On a vu que les familles n’étaient pas égales face aux devoirs. Selon qu’il soit né de parents qui ont fait de longues études ou non, un enfant bénéficie d’aide aux devoirs ou non. Dès lors, il est important que chaque professeur ait son attention attirée sur la nécessité d’éviter que la scolarité ne pénalise les enfants en fonction de leur environnement familial.

Si les familles ne sont pas égales face aux devoirs, il en va de même pour les professeurs. Selon qu’ils soient formés ou non à la pédagogie, la multiplication de leurs exigences se révèlera ou non inflationniste. Avec le risque de pénaliser les élèves jusqu’à provoquer des rejets scolaires et/ou à décourager et les démobiliser par des excès de travaux à domicile.

En continuant d’affirmer que le travail assure une réussite scolaire, l’Ecole légitimise sa propre incompétence et induit chez les élèves une course à la réussite et la croyance qu’à « travail égal, note égale »[1]. C’est évidemment faux, car nul n’est égal face aux apprentissages. Cette course à la réussite fait de nos enfants des compétiteurs prêts à sacrifier les autres – leurs pairs – sur l’autel de la réussite scolaire, du moment qu’eux aux moins passent à travers les mailles du filet. En ce sens, les professeurs qui donnent des devoirs ne forment pas leurs élèves à la citoyenneté. Tout au contraire !

Les devoirs vont à l’encontre des rythmes biologiques de l’enfant. Il est absurde de laisser des enfants assis 6 à 8 heures par jour derrière une table, puis de les obliger à se remettre aux apprentissages une fois rentrés à la maison pour étudier une leçon ou faire un devoir. La journée est trop lourde.

Une étude Pisa a établi que, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, un élève de 15 ans consacre 5 heures par semaine à faire des devoirs. L’Espagnol, en bas du classement, y passe 7 heures. Le Belge frôle les 6 heures. Finlande et Corée : 3 heures. Portant sur l’année 2012, publiée en 2014, cette étude a noté que, globalement, le temps consacré aux devoirs était en recul par rapport à une étude menée en 2002. Mais pour l’OCDE, ce temps reste « considérable ». Bref : excessif[2].

Les devoirs vont à l’encontre des rythmes scolaires. L’année scolaire, en Belgique, compte 182 jours ouvrables chaque année. Sur ces 37 semaines, deux aux moins sont perdues à Noël, puis en juin pour faire des révisions, des examens et pour occuper les élèves en attendant les vacances. Cela représente au moins 20 jours perdus sur l’année pour les apprentissages. Perdus, parce que les examens ne servent pas à évaluer mais à sélectionner les élèves au cours d’une compétition qui n’a rien de pédagogique. C’est tout le contraire d’enseigner : l’évaluation ne doit pas être sommative mais formative[3]. Le fait d’évaluer formativement, au quotidien, permettrait de gagner 4 à 5 semaines par an pour les apprentissages, pour les remédiations et donc aussi… pour faire les devoirs en classe. Dans une école où les professeurs courent constamment après le temps, il est étonnant qu’ils aiment tant en perdre. 

Les devoirs ne respectent pas les droits de l’Enfant. Notamment, ils l’empêchent de bénéficier des droits reconnus dans l’article 31 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant. Celui-ci reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique[4]. Il n’est pas normal que des élèves de primaire ou de secondaire soient obligés d’abandonner des activités sportives ou culturelles pour consacrer leur soirée, leur mercredi après-midi, ou leurs WE au travail scolaire. Outre le fait que cela nuise à leur repos, les devoirs empêchent d’autres apprentissages non scolaires, mais au moins tout aussi importants : pouvoir faire du sport, de la musique, d’accéder à l’art et de se cultiver dans d’autres registres que ceux imposés par l’école.

Les devoirs affectent également la santé de l’enfant. Non seulement, ils le privent d’un juste repos et d’une détente bien méritée, mais les devoirs pèsent physiquement lourds sur le dos de l’enfant. La charge moyenne d’un cartable est de 6,4 kg par enfant, ce qui représente entre 27 et 36 % de son poids, alors qu’il ne devrait pas dépasser les 10 %[5].

Enfin, d’autres droits de base sont mis à mal par les devoirs, notamment le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique[6]. Quel temps lui reste-t-il pour cela, une fois ses nombreux devoirs terminés ? Quantité d’enfants ne peuvent pas faire de scoutisme, s’inscrire dans un club sportif ou bénéficier des plaines de jeux, de par la charge du travail pour l’école, externalisé vers la famille.

A suivre… Des bénéfices pas toujours démontrés



[1] Barrère A., 1997, Les lycéens au travail, Puf

[2] LE SOIR 16 novembre 2016 – Pierre Bouillon « La Ligue des droits de l’enfant part en guerre contre les devoirs excessifs ». 

[3] Article 15 du Décret Missions – 1997

[4] CIDE – ONU 1989

[5] Dominique Glasman, Leslie Besson. Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Rapport établi à la demande du Haut conseil de l’évaluation de l’école, 2004

[6] Article 15 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant

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