Mémorandum pour une École inclusive : La disparition des structures ségrégatives et la redistribution de leurs besoins humains, matériels et budgétaires

Mémorandum pour une École inclusive : La disparition des structures ségrégatives et la redistribution de leurs besoins humains, matériels et budgétaires

Nous appelons à fusionner enseignement spécialisé et ordinaire et à rediriger des ressources allouées à la séparation institutionnelle des publics vers la différenciation pédagogique des pratiques : les moyens humains des écoles spécialisées peuvent alors être intégrés au sein des écoles inclusives de façon à mettre en place un co-enseignement structurel permanent.

L’École inclusive repose sur un enseignement de qualité et de ce fait, elle se doit d’être meilleure que ce qui se fait aujourd’hui. De nombreuses recherches ont démontré que l’inclusion scolaire est plus efficace que la scolarisation en classes spéciales. Citons notamment ces publications de Cole & Meyer (1991), Buckley, Bird, Sacks & Archer (2020), Freeman & Alkin (2000), Peetsma, Vergeer, Roeleveld & Karsten (2001), Dessemontet, Bless & Morin (2011)

Cependant, la présence en classe d’élèves à besoins spécifiques et de niveaux différents implique la mise en place de pratiques pédagogiques probantes, fondées sur une démarche scientifique. Les enseignants « ordinaires » ne sont pas suffisamment formés pour diversifier leurs pratiques et mettre en place les aménagements nécessaires pour tous les élèves à besoins spécifiques. L’aide d’enseignants spécialisés est donc indispensable, sachant que les pratiques pédagogiques efficaces pour les élèves à besoins spécifiques le sont également pour tous les élèves.

Il y a donc lieu de transformer les écoles d’enseignement spécialisé en centres de ressources de soutien à l’inclusion : ces structures ne seront plus responsables de l’accueil de jour de ces enfants et ne participeront à leur scolarisation que comme partenaires dans un enseignement fusionné « ordinaire/spécialisé ».

La formation des enseignants spécialisés apprend à travailler en contexte inclusif et à utiliser des pratiques inclusives, visant à travailler en co-enseignement avec l’enseignant ordinaire ou en co-intervention avec des professionnels qui ne relèvent pas uniquement de l’École (réorganisation des ressources humaines).  

La mise en place d’une École inclusive exige une posture pédagogique adaptée. Elle implique également une réorganisation quantitative, qualitative et organisationnelle de l’ensemble des ressources (institutionnelles, humaines, financières, matérielles, temporelles, spatiales et scientifiques) pour tous les publics d’élèves, quels que soient leurs lieux d’instruction et d’apprentissages[1].

La fusion de ces deux structures de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire passe par le développement de pôles territoriaux pleinement inclusifs, répartis le plus équitablement possible à travers tout le territoire de Wallonie et de Bruxelles.

Si ce mémorandum est basé prioritairement sur l’évolution de la population des élèves en situation de handicap, l’école inclusive devra, elle aussi, accueillir les minorités dont se compose la population scolaire de Wallonie et de Bruxelles (élèves LGBTQIA+, primo arrivants, de milieux populaires, malades, relevant de la santé mentale, et autres.).

Le co-enseignement a lieu lorsque deux enseignants travaillent ensemble pour planifier, pour organiser, pour instruire et évaluer le même groupe d’élèves et pour partager la même classe.
(Harnett, Weed, McCoy, Theiss et Nickens, 2013, traduits par Tremblay).

Le co-enseignement est « un travail pédagogique en commun, dans le même groupe et dans un même temps, de deux ou de plusieurs enseignants se partageant les responsabilités éducatives pour atteindre les objectifs spécifiques. Cette collaboration peut fonctionner à temps partiel (ex : une heure semaine) ou à temps complet ».
(Tremblay 2012)


[1]                                     Écoles à l’hôpital, à la maison, internats, structures résidentielles et de jour, etc.

Mémorandum pour une École inclusive : L’École inclusive exige à la fois accessibilité et différenciation

Mémorandum pour une École inclusive : L’École inclusive exige à la fois accessibilité et différenciation

1.              L’accessibilité

Le droit fondamental à l’inclusion scolaire implique que chaque école accueille tout élève quels que soient ses besoins spécifiques, sans discrimination.

L’élève à besoins spécifiques accède physiquement à tous les lieux de l’établissement scolaire qui lui sont dédiés, ainsi qu’à ses pairs. À titre d’exemples, il est donc indispensable d’équiper toutes les écoles de rampes d’accès et d’escaliers, d’ascenseurs, de toilettes adaptées et non-genrées, etc.  En attendant une complète rénovation répondant aux demandes spécifiques, les locaux du rez-de-chaussée sont attribués de manière privilégiée aux classes accueillant des élèves avec troubles moteurs. Les indications des couloirs, bâtiments, sont affichées sous formes de pictogrammes et, le cas échéant, traduites en braille et les écoles mettent des protocoles en place pour accueillir les chiens d’accompagnement.

Mais l’accessibilité concerne aussi les contenus d’apprentissage. Cela implique que chaque enseignant adapte son enseignement à tous les élèves (traces, résumés, explications, plateformes en ligne, etc.). Cette accessibilité concerne également les membres du personnel et les parents. 

L’École inclusive est un lieu accessible et compréhensible par tous : documents, courriers, indications, communication adaptée à tous.

Cette accessibilité inclut aussi : 

  • L’usage et la maîtrise des outils numériques et informatiques favorisant l’accessibilité tant au niveau pédagogique qu’au niveau sociétal ;
  • L’investissement financier dans un matériel numérique, informatique et de connexion à la pointe, robuste, fiable et efficace ;
  • La connaissance, la maîtrise et l’utilisation des différents modes et outils de communication dédiés aux personnes présentant des besoins spécifiques dans ce domaine (Communication Alternative et Augmentative – CAA) ;
  • Les déplacements physiques ;
  • L’encadrement et la gestion de l’environnement (structurel, sonore et lumineux) des bâtiments ;
  • Les modalités d’apprentissage, de communication et de compréhension (polices adaptées, diversité des supports utilisés, flexibilité dans la formulation des consignes, …).

Se voit également concernée, l’organisation de la scolarité des élèves, des temps et des rythmes scolaires, des espaces de circulation, des lieux de détente et d’apprentissage.

L’École inclusive est l’école de proximité les transports scolaires ou les transports publics doivent être organisés de manière à ce qu’ils n’entravent pas la disponibilité et la sérénité de l’élève face aux apprentissages, ces formules doivent être entièrement gratuite. Les transports scolaires doivent être inclusifs.

2.              La différenciation

« On peut différencier les contenus, les structures, les processus et les productions des élèves » (Przesmycki, 2004).

2.1.           Différenciation des contenus, compétences et objectifs

Une École inclusive permet aux élèves d’apprendre simultanément des contenus différenciés avec supports adaptés (totalement ou partiellement), de manière à s’ajuster aux besoins de chaque élève (exercices et matériels, libre-choix des questions, des sujets ou des moments d’évaluation, etc.).

2.2.           Différenciation des compétences et objectifs

Dans une École inclusive, tous les élèves restent dans leur groupe d’âge, avec leurs pairs, sans redoublement ni orientation. Le programme proposé est adapté aux différents besoins des élèves. D’année en année, les compétences visées ainsi que les objectifs certificatifs sont également adaptés.

À la fin de son cursus scolaire, chaque élève est certifié en fonction de ses compétences : ce n’est pas parce qu’un élève atteint un niveau de 4e année primaire en mathématique, de 6e primaire en lecture, de 2e année primaire en grammaire/orthographe et de 3e secondaire en histoire/géo qu’il ne peut pas être certifié. La certification tient compte de ses compétences, de manière à ce qu’il puisse évoluer, s’intégrer et s’épanouir professionnellement.

Dans une École inclusive, les référentiels ne tiennent pas compte des années scolaires. Un apprentissage ne répond pas à un rythme immuable ; il peut être étalé sur plusieurs années ou être accéléré. Tous les enseignants ont la capacité d’adapter et d’individualiser leurs apprentissages en s’ajustant à l’évolution de leurs élèves : par exemple, un enseignant de mathématique de secondaire supérieur enseigne le passage par la dizaine à certains élèves, et les intégrales aux autres. 

2.3.           Différenciation des structures

Les locaux sont configurés de manière à permettre aux élèves d’apprendre de manières différentes : seuls ou en groupe, en binômes tuteur-tutoré, en équipes coopératives, etc. 

Les structures de soutien (tutorat, remédiation, aménagements, etc.) appliquent la différenciation (auto-correction, correction en groupes, par les pairs, etc.) pour répondre aux besoins des élèves.

2.4.           Différenciation des processus d’apprentissage

Dans une École inclusive, les enseignants proposent des tâches variées de manière à permettre à chaque élève d’opter pour les processus qui lui permettront de trouver les solutions et de maîtriser les savoirs et les compétences visées. L’élève comprend ainsi mieux l’intention pédagogique et peut choisir les moyens qui lui permettront de s’approprier les contenus afin de les intégrer à ses apprentissages antérieurs.

2.5.           Différenciation des productions

Un enseignement inclusif permet aux élèves de démontrer ce qu’ils ont appris de différentes façons, plus en accord avec leurs manières d’apprendre et de communiquer. Il différencie également les critères et les modalités d’évaluation, ainsi que les seuils de réussite.

Certaines productions demandées aux élèves ne correspondent pas aux modalités d’apprentissage de ceux-ci. Il faut donc leur permettre de choisir la manière dont ils présenteront leur production afin qu’elles soient plus en adéquation avec leur manière d’apprendre et de communiquer à propos de leurs acquis.

2.6.           Compétences professionnelles sollicitées

Chaque école assure la formation de son personnel à la pédagogie différenciée en veillant à ce que cette dernière priorise (Tomlinson, 2014) :

  • Des pré-évaluations pour la planification prenant en compte le niveau, les besoins, les intérêts, etc. des élèves pour comprendre leurs besoins et leurs ressources ;
  • Des attentes élevées pour tous les élèves ;
  • Des objectifs réalistes et ambitieux qui mettent en valeur l’effort de l’élève ;
  • Une gamme de stratégies d’enseignement qui soutiennent différentes capacités et différentes façons de penser et d’apprendre ;
  • Des activités d’enseignement/d’apprentissage ouvertes qui permettent aux élèves de travailler à différents niveaux et rythmes ;
  • Des groupements flexibles pour cibler les interventions visant à remédier aux difficultés d’apprentissage ;
  • Une évaluation formative continue pour suivre les progrès de l’élève ;
  • Des évaluations des travaux de l’élève s’intéressant à ses réalisations (critères) plutôt que sa comparaison aux travaux des autres élèves (norme).

Cette pédagogie différenciée peut s’inspirer du modèle « Réponse à l’intervention » (R.A.I.).

La pédagogie différenciée (ou différenciation pédagogique) consiste en « (…) un principe et une pratique qui préconisent que les planifications et les interventions pédagogiques respectent les diverses caractéristiques des élèves significatives de la réussite de leurs apprentissages » (Legendre, 2005). Elle « (…) propose un éventail de démarches, s’opposant ainsi au rythme identitaire de l’uniformité, faussement démocratique, selon lequel tous doivent travailler au même rythme, dans la même durée, et par les mêmes itinéraires » (Przesmycki, 2004)  

Mémorandum pour une École inclusive : L’évaluation et la certification externe

Mémorandum pour une École inclusive : L’évaluation et la certification externe

1. L’évaluation

On ne peut enseigner sans évaluer. L’évaluation est au service des apprentissages. Il ne s’agit pas de comparer les élèves et encore moins de les mettre en échec.

Il ne peut y avoir que deux types d’évaluation dans une école inclusive : l’évaluation formative, qui comprend notamment l’auto-évaluation, par les élèves de leurs compétences, mais aussi par l’enseignant de ses pratiques pédagogiques, et l’évaluation certificative. En aucune manière on ne pratique l’évaluation-sanction, pas plus que l’on ne mettra de notes[1].

2. L’évaluation formative

L’évaluation formative doit fournir le meilleur compte-rendu possible des connaissances et compétences des élèves, et la description claire de ce qui est ou de ce qui n’est pas acquis, seule manière de guider la façon d’enseigner et de permettre de faire évoluer la démarche si besoin.

L’évaluation formative consiste à :

  • Enquêter sur les acquis et/ou les difficultés durant un apprentissage ;
  • Donner fréquemment des rétroactions constructives aux élèves ;
  • Ajuster, dans la mesure du possible, les stratégies d’enseignement afin d’améliorer les apprentissages des élèves.

L’évaluation formative doit devenir une « seconde nature ». Elle se pratique au quotidien et pour chaque apprentissage nouveau, quelle que soit la discipline enseignée. L’enseignant fixe des objectifs élevés pour chacun de ses élèves, et les ajuste en fonction de leurs capacités et des apprentissages qui auront été adaptés à leurs spécificités. Ce qui est acquis l’est définitivement et ne fera plus l’objet d’autres évaluations. Les élèves pour qui l’apprentissage est toujours en voie d’acquisition reçoivent l’aide nécessaire (remédiation, tutorat, temps supplémentaire, …) qui sont autant d’aménagements universels pouvant bénéficier à tous les élèves.

Si l’évaluation formative est un acte naturel qui se fait au quotidien, il est nécessaire de prendre le temps de faire régulièrement un bilan global avec chaque élève en lien avec son P.I.A. (Plan Individuel d’Apprentissage). Il y a lieu, à ces moments-là, de mettre en place des outils adaptés aux moyens de communication et de compréhension de tous les élèves (élèves malentendants, malvoyants, avec déficience intellectuelle, non verbaux, …). De même ce bilan global doit permettre à l’élève de dire en quoi il est fier et le plaisir qu’il a ressenti. Il est possible d’imaginer d’introduire une échelle du plaisir, ainsi que d’autres indicateurs positifs.

Le bilan global fait office de bulletin et est ajouté au portfolio dans lequel l’élève met tous les apprentissages dont il est fier, afin que ses parents puissent savoir très régulièrement comment évolue leur enfant sur le plan scolaire.

Par la suite, dans la classe, il est prévu un aide-mémoire symbolique qui permet à chaque élève de se souvenir des objectifs définis ensemble (par exemple, sous forme de carte mentale apposée sur le banc).

3. Curriculum « standardisé » vs curriculum adapté à l’élève

L’École inclusive s’oppose à la standardisation, c’est-à-dire qu’elle adapte les contenus ou les critères de réussite. Pour les élèves qui ne peuvent poursuivre les mêmes objectifs – et donc obtenir les mêmes diplômes – que les autres, elle adapte la tâche ou l’épreuve, modifie le programme scolaire de l’élève à besoins spécifiques afin qu’il puisse poursuivre ses apprentissages à son rythme et participer pleinement à la vie de sa classe et de l’école.

Certains cours sont inadaptés pour des élèves présentant des besoins spécifiques particuliers (par ex. une compréhension à l’audition pour un élève malentendant). Dans le cas où un élève ne pourrait pas réaliser une formation standardisée – ou pour lesquelles il perdrait son temps (un élève anglophone dans un cours d’anglais, par exemple) – pour des raisons inhérentes à sa spécificité, une exemption pourrait être accordée, en concertation avec l’élève et ses parents. Les activités pourraient, dès lors, être supprimées, adaptées ou compensées.

4. Évaluations externes et certifications

Il y a lieu de mettre en place une Certification des acquis, c’est-à-dire un passeport de compétences dans le cadre de toutes les évaluations certificatives pour tous les élèves qui ne peuvent poursuivre les mêmes objectifs terminaux que les autres.

La Certification des acquis ou Passeport de compétences doit permettre à tous les élèves ne pouvant poursuivre les mêmes objectifs terminaux que les autres de poursuivre des études valorisantes en enseignement ordinaire inclusif, adaptées aux compétences qu’ils maîtrisent et à leurs projets personnels. Cela doit également leur permettre au terme de leurs études, s’ils le souhaitent, de trouver un travail ajusté à leurs compétences.

Les évaluations certificatives externes standardisées sont incompatibles avec l’École inclusive.

C’est au Conseil de classe que revient la responsabilité d’attribuer le passeport de compétences, quel que soit le niveau atteint. 


[1]                                     www.liguedroitsenfant.be/2838/etude-les-notes-a-lecole/

Mémorandum pour une École inclusive : Rôle de la direction pédagogique

Mémorandum pour une École inclusive : Rôle de la direction pédagogique

La direction pédagogique de l’école tient un rôle primordial. En effet, elle est garante du projet éducatif et du respect des valeurs de l’École inclusive. Il a été démontré que les directions efficaces sont essentielles (Fullan, 2011). Pour cela, il faut qu’elles soient également spécialisées dans les pédagogies actives et inclusives. Il s’agit d’un leadership partagé. La direction coordonne une équipe de spécialistes qui l’ont préalablement élue en fonction de ses compétences pédagogiques et humaines. De manière à se ressourcer, une direction d’école ne peut dépasser deux mandats électifs successifs de 5 années. Il est essentiel qu’elle puisse revenir sur le terrain par la suite.

Le leadership scolaire est généralement caractérisé par quatre catégories de pratiques (Leithwood, Day, Sammons, Harris et Hopkins, 2006) :

1.     Définir des orientations ;

2.     Organiser la formation et le développement professionnel ;

3.     Repenser l’organisation ;

4.     Gérer les programmes d’enseignement (enseignement et apprentissage).

La direction pédagogique sera déchargée de l’administratif. Cet aspect sera pris en charge par une direction administrative, élue également pour un maximum de deux mandats successifs. Il s’agit donc bien d’une co-direction. Ce fonctionnement constitue un exemple pour l’équipe éducative que l’on encourage au co-enseignement.

La direction pédagogique a également la tâche de partager les compétences au sein des écoles (leadership partagé) mais également de mettre l’école en contact avec tous les intervenants extérieurs en lien direct avec l’école (familles) ou ayant des compétences qui peuvent aider l’école à devenir encore plus inclusive ou à venir en aide aux enseignants et élèves à besoins spécifiques (formateurs, chercheurs, associations)

Il est primordial que la direction pédagogique motive et accompagne les équipes éducatives et le personnel encadrant qui œuvrent actuellement afin qu’ils puissent modifier leur état d’esprit.

Mémorandum pour une École inclusive : La formation des enseignants

Mémorandum pour une École inclusive : La formation des enseignants

L’École inclusive repose sur la mise en place d’un enseignement de qualité et sur des compétences professionnelles solides acquises lors des formations initiales et continuées :

– les futurs enseignants sont formés à l’inclusion, et ce, tout au long de leur cursus ;

– cette formation change le regard sur la différence, les étudiants candidats-enseignants mettant leurs apprentissages en pratique tout au long de leurs stages ;

– il serait intéressant d’offrir à des étudiants en formation initiale et à des enseignants en formation continuée des moments communs permettant de croiser les regards et les ressources des uns et des autres ;

– les enseignants sont formés au co-enseignement et à la co-intervention. Ces manières de procéder favorisent l’accessibilité et la différenciation des apprentissages ;

– La formation des enseignants porte sur les pratiques qui favorisent la réussite, ainsi que la participation et la collaboration de tous. Pour être de qualité, ces pratiques doivent être pertinentes, adéquates, efficaces, efficientes, basées sur la recherche de preuves empiriques. Il s’agit donc de « stratégies d’enseignement clairement précisées qui ont montré, dans des recherches contrôlées, leur efficacité dans le fait d’apporter les résultats désirés à la population définie d’élèves concernés » (Mitchell, 2008). C’est d’autant plus important que les pratiques enseignantes efficaces pour les élèves à besoins spécifiques se montrent également opérantes pour des élèves ne présentant pas de difficultés (Torgesen, 2000 ; Cook et Schirmer, 2003). La quasi-totalité des pratiques adaptées aux élèves à besoins spécifiques présentent un caractère universel.

La recherche a pu dégager un ensemble de quelques dizaines d’attitudes et de pratiques enseignantes universelles et efficaces pour les élèves à besoins spécifiques scolarisés en classes ordinaires. Les plus efficaces, au niveau de la classe, étant, entre autres et sans ordre d’importance : le tutorat entre pairs, l’enseignement réciproque, l’apprentissage coopératif, l’enseignement stratégique, l’évaluation formative, l’intervention précoce, la différenciation, l’enseignement explicite, l’enseignement de stratégies mnémoniques, l’enseignement de stratégies métacognitives, etc.

De même, des pratiques axées sur des dimensions psychosociales, utilisées au niveau de la vie de l’école et de la classe comme la culture scolaire, la qualité de l’environnement et le climat de classe sont également considérées comme efficaces par la recherche en Éducation (Mitchell, 2008).

Trois critères sont à prendre en considération dans le choix d’une pratique connue ou l’adoption d’une nouvelle pratique (Tremblay 2020) :

  1. Le degré d’efficacité : les enseignants vont préférer une pratique qui fonctionne par rapport à une pratique moins efficace.
  2. La facilité d’application : les enseignants vont préférer une pratique facile à mettre en application plutôt qu’une pratique qui nécessite beaucoup de temps, de matériel et/ou d’énergie.
  3. La valeur pédagogique : les enseignants vont préférer une pratique qui correspond à leur style d’enseignement plutôt qu’une pratique qui leur paraît plus étrangère.

Cela implique que les enseignants soient capables

  • d’être flexibles ;
  • d’autoévaluer leur style d’enseignement ;
  • d’évaluer leurs élèves de manière formative, en vue d’ajuster leurs pratiques.

Les enseignants formés à différencier leurs pratiques d’enseignement et à planifier celles-ci disposent de deux pistes privilégiées pour opérationnaliser cet état d’esprit :

1.           La formation/accompagnement : il s’agit d’une collaboration professionnelle entre un enseignant ordinaire et un enseignant spécialisé ou orthopédagogue (un enseignant ou une personne spécialisée en éducation qui a été formé à la différenciation, à la gestion des difficultés d’apprentissage, à la prise en compte des besoins systémiques des jeunes). Le second forme le premier à la différenciation des pratiques pédagogiques, lors de moments d’intervision, de supervision, de construction de cours, d’analyses de productions d’élèves, etc.

2.           Le co-enseignement : Deux enseignants partagent les mêmes objectifs pédagogiques et réalisent ensemble, au sein du même groupe-classe, les tâches nécessaires pour atteindre ces objectifs. Cette collaboration peut se faire selon les projets et les ressources scolaires.

Cette pratique est devenue synonyme d’inclusion scolaire ou du moins de la meilleure manière de l’opérationnaliser. Tremblay (2012) définit le co-enseignement « comme un travail pédagogique en commun, dans un même groupe et dans les mêmes temps, de deux ou de plusieurs enseignants se partageant les responsabilités éducatives pour atteindre les objectifs spécifiques. Cette collaboration peut fonctionner à temps partiel (ex : une heure semaine) ou à temps complet ». L’orthopédagogue est considéré ici, non comme un spécialiste des troubles et déficiences, mais comme un spécialiste de la différenciation pédagogique. L’objectif du co-enseignement vise à maintenir tous les élèves au sein d’un même groupe de pairs, durant la totalité ou quasi-totalité de l’horaire. Il s’agit de spécialiser l’enseignement ordinaire de manière qualitative, c’est-à-dire visant à améliorer la qualité de l’enseignement offert à tous les élèves qu’ils soient à besoins spécifiques ou non.

De même, les enseignants sont également formés à la co-intervention en intervision en dehors du temps en classe, lors de moments d’échanges avec les professionnels qui travaillent avec les élèves, autres que les enseignants (Aviq, Phare, AIS, Services d’accompagnements, logopèdes, orthopédagogues, paramédicaux, intervenants culturels, parents…).

La communication avec les parents comme partenaires de l’éducation, et donc la co-éducation favorisant le « parenting[1] » dans le cadre de la classe et de l’école est essentielle et est le gage de la réussite du projet d’une École inclusive.

Les enseignants se forment aux nouvelles technologies afin de maîtriser les outils numériques dont ont besoin les élèves à besoins spécifiques pour réaliser leurs tâches et activités scolaires.

La charge administrative des enseignants doit être centrée sur l’essentiel : la clarification des objectifs d’apprentissages de chaque élève et la nécessaire collaboration entre tous les acteurs, y compris l’élève lui-même.

Les évaluations-sanctions sont remplacées par des évaluations formatives. Les travaux à domicile sont évités tout au long du tronc commun, ce qui soulage élèves, parents et enseignants. Les bulletins “chiffrés” sont remplacés par des bulletins formatifs basés sur les forces et les progrès de l’élève dans tous les apprentissages.

La liberté pédagogique des enseignants, comme celle de tous les professionnels, s’inscrit dans le cadre des projets pédagogiques et d’établissement de l’École inclusive. Ces projets sont élaborés avec toute la communauté éducative et ses acteurs, dont les élèves et les parents, dans la mise en œuvre de ces valeurs et principes éducatifs.

La formation continue sera ouverte à tout le personnel de l’école sans exception, de manière à ce que tous soient sensibilisés et formés à l’accueil et à l’inclusion de tous les élèves.


[1]                  Participation des parents dans des activités de classe et échanges sur pratiques éducatives.

Accessibilité