La « démission parentale », mythe ou réalité ?

La « démission parentale », mythe ou réalité ?

INTRODUCTION

Si la place des parents dans l’institution scolaire a évolué au fil du temps, elle n’a cessé d’être un questionnement pour tous les acteurs éducatifs concernés. Le discours sur la démission des parents est récurrent et vise particulièrement les familles populaires les plus démunies face à la scolarité de leurs enfants.

L’investissement scolaire des parents ne semble pas suffisamment conforme aux attentes de l’institution scolaire et des enseignants qui attendent que les parents soient des auxiliaires de l’école, capables de prolonger et de renforcer son action éducative. Ils déplorent qu’une partie des parents ne signe pas le journal de classe, ne vient pas aux réunions de l’école, n’aide pas assez les enfants dans les tâches scolaires.

Dès lors et avec tous ces signes concordants, pour de nombre de politiques, de médias, d’éducateurs, de professionnels de l’école et même de certains parents qui en jugent d’autres, il ne faut pas chercher plus loin : c’est bien la faute aux familles qui font mal leur boulot de parents. Leur « démission » apparaît donc évidente.

DEVELOPPEMENT

Pendant longtemps, l’École n’avait pas d’attente vis-à-vis des familles, tout simplement parce qu’elle cherchait à sortir les enfants de leur milieu social et culturel peu érudit pour en faire des citoyens instruits, sans le concours de leurs parents.

A partir du début des années 70, la massification de l’enseignement ne s’est pas accompagnée de sa démocratisation, engendrant une problématique nouvelle, celle de l’échec scolaire. Face à la difficulté de faire réussir tous les enfants, la question de la place et du rôle des parents a pris une place croissante.  

Ceux-ci ont alors été reconnus comme membres de la communauté éducative avec, en contrepartie, l’injonction subliminale de suivre la scolarité de leur enfant de manière assidue et efficace. Ce qui n’a pas été véritablement suivie d’effet, au regard des professionnels de l’éducation.

Pourquoi certains parents ne cherchent-ils pas à s’investir plus, même quand ils y sont «  incités  » ? L’explication la plus commode, qui élude la remise en question de l’échec de notre système éducatif, est trop souvent celle de la démission parentale. Les parents sont perçus comme responsables de l’échec de leur enfant. Il s’agirait donc de parents qui ne s’investiraient pas suffisamment dans le suivi et l’encadrement scolaire de leurs enfants.

Devenue une représentation sociale culpabilisante, la « démission parentale » est fortement vécue comme stigmatisante et injuste par les parents concernés. En effet, dans l’imaginaire collectif, elle est synonyme pêle-mêle de laxisme et de mauvaise maîtrise des savoirs éducatifs. La personnalité des parents, leur manque de savoir-faire ou encore leurs problèmes de couple seraient à l’origine des difficultés scolaires de l’enfant. Dans de telles conditions, comment demander à des familles qui se sentent négativement perçues par l’école d’y entrer et d’y trouver leur place ?

Au contraire, la recherche montre la place centrale qu’a l’école pour les familles populaires. Celles-ci ont bien compris qu’avec le chômage et la précarité qui les frappent, non seulement l’école offre la chance principale de levier social pour leurs enfants, mais aussi qu’elle ne peut être négligée sans courir un risque d’être socialement disqualifiées.

L’inquiétude des familles concernant les résultats scolaires de leurs enfants se traduit par de nombreuses tentatives de mobiliser diverses ressources comme les écoles des devoirs. Ceci démontre bien l’implication de ces parents issus de milieux défavorisés qui n’ont souvent ni les moyens financiers de payer des cours privés, ni les compétences pour aider leurs enfants, ni les codes de l’école nécessaires pour faire face aux difficultés scolaires. Quel parent ne voudrait-il pas voir son enfant réussir sa vie scolaire ou ne verrait pas, dans la réussite de son enfant, la preuve de sa propre réussite éducative ? 

Il est un constat assez parlant de cet engagement parental. Depuis de nombreuses années, il est pour ainsi dire devenu impossible de trouver une place dans les 346 écoles de devoirs[1] en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les listes d’attente s’allongent au grand dam des familles angoissées.

On retrouve la même tendance à incriminer les parents dans les cas de délinquance. Les parents seraient incapables de contenir et de prévenir les premières dérives des jeunes.

Pourtant une étude de la sociologue Laurence Giovannoni[2] montre que le mode éducatif en jeu dans l’accusation de « démission parentale » ne constitue qu’un facteur parmi d’autres dans le processus de délinquance juvénile. Il se combine à d’autres déterminants sociaux, tels une situation socioéconomique difficile et un rapport conflictuel et douloureux à l’institution scolaire.

L’étude souligne que plus d’un quart des familles de mineurs délinquants présente « un bon cadre éducatif ». Un autre quart des familles étudiées rencontre des difficultés relationnelles. Elles ne peuvent cependant pas être désignées comme « démissionnaires », dans la mesure où elles font explicitement appel, comme évoqué plus haut, aux structures d’assistance éducative. Ces parents se trouvent souvent démunis face à l’influence des autres élèves, face à la personnalité propre à leur enfant, à leurs difficultés à gérer sa période d’adolescence et aussi à leur manque de dialogue avec le corps enseignant[3].

Pour mieux comprendre cette représentation de « parent démissionnaire », tournons-nous vers son exact opposé, le parent méritant :

Toujours souriant, toujours à l’heure, impliqué dans l’éducation de son enfant et dans sa scolarité, sans jamais être envahissant, disponible, mobilisé, impliqué, le parent méritant a un travail. Ceci est important car, grâce à ce travail, il ne va pas étouffer son descendant de sa présence. Un travail valorisant et à responsabilités pour que son enfant puisse avoir un modèle sur lequel se projeter. Mais cette activité ne lui prend pas trop de temps non plus, afin qu’il puisse consacrer à son enfant un temps suffisant pour son développement et son équilibre affectif.

Le parent reçoit en retour les fruits de son investissement. Son enfant est poli, intéressé par l’école, ses devoirs sont toujours faits, ses cahiers bien tenus, il n’oublie jamais ses affaires, dort suffisamment toutes les nuits, ne s’ennuie jamais en classe, ne bouscule pas ses camarades, mange des fruits et légumes tous les jours. Idéalement, l’enfant pratique également un certain nombre d’activités extrascolaires mais sans que cela n’empiète sur son temps de classe.

Bref, l’idéal type du parent méritant est cadre, avec des moyens financiers et culturels conséquents mais avec un emploi du temps suffisamment léger pour ne pas être un parent absent.

Inutile de dire que la représentativité de ces «  parents idéaux  » dans l’ensemble de la population scolaire est nettement minoritaire[4], voire inexistant.

A l’opposé, on constate que la grande majorité des parents ne dispose pas du temps suffisant, du fait des conditions de vie professionnelles et familiales précaires et contraignants. A cet aspect s’ajoute la modestie relative du capital culturel effectivement mobilisable chez les parents peu instruits et/ou en situation de pauvreté qui les rend tout simplement incapables de soutenir leurs enfants autant que l’école attend d’eux. C’est encore plus le cas dans les familles primo-migrantes qui ne maîtrisent pas le français et ne connaissent pas le fonctionnement de l’école. 

Loin d’être  « absents » ou « démissionnaires »,  ces parents doivent lutter, souvent au quotidien, pour subvenir aux besoins primaires de leur famille.

Jeter la pierre sur ces parents contribue à cacher le vrai problème de notre système éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles qui est fortement inégalitaire. Les difficultés scolaires sont liées, en grande partie, à l’origine socio-économique des élèves : 74 %  des élèves de 16 ans issus de milieux moins favorisés accusent un retard scolaire contre 35% dans les familles plus favorisées[5].

Philippe Meirieu le disait très bien en 1997 déjà : « Nos villes, nos écoles et nos jeunes sont ainsi traversés par une frontière Nord-Sud. Certains enfants vivent avec un cerveau à deux hémisphères sociaux. L’un gère la pauvreté, les urgences de la survie immédiate, la débrouille au moindre coût, la famille patriarcale ou matriarcale ; l’autre les mathématiques et la physique (…)[6] » 

Les mondes politique, économique et scolaire continuent de fonctionner comme s’il y avait toujours un parent à la maison pour harmoniser les horaires à une époque où le contexte social et économique leur impose de travailler tous les deux. Et que dire des familles monoparentales ? Que dire du ou des parents dont l’enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé sachant que l’offre d’établissements de proximité est aléatoire et impose souvent de longs déplacements[7].

Deux parents qui travaillent doivent composer avec des rythmes scolaires et professionnels très différents : l’école primaire impose un horaire, l’école secondaire un autre et le travail de chaque parent en impose un autre encore !

Des parents qui sont déjà suffisamment occupés de leurs côtés et qui doivent s’occuper de jeunes dont l’identité ne se résume plus à celle de l’élève et pour qui l’école n’est plus le centre d’intérêt principal. Ces parents doivent alors gérer leur temps dans un espace-temps éclaté. Une brèche dans laquelle s’est infiltrée la sphère marchande qui met enfants et jeunes en valeur et surtout sous influence, en créant de nouveaux « besoins » de consommation. Depuis plusieurs années déjà, un problème supplémentaire bouscule un peu plus les rapports intrafamiliaux, c’est celui de la culture numérique. Smartphones, tablettes, ordinateur, réseaux sociaux, jeux vidéo ont envahi le quotidien et le temps des jeunes qui n’ont jamais été aussi connectés aux écrans et au monde virtuel. Parallèlement, ils n’ont jamais été aussi déconnectés du monde réel: selon un sondage Ifop réalisé en France en 2013 déjà, 78 % des jeunes des moins de 25 ans se disent dépendants aux smartphones ! 

En Belgique comme en France, on parle maintenant de pratique invasive et même addictive à l’écran au même titre que la drogue. Le problème est tel qu’il est devenu un enjeu de santé publique (problèmes d’agressivité, de troubles de sommeil, de vue, de stérilité,…). Une situation qui se répercute fortement sur les rapports entre enfants et parents, créant de nouvelles sources de tensions entre eux. Un nombre croissant de ces derniers se sente démunis au point qu’on entend maintenant parler de burn-out parental. Selon une étude publiée en novembre 2018 par la Ligue des familles[8], six famille sur dix déclarent avoir de grosses difficultés à concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle, s’ils en ont une !

Nombreux sont les parents qui se sentaient déjà démunis face à leur perte d’autorité car il convient de prendre en compte que « dans la majeure partie des cas, les facteurs de pauvreté et d’environnement social sont déterminants : ce sont eux qui ruinent la capacité de contrôle des parents [9]».

Avec tous ces constats, peut-on encore sérieusement tenir ce jugement simpliste de « parents démissionnaire »?

Les enseignants semblent de plus en plus conscients de ces facteurs qui compliquent la fonction parentale, surtout quand eux-mêmes sont confrontés à ces difficultés en tant que parents. Grâce notamment au soutien entre autres des écoles des devoirs et en général du tissu associatif qui favorise le dialogue entre enseignants et parents, ceux-ci ne demandent qu’à être mieux informés sur les programmes et les objectifs pédagogiques de l’école avec un langage accessible pour eux.

Face à toutes les difficultés qu’éprouvent les familles à assumer leur rôle, face aux diversités grandissantes des formes de familles qui vont de la monoparentalité à l’homoparentalité en passant par les familles recomposées, un nombre grandissant de parents fait appel aux services de soutien à la parentalité.

Des mesures d’aide qui vise à accompagner, à aider les parents à éduquer leurs enfants et à subvenir à l’ensemble de leurs besoins éducatifs, affectifs, scolaires, culturels et sociaux. Le site ‘parentalite.be’ est né de cette volonté des différents ministres du gouvernement de la FWB de « répondre de manière positive aux enjeux posés par l’exercice, souvent difficile, de la parentalité. »[10]

Aujourd’hui, une série d’organismes est à la disposition des parents pour les aider à assurer leurs fonctions et ce dès la naissance de leur premier enfant (ONE, maisons de la parentalité, associations de parents, associations dispensant des formations de français, de cours d’informatique, d’alphabétisation, …).

Ces centres et ces activités qui leur sont réservés répondent à des besoins spécifiques et contribuent à renforcer leur « accrochage » en tant que parents.

Ailleurs dans le monde, de telles structures existent depuis fort longtemps. En France, le contrat de réussite on a été créé il y a près de vingt-cinq ans déjà. Celui-ci vise à ouvrir l’école sur le quartier pour créer les conditions d’un partenariat efficace. Il organise également des campagnes de valorisation de l’éducation et de l’école, avec comme objectif d’inciter les parents et les communautés à s’impliquer dans la scolarisation des enfants et jeunes.

 Il existe aussi un dispositif appelé la « mallette des parents » qui vise à un plus grand dialogue avec les parents, en les informant sur une meilleure connaissance de l’école et de son fonctionnement.

Depuis 2013, un modèle partenarial institutionnel a vu le jour qui s’est concrétisé par une loi appelée Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République etqui évoque une redynamisation du dialogue entre école, parent, collectivité territoriale et secteur associatif et affirmant que « la promotion de la coéducation est un des principaux leviers de la refondation de l’école. »[11]

Au Québec, il existe depuis les années 60 une collaboration et un partenariat étroits entre communautés éducatives (enseignants-parents-associations). Cette collaboration propose un modèle éducatif plus proche de la notion de coéducation, basée sur une conception partagée de la réussite scolaire en visant aussi le développement personnel et une meilleure insertion professionnelle du jeune.

Dans les pays scandinaves ou au Québec, on a compris depuis fort longtemps que l’implication des parents est fortement corrélée à la performance scolaire de leurs enfants[12], comme d’ailleurs tous les travaux de recherches le montrent.

Des modèles d’implication des parents dans la vie de l’école existent, comme celui proposé par le psychosociologue Jean Epstein et qui peut se traduire par des modes de partenariat visant à aider les familles dans leur rôle de soutien et les écoles dans leur rôle de compréhension des familles.

L’école a donc tout intérêt à s’ouvrir réellement à la mixité sociale et culturelle des familles, à la prise en compte des difficultés rencontrées par les parents, selon un mode bienveillant, traduisible au quotidien par des lieux passerelles pouvant accueillir des parents avec des horaires moins contraignants pour eux et les enseignants à différents moments de l’année, dans des cadres moins rigides, avec des activités périscolaires sollicitant les compétences parentales et destinés à « construire un corpus commun de valeurs éducatives à l’école et aux familles »[13]

CONCLUSION

Il est difficile de croire à l’arrivée sur le « marché familial » d’une génération spontanée de parents démissionnaires inaptes à éduquer leurs enfants. Le problème est bien plus complexe que ce que le slogan facile de la « démission parentale » tend à faire croire. Bon nombre d’enquêtes le confirment[14], rares sont les parents qui ne se soucient pas du parcours de leur enfant.

Malgré cela, la conviction d’une démission éducative des parents en situation socio-économique difficile n’en reste pas moins fortement ancrée à tous les niveaux du système éducatif. Un système qui ne s’est pas encore remise en question et qui a du mal à s’adapter aux évolutions de la société et des familles. Cette évolution résulte aussi de la complexité grandissante de la fonction éducative, de l’engagement professionnel des deux parents, de l’instabilité et de la précarité sociale et culturelle des familles de milieux populaires.

Lorsque la position sociale de la famille contredit de fait la promesse d’un destin social acceptable, pourquoi le jeune prendrait-il vraiment au sérieux ses parents dont il est loin de voir en eux un modèle? [15]  

Lutter contre l’échec scolaire et l’impuissance passe naturellement par la lutte contre la précarité.

Un nombre non négligeable de ces parents se sente dépassés car confrontés à des difficultés de vie qui sont souvent incompatibles avec l’exercice de leurs responsabilités parentales.

Pour y faire face, des organismes ont été créés et sont, le plus souvent, subventionnés par les pouvoirs publics en vue de soutenir les parents dans leur fonction avec l’objectif de leur proposer des espaces de discussion, d’échanges et de formations, en veillant à éviter des modèles ou des normes éducatifs.

Le monde associatif a bien saisi l’importance de ce soutien parental : de nombreuses associations dispensent parallèlement aux écoles de devoirs, des ateliers de calcul, d’alphabétisation, de langues, d’initiation à l’informatique et de nombreuses activités culturelles. Ces activités répondent aux attentes et besoins de ces parents et contribuent à renforcer leur « accrochage » face à l’éducation et à la scolarité de leur enfant.

Affirmer que la soi-disant « démission parentale » est responsable de l’échec scolaire, c’est avant tout placer la responsabilité éducative sur le dos uniquement des parents, ce qui déresponsabilise bien trop facilement l’ensemble des adultes présents à l’école. Le personnel des écoles de devoirs, des services d’accueil extrascolaire (dont les garderies scolaires) sont tous concernés par l’éducation des enfants et la transmission des règles de savoir-vivre. Tous ont leur rôle à jouer.

Concernant le rôle dévolu aux parents, Edmund Bergler conclut son étude en ces termes : « Tout ce que l’on peut raisonnablement attendre des parents est qu’ils fassent de leur mieux pour les enfants. »[16]


[1] http://www.ecolesdedevoirs.be/qui-sommes-nous

[2] Laurence Giovannoni, « La démission parentale facteur majeur de délinquance : mythe ou réalité ? », Sociétés et jeunesses en difficulté, n°5, printemps 2008.

[3] Mahy Ch. Parents pauvres au quotidien, in Revue Politique, Revue de débat, num. 68 janvier-février 2011.

[4] Indicateurs de l’enseignement 2019, page 26,27

[5] Ibid.

[6] MEIRIEU PH.,GUIRAUD M.,L’école ou la guerre civile, Plon,Paris,1997

[7] FAPEO, Joëlle Lacroix – Ne cherchez plus, c’est la faute aux parents, 2011

[8] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_burn-out-parental-20-des-parents-se-disent-au-bord-du-gouffre?id=10060492

[9] L.Mucchielli, La démission parentale en question : un bilan de recherches, Centres de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales, Bulletin d’information, France 2000.

[10] https://parentalite.be/

[11] Coéducation : quelle place pour les parents. Dossier de veille de l’IFE « num..98 », janvier 2015

[12] Ibid.

[13] Georges Fotinos, Le divorce école-parents en France, mythe et réalité en 2015, Enquêtes quantitatives auprès des directeurs d’école maternelle et élémentaire, des personnels de direction des lycées et collèges et des parents d’élèves.

[14] Travaux de B. Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires, Paris, Gallimard/Seuil, 1995. D. Thin, Quartiers populaires. L’école et les familles, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1998.Ch. Mahy, Parents pauvres au quotidien, in, Revue politique, Revue de débats n° 68, janvier-février 2011. 

[15] L.Mucchielli, La démission parentale en question : un bilan de recherches, Centres de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales, Bulletin d’information, France 2000.

[16] E. Bergler, Les parents ne sont pas responsables des névroses de leurs enfants. La peur injustifiée des parents de commettre des erreurs, édit. Payot, 2001, sur http://www.megapsy.com/autre_bibli/biblio010.html

Le droit aux loisirs et au repos,  un droit encore largement méconnu et peu respecté

Le droit aux loisirs et au repos, un droit encore largement méconnu et peu respecté

Les Droits de l’enfant sont multiples et complexes. On en connaît généralement assez peu que l’on répète à l’envi, comme s’ils étaient un tout : droit à l’éducation, droit de ne pas être séparé d’avec les parents, protection contre les mauvais traitements, adoption, travail des enfants, protection dans les conflits armés, justice pour mineurs, … Ces droits sont communément reconnus. Qui oserait aujourd’hui réclamer la réintroduction du travail forcé à 14 ou 16 ans pour les enfants « qui ont l’intelligence de la main[1] », le retour des sévices corporels ou l’enrôlement de mineur·e·s dans des forces armées ? En veillant au respect de ces droits, nous apaisons notre bonne conscience.

Mais, face à ceux-ci, de nombreux droits de l’enfant continuent à être méconnus, voire niés. Donner des droits aux enfants reste laborieux, près de 30 ans après l’adoption de la CIDE[2]. Quand les adultes prennent des décisions qui les concernent, que ce soit en famille, à l’école ou au niveau politique, le respect de leur intérêt supérieur et le principe de non-discrimination sont souvent oubliés. Par exemple, et pour ne pas la citer, s’il y a bien un lieu où la discrimination règne en maître, c’est à l’école, seul lieu de passage obligé pour la quasi-totalité des jeunes.

De même, les libertés d’expression et d’association sont carrément bafouées. Tenir compte des demandes de ses enfants en termes de liberté d’association (choix des ami·e·s, de participation à un mouvement de jeunesse, …), ou en termes de choix d’études ou d’inscription dans un club sportif, par exemple, a du mal à passer chez des parents qui, dès leur naissance, savaient à l’avance ce qui serait bon pour eux.

Sur la liste des droits de l’enfant mal connus ou méconnus, nous pouvons classer le « droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique[3] ». Ce constat est général, la plupart des Etats investissent peu dans le respect de ces droits. Le Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU précise que « les investissements consentis pour leur donner effet sont insuffisants, la législation visant à les protéger est lacunaire ou inexistante, et les enfants sont, pour ainsi dire, invisibles dans les politiques nationales et locales de planification [4]». Les investissements « ne concernent que l’organisation d’activités structurées et organisées »,  poursuit le rapport. Ceux-ci oublient trop souvent le temps et les espaces nécessaires à la spontanéité, tant dans les activités récréatives que créatives. En résumé, ces droits sont largement bafoués !

De plus, certaines catégories d’enfants sont plus discriminées que d’autres. Le Comité cite les filles, les enfants issus de familles précarisées, des enfants porteurs de handicaps, les enfants autochtones et ceux appartenant à des minorités. Dans certaines familles, les tâches domestiques et les travaux scolaires, toujours plus lourds empêchent les enfants d’exercer leurs droits aux loisirs et au repos.

Importance de l’article 31 dans la vie des enfants

L’article 31 doit être compris comme faisant partie d’un tout, aussi bien en ce qui concerne sa teneur que sa place dans l’ensemble de la Convention. Tous ses éléments sont liés entre eux et se renforcent mutuellement, et contribuent, lorsqu’ils sont appliqués, à enrichir la vie des enfants. Pris ensemble, ces éléments constituent les conditions nécessaires pour préserver l’unicité de l’enfance tout en tenant compte de son caractère évolutif. Ils jouent un rôle déterminant dans la qualité de l’enfance, l’exercice du droit des enfants à un développement optimal, la promotion de la résilience et la jouissance d’autres droits[5].

Mais quels sont ces droits et que représentent-ils pour les enfants ?

Le repos est un besoin fondamental et psychologique de l’enfant.

Le manque de repos peut avoir un impact irréversible sur la santé et le bien-être de l’enfant. Se reposer, ce n’est pas seulement dormir, c’est aussi un temps à ne rien faire ou à faire ce que l’on veut. Contrairement à la croyance de certains parents qui surinvestissent leurs enfants, le repos permet à l’enfant de se concentrer, d’être plus attentif·ve, plus actif·ve et d’avoir l’énergie nécessaire pour participer à toutes les activités qui lui sont proposées.

Le jeu permet de réinventer le monde en exerçant sa propre créativité.

Si l’enfant a le droit de se livrer au jeu, c’est parce que celui-ci est essentiel à son épanouissement. C’est un moment de partage, de convivialité et de socialisation. Le jeu est naturel chez l’être humain. Il se caractérise aussi par l’amusement qu’il procure et il développe chez l’enfant de multiples compétences comme la logique, l’esprit de déduction, le sens de l’anticipation, la résolution de conflits ainsi que des apprentissages sociaux tel celui de savoir perdre et accepter que l’autre gagne.

La participation à la vie culturelle et artistique fait ressortir chez l’enfant le sentiment d’appartenance à une communauté.

Outre l’aspect fondamental d’appartenance à notre humanité, cette participation concourt à la construction de l’identité des enfants et de leur préhension du monde. Cela leur permettra de contribuer, à leur tour, à dynamiser la vie culturelle et les arts traditionnels pour en assurer la pérennité. Par leurs productions artistiques et culturelles, les enfants participeront ainsi à la construction d’une démocratie plus égalitaire et plus inclusive, et au vivre ensemble qui seront les bases de la société de demain. Une société qui permettra à chacun·e, et notamment les enfants issus de familles socialement exclues, de trouver une place dans le dialogue démocratique, d’échanger et d’agir en société.

La culture est le patrimoine et le terreau d’une société. Elle peut prendre un nombre infini de formes bénéfiques aux enfants : danse, chant, théâtre, musée, cinéma, médias… Ceux-ci peuvent ainsi découvrir et interroger le monde et leur environnement.

Les vacances sont un temps de « ressourcement » à part entière

Les vacances sont bien un droit car elles sont avant tout du repos. Elles créent une rupture des rythmes quotidiens que sont l’école, la vie à la maison et dans le quartier, les activités dites « extrascolaires »… et sont propices au bien-être et au lien parents-enfant, mais aussi au jeu, à l’émancipation, à la découverte de nouveaux apprentissages et à la construction du lien social dans un autre espace-temps, plus proche du rythme des enfants.

En somme, en donnant du temps aux jeunes en dehors de leurs conditions quotidiennes d’existence, les vacances permettent à chacun·e de faire des découvertes inattendues, de se confronter à des situations nouvelles et ainsi de se découvrir soi-même et les autres, autrement.  

La Belgique, élève moyenne, en retard d’une guerre.

Si de nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années par les Communautés pour améliorer l’accès des enfants au repos, aux loisirs et aux activités culturelles et artistiques, notre pays manque encore cruellement d’espaces de jeux, d’espaces récréatifs et de lieux de rencontre informelles pour les jeunes, en particulier dans les régions rurales. Le manque d’infrastructures de jeux sécurisées ou d’espaces propices au jeu et à la rencontre contraint les enfants à rester chez eux ou jouer dans des espaces confinés et les jeunes à traîner leur ennui d’aubette de bus en halls d’entrée d’immeubles sociaux.

De nombreux enfants sont encore privés d’activités de loisirs, et ne parlons même pas d’accès aux arts et à la culture. Plus de 10 % des familles en situation de pauvreté ne bénéficient pas de loisirs réguliers et 40 % des enfants vivant à Bruxelles et en Wallonie ne bénéficient pas d’une semaine au moins de vacances par an.  Les conditions de vie socioéconomiques empêchent de plus en plus de familles à accéder à la culture et aux loisirs.

Les enfants porteurs de déficience physique et/ou intellectuelle sont très souvent exclus des plaines de jeux par manque d’accessibilité tout comme ils n’ont souvent pas accès à certaines associations culturelles et sportives par manque de projets d’inclusion. Cette discrimination à l’accès empêche l’intégration harmonieuse avec les autres enfants.

Par contre, d’autres enfants sont en situation de sur-stimulation. Certaines familles cherchent à armer au mieux leurs enfants en s’engageant dans « l’hyper-éducation ». Dès lors, ceux-ci sont inscrits à de multiples activités parascolaires qui prennent tout leur temps libre, au détriment de leur rythme biologique et de leurs besoins de repos et de ne rien faire.

Les secteurs d’activité comme l’éducation, la culture, les loisirs éducatifs manquent cruellement de financement. Celles-ci sont remplacées par des activités privées lucratives auxquelles certaines familles n’ont pas financièrement accès.

Enfin, l’école en Communauté française est chronophage. Elle empiète sur le temps libre des enfants et des jeunes, sur leur vie de famille et les surcharge (et se décharge) de tâches qui relèvent de ses missions pédagogiques. On sait combien la régulation des travaux à domicile dans l’enseignement fondamental n’est, pour ainsi dire, pas respectée ce qui engendre des conséquences néfastes pour les enfants et leurs familles : hyper-éducation, coûts financiers, culpabilisation, mobilisation du temps libre de la famille. Enfin, les horaires scolaires ne sont pas en phase avec les rythmes chrono-biologiques et chrono-psychologiques de l’enfant. Il s’agit d’une source supplémentaire d’inégalités dans l’accès aux loisirs, à la culture, aux sports et au repos.

Enfin, les enfants et les jeunes restent encore trop peu consultés avant les prises de décisions en matière de droit au repos, aux loisirs et à la culture, que ce soit au familial, au niveau communal et au niveau scolaire, trois niveaux qui devraient montrer l’exemple en matière de respect des droits de l’enfant. 

Le droit au repos, aux loisirs et à la culture, un droit à défendre comme tous les autres.

On l’a vu, les droits définis par l’article 31 de la CIDE sont essentiels à l’équilibre, au bien-être et à la santé de l’enfant. Ils participent de son éducation à la citoyenneté et de la construction du lien social qui aident à en faire un citoyen du monde. Ces droits doivent donc être respectés à tous les niveaux.

Si les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer en finançant suffisamment l’extrascolaire et les lieux de créations artistiques, en repensant l’espace public trop souvent dédié à la mobilité, en augmentant les infrastructures et en le réaménageant de manière à permettre aux enfants et à leurs familles de le réinvestir, en créant des lieux de vacances pour les familles populaires, en renforçant les investissements d’espaces de jeux dans les lieux publics, etc., ils ne sont pas les seuls à devoir agir. Nous avons tou·te·s notre rôle à jouer, en actionnant les leviers auxquels nous avons accès.

Au sein des écoles, en plaçant des jeux dans les cours de récréation afin qu’elles soient adaptées à l’extrascolaire et pour que ces dernières ne soient plus genrées (filles et garçons jouant à des jeux différents, étiquetés « jeux de garçons et jeux de filles »). En garantissant le respect du rythme chrono-biologiques et chrono-psychologiques des enfants et en révisant les rythmes scolaires. Mais aussi en garantissant le respect de la réglementation relative aux travaux à domicile et en l’étendant jusqu’à 18 ans, afin de garantir le respect de l’article 31 tout au long de la scolarité obligatoire.

Pour les lieux de culture et de loisir, en veillant à une hétérogénéïsation du public, en refusant de s’inscrire dans un processus de marchandisation et en veillant à ce que toute famille ait accès à l’offre. Enfin, en sensibilisant les parents à l’intérêt des loisirs et du temps-libre pour leurs enfants.

Enfin, pour tou·te·s, en considérant le temps libre comme un véritable temps d’éducation, en mettant sur pied des logiques d’accueil et d’activités inclusives qui permettent la participation active de tou·te·s les enfants, et en ne surinvestissant pas leur temps libre. Sans oublier d’interpeller notre Conseil communal afin qu’il veille au respect de l’article 31 sur l’ensemble de son territoire.

Voici brièvement quelques pistes sur lesquelles chacun·e, à son niveau, peut agir. Le simple respect de ces droits permet à des enfants vivant d’autres discriminations d’être un peu plus heureux et de voir la vie de manière plus positive, et non plus seulement avec les difficultés de vie inhérentes à leur situation. C’est un droit qui procure du bonheur, non seulement le temps où celui-ci est exercé, mais aussi par après, quand la vie reprend son cours habituel. On n’est plus seul·e, abandonné·e dans son coin, on crée des liens, on découvre ses capacités, on développe des compétences nouvelles, on est acteur de ses droits et, ainsi, on devient citoyen·ne de ce monde. Voilà pourquoi ce droit doit être défendu pour tous les enfants, avec un focus sur les plus discriminé·e·s (enfants socialement défavorisé·e·s, handicapé·e·s, réfugié·e·s, filles, …). C’est un combat qui mérite toute l’implication des citoyen·ne·s soucieux·ses des droits fondamentaux de tou·te·s les enfants.


[1] Expression néolibérale pour désigner les enfants qui ne réussissent pas à l’école dans les matières « nobles » (math, français, sciences, …)

[2] CIDE = Convention Internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 20 novembre 1989)

[3] Article 31 de la CIDE

[4] Nations Unies, Comité des droits de l’enfant. Observation générale no 17 (2013) sur le droit de l’enfant au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives et de participer à la vie culturelle et artistique (art. 31), p 3

[5] Nations Unies, Comité des droits de l’enfant. Observation générale no 17, ibid. p 4

Point sur les Français en situation de handicap en Belgique

Point sur les Français en situation de handicap en Belgique

Plusieurs reportages sur différents média ont attiré l’attention du public sur le scandale de l’exil de milliers de personnes handicapées françaises en Belgique.

Au-delà de certains reportages sensationnels, nous devons faire un point. Il n’est pas question de généraliser à l’absolu la dénonciation d’attitudes mercantiles dues à certaines directions d’établissement ou responsables de société et nous rappelons que la plupart des employés belges exercent leur métier avec dévouement dans ces établissements.

Mais les carences françaises ont créé un « business » en Belgique ; le tarif accordé par les organismes financeurs français étant plus intéressant que les subventions belges, surtout que ces dernières sont fixes à l’année, tandis que pour les Français, le prix est calculé à la journée. D’où l’intérêt des établissements de rechercher des résidents le plus loin possible en France, afin que les retours au domicile soient le moins fréquents au possible. C’est ainsi que des associations d’usagers de Perpignan, de Corse… reçoivent des publicités vantant « les mérites » de tel ou tel établissement belge pour personne handicapée !

Cependant, il est vrai que les normes belges étant moins contraignantes que les normes françaises, notamment sur le bâti et le taux d’encadrement, le séjour en Belgique est moins coûteux qu’en France. D’autant plus que les établissements qui accueillent les Français sont pour la plupart des établissements non agréés ni subsidiés par l’Agence Wallonne pour l’intégration de la personne handicapée (AWIPH), mais disposent seulement d’une autorisation de prise en charge (APC). Ce sont des organismes privés, ASBL (Association sans but lucratif) ou sociétés (SA ou SPRL) qui les gèrent. Ils relèvent de l’Article 288 (anciennement article 29) du Code décrétal wallon de l’Action sociale et de Santé et sont soumis à des normes moins strictes que les établissements agréés.

Cela étant, cette réalité rentre en conflit avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, puisqu’elle entraîne une discrimination entre la population étrangère et la population autochtone handicapée.

Mais les associations de défense des usagers handicapés ne sont pas au bout de leur peine pour faire respecter les droits de ces usagers. L’accord-cadre franco-wallon venant de rentrer en vigueur il y a peu prévoyait des contrôles binationaux, afin de pouvoir faire appliquer la législation belge, les bonnes pratiques françaises et surtout, les associations l’espéraient, pouvoir contrôler les éléments outrepassant les compétences de la Région Wallonne en étant dévolues à d’autres gouvernements, telles la scolarisation effective des enfants, l’adéquation de la médication délivrée au dossier médical… Malheureusement, aucun budget n’a été dégagé côté français pour ce faire.
Les derniers évènements médiatiques ont eu pour effet d’entraîner le 1er contrôle conjoint franco-belge. Espérons qu’un budget soit dégagé afin que ce soit plus qu’un « one-shot »destiné à un effet de communication que pour un véritable travail de fond.

Néanmoins, la grande question qui se pose est : quand cet exil de nouvelles personnes cessera-t-il enfin ? S’il n’est pas question de rapatrier contre leur volonté des personnes qui désirent rester dans notre pays où elles ont leurs habitudes, pourquoi n’arrive-t-on pas à endiguer les nouvelles arrivées ?

Plusieurs réponses :
Tout d’abord, l’aspect économique (évoqué plus haut, avec les normes moins coûteuses) ;
Ensuite l’investissement dans le bâti qui serait à effectuer en France ;
(On peut constater par ces deux premières raisons que seul le court terme préoccupe les décideurs français ; que font-ils de la perte d’emplois générée par cet exil ?) Cette manne d’emplois est par contre bienvenue en Belgique !

Le choix des familles qui veulent donner le plus de chance à leur enfant, notamment au niveau de la scolarisation, la Belgique étant reconnue pour ses pédagogies adaptées, notamment au niveau de l’autisme et du polyhandicap ;
Le manque de prévoyance : depuis des décennies, les gouvernements n’ont pas anticipé l’allongement de la durée de vie de la personne handicapée (ce qui est bien sûr une heureuse nouvelle, mais a pour conséquence d’augmenter le manque de places), l’espérance de vie des grands prématurés qu’on sauve aujourd’hui, avec parfois d’importantes séquelles susceptibles d’être à l’origine de handicaps et surtout… la scolarisation calamiteuse des enfants en situation de handicap, notamment les enfants avec autisme, déficience intellectuelle… Aujourd’hui, s’il y a tant d’adultes dépendants, c’est que l’on n’a pas agi afin de leur offrir une chance d’être autonome.

Le pire, c’est que cela risque fort de continuer pendant longtemps, malgré certains frémissements au niveau législatif et dispositions chez nos voisins d’Outre-Quiévrain. On peut saluer ces orientations sur la bonne voie que sont les lois favorisant l’inclusion, mais il y a loin de l’écrit aux réalités du terrain. Le 3eplan autisme français a pris aussi des engagements courageux, notamment quant à la volonté de suivre les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, la création des Unités d’Enseignement à pédagogie adaptée à l’autisme en maternelle, mais en quantité bien insuffisante pour répondre à la prévalence de l’autisme combinée à la classe d’âge sur les trois ans du plan… 700 places dans le désert qu’était jusqu’à présent la prise en compte de l’autisme en France, alors que sa prévalence ne cesse d’augmenter, c’est bien sûr une très bonne nouvelle pour 700 familles, mais pour les autres ? On peut aussi déplorer que les places de SESSAD (Services d’accompagnement) et les postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap ne seront pas aussi en nombre suffisant, même si leur augmentation est prévue.

Le problème ne fera donc que s’aggraver, et la situation est déjà explosive. Mais quand donc l’Éducation nationale française prendra-t-elle pleinement ses responsabilités ? Quand donc offrira-t-on une vie de dignité et d’inclusion dans la société, à proximité de leurs familles et attaches, à ces enfants et adultes en situation de handicap ? Le verrons-nous un jour ?

Pendant que de nouvelles « Usines à Français », soumises à des normes moindres, poussent comme des champignons, les familles belges elles ne trouvent pas de solutions pour leur proche ! Cependant, en aucune façon les Français ne « prennent » les places aux Belges, puisque ces places n’ouvrent que pour eux et ne sont subsidiées que par la France.

En ces temps d’austérité, ce sont toujours les plus fragiles qui paient le prix fort. Et en premier. On trouve des milliards pour sauver des banques, mais des millions pour arrêter une déportation qui ne dit pas son nom, on ne veut pas les trouver.
Isabelle Resplendino
Pour les personnes concernées : vous trouverez un guide à l’intention des usagers français en situation de handicap en Belgique et de leurs familles ou représentants légaux à télécharger sur le site de l’Association pour les Français en situation de handicap en Belgique, l’AFrESHEB ASBL, à l’onglet « Documentation ».

Les Droits de l’enfant ne peuvent être opposés à des « devoirs » ?

Les Droits de l’enfant ne peuvent être opposés à des « devoirs » ?

 » Donner des droits aux enfants, quelle ineptie ! « 

Cette réflexion nous la rencontrons constamment dans notre action quotidienne. Déjà, en 1991, alors que la Belgique venait à peine de ratifier la Convention et que nous allions dans les écoles au devant des enseignants pour les inviter à faire connaître la CIDE auprès des premiers concernés, nous nous entendions souvent répondre « les droits de l’enfant c’est très bien, mais qu’on leur apprenne d’abord leurs devoirs ». Aujourd’hui encore dans certains milieux mal informés, on continue à penser de la sorte. Dernièrement, un Groupe d’experts chargé du pilotage de la Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance se positionnait (LE SOIR du lundi 19 novembre 2007) pour l’ajout d’un 55e article à la CIDE qui préciserait que l’enfant a droit d’avoir des devoirs. Et bien, posons donc la question avec eux : « Pourquoi seulement des droits et pas des devoirs ? »

L’enfant a mis très longtemps à avoir des droits. Alors que les monstruosités de la Guerre 40-45 engendraient, par réaction, une Déclaration universelle des droits de l’Homme, il fallut attendre 41 ans de plus pour que des droits spécifiques soient enfin attribués à l’enfant. Celui-ci, en effet, a besoin de droits complémentaires que l’adulte n’a pas : le droit à l’éducation, à l’adoption, à vivre avec ses parents, à ne pas être enrôlé dans une armée et nous en passons.

Bien sûr le texte actuel est loin d’être parfait. Il s’agit d’un consensus qui a été durement négocié entre États. C’est dans le cadre de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU qu’elle a été rédigée. Depuis lors, les Droits de l’Enfant sont intégrés dans le domaine des Droits de l’Homme.

Puisque les Droits de l’Enfant sont une composante des Droits de l’Homme, ils ne peuvent pas exprimer de devoirs ou d’obligations. Exprimer des devoirs n’a aucun sens dans un texte qui consiste essentiellement en une série d’obligations qu’a chaque État vis-à-vis de chaque enfant, soit directement, soit par le biais des parents.

Si les devoirs ne sont pas énumérés dans la Convention, la raison en est toute simple : les devoirs sont la conséquence de l’exercice des droits. Dès que je veux exercer un droit, je me dois de le respecter – et de le faire respecter – vis-à-vis de mes concitoyens. Mon droit à la parole ne sera réellement un droit que si je respecte votre droit à la parole. Pour paraphraser Voltaire : «  Je peux n’être pas d’accord avec vous mais je dois me battre jusqu’à la mort pour que vous puissiez vous exprimer ». En outre, un droit n’est gagé par aucun devoir : vous n’avez pas à me remercier si je respecte votre liberté d’expression. Pourquoi attendre alors d’un enfant ce que l’on n’attend pas d’un adulte ? Personne ne crie au scandale quand on ne parle pas des devoirs de l’homme mais uniquement de Droits de l’homme. Pourquoi alors continuer à demander qu’un enfant remplisse d’abord des devoirs !  Pour avoir droit à un nom et une nationalité, pour ne pas être abusé, pour pouvoir être adopté ?

Fort heureusement, il n’est jamais question de remettre ces droits fondamentaux en cause, ni de les associer à des devoirs préalables. Ce que certains adultes reprochent à la CIDE c’est que les enfants ont des droits, alors qu’ils ont l’impression que les leurs sont bafoués. D’où le sentiment d’avoir affaire à des enfants rois. Les Droits de l’Enfant remettent en cause un système de relation adulte-enfant établi par des siècles de relation de stricte autorité. Il faudra des décennies pour changer radicalement les mentalités.

Le droit à avoir des devoirs est pourtant contenu dans la Convention, principalement dans son article 29 qui traite de l’éducation et qui précise qu’il faut inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (…), le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, (…) et des civilisations différentes de la sienne, le préparer à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone ; enfin, il faut  inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel.

En imposant le droit à l’éducation, la CIDE fixe par là même les devoirs de l’Enfant. L’enfant a donc le droit d’avoir des devoirs, c’est bien inscrit dans le texte. Aussi il est utile de rappeler que ce texte est contraignant tant pour l’Etat qui remplit sa mission via l’Ecole, que pour les parents. A chacun d’assumer son rôle, dans le respect des Droits des enfants, pour former des citoyens respectueux des droits et des libertés. Autrement, ce serait un déni de droits !

Depuis 20 ans les enfants ont des droits.  En sommes-nous conscients ?

Depuis 20 ans les enfants ont des droits. En sommes-nous conscients ?

Le 20 novembre prochain, cela fera vingt ans que l’assemblée générale des Nations Unies votait à l’unanimité la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE). Elle affirmait ainsi que les enfants avaient besoin d’une protection et d’une attention particulière en raison de leur vulnérabilité. Vingt ans après, qu’ont apporté ces droits aux enfants de notre planète et, plus spécifiquement, en Belgique ?

Chaque année dans le monde, huit millions et demi d’enfants meurent de faim ou du manque d’eau potable. Deux millions d’enfants meurent de maladies disparues de nos contrées, et qui auraient pu être évitées grâce à des vaccins coûtant moins d’un dollar. Année après année, 200 000 enfants meurent victimes de combats armés et 300 000 sont engagés de force dans des conflits locaux.

Au moment où vous lisez cet article, 8 millions d’enfants abandonnés dorment dans les rues et 3 millions sont victimes des réseaux de prostitution. Enfin, comment ne pas rappeler que 211 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans sont exploités économiquement. Parmi ceux-ci 115 millions ne sont pas scolarisés.

20 ans de Convention n’ont rien changé pour des centaines de millions d’enfants et cela ne nous empêchent pas de dormir. Pourtant, nous sommes tous concernés. La CIDE s’adresse non seulement aux Etats mais à tous les citoyens de ce monde. Elle nous donne mission de défendre les droits de tous les enfants, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. C’est un devoir citoyen. Nous nous trouvons face à un massacre perpétuel d’innocents dont nous sommes tous coresponsables. Nous sommes responsables de fermer les yeux, de soutenir des régimes corrompus ou d’enrichir des multinationales qui vivent de l’exploitation humaine. Les droits des enfants du Tiers Monde, c’est avant tout ici, en Europe, qu’il faut commencer à les respecter ! Le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes très loin d’être performants.

Il est pertinent maintenant de nous demander comment ont évolué ces droits dans notre pays.  Nous préoccupons-nous mieux des enfants vivant chez nous, et nous efforçons-nous de respecter leurs droits, alors que nous ne nous préoccupons que très peu des droits des autres enfants du monde ?

Fort heureusement, les enfants ne meurent plus de faim en Belgique. Mais si ce droit fondamental est assuré, beaucoup d’autres droits sont déniés, essentiellement pour certaines catégories de populations.

Même si on ne meurt plus de faim en Belgique, tous ne sont pas égaux en matière d’alimentation. Il n’est pas rare que des enfants partent sans tartines à l’école et ne mangent pas de la journée. A contrario, les cas d’obésité résultant d’une mauvaise hygiène alimentaire sont en croissance dans les milieux les plus défavorisés.

En matière de droit au meilleur état de santé possible, on doit constater que de plus en plus de familles n’ont plus les moyens d’accéder aux soins de santé. De nombreuses parents repoussent la visite chez le médecin le plus longtemps possible et limitent les médicaments qu’ils ne peuvent pas payer. Quant au nombre de cancers chez les enfants il est en augmentation constante.

Les enfants en danger ne manquent pas. Nos villes aussi ont leurs enfants des rues. Bien sûr ils n’y dorment pas ou très peu. Ils ont un toit qu’ils regagnent (parfois fort tard) le soir. Mais ils vivent des journées entières dans la rue et y sont à la merci de tous les dangers.

La liberté est mise à mal. La CIDE affirme que nul enfant ne peut être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. Pourtant, la Belgique prive encore et toujours, de manière arbitraire, des familles de demandeurs d’asile avec enfants ou des mineurs étrangers non accompagnés. Elle les enferme dans des centres fermés qui n’ont rien à envier à la pire de nos prisons.

Le travail des enfants est, fort heureusement interdit. Mais, qui d’entre nous n’a pas rencontré un enfant qui donnait un coup de main dans un commerce, une exploitation agricole, un stand de foire ? Enfant de commerçant ou petite main payée quelques euros ? Quoiqu’il en soit, le travail des enfants de moins de 15 ans est illégal et contraire à leurs droits fondamentaux. Mais il continue à bénéficier de la bienveillance de madame et monsieur tout le monde.

Il n’y a pas, dans la société belge, de vaste mouvement social qui vise à dénoncer ces atteintes quotidiennes multiples aux droits des enfants. Au contraire, nous avons l’impression qu’en dehors des formes de maltraitances caractérisées, les citoyens de ce pays ne sont pas sensibilisés à la défense des droits de tous les enfants. L’enfant n’est pas encore devenu, dans les mentalités, ce sujet de droits qu’il est pourtant, dans les faits, depuis 20 ans aujourd’hui.

Si nous voulons voir un jour la Convention respectée dans notre pays il faudra d’abord que celle-ci soit connue et comprise par tout un chacun. Chaque jour, les militants des droits de l’enfant constatent que ceux-ci sont non seulement méconnus mais surtout niés. Lorsqu’en 1992 en lançant la Ligue des Droits de l’Enfant nous cherchions à faire connaître la Convention dans les écoles, très souvent nous nous voyions rétorqué « Les droits de l’enfant c’est très bien mais qu’on leur apprenne d’abord leurs devoirs ! » Nous mesurions alors à quel point le chemin serait long avant que les droits de l’enfant n’entrent dans la conscience collective.

Quand le 19 novembre 2007, à l’occasion des 18 ans de la CIDE, le groupe d’expert chargés du pilotage de la Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance de la Communauté française écrivait une carte blanche proposant que l’on ajoute un 55e article à la Convention qui préciserait que l’enfant a le droit d’avoir des devoirs, nous avons pu constater combien, en presque deux décennies, peu de chemin avait été parcouru. Les droits fondamentaux de l’enfant font étonnamment très peur aux adultes.

Personne, jamais, ne proposerait d’ajouter un article à la Déclaration universelle pour préciser les devoirs de l’Homme. Mais quand il s’agit d’enfants, leurs devoirs doivent impérativement passer avant leurs droits ! Le mythe de l’enfant-roi est bien ancré, tout comme cette peur qu’il nous vole notre pouvoir d’adultes ou ne nous monte sur la tête.

Les adultes n’ont pourtant rien à craindre de la Convention. Les articles 28 et 29 de la CIDE, traitant de l’éducation et de ses objectifs, sont très clairs. La citoyenneté implique des devoirs : ceux de respecter ses parents, les valeurs culturelles et nationales, le milieu naturel et les droits de l’Homme tels que définis dans la Déclaration universelle ; donc le respect de tous les autres Hommes. Ceci implique, bien naturellement, le respect de ses pairs, de ses éducateurs, de ses voisins, … Et, c’est aux adultes que revient le rôle d’éduquer les enfants et les jeunes !

Ce qui est inquiétant, c’est que des experts en charge de l’aide aux victimes de la maltraitance tiennent encore un tel langage. Ces gens, qui sont indubitablement de bonne volonté,  relaient un discours que nous entendons depuis 20 ans dans le monde de l’éducation. Malgré la naissance de la CIDE, l’idée que les élèves puissent avoir des droits n’a pas encore été acceptée. Au contraire ! Plutôt que de leur donner des droits, il faudrait avant tout renforcer leurs devoirs.

Si, par-dessus toutes les autres, il y a une institution qui a le devoir de respecter, promouvoir et défendre les droits de tous les enfants, c’est l’Institution scolaire. L’Etat l’a chargée de remplir son obligation d’éduquer tous les enfants sur la base de l’égalité des chances.

Malheureusement, 20 ans après, nous devons constater que ces droits n’ont pas encore trouvé leur place à l’Ecole. Pire, cette dernière est restée un lieu de non Droits qui brise l’avenir de plus des deux tiers des enfants qui lui sont confiés. Bien sûr, il y a des écoles qui sont de véritables îlots de paix où les droits sont respectés. Loin de moi l’idée de les nier. Mon discours ici se veut global et vise avant tout l’ « Institution scolaire en Communauté française », l’Ecole avec un « E » majuscule.

Celle-ci n’est autre qu’un système archaïque qui n’a jamais voulu s’adapter à l’évolution du Droit. De ce fait, l’égalisation des chances pour tous y est une utopie. Les chiffres sont éloquents. Chaque année, 60 000 élèves redoublent et 17 000 jeunes sont orientés précocement vers des formations dévalorisées dont ils ne veulent pas. Pourtant, il est scientifiquement prouvé, depuis près de 50 ans, que les redoublements ne servent à rien et sont nuisibles (ils engendrent d’autres redoublements et intensifient l’abandon scolaire). Pire, les effets psychologiques qu’elles génèrent sur les jeunes et leurs familles doivent nous faire considérer les pratiques du redoublement et de l’orientation précoce comme de véritables maltraitances. A cela s’ajoutent 20 000 abandons annuels. Vingt mille jeunes qui, chaque année, se retrouvent sur la rue sans le moindre diplôme. En comptant les 1 400 jeunes qui sont mis à la porte des écoles, le bilan de l’Ecole est lourd : ce n’est rien moins que 100 000 élèves qui, chaque année, sont socialement détruits! C’est énorme ! Mais ceci n’est encore que la pointe de l’iceberg !!!

Il faut tenir compte des chiffres cachés. Pour ne citer que quelques exemples, prenons ces dizaines de milliers d’élèves démotivés et largués, orientés de force vers une formation dont ils ne veulent pas et qu’un conseil de classe leur a imposée. Il y a aussi ces milliers d’enfants déscolarisés à domicile et tous ceux qui sont placés en hôpital pour pouvoir continuer à bénéficier d’un enseignement, alors que leurs écoles les ont rejetés. Le nombre de phobiques scolaires est en augmentation constante. Il y a des dizaines de milliers d’enfants physiquement présents dans les classes mais psychologiquement exclus pour cause de précarité (les voyages scolaires onéreux – avez-vous une idée du prix d’un « déplacement pédagogique » à Euro Disney ou à Walibi ?, les classes de plein air impayables, les musées que l’on ne sait pas visiter, les bricolages que l’on ne sait pas payer…). Il ne faut pas négliger l’importance des conflits entre élèves qui ne sont pas gérés par les institutions et qui dégénèrent en absentéisme sournois. Et les milliers d’enfants handicapés que les écoles refusent d’intégrer alors que l’inclusion dans un enseignement ordinaire, avec tous les autres enfants, est un droit défini par la Convention relative aux droits de la personne handicapée.

Au terme d’une scolarité de 12 ans, moins d’un tiers des élèves (27 %) s’en sort sans échecs. Mais avec quel message, quelle éducation donnée par le système scolaire ? Ils doivent être les meilleurs, battre les autres pour réussir, marcher ou crever… C’est l’apprentissage de la compétition sociale. Surtout ne pas devenir de vrais citoyens solidaires !

Les deux autres tiers sont sacrifiés sur l’autel des devoirs de l’enfant. C’est l’école du non Droit. Il existe, au sein de l’Ecole mais également de la société, un lobby conservateur qui vise le renforcement de l’esprit compétitif à l’école et réclame de la part des élèves des valeurs traditionnelles telles que la volonté, le travail, l’effort, la compétition, le dépassement personnel. Le message est clair : « Surtout ne changeons rien et réservons la réussite scolaire à une élite … Notre élite » ! En tenant le langage « Tout le monde ne sait pas réussir » (ce qui, nous le verrons, est absolument faux) ce lobby veille à ce que l’Ecole ne soit jamais un lieu de droits, un lieu de citoyenneté, un lieu d’apprentissages pour tous.

L’égalisation des chances en matière d’éducation est largement combattue. Les derniers décrets « inscription » et « mixité » l’ont encore démontré avec l’émergence d’un mouvement visant à contrer la volonté politique de mixité sociale dans les écoles. Il y a un refus clair à ce que les enfants de familles modestes fréquentent à leur tour les écoles habituellement fréquentées par les familles socialement les plus favorisées.

Rappelons quand même que les sciences de l’éducation ont démontré depuis les années 60 – avec notamment les travaux du psychologue suisse Jean Piaget – que tous les élèves sont capables d’apprendre s’ils sont mis dans des conditions favorables. Les pays qui ont mis en place un tronc commun jusque 16 ans ont démontré depuis longtemps qu’il est possible de respecter le droit de tous les élèves, et que les systèmes éducatifs, tels que le nôtre, relèvent de la maltraitance.

Si l’on veut que les droits de l’enfant soient respectés en Communauté française, un énorme travail de re-sensibilisation semble indispensable. En 20 ans, nous n’avons que trop peu progressé. Si on ne s’attaque pas prioritairement aux mentalités, on pourra ressortir le présent article en 2029 sans y changer la moindre virgule. Durant ces 20 prochaines années, rien qu’à l’Ecole, onze millions d’enfants auront été sacrifiés (redoublements, abandons, orientations et renvois). Dans nos villes et nos villages, le travail des enfants restera une dramatique réalité qui, avec la crise ira en s’amplifiant ; de moins en moins d’enfants auront accès aux soins de santé, à la culture, aux loisirs ou à la protection contre la maltraitance ou le manque de soin. A quand le premier enfant mort de faim ?

Si des progrès conséquents ont été faits en matière de protection contre certaines formes de maltraitances vécues par les enfants, ce n’est jamais qu’un trop petit pas. Il reste beaucoup à faire, à commencer par la re-sensibilisation de tous. Savoir que les enfants ont des droits est une chose, connaître et accepter ces droits en est une autre. Sans cela ils ne seront jamais respectés.

Vingt ans après l’adoption de la CIDE par l’ONU, les défenseurs des droits de l’enfant, toutes associations confondues, sont encore à compter leurs militants bénévoles sur les doigts. Il n’est pas certain que nous puissions aligner deux équipes complètes pour jouer un match de football de bienfaisance. A titre de comparaison, les sociétés de protection des animaux ont des centaines de bénévoles et des dizaines de milliers de membres. Cherchez l’erreur…

La mixité à l’Ecole

La mixité à l’Ecole

Communiqué de presse 12 décembre 2008

Le décret mixité doit vivre

Le décret mixité est globalement un bon décret

Le décret mixité est globalement un bon décret. De par sa philosophie progressiste et humaniste, il vise à créer un enseignement secondaire enfin accessible à tous les enfants, dans le respect des droits de tous. Il permet aux familles les plus défavorisées d’accéder à des écoles qui, jusqu’alors, les rejetaient de la manière la plus abjecte qui soit. Il lutte enfin contre les privilèges que s’étaient octroyés certains milieux sociaux au détriment des moins nantis. C’est un décret citoyen qui respecte le droit de tous les enfants et de toutes les familles. Il ne peut faire l’objet d’un classement sans suite.

On ne peut laisser des familles dans l’angoisse

 Son point faible se trouve dans la gestion des inscriptions multiples. Actuellement, de nombreuses familles se trouvent dans l’angoisse, ne sachant si leur enfant va pouvoir aller dans une école de leur choix. C’est, évidemment, totalement inacceptable. Ce n’est pas la faute du décret mais de parents qui ont obtenu plusieurs « sésames » et qui refusent de faire connaître leur choix définitif, bloquant ainsi des centaines de places dans des dizaines d’écoles.

NON à la page blanche. Il faut simplement corriger ce qui ne fonctionne pas

 Nous appelons le Gouvernement de la Communauté française à ne pas jeter le décret mixité,  à ne pas repartir d’une page blanche et donc, à ne pas remettre en cause le droit des familles les moins favorisées. Nous demandons au Gouvernement de modifier les modalités concernant la gestion des inscriptions.Le traitement collectif des préférences est, selon nous, la meilleure solution. Nous pensons qu’il faut décharger les écoles de la charge des inscriptions pour les confier à un lieu neutre qui protègera le droit des familles les moins favorisées et créera une plus forte solidarité entre écoles.

Nous appelons les familles « gagnantes » à faire leur choix rapidement

 Nous appelons les familles qui ont bénéficié de plusieurs inscriptions suite au tirage au sort à manifester rapidement leur choix définitif afin de permettre aux familles en attente de bénéficier rapidement d’une place pour leur enfant. Il s’agit d’un acte citoyen élémentaire.

Le gouvernement doit prendre ses responsabilités

 Enfin, nous appelons le Gouvernement de la Communauté française à prendre ses responsabilités en obligeant les familles ayant gagné plusieurs places par tirages au sort à signaler leur choix définitif avant le 15 janvier sous peine de leur imposer ce choix selon des critères de proximité. On ne peut laisser les familles « malchanceuses » dans l’angoisse plus longtemps.

La Ligue des Droits de l’enfant appelle les partis de la majorité à maintenir et renforcer le décret mixité qu’ils ont élaboré en commun et dont les objectifs sont fondamentaux. Un gouvernement ne peut accepter la pression de quelques centaines de familles et d’associations opportunistes dont le seul objectif est le maintien de privilèges de castes, au détriment de l’immense majorité de la population et principalement des plus faibles.