RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion sur base de la préférence sexuelle

Témoignage de Matthieu (Matthieu, donne sa voix à un jeune qui est victime de discriminations au sein de l’école, parce qu’il est homosexuel)

Lorsque je suis rentré à l’école cette année, j’étais loin de me douter que j’allais être confronté à une sorte d’enfer qu’on appelle communément « discrimination ».

A cause d’une erreur que j’ai commise, je vis chaque jour avec la hantise de ce qu’il va m’arriver à l’école. Je m’explique… Je suis un jeune homosexuel de 18 ans. Je suis élève dans une école de la région liégeoise, en dernière année d’études secondaires. Je dois dire que, plus jeune, je n’aurais jamais imaginé être attiré par un garçon. Mais, en arrivant dans ma nouvelle école, à Liège, il y a 2 ans, j’ai dû me rendre à l’évidence : ce ne sont pas les filles qui me plaisent ni qui attirent mon regard. Quel choc pour moi de tomber amoureux d’un garçon ! Mais il fallait faire avec ! J’ai donc assimilé le fait de ne pas être comme les autres. J’ai bien dit « assimiler », pas « accepter »… Deux années ont passé. Je me suis forgé une place dans l’école : élève modèle, toujours « délégué » ou « co-délégué » de la classe, dévoué à l’école, qui ne rate jamais une journée – même malade – et qui s’est donné pour but dans la vie, de travailler dans cet établissement. En bref, j’adorais cette école !

Un jour, j’ai commis l’énorme bêtise d’aller sur un site de rencontre homo. Quel acte stupide… qui a entraîné de graves conséquences ! Peu de temps après, une prof a découvert que j’avais été sur ce site et ne l’a pas du tout caché à la classe dont elle était titulaire. Elle s’est empressée d’imprimer les « preuves » de mon « crime » et les a apportées au directeur. Les élèves, de leur côté, se sont empressés de répandre la nouvelle : « L’élève modèle de l’école est un homosexuel ! » Une information qui vaut de l’or… En très peu de temps, la nouvelle avait fait le tour de l’école. Les premiers ragots voyaient le jour et j’ai été convoqué chez le directeur. J’ai eu un jour de renvoi, qui était prévu pour la semaine suivante.

Le lendemain, les premières réflexions désobligeantes ont commencé. On me montrait du doigt… On murmurait sur mon passage… Ou alors, on ne se gênait pas de dire tout haut ce qu’on pensait. C’est alors qu’un sentiment de vide et de solitude est né en moi. Malgré le soutien des mes amis, je me sentais seul, triste, perdu. Le coup que la vie m’infligeait me laissait un sale goût amer. Les jours ont passé. Les remarques ont empiré.

Le jour de mon renvoi est arrivé. Les élèves de ma classe ont alors refusé d’aller au cours : ils n’étaient pas d’accord que je sois puni, alors que d’autres élèves vont sur des sites de rencontre hétéro. Parce que, moi, c’était un site gay, je devais être sanctionné. Non, disaient-ils ! Et ils ont eu gain de cause, après seulement 50 minutes. Mon jour de renvoi a été annulé et j’ai pu retourner aux cours. Leur soutien m’a fait chaud au cœur et m’a donné un peu de courage, un courage qui a – hélas – rapidement disparu, lorsque même des profs ne cachaient pas leur opinion à l’égard de mon homosexualité. Certains ont eu un changement radical envers moi : plus un « bonjour », plus un sourire, rien !

Les jours ont continué à s’écouler, chaque jour apportant son lot d’insultes, de moqueries, d’intolérance. Pendant un moment, je me suis laissé abattre : je ne voyais plus de raison de vivre… Pour quoi avancer ? Pour quoi continuer ? A quoi bon ces souffrances ? L’école où je me sentais si bien devenait mon cauchemar. Cela a dû se voir car une éducatrice m’a fait appeler au PMS de l’établissement. Là, j’y ai trouvé une oreille qui a écouté ma douleur et le calvaire que je vivais. Alors, la psychologue du PMS m’a conseillé d’aller au CHEL, un centre pour les jeunes homosexuels liégeois. Je dois avouer : je n’étais pas très emballé par l’idée. Mais j’y suis quand même allé. Car ma tristesse se transformait peu à peu en haine, une haine telle un poison qui se répandait dans mes veines et qui faisait de moi quelqu’un d’autre, complètement différent… un être qui ne ressentait plus qu’une immense colère, mais une colère que j’ai gardée au fond de moi. C’est sans doute cela qui m’a poussé à aller au CHEL.

Là, j’y ai trouvé des gens semblables à moi, avec la même différence. Je m’y suis même fait un ami génial qui m’a écouté, conseillé, un homme qui m’a redonné espoir. A présent, cela fait plus de deux mois que je supporte les moqueries incessantes et de plus en plus blessantes. Je sais qu’un changement s’est effectué en moi : je suis devenu quelqu’un d’impulsif, qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui s’en prend à des personnes qui ne lui ont rien fait ; quelqu’un qui est rongé par la tristesse et la haine, une haine indescriptible contre tous ces idiots qui jugent sans savoir de quoi ils parlent et qui font de ma vie un enfer. Quel contraste avec le garçon que j’étais ! Calme, timide, sensible, joyeux ! Je sais que ce garçon est encore quelque part en moi et je n’ai qu’un souhait : le retrouver. Car la personne que je suis devenue, je ne l’aime pas : elle me fait même peur !

Heureusement, j’ai conservé ma sensibilité, ma gentillesse. Ces deux choses me permettent de contrôler le plus possible mes émotions et de ne pas encore « péter un plomb ». Une chance qu’il y ait le CHEL ! Chaque semaine, j’attends avec impatience d’y aller mais s’il n’y avait pas là, que serait-il arrivé et combien de temps vais-je encore tenir ? Ma situation est invivable, un véritable enfer sur terre ! Je crois bien sombrer peu à peu dans la dépression. Ce sont des situations comme la mienne qui mènent au suicide. Je n’y suis pas encore. Je ne pense pas y arriver un jour, étant donné que je suis entouré. Mais nul n’est à l’abri d’un « pétage de plomb ». Là, je ne sais plus où donner de la tête, quel chemin prendre. On peut dire que je me suis perdu. La vie d’un homosexuel n’est pas toujours facile. Mais elle serait déjà plus simple s’il n’y avait pas tous ces idiots qui s’amusent à me pourrir la vie.

Jean-François Donfut, CHEL, Jeunes gay(e)s liégeois

CHEL, c’est l’acronyme de « Cercle Homosexuel Etudiant Liégeois », un des cercles homos qui existent en Communauté Française, ou « Cercle Arc-en-ciel Liégeois ».

Pour commencer mon intervention, je tiens à souligner que, dans les recherches, aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur la situation des jeunes, en situation de discrimination homophobe à l’école, ce qui est assez interpellant.

La problématique de la discrimination à l’égard des jeunes homosexuel(le)s est multiple puisqu’elle touche différents aspects de la vie de ces jeunes. Nous les rassemblerons dans les trois grandes sphères de la vie des jeunes, à savoir la famille, l’école et les relations avec les pairs.

Au sein de la famille, la principale difficulté que rencontrent les jeunes homos sera le rejet qui peut se manifester sur un continuum. D’un côté, ce rejet apparaîtra sous la forme d’insultes et d’un renforcement du contrôle parental sur la vie du jeune, pouvant aller jusqu’à la privation totale d’autonomie alors que c’est justement dans cette période de sa vie que l’individu aura un besoin sans cesse grandissant d’autonomie. Par exemple, on a accueilli récemment un jeune qui, sous prétexte qu’il allait consulter un psychologue, venait en fait au CHEL. Il n’avait pas le droit d’avoir un GSM, ni le droit d’avoir accès à Internet. Il n’avait droit à aucune sortie, en dehors du fait d’aller à l’école. Il devait mentir à ses parents pour pouvoir avoir un espace d’écoute.

L’autre extrême du rejet sera la rupture des liens avec la famille (autrement dit, le jeune sera « mis à la porte »), se retrouvant face à la nécessité de subvenir seul à ses besoins. Au sein de notre association, nous sommes amenés à rencontrer des jeunes vivant cette situation : ils se retrouvent en décrochage social, perdus dans la spirale de la drogue et/ou de la prostitution, voire le suicide, avec toutes les problématiques associées à ce genre de situation.

Ensuite, au sein de l’école, le (la) jeune homosexuel(le) sera confronté(e), à partir du moment où il (elle) aura fait son coming-out[1], au silence et à l’incompréhension de ses professeurs et éducateurs, souvent peu, voire pas du tout, informés sur le vécu particulier de ces jeunes. Il (Elle) sera parfois confronté(e) à des actes d’une éthique fort douteuse. Par exemple, un élève se confie à son professeur et le professeur va raconter la situation de l’élève à d’autres étudiants. On verra, malheureusement souvent, des membres de l’institution scolaire qui n’osent pas intervenir lorsqu’ils sont témoins de situations de discrimination dont sont victimes les jeunes homos. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’insulte la plus courante dans les cours de récréation est « Sale pédé ».

Enfin, pour ce qui est des relations avec les pairs, les jeunes homos pourraient rencontrer des situations de rejet, recevant des insultes et seront même, parfois, tabassés par des jeunes de leur âge, et, comme dit auparavant, souvent au su et au vu d’adultes désemparés face à ces situations. Par exemple, à la sortie de l’école ou, parfois même, dans la cour de récréation.

Suite à cela, nous pensons que trois types d’actions doivent être mises en place. Tout d’abord, – et j’en ai déjà parlé-. objectiver le phénomène de l’homophobie envers les jeunes dans la famille, à l’école et dans les relations avec les pairs. Ensuite, former les professionnels susceptibles de travailler avec des jeunes, et plus particulièrement aux problématiques spécifiques que peuvent rencontrer les homosexuel(le)s présents dans leur public. Il peut donc s’agir des professeurs et des éducateurs, en première ligne, mais aussi des acteurs de l’aide à la jeunesse. Enfin, en se référant à l’expérience française[2], créer une structure spécifique à l’accueil et à l’aide des jeunes homos, structure qui interviendrait dans les cas d’urgence et sur le long terme, afin de maintenir le jeune intégré dans son cadre de vie habituel ou, si cela n’est pas possible, à assurer la transition du jeune vers un cadre de vie plus propice à son développement.

Je ne m’étendrai pas ici sur les doubles discriminations : le fait d’être un jeune homo et issu d’une culture étrangère, ou bien, le fait d’être un jeune homo et porteur d’un handicap. Je terminerai simplement en paraphrasant le slogan d’une association : « Avoir un enfant homo, avoir un enfant gay, ce n’est jamais triste ! »


[1] Coming-out : c’est le fait d’avoir annoncé son homosexualité à une ou des personnes de son entourage.

[2] Cf. l’association « Le refuge », en France. http://www.le-refuge.org/

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion scolaire définitive

M. Coenen, Ligue des droits de l’Enfant

Yannick va nous parler de l’exclusion scolaire définitive. Il n’est pas concerné par cette problématique mais Yannick va prendre la parole au nom des jeunes concernés pour qui la souffrance était trop forte pour venir vous en parler.

Au Service de Médiation Scolaire de St-Gilles, nous n’avons trouvé aucun jeune pour venir parler de l’exclusion scolaire définitive ou des exclusions qu’il aurait vécue(s). Source d’une grande souffrance, on préfère oublier, ne pas y penser, ne pas en parler ou alors de façon tout à fait confidentielle. Yannick a accepté de nous lire le témoignage d’un jeune qui ne sera pas identifiable. Celui-ci est au courant : il a accepté que l’on parle de sa situation et il a participé à la rédaction de son témoignage.

Témoignage de Yannick

J’ai été exclu définitivement deux fois d’une école. J’ai fait mes primaires dans une école de mon quartier. Je n’ai pas fait de sixième année primaire et j’ai été inscrit directement en première accueil, en secondaire, à 12 ans. Je n’avais pas de bons points.

Mais, je suis quand même passé en deuxième année professionnelle. Là, mes points ont été très mauvais. J’ai eu beaucoup de zéros. J’ai commencé à avoir des remarques sur mon comportement et puis c’est vrai, je n’étais plus motivé en classe. En deuxième professionnelle, j’avais 14 ans.

Vers Pâques, suite à mes problèmes de comportement répétés à l’école, j’ai été exclu définitivement de l’école. Ce n’est qu’à ce moment là que l’école m’a conseillé d’aller avec ma maman au centre PMS. La dame du PMS a fait des tests. « L’intelligence est bonne, me dit-elle, mais le niveau pédagogique est bas. Il y a de grosses lacunes de base. » Le PMS me conseille une orientation vers l’enseignement spécialisé de type 1.

J’ai été renvoyé définitivement de mon école. Je voulais rester dans mon école qui était près de chez moi. Je n’ai pas bien compris. Ma mère non plus. Je devais prendre deux métros pour aller dans ma nouvelle école.

J’ai terminé mon année dans cette école, puis je suis resté un an. J’avais des points incroyables, très bons. Mais à la fin de l’année, dans mon bulletin, il était écrit que je ne pouvais plus me réinscrire dans l’école et que je devais chercher une autre école.

Ma mère a cherché. Mais elle ne trouvait pas d’école. Le PMS a donné une liste d’écoles spécialisées. A chaque fois que ma mère téléphonait, on lui disait qu’il n’y avait plus de place. Je suis resté sans école de septembre à janvier, presque 5 mois.

Finalement, le PMS m’a orienté vers un Cefa (Centre de Formation en Alternance) et je m’y suis inscrit fin janvier. Malheureusement, je n’ai pas fait les examens, car je suis arrivé très tard et j’ai raté mon année.

Brigitte Welter, Service communal de médiation scolaire de Saint-Gilles

Si le jeune qui a rédigé ce témoignage n’avait pas le courage de venir en parler, c’est parce que l’exclusion scolaire définitive est vécue par le jeune comme une situation « honteuse » : on n’a pas envie d’en parler, on a envie d’oublier. C’est surtout une grande souffrance, et pour les parents, et pour le jeune.

Je vais maintenant expliquer mon cadre de travail. Je travaille au Service communal de médiation scolaire, à Saint-Gilles. C’est un service qui se situe en dehors des écoles. C’est un service public à la population. Ce sont les jeunes ou les parents ou, les deux ensemble, qui viennent nous trouver, parce qu’ils ont des questions, un besoin d’information, ou bien parce qu’il y a des soucis scolaire. Dans ce cadre, nous rencontrons régulièrement des jeunes qui sont exclus définitivement de leur école.

L’exclusion scolaire définitive d’une école est la sanction la plus grave au sein de l’institution scolaire. L’exclusion scolaire définitive d’une école, selon la loi, doit rester exceptionnelle. On pourrait dès lors imaginer qu’elles sont rares et peu nombreuses. On pourrait imaginer que « tout à été tenté au sein de l’école avec le jeune, ses parents, avec l’aide du centre PMS, du médiateur ou d’un organisme extérieur et qu’il n’est vraiment plus possible de maintenir l’élève dans l’école ». Nous sommes confrontés à une « banalisation » de ces sanctions : cette sanction, lourde et grave, touche énormément de jeunes.

En analysant les situations individuelles rencontrées au sein de notre service, il apparaît que :

  • Plusieurs élèves ont été définitivement exclus pour un seul fait isolé « grave » ; il peut s’agir d’un accident de parcours, d’une erreur commise par un jeune mineur en construction ; dans les situations analysées, les élèves méritaient une sanction, mais dans ces cas-ci, les écoles avaient choisi l’exclusion définitive. Il n’y a donc pas eu de gradation de sanction.
  • Pour d’autres situations, nous sommes plutôt dans la sphère du décrochage scolaire où les échecs répétés et qui semblent irrémédiables à l’élève, conduisent celui-ci à des comportements perturbateurs répétés; dès lors le renvoi définitif ne résout en rien la problématique sous-jacente d’échec scolaire, cachée par les problèmes de comportement de l’élève.
  • D’une école à l’autre, nous observons de grandes différences dans la gestion des comportements problématiques des élèves : certaines considèrent le renvoi définitif comme une sanction ultime et l’applique très peu, ayant recours à d’autres sanctions et à un encadrement, un suivi positif de l’élève ; ces écoles favorisent « l’inclusion de l’élève ».
  • L’exclusion définitive durant l’année scolaire entraîne, immanquablement, une interruption de la scolarité (pour les mineurs, une rupture du respect de l’obligation scolaire) et le non-respect au droit à l’instruction. Cette interruption peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
  • La déscolarisation de l’élève durant une période relativement longue risque d’induire des difficultés importantes de réadaptation à la nouvelle école ; l’élève se retrouve parfois seul à la maison, livré à lui-même ; de plus, il prend du retard au niveau des apprentissages scolaires qu’il aura de grandes difficultés à combler ; notons qu’à partir du mois de mars, une exclusion définitive d’une école et la rescolarisation de l’élève dans une autre école, le conduisent très souvent à l’échec scolaire et au redoublement.
  • Pour l’école qui va accueillir l’enfant qui a été exclu d’une autre école, en cours d’année, la tâche est très complexe.
  • L’exclusion définitive est source d’une grande souffrance au niveau de l’enfant, du jeune, de sa famille.
  • Il serait important qu’une évaluation globale puisse être réalisée : le nombre d’exclusions pour toutes les écoles de la Communauté Française par année scolaire, le contexte de l’exclusion (dont par exemple la dynamique du groupe-classe, les motifs du renvoi définitif, les sanctions intermédiaires s’il y en a eu et la gradation des sanctions, l’encadrement de l’élève qui a été proposé avant la sanction ultime, le parcours scolaire du jeune exclus, les conséquences de l’exclusion sur le jeune, sa famille, sur sa classe, mais aussi sur l’école qui va l’accueillir et le rescolariser, …).

Ce que nous disent les jeunes et les parents :

  • Ils ont souvent l’impression, qu’une fois que la procédure d’exclusion définitive est lancée, la décision de renvoi a déjà été prise ; que dès lors, la procédure est respectée dans la forme, mais pas dans le fond : quand les parents rencontrent le directeur, le dialogue n’est pas possible ; la recherche d’une solution positive, autre que le renvoi, n’est pas envisagée.
  • Les parents demandent que leur enfant soit sanctionné. Ils trouvent que l’exclusion définitive de l’école est une punition trop sévère et disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Le jeune exprime souvent les mêmes sentiments.
  • Les parents s’inquiètent parce que l’enfant est déscolarisé : le jeune se retrouve seul à la maison, alors qu’il est perturbé par la décision de renvoi. Les parents craignent que la sanction ne le conduise directement au décrochage scolaire.
  • Changer d’école, quitter les professeurs, les élèves, le quartier que l’on avait appris à connaître, c’est une source de grandes angoisses pour l’enfant, le jeune. Tout cela induit des tensions importantes à la maison : « c’est honteux d’être renvoyé ». Arriver dans une école que l’on ne connaît pas, rencontrer des élèves que l’on ne connaît pas, être stigmatisé « comme étant l’élève qui a été renvoyé », pour l’enfant, la réadaptation est difficile. Il a besoin d’être soutenu et accompagné, ainsi que sa famille.

Ce que nous proposons

En nous référant au décret « Missions » du 24 juillet 1997 (art 81 et 89), ainsi qu’au décret « Discrimination positive » du 30 juin 1998 (art 25 et 26), nous proposons que :

  • la procédure d’exclusion soit respectée aussi sur le fond, et pas uniquement sur la forme ;
  • l’exclusion définitive soit autorisée uniquement en tout dernier ressort et uniquement dans les cas où la gestion, interne à l’école, de l’élève problématique s’avère tout à fait impossible ;
  • l’exclusion définitive reste la sanction la plus grave et soit proportionnée aux faits reprochés ;
  • la gradation des sanctions soit obligatoire ;
  • les faits reprochés au jeune soient décrits avec attention, en se basant sur des faits établis, avec impartialité ;
  • la procédure d’exclusion définitive soit utilisée aussi à titre préventif ; la procédure mobilise les énergies des différents partenaires potentiels autour du jeune et de l’enfant ; les parents sont informés des comportements problématiques de leur enfant au sein de l’école ; elle permet de dire clairement les choses à l’enfant ou au jeune, de le conscientiser, de lui rappeler les règles et les limites ; la procédure peut l’aider à remédier aux problèmes comportementaux, tout en étant encadré par des adultes et, si possible, accompagné et encouragé à évoluer positivement.

On pourrait également proposer d’instaurer une instance de recours externe indépendante, en s’inspirant du modèle prévu pour les recours externes suite au conseil de classe (art 97 chapitre 1° du décret « Missions »).

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion scolaire des enfants malades

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion scolaire des enfants malades

Témoignage de Steve

Bonjour ! Je m’appelle Steve. J’habite à Laeken. Je vis avec mes parents. J’ai 2 frères et 2 sœurs. Je suis inscrit à l’Athénée R. Je suis en 5ème année, en (enseignement) général : j’ai choisi, comme option, « langues ». J’ai vraiment de la chance d’être dans cette école parce que les profs me soutiennent.

En fait, je suis atteint d’une maladie qui s’appelle « la drépanocytose », qui est très peu connue. Cette maladie touche plus les Africains. Elle m’empêche beaucoup d’aller à l’école, de suivre les cours. J’ai des douleurs vraiment horribles. Je dois être hospitalisé, tellement c’est fort. Quand je fais une crise, je suis à l’hôpital et je suis sous morphine. Cette année, j’ai été plusieurs fois hospitalisé et j’ai raté l’école. Mais à l’hôpital où je suis, je suis encadré par quelques prof, des profs de l’école et des prof de « L’Entre Deux » qui m’aident pour que je reste à niveau. Cette année, à cause des médicaments que je dois prendre, j’ai attrapé des ulcères. A mon âge, ce n’est pas normal : ce sont les adultes qui ont ça. C’est très douloureux : ça m’empêche même de marcher. Je dois suivre une thérapie tous les jours : je dois aller tous les jours à l’Hôpital Militaire pour changer mes pansements. Je ne suis pas en état d’aller à l’école. En fait, le problème, c’est qu’il n’y a pas de transport qui pourrait m’amener à l’hôpital, puis à « L’Entre Deux » où je pourrais suivre les cours. Pendant une semaine, « L’Entre Deux » m’a trouvé un moyen de transport. Après, c’était fini ! J’ai dû me débrouiller tout seul ! Mes parents ont dû trouver des gens de ma famille pour me conduire. C’est très difficile pour moi !

Muriel Lossy, L’Entre 2, antenne de l’école « L’Escale »

Je suis enseignante, à l’école « L’Escale » aux Clinique Universitaires Saint Luc. J’entame ma 6ième année dans le type 5, à l’école « L’Escale ». Je suis référente depuis peu du projet « L’Entre2 ».

Je vais commencer par vous parler de notre structure, L’Entre2, centre scolaire de jour pour enfants et jeunes malades ou accidentés, un centre qui s’est donné pour objectif supplémentaire depuis le mois de septembre 2008, de servir de relais scolaire pour des jeunes atteints de maladies chroniques. Steve est inscrit dans ce nouveau programme.

Ensuite, je vous exposerai en quoi notre difficulté à trouver des moyens de transports adaptés aux besoins de nos élèves met leur scolarité en péril. Nous parlerons ici d’une forme d’exclusion scolaire due à un manque évident de moyens, moyens que nous ne maîtrisons pas.

Pourquoi la création d’une structure comme L’Entredeux ?

L’évolution des traitements et l’augmentation continue du pourcentage de survie chez les enfants ou les jeunes atteints de pathologies malignes ou chroniques nous obligent à repenser l’enseignement en milieu hospitalier (appelé en Belgique, enseignement spécialisé de type 5).

En effet, nos élèves ont des périodes d’hospitalisation plus courtes mais un allongement de la convalescence ; cela entraîne une croissance importante de la « déscolarisation forcée ». Ainsi, il n’est pas rare de voir des patients absents de leur école plusieurs années ou de façon récurrente dans le courant de leur cursus scolaire.

Ce constat nous amène à repenser l’école durant la convalescence et entre les périodes de traitement. Pour répondre à cette demande, certains pays européens délocalisent les enseignants vers le domicile ou les nomment consultants. Ils deviennent ainsi des interlocuteurs privilégiés entre l’école d’origine, la maison et l’hôpital.

En Belgique, la réponse apportée varie en fonction du centre hospitalier. Chaque école en hôpital cherche la solution qui lui semble la plus adéquate. Ainsi, certaines créent un réseau parallèle d’enseignants à domicile, attachés administrativement à l’école hospitalière. D’autres font appel à des associations d’enseignants bénévoles, d’autres encore augmentent leur possibilité d’accueil dans les classes des hôpitaux de jour.

Pour notre part, nous avons voulu proposer une alternative : le centre scolaire de jour appelé L’Entre 2 qui se base sur deux postulats importants :

1) pour poursuivre sa scolarité, l’enfant ou le jeune a besoin d’un certain nombre d’heure de travail scolaire par semaine ; 

2) la socialisation que peut lui apporter un groupe de pairs est indispensable à sa construction identitaire.

Genèse du projet

Depuis plusieurs années, l’équipe pédagogique de L’Ecole Escale, présente dans les unités d’hospitalisation, accueille en classe un certain nombre de jeunes « externes ». Ils ont en commun d’avoir été soignés aux Cliniques Universitaires St Luc et /ou d’être considérés, pendant une durée limitée, comme médicalement incapables de retourner dans le système scolaire classique. Ils sont tous inscrits dans une structure d’apprentissage (généralement leur école d’origine) et ont pour projet d’atteindre un objectif de réussite précis.

Ces jeunes élèves externes sont, entre autre, des élèves qui, en cours de traitement ou en fin de traitement, sont hospitalisés de manière récurrente et qui sont interdits de milieu scolaire ordinaire pour des raisons médicales (Souvent, une diminution importante des défenses immunitaires).

Je soulignerai deux raisons pour lesquelles le centre scolaire de jour a du sens pour ce type d’élèves :

  1. Ces élèves sont, jusqu’à ce jour, suivi à domicile par une association de bénévoles,  « l’Ecole à l’Hôpital et à Domicile » (E.H.D.), en moyenne deux heures par semaine. Or, il est évident que cette prise en charge est insuffisante pour poursuivre une scolarité « normale », à tout le moins dans les cours généraux. Ce constat a déjà été porté par le groupe de travail, DOMI de l’A.P.H. (Association des Pédagogues Hospitaliers de la Communauté Française de Belgique) où siègent par ailleurs des représentants de l’E.H.D.

Toutefois, il existe une disposition légale qui permet à un élève convalescent ou malade à domicile, de bénéficier d’un professeur quatre heures par semaine, moyennant une procédure longue, fastidieuse et peu opérante. On observe également des offres « privées » de suivi pédagogique à domicile par certaines assurances-santé ou mutuelles mais l’accès est, selon nous, éthiquement très discutable et les profs qui y participent n’ont aucune attache avec une école spécialisée.

  1. Les élèves, pris en charge dans la structure scolaire hospitalière au moment du diagnostic et des premiers traitements, s’approprient l’Ecole de type 5 comme nouveau lieu « vital » d’apprentissage et de vie. Les coupures perpétuelles dans ce travail et dans la relation élèves-enseignants posent des difficultés dans la continuité des apprentissages et des méthodes : ces coupures créent des frustrations de part et d’autre. L’Ecole Escale est, dans ce cadre, un lieu sécurisant où le jeune peut rester élève et vivre les expériences de son âge, avec des jeunes de son âge. L’importance des pairs dans l’enfance, mais surtout dans la construction identitaire de l’adolescent n’est plus à démontrer.

Ces jeunes élèves externes sont aussi des élèves malades chroniques (par exemple drépanocytose, anorexie, …) qui, de part leur pathologie, rencontrent de grandes difficultés dans leur scolarité. Ces jeunes ont, à un moment précis ou à plusieurs reprises, besoin d’un encadrement dans leurs matières ou d’une aide pour préparer des examens d’entrée ou jurys. Ces jeunes sont généralement demandeurs d’une prise en charge quotidienne complémentaire à celle de leur école d’origine pouvant aller de 15 jours à plusieurs mois, d’autant plus qu’ils sont souvent absents.

Concrétisation du projet

Fort de ces constats, nous avons ouvert, un centre scolaire de jour, L’Entre2, dépendant de l’école en hôpital, mais situé en dehors de la structure hospitalière. Il comprend une classe dont les caractéristiques principales sont les suivantes :

  • des enfants de 6 à 18 ans y sont accueillis.
  • chacun a un programme à la carte en fonction de ses besoins et de ses possibilités, programme qui peut aller de 1h de cours par semaine à 20h de cours par semaine.
  • la classe est située à 500 m de l’hôpital, pour qu’elle soit investie comme école et lieu de vie à part entière mais aussi pour que les allées et venues soient possibles pour les élèves.
  • certains enseignants partagent leur travail entre les unités d’hospitalisation et cette classe, afin de donner sens à l’approche de la continuité mise en place.
  • la collaboration avec l’école d’origine est renforcée. Il ne s’agit plus de recevoir la matière scolaire mais bien, d’être initiateur et accompagnateur du processus de réintégration.

Quelles prises en charge ?

La plupart des élèves sont accueillis pendant plusieurs mois, fréquemment, en suivant le découpage trimestriel de l’année scolaire ; ils le sont souvent à raison de 20 heures (soit toutes les matinées ou toutes les après-midi). Il est entendu que nous veillons à ne pas les maintenir chez nous mais que nous visons le retour à l’école d’origine.

Pour les élèves atteints de maladies chroniques telles que par ex. la drépanocytose, nous avons créé, depuis le début de cette année scolaire, une cellule de soutien et d’accompagnement scolaire (sous la forme d’un coaching scolaire).

Certains jeunes, scolarisés dans les environs de l’Entre2, nous ont fait la demande de pouvoir retravailler certains cours dans notre structure, pendant leurs heures de fourche ou leurs heures de gymnastique (si bien évidement, ils en sont dispensés).

Les objectifs finaux de la prise en charge sont de trois ordres :

  • soit permettre à l’élève de travailler ses matières afin de combler les lacunes accumulées pendant le traitement et d’envisager une réintégration la plus harmonieuse possible ;
  • soit d’envisager une réorientation vers un autre type d’enseignement ou encore de permettre une approche de la scolarité, rassurante pour des enfants très angoissés ;
  • soit, pour les jeunes malades chroniques, leur permettre de profiter du soutien scolaire nécessaire à une continuité pédagogique cohérente.

Nous assurons ici, la fonction de lien entre tous les intervenants. (jeune, école d’origine, école dans l’hôpital, et parfois même profs à domicile…)

Dans tous les cas, accompagnés d’un membre de l’équipe médicale, nous nous rendons, et ce, toujours avec l’accord des jeunes ou de leurs parents, dans les écoles d’origine, afin d’établir des contacts, d’informer…

Plusieurs élèves ont déjà réintégré leur école d’origine ou une école plus adaptée à leurs besoins dans le courant de l’année scolaire précédente.

En tant qu’enseignante référente, soucieuse d’évaluer le travail fourni, je garde des contacts réguliers avec les écoles d’origine de nos élèves et ceci, afin de bien adapter nos cours avec ceux des professeurs d’origine.

Nous pratiquons des follow-up durant les mois suivants et un an après la réintégration. Cette pratique nous permet de faire un suivi efficace et de préserver nos anciens élèves d’un décrochage sur le long terme. Nous restons des interlocuteurs disponibles, tant pour les jeunes, que pour les enseignants de l’école d’origine.

Mais cela nous permet aussi d’avoir une attitude réflexive sur notre pratique, de l’évaluer de manière continue, afin de répondre au mieux aux demandes.

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion des enfants handicapés de l’enseignement ordinaire

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’exclusion des enfants handicapés de l’enseignement ordinaire

Témoignage de Myriam et Ysaline Leroy

Bonjour, je vous présente Ysaline,

Comme vous le voyez, elle est porteuse de trisomie21 mais, malgré son handicap, elle était scolarisée dans l’enseignement ordinaire depuis qu’elle a deux ans et demi. J’ai eu la chance de trouver des professeurs et une équipe éducative qui étaient partie prenante pour ce projet pédagogique.

Quand elle a commencé l’école, elle n’était pas propre, elle mettait encore tout à la bouche, la colle comme la peinture. Elle ne parlait pas et marchait à peine mais ça n’a pas rebuté ces institutrices merveilleuses qui étaient prêtes à s’investir. Mais, comme c’est souvent le cas, il n’y a pas d’aide extérieure. En tant que parent, j’estime aussi que je ne peux pas exiger d’un professeur qu’il s’occupe de ses 20 élèves et de nos petits bouts spéciaux : Ysaline est très gentille mais il fallait sans cesse la surveiller. Aussi j’ai demandé l’autorisation de l’accompagner, autorisation qui m’a été gentiment accordée après la signature des décharges, bien évidemment. 

Au fur et à mesure qu’elle grandissait, son comportement a changé et j’ai pris mes distances avec elle. Quand nous avions la chance d’avoir une stagiaire, automatiquement je me retirais de la classe. Je la laissais seule avec les professeurs et la stagiaire. Pourquoi ? Parce qu’il est évident, pour moi, que les apprentissages sont importants, mais son autonomie aussi. Lors des sorties, je m’occupais souvent des autres enfants et je laissais Ysaline avec son institutrice. En regardant Ysaline avancer, nous avons remarqué qu’il lui fallait être avec des enfants plus grands qu’elle, parce qu’elle les regardait faire et puis, tout d’un coup, elle essayait de les imiter. C’est pourquoi elle est passée de classe, au fur et à mesure, sans en avoir les compétences. Les compétences, elle les acquérait à force de regarder les autres.

Ysaline a évidemment doublé sa 3ème maternelle. L’année passée, elle avait 6 ans ; elle allait deux heures en 1ère année et le reste en maternelle parce que sa faculté de concentration n’était pas encore assez importante. Malgré une année « chouette », je ne voyais plus assez de progression. J’envisageais de la mettre dans l’enseignement spécial mais vers le mois de mai, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir des signes de lecture : elle reconnaissait le « a », le « i ». Nous avons fait un bilan avec son institutrice de 1ère primaire : elle était tout à fait partante pour essayer une nouvelle année parce qu’Ysaline progressait de nouveau.

Je croyais que la rentrée se ferait agréablement quand j’ai appris, fin juin, qu’Ysaline n’était plus désirée et, encore moins, ma présence ! L’Echevine de l’Education ne nous permettait pas de continuer le projet mis en place. Depuis l’arrivée d’Ysaline, des élections communales avaient eu lieu et on avait changé de majorité politique à la commune !

Mais le 16 juin, il est impossible de visiter les classes, ce sont les examens et la fin de l’école. En septembre, il est trop tard pour parler d’un projet éducatif, trop tard pour faire des demandes d’aides. Quand vous allez les visiter, les écoles vous promettent de vous rappeler et vous attendez toujours. Personne n’ose vous dire que la « trisomie 21 » dérange encore au 21ème siècle ! Alors, vous vous rendez compte qu’une intégration ne se passe pas seulement avec les autres élèves, mais aussi avec les professeurs et les parents d’élèves qui ont appris à ne plus avoir peur de ce nom « trisomie ». Cinq ans d’intégration ! Tout ce temps passé n’était pas en vain ! Ysaline était intégrée, pas juste « tolérée ». Ce n’était pas le petit pion qu’on a accepté dans la classe et qu’on laisse dans un coin. Elle avait de réelles amies : elle était invitée aux anniversaires ; elle participait vraiment à la vie de sa classe!

Ce projet d’intégration n’était pas une lubie de maman qui ne veut pas accepter le handicap de son enfant, mais bien un partenariat entre l’équipe éducative, les professeurs, les directions, sa logopède et le centre PMS. A force d’observation et de travail, ils voulaient tous aider cette enfant à avancer dans les meilleures conditions, pour elle-même.

Quand on parle d’intégration avec les gens, on dirait qu’il n’y a que les génies trisomiques qui ont le droit d’être intégrés : s’ils en ont les capacités, on les tolère. Mais, Mesdames, Messieurs, avec l’intégration de nos enfants, on n’attend pas qu’ils aient le niveau des autres : on sait qu’ils ne l’auront jamais ! Nous savons qu’ils pensent moins vite que les autres ; nous savons qu’ils ont une capacité moindre que les autres d’apprendre !!  Mais on réclame, pour eux, le droit de vivre au milieu des autres pour avoir une vie comme les autres, une vie la plus ordinaire possible !

Bien sûr, je suis allée visiter des écoles spéciales, mais je n’ai pas été enthousiasmée par ce que j’y ai vu. Je n’ai pas eu l’impression d’être entendue, non plus… Mais surtout, c’était si loin du projet en place… Nous avons pris alors la lourde décision de la scolariser à la maison, non pas que je veuille garder mon petit bout avec moi : c’est bien plus facile de la déposer le matin à l’école que de chercher, le soir, des méthodes qui lui conviennent, que d’essayer de porter les 2 casquettes, celle d’institutrice et celle de maman ! Mais, de notre point de vue, c’est la meilleure option pour l’intégrer et la stimuler le plus possible.

Mon but est son autonomie mais, à cause de la bêtise humaine, cela semble un peu compromis. Nous avons bon espoir pour ses apprentissages ! Le calcul reste encore abstrait mais elle commence à lire toutes ses voyelles. Elle connaît 3 consonnes et on commence le syllabique. Elle commence aussi à apprendre de petites poésies. Nous ne savons pas jusqu’ou elle ira, nous ne connaissons pas ses possibilités mais nous l’accompagnerons aussi loin qu’elle nous le permettra, puisque, maintenant, elle n’a plus que ses parents, ses frères et sœurs, à regarder pour avancer.

Quand le matin, je dépose son frère à l’école, Ysaline ne comprend pas pourquoi, elle, elle doit rester dans la voiture et rentrer avec moi, pourquoi elle ne peut rester avec ses copines, pourquoi elle n’a pas le droit, elle, d’y aller !!! Que répondre aux enfants de l’école qui me réclament Ysaline ? C’est inutile de leur faire comprendre la bêtise humaine ! On doit juste apprendre à vivre avec cela !

Mesdames, Messieurs, quand une intégration est réussie, c’est criminel de l’arrêter, juste parce que la « couleur » de la commune a changé ! Non seulement pour nos enfants qui eux en ont besoin mais aussi pour les autres qui apprennent le respect et la tolérance ! Et cette intégration était réussie !!! La loi dit que l’enfant handicapé a le droit d’être intégré mais on ne nous en donne pas les moyens. La loi dit aussi que l’aide doit être extérieure à la famille. Voilà pourquoi, en s’abritant derrière cette loi, on m’interdit, après 5 ans, d’accompagner ma fille en classe.

Dans chaque intégration, il faut faire passer les besoins de l’enfant avant tout. Il faut surtout un peu de bonne volonté – je dis bien un peu – car il faut rarement faire de grands aménagements mais le vouloir juste un petit peu. Quand on le veut, les choses se mettent en place d’elles-mêmes mais quand on ne le veut pas, il y aura toujours une loi, un décret derrière lesquels vous pourrez vous réfugier. Mais avec un peu de bonne volonté, nous gagnerons tous, un peu plus d’humanité.

Pascale Biot, psychologue

Juin 2008, je reçois l’appel de la maman d’Ysaline, ce n’est pas possible ! C’est inimaginable ! Cette maman me raconte, avec force et calme en même temps, l’histoire d’Ysaline. Des multiples questions me viennent en tête… La classe suit-elle vraiment Ysaline ? N’existe-t-il pas des difficultés de gestion de la situation de handicap ? La relation mère-fille n’est elle pas trop forte ? Que dire face à l’idée de faire l’école à la maison ? Quid de la socialisation ?

Puis, j’ai discuté avec la maman d’Ysalyne, à plusieurs reprises. Elle répondait elle-même à mes questions (sans les avoir posées). Oui, la situation avait bien été analysée. 0ui, elle avait pensé à l’enseignement spécialisé mais n’avait pas trouvé ce qu’elle cherchait : on lui a conseillé de laisser Ysaline aller à son rythme ; elle n’avait trouvé ni objectifs ni espace d’écoute. Oui, elle avait cherché la collaboration d’un service d’accompagnement mais elle ne s’est pas sentie entendue dans ses recherches et attentes. Bien sûr, elle avait pensé à la socialisation de sa fille, mais, avec une fratrie de 8 enfants, Ysaline s’y retrouve et a sa place. De plus, elle garde des contacts avec sa classe. Oui, elle avait pensé à sa relation avec sa fille. Elle souhaite que sa fille puisse évoluer à son rythme, mais avec des apprentissages cognitifs, aussi loin qu’elle le pourra. Ysaline a besoin d’être tirée vers le haut et sa maman veut pouvoir lui offrir cela. Je me suis posée la question de savoir si l’école et les parents des enfants de la classe étaient aussi partants que ça… Ysaline continue à être invitée : on lui propose de rejoindre les « copains » comme dit Ysaline, dès que possible. En écrivant ces lignes, je me dis : « Que de questions pour revenir à des conclusions qui étaient justes ! La bêtise humaine, le choix politique empêchent une petite fille d’aller à l’école de son choix !

Face aux constats de la maman d’Ysaline, nous pouvons nous demander pourquoi l’intégration s’est arrêtée sans aucune préparation ? Sans tenir compte de l’évolution d’Ysaline ? Sans tenir compte des désirs des partenaires de terrain (L’ancienne institutrice d’Ysaline se tient au courant de l’évolution de son élève et Ysaline en est fière) ? Pourquoi se base-t-on sur les compétences pédagogiques de l’enfant alors que nous savons très bien qu’elle progresse, mais par rapport à elle-même. Elle ne répondra jamais aux socles de compétences mais un enfant est-il à l’école juste pour le pédagogique ? N’y-a-t-il pas des compétences sociales que l’enfant acquiert à l’école ? La maman d’Ysaline le dit clairement : si sa fille peut se débrouiller, trouver sa place dans le groupe, elle aura acquis quelque chose de bien précieux. Pourquoi n’a-t-on pas tenu compte de cet aspect, des compétences sociales et d’autonomie de l’enfant ? Elle avait encore des choses à vivre dans cette situation.

La maman d’Ysaline a proposé son aide, faute de moyens offerts à sa fille, là où la famille vit. C’est vrai que des services d’accompagnement, des services d’aide à l’intégration existent et font souvent de l’excellent travail. Le souci est qu’il n’y en a pas partout (les parents d’Ysaline ont été loin de chez eux) et que certains de ces services sont jeunes : ils doivent encore mûrir et acquérir de l’expérience. Il n’est pas rare d’entendre des parents nous dire qu’on leur a proposé ce que l’enfant connaît depuis bien longtemps.

La situation d’Ysaline souligne bien des aspects de la dynamique qu’est l’intégration scolaire. Les revendications que nous avons en matière d’intégration scolaire touchent la formation des enseignants : le fait d’aller chercher l’information à partir d’une situation vécue, l’approche du partenariat. Ces revendications concernent aussi la volonté de l’école et de son équipe pédagogique : l’idée d’un projet clair, inscrit et revu avec l’équipe qui entoure l’enfant. Le manque d’information en matière de maladie ou de handicap est également relevé : il y a un besoin important de sensibilisation, d’informations accessibles pour chacun.

En revenant à Ysaline, nous pouvons nous dire que, même si les choses ont évolué, même si pour elle des éléments « revendiqués » étaient mis en place – telle l’information, l’aide en classe, le partenariat-, il reste des a-prioris, des craintes, des représentations qui ne tiennent pas compte de l’identité de l’enfant qui vit la situation. Nous pensons à la formation des enseignants mais ne devons-nous pas aussi penser à celle des politiques ?

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’échec scolaire

RECHERCHE : Les exclusions vécues par les enfants – L’échec scolaire

Anaïs représente le jeune qui a rédigé le témoignage et qui n’a pas voulu s’exprimer en direct. Ce témoignage a été recueilli par le service « Episode »

Témoignage de Christelle T.

Bonjour,

Je m’appelle Christelle et j’ai maintenant 17ans et demi.

Je suis actuellement en 4e Technique de qualification, option économie.

Mon expérience de l’échec date du début des secondaires. En effet, dès la première année, j’ai éprouvé des difficultés à suivre le rythme et le niveau des cours de l’école que je fréquentais à l’époque. C’est une école considérée comme « bonne » avec un « bon niveau ». Malgré mes difficultés, au bout de ma deuxième année, je passe en 3e avec quelques examens de passage. Mais dès le début de l’année, les mêmes problèmes recommencent et je me retrouve à nouveau en échec dans plusieurs matières.

A Noël, dans mon bulletin, ma titulaire estime que je ne fais pas assez d’effort et que je manque d’intérêt pour les matières. Elle conseille à mes parents, via mon bulletin, de chercher une option qui me conviendrait mieux.

Moi je me dis qu’il sera difficile de rattraper tous mes échecs, mais qu’avec quelques examens de passage, je devrais à nouveau pouvoir m’en sortir.

Mais en fin d’année, je suis toujours en échec et le titulaire note dans mon bulletin que « … c’est maintenant une évidence, Christelle doit être orientée vers une formation plus conforme à ses aspirations. Nous espérons qu’elle s’y épanouira davantage et qu’elle y trouvera la motivation qui lui a fait défaut tout au long de cette année ».

L’école m’oriente donc vers le professionnel. Dans la partie de l’attestation destinée au « Plan de guidance » pour l’année suivante, l’école n’inscrit aucune indication concernant une prise de contact avec le Centre PMS pour l’orientation ou sur ce qui semble poser problème dans mon travail scolaire. Aucune des cases pré-imprimées n’est cochée (cours de méthode de travail, rattrapage en telle matière, études du soir,…).

Ma maman se rend dans un service dont elle a entendu parler et qui pourrait l’aider à me trouver une nouvelle école. Entre son travail et mes petits frères dont elle doit s’occuper, elle n’a pas assez de temps pour continuer à faire cela toute seule. En plus, aucune des démarches qu’elle a entreprises pour le moment n’a abouti.

La dame qui la reçoit prend note du souhait de ma maman : trouver une école qui m’accepterais en 3e, avec un bon niveau et bien fréquentée, car je me laisse facilement influencer, selon elle. La dame souhaite cependant me rencontrer et discuter avec moi avant de commencer des recherches.

Lors de mon premier rendez-vous, voyant mon attestation d’orientation, une AOC, c’est à dire une attestation selon laquelle je peux monter de classe mais avec une restriction pour l’enseignement de transition dans le général, le technique et l’artistique, et voyant les conseils du titulaire, elle me demande quel est mon projet. Pour moi, c’est simple, je veux refaire ma troisième année, pour cette fois-ci, bien comprendre la matière et repartir sur de bonnes bases. Je ne veux pas aller en professionnel, d’abord parce qu’aucune option ne m’intéresse et, ensuite, parce que j’aimerais poursuivre des études supérieures. Mais je veux changer d’école. Car, là où je suis, les professeurs auront déjà un a-priori sur moi, et toutes mes copines seront en quatrième. Je resterais toute seule avec les petits.

Il a été très difficile de trouver une école qui m’accepte. Mes parents ne comprenaient pas pourquoi on ne voulait pas m’accepter en troisème. Mon papa a, lui aussi, voulu rencontrer la dame pour qu’on lui explique pourquoi on ne me donnait pas une deuxième chance, pourquoi j’étais obligée, à 14 ans, de choisir entre le métier de coiffeuse ou celui de puéricultrice, sans aucune autre perspective d’épanouissement dans des études supérieures.

Apparemment, seule l’école où je ratais était obligée de me reprendre. Les autres n’étaient pas obligées de m’inscrire en troisième. Une directrice nous a même dit : « Qui mieux que l’établissement qui a constaté mes lacunes pourrait proposer des mesures de remédiation adéquate ». Mais moi, je ne voulais pas y retourner, malgré le fait que ma maman le souhaitait. J’avais trop honte.

Finalement, nous trouvons une école qui m’accepte mais en posant comme condition à mon maintien dans le général, une réussite pour le mois de novembre.

Dans ma nouvelle école, les choses ne se passent pas trop mal, je n’ai qu’un échec à Noël. La dame du PMS dit qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. A la fin de l’année, j’ai à nouveau un examen de passage, que je réussis en le préparant à l’école des devoirs de mon quartier.

Pour l’année suivante, mon entrée en 4e générale, je souhaite à nouveau changer d’école. Celle de l’année précédente était trop loin de chez moi, et la discipline laissait vraiment à désirer ! Dans ma première école, c’était beaucoup plus strict mais je m’y sentais mieux. Comme ma maman n’était pas sûre de ma réussite en septembre, elle n’avait pas cherché d’école. Nous sommes donc début septembre et je n’ai pas encore de nouvelle école.

J’en trouve finalement une dont l’ambiance et la discipline sont encore plus mauvaises que l’école que je quitte. L’année ne se passe pas très bien, mais je n’en parle pas à ma maman ou à la dame qui nous avait aidés dans la recherche d’une école. En fin d’année je rate à nouveau.

J’ai 16 ans et je viens de rater ma 4e. Cette fois-ci, je me dis que le général ce n’est pas pour moi. Je voudrais monter en 5e Technique de qualification ou en professionnel. Ma maman me demande de retourner chez la dame qui nous avait reçu en fin de ma deuxième. Elle n’est pas d’accord avec mon choix d’orientation, et surtout ne comprend pas ce qui s’est passé et pourquoi je suis toujours en échec. Elle ne sait plus quoi me proposer pour m’aider à réussir et se plaint du peu de communication que j’ai avec elle.

Avec la dame du service d’aide, j’envisage les pistes possibles et les débouchés. Très vite, je lui avoue que rien ne m’intéresse vraiment dans les options proposées, mais je ne veux pas encore une fois refaire mon année. Je n’apprendrai pas mieux ni plus, en recommençant là où j’ai déjà raté. En plus, toutes mes amies d’enfance seront deux classes au-dessus de moi. Finalement, en réfléchissant beaucoup et en discutant avec mes parents, je décide de refaire ma 4e année générale.

Dans une nouvelle école encore, je refais donc ma quatrième. Elle se passe sans plus de bonheur que toutes les autres années et encore une fois, je suis en échec en math. Malgré les cours de rattrapage et l’école des devoirs, cet échec que je traîne depuis le début de l’année me mène à une orientation en fin d’année scolaire.

Comme il n’est pas envisageable, ni pour moi, ni pour mes parents que je triple mon année, je m’inscris en 5e technique de transition, option économie. Vous allez me dire que c’est un choix bizarre pour quelqu’un qui rate en math chaque année. Mais c’était la moins pire des options et puis, on m’a dit qu’avec un diplôme de technique je pourrais m’inscrire à la faculté de droit. En tout cas, pour la première fois depuis longtemps, je ne suis plus en échec.

Nicky Djunga, Episode, Service du Contrat de société et de prévention de la commune d’Ixelles

Je parle aujourd’hui pour le Service Episode, Service psychosocial pour le scolaire et la famille. C’est un service communal, faisant partie du Contrat de Société et de prévention de la commune d’Ixelles. Il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire (une psychologue, une criminologue et une assistante sociale) qui, dans le cadre de son axe de travail individuel, reçoit les jeunes et / ou leur famille pour toute question d’ordre scolaire ou familial. 

L’urgence portant sur la question de l’échec scolaire n’est plus à démontrer : on en entend parler, aussi bien par des études nationales et internationales, que par les acteurs de terrain et même les politiques. C’est pourquoi, je ne reprendrai pas ici les grandes études, les chiffres, les statistiques, que l’on peut lire partout ailleurs. Je ne suis par ailleurs pas une « spécialiste » de la question mais un acteur de terrain : je souhaite partager avec vous les situations que nous rencontrons au quotidien et vous transmettre le vécu des enfants, des jeunes et des familles.

La première chose que j’aimerais évoquer est la souffrance que représente l’échec scolaire, aussi bien pour l’élève concerné que pour sa famille. La difficulté que nous avons eu à ce qu’un jeune nous accompagne pour s’exprimer devant vous aujourd’hui et soutenir sa parole, témoigne de la profondeur de cette souffrance. Des témoignages, nous aurions pu vous en présenter par dizaine. Mais le stigmate de l’échec, la souffrance et la honte qu’il provoque nous ont rendu la tâche bien compliquée : cette difficulté d’accompagner un jeune à venir s’exprimer sur ce vécu aujourd’hui, a contribué à rendre plus importante encore pour nous la nécessité de venir en témoigner.

Face à l’échec, l’enfant et sa famille se retrouvent bien seuls. L’école fait part de sa constatation : « Il est en échec, il ne suit pas, il ne travaille pas assez, il rêve en classe, il n’arrive pas a se concentrer »… Et c’est aux parents, lorsqu’ils en ont la possibilité et la capacité, ou à l’enfant, d’imaginer ce qu’ils pourraient mettre en place pour remédier à cet état de fait. Remédier, le mot est lâché. Mais est-ce bien aux parents, à l’enfant lorsque son milieu familial ne possède pas les ressources suffisantes, de mettre en place les outils de la remédiation ? On demande aux familles de diagnostiquer un problème et d’y apporter le remède alors que ce n’est pas leur rôle premier et qu’ils ne sont pas formés pour cela.

Devant un bulletin disant simplement « mathématique : insuffisant, ne travaille pas assez », le parent devrait pouvoir savoir s’il s’agit d’un manque d’étude, d’une incompréhension, d’une difficulté d’apprentissage, de dyscalculie … Et ensuite, il pourrait y apporter la solution ad hoc. La remédiation devrait se faire dès que les difficultés se manifestent (et non, après le bulletin ou après un redoublement), directement au sein de l’établissement scolaire, voire même au sein de la classe. 

Pour la famille, à ce stade, à la douleur et la déception de l’échec, s’ajoute la culpabilité de ne pas pouvoir, de ne pas savoir ou de ne pas arriver à trouver la solution au problème. C’est la famille qui est pointée, désignée comme déficitaire et non l’école qui, elle, semble uniquement chargée de dispenser un savoir.

C’est à l’élève et sa famille « d’intégrer » la culture de l’école, de se conformer aux exigences de celles-ci. Le symptôme de l’échec est à évacuer et à adresser à l’extérieur, ce qui est plus confortable pour l’école, dans un premier temps du moins. Quelle école se remet en question, quel enseignant ? On n’a jamais entendu cela !!

Je parlais de souffrance. Vous n’imaginez pas combien d’enfants se relèvent de leurs difficultés grâce à la confiance, à la reconnaissance et au regard positif d’un autre. Ensuite, si par manque de connaissance ou capacité (financière, sociale, culturelle…), la famille ne parvient pas à redresser la barre, c’est l’étiquette du cancre qui se pose alors sur le dos de l’enfant avec son lot de démotivation, perte de confiance en soi et décrochage.

Si des changements structurels sont nécessaires, il s’agit également d’amorcer des changements culturels et de représentations. En effet, si les familles endossent si facilement ce rôle de « coupable » c’est aussi parce que, selon notre culture, un bon prof est un prof chez qui il est difficile de réussir, un professeur qui en « pète » beaucoup. Une bonne école est celle où il est ardu de s’inscrire !

Il nous semble important de rendre à chacun sa place (pédagogue, enfants, parent) et ainsi, de rendre à chacun le rôle qui s’y rattache afin que tous puissent s’y épanouir pleinement. Trop peu d’écoles, de structures scolaires, d’enseignants sont en mesure d’assumer un réel partenariat avec le jeune et sa famille et les services d’aide.

Pour permettre à chaque acteur de retrouver son rôle, il est important de leur en donner les moyens. Cela implique, pour les écoles et leur personnel, une révision de la formation des professeurs qui inclut une aptitude à dépister les difficultés spécifiques d’apprentissage et une capacité à mettre en place une pédagogie différenciée. Il s’agit aussi de permettre aux écoles de mettre en place des dispositifs de remédiation multiples comme avoir au sein de chaque établissement des spécialistes des difficultés d’apprentissage (logopèdes, spécialistes de la dyscalculie, maîtres d’adaptation à la langue…).

Il y a des pistes et des actions concrètes visant à donner ces moyens à des acteurs externes à l’école (centre de guidance, écoles de devoirs, professeurs particuliers, …). Mais ces pistes, lorsqu’elles ne creusent pas l’inégalité (professeurs particuliers), voient leur capacité d’accès très rapidement limité : les écoles de devoirs souvent contraintes de refuser des enfants par manque de place, les logopèdes des centres de guidance sont surchargés…. De plus, tous ces dispositifs imposent de fait que la remédiation soit différée dans le temps. 

Il ne faut pas ignorer l’aspect lucratif de l’échec scolaire qui profite à nombres d’asbl bienveillantes, proposant un coaching à prix d’or. Il serait également intéressant d’évaluer le nombre d’enfants qui bénéficient d’un suivi logopédique. Comment expliquer cette recrudescence de symptômes dys- ? Quand tant d’enfants ont tant de difficultés à s’adapter à l’école, ne s’agit-il pas de réévaluer le système scolaire et ce qu’il produit ?

Il nous semble primordial que l’échec scolaire soit et reste la question de l’école, des professionnels de l’école. Par l’échec scolaire, nous entendons le redoublement mais aussi les orientations non choisies, car elles sont aussi le résultat d’un échec : celui du projet de l’enfant, du projet des parents pour leur enfant, je dirais même du projet d’une société pour sa jeunesse. Et ce, même si souvent dans un premier temps, l’enfant et ses parents se disent « tout va bien puisqu’il passe de classe ». Ce n’est que plus tard qu’ils se rendent compte que ce n’était qu’un leurre et que les compétences n’étaient pas acquises. L’enfant « monte de classe », non pas parce qu’il a intégré la matière et les acquis, mais uniquement, parce qu’il est trop âgé ou a passé le maximum du temps imparti dans le degré. Mais ce temps, il l’a passé à quoi ? Il l’a passé pour quoi ? Visiblement, dans la majorité des cas, pas à remédier à ses difficultés, mais à faire l’expérience de l’échec ; il a passé du temps à, petit à petit, accepter l’image de « cancre » et à, de plus en plus, perdre goût à l’école.

Si le redoublement est un indicateur de l’échec scolaire, il nous semble important de ne pas se voiler la face en se disant qu’il suffirait d’éliminer le redoublement pour éliminer l’échec scolaire. En effet, dans notre système, l’élève peut monter de classe sans avoir acquis les connaissances et compétences de base. C’est ainsi qu’un élève en retard ou en échec se retrouvera orienté vers une filière technique ou professionnelle. Ce système contribue ainsi à dévaloriser l’image de ces filières qui ne sont plus vues comme des filières qualifiantes mais comme des filières de relégation.

Il est donc important, selon nous, pour lutter contre l’échec, d’instaurer un véritable « tronc commun polytechnique ».

Le système scolaire a un fonctionnement incompréhensible, compliqué, qui le rend inaccessible aux parents et aux jeunes eux-mêmes. La majorité d’entre eux ignore les lois, les règles, les sanctions, les évaluations de l’école qui, pourtant, applique un code étroit et particulier. Un énorme travail d’information reste à faire, et à répéter sans cesse.