Juil 28, 2022 | Ecole - Education - Inclusion, LGBTQI+ - Egalité de genre
Nos enfants auront-ils les mêmes chances que les autres dans la vie ? Cette question nous est souvent posée par des familles qui nous téléphonent pour leur venir en aide et/ou les conseiller face aux décisions de certaines écoles fondamentales où est scolarisé leur enfant. Il nous arrive aussi de participer à des rencontres organisées par des écoles de devoirs ou des maisons de quartier, afin d’expliquer l’Ecole (le système scolaire) et questionner son « efficacité ».
Dernièrement, lors d’une rencontre avec des familles d’enfants entrant en 6e primaire sur le thème de l’échec scolaire, nous constations qu’il y avait plus de garçons en décrochages que de filles, de même que l’Ecole oriente deux fois plus de garçons que de filles vers l’enseignement spécialisé. Le débat a alors tourné sur les chances d’avoir un « bon » métier plus tard, quand on est une fille mais aussi quand on est un garçon, afin de sortir du cycle de la précarité.
En matière d’éducation, l’Ecole se veut « neutre »
La mixité de nos écoles tous réseaux confondus est assez récente dans l’histoire de l’Ecole. Elle remonte à moins de 30 ans. Avant cela, les écoles confessionnelles séparaient les filles des garçons[1]. D’autres écoles en faisaient autant. On voit encore dans les village, en lettres taillées dans la pierre, qu’il y avait l’ « Ecole des garçons » et l’ « Ecole des filles ». L’éducation se veut « neutre ». Chaque enfant, qu’il soit fille ou garçon, reçoit les mêmes enseignements. Dans une école, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en Droits[2]. Hors le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de se passer bien dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques.
Si les parcours sont vraiment identiques, comment se fait-il qu’au moment de la formation professionnelle, les choix soient tellement différents ? C’est une question qui ne peut que tarauder les défenseurs et défenseuses des Droits de l’Enfant. Si tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, comment se fait-il que de telles inégalités existent encore dans notre société ?
Filles et garçons ont-ils les mêmes chances d’avenir professionnel ?
Toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. L’Ecole a encore du chemin à parcourir pour être enfin égalitaire et non discriminatoire.
Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[3]. Cependant, leurs choix d’orientation professionnelles ne sont pas les mêmes que les choix des garçons. De ce fait, on assiste à une sexualisation des études professionnelles, supérieures ou universitaires. C’est-à-dire qu’ils attirent plutôt les filles ou plutôt les garçons.
Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués dès le plus jeune âge. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[4] (1997) a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés. Certains métiers seraient destinés aux filles et d’autres aux garçons.
Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et ont sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et d’être en conformité avec les normes de sexe[5].
Selon Albert Bandura[6] (2003), le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%). Tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin). Par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[7].
Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[8]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[9].
Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, en électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[10]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement et ont souvent des salaires plus élevés que leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et ont généralement des salaires inférieurs[11] .
Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves.
Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués qui leur conviennent et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales, où les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrées[12]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques ou une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.
Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou par des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.
Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, il faut constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[13].
Peut-on essayer d’inverser ce mécanisme ?
La première chose, pour inverser un mécanisme – qui plus est, est millénaire – est de le comprendre. Ensuite, on peut tenter de modifier les mentalités. Mais cela prend du temps. ÉNORMÉMENT de temps. En fait… plusieurs vies. Donc, on s’accroche pour les millénaires qui viennent.
Cela commence donc par la compréhension du problème, sans laquelle, nous ne pourrons jamais rien changer. Sans cela, comment éviter que nos fils deviennent de méchants machos et que nos filles aient une vie de « maman » sans pouvoir jamais penser à leur avenir professionnel.
Nous devrons éduquer nos enfants de manière « neutre ». Non, les filles ne doivent pas porter de rose et les garçons de bleu. Oui, les garçons peuvent porter une robe, s’ils le souhaitent. Non, les filles ne sont pas nulles en math et les garçons faibles en français.
Comprendre la sexualisation du monde du travail explique la sexualisation des choix de projets de vie, tant pour les filles que pour les garçons.
Comprendre, c’est pouvoir agir
On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, on se rend compte qu’elle a déjà été une réalité tout au long de l’histoire de toutes les civilisations. Aujourd’hui, elle se retrouve sur tous les marchés du travail du monde entier où elle a une image identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[14]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[15].
En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB (Produit intérieur Brut) a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[16]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.
Il s’agit d’une liste de métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels ». Ils ne doivent pas être trop obsédants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[17]. C’est le domaine de la domesticité[18]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier (1977) a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[19] »
Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[20].
Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes. [21]»
Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.
Mais elles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber, en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[22]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[23]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance.
Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[24] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.
Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[25]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés vendredi par l’Office européen des statistiques Eurostat[26].
L’Ecole doit être vraiment neutre.
Est-il normal que la moitié de l’Humanité soit vouée à changer des couches et à tenir un ménage en plus d’un emploi, parfois, à temps plein ? Est-il normal que nos filles ne pensent leur avenir qu’en tant que (future) mère ? Ne peuvent-elles pas penser à elles et uniquement à elle, dans le choix de leur métier d’avenir ? L’informatique, la mécanique automobile ou devenir pompier ne sont-ils pas faits aussi pour les filles ? Institutrice, bibliothécaire ou Hôte(sse) de l’air est-il chasse-gardée réservée aux femmes ou des garçons peuvent-ils se former à ces métiers ?
Chacun et chacune, à titre personnel, mais également professionnel peut agir pour permette aux filles et aux femmes de choisir vraiment leur voie dans la vie professionnelle. Quelle éducation donner à nos enfants, à nos élèves ? Comment agir en famille, mais également dans les écoles et, au bout du compte dans nos entreprises ? La réponse est dans le cœur de chacun. Mais qui veut, peut !
[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/ et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/
[2] Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ONU, 10 décembre 1948. Article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
[3] FONTANINI, C. (2016). Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr
[4] Hutchings Merryn, 1997. « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14.
[5] Mosconi N. & Stevanovic B., 2007. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan
[6] Bandura A., 2003. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck
[7] Sources : chiffres 2010, statbel.fgov.be & VDAB (Belgique)
[8] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002 no 29
[9] Fontanini C., 2002. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008.
[10] Lemarchant C., 2007. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n°2
[11] Couppie T. & Epiphane D., 2001 Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, no 178
[12] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17
[13] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c
[14] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584
[15] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.
[16] statbel.fgov.be, chiffres 2016.
[17] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier
[18] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140
[19] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.
[20] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.
[21] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.
[22] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973
[23] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004
[24] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013
[25] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011
[26] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.
Juin 25, 2022 | Ecole - Education - Inclusion, LGBTQI+ - Egalité de genre
En organisant cette table-ronde, nous pensions n’être qu’une poignée, comme à la dernière table-ronde que nous avions organisée l’année avant la pandémie. Or, il se fait que nous avons été plus d’une vingtaine, ce qui est une réussite. Peu d’écoles sont prêtes à se lancer dans le projet d’Ecole Pour Tou.te.s et, si cela se confirme, nous avions autour de la table des Pouvoirs organisateurs communaux, des directions de nouvelles écoles intéressées par la réflexion et surtout des personnes qui sont membres de PMS et qui donnent l’EVRAS dans les écoles. Il nous paraissait intéressant de voir ce qui les attirait et d’analyser les ouvertures, tout comme les freins possibles et les besoins.
1. Pourquoi les participant.e.s ont-ils.elles tenu à participer à cette table-ronde ?
Manque de formation initiale
- Parce que c’est un sujet dont on ne parle pas assez, notamment dans les formations de base.
- Les Ecoles normales n’abordent quasiment pas le sujet, pensant que les étudiants ont déjà eu de l’EVRAS pendant leurs études secondaires.
- La formation à donner l’EVRAS devrait être incluse dans le cours d’orthopédagogie
Besoin d’aides et de conseils
- Pour savoir que faire quand on se retrouve face à des inégalités qui touchent les personnes LGBTQIA+
- Comme membre d’un CPMS dans une école qui a demandé de faire des animations autour du genre car ils ont une situation d’un élève qui se pose des questions sur son genre et pouvoir leur relayer l’information de cette table-ronde
Pour débattre entre professionnels
- Pour pouvoir en discuter d’un point de vue professionnel (direction d’école)
- Idem, mais comme membre d’un CPMS qui a en charge l’EVRAS
- Echevine qui met en place des actions pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune
Pour s’informer
- Une journaliste qui couvre l’enseignement dans son journal et qui vient découvrir le projet d’Ecole Pour Tou.te.s, sans toutefois vouloir en faire un article, mais simplement s’informer
- Conseillère pédagogique qui vient s’inspirer de ce projet afin de le transmettre
- Professeure de philosophie-citoyenneté qui a des élèves qui s’assument de plus en plus et qui ont besoin d’être reconnus et qui se retrouve trop seule dans son école du fait que ses collègues ne sont pas informés sur la thématique ou n’y sont pas sensibles
- Enseignante ayant un élève trans, qui ne trouve pas sa place et qui n’est pas soutenue par sa direction. Se demande ce qu’on peut faire dans une école qui n’est pas sensible au désarroi d’un élève.
- Besoin de comprendre la problématique des personnes LGBTQIA+, et plus spécialement des élèves trans.
- Une échevine de l’enseignement qui veut mettre un maximum de choses en place pour favoriser l’égalité des genres dans sa commune.
Pour comprendre comment porter un tel projet
- Besoin d’en savoir plus avant de le relayer vers le Pouvoir organisateur
- Demande de raconter notre cheminement
2. Bref historique du projet
La LDE a porté plusieurs fois le combat pour la communauté LGBT en étant à leurs côtés pour le mariage pour tous et l’adoption homoparentale. A chaque fois, le Politique a rédigé des lois qui répondaient à la demande de la communauté. Mais une fois ces combats terminés, la Ligue n’était plus active dans la défense des Droits des enfants LGBT ou vivant au sein de familles homoparentales. Aussi, nous avons décidé de lancer une plate-forme associative et citoyenne visant à continuer à porter des combats visant à défendre ces droits. Lors de notre tout premier colloque destiné à baliser les priorités que nous devions porter, il est apparu que la plus importante de toutes était l’école. C’est un lieu de grandes souffrances pour les jeunes LGBT, mais c’est aussi un système qui ne remplit pas son rôle en éduquant les élèves à accepter toutes les différences ainsi qu’à lutter au quotidien contre l’homophobie et la transphobie.
Il n’y avait aucune association membre de la Rainbowhouse qui portait le combat pour une Ecole LGBT-friendly. Nous avons donc entamé le chantier avec des citoyen.ne.s et des associations capables de nous alimenter et de nous aider à porter le combat. Nous sommes devenus la première association généraliste membre de la Rainbowhouse.
Nous avons donc mis sur pied une Charte et un carnet d’accompagnement afin de proposer aux écoles de devenir des écoles LGBT-friendly. Nous les invitons à y adhérer et à se voir labellisées « Ecoles Pour Tou.te.s ».
3. Pour rentrer dans le débat explication de ce qu’est la transsexualité
Le mot « transsexualité » provient d’une hypothèse que des psychiatres ont émise il y a plus d’un siècle. Ils se sont dit que si des personnes ne se sentaient pas bien avec leur assignation de naissance c’est qu’elles voulaient probablement inverser les rôles dans leur relation sexuelle, c’est-à-dire devenir pénétrante ou pénétré ou inversement. Ils se sont dit, ces personnes-là on va les opérer, ainsi il n’y aura plus de problèmes. Pendant des décennies, il y a eu des expérimentations, pour finalement parvenir à la conclusion que les personnes qui avaient l’étiquette « transsexuelles » ne souffrent d’aucune maladie mentale.
Il ne s’agit pas d’une maladie, ce n’est pas « réparable », il s’agit simplement d’une caractéristique et non d’un trouble.
Depuis les années 70’s, des associations LGBTQIA+ se sont constituées et ont lutté afin de mettre fin aux expérimentations de conversions psychiatriques. Elles ont exigé d’obtenir les résultats des expériences menées, les hypothèses infirmées et de retirer la transsexualité du DSM. Mais si les psychiatres ont bien été contraints de corriger le DSM en 2013, ce n’est pas pour autant qu’ils ont publié leurs conclusions négatives. Donc, la société continue actuellement de stigmatiser et pathologiser toute forme de non-conformité aux convenances binaires.
Au-delà des identités de genres, le problème touche également les personnes présentant des variations des systèmes sexués, les personnes intersexes. Mutilées au niveau des parties génitales pour certaines, dès leur naissance, elles endurent des chirurgies « d’assignation » jusqu’à l’âge adulte au prétexte de devoir correspondre à un modèle de binarité dit « normal, naturel, biologique » et niant toute forme de variation du système sexué.
Le combat vise à faire cesser toutes ces mutilations inutiles et permettre à toute personne dès sa naissance de vivre pleinement son identité de genres et/ou ses variations biologiques dans le respect des diversités.
4. Quels sont les engagements à prendre pour devenir une Ecole Pour Toute.s
Présentation de la charte en 9 points et explications rapide, chaque point étant détaillé dans les documents accompagnant la charte et remis aux participant.e.s, et débat autour de ces 9 points.
La Charte est divisée en 4 axes : L’axe Inclusion, l’axe Education, l’axe Visibilité et l’axe Action
Au niveau de l’axe Inclusion :
1. Accepter toutes les personnes quelles que soient leurs identités de genres et leurs orientations sexuelles.
2. Respecter l’intimité de chaque personne.
Débat : Il y a consensus sur le point 1, tout comme sur le point 2, mais sur ce dernier, des questions se posent de manière pratico-pratique. Les écoles ne sont pas construites pour laisser de l’intimité aux élèves. Les vestiaires sont communs et les toilettes genrées. Cela nécessitera du temps pour les adapter. Cependant, tout le monde convient que ce n’est pas impossible et que cela permettra de modifier les mentalités et lutter contre les stéréotypes de genre. Le défi qui semble le plus à même de motiver les professeurs est celui dégenrer les productions internes, jouets, manuels et activités culturelles, artistiques et sportives (point 1.5)
Au niveau de l’axe Education :
3. Permettre à chaque élève de participer à toutes les activités organisées dans l’école.
4. Éduquer aux diversités liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles.
Débat : Le priorité pour la majorité des participant.e.s semble être la formation prioritaire des enseignant.e.s, avant celle des élèves. Il est important, selon un directeur d’école, que les enseignant.e.s puissent s’approprier les outils pour pouvoir travailler cela avec les élèves qui leurs sont confiés. Par contre, l’adaptation de l’écriture inclusive dans les écoles rencontre moins de succès. C’est parfois compliqué à lire, alors qu’il y a des élèves dyslexiques et dysorthographiques. De même, comment apprendre à lire aux petits si on leur demande de lire de l’écriture avec des points partout. On pourrait y réfléchir à partir de la quatrième secondaire. Avant cela, il faudra bien former les enseignant.e.s à cette écriture.
Au niveau Formation :
5. Enseigner à repérer les discriminations et les formes de harcèlement.
6. Soutenir toutes les initiatives qui luttent contre les discriminations.
Débat : Adapter les projets pédagogiques et d’établissement est une excellente chose. Les parents devant adhérer aux idéaux de l’école et signer ces deux documents fait qu’ils devront adhérer au projet, au moins passivement. Prévoir une formation eux est également relevée. Il faudrait voir s’il y a des associations de parents dans chaque école, de manière à ce que ce soient les parents qui organisent les formations pour leurs pairs. Cela passerait mieux que si c’est l’école. Cela pourrait aussi être une co-organisation.
Au niveau Action :
7. Lutter contre le sexisme, la transphobie et l’homophobie.
8. Accompagner les victimes des discriminations.
9. Sanctionner les actes sexistes, transphobes et homophobes de manière éducative
Débat : La médiation doit être la priorité. Les participant.e.s pensent que si la formation des élèves commence le plus tôt possible, il y aura peu d’actes homo-bi-transphobes. Evidemment, il y a toujours les élèves qui arrivent en cours de cursus pour qui il faudrait prévoir une formation immédiate, leur permettant d’acquérir la conscience de leurs pairs sur le respect de tou.te.s le plus rapidement possible.
En conclusion, il ressort qu’il y ait consensus sur les balises prioritaires suivantes par rapport aux points de la Charte :
- Pour commencer, il est important de créer un environnement inclusif pour les élèves, les membres du personnel, les intervenant.e.s extérieur.e.s et les parents en prenant en considération toutes les identités qui peuvent être multiples, en luttant contre les discriminations, en respectant la diversité des familles et des élèves, en garantissant le droit à l’intimité de chaque personne et en dégenrant les productions internes, les jouets, les activités culturelles, artistiques et sportives.
- De même, il faut éduquer et former les membres du personnel et les élèves à la diversité liée aux identités de genres et aux orientations sexuelles en informant que chacun a une identité de genre et une orientation sexuelle qui lui est propre et ne se conforme pas nécessairement au modèle dominant. En sensibilisant le personnel éducatif et les élèves, quel que soit l’âge, et les outiller à repérer les discriminations et toutes les formes de harcèlement. En adoptant l’orthographe inclusive dans les communications de l’école, en outillant les enseignants à adopter une attitude critique face aux manuels et outils pédagogiques peu inclusifs et en mettant en place des animations et formations en collaboration avec les associations spécialisées qui souscrivent à notre charte.
- Il est important de rendre visible le projet de lutte contre les discriminations liées aux identités de genres et aux orientations sexuelles en intégrant la lutte contre l’homo-bi-transphobie dans le ROI et le projet d’établissement, dans une logique de co-construction incluant tous les acteurs de l’école, en prenant en compte la diversité des familles, des élèves et des membres du personnel et en prévoyant une information spécifique pour les familles.
- La prévention vaut mieux que la répression. Aussi, il faut mettre en place un accompagnement des situations d’homo-bi-transphobie en décidant d’une procédure de signalement contre les discriminations et en en informant les élèves. Il faut également identifier des personnes de confiance qui accompagneront les personnes en questionnement et traiteront toutes les plaintes en termes de discriminations et de harcèlement. Il faudra également accompagner les victimes et les personnes auteures des discriminations, par la médiation, la rencontre de tous les acteurs et, le cas échéant, appliquer des sanctions cohérentes et mesurables. Il s’agit ici d’analyser avec les directions ce que prévoit chaque règlement d’ordre intérieur et ainsi, avec les éducateurs et les élèves, de proposer des mesures visant à une reconnaissance des actes discriminants d’élèves et l’acceptation de faire évoluer positivement les élèves victimes dans un cadre sécurisé et balisé. Nous conseillons d’adopter la médiation, la communication non violente et une gestion positive des conflits.
- Enfin, il est essentiel de fonder une équipe porteuse du projet dans l’école.
5. Pour conclure : Pratico-pratiquement, comment faire ?
Nous proposons aux écoles de mettre en place un Plan triennal. Ce plan a été réfléchi de manière globale, Aux écoles à l’adapter à leur réalité. On ne devient pas Ecole Pour Tou.te.s du jour au lendemain. Il faut du temps. Ce n’est pas en faisant une campagne d’une semaine ou de 15 jours qu’un beau matin, on arrive dans une Ecole Pour Tou.te.s. Nous estimons qu’il faut trois années pour que les membres du personnel et les élèves soient informés, sensibilisés et formés à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. De même, ce projet doit être pérenne. Chaque année, de nouveaux élèves et de nouveaux professionnels arrivent dans l’école et, de ce fait, chaque année, il faut repartir de zéro avec eux. Evidemment, cela ira de plus en plus vite au fur et à mesure que l’école aura pleinement intégré les concepts et se sera transformée afin de permettre à tou.te.s les élèves et tou.te.s les membres du personnel de pouvoir être reconnu.e.s et respecté.e.s dans leurs identités.
Ce fut un bel échange qui a duré 2 bonnes heures et demi, suivies de discussions informelles autour d’une tasse de café pendant une bonne demi-heure. Rendez-vous l’année prochaine.
Mai 10, 2022 | Ecole - Education - Inclusion, LGBTQI+ - Egalité de genre
Lorsqu’on parle généralement d’éducation inclusive, on pense essentiellement à y inclure les élèves en situation de handicap. Mais il est un public trop souvent oublié parce que caché, ce sont les jeunes LGBTQI+. L’école est trop souvent un lieu de souffrance pour ces jeunes, mais pas que pour eux/elles. Le nombre de jeunes victimes de LGBT-phobies dépasse largement le nombre de jeunes LGBTQI+. Cela touche également des jeunes qui sortent des stéréotypes de genre, que ce soit par leur habillement, leur manière d’être, ou parce qu’ils·elles sont timides, n’ont pas de relation amoureuse connue, ou parce que la « rumeur » les a catalogué·e·s. Il en va de même pour les enfants vivant dans les familles homoparentales ou ayant un parent homosexuel.
Les conséquences de cette souffrance sont importantes. Tant sur la sociabilité que sur la scolarité. Elles se traduisent par de la démotivation scolaire, de l’absentéisme et du décrochage scolaire, du repli sur soi, un risque majeur de conduites à risques, mais aussi une perte d’estime de soi, de l’anxiété, de la honte, de la culpabilité, la crainte permanente d’être « démasqué·e » ou harcelé·e. Enfin, la sur-suicidalité des jeunes LGBT est une conséquence directe de l’homophobie. C’est parce que nous voulons une société inclusive, qui permette à tout être humain d’être pleinement intégré à la société, quelles que soient les différences sociales, physique, intellectuelles, de genre ou sexuelles, que nous voulons aussi une école inclusive, qui éduque les futur·e·s citoyen·ne·s à être les fondateurs et fondatrices de cette société inclusive, et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice.
Nous avons rédigé une charte, ainsi que des annexes qui permettent d’outiller les écoles volontaires. Mais on ne devient pas « LGBT-inclusive » du jour au lendemain. Nous proposons donc aux écoles un plan triennal qui leur permettra d’évoluer à un rythme raisonnable.
Vous êtes intéressé·e ? Vous voudriez réfléchir à devenir une Ecole Pour Tou·te·s ?
Dans le cadre de la Belgian Pride, nous organisons un moment d’échange
le mercredi 1er juin 2022, de 14 heures à 16 heures
Au CAP, 35 place Bizet – 1070 Anderlecht
Pour aller plus loin, voir notre site : www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/
Inscription·s avant le 27 mai : contact@liguedroitsenfant.be
P.A.F. : Votre bonne humeur
Déc 23, 2021 | LGBTQI+ - Egalité de genre, Participation - Liberté - Expression
Il n’y a pas d’âge pour accéder à la compréhension de soi et de l’autre.
L’enfance et l’adolescence sont des âges où nous pouvons parler du genre et de l’orientation sexuelle.
Avez-vous quelques heures de libre par mois ?
Rejoignez notre Commission LGBTQI+ !
Encore aujourd’hui, les enfants et les adolescent·e·s ayant une orientation affective et sexuelle et/ou une identité de genre autre que le modèle accepté ou imposé socialement, moralement ou culturellement constituent des groupes sociaux « invisibilisés » et donc « vulnérabilisés ». Ces enfants sont souvent témoins de violences plurielles infligées par ignorance, telles que : ne pas être écouté·e·s, compris·e·s et reconnu·e·s ; le rejet implicite ou explicite ; les traitements discriminatoires et dégradants ; le harcèlement à l’Ecole ; l’exclusion (par la famille, par les pairs, par l’Ecole) ; les discours de haine (y compris Internet et les réseaux sociaux) ; les menaces et les contraintes verbales, physiques, sexuelles, psychologiques, etc. Ces agressions peuvent être ponctuelles, répétées ou amenées à se répéter et portent atteinte à l’intégrité, à la santé psycho-sociale, affective, mentale et spirituelle de ces enfants. Ces conditions peuvent également être amplifiées par des situations de vie, notamment scolaires et familiales, critiques. Par ailleurs les jeunes personnes LGBTQI+ encourent souvent le risque de se trouver sans abris.
(suite…)
Oct 15, 2021 | Discrimination - Violence, Ecole - Education - Inclusion, Environnement - Santé - Alimentation, LGBTQI+ - Egalité de genre, Participation - Liberté - Expression
Nous recherchons des bénévoles qui veulent agir pour les Droits de l’Enfant en Fédération Wallonie-Bruxelles. Vous avez quelques heures de libres en journée ? Rejoignez-nous et participez à l’orientation de notre politique d’actions collectives selon ce qui vous parle le plus : LGBTQI+, école, primo-arrivant.e.s, santé/environnement, inclusion ou égalité de genre.
Les Droits de l’Enfant sont importants pour vous ?
Vous êtes heurté.e par les dénis de droits que vivent certains enfants ?
Votre enfant est discriminé.e ?
Vous êtes inquièt.e pour son avenir, pour sa santé future et celle de ses futurs enfants ?
Le sort des enfants LGBTQI+ ou demandeurs d’asile vous interpelle ?
Vous pensez que seule une société inclusive permettra l’accueil de toutes les différences?
Les inégalités de genre vous choquent ?
(suite…)
Sep 2, 2021 | Discrimination - Violence, Ecole - Education - Inclusion, LGBTQI+ - Egalité de genre
La mixité à l’école rend-elles filles et garçons égaux
face à l’orientation professionnelle ?
Plus de vingt ans après que l’immense majorité des écoles soient devenues mixtes, plus guère personne ne s’interroge sur l’efficacité de la mesure et sur les effets que celle-ci a eue sur les élèves, filles, et garçons[1]. Hormis le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de bien se passer dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents.
Par contre, si l’on se penche sur les performances des élèves filles et garçons dans nos systèmes scolaires, on se rend compte que la mixité est loin d’être vectrice d’égalités entre les sexes.
La mixité à l’Ecole se veut « neutre » puisque les garçons et les filles reçoivent un enseignement prétendument identique. Dans une classe, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en droits. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques (du moins, dans une école qui ne pratiquerait pas la compétition et la sélection). Leurs compétences et leurs aspirations devraient être globalement proches les unes des autres. Et, même s’ils sont éduqués par leurs parents de manière différente en fonction de leur sexe, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils sont tous capables[2] et devraient donc réussir de manière plus ou moins identique.
Pourtant, toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. Cependant, l’Ecole se vente d’être égalitaire et non discriminatoire. On sait depuis toujours qu’il n’en est rien. Nos systèmes scolaires maintiennent les femmes dans une position dominée[3]. Aussi, la différence de genre générée par la mixité scolaire et, notamment, toute l’aspect de l’orientation professionnelle des adolescentes et adolescents, mérite qu’on s’y attarde.
Les filles réussissent mieux que les garçons…
Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[4].
… cependant, leurs choix d’orientations professionnelles sont dictés par leur genre
Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[5] a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés.
Choisir une orientation, c’est projeter une image de soi dans le futur, qui soit possible. « Que puis-je créer en fonction de mes compétences ? Comment est-ce que je me vois dans 10, 20 ou 40 ans ? ». Les enjeux sont importants, tant au niveau psychique que psychologique. En général, on n’a qu’une chance (du moins on le pense), il vaut mieux ne pas la rater. Tout cela se construit en fonction de ce que l’on est, à commencer par notre genre, mais également en fonction d’une multitudes de facteurs tels que notre milieu social, nos origines, nos envies, nos rêves, l’héritage familial, …
Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et l’obligation d’être en conformité avec les normes de sexe[6].
Selon Albert Bandura[7], le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que, par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%), tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin », tel que par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[8].
Si le pourcentage de femmes est plus élevé dans ces métiers, ce n’est pas parce que toute les filles veulent les exercer, mais plutôt parce que les garçons ne les choisissent pas, estimant qu’un métier « féminin » les dévaloriseraient. Ils cherchent des métiers de « prestige » et de supposée valorisation sociale, un espoir de « noblesse », d’être en haut de la hiérarchie et donc d’avoir du pouvoir sur les femmes.
Les filles ont bien compris le message et n’ont guère d’autre choix que de s’en accommoder tant bien que mal. Si les garçons se projettent dans des carrières prestigieuses (cadre ou cadre supérieur), les filles quant à elles visent plutôt des professions intermédiaires.
Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[9]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[10].
Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, de électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[11]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement leur octroient souvent des salaires plus élevés qu’à leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et perçoivent généralement des salaires inférieurs[12].
Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – probablement à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou sont cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole, en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves.
Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales. Les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrés[13]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques, voire une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.
Quand un garçon choisit une orientation cataloguée comme étant plutôt « féminine », il ne peut le faire que quand il vit dans un milieu familial où il n’y a pas d’auto sélection. Il devra ensuite se confronter aux autres garçons de son âge qui vont le disqualifier en tant que garçon. A l’âge de l’orientation, les jeunes garçons sont, plus que les filles, soumis à la norme de l’hétérosexualité. Il est donc difficile de se voir taxé de « fille » par ses pairs[14]. La crainte d’être autre chose qu’hétérosexuel est un déclencheur du suicide des garçons[15].
Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou à des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.
Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, on ne peut que constater constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[16].
Petite histoire de l’orientation professionnelle
Si Napoléon a institué le BAC comme diplôme de fin d’études en 1803, ce ne sera qu’en 1880 que celui-ci sera ouvert aux filles… de la bourgeoisie. Les républicains voulaient retirer la formation de ces demoiselles des mains du clergé pour en faire de « bonnes épouses » en phase avec les idées de leurs époux et capables de les soutenir et de suivre les études de leurs fils (car les gens biens ont des fils et non des filles).
« Qu’il soit bien entendu que nous ne voulons pas faire des petites savantes, des petites physiciennes. Il ne faut pas que l’on puisse dire que cette chose aimable, ravissante qu’on nomme une jeune fille, est devenue à l’école, entre nos mains, un sot petit garçon[17]. » « C’est le mérite de nos lycées de jeunes filles de ne préparer à aucune carrière et de ne viser qu’à former des mères de familles dignes de leurs tâches d’éducatrices[18]. »
L’idée de permettre aux jeunes de choisir le métier qu’ils voudraient faire n’est apparue qu’en toute fin du XIXe siècle lorsque convergent la question de l’insertion et de la formation professionnelle de la jeunesse populaire d’une part, et les travaux de psychophysiologie d’autre part[19]. Avant cela, la grande majorité des enfants suivait la voie professionnelle de leurs parents. La formation se faisait sur le tas, dans la maison familiale, dans les champs ou dans le village.
La guerre 14-18 ayant détruit une part importante de la main d’œuvre, une multitude d’initiatives voit le jour afin de créer des structures d’orientations professionnelles dont l’objectif était essentiellement de former de jeunes garçons de milieux modestes, à la fin de leurs études primaires, aux emplois nécessaires au fonctionnement des industries de l’entre-deux guerres.
Après la seconde guerre mondiale, l’augmentation de la population scolaire (massification de l’enseignement[20]) modifie les objectifs de l’orientation professionnelle. Il ne suffit plus alors d’orienter vers les métiers utiles à l’industrie, mais de guider les élèves sortant de l’école primaire vers des études secondaires générales ou professionnelles.
Dès lors, l’orientation selon le sexe s’est généralisée. Les filles sont dirigées prioritairement vers les sections littéraires et tertiaires qui sont des voies professionnelles moins connotées mais également moins rémunérées que les sections scientifiques ou techniques industrielles. Ces dernières étant réservées prioritairement aux garçons. Par exemple, en France, les filles représentent 44,9 % du contingent de Terminale S (Scientifique) alors qu’elles ne représentent que 29,7 % du contingent des classes préparatoires et 28% des contingents en écoles d’ingénieurs[21].
La sexualisation du travail
On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, voit qu’elle a été une réalité tout au long de l’histoire, quelles que soient les civilisations. Lorsque la notion de « travail » est apparue, peu après le néolithique, une séparation des rôles basée sur la division du travail à l’extérieur ou à l’intérieur de la maison s’est « naturellement » mise en place. C’était la suite naturelle de la division sexuée qui a suivi la sédentarisation et le début de l’élevage et de l’agriculture. A ce moment, les hommes ont exclu les femmes de l’utilisation des outils et des armes[22]. Cette division s’est imposée à tous les métiers et se perpétue jusqu’à aujourd’hui, sans qu’elle ne soit remise globalement en question.
Elle se retrouve sur les marchés du travail du monde entier et son image est identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[23]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[24].
En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[25]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.
Ces derniers sont des métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels » : ils ne doivent pas être trop prégnants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[26]. C’est le domaine de la domesticité[27]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[28] »
Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins » essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[29].
Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes. [30]»
Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.
Les filles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[31]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[32]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance.
Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[33] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.
Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[34]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés par l’Office européen des statistiques Eurostat[35].
En conclusion
Nous héritons d’un genre à la naissance, que nous avons pleinement le droit d’assumer ou de rejeter (selon Amnesty International, environ 1,7 % de la population naît avec des caractéristiques intersexes, ce qui est comparable au nombre d’enfants qui naissent avec des cheveux roux). Cependant, s’il y a une notion que nous devons toutes et tous rejeter c’est la primauté d’un genre sur l’autre. Et nous devons éduquer nos enfants dans ce sens. Refuser toute forme de discrimination basée sur le genre est une obligation. Il en va de même à l’école qui doit former des citoyennes et des citoyens capables de lutter pour plus de justice et donc aussi pour plus d’égalité entre les genres.
La « genrisation » des choix d’orientation, tant scolaire que professionnelle, est la preuve de la défaillance, à la fois de l’Ecole, mais également de la mixité dans l’ensemble de notre société. Il est urgent de remettre en cause les « normes » et les stéréotypes de genre qui sont à la base de ces disparités. Ces différences de choix générées par l’éducation (familles, écoles, médias, …) sont des discriminations avérées.
Une société qui se veut « évoluée », c’est-à-dire pleinement en phase avec les Droits fondamentaux serait une société où tous les métiers représenteraient le ratio « sexe » de la population en général. C’est ce que doivent viser toutes les écoles : déconstruire, dès le tout début de la maternelle les stéréotypes de genre et réformer la vision genrées que les élèves ont des métiers, mais aussi des tâches familiales et des rôles parentaux.
A suivre… L’Ecole et les stéréotypes de genre
[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/ et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/
[2] Voir notre étude sur le Postulat d’éducabilité : https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/
[3] DURU-BELLAT Marie. L’École des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ? Paris : L’Harmattan, 2004.
[4] FONTANINI, Christine. Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr
[5] Hutchings Merryn, « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14, 1997
[6] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007
[7] Bandura A. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck, 2003
[8] Sources : chiffres 2010, statbel.fgov.be & VDAB (Belgique)
[9] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29
[10] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008
[11] Lemarchant C. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n o 2
[12] Couppie T. & Epiphane D. Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, 2001, no 178
[13] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17
[14] Françoise Vouillot, 2012, Éducation et orientation scolaire : l’empreinte du genre, L’école et la vie.
[15] Jean-Michel Pugnière, 2011, « L’orientation sexuelle : facteur de suicide et de conduites à risque chez les adolescents et les jeunes adultes ? L’influence de l’homophobie et de la victimisation homophobe en milieu scolaire », thèse de doctorat en psychologie, université Toulouse-Le Mirail.
[16] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c
[17] Jules Simon, 1879 : Jules-François-Simon Suisse dit Jules Simon est un philosophe et homme d’État français, né le 27 décembre 1814 à Lorient et mort le 8 juin 1896.
[18] Ministère de l’Instruction publique, 1889
[19] Jérôme Martin, « De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : l’Association générale des orienteurs de France et la construction de la profession de conseiller d’orientation (1931-1956) », Histoire de l’éducation, 142 | 2014, 109-128.
[20] Allongement de la durée des études, création de nouvelles filières et augmentation du nombre de jeunes, notamment par l’arrivée de catégories sociales moins favorisées.
[21] M.E.N. (Ministère de l’Éducation Nationale – France). Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur. Rapport. Paris : MEN, 2014
[22] Paola Tabet, 1998, La Construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps, L’Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme.
[23] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584
[24] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.
[25] statbel.fgov.be, chiffres 2016.
[26] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier
[27] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140
[28] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.
[29] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.
[30] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.
[31] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973
[32] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004
[33] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013
[34] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011
[35] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.