La mixité à l’école rend-elles filles et garçons égaux
face à l’orientation professionnelle ?
Plus de vingt ans après que l’immense majorité des écoles soient devenues mixtes, plus guère personne ne s’interroge sur l’efficacité de la mesure et sur les effets que celle-ci a eue sur les élèves, filles, et garçons[1]. Hormis le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de bien se passer dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents.
Par contre, si l’on se penche sur les performances des élèves filles et garçons dans nos systèmes scolaires, on se rend compte que la mixité est loin d’être vectrice d’égalités entre les sexes.
La mixité à l’Ecole se veut « neutre » puisque les garçons et les filles reçoivent un enseignement prétendument identique. Dans une classe, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en droits. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques (du moins, dans une école qui ne pratiquerait pas la compétition et la sélection). Leurs compétences et leurs aspirations devraient être globalement proches les unes des autres. Et, même s’ils sont éduqués par leurs parents de manière différente en fonction de leur sexe, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils sont tous capables[2] et devraient donc réussir de manière plus ou moins identique.
Pourtant, toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. Cependant, l’Ecole se vente d’être égalitaire et non discriminatoire. On sait depuis toujours qu’il n’en est rien. Nos systèmes scolaires maintiennent les femmes dans une position dominée[3]. Aussi, la différence de genre générée par la mixité scolaire et, notamment, toute l’aspect de l’orientation professionnelle des adolescentes et adolescents, mérite qu’on s’y attarde.
Les filles réussissent mieux que les garçons…
Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[4].
… cependant, leurs choix d’orientations professionnelles sont dictés par leur genre
Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[5] a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés.
Choisir une orientation, c’est projeter une image de soi dans le futur, qui soit possible. « Que puis-je créer en fonction de mes compétences ? Comment est-ce que je me vois dans 10, 20 ou 40 ans ? ». Les enjeux sont importants, tant au niveau psychique que psychologique. En général, on n’a qu’une chance (du moins on le pense), il vaut mieux ne pas la rater. Tout cela se construit en fonction de ce que l’on est, à commencer par notre genre, mais également en fonction d’une multitudes de facteurs tels que notre milieu social, nos origines, nos envies, nos rêves, l’héritage familial, …
Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et l’obligation d’être en conformité avec les normes de sexe[6].
Selon Albert Bandura[7], le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que, par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%), tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin », tel que par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[8].
Si le pourcentage de femmes est plus élevé dans ces métiers, ce n’est pas parce que toute les filles veulent les exercer, mais plutôt parce que les garçons ne les choisissent pas, estimant qu’un métier « féminin » les dévaloriseraient. Ils cherchent des métiers de « prestige » et de supposée valorisation sociale, un espoir de « noblesse », d’être en haut de la hiérarchie et donc d’avoir du pouvoir sur les femmes.
Les filles ont bien compris le message et n’ont guère d’autre choix que de s’en accommoder tant bien que mal. Si les garçons se projettent dans des carrières prestigieuses (cadre ou cadre supérieur), les filles quant à elles visent plutôt des professions intermédiaires.
Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[9]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[10].
Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, de électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[11]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement leur octroient souvent des salaires plus élevés qu’à leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et perçoivent généralement des salaires inférieurs[12].
Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – probablement à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou sont cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole, en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves.
Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales. Les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrés[13]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques, voire une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.
Quand un garçon choisit une orientation cataloguée comme étant plutôt « féminine », il ne peut le faire que quand il vit dans un milieu familial où il n’y a pas d’auto sélection. Il devra ensuite se confronter aux autres garçons de son âge qui vont le disqualifier en tant que garçon. A l’âge de l’orientation, les jeunes garçons sont, plus que les filles, soumis à la norme de l’hétérosexualité. Il est donc difficile de se voir taxé de « fille » par ses pairs[14]. La crainte d’être autre chose qu’hétérosexuel est un déclencheur du suicide des garçons[15].
Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou à des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.
Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, on ne peut que constater constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[16].
Petite histoire de l’orientation professionnelle
Si Napoléon a institué le BAC comme diplôme de fin d’études en 1803, ce ne sera qu’en 1880 que celui-ci sera ouvert aux filles… de la bourgeoisie. Les républicains voulaient retirer la formation de ces demoiselles des mains du clergé pour en faire de « bonnes épouses » en phase avec les idées de leurs époux et capables de les soutenir et de suivre les études de leurs fils (car les gens biens ont des fils et non des filles).
« Qu’il soit bien entendu que nous ne voulons pas faire des petites savantes, des petites physiciennes. Il ne faut pas que l’on puisse dire que cette chose aimable, ravissante qu’on nomme une jeune fille, est devenue à l’école, entre nos mains, un sot petit garçon[17]. » « C’est le mérite de nos lycées de jeunes filles de ne préparer à aucune carrière et de ne viser qu’à former des mères de familles dignes de leurs tâches d’éducatrices[18]. »
L’idée de permettre aux jeunes de choisir le métier qu’ils voudraient faire n’est apparue qu’en toute fin du XIXe siècle lorsque convergent la question de l’insertion et de la formation professionnelle de la jeunesse populaire d’une part, et les travaux de psychophysiologie d’autre part[19]. Avant cela, la grande majorité des enfants suivait la voie professionnelle de leurs parents. La formation se faisait sur le tas, dans la maison familiale, dans les champs ou dans le village.
La guerre 14-18 ayant détruit une part importante de la main d’œuvre, une multitude d’initiatives voit le jour afin de créer des structures d’orientations professionnelles dont l’objectif était essentiellement de former de jeunes garçons de milieux modestes, à la fin de leurs études primaires, aux emplois nécessaires au fonctionnement des industries de l’entre-deux guerres.
Après la seconde guerre mondiale, l’augmentation de la population scolaire (massification de l’enseignement[20]) modifie les objectifs de l’orientation professionnelle. Il ne suffit plus alors d’orienter vers les métiers utiles à l’industrie, mais de guider les élèves sortant de l’école primaire vers des études secondaires générales ou professionnelles.
Dès lors, l’orientation selon le sexe s’est généralisée. Les filles sont dirigées prioritairement vers les sections littéraires et tertiaires qui sont des voies professionnelles moins connotées mais également moins rémunérées que les sections scientifiques ou techniques industrielles. Ces dernières étant réservées prioritairement aux garçons. Par exemple, en France, les filles représentent 44,9 % du contingent de Terminale S (Scientifique) alors qu’elles ne représentent que 29,7 % du contingent des classes préparatoires et 28% des contingents en écoles d’ingénieurs[21].
La sexualisation du travail
On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, voit qu’elle a été une réalité tout au long de l’histoire, quelles que soient les civilisations. Lorsque la notion de « travail » est apparue, peu après le néolithique, une séparation des rôles basée sur la division du travail à l’extérieur ou à l’intérieur de la maison s’est « naturellement » mise en place. C’était la suite naturelle de la division sexuée qui a suivi la sédentarisation et le début de l’élevage et de l’agriculture. A ce moment, les hommes ont exclu les femmes de l’utilisation des outils et des armes[22]. Cette division s’est imposée à tous les métiers et se perpétue jusqu’à aujourd’hui, sans qu’elle ne soit remise globalement en question.
Elle se retrouve sur les marchés du travail du monde entier et son image est identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[23]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[24].
En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[25]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.
Ces derniers sont des métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels » : ils ne doivent pas être trop prégnants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[26]. C’est le domaine de la domesticité[27]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[28] »
Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins » essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[29].
Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes.[30]»
Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.
Les filles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[31]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[32]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance.
Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[33] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.
Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[34]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés par l’Office européen des statistiques Eurostat[35].
En conclusion
Nous héritons d’un genre à la naissance, que nous avons pleinement le droit d’assumer ou de rejeter (selon Amnesty International, environ 1,7 % de la population naît avec des caractéristiques intersexes, ce qui est comparable au nombre d’enfants qui naissent avec des cheveux roux). Cependant, s’il y a une notion que nous devons toutes et tous rejeter c’est la primauté d’un genre sur l’autre. Et nous devons éduquer nos enfants dans ce sens. Refuser toute forme de discrimination basée sur le genre est une obligation. Il en va de même à l’école qui doit former des citoyennes et des citoyens capables de lutter pour plus de justice et donc aussi pour plus d’égalité entre les genres.
La « genrisation » des choix d’orientation, tant scolaire que professionnelle, est la preuve de la défaillance, à la fois de l’Ecole, mais également de la mixité dans l’ensemble de notre société. Il est urgent de remettre en cause les « normes » et les stéréotypes de genre qui sont à la base de ces disparités. Ces différences de choix générées par l’éducation (familles, écoles, médias, …) sont des discriminations avérées.
Une société qui se veut « évoluée », c’est-à-dire pleinement en phase avec les Droits fondamentaux serait une société où tous les métiers représenteraient le ratio « sexe » de la population en général. C’est ce que doivent viser toutes les écoles : déconstruire, dès le tout début de la maternelle les stéréotypes de genre et réformer la vision genrées que les élèves ont des métiers, mais aussi des tâches familiales et des rôles parentaux.
A suivre… L’Ecole et les stéréotypes de genre
[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/ et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/
[3] DURU-BELLAT Marie. L’École des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ? Paris : L’Harmattan, 2004.
[4] FONTANINI, Christine. Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr
[5] Hutchings Merryn, « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14, 1997
[6] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007
[7] Bandura A. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck, 2003
[9] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29
[10] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008
[11] Lemarchant C. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n o 2
[12] Couppie T. & Epiphane D. Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, 2001, no 178
[13] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17
[14] Françoise Vouillot, 2012, Éducation et orientation scolaire : l’empreinte du genre, L’école et la vie.
[15] Jean-Michel Pugnière, 2011, « L’orientation sexuelle : facteur de suicide et de conduites à risque chez les adolescents et les jeunes adultes ? L’influence de l’homophobie et de la victimisation homophobe en milieu scolaire », thèse de doctorat en psychologie, université Toulouse-Le Mirail.
[16] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c
[17] Jules Simon, 1879 : Jules-François-Simon Suisse dit Jules Simon est un philosophe et homme d’État français, né le 27 décembre 1814 à Lorient et mort le 8 juin 1896.
[19] Jérôme Martin, « De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : l’Association générale des orienteurs de France et la construction de la profession de conseiller d’orientation (1931-1956) », Histoire de l’éducation, 142 | 2014, 109-128.
[20] Allongement de la durée des études, création de nouvelles filières et augmentation du nombre de jeunes, notamment par l’arrivée de catégories sociales moins favorisées.
[21] M.E.N. (Ministère de l’Éducation Nationale – France). Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur. Rapport. Paris : MEN, 2014
[22] Paola Tabet, 1998, La Construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps, L’Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme.
[23] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584
[24] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.
[26] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier
[27] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140
[28] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.
[29] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.
[30] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.
[31] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973
[32] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004
[33] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013
[34] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011
[35] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.
Venant de Wuhan en Chine, le virus de la COVID-19 s’est rapidement disséminé à travers le monde créant une pandémie inattendue, à mach 0,85 (la vitesse des avions de ligne, soit environ 920 km/h). Au 14 mars 2020, on répertorie plus de 147 000 cas cumulés (dont 72 500 guéris et 5 500 décédés). Plus de 150 pays sont affectés. L’OMS déclare que « l’Europe est l’épicentre de la pandémie[1] »
Le 12 mars 2020 au soir, les gouvernements belges (mais aussi français) annoncent leur décision de fermer les écoles dès le 16 mars afin limiter la transmission du virus, et de protéger les enfants. Chacun pensait qu’elles rouvriraient après les vacances de Pâques, mais on sait ce qu’il en a été : confinement, puis reprise « à la carte » en juin 2020, refermeture des écoles secondaires lors de la deuxième vague le 28 octobre 2020, prolongation du congé de Toussaint, apprentissage à distance, puis en hybridation toujours à la carte. Certaines écoles alternant la présence des élèves par demi-classes un jour sur deux, d’autres une semaine sur deux.
La fermeture de l’école a impacté la santé mentale des élèves
Comme le rappelle l’OMS[2], la santé mentale est une composante essentielle de la santé. C’est un état de bien-être qui permet à un être humain de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif – et donc aussi des apprentissages scolaires – et de contribuer à la vie de sa communauté. Elle définit la santé comme suit : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
La santé et le bien-être mental sont indissociables. Ils permettent à une personne de penser, d’agir, de ressentir, d’échanger avec les autres et de profiter de l’existence. Durant le confinement, puis par la suite avec les mesures restrictives et les gestes barrières[3] imposés, de nombreuses personnes, adultes et enfants ont vu leur santé mentale décliner. Cela a été une période difficile pour la plupart d’entre nous, à des degrés divers qui dépendaient de la situation personnelle de chacun.
Si, au début du confinement, les élèves ont eu l’impression d’être en vacances, bien vite ils ont réalisé que c’était tout sauf des vacances. Ils ont commencé à s’ennuyer de leurs amis et amies, ont montré des signes de tristesse, ont ressenti une immense solitude. Selon les écoles, ils ont reçu ou non des activités à réaliser (les nouveaux apprentissages étaient bannis) qui ont permis de maintenir le lien avec leur.s professeur.s. Ensuite, l’apprentissage en distanciel a été une nouvelle épreuve. Beaucoup ont été démotivés face à l’utilisation de la technologie ou, tout simplement, n’avaient pas les outils pour suivre les apprentissages en ligne. Les relations parents-enfants, parents-ados n’ont pas toujours été faciles. Le fait que les premiers devaient parfois travailler à la maison, tout en s’occupant du ménage et de leurs enfants a souvent entraîné un burnout parental.
Selon une étude des mutualités libres[4], les jeunes de 15 à 25 ans ont consommé plus d’antidépresseurs à la fin de l’année 2020. Les admissions dans les hôpitaux psychiatriques et les services psychiatriques des hôpitaux généraux, ont diminué. Les hôpitaux se limitant aux soins COVID-19, les prises en charges pour raisons de santé mentale ont été retardées, tant chez les jeunes que dans la population générale. Le gouvernement ayant autorisé les consultations par téléphone, la mutualité a constaté une augmentation significative chez les 15-25 ans, du fait que ces jeunes ont été fortement impactés par les mesures contraignantes suite à la pandémie. Cependant, de nombreux problèmes de santé mentale n’ont pas été traités ou fait l’objet de diagnostics en raison de la pandémie.
En ce qui concerne les troubles de l’anxiété et les symptômes dépressifs, les adolescentes (36%) semblent plus fragilisées que leurs camarades masculins (19%), en raison du manque d’interactions sociales, essentielles à la construction de leur identité à ce moment de leur vie[5].
Durant la crise sanitaire, les études sur la santé mentale se sont multipliées et affinées. « Du point de vue de la santé mentale, les jeunes sont la tranche d’âge la plus touchée par la crise sanitaire. La santé mentale des personnes plus âgées dépend énormément du contexte. Chez les jeunes, la situation est très différente : on a l’impression qu’il y a un effet général qui touche l’ensemble de la jeunesse, peu importe le contexte », explique Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain et membre du groupe d’experts « psychologie et corona », cité par l’Echo[6]. Et de préciser que l’étude menée sur les étudiants du supérieur en avril 2020 faisait état de 35% d’étudiants en état de dépression et/ou d’anxiété, et qu’un an plus tard, ce chiffre était monté à 55% !
Toujours dans l’article de l’Echo, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik exprime ses inquiétudes en affirmant « Les enfants pourront rattraper leur retard, pas les adolescents (…). Certains adolescents vont décrocher pour toute la vie ».
Il est donc essentiel que les souffrances subies par cette catégorie d’âge soient particulièrement prises en compte par le milieu éducatif et que l’on change enfin tant la manière d’enseigner, que d’évaluer et de certifier. Trop d’élèves et d’étudiants sont fragilisés. Pour certains sans doute à vie. Ce seront, évidemment, des proies faciles pour les indécrottables adeptes de l’échec scolaire.
L’école a peu tenu compte de l’état psychique des élèves, fragilisé par la pandémie
L’année scolaire 2020-2021 s’est terminée de manière disparate. Après que le monde associatif ait appelé les responsables politiques et les pouvoirs organisateurs à aménager la fin de l’année sans faire d’examens, afin de prioriser les apprentissages qui n’ont pas été compris ou vus durant l’hybridation (ce qui a été traduit dans une circulaire ministérielle), les écoles ont réagi de manière dispersée. Le réseau Wallonie-Bruxelles Enseignement a appelé ses écoles à respecter l’esprit de la circulaire, ce que beaucoup d’entre elles ont fait, mais dans les autres réseaux, aucun appel de ce genre n’a été lancé, le SEcrétariat Général de l’Enseignement Catholique (SEGEC) rappelant même que les écoles avaient une totale liberté pédagogique. Cela n’a, évidemment, pas incité les écoles les moins respectueuses des élèves à tenir compte de la circulaire et donc des Droits fondamentaux de ces derniers.
Dès lors, on s’est retrouvé avec des écoles qui respectaient les Droits de leurs élèves, tandis que d’autres ont mis en place une session d’examens. Les premières ont donné cours en évaluant formativement. Les secondes ont maintenu leur tri habituel entre ceux qui avaient la chance d’être bien équipés sur le plan informatique, recevant un soutien de leurs parents, ayant un domicile confortable et calme, et nés dans un milieu favorisé et, de l’autre côté, ceux que la société a défavorisés à la naissance n’ayant pas l’environnement favorable des premiers. Ces derniers ont été abandonnés par leurs professeurs, ont décroché et se sont retrouvés orientés ou obligés de redoubler.
Ces écoles sélectives n’ont en rien tenu compte de la situation mentale des élèves ni du fait que L’enseignement hybride a été inefficace et n’a pas permis à une majorité d’élèves d’acquérir les apprentissages. De plus, nombre de professeurs ont été incapables (ce qui n’est nullement leur faute) de donner efficacement cours par visioconférence. Comme leurs élèves, ils n’ont pas été formés pour cela.
Les apprentissages n’ont donc été assimilés qu’en partie, voire pas du tout. On se retrouve donc au début d’une nouvelle année scolaire avec des élèves qui sont en retard dans leurs apprentissages et qui, pour certains sont – et resteront – en décrochage complet, voire ont conservé des « troubles mentaux » hérités de la pandémie.
Il n’est un secret pour aucun professionnel de l’école que la crise du COVID-19 a eu un effet significatif sur la santé mentale des jeunes (OCDE 12 mai 2021[I]). De tous les jeunes ! Certains s’en sont tirés mieux que les autres (voir ci-dessus) alors que les plus fragiles n’ont pas été épargnés. Pire, leurs souffrances n’ont même pas été prises en compte par l’établissement scolaire qui a pour vocation de les instruire.
L’OCDE[II] précise que « La prévalence des symptômes anxieux et dépressifs a augmenté de manière spectaculaire chez les jeunes et reste plus élevée qu’avant la crise et que celle observée dans d’autres classes d’âge, en dépit de la réouverture partielle de l’économie. » Il est donc clair, pour tous les intervenants scolaires que de nombreux élèves resteront avec des séquelles de la crise des mois encore, voire des années durant. Il est donc impérieux de prendre ces données en compte et d’adapter tant les cursus que les méthodes pédagogiques à cette situation. Il faut donc réinventer l’Ecole et cette crise sanitaire nous donne l’occasion de le faire, sans attendre les résultats du trop petit « Pacte pour un Enseignement d’Excellence ».
Inquiétudes sur la santé mentale des jeunes
Nombreuses sont les familles à être inquiètes sur la manière dont l’école soutiendra leur enfant. De nombreux élèves, aussi, ne retournent pas à l’école la fleur au fusil. Il y a tant de craintes… D’abord la crainte de ne pas avoir les connaissances suffisantes, ensuite la crainte de ne plus être capable d’apprendre, tant ils sont perturbés par ce qu’ils ont vécu durant un an et demi.
La santé mentale des jeunes s’est sensiblement détériorée durant la pandémie. Et ce, dans tous les pays. Toujours selon l’OCDE, les problèmes de santé mentale chez les 15-24 ans ont été multipliés par deux, voire plus. En mars 2021, les jeunes étaient 30 à 80 % plus susceptibles de faire état de symptômes dépressifs ou anxieux que les adultes en Belgique, aux Etats-Unis et en France.
La quarantaine et l’isolement, tout comme les règles sanitaires strictes telles que celles qui concernaient – et concernent encore – la distanciation sociale, ont eu des effets extrêmement négatifs sur les enfants et sur les jeunes. Certains ont des symptômes de tests post-traumatiques, sont dans la confusion ou entretiennent une colère interne par rapport à tout ce qu’ils ont dû vivre – ou plutôt – tout ce qui les a empêchés de vivre. Ces effets peuvent être de longue durée et durer des mois, voire des années après la pandémie (Brooks et coll., 2020[III]).
Principaux facteurs de stress des élèves
La fermeture des établissements scolaires, puis l’hybridation, ont affaibli leurs facteurs de protection. Dans un établissement scolaire, chaque élève a ses habitudes quotidiennes rythmées par l’horaire de la classe et celui de l’école. Leur fermeture a brisé ces habitudes qui permettent de structurer le temps et ainsi de ne pas angoisser sur l’avenir immédiat. De même, le sentiment d’appartenance à un groupe et les interactions sociales ont été brisés et ces liens sont essentiels à la construction de l’individu. Les réseaux sociaux (qui sont loin d’être si sociaux que cela) n’ont pas remplacé la cour de récréation, les moments de temps libre et de convivialité, tout comme les heures de sport ou la garderie du matin, du midi ou du soir.
La quarantaine a généré un stress intense : crainte de l’infection de soi ou de ses proches, apprentissages de gestes barrières parfois incompréhensibles, de lavage des mains quarante fois par jour, un enfermement parfois dans des conditions apocalyptiques (appartement exigu, sans terrasse, plusieurs enfants par chambre, pas de matériel informatique, connexion Wifi défaillante, etc.) et donc la frustration d’être enfermé sans plus pouvoir revoir sa famille, ses amis, aller dans un commerce, …
Ne fréquentant plus l’école et confrontés aux actes d’une vie quotidienne routinière, l’ennui a été dur à supporter. Si ce dernier a des bienfaits lorsqu’il ne dure pas trop longtemps (il permet la créativité, l’altruisme, libère l‘esprit, …), le confinement du COVID a ralenti le temps quotidien. Les jeunes n’ont plus trouvé de sens à leurs journées, à leurs semaines, à leur vie… Or, l’on sait que la propension à l’ennui est positivement corrélée au niveau de symptômes dépressifs et anxieux[IV][V]. Certains élèves sont plus touchés par l’ennui. Par exemple, les élèves avec un TDAH ont un niveau d’ennui plus élevé[VI].
La peur de manquer de provisions, de voir ses parents manquer de revenus, certains étant au chômage du fait que leur entreprise ait fermé ou que leur emploi ne peut plus s’exercer. Enfin, le manque d’informations a particulièrement touché les jeunes dans les familles les moins informées.
En résumé, les facteurs de stress dus à la pandémie les plus courants (p. ex. Arim et coll., 2020[VII]; Brooks et coll., 2020[VIII]; Holmes et coll., 2020; Kaddatz, 2020[IX]; Taylor et coll., 2020[X]; Nations Unies, 2020, 13 mai[XI]; Vigo et coll., 2020[XII]) chez les jeunes ont été :
Les conséquences non seulement sociales, mais également économiques ;
La solitude, la perte des liens sociaux, mais aussi parfois le deuil compliqué par les mesures restrictives ;
La peur de la stigmatisation si par hasard un membre de la famille devait être contaminé ;
La diminution des moyens financiers de la famille, la peur de ne plus pouvoir accéder aux besoins fondamentaux ;
Les tensions – et parfois les violences – familiales dues au confinement dans un lieu trop exigu ou du fait de devoir toujours être ensemble ;
L’impossibilité (ou la peur) d’avoir accès à la santé. Les médecins généralistes, tout comme les hôpitaux ont perdu de vue certains patients (donc aussi des enfants et des jeunes) ayant des pathologies graves ;
La durée de la pandémie qui a engendré une incertitude sur l’avenir et donc un stress intense ;
Le manque d’informations précises ou le trop-plein d’informations non vérifiées. Les médias sociaux laissaient transiter à la fois les informations mais également les désinformations ;
Les effets neurologiques potentiels de la COVID-19 elle-même.
Les jeunes issus de milieux populaires ont été particulièrement touchés par la fermeture des établissements scolaires
Chaque année, les vacances d’été sont les plus longues périodes d’interruption de l’école. Avec la pandémie, cette période a été multipliée par trois. Or, l’on sait que des vacances d’été ordinaires creusent les écarts en matière d’apprentissage et augmente l’isolement, la faim et les comportements sédentaires des populations les plus précarisées[XIII]. Ces facteurs sont déjà à risque de détérioration de la santé mentale, chaque année en été. Que dire alors de ces triples grandes vacances et de l’année scolaire suivante où ils n’ont été qu’à moitié à l’école.
L’enseignement en distanciel a montré de grandes disparités quant à l’accès à Internet (matériel, compétence pour l’utiliser, connexion Wifi, …) et la qualité de l’endroit pour étudier (chambre ou non, seul ou non, …). Aucune des conditions nécessaires à l’apprentissage en ligne n’était réunies.
De ce fait, les problèmes de santé mentale chez les jeunes qui en ont souffert n’ont pas pu être identifiés par le corps professoral qui est bien placé pour le faire, et donc n’ont pas été signalés aux services de santé scolaire. Ceux et celles qui bénéficiaient de leur soutien avant le confinement n’ont bien souvent pas pu continuer à en bénéficier. Les services de santé mentale ont été débordés et ne pouvaient plus prendre en charge des cas graves. De ce fait, les tentatives de suicide ont fortement augmenté.
Conclusion : l’école doit prendre ces données en compte
Il est urgent de protéger la santé mentale des élèves !
Il est fondamental que les écoles – ou à défaut chaque enseignant – adoptent une approche pédagogique plaçant la santé mentale au cœur de leurs pratiques quotidiennes.
Croire qu’une forme de retour à la normale va remettre les curseurs à zéro et que chaque élève perturbé par le stress vécu pendant la pandémie va se « retaper » subitement, serait prendre les vessies pour des lanternes. Les troubles psychiques, comme décrits ci-dessus, vont mettre au mieux des mois à s’apaiser, voire des années. Ces élèves sont des victimes et ils ne sont pas coupables des comportements qu’ils pourraient avoir tels qu’un rejet de l’école, des phobies, un décrochage constant, des formes de mutisme, de colère, etc.
Ces élèves sont le plus à risque de décrochage scolaire et de redoublement. Il faut donc tout mettre en place pour les accrocher et ne pas les laisser filer. Ils doivent dont être détectés et accompagnés jusqu’à la fin de leur scolarité. Les troubles qu’ils subissent les mettent en situation de handicap par rapport à l’école et les apprentissages qui y sont donnés. De ce fait, ce sont des élèves à besoins spécifiques. Même si un bilan n’a pas été effectué par un spécialiste (nombre d’élèves refuseront de se faire diagnostiquer), ils doivent pouvoir bénéficier d’aménagements raisonnables, en commençant par la bienveillance et la compréhension de ce qu’ils ont vécu[7]. Nous suggérons, notamment :
D’être sensibles aux signes d’anxiété ou de difficultés de santé mentale et de travailler en lien avec les CPMS et les Centres PSE ;
De porter une attention particulière aux élèves les plus vulnérables (élèves à besoins spécifiques, porteurs d’une déficience, qui étaient en situation d’échec, …) ;
De communiquer avec les élèves selon les principes de bienveillance et d’interventions positives ;
De mettre en place des activités avec tous les élèves en lien avec la bienveillance, l’empathie, la gestion des émotions,
De maintenir une routine et des activités se rapprochant d’une situation normale (malgré le port obligatoire du masque en secondaire – essentiellement à Bruxelles).
Sur les pratiques pédagogiques, chaque école pourra interroger les pratiques de pédagogies actives et notamment sur la manière de permettre de donner du sens à la parole des élèves, via la pédagogie institutionnelle et, spécialement, les conseils de coopération (qui n’ont rien à voir avec les « conseils de classe »). Il est également possible de mettre de nombreuses choses en place indépendamment et en fonction des besoins de chaque étudiant comme, par exemple, aménager la passation des examens, mettre en place des évaluations non cotées c’est-à-dire des évaluations formatives, soulager les élèves de travaux extrascolaires qui seraient plutôt faits en classe avec l’aide du/des professeur/s et/ou de tuteurs. La différenciation pédagogique devrait être le maître-mot de tous les intervenants.
Références
[1] Le Figaro, Coronavirus : l’Europe est désormais à l’«épicentre» de la pandémie, affirme l’OMS, Publié le 13/03/2020
[3] Académie française, 7 mai 2020, Comment faire l’accord au pluriel d’un groupe composé de deux noms apposés ? Quand il y a identité entre les deux éléments, les deux prennent la marque du pluriel : on écrit ainsi des danseuses étoiles parce que ces danseuses sont des étoiles. Le contexte permet d’ailleurs bien souvent de dire simplement des étoiles. S’il n’y a pas identité, seul le premier élément prend la marque du pluriel, on écrit donc des films culte parce que ces films font l’objet d’un culte, mais n’en sont pas ; on ne dit jamais, parlant d’eux, des cultes. S’agissant de geste barrière, on peut considérer que ces gestes forment une barrière et préférer le singulier, mais dans la mesure où l’on peut aussi dire que ces gestes sont des barrières, l’accord au pluriel semble le meilleur choix, et le plus simple. On écrira donc des gestes barrières.
[5] RTBF TENDANCE avec AFP, 17 mars 2021, Santé mentale : les adolescents touchés de plein fouet par la pandémie du coronavirus.
[6] Cité dans l’ECHO, 10 avril 2021, Quel avenir pour la génération Covid ?
[7] Pour savoir comment réagir face à un élève susceptible de présenter des troubles de la santé mentale, il existe une brochure téléchargeable sur le site du l’équipe de Consultation et Liaison Intersectorielle du Réseau Hainuyer pour l’Épanouissement et la Santé mentale des Enfants, Adolescents et Usagers assimilés (RHESEAU), https://www.rheseau.be/wp-content/uploads/2020/10/4-Navigation-au-coeur.pdf
[I] Préserver la santé mentale des jeunes pendant la crise du COVID-19 https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/preserver-la-sante-mentale-des-jeunes-pendant-la-crise-du-covid-19-dbcb04f5/
[IV] Isacescu J., Struk A.A., Danckert J. Cognitive and affective predictors of boredom proneness. Cogn Emot. 2017;31(8):1741–1748.
[V] Sommers J., Vodanovich S.J. Boredom proneness: its relationship to psychological- and physical-health symptoms. J Clin Psychol. 2000;56(1):149–155
[VI] Carriere J.S.A., Cheyne J.A., Smilek D. Everyday attention lapses and memory failures: the affective consequences of mindlessness. Conscious Cogn. 2008;17(3):835–847
[VII] Arim, R., Findlay, L., & Kohen, D. (2020). Les répercussions de la COVID-19 sur la santé et lecomportement des jeunes : résultats de la Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes 1. Catalogue no. 45-28-0001. Ottawa, Ontario: Ministre de l’Industrie. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00020-fra.htm
[X] Taylor S., Landry C., Paluszek M., Fergus T.A., McKay D., Asmundson G.J.G. (2020). Development and initial validation of the COVID Stress Scales. Journal of Anxiety Disorders,72. https://doi.org/10.1016/j.janxdis.2020.102232
[XIII] Morgan, K. et al. (2019), « Socio-Economic Inequalities in Adolescent Summer Holiday Experiences, and Mental Wellbeing on Return to School: Analysis of the School Health Research Network/Health Behaviour in School-Aged Children Survey in Wales », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 16/7
Nous sommes réunis, ce 21 juin 21 devant la presse, pour remettre le bulletin de l’Ecole. Je parle de l’Ecole, avec un grand « E », càd notre système éducatif, mais cela concerne aussi nombre d’écoles avec un petit « e ». Elles se reconnaîtront car ce sont celles qui font le système scolaire – cette grande œuvre – et qui lui permette de fonctionner depuis des décennies.
D’aucuns vous diront que la reprise en présentiel le 10 mai dernier était une mauvaise chose. Pour ma part, je prétends l’inverse. D’accord, des associations de première ligne renchériront en disant qu’un nombre important d’enfants qu’ils soutiennent sont en grande difficulté face aux apprentissages, que le présentiel n’aurait pas comblé les lacunes de l’hybridation et que les écoles n’arrêtent pas de faire des interros au lieu de donner cours. Des familles appellent au secours parce que leurs enfants font des tentatives de suicide ou se scarifient car on leur annonce qu’ils redoubleront ou « ramasseront les poubelles toute leur vie » (sic). Bon, d’accord, mais rassurez-vous bonnes gens, les écoles – et, quand je parle des écoles, je parle des directions et des pouvoirs organisateurs – les écoles savent ce qui est bon pour leurs élèves. Elles savent ce qu’elles doivent faire !
Voilà, précisément, pourquoi je pense que la reprise en présentiel le 10 mai dernier était une excellente chose. Non seulement, cela a permis aux « bonnes » écoles de révéler leur face cachée, mais cela nous a surtout permis de voir à quel système scolaire nos élèves avaient réellement affaire.
La circulaire a demandé à toutes les écoles de tenir compte de la crise et des conditions impossibles auxquelles les élèves ont été confrontés, afin de ne pas leur faire perdre injustement une année scolaire. Si certaines écoles – et il y en a – ont joué le jeu dans l’intérêt de leurs élèves, nombre d’autres ne se sont pas seulement assises sur la circulaire, mais l’ont jetée à la poubelle.
Celles qui se croient « bonnes écoles », qui veulent défendre leur réputation ont, non seulement organisé des examens mais ont évalué leurs élèves de manière constante et les ont assommés de travaux, de devoirs et de leçons à la maison depuis la reprise en présentiel. Non seulement, l’école est redevenue une souffrance, mais elle s’impose aussi à la maison en bouffant le peu de temps libre qu’il reste à leurs élèves.
Nous savions que nous avions un des pires – sinon le pire – système scolaire de l’ensemble de l’OCDE. Cette reprise en présentiel a démontré que l’Ecole que l’on pensait inefficace, inégalitaire, discriminante, injuste et maltraitante, l’est bien plus encore qu’on ne le pensait. » L’Ecole a enfin montré ce qu’elle était réellement et profondément. En matière d’inégalités, de discriminations, on n’a jamais fait aussi bien. Nous battons tous les records précédents et cela, uniquement grâce aux « bonnes » écoles et à leurs pouvoirs organisateurs.
Ces « bonnes » écoles n’ont pas repris les cours pour combler les retards. Au contraire, elles ont fait des interros et des examens pour pouvoir reprendre leur petite sélection sociale comme au bon vieux temps d’avant Covid. Car en 2020, elles ont déjà dû relâcher leur petit jeu du redoublement. Deux années, c’est trop pour garder cette « bonne » réputation de préparer à l’université ou aux « hautes écoles ». On y met une pression insupportable sur les jeunes, sans la moindre pitié. On y menace leur réussite, on les y rabaisse. Mieux encore, ces « bonnes » écoles se tamponnent complètement de leurs enseignants au bord du burn-out, obligés de pratiquer cette sélection inique et profondément inhumaine.
N’attendons pas de miracles des conseils de classe. S’il est bien une institution « hors la loi », c’est le conseil de classe. Car le Droit fondamental est très clair « Nul ne peut être à la fois juge et partie ![1] ». Il s’agit d’un tribunal où chaque juge est partie prenante. Celui-ci a donné le cours et il décide de sanctionner celles et ceux à qui il a été incapable de transmettre tous les savoirs, ou parce qu’ils lui ont déplu à un moment ou un autre, ou enfin parce que leur tête, leur origine, leur prénom ne leur plaît pas. En fait personne ne sait pourquoi car c’est aussi le seul tribunal en Belgique où l’on juge un être humain sans que ce dernier (et/ou ses représentants légaux) ne puisse se défendre, ni être représenté et défendu. On est loin de tout système démocratique. Dans les régimes totalitaires on fait au moins des parodies de procès. Dans notre système scolaire non démocratique, on n’en prend pas la peine : on condamne sans la moindre forme de procès.
Mon commentaire sur le bulletin de l’école ne sera pas « Peut mieux faire ! », car il n’est pas possible de faire pire. D’ailleurs, à force de creuser, elle n’a toujours pas trouvé de pétrole. Nous avons une école qui est en échec scolaire depuis le début de la massification de l’enseignement il y a 76 ans et qui n’a toujours pas compris comment on faisait école.
C’est l’Ecole du non-droit, l’école de l’injustice, l’école de l’amplification des inégalités sociales. Les conseils de classe vont décider de l’avenir de jeunes sans même tenir compte de leur intérêt supérieur. Elle va empêcher certains de rester dans leur filière pour les diriger vers une filière professionnalisante dont ils ne veulent pas. Ce faisant, ils les condamnent à une chute inéluctable vers la pauvreté, en passant par le décrochage scolaire, la sortie sans diplôme, l’impossibilité de trouver un emploi de qualité. En condamnant ces élèves à la pauvreté, ces conseils de classe condamneront aussi leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs arrières-petits-enfants, … qui, loin d’être nés, sont déjà pauvres.
L’OCDE nous a rappelé il n’y a pas longtemps qu’il faut 6 générations pour qu’une famille sorte de la pauvreté. C’est-à-dire 180 ans ! Sur une simple décision d’un « simple » conseil de classe, six générations sont inéluctablement condamnées, non plus à vivre, mais à se battre pour la survie.
La reprise en présentiel était une bonne chose. Elle nous permet de confirmer la conclusion que nous faisons chaque année : l’Ecole est un lieu où il ne faut surtout pas mettre d’élèves.
Jean-Pierre Coenen
Président de la Ligue des Droits de l’Enfant
Instituteur
[1]https://dictionnaire.notretemps.com/ : L’expression actuelle trouve sa source dans la formule latine « Aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars » qui se traduit par « personne ne doit être juge de sa propre cause, parce qu’on ne peut être à la fois juge et partie ». Bien connue des juristes, elle signifie qu’on ne peut pas rendre une décision juste lorsqu’on a un intérêt à la décision rendue.
Cette analyse traite d’enfants
orientés vers l’enseignement spécialisé sans que ceux-ci n’aient, à la base, le
moindre handicap physique ou intellectuel. Leurs difficultés sont
essentiellement sociales : enfants vivant soit en milieux de grande
pauvreté ou de quartiers populaires, soit ne possédant pas la langue de
l’école, ou ayant besoin de plus de temps pour apprendre, ou pour de multiples
autres raisons qui touchent essentiellement à leur statut social. Nous n’aborderons pas dans ce dossier les
orientations d’enfants avec handicap ou difficultés spécifiques des
apprentissages.
Qu’entend-on par « orientations abusives » ?
Abus : mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose[1]
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Ecole oriente inadéquatement de nombreux enfants issus de milieux socialement défavorisés vers l’enseignement spécialisé. Ces enfants ne présentent absolument aucun handicap, simplement des difficultés scolaires. Cette orientation détermine l’avenir de ces enfants qui, pour la plupart, n’auront jamais leur C.E.B.[2]et se retrouveront à terme, sans plus pouvoir faire le moindre choix, vers l’enseignement professionnel ordinaire ou… spécialisé. Il s’agit d’abus de la part des écoles orientantes, c’est la raison pour laquelle nous parlons d’orientations abusives.
Il s’agit d’un « mauvais emploi » de l’enseignement spécialisé qui est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques[3]. Or, ces enfants n’ont ni besoins spécifiques (aucun examen multidisciplinaire ne leur a détecté le moindre handicap) et leurs possibilités pédagogiques ne sont pas moins bonnes que celles des autres élèves de l’enseignement ordinaire.
L’école ordinaire, si elle le voulait, a tout-à-fait les moyens de suivre ces enfants et de les mener au bout d’un cursus de transition de 12 ans, sans passer par la case échec. Mais l’école a des principes : elle ne permet l’accès aux savoirs qu’aux enfants « bien nés » sans trop de difficultés d’apprentissages. Quant aux autres, ceux qui freinent les apprentissages, qui proviennent de milieux socialement moins aisés et dont le soutien pédagogique important risquerait d’entraîner un « nivellement par le bas[4] », ils sont progressivement éliminés. L’orientation vers l’enseignement spécialisé est la première marche.
Trop peu d’écoles forment leur corps professoral à enseigner aux élèves de milieux populaires. L’article 15 du Décret Missions[5] impose pourtant de différencier les apprentissages en fonction des besoins des élèves. Mais il est vrai que toutes les écoles n’ont pas encore eu le temps de se familiariser avec le Décret Missions. Il ne date que de 1997.
La gestion des
difficultés d’apprentissages est la base du métier d’enseignant
Aujourd’hui, dans nos classes,
nous avons des élèves qui ont des profils d’apprentissages forcément
différents. Certains possèdent mal la langue de l’enseignement. D’autres ont
des difficultés en mathématique, en seconde langue, dans les relations avec les
autres, etc. On pourrait, bien entendu, estimer qu’il s’agit d’une dégradation
des conditions d’enseignement, ce qui serait tout le contraire de la réalité.
De telles conditions se sont retrouvées de tous temps dans nos écoles. On le
retrouvait autrefois dans les villages et dans les villes ou les enfants de
paysans et d’ouvriers peu lettrés ne connaissaient que le wallon ou le patois bruxellois
et avaient les mêmes difficultés d’apprentissage que les élèves des milieux
socio-économiques d’aujourd’hui. Ensuite, cela a été les immigrations diverses,
européennes dans un premier temps, pour finir avec aujourd’hui des familles
d’Afrique du Nord de deuxième ou troisième génération, ainsi que des immigrants
de l’Est qui se retrouvent avec les mêmes difficultés. Bref, rien de bien neuf
sous le soleil de nos classes.
Enseigner est un art ! C’est être capable de transmettre des connaissances, savoirs, savoir-faire, savoir-être, à tous ses élèves, sans la moindre exception. Malheureusement, on ne naît pas enseignant. La formation initiale ne nous a pas formés, au départ, à la détection et à la remédiation des difficultés d’apprentissages, pas plus que nous n’avons été formés à enseigner à un public précarisé, qui ne connaît ni les codes, ni le langage spécifique de l’école. Certains professionnels se forment continuellement ou s’auto-forment de manière à trouver des outils qui vont permettre à tous les élèves d’y arriver. Les pédagogies actives, par exemple, sont, entre autres, une source inépuisable de pistes. Mais pour cela, il faut changer de paradigme et oser s’élancer dans une autre manière de faire école, loin du frontal[6]et d’aller vers un véritable enseignement. Malheureusement, tous les professionnels de l’école ne se forment pas en ce sens et, dès lors, se retrouvent démunis face à ces difficultés. Une des dernières solutions qu’ils trouvent est l’orientation vers l’enseignement spécialisé, avec tout ce que cela importe d’abus pour les élèves en matière de destruction de l’image de soi, de générations condamnées[7], de sentiments d’injustice, de déni de l’être humain et d’avenir définitivement bouché, voire de révoltes sociales.
En mettant en compétition,
depuis des années, les réseaux d’enseignement et les écoles, une certaine
idéologie élitiste scolaire a réussi à… construire toujours et toujours plus de
barreaux aux murs des écoles afin que tous n’y entrent pas ou alors qu’ils ne
puissent y rester « trop longtemps ». Comment peut-on demander à des
profs mal formés de porter sur leurs épaules l’orientation d’un seul être
humain ? Comment peut-on leur demander de décider si tel élève aura droit
d’avoir une vie épanouissante ou, au contraire, une vie peu valorisante ?
Comment peut-on encore orienter ou pratiquer le redoublement aujourd’hui ?
Ce sont des pratiques d’un autre âge, des pratiques discriminantes et
inhumaines. Et surtout, des pratiques inefficaces. Sauf pour former les
esclaves de demain.
La pauvreté
n’est pas un handicap
Depuis plus de 20 ans, on
remarque une orientation des élèves d’origine socio-économique ayant de grosses
difficultés d’apprentissages vers l’enseignement spécialisé, alors que celui-ci
ne leur est pas destiné, et que ceux-ci n’ont absolument aucun handicap. Leur
nombre est passé de 8 448 élèves en 1989-1990 à 13 370 durant l’année scolaire
2017-2018, soit une augmentation de 58,2 % en 20 ans.
L’enseignement de type 8[8] qui est le plus sollicité a vu sa population augmenter de 50,3% (+ 2 432 élèves). Dans l’enseignement de type 3, l’augmentation a été de 49,1 % (+ 675 élèves) et dans l’enseignement de type 1, après avoir explosé au début de ce siècle, depuis 2012, elle est en léger recul pour se situer à 4061 élèves (+80,8 %). Ces élèves qui, pour l’immense majorité d’entre eux n’ont aucune déficience, représentent à eux seuls un tiers de l’ensemble des élèves de l’enseignement spécialisé (35,3 %)[9].
L’enseignement de type 1 est sensé scolariser des enfants ayant une déficience mentale légère. Dans les faits, de nombreux enfants issus de milieux précarisé et n’ayant aucune déficience intellectuelle s’y retrouvent scolarisés, suite à une orientation abusive.L’enseignement de type 3 est sensé scolariser des enfants ayant un trouble du comportement. Mais nombreux sont les élèves un peu trop turbulents ou ayant des troubles envahissants du développement qui s’y trouvent orientés. L’enseignement de type 8 est sensé scolariser les enfants ayant des troubles instrumentaux[10]. En réalité, l’immense majorité des élèves scolarisés en type 8 n’a aucun trouble instrumental, mais vivent dans des quartiers populaires et/ou dans des familles socialement défavorisées. Les professeurs de l’école ordinaire ne se sont pas tous formés à accueillir des enfants vivant dans des familles dont l’école a décroché.
La démographie a bon dos
On pourrait imaginer que cette
augmentation est due à une démographie galopante en Belgique. Si, en effet, l’augmentation
de la population se confirme, l’évolution des orientations vers les types 1, 3
et 8 de l’enseignement spécialisé, et spécialement d’élèves ne possédant pas
nécessairement la langue de l’enseignement et certainement pas ses codes ne
peut pas être corrélée. En effet, dans le graphique ci-dessous, on constatera
aisément que l’augmentation des orientations est nettement supérieure à
l’augmentation de la population de notre pays.
En tenant compte de la
démographie et donc de l’augmentation de la population de notre pays, la
progression du type 8 est encore de 31,4 % (+ 1 737 élèves). Celle du type 1
qui continue de baisser, est cependant encore de 58, 3 % (+ 1 496 élèves),
tandis que l’augmentation du nombre d’élèves inscrits dans le type 3, est de
30,6 % (+ 480 élèves). Soit 3 713 élèves de plus que ne le justifiait
l’augmentation de la démographie, orientés vers l’enseignement spécialisé.
Autrement dit, l’augmentation
de la population ne peut justifier qu’une augmentation de 1 209 élèves entre 1989
et 2017, sur la progression des 4 922 élèves supplémentaires.
On peut donc en conclure que,
pour de nombreuses écoles ordinaires, l’orientation vers l’enseignement
spécialisé est considéré – et de plus en plus – comme l’ultime remédiation. Cet
enseignement, trop mal connu des professeurs de l’ordinaire est donc vu comme
la solution miracle qu’ils n’ont pas su, pu ou voulu mettre en place eux-mêmes.
Mais pour les miracles, ce n’est pas le bon chemin à prendre et ce, même pour l’enseignement confessionnel. Malgré leur immense bonne volonté, les enseignants de l’enseignement spécialisé ne savent pas faire de miracles, d’autant plus que les élèves qu’ils récupèrent sont cassés et laminés par un enseignement ordinaire trop souvent incapable de remplir ses missions vis-à-vis des plus fragiles et de celles et ceux qui ont le plus besoin d’aides, de soutien, de différenciation, de pratiques adaptées aux milieux socialement défavorisés et, surtout de bienveillance.
Rappelons que l’enseignement
spécialisé « est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base
d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté
en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques.
Ils sont désignés par l’expression « enfants et adolescents à besoins
spécifiques ». Il est organisé sur la base de la nature et de l’importance
des besoins éducatifs et des possibilités psychopédagogiques des élèves et
assure le développement de leurs aptitudes intellectuelles, psychomotrices,
affectives et sociales tout en les préparant, selon les cas :
à l’intégration dans un milieu
de vie ou de travail adapté;
à l’exercice de métiers ou de
professions compatibles avec leur handicap qui rend possible leur intégration
dans un milieu de vie et de travail ordinaire;
à la poursuite des études
jusqu’au terme de l’enseignement secondaire supérieur tout en offrant des
possibilités de vie active.
Le type 1 est
destiné aux élèves qui ne peuvent être compris parmi ceux qui présentent un
retard pédagogique et pour lesquels l’examen pluridisciplinaire, (…) conclut à un retard et/ou à un (des) trouble(s)
léger(s) du développement intellectuel. Leurs possibilités sont telles
qu’ils peuvent acquérir des connaissances scolaires élémentaires, une habileté
et une formation professionnelle qui permettent de prévoir leur intégration
dans un milieu socioprofessionnel ordinaire.
Le type
3 est destiné
aux élèves pour
lesquels l’examen pluridisciplinaire, visé
à l’article 12,
§ 1er, 1°,
conclut à la
présence de troubles
structurels et/ou fonctionnels
de l’aspect relationnel
et affectivo-dynamique de
la personnalité, d’une
gravité telle qu’ils
exigent le recours
à des méthodes
éducatives, rééducatives et
psychothérapeutiques spécifiques.
Le type 8 est destiné aux élèves pour lesquels l’examen pluridisciplinaire visé à l’article a conclu à des troubles des apprentissages. Ceux-ci peuvent se traduire par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul, sans qu’il y ait retard mental ou déficit majeur sur le plan physique, comportemental ou sensoriel. Ils doivent être considérés comme des troubles complexes aux origines multifactorielles[11] ».
Ces trois types d’enseignement
spécialisé ne sont pas destinés à recevoir des élèves ayant des difficultés
d’apprentissage, et dont le seul « handicap » est exclusivement
« social », issus de familles fragilisées sur le plan socioéconomique
et culturel. Les
parcours des élèves sont fortement influencés par deux variables : le genre et
l’indice socio-économique du quartier de résidence.
La place de ceux-ci est dans
l’enseignement ordinaire, avec les élèves qui ont plus de facilités, et ils
doivent y être maintenus, sans que le moindre redoublement et la moindre
orientation ne soit mise en place. C’est leur droit le plus fondamental !
L’enseignement spécialisé ne peut pas remplir pas sa mission
L’enseignement de type 8 n’accueille
les élèves que jusqu’à la fin du primaire. Ce sont, pour la plupart, des élèves
qui, on l’a dit, ont des difficultés d’apprentissage mais n’ont aucune
déficience intellectuelle. Ils sont donc tout-à-fait à même d’acquérir les
apprentissages, pour autant qu’on mette en place les pratiques pédagogiques
dont ils ont besoin.
Mais la doxa[12] scolaire est solide et la croyance infondée que l’enseignement spécialisé va venir en aide à ces élèves est tenace. Que ce soit dans les écoles ordinaires mais également parmi les personnels des CPMS qui sont chargés de procéder à l’examen multidisciplinaire d’orientation. Dès lors, la pression est mise sur les familles concernées afin qu’elles acceptent l’orientation (quand on leur dit qu’elles sont en droit de refuser, ce qui selon les retours que nous recevons de ces familles, est rarement le cas – ou alors cela n’a pas été clair pour elles).
La chose est enjolivée. Mais
c’est fait par des gens qui ne connaissent pas l’enseignement spécialisé et ses
réalités. On fait miroiter des « petites classes », un transport
scolaire gratuit, un encadrement supplémentaire (logopèdes, …). Et pour les
rassurer il est ajouté que l’enseignement spécialisé permet d’acquérir le
Certificat d’Etudes de Base et de retourner dans l’enseignement ordinaire plus
tard, une fois les difficultés résolues. La plupart du temps, c’est à ces
conditions-là que les familles acceptent.
Mais soyons clairs : ces
professionnels ne cherchent nullement à berner les parents, même si l’idée de
se débarrasser d’un élève en grandes difficultés motive leur démarche. Le
problème c’est qu’ils ne connaissent pas les réalités du Spécialisé. Ils ne
connaissent pas les résultats que ces élèves obtiendront au C.E.B.
Malheureusement, on est loin
de la coupe aux lèvres. Les chiffres sont dramatiquement différents.
Ainsi, pour le seul type 8 :
seulement
une petite centaine d’élèves retourne en enseignement primaire ordinaire chaque
année (soit moins de 1 %) :
seulement
une centaine d’élèves de 6e année obtient son C.E.B. et peut accéder
en 1A de l’enseignement secondaire ordinaire, soit une moyenne de 8 %. (0,7 %
pour les enfants de Type 1 et 4 % pour les élèves de type 3)
Le reste est dirigé, en partie vers la 1B[13] de l’enseignement secondaire ordinaire, ou continuera dans l’enseignement spécialisé.
Si, « en 2013-2014, l’entrée dans le type 8 avait plutôt tendance à diminuer au fil du parcours dans l’enseignement ordinaire. En 2018-2019, la provenance des élèves qui entrent dans le type 8 est moins linéaire. En effet, en 6 ans, on note qu’ils sont proportionnellement moins nombreux à venir d’une première primaire et plus nombreux à provenir d’une troisième, d’une quatrième ou d’une cinquième primaire[14] ».
Si une centaine d’élèves seulement réussissent leur C.E.B.
c’est parce que l’enseignement de type 8 ne vise pas les compétence à atteindre
en fin de 6e année, mais plus souvent un niveau de 4e
primaire. Tout au plus, tentent-ils de différencier les apprentissages en
fonction des difficultés des élèves.
Mais il n’est pas question ici de leur jeter la pierre. Les
élèves qui leur sont confiés arrivent le plus souvent chez eux en cours de
scolarité primaire. 11 % des élèves seulement passent dans le type 8 au sortir
de l’école maternelle. Les autres sont orientés après avoir fait un parcours
d’une à quelques années dans l’enseignement ordinaire où ils n’ont connu
qu’échecs sur échecs. Il est dès lors impossible pour ces enseignants d’à la
fois tenter de reconstruire l’enfant, de lui redonner confiance dans ses
(immenses) possibilités, de récupérer le retard accumulé et en plus de lui
transmettre toutes les connaissances nécessaires pour avoir son Certificat
d’Etudes de Base. En 2, 3 ou 4 années, il est impossible à tout pédagogue de
transmettre les savoirs de 6 années complètes, à des enfants cassés et laminés
par l’école.
Toute orientation abusive « handicape » un enfant
Un pourcentage infime de ces élèves[15], seulement, avait au départ, un handicap physique ou mental en arrivant dans les types 1, 3 et 8 de l’enseignement spécialisé. Nous avons vu que le Type 8 ne pouvait qu’orienter encore 39 % des élèves dans le secondaire spécialisé (40% en 2018-2019[16]). Les Types 1 et 3 font mieux encore en orientant respectivement 79 et 72 % de leurs élèves vers le secondaire spécialisé[17].
Comme on le voit, un nombre
important d’élèves, qui n’avaient rien à y faire, ne sortent pas de
l’enseignement spécialisé. Ils y restent et n’auront plus aucun espoir de le
quitter. Leur avenir est écrit, ils seront à terme, avec un peu de chance, qualifiés
avec un diplôme de l’ « enseignement qualifiant spécialisé », un
enseignement de qualité mais qui n’est pas considéré par les professionnels
comme du même niveau que le qualifiant ordinaire. Et, même si leurs diplômes
seront équivalents, ces élèves seront considérés par leurs employeurs comme sous-qualifiés
et, forcément, sous-payés.
En quittant l’école primaire spécialisée et en étant inscrits en enseignement secondaire spécialisé, ces élèves qui n’avaient aucune déficience intellectuelle ou physique sont devenus, tout simplement… « handicapés » ! De quoi ? Personne ne sait, mais ce sera leur réalité[18].
Les diagrammes suivants nous montrent la Répartition par type des élèves sortis de l’enseignement primaire spécialisé en 2004-2005 et inscrits en 2005-2006 dans l’enseignement secondaire spécialisé[19]. Le constat est sans appel. La majorité d’entre eux va être inscrite dans un type d’enseignement destiné à des enfants porteurs de handicaps mentaux ou comportementaux.
La
ségrégation de genre est importante
Dans l’enseignement spécialisé, la proportion de filles et de garçons est inéquitable. Les garçons sont beaucoup plus nombreux. Tous les élèves n’ont donc pas des chances égales de réintégrer l’enseignement ordinaire. Alors que les filles et les garçons ne sont pas du tout répartis de façon égale dans l’enseignement spécialisé de type 8 (avec seulement 37.2% de filles et 62.8% de garçons), le pourcentage de garçons et de filles qui réintègrent l’enseignement primaire ordinaire est équivalent, ce qui signifie donc que les filles ont plus de chance de réintégrer l’enseignement primaire ordinaire, et plus encore pour l’enseignement secondaire ordinaire[20].
En 2018-2019, les filles représentaient 35,4 % des élèves de l’enseignement spécialisé, tandis que les garçons étaient 64,6 %. L’écart continue à se creuser.
Comment entre-t-on dans l’enseignement spécialisé ?
Conditions d’orientation de
l’enseignement ordinaire, vers l’enseignement spécialisé :
Pour
inscrire un enfant dans les types 1, 2, 3, 4 ou 8, il est nécessaire que le PMS
(ou un service d’orientation scolaire et professionnelle) établisse un rapport
motivant une telle orientation. Pour le type 5, ce rapport doit être établi par
un pédiatre. Pour les types 6 et 7, ce sont respectivement un spécialiste en
ophtalmologie ou en oto-rhino-laryngologie qui doivent établir le rapport.
Les
parents doivent marquer leur accord à cette inscription, tout comme ils peuvent
s’y opposer. Malheureusement, la plupart du temps, ceux-ci ne sont pas à même
de comprendre les tenants et aboutissants d’une telle orientation :
Entre 1 % et 8 % des élèves, selon les types, on
la chance d’obtenir le CEB ;
Entre 39 et 79 %, selon les types, seront
dirigés vers l’enseignement secondaire spécialisé ;
Pour ainsi dire aucun ne pourra suivre un
enseignement général de transition jusqu’au bout ;
Une partie finira en E.T.A. (Entreprise de
travail adaptée), alors qu’ils n’ont pas de handicap ;
La majorité décrochera ou obtiendra un diplôme
peu reconnu par les professionnels.
Il y a donc lieu de refuser toute orientation vers l’enseignement spécialisé si l’enfant n’est pas à « besoins particuliers », autrement dit, porteur de handicap supposé ou reconnu. Et encore… les écoles doivent devenir inclusives (voir nos nombreux posts sur le sujet[21])
Comment sortir son enfant de l’enseignement spécialisé ?
Conditions
de réorientation de l’enseignement spécialisé vers l’enseignement
ordinaire :
Toute demande de réorientation vers l’enseignement ordinaire doit être faite sur base d’un avis motivé non contraignant du Conseil de classe et du CPMS. En cas d’orientation vers l’enseignement secondaire, l’élève doit également obtenir l’avis favorable du conseil d’admission de l’école d’accueil. L’avis des parents n’est que consultatif. Ils n’ont donc pas la possibilité d’imposer la réintégration dans l’enseignement ordinaire[22].
Quelles alternatives à l’orientation vers l’enseignement spécialisé
Seul un enseignement pleinement
inclusif permettra aux écoles d’accueillir tous les élèves sans les envoyer
dans l’enseignement spécialisé. Aussi,
Les établissements scolaires doivent former
leurs enseignants :
à la mise en place de pédagogies actives ;
à la mise en place de tous les aménagements « raisonnables » (on dira « nécessaires » à l’accueil de toutes les différences d’apprentissage, ainsi qu’à tous les handicaps) dans toutes les classes, de tous les niveaux et à les rendre structurels, de manière à ne plus devoir les réinstaller année après année, en fonction des besoins. Ils doivent bénéficier à tous les élèves en fonction de leur besoins momentanés ou sur le long, voire le très long terme ;
à la remédiation immédiate ;
au tutorat,
à la détection des difficultés d’apprentissage et à leur remédiation,
à la gestion de classes hétérogènes,
à la différenciation,
aux différentes cultures et aux milieux socioculturels différents[23] ;
à la didactique ;
au travail en équipe (car cela ne peut se faire seul dans sa classe) ;
à accueillir toutes les différences et à en faire des richesses pédagogiques ;
…
Encourager les établissements scolaires à créer des classes inclusives selon le modèle des classes-Tremblay. Celles-ci intègrent 6 élèves à difficultés d’apprentissage et bénéficient d’un second enseignant à temps plein. En effet, chaque enfant intégré « rapporte » 4 heures « enseignant spécialisé », soit 24 heures semaine, ce qui correspond à l’horaire d’un second enseignant. Malheureusement, à l’heure où nous rédigeons ce dossier, nous ne savons pas ce qu’il adviendra de l’intégration scolaire, dans le cadre des Pôles territoriaux. Depuis 2009, les élèves présentant des difficultés d’apprentissages pouvaient bénéficier d’un soutien de l’enseignement spécialisé, tout en restant dans leur école ordinaire. Pour permettre ce maintien, la ou le titulaire de la classe recevait le soutien d’un enseignant de l’enseignement spécialisé afin de lui apprendre à aider l’enfant en difficulté scolaire. C’est le Décret Intégration de 2009 qui définit cette mise en place. Le Pacte pour un enseignement d’excellence voit le maintien dans l’ordinaire au travers d’ « aménagements raisonnables », ce dont les élèves de milieux populaires n’auront pas droit, n’étant pas à besoins spécifiques. Il faudra donc aider les professeurs à mettre en place des pédagogies adaptées à ces enfants…. probablement sans aide extérieure. A suivre….
Dans TOUS LES CAS, il faut favoriser la mise en place de ce processus d’intégration de l’élève, afin de lui permettre de rester dans son école ordinaire, au sein de ses relations sociales, et éviter ainsi qu’il soit scolarisé dans une école qui n’est pas la sienne, située dans un autre quartier et qui, de toute manière, n’est pas à même de lui apporter les savoirs auxquels il a droit.
[2]
C.E.B. = Certificat d’études de base. Premier diplôme, délivré à la fin de la
sixième primaire.
[3] Décret
organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[4] Expression inconnue en pédagogie. Aucune
école ne nivelle par le bas.
[5] Décret
définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de
l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre
en Communauté française de Belgique (24/07/1997).
[6]
La dispense de cours « frontaux » n’est pas enseigner, mais seulement
débiter des « matières » aux rares élèves qui ont l’envie ou la
capacité de suivre. Ils s’éloignent de toute forme de pédagogie et leur
résultat en est l’échec d’élèves qui pourraient parfaitement réussir dans un
système à pédagogie active qui prend soin de tous.
[7]
Selon l’OCDE, il faut 5 générations
pour sortir de la pauvreté. Orienter ces enfants vers l’enseignement spécialisé
est, de facto, les condamner à la pauvreté et donc condamner leurs futurs
enfants, petits-enfants… jusqu’au moins la 5e génération.
1 : pour les élèves présentant un
retard mental léger
2 : pour les élèves présentant un
retard mental modéré ou sévère
3 : pour les élèves présentant des
troubles du comportement et/ou de la personnalité
4 : pour les élèves présentant un
handicap physique
5 : pour les élèves hospitalisés
(maladies ou convalescences)
6 : pour les élèves malvoyants et
non-voyants
7 : pour les élèves sourds,
malentendants ou dysphasiques graves
8 : pour les élèves présentant des
troubles instrumentaux (perception, motricité, langage, mémoire) et des
troubles d’apprentissage
[9] L’enseignement spécialisé comptait 37 843 élèves en 2017-2018
[10] Par exemple un retard du langage, des troubles isolés de l’articulation ou des troubles complexes du langage oral, des troubles lexicographiques, une dyscalculie ; des troubles du raisonnement, un bégaiement, un mutisme sélectif ; une hyperkinésie, une instabilité psychomotrice ; un retard psychomoteur ou d’autres troubles psychomoteurs ; des tics isolés ; la maladie de Gilles de la Tourette ; une intrication de troubles psychomoteurs et du langage, etc. La liste est longue…
[11] Décret organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[12] Larousse.fr : Ensemble des opinions communes aux membres d’une société et qui sont relatives à un comportement social. Ensemble des croyances et des idées non objectives.
[13] 1 B = 1ère différenciée, destinée à accueillir les élèves qui n’ont pas leur CEB et à le leur faire acquérir. La 1ère D, à son tour, ne sera pas capable d’assumer sa mission vis-à-vis de ces élèves. Notre enseignement n’est pas fait pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage (et donc n’est pas capable d’enseigner). Elle les rejettera par la suite en les orientant vers l’enseignement professionnalisant.
[15] Nous parlons uniquement des élèves qui ont été orientés pour des raisons socio-économiques et culturelles. Il y a un faible pourcentage d’élèves possédant de véritables handicaps instrumentaux, physiques ou mentaux. Nous ne parlons pas d’eux dans cet article.
[17] Les derniers indicateurs de l’enseignement taisent ces chiffres, se centrant exclusivement sur le type 8. Comme quoi, il y a encore du boulot pour informer le citoyen… Mais fondamentalement, extrêmement peu de choses ont changé.
[18] Récoutez Thomas Gunzig « Les gogol sont de sortie » https://www.facebook.com/LaPremiereRTBF/videos/la-plume-de-thomas-gunzig/1003456693483325/
1. Quel doit être le rôle de l’école dans la lutte contre les LGBT-phobies ?
Réalités de la société d’aujourd’hui
« Dans
notre société, les LGBT-phobies sont en progression. Il n’est pas une semaine
où les réseaux sociaux ne relaient des agressions homophobes. La plupart des
agressions homophobes sont le fait de jeunes gens. Ces jeunes ne sont pas
sorti·e·s du système scolaire depuis des décennies, mais visiblement, et quelqu’ait
été leur parcours, ils/elles n’ont pas reçu toute l’éducation nécessaire pour
déconstruire leurs croyances ou l’éducation homophobe qu’ils/elles ont reçue,
qu’elle soit familiale, sociale, culturelle ou philosophique. On ne naît pas homophobe, on le devient !Seule l’école est en position de
lutter contre les représentations homophobes auxquelles ces jeunes ont été
confronté·e·s et qu’ils/elles ont intégrées.
C’est
parce que nous voulons une société inclusive, qui permette à tout être humain
d’être pleinement intégré à la société, quelles que soient les différences
sociales, physique, intellectuelles, de genre ou sexuelles, que nous voulons
aussi une école inclusive, qui éduque les futur·e·s citoyen·ne·s à être les
fondateurs et fondatrices de cette société inclusive, et pour participer
activement à sa transformation vers plus de justice. En luttant contre
l’homophobie, on lutte aussi contre tous les racismes et toutes les
discriminations qui minent les relations sociales de notre société [1]».
Ce constat,
nous l’établissions lors d’une conférence de presse le 21
novembre 2018, dans le cadre de la Journée internationale des Droits de
l’Enfant.
Réalités de l’école d’aujourd’hui
Aujourd’hui, les familles sont multiples. La famille
« traditionnelle » s’est transformée et présente de multiples
visages, tous aussi différents – mais intéressants – les uns que les autres.
L’école est donc confrontée à une réalité à laquelle elle ne s’est jamais
vraiment préparée. Pour la doxa[2]
scolaire, la famille idéale est toujours celle où le père gagne le pain du
ménage et où la maman ne travaille pas et s’occupe des devoirs des enfants
après l’école. Bref, une famille d’un autre âge.
Aujourd’hui, les enseignant·e·s sont confronté·e·s à des élèves qui
vivent dans des familles monoparentales, recomposées, adoptives, hétéroparentales,
homoparentales, riches, pauvres, désinvesties ou surinvesties, de cultures
différentes. Qu’elles/ils soient issu·e·s de l’une ou de l’autre de ces
familles, tou·te·s les enfants peuvent se sentir marginalisé·e·s et souffrir.
Dans chacune de ces catégories vivent des enfants, des jeunes qui se vivent différent·e·s, parce que le genre ou l’orientation sexuelle qui leur ont été assignés à la naissance ne correspondent pas à leur ressenti, à ce qu’ils/elles sont profondément. Toutes les écoles, sans la moindre exception accueillent des enfants qui sont concerné·e·s par les LGBT-phobies. Et ce chiffre est, sans doute en-deçà de la réalité. Par exemple, on estime à environ deux élèves par classe le nombre d’enfants concerné·e·s par le simple fait d’avoir un·e parent·e homosexuel·le[3], sans l’être pour autant elles/eux-mêmes. On estime qu’ils représentent, dans l’ensemble, au moins 10% de la population scolaire[4]. Chaque enseignant·e peut ainsi estimer facilement le nombre des élèves dont il ou elle a la charge, qui sont concerné·e·s et ainsi mettre en place les outils de formation et de prévention indispensables (voir plus bas[5]).
Pourquoi demander au écoles de combattre les
homophobies et transphobies ?
Comme le souligne l’UNESCO, « le harcèlement homophobe est un
problème éducatif qui doit être traité par le secteur de l’éducation ». Il viole le droit à l’éducation de tous et
compromet les résultats éducatifs. Il remet en cause le droit au respect au
sein de l’environnement scolaire : égale dignité de tous les enfants, respect
de leur identité, de leur intégrité, de leur droits de participation et
protection contre les toutes les formes de violence.[6]
Après la fin de leur école secondaire, de nombreux·ses jeunes gays,
lesbiennes ou transgenres affirment que l’école a été, pour eux, un lieu de
grande souffrance. Souvent ces jeunes ont été témoin de violences homophobes.
Parfois, ils en ont été les premières victimes. Le harcèlement les
intimidations, les coups, voire les viols sont le plus souvent inconnus des
enseignant·e·s car cela se fait dans des lieux où les professionnels ne vont
pas nécessairement souvent (vestiaires, toilettes, coins de cours de
récréation, transport scolaire, …), hors et pendant les heures de classes. Parfois
aussi au sein de la classe par des réflexions ou des insultes homophobes.
Ces jeunes ont dû, la plupart du temps, vivre leur orientation sexuelle
de manière cachée, dans la honte et la peur d’être découvert·e·s. De ce fait,
ces jeunes ne réclament pas d’aide. Ils et elles ont peur de la réaction des
adultes, peur d’être dénoncé·e·s à leurs parents, à l’ensemble des professeurs,
…
Ces jeunes ne bénéficient dès lors pas du soutien qu’ils méritent et
d’un environnement apaisé, c’est-à-dire sensibilisé depuis le plus jeune âge et
accueillant pour les différentes orientations sexuelles.
Enfin, le contexte scolaire est l’un des principaux lieux qui permet aux jeunes l’intégration sociale et l’apprentissage de la vie en société. C’est un milieu riche qui décèle de grands potentiels dans de nombreux domaines, dont l’éducation à la diversité. A cette fin, Les enfants doivent pouvoir bénéficier, dès le plus jeune âge, de l’apprentissage du vivre ensemble dans notre société. Ces lieux, que sont les écoles, sont des espaces d’émancipation individuelle mais également collective. On y parle trop « disciplines », c’est-à-dire « matières traditionnelles » et trop peu émancipation. Pourtant, le Droit international ne parle pas de droit à aller à l’école, mais de droit à l’éducation[7].
Aussi, chaque enseignant·e[8] qui
vise à devenir inclusif (même de mathématique, de physique, de langues, …) est
avant tout une éducateur/trice. Elle/il se donne pour mission d’éduquer et
d’émanciper les élèves. Malheureusement, trop souvent, ceux-ci ne reçoivent pas
les informations sur les orientations sexuelles et on ne les sensibilise que
trop peu au respect de toutes les différences, car l’école elle-même a des
difficultés avec ces notions. L’homosexualité et les orientations sexuelles
minoritaires restent un sujet tabou dans les classes, que l’on confie à des
intervenant·e·s externes qui interviendront une ou deux fois durant la
scolarité, alors que l’éducation au vivre ensemble et à l’acceptation de toutes
les différences sexuelles et autres doit être faite au quotidien.
Chaque école est responsable de cette sensibilisation. Mieux que cela, de cette éducation ! Chacune d’entre elle, de la maternelle à la fin du cycle secondaire (et nous n’abordons même pas l’enseignement supérieur qui est plus que concerné) se doit d’entreprendre des actions concrètes, non seulement en terme de prévention – et donc d’assurer un climat de sécurité et de protection tant des élèves que des adultes – mais également qui permettent le développement personnel des jeunes, quelles que soient leurs différences.
Le travail de prévention permet d’éviter que des élèves subissent, à un âge où à un autre, des agressions homophobes ou transphobes, ou vivent mal leur scolarité dans un climat de peur impropre à quelque apprentissage qui soit. Ce qui vaut pour les élèves peut également valoir pour les adultes. Il ne faut pas oublier qu’environ 10% d’entre eux sont également concerné·e·s par les LGBT-phobies. Ils ont besoin du soutien de toute la communauté enseignante.
Il y a donc lieu de mobiliser tout le monde, depuis le Pouvoir organisateur jusqu’aux jeunes, en passant par les directions, les membres du personnel enseignant, ouvrier et administratif. Sans oublier les parents qui, pour certains, peuvent venir en soutien de ces projets.
« Mais ne va-t-on pas nous accuser de
prosélytisme ? »
Un certain nombre de parents, même parmi
les plus ouverts, émettent des réserves lorsqu’on envisage de parler
d’homosexualité à des élèves d’école maternelle ou primaire. Il en va de même
dans le milieu enseignant. Pour certain·e·s, de ces personnes, l’homosexualité
reste un tabou, une peur qu’ils pensaient profondément enfouie, mais qui se
révèle ne l’être pas autant que cela. Pour certaines personnes au sein de notre
société, les relations hétérosexuelles et les relations homosexuelles ne sont
pas équivalentes.
Trop souvent encore, des enseignant·e·s
ont des réticences à prononcer même les mots « homophobie » ou
« homosexualité » par crainte des réactions de leurs collègues, de
certains élèves et de leurs familles. Il y a un « tabou » qui empêche
l’utilisation de ces mots et les place sous une chape de plomb.
Tabou qui n’a plus de raison d’être puisque, depuis juin 2012, en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) a été reconnue officiellement par Décret comme une des missions de l’école. On ne peut donc parler de prosélytisme si l’école remplit une de ses missions. L’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle commence en maternelle et continue tout au long des 15 années d’école obligatoire[9]. On y aborde de manière adaptée à l’âge des enfants, tous les sujets qui touchent la vie affective et la vie sexuelle. Sous tous leurs angles ! Donc dès lors aussi celui des différentes orientations sexuelles et ce, pendant 15 ans. Même les professeur·e·s homophobes – il y en a sans doute peu, mais il y en a – sont tenu·e·s de respecter la Loi et donc d’éduquer leurs élèves à lutter contre l’homophobie et la transphobie. Cela ne peut que faire du bien intellectuel à ces soit-disant professionnel·le·s, car ils/elles sont déficitaires en ce domaine.
Concernant les parents qui ne voudraient pas que l’on parle d’homosexualité à leur enfant, nous conseillons aux écoles de mettre clairement ce point dans leur projet d’établissement (ou dans le projet pédagogique), auquel les parents doivent adhérer chaque année. En cas de plainte de leur part, il suffira de leur montrer qu’ils ont marqué leur accord en début d’année. Cependant, on peut leur expliquer que c’est dans l’intérêt de leur enfant de recevoir une information sur ce sujet. Si le/la jeune est d’orientation homosexuelle ou bisexuelle, elle/il pourra directement bénéficier de cette information et construire son identité en harmonie avec son entourage. Si l’enfant est d’orientation majoritairement hétérosexuelle, l’information sur le sujet ne peut qu’éclairer son jugement et lui apprendre à respecter les personnes lesbiennes, gays ou bisexuel·le·s.
En abordant l’Evras et, plus spécialement les différentes orientations sexuelle, on diffuse un message de tolérance, d’accueil de l’autre dans toutes ses réalités, on apprend aux élèves à respecter les différences. Il est important de combattre les idées fausses, démystifier l’homosexualité (chacun·e a sa propre orientation sexuelle, on ne devient pas homosexuel en fréquentant des copains ou copines qui le sont, pas plus qu’on ne le devient en vivant dans une famille homoparentale[10]). Il faut également rappeler le Droit : les discriminations ou actes homophobes, lesbophobes, transphobes sont interdits et punissables[11]. Enfin, cela permet d’expliquer aux élèves qu’ils et elles doivent être empathiques, venir en aide aux victimes de la violence, et dénoncer les agresseur·e·s, fût-ce-t-ils des adultes de l’école.
[1] Jean-Pierre
Coenen, Ligue des Droits de l’Enfant 21 novembre 2018, Appel
aux écoles : Devenez des Ecoles pour Tou·te·s !
[2] En philosophie, la doxa est l’ensemble — plus ou moins homogène — d’opinions (confuses ou pertinentes), de préjugés populaires ou singuliers, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles se fonde toute forme de communication ; sauf, par principe, celles qui tendent précisément à s’en éloigner, telles que les communications scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Doxa).
[3] Rapport
de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude
de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en
France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout
à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union
hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de
transparentalité, moins nombreuses, mais
qui existent et nécessitent d’être prises en compte. Conclusion : en moyenne,
au moins deux élèves par classe sont concernés ».
[4] De nombreux pays les
pays qui ont étudié depuis longtemps la population concernée par sphère
LGBTQI+, comme la Belgique, la Suède, les États-Unis ou le Canada. Suite à ces
études, le pourcentage couramment admis, qui inclut les sous-déclarations dues
à la peur de l’homophobie et repose sur une approche plus précise de la
bisexualité est de 10 %. Il suffit de diviser la population de sa classe pour savoir
combien d’élèves sont concernés.
[5] Dans une école inclusive, ces outils et ces formations sont réfléchies et mises en place par l’ensemble de l’équipe pédagogique. Quand on est seul·e dans sa classe, il existe des outils disponibles sur Internet via le site www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/ ou d’autres sites spécialisés.
[6] Booklet 8/Education
Sector : Response to homophobic Bullying – UNESCO – 2012.
[7] Convention internationale des Droits de l’Enfant 20 novembre
1989, Art 28 « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à
l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit
progressivement et sur la base de l’égalité des chances (…) ». Même si l’institution que les Etats charge de faire
respecter ce Droit sont les écoles, le texte ne cite pas une seule fois le mot
école. Il s’agit donc bien de droit à l’éducation qui « doit viser à :
a) favoriser
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs
potentialités ;
b) inculquer à
l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des
principes consacrés dans la Charte des Nations unies ;
c) inculquer à
l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses
valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans
lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations
différentes de la sienne ;
d) préparer
l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans
un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et
d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux,
et avec les personnes d’origine autochtone ;
e) inculquer à
l’enfant le respect du milieu naturel. »
[8] Nous
partons du principe que l’enseignant·e inclusif·ve s’est progressivement formé·e
à l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences
et difficultés scolaires ou de vie. Elle ou il est capable de transmettre tous
les savoirs à tou·te·s les élèves. Il ou elle ne pratique pas la sélection et
donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[9] En
Belgique l’école commence à 2,5 ans et se termine à 18 ans (dans le meilleur
des cas), mais elle n’est obligatoire que de 5 à 18 ans.
[10] DORAIS
Michel, Mort ou fif, la face cachée du suicide chez les garçons, Éditions VLB,
2000. Le professeur Michel Dorais constate aussi une tendance à la baisse de
l’âge de découverte de son homosexualité chez les jeunes LGBT : le plus souvent
entre 12 et 15 ans. Michel Dorais précise les conditions de cette prise de
conscience : « La découverte de son attirance envers les personnes du même sexe
est plutôt une évolution qu’un événement soudain. Graduellement, au cours de
l’enfance ou de l’adolescence, le jeune garçon ou la jeune fille s’aperçoit
qu’il ou elle ne réagit pas en son for intérieur comme la majorité de ses
congénères. L’émoi que ses compagnons ou compagnes expriment devant les
personnes de l’autre sexe, c’est plutôt (ou en plus, pour les jeunes bisexuel
le s) à l’endroit de personne du même sexe qu’il ou elle l’expérimente. Au
début, il n’y a pas forcement de mot ou d’étiquette à placer dessus. Seulement
une impression d’étrangeté. C’est le plus souvent à travers la pression sociale
au conformisme que prend forme dans la tête de l’enfant ou de l’adolescent la
constatation suivante : il se pourrait que je sois différent-e de ce que l’on
attend de moi… »
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