment « l’essentielle adhésion de l’élève et de ses parents au projet d’établissement ainsi que le partenariat famille-école nécessaire pour l’obtention d’un cadre optimal favorisant la réussite scolaire. » Sous-entendraient-ils que certaines familles n’adhèreraient pas au projet d’établissement et ne seraient pas des partenaires responsables sur lesquels l’école pourrait compter ? Voire que la réussite de leurs enfants ne les intéresse pas ? D’abord, il n’existe pas de famille qui se désintéresse de la réussite de ses enfants ! Le mythe des « Parents démissionnaires » est un fantasme qu’il est temps d’enterrer. Celui-ci s’entend, malheureusement, trop souvent dans la bouche de professionnels qui ne connaissent pas la réalité de ce que vivent les familles. Il est honteux de définir ainsi les familles défavorisées qui, tout autant et si pas plus que les autres, sont soucieuses des études et du devenir de leurs enfants.Ensuite, supposer que des élèves ou des familles n’adhèreraient pas au projet d’établissement, serait une ineptie totale. Le Décret Missions précise que Par l’inscription dans un établissement, tout élève majeur, tout élève mineur et ses parents ou la personne investie de l’autorité parentale en acceptent le projet éducatif, le projet pédagogique, le projet d’établissement, le règlement des études et le règlement d’ordre intérieur (Art 76 du Décret Mission – MB du 23/09/1997). Par définition, tous parents, en inscrivant leur(s) enfant(s) dans un établissement secondaire, acceptent les différents projets et règlements de l’école, qu’ils signent. L’argument ne tient donc pas la route !Quant au « partenariat famille-école », ne rêvons pas. Le partenariat se définissant comme « une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun[12] », celui-ci n’existe que dans de rares écoles, essentiellement celles qui pratiquent une pédagogie active. En général, le seul partenariat que l’Ecole attend des parents est qu’ils veillent à ce que leur descendance soit bien sage et obéissante et ne pose ni problèmes d’études, ni problèmes disciplinaires. On a entendu des enseignants réclamer à des familles qu’ils mettent leurs enfants un peu trop « vivants » sous Rilatine (ou Ritaline en France) ou paient des cours particuliers chaque fois qu’eux ou l’école faillissent à leur mission.Sur ce dernier point, il est exact que les familles socialement les moins favorisées ne peuvent payer des cours particuliers dispendieux et prohibitifs. Rappelons cependant que chaque école a mission de faire parvenir TOUS les élèves aux savoirs et ce, sans discrimination aucune et donc, que si elle remplit enfin correctement sa mission, les cours particuliers – qui sont un vrai scandale – deviennent totalement inutiles.
  3. « La mixité ne se décrète pas ! ». Argument récurrent, cette revendication est purement doctrinale. Bien sûr que la mixité se décrète ! C’est un choix politique fort. C’est toute la différence idéologique qui existe entre les idéaux « progressistes » et les revendications « réactionnaires[13] ». Les premiers visent un progrès social qui bénéficiera en priorité aux moins nantis et aux plus fragiles, les seconds visent le retour en arrière, autrement dit, la protection de privilèges d’un autre âge.Une gestion humaniste de la société dans son ensemble repose précisément sur des liens de solidarité. Ces liens ont toujours existé et les sociétés les plus solidaires sont celles qui permettent précisément au plus grand nombre d’être intégrés activement dans tous les pans de la société. Refuser la mixité et donc la solidarité, pousse certains milieux à se communautariser, à se replier sur eux-mêmes et à se mettre en marge de notre société. Aujourd’hui, nous vivons dans une société du chacun pour soi que nul ne peut cautionner. Et certainement pas les politiques qui nous gouvernent !Les porteurs de cette revendication oublient de préciser que la « non-mixité » a, quant à elle, été décrétée par certains établissements scolaires. Si on est arrivé à un point où le Politique a dû mettre de l’ordre dans la gestion des inscriptions, c’est précisément parce que les directions et Pouvoirs Organisateurs de certaines écoles avaient unilatéralement imposé cette « non-mixité » à toute la population scolaire
  4. « Favoriser les performances scolaires en misant tout sur la mixité sociale, c’est un leurre. » Ici, on est purement dans la désinformation. Faire croire que le Politique n’aurait eu que cette idée-là pour « favoriser les performances scolaires » travestit la vérité. Les politiques sont loin d’avoir « tout » misé sur la mixité sociale. Citons pêle-mêle et sans être exhaustif[14] : le renforcement de l’encadrement dans le maternel et dans les deux premières années du primaire ; le renforcement de l’encadrement dans les écoles de petite taille ; un CEB commun à toutes les écoles primaires, suivi d’un CE1D[15] commun ; l’amélioration de la scolarisation des primo-­arrivants, un financement pour les manuels scolaires, la refonte du 3e degré de l’enseignement qualifiant, le décret intégration scolaire, le projet Décôlage afin d’éviter les redoublements en maternelle, les enseignants-relais « dyslexie » dans les écoles, etc. On peut être d’accord ou non avec les pistes explorées et les moyens proposés, mais nul ne peut nier que le Politique a mis des choses en place pour tenter de « favoriser les performances scolaires ». Dire qu’il aurait tout misé sur la mixité sociale est absolument faux !
  5. Réclamer, lors de l’inscription « une entrevue parents – enfants – direction -école afin d’établir un contact direct et une communication réelle entre les différentes parties. » cela revient à réclamer purement et simplement le retour à la politique du « fait du prince », certaines directions se permettant de choisir leur public privilégié, comme avant le Décret inscriptions. Sous des motifs pseudo­pédagogiques, cela permettrait aux directions et Pouvoirs Organisateurs peu scrupuleux d’inciter les parents à chercher d’autres écoles pour leurs enfants et, de ce fait, à réserver le droit d’entrée aux plus nantis. « Notre école n’est pas faite pour votre enfant », « Ses résultats scolaires ne conviennent pas à notre niveau scolaire », Ces arguments sont vieux comme les écoles élitistes et n’ont aucune base pédagogique.
  6. « Permettre à chaque enfant et parent de choisir l’enseignement le plus adapté à sa situation, sans tenir compte de critères comme la distance domicile/école ou même école primaire/école secondaire. » « Sous-titré …Chaque enfant est différent et a besoin d’une école qui lui convienne ». S’il devait il y avoir une école moins adaptée à un enfant qu’à un autre, celle-ci devrait perdre ses subsides pour non respect du Décret Mission. Une école est, par définition, adaptée à tous les enfants, sans la moindre distinction. Cette revendication vise à exclure certains publics : celui des communes les moins favorisées (distance domicile/école). Et surtout en refusant tous mélanges sociaux ! D’autant plus si ces enfants proviennent d’écoles moins favorisées (critère école primaire/école secondaire). Cette revendication est clairement celle qui prône le plus ouvertement la ségrégation et flirte dangereusement avec la ligne rouge du politiquement incorrect.

Ne nous faisons pas d’illusions, aucune de ces revendications n’est portée par une idéologie humaniste !Rappelons que, par définition, toutes les écoles sont faites pour tous les enfants et donc, DOIVENT convenir à tous. C’est le Décret Missions qui, en son article 6, fixe la mission de TOUTES les écoles :

La Communauté française, pour l’enseignement qu’elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants :

1 ° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de CHACUN des élèves;

2° amener TOUS les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle;

3° préparer TOUS les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire pluraliste et ouverte aux autres cultures;

4° assurer à TOUS les élèves des chances égales d’émancipation sociale

[1] Voir Article 28 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (ONU 1989)

[2] II s'agisait d'une minorité d'écoles. Il ne faut, en aucune manière, jeter l'opprobre sur l'immense majorité des directions qui ne pratiquaient nullement cette forme de discrimination. Malheureusement, c'est par la faute de cette infime minorité, que des règles d'accueil de tous ont dû être mises en place sous la forme d'un Décret.

[3] Nous noterons que les écoles fondamentales ont toujours le loisir de pratiquer la discrimination des élèves à l'inscription. Il est, aujourd'hui, impératif de penser rapidement à un futur décret inscription à l'école primaire, afin de tenter d'atteindre l'équité et de lutter contre l'injustice à tous les niveaux de l'enseignement obligatoire.

[4] Benoît Galand est actuellement assistant de recherche post-doctorat à la Chaire de pédagogie universitaire à l'UCL, Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education (PSED).

[5] Il est actuellement de 20 %

[6] Benoît Galand, CGé 2007, déjà cité.

[7] Nous parlons d'enfants non porteurs de handicaps mentaux. Quoique... dans le cadre de l'intégration scolaire, l'accueil de la différence - même intellectuelle, donc pas uniquement ceux qui peuvent « réussir » - fait partie de la mission de toutes les écoles !

[8] Jean Piaget (1896-1980) psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse

[9] Marcel Crahay - in Actes du Congrès de l'enseignement catholique 2002 - p 32

[10] Nous entendons par « enseignement de qualité », des pratiques pédagogiques qui visent l'acquisition, par TOUS les élèves, des savoirs et compétences fixées par les programmes (socles de compétences).

[11] Encore faudrait-il qu'ils nous disent en quoi certaines écoles seraient plus « mauvaises » que d'autres !

[12] Wikipédia - 5 janvier 2013

[13] « Réactionnaire » est utilisé ici dans son sens originel « prônant et mettant en œuvre un retour à une situation passée réelle ou fictive, révoquant une série de changements sociaux, moraux, économiques et politiques » - voir Wikipédia même date.

[14] Pour plus d'informations voir sur www.enseignement.be
[15] Certificat d'études du premier degré de l'enseignement secondaire (CE1D)
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