Les phobies scolaires

Les phobies scolaires

Introduction

L’endroit où les Droits de l’Enfant sont, de manière globale, les moins respectés, c’est l’école. Pas toutes les écoles, fort heureusement. Il en est de formidables, mais il en est également d’autres qui continuent à pratiquer l’échec scolaire, le redoublement et les orientations que ce soit vers l’enseignement spécialisé ou vers l’es enseignements technique et professionnel. Or, la Convention des Droits de l’Enfant précise non seulement que l’éducation est un Droit de l’Enfant, mais également, que l’école doit assurer l’exercice de ce droit sur la base de l’égalité des chances.

Or quelle égalité il y a-t-il dans nos écoles. Tant que l’on mettra des points, que l’on évaluera non pour savoir quels élèves aider mais pour les mettre en concurrence et obtenir sa « chère » échelle de Gauss qui montrera au collègues et à la direction que l’on n’est pas un professeur ou une professeure laxiste, l’égalité des chances n’existera pas. C’est un déni de droits et les victimes sont les élèves.

Nous nous sommes inquiété des élèves atteints de phobies scolaires qui sont en hausse[1]. Afin de nous faire une idée de ce que sont ces phobies et ce qui existe pour aider ces jeunes, nous avons invité trois spécialistes lors d’une soirée débat sur cette thématique. Dans cette analyse, vous pourrez lire ci-dessous le résumé de leurs exposés. Nous avons essayé d’être le plus complet possible, car cette thématique est importante à comprendre.

Madame Veronique Delvenne, Professeure de Pédopsychiatrie à l’ULB

Quand on prononce « phobie », on pense au mot « médecin ». La phobie c’est un symptôme, mais une phobie c’est aussi une peur et la peur ne relève pas essentiellement du domaine médical. Il y a le domaine social, politique… Un certain nombre d’absences scolaires à répétition révèlent un malaise de l’enfant par rapport à l’école. Un certain nombre de décrochages scolaires ne sont pas des phobies mais il y a des enfants qui vont à l’école et qui sont en situation de pré-phobie scolaire.

Madame Delvenne nous donne la définition pédopsychiatrique du trouble : c’est un ensemble de symptômes très déterminés. L’enfant commence à avoir peur  au moment d’aller à l’école, il pleure, refuse d’y aller ; il a mal à la tête, mal au ventre, la tête qui tourne, tombe dans les pommes…  C’est une peur d’aller à l’école !

Il faut parfois réhabiliter certains éléments éthologiques du fonctionnement de l’homme et ne pas toujours le prendre sur le mode médicalisé. Si c’est médicalisé, c’est psychiatrisé. Or c’est beaucoup plus complexe que ça. Les raisons qui font qu’un enfant a peur d’aller à l’école sont nombreuses.

Celles qui vont être attribuées au domaine médical signifieront une manière d’exprimer une dépression. Pour d’autres, ce sera des problèmes intrafamiliaux. Tout cela est pris dans le sens du symptôme systémique.

Certains ont peur d’aller à l’école pour d’autres raisons, car ils sont en situation d’échec répété. Ou alors, on n’a pas pu détecter les troubles d’apprentissage particuliers dont ils peuvent souffrir à certains moments, ce qui relève du champ pédagogique.  Notons également le harcèlement : ils ont peur d’aller à l’école car ils se sont fait harceler. Le harcèlement n’est pas devenu psychiatrique, c’est une situation sociale ou environnementale.

Donc ce qu’on rattache à la phobie, c’est uniquement décrire la peur avec des symptômes qui passent par le corps. Il y a des origines multiples et parfois elles se combinent. Les élèves peuvent à la fois avoir des problèmes instrumentaux, c’est-à-dire des difficultés particulières dans les apprentissages, avec une orientation scolaire pas toujours nécessairement idéale. Le problème de ce que les intervenants vont en faire ou comment ils vont le traiter à ce moment-là aura un rôle important sur les conséquences.

Il y a deux grandes tranches au niveau des enfants :

  1. Enfant en âge primaire : ce sont des enfants qui peuvent être déprimés ou des enfants avec des troubles d’apprentissage spécifiques.
  2. Pour les adolescents, les causes peuvent être multiples et peuvent être combinées avec d’autres éléments de décrochage. Un jeune qui n’arrive pas à aller à l’école peut aussi se mettre progressivement à zoner, à faire d’autres types de rencontre…

Donc  c’est une espèce de grand fourre-tout mais qui explique que des enfants aient peur d’aller à l’école et qu’ils fassent passer cette peur dans des symptômes du corps.

Pour pouvoir leur éviter de décrocher complètement de l’école, la meilleur manière de travailler avec eux est en individuel ou en petit groupe. Ça permet de maintenir la question du niveau d’apprentissage, mais en général cela ne suffit pas. Car il y a un malaise supplémentaire du fait qu’ils n’arrivent pas à aller à l’école. Le facteur de risque est que progressivement le jeune  « se désinsère » à la fois de son environnement mais avec parfois des phénomènes d’extension, des peurs qui vont concerner le fait de sortir en rue, le fait de prendre le métro…  Plus le temps dure avant qu’il ne se retrouve dans un processus d’apprentissage ou de scolarité, plus le facteur de risque augmente.

Une situation extrêmement préoccupante :

L’enfant médicalisé est celui qui va développer des idées noires, aura une perte d’estime de soi, et  peur du contact avec les autres. Il peut développer un état dépressif, avoir des troubles du sommeil, parfois faire une tentative de suicide… Ce sont des situations graves, qui nécessitent une approche médicale, une hospitalisation. C’est aussi le cas lorsque la problématique intrafamiliale est très sévère. On ne peut pas faire de généralisation ; chaque situation comporte ses particularités, son histoire particulière, son environnement particulier.

Elle voit souvent des ados vers 13, 14 ans qui développent une phobie scolaire mais qui connaissent l’absentéisme depuis les primaires. Avant que ne se développe une phobie complète, il y a déjà eu des moments de décrochage d’une durée plus ou moins longue avec des certificats, une certaine médicalisation par le médecin de famille. 

Pour certains, le fait de travailler en petit groupe à l’école, à l’hôpital ou à l’école à domicile va  permettre de les accompagner le temps de les réorienter.  Il y en a pour qui on n’arrive pas à faire une re–scolarisation ; soit il y a une réorientation vers la formation s’il a l’âge pour le faire, soit c’est la fréquentation d’un hôpital de jour.

Comment leur redonner l’envie de travailler ? L’envie est là mais ils n’y arrivent plus. C’est surtout un travail de partenariat avec l’école d’origine !

Concernant les adolescents, s’ils absentent plus de trois fois sur l’année, ils finissent par demander un certificat pour des causes fonctionnelles ou banales. Il faut commencer à investiguer autre chose, car en général ils sont en bonne santé. C’est au généraliste d’être attentif à ces moments-là et de tenter de rechercher d’autres types de malaise psychologique. Plus on agira précocement, plus on aura de chance à un moment donné de pouvoir reprendre une filière scolaire normale. 

Madame Valérie Martin, enseignante à l’école Escale (enseignement spécialisé de type 5)

L’Ecole Escale est une école d’enseignement spécialisée qui s’adresse à l’origine aux enfants hospitalisés. Petit à petit cette école s’est agrandie et donc a créé plusieurs services, et notamment des services dans des institutions psychiatriques.

Ensuite, l’école Escale a créé un service tout à fait spécialisé oùon n n’accueille plus de jeunes hospitalisés, mais des ados qui viennent de chez eux, qui sont à la maison et sous certificat médical. Ce sont des enfants à l’arrêt scolaire.

Malgré eux ces ados passent à la trappe par rapport aux écoles et à la question politique. Ils font très peu de bruit, ne sont pas très gênants ni bruyants, ne posent pas de problèmes à la société. Pour certaines écoles, si le jeune reste inscrit, il est sous certificat médical ; le subside que représente l’élève reste acquis. Par contre, c’est un élève en moins dans l’école. Parfois les écoles ne réagissent pas trop vite, voire pas du tout, parce que ce n’est pas une situation qui les embarrasse. (On n’a pas de statistique de l’absentéisme en Belgique. En principe les écoles doivent prévenir le S.A.J mais ils ne le font pas).

Par rapport au phénomène sociétal, leur constat est qu’il y a de plus en plus de jeunes concernés. Pendant une partie de l’année, ils reçoivent des appels tous les jours et n’ont pas la capacité de répondre à toutes les demandes.

Qu’est-ce qui explique cette situation ? Si on tient compte de la question « Dans quelle société vit-on ? », qu’est ce qui permet de comprendre cette situation ? Madame Martin cite le psychanalyste Belge Jean-Pierre Lebrun. Celui-ci ne parle pas spécifiquement des phobies scolaires mais réfléchit beaucoup à la société d’aujourd’hui. Ce qu’il amène comme hypothèse, c’est celle du travail d’humanisation ou de subjectivation. Il dit  « le parcours d’un enfant depuis sa naissance jusqu’à l’âge jeune adulte est un parcours d’humanisation ». C’est-à-dire qu’il passe d’un état où il ne parle pas, à un état de jeune adulte, où il peut soutenir une parole en son nom propre et être entré dans le langage suffisamment pour pouvoir savoir qui il est, savoir se définir, se positionner par rapport à ces projets d’avenir, par rapport à son statut d’homme ou de femme. Il y a là tout un parcours auquel l’école contribue par la subjectivation. Cela  permet à l’enfant de s’approprier le langage et rentrer dans la parole.

Ce qui frappe les enseignants de l’école Escale chez les ados qu’ils rencontrent aujourd’hui, c’est qu’ils sont terriblement absents à eux-mêmes. Ils ont une énorme difficulté à pouvoir se prononcer sur des sujets, donner leurs avis, s’approprier un savoir. Il y a des ados extrêmement compétents du point de vue intellectuels qui ont évidement envie d’apprendre, mais qui expriment très peu de choses sur leurs désirs, sur leurs envies, qui s’avancent très peu et sont paralysés.  Il y a une paralysie au niveau de la prise de parole ; ce trajet est actuellement en crise, tout comme les conditions pour transmettre à l’enfant la possibilité de s’approprier le langage.

Monsieur Lebrun fait des tas d’hypothèse sur les raisons de cette crise de la subjectivation, mais une qui apparaît excessivement parlante pour ce qui est de la phobie scolaire, c’est la question de la séparation. Il dit que « rentrer dans le langage suppose de perdre quelque chose ».

Cette question de la séparation est au cœur de la phobie scolaire.

Mr Lebrun évoque la question de notre culture néolibérale qui veut que nous soyons connectés en permanence, ( Gsm, Facebook, etc …) ; certains parents se demandent s’il faut mettre une caméra dans les crèches de sorte que les mères ou pères soient en lien permanente avec leurs enfants de manière visuelle. On n’est pas du coté de la coupure ! Ni de la séparation, de la distance avec la satisfaction. On est plutôt dans quelque chose qui promeut l’immédiateté de la satisfaction.

C’est une question qui traverse tous les enseignants, et ils sont tous dépassés par ça ! Madame Martin ne voit pas en quoi on peut s’incriminer les uns, les autres. Elle pense que les écoles sont dépassées et que les parents sont dépassés de manière très large. Dans les addictions possibles qui sont aussi du coté des choses très immédiates, il y a très souvent des addictions avec les jeux en lignes, les écrans… qui ne facilitent pas la possibilité pour ces jeunes de sortir de chez eux d’aller vers l’extérieur, de rencontrer des gens.

A l’adolescence il y a aussi autre chose qui se joue. Il y a une perte, on quitte l’enfance. Cela suppose de se définir pour savoir qui on est pour se différencier de la génération qui  précède.

Les solutions :

On va parfois vers autre chose que l’école. Madame Martin nous présente une situation qu’elle a vécue : « J’ai connu une jeune fille qui est arrivée vers 13 ans. On n’a pas été vers la psychiatrie car elle ne voulait pas ! Au bout d’une année, on a mis une limite. Mais elle ne veut toujours pas envisager de retourner à l’école, car la peur est toujours là. Je lui propose une solution thérapeutique résidentielle. Elle refuse. Je lui ai proposé autre chose, un séjour en Afrique avec une ASBL qui encadre des jeunes délinquants. Trois mois au Bénin avec des petites missions. Elle a pu aider l’instituteur du village ; on était donc dans une rupture importante, car elle ne pouvait téléphoner qu’une fois par mois à ses parents. Et c’est ça qu’il l’a sauvée de sa difficulté. Quand elle est revenue, elle a pu réintégrer l’école ».

La possibilité pour l’élève de retrouver une parole est primordiale, c’est la base de la possibilité de se positionner dans la vie.

Françoise Persoons, Directrice de l’EHD (Ecole à l’hôpital et à domicile)

L’EHD a été créée il y a un peu plus de 40 ans pour la scolarité des enfants incapables de se rendre à l’école pour des raisons de santé. Il y a 20 ans, ils avaient zéro cas « psy ». En 20 ans de temps, Ils sont passé à 30% de cas « psy » et ont constaté que ces enfants avaient un trouble du lien.

L’EHD donne 4 700 heures de cours dans la Belgique Francophone, à domicile et 1 500 heures à l’hôpital.

Dans l’esprit de la fondation de l’ASBL, l’enfant est hospitalisé (pour un cancer). Il quitte le plus vite possible le milieu hospitalisé, les séjours sont de plus en plus courts. Une fois sorti de l’hôpital, il n’a plus l’école de type 5 (enseignement spécialisé pour enfants malades) qui était attaché à l’établissement thérapeutique. A ce moment, les enseignants de l’EHD remplacent l’école de Type 5 et continuent l’enseignement auprès de l’enfant à domicile.

Dans l’esprit des gens, une école à l’hôpital et à domicile c’est le rêve. Ils reçoivent des demandes de parents qui ont des enfants anxieux, des enfants incapables de s’épanouir dans leur vie sociale.  Ce qui les interpelle le plus, c’est le nombre d’enfants qui vivent dans un monde clos. Ils n’ont plus aucun contact, la télé est allumée toute la journée.

Pourquoi interviennent-ils ? Quand interviennent-ils ?

L’EHD ne travaille pas avec des jeunes qui ont décroché depuis 1 an, 2 ans, … mais avec des jeunes qui ont décroché depuis 3 mois, parfois 6 mois, quand il y a un espoir de réintégration scolaire. Il y a toujours une collaboration avec l’école. Dans les cas « psy » ils demandent un suivi thérapeutique. Ils ne veulent pas généraliser toutes les situations de phobie scolaire, que ce soit un certificat fait par un médecin généraliste n’est pas acceptable non plus. Leur intervention doit s’accompagner d’une aide personnelle envers le jeune qui lui permettra de mieux cerner s’il vaut mieux pour lui réintégrer l’école ou non. Les enseignants de l’EHD sont du « pédagogique », pas du « thérapeutique », même s’ils s’y retrouvent à leur insu.

Certains enfants ont d’autres angoisses, comme l’agoraphobie (peur excessive de se retrouver dans des lieux où il est difficile de s’échapper, de ne pas pouvoir fuir ou être secouru rapidement) et ces jeunes-là ne sont pas scolarisés à domicile. On les scolarise à l’extérieur du cocon familial. La coupure est très difficile ; ils rencontrent, dans la plupart des situations, des relations très fusionnelles de la part des mamans.

Les enseignants de l’EHD scolarisent ces jeunes dans leurs bureaux, pour qu’ils sortent de la maison, qu’ils prennent le métro. Ils essayent de mettre cette autonomie en place. Et elle est souvent mise à mal par les mères. Leur intervention peut être très brève, et elle ne sera jamais longue. Ils interviennent avec un objectif bien précis. Ils ne reprennent jamais une situation d’une année à une l’autre, car ils ne sont pas un enseignement parallèle, mais sont un relais de l’école. L’EHD n’est pas « certificative ». Les enseignants sont tous des bénévoles ; c’est l’école d’origine qui est « certificative ».

Quand ils arrivent dans la famille pour la première visite, les parents se sentent toujours soulagés de les voir arriver, comme s’ils étaient la solution à leurs problèmes. Ils les détrompent rapidement : l’EHD peut faire partie de la solution mais la solution se trouve ailleurs.

Il y a des situations où leur présence dans la famille à un moment bien précis parvient à recadrer une problématique ; il y a une espèce de déclic qui se provoque. Le jeune réintègre son école plus vite que l’on espérait. Souvent ils essaient de faire intervenir l’établissement, et demandent que l’ensemble des autorités se mobilise pour faire un rappel de la loi : «  Il y a une obligation scolaire tu dois revenir à l’école ! On t’attend ! »

La question est : quand on voit ces enfants dans ces hôpitaux de jour qu’est-ce qu’ils deviennent ? Quel est l’avenir de ces enfants ?

Un tiers des enfants retourne à l’école. Un second tiers aura des difficultés pendant toute sa scolarité. Et un tiers terminera en institut psychiatrique.  

Il y a, heureusement, des réussites franches. Il y a aussi des réussites partielles. L’enfant réoriente son projet mais revient à une vie sociale, retourne dans une forme d’école. Ce n’est pas tout à fait le projet de départ mais il redevient un être socialisé. Et il y a toujours des échecs. Le retour à l’école ne signe pas toujours la fin de la problématique psychologique du jeune. Le retour n’est pas une victoire ! 

Notre conclusion Les phobies scolaires touchent de plus en plus de jeunes, parfois très tôt dans leur scolarité. La FWB a mis l’accent sur la lutte contre le harcèlement, ce qui est déjà une bonne chose. Le futur tronc commun devra prendre en charge l’aspect purement scolaire, c’est-à-dire l’acquisition par TOUS les élèves de TOUS les savoirs, savoir-faire et savoir-être qu’elle a l’obligation de transmettre. Ces savoirs sont souvent transversaux, c’est-à-dire que chaque adulte dans l’école a la mission de les transmettre et de veiller à ce que chaque élève les ait acquis. Cela évitera alors de voir des élèves décrocher parce qu’ils sont en échec. L’échec n’est jamais la faute de l’élève, mais toujours de l’école, et parfois de certains professeurs. Il y a donc lieu de changer les mentalités et la doxa scolaire (ensemble de croyance archaïques jamais démontrées) en supprimant l’échec, en refusant le redoublement ou les orientations et en maintenant chaque élève dans son groupe-classe jusqu’à la fin du tronc commun, voire de sa scolarité.


[1] Aller à l’école les pétrifie: la phobie scolaire, un phénomène en hausse, à ne pas négliger, RTBF 02 mars 2020

Carte blanche d’un directeur d’école inclusive

Carte blanche d’un directeur d’école inclusive

Les enfants ayant une trisomie ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière et n’ont pas les mêmes droits que les autres.

Directeur d’une école inclusive à Bruxelles, j’accueille depuis une dizaine d’années une quarantaine d’élèves à besoins spécifiques, dont 11 élèves avec une déficience intellectuelle, la plupart étant porteurs de Trisomie21.

Depuis que nous avons lancé ce projet, nous avons constaté l’incroyable épanouissement de ces élèves, tant sur le plan intellectuel que social.

Cette approche inclusive de l’éducation qui permet à tous les élèves, quelles que soient leurs différences, de se sentir inclus et soutenus dans leurs parcours, nécessite un réel et constant engagement de la part de l’équipe pédagogique pour fournir les aménagements nécessaires, adapter à leurs besoins les programmes et les activités et offrir un environnement d’apprentissage stimulant pour tous.

Nous sommes convaincus que cette approche est bénéfique non seulement pour les élèves porteurs de trisomie et autres déficiences intellectuelles, mais également pour tous les élèves qui peuvent ainsi développer leur empathie, leur ouverture d’esprit et leur capacité à travailler en collaboration avec leurs pairs.

Pour aider les enseignants dans leurs tâches quotidiennes, nous avons eu la chance de bénéficier du Décret Intégration, qui nous a permis de recevoir un soutien personnalisé de la part d’une école partenaire spécialisée de type 1 et 2. Deux enseignantes, presqu’à temps plein, étaient présents tous les jours pour apporter leur aide, proposer des aménagements et créer une véritable synergie entre les enfants et elles.

Leur professionnalisme a permis aussi d’aider efficacement les titulaires de classe et de créer un environnement d’apprentissage plus inclusif et plus respectueux pour tous.

Il va sans dire que, sans l’aide personnalisée, il est quasi impossible d’accueillir sur le long terme et avec un projet ambitieux des enfants présentant une déficience intellectuelle.

Le décret intégration permettait cette aide individualisée.

L’année prochaine, nous aurons le plaisir d’accueillir un nouvel élève porteur de trisomie âgé de 2 ans et demi.

Dans notre école inclusive, notre politique est d’accueillir ces élèves le plus tôt possible pour leur offrir une éducation ordinaire dès le début. En effet, nous avons constaté qu’au plus tôt ces élèves arrivent dans notre école, au plus rapide est leur progression. Cela souligne l’importance d’un accueil précoce pour favoriser leur développement intellectuel et social et leur donner toutes les chances de réussite dans leur parcours scolaire.

Pour accueillir ce nouvel enfant, j’ai fait appel aux Pôles territoriaux qui, sans rentrer dans les détails, remplacent désormais le Décret Intégration.

Ce matin, comme tous les matins, j’ai ouvert mes mails à 7h30 et y ai découvert, avec beaucoup de colère et de tristesse, leur réponse.

Celle-ci nous informait que le nouvel élève porteur de Trisomie21 ne serait pas en mesure de bénéficier des mêmes services d’accompagnement personnalisé que les élèves précédents.

Je cite : « Malheureusement, si l’élève n’a pas fréquenté l’enseignement spécialisé, il ne pourra pas bénéficier d’une intégration même si ses besoins sont avérés. Vous pouvez bien entendu toujours inscrire cet enfant et lui prévoir des aménagements mais aucune aide individuelle ne pourra lui être proposée par le pôle car il ne remplit pas les conditions. Il n’y a donc aucune démarche à effectuer pour lui auprès des pôles. »

Les bras m’en tombent !

Cette décision est tout simplement scandaleuse et inacceptable.

En refusant toute aide individuelle à des enfants porteurs de Trisomie21 ne venant pas d’une école spécialisée, la FWB et les Pôles territoriaux envoient un message très préjudiciable : celui que ces enfants ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière et qu’ils n’ont pas les mêmes droits que les autres.

Cela va à l’encontre de tout ce que nous devrions chercher à atteindre en tant que société inclusive. Chaque enfant mérite une chance égale d’apprendre, de se développer et de s’épanouir.

Si la FWB n’est pas en mesure de fournir le soutien adéquat à ces enfants-là, alors qu’elle est capable de le faire pour d’autres enfants, elle leur refuse leur droit fondamental à une éducation de qualité dans une école ordinaire.

En outre, en refusant de fournir les ressources et le soutien nécessaires à l’intégration de ces enfants, nous envoyons également le message que leur présence n’est pas souhaitée ou valorisée dans notre société.

Cela peut évidemment entraîner des répercussions négatives sur leur estime de soi et leur confiance en eux, les isolant encore davantage.

Il est donc impératif que la FWB prenne toutes les mesures nécessaires pour obliger les Pôles à proposer un soutien personnalisé et de qualité dispensé par un professionnel aux élèves porteurs de trisomie même si ces enfants ne viennent pas d’une école spécialisée.

J’espère donc que la FWB comprendra et mesurera l’importance de cette décision et qu’elle travaillera rapidement avec les Pôles pour trouver une solution qui permettra à tous nos élèves, y compris ceux porteurs de déficiences intellectuelles, de bénéficier du meilleur service éducatif possible.

Dominique Paquot,

un directeur en colère

Le harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire

Résumé d’une soirée-débat que la Ligue des Droits de l’Enfant organisé sur cette thématique

Le concept du harcèlement scolaire vient d’un psychologue Dan Olweus et de son étude sur des établissements scolaires scandinaves dans les années 1970. De cette étude il a établi 3 critères pour définir le harcèlement scolaire :

  1. « Le ou les agresseurs agissent dans une volonté délibérée de nuire. » Ce critère a toutefois été contesté, les enfants n’ayant pas nécessairement la même perception de l’intentionnalité que les adultes2 ;
  2. Les agressions sont répétées et s’inscrivent dans la durée ;
  3. La relation entre l’agresseur ou les agresseurs et la victime est asymétrique »

Chiffres de harcèlement en Belgique : en termes de harcèlement la Belgique figure dans la moyenne Européenne soit 10 à 15% de jeunes qui en sont victimes. Si on étend cela à l’ensemble des 867.260 élèves, cela représente entre 86.726 et 130.089 élèves qui en seraient victime.

Florence Pondeville Juriste chez UNIA (ex Centre pour l’égalité des chances et lutte contre le racisme).

Le centre pour l’égalité des chances est un centre public et autonome qui lutte contre le racisme et les discriminations. Il traite des demandes individuelles et des plaintes.

Il reçoit donc des signalements en matière d’enseignement. Bien consciente que cela représente une infime partie par rapport aux nombres totaux de harcèlements dans l’enseignement. Sur les  plaintes liées à l’enseignement seulement 11 étaient liées à du harcèlement (Wallonie – Flandre et Bruxelles).

La majorité des plaintes sont liées au racisme ou à l’homophobie. Il est important de toujours écouter les deux versions car l’auteur et la victime ont souvent un ressenti différent, tout comme les spectateurs. Il faut toujours privilégier la résolution du conflit par le dialogue. Si ce dernier ne fonctionne pas, on peut toujours brandir les outils légaux. En effet, le  harcèlement est une infraction légale qui conduit à des sanctions. La loi dit que la personne qui harcèle devait savoir l’effet que ca aurait sur la personne. En cas de harcèlement discriminatoire, les peines sont plus lourdes.

UNIA pense que la plainte légale ne va surement pas changer la situation dans l’immédiat, par contre la plainte pourrait mettre en lumière autre chose (les violences familiales, le fait d’appartenir à une bande urbaine, …).

Dans les écoles, le décret mission de 97 fixe la règle relative à l’exclusion. Tout élève qui porte atteinte à l’intégrité physique, psychologique ou morale envers un membre du personnel ou d’un élève peut être exclu. Souvent, en cas de harcèlement il y a exclusion. À condition de respecter les critères du décret mission même si le centre n’encourage jamais l’exclusion car ce ne sera qu’une solution temporaire et non la résolution du problème (c’est un déplacement au mieux). Il y a aussi le risque que les amis du harceleur souhaitent se venger. En fédération Wallonie Bruxelles plus de 2000 exclusions définitives[1] ont été prononcées et dans 20% des cas, elles sont liées à des situations de harcèlement, soit 1 cas sur 5.

Le décret anti-discrimination définit le harcèlement comme les conduites indésirables répétées se traduisant notamment par des comportements, des paroles, des intimidations, des actes, des gestes, des écrits ayant pour objet de porter atteinte à la personnalité, la dignité, à l’intégrité physique ou psychique d’un bénéficiaire de l’enseignement. Cette définition étant très large de nombreux cas sont compris là dedans.

Témoignage d’une maman

Ce témoignage poignant d’une mère dont le fils de 15 ans a été victime de harcèlement.

Elle nous explique qu’elle n’a pas réalisé immédiatement que son fils était victime de harcèlement et qu’elle s’est beaucoup culpabilisée de cela dans un premier temps. Il aura fallu attendre un appel de l’école pour dire que son fils était malade. Et devant le refus de celui-ci de voir le médecin, elle a commencé à se poser des questions. Lors d’un deuxième incident, le médecin diagnostique une gastrite liée au stress. Suite aux questions du médecin, il découvre que le jeune est victime de harcèlement parfois violent, mais comme beaucoup de victime, il refuse toute intervention.

La mère décide tout de même de se rendre à l’école en espérant que la direction prendra des mesures. Elle reçoit un appel 15 jours plus tard, l’informant que son fils à reçu un coup dans les testicules. Cette fois ci, la situation s’aggrave vraiment car son fils à de réelles séquelles suite à cet incident et va devoir subir une intervention chirurgicale. Il sera donc écarté de l’école durant un temps.

La maman profite de cette période pour ré-interpeller la direction et les professeurs. De nombreux professeurs n’ont même pas été mis au courant de la situation et interpellent la direction pour savoir s’ils vont encore perdre un « bon » élève. Après les 3 semaines de convalescence, son fils retourne en cours en disant que tout se passe bien avant de quitter l’école quelques jours plus tard et de refuser d’y retourner. La maman va alors décider de mettre son fils dans une autre école. Aujourd’hui tout se passe très bien pour lui dans sa nouvelle école mais il refuse toujours de parler de se qu’il s’est passé ou de déposer plainte.

La mère a également réalisé que certains signes auraient pu l’alarmer plus tôt, comme ses fardes qui cassaient tout le temps ou ses affaires qui disparaissaient. Elle regrette aussi qu’il n’y ait pas pu avoir une solution avec l’école car elle estime que le changement d’école n’était pas la solution idéale car cela n’as pas réglé le conflit, ca n’a fait que le déplacer. On rejoint donc là, l’avis d’UNIA.

Madame Vilet : médiatrice scolaire fédération Wallonie Bruxelles

La médiation est définie comme un processus qu’un professionnel peut mettre en place pour travailler la relation entre deux personnes ou deux parties à l’aide d’un climat de confiance  qui permet au parti de parler de la relation, de l’ interrelation ou des tensions. 

Le service de médiation scolaire est une équipe composée de 86 hommes et femmes, professionnels de la médiation, d’horizons et de formations initiales différents (droit, sciences sociales, anthropologie, psychologie, …). Ils sont également formés à la médiation.

En Wallonie, les médiateurs sont affectés à une zone géographique et traitent toutes les demandes qui leur parviennent, en fonction de cette zone de référence.

A Bruxelles, chaque médiateur est affecté à plein temps ou a temps partiel à une école secondaire, tous réseaux d’enseignement confondus. Ils peuvent aussi répondre à la demande des écoles qui n’ont pas de médiateur interne. Dans le cadre du harcèlement, la relation est très complexe mais la médiation est là pour permettre une autre communication. Le harcèlement pourrait être abordé comme un conflit entre deux personnes grâce à un cadre de mise en confiance. La demande peut venir du jeune, d’un éducateur, d’un prof, …

Ce cadre permettra de formuler avec des mots et de faire prendre conscience à l’autre de la réalité et de l’impact de l’attitude de chacun. Aborder le phénomène du harcèlement comme un souci relationnel permet parfois d’aller plus loin. Il est important que tous les acteurs de terrain doivent rester attentifs.

Il y a une grande différence entre une équipe mobile et une équipe des médiateurs. L’équipe mobile n’est interpellable que par la direction ou par le Pouvoir organisateur, alors que les médiateurs sont contactables par tous les acteurs de l’école.

Coralie Theys : présente « graine de médiateur » qui est en place depuis une vingtaine d’années. Sociologue spécialisée dans les questions d’éducation, et collaboratrice avec l’université de paix.

L’université de paix intervient dans les écoles primaires et secondaires et fait des animations pour initier les enfants à la gestion positive des conflits. Les activités démarrent dès la 3ème maternelle et elles sont adaptées en fonction de l’âge des participants.

Le phénomène de bouc émissaire est lié à une violence groupale. Des leaders vont apparaitre mais aussi des boucs émissaires et des spectateurs (pour plus d’info cfr. livre De Boeck « ni loup, ni agneaux »). Le persécuté aura généralement une aversion pour la violence et l’agressivité, au contraire du persécuteur qui utilise cela comme moyen de communication (souvent d’un gabarit assez fort ou bien entouré avec ses lieutenants). 4% des persécuteur aurait eu même été lié a du harcèlement en tant que victime.

Au delà du rôle de victime ou de harceleur, il y a en tout 5 grands groupes qu’on retrouve dans une dynamique de groupe :

  1. La victime
  2. Le harceleur
  3. Les lieutenants (les angoissés qui sont menacés de devenir des boucs émissaires  attirent l’attention du persécuteur sur le persécuté) – (les lieutenants sont calculateurs et analysent bien la situation afin d’en tirer profit).
  4. Les auteurs passifs qui par peur ne vont surtout pas réagir et ceux qui ne se sentent pas impliqués dans la vie de l’école et qui ne prêtent pas souvent attention à cela car ils ont tout ce dont ils ont besoin dans leur vie.
  5. Les sauveurs, eux, ils ne sont pas toujours présents mais même s’ils ont peur ils essayent de défendre le persécuté ou de mettre en évidence cette persécution.

Il est essentiel dans les cas de harcèlement d’agir vite car le phénomène s’il n’est pas pris à temps risque de se cristalliser dans la dynamique du groupe.

Graine de médiateur fait des interventions durant toute une année dans la même classe en suivant des rouages et des activités : ils font beaucoup d’activités rapides de cohésion et travaillent sur la dynamique de groupe afin de développer le vivre ensemble. Ils mettent les enfants en rond assis sur des chaises et les font changer de place régulièrement. Ils mettent aussi en place des jeux où les enfants doivent se rapprocher physiquement (se promène en classe et quand la musique s’arrête, ils doivent toucher leurs épaules, leurs pieds, …). Cela permet de repérer les enfants qui vont se retrouver seul et vers qui personne ne va. Cela met en évidence les dynamiques de groupes et permet parfois de les stopper. Ils vont aussi essayer de permettre aux enfants d’exprimer leurs émotions et de les identifier lors de situation de conflits. Ce rapprochement de l’autre, permet une meilleure connaissance des autres et aussi une augmentation de sa propre estime de soi.


[1] Les exclusions scolaires toujours aussi nombreuses. Julien Thomas, La LIBRE Belgique, 18-01-2018

Colloque : Construisons des écoles inclusives

Colloque : Construisons des écoles inclusives

Colloque participatif

En co-organisation avec la Cocof

Avec le soutien de la FAPEO et du Centre d’Action laïque

OUPS !I!I!I! Depuis ce jeudi 6 avril à 18h05, notre colloque est complet.

Si vous souhaitez être informé.e de notre prochain colloque en novembre 2023,

envoyez-nous un mail à contact@liguedroitsenfant.be

Lieu : Complexe du Ceria (Anderlecht)                                                              Date : Vendredi 14 avril 2023

Lors de nos colloques sur l’Ecole inclusive en 2022, nous nous sommes, dans un premier temps, interrogés sur le rôle des Pôles territoriaux. Ensuite, nous avons présenté des outils permettant aux écoles et professionnels de rendre leur établissement ou leur classe plus inclusive : pédagogies actives, tutorat, portfolio, co-enseignement, aménagements raisonnables.

Dans ce nouveau colloque, nous parlerons bien évidemment pédagogie active – il est impossible d’être inclusif sans passer par cette case-là –  mais nous réfléchirons à l’accueil de tous les élèves, quelles que soient leurs différences, leurs origines, leurs diversités.

Nos écoles accueillent des enfants, des jeunes qui ont des origines sociales différentes, des spécificités particulières, des déficiences, des maladies chroniques ou graves, etc. Il n’est pas facile de mettre en place des mesures de soutien à tous les élèves en fonction de leurs besoins spécifiques. Comment aller au-delà des « simples » adaptations matérielles et mettre à leur disposition des moyens qui vont leur permettre de participer pleinement à la vie de la classe, de l’école ainsi qu’aux apprentissages. Et ce, afin d’assurer au mieux leur réussite scolaire et éducative ?

Nous nous intéresserons à ceux que l’Ecole laisse de côté. Que ce soit parce qu’ils sont issus de milieux populaires, ou parce qu’ils ont une déficience intellectuelle ou encore dont la santé mentale les empêche d’accrocher à un système dans lequel ils ne voient plus leur place. Comment les accueillir sans les orienter, sans les rejeter, sans les casser un peu plus encore ? Ces questions, notre système scolaire ne les prend pas à bras le corps. Nous allons donc nous interroger et chaque participant aura la possibilité de s’exprimer, poser des questions, mettre des idées sur la « table ».

Programme

8h30 Accueil

9h00 Introduction

9h15 : Qu’est-ce qu’une école inclusive

La Plate-forme pour une Ecole inclusive a rédigé un Mémorandum qui définit ce que devrait être une Ecole inclusive en FWB

9h35 : Les pédagogies coopératives

Présentation en deux parties :

Académique : Ghislain Magerotte (prof émérite U-Mons ) et Jean-Pierre Coenen (LDE, instituteur émérite)

Pratique : Participation de « De l’autre côté de l’école » (Ecole secondaire à pédagogie Freinet)

10h45 : Pause

11h15 : Réseau des écoles solidaires et qui font dignité 

Les recherches sur les systèmes scolaires, leur efficacité, leur équité et leur efficience, montrent bien l’importance de la mixité sociale dans les classes et les écoles. Ce sont les systèmes les plus mixtes socialement qui sont aussi les plus équitables. Les écoles « solidaires et dignes » sont des écoles qui veillent à conserver une mixité existante ou à favoriser une mixité nouvelle et à en faire une dynamique favorable aux apprentissages de tous.

Jacques Cornet (CGé), Michèle Masil (Ecole du Tivoli) et Tanguy Pinxteren (Lycée Intégral Roger Lallemand)

12h00 : Echange avec la salle

12h30 : Pause dîner

13h15 : Certification des acquis : le passeport de compétences

Présentation : France De Staercke de la FAPEO

Présentation de la Certification des acquis ou Passeport de compétences. Il devrait permettre à tous les élèves ne pouvant poursuivre les mêmes objectifs terminaux que les autres, de poursuivre des études valorisantes en enseignement ordinaire inclusif, adaptées aux compétences qu’ils maîtrisent et à leurs projets personnels. C’est une de nos revendications. Comment intégrer un tel outil dans notre système scolaire ?

Débat entre des parents et des associations représentatives

et des responsables politiques (sollicités)

14h00 : Débat avec la salle

14h30 : Projection du documentaire : Tout va s’arranger (ou pas)

Avec le soutien du CAL et de la FAPEO

En partant du témoignage des jeunes en souffrance, ce film tente de comprendre le mal-être d’une jeunesse marquée par 2 années de confinement. En les écoutant, on devine un rendez-vous raté avec ces jeunes qui tentent aujourd’hui encore de soigner des blessures très douloureuses. En un an, le décrochage scolaire dans le secondaire a augmenté de 55 %, le nombre de remboursements des consultations psychologiques s’envole, plus 20 % en 2021, et les prescriptions d’antipsychotiques explosent, entre 20 % et 50 % selon les âges. Les professionnels rencontrés durant le tournage ont décrit un phénomène devenu incontrôlable.

15h30 : Débat avec la salle

Avec la participation de Pierre Schonbrodt (réalisateur), de Véronique de Thier (FAPEO) et de jeunes concernés

16h15 Clôture de la journée

16h30 Fin

Renseignements pratiques

Quand ?

Le vendredi 14 avril 2023

Où ?

Campus du Ceria – Av. Emile Gryson 1, 1070 Anderlecht, bâtiment 4C, locaux 606 et 607

Inscriptions AU PLUS TARD POUR LE 10 AVRIL

Envoyer un mail à l’adresse suivante (remplacer ‘at’ par @, sans espaces) :

formations ‘at’ liguedroitsenfant.be

Pour toute question : téléphoner au 0477 545 907 (de 9h30 à 18h)

Participation aux frais :

30 €/personne

22 € pour les étudiant.e.s et les parents d’enfants à besoins spécifiques

Pause, repas et documents compris

A verser sur le compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant

avec la mention « colloque 14 avril 2023 + Nom.s et prénom.s du/des participant.e.s »

La/les inscriptions seront confirmées par mail une fois la participation aux frais perçue.

Les institutions peuvent nous demander une facture et payer après le colloque

Attention : le nombre de places est limité.

Enfants adoptés et échec scolaire ?

Enfants adoptés et échec scolaire ?

Résumé d’une soirée-débat organisée par la Ligue des Droits de l’Enfant

Madame Françoise Hallet a 3 enfants adoptés. Elle est médecin scolaire et enseignante à la haute école provinciale du Hainaut et coordinatrice de l’envol.

Madame Hallet ne pense pas qu’il y a des discriminations particulières vis-à-vis de l’adoption, ni que l’échec scolaire et l’adoption soit nécessairement liés. Il est cependant évident qu’il faut parfois adapter certaine chose pour les enfants adoptés mais on peut faire un parallèle avec les enfants immigrés.

Ce qu’on constate avec les enfants adoptés c’est que parfois une chose se passe très bien à l’école et le lendemain, l’enfant n’arrive plus à la faire. On a tendance à dire « Tu peux quand tu veux, fait un effort », mais ca ne va quand même pas.  Il ne faut donc pas le brusquer dans ces cas là, et ne pas hésiter à dire que c’est nous qui lui avons donné un exercice trop difficile. Cela lui permettra de ne pas se dévaloriser.

Il faut être conscient que l’enfant adopté peut avoir peur d’être à nouveau abandonné même si pour l’adulte il est évident qu’il fait partie de la famille.

Comme le dit Jean-François Chicoine (pédiatre québécois à l’Hôpital Sainte-Justine, spécialiste de l’adoption internationale) : « Si les enfants adoptés réussissent moins bien à l’école, ce n’est pas souvent pour de grosses pathologies, mais c’est pour plusieurs détails qui méritent d’être reconnus et d’être pris en compte ».

Apprendre ca demande quoi ? : C’est pouvoir se représenter les choses. C’est aussi faires des liens entre les différentes choses qu’on a apprises.  C’est s’organiser, planifier, atteindre un but,…

Tout ceci entre dans ce que l’on appel les fonctions cognitives.

Elles se préparent depuis la toute petite enfance. Pour apprendre il faut se sentir suffisamment en sécurité, d’autant plus chez les enfants adoptés. Car ils n’ont pas été en sécurité durant un temps de leur vie plus ou moins long selon l’histoire de chacun. Et les histoires d’enfants adoptés, il y’en a autant que d’enfants adoptés. Car des enfants adoptés qui réussissent bien à l’école, il y’en a évidemment (une ex-ministre allemande de la santé est une enfant adoptée originaire du Vietnam).

Mais il est vrai qu’il y’a une proportion d’enfants adoptés qui rencontrent des difficultés. Une des premières raisons est le sentiment d’insécurité. Il doit aussi avoir confiance en l’enseignant et en lui-même pour explorer le monde extérieur. Il lui faut aussi être capable de se réguler. Il faut avoir une bonne capacité d’inhibition pour pouvoir s’arrêter à temps (fonction exécutive).

Le cerveau est sculpté par les expériences que nous avons faites, qu’elles aient été heureuses ou malheureuses. Et ce qui s’est passé dans la petite enfance est très important. Tout ce qu’on apprend nous influence. C’est ce qui fait que chaque matin, notre cerveau sera différent de celui du soir. Il aura appris de nouvelles choses qui créeront de nouveaux liens.

Inévitablement les expériences ont plus d’impact que la théorie mais, quoi qu’il en soit, les deux modifient le cerveau.

On adopte beaucoup moins aujourd’hui pour de nombreuses raisons, la crise financière (oui une adoption coute cher), les pays d’origine organisent de plus en plus les adoptions à l’intérieur même du pays en maintenant les fratries. Le nombre total d’adoption en Belgique et dans le monde a diminué de plus de la moitié.

Une étude canadienne, se déroulant 3 à 4 ans après l’arrivée des enfants adoptés a démontré que 11% d’entre eux ont des troubles exécutifs, ce qui n’est pas beaucoup. Cela démontre que les parents ont bien pu compenser. 42 % de ces enfanrs ont des problèmes de régulation de l’attention et 50% des problèmes de comportement. Cependant, ces chiffres sont sujets à caution. Les enquêtes ont été réalisées sur les parents et non sur les enfants. Leurs réponses dépendaient de leurs propres exigences.  

Une enquête française réalisée en 2001 a mis en relation l’âge des enfants adoptés et leurs résultats scolaires.  L’objectif était de savoir si le fait que l’enfant soit adopté jeune, les parents rencontrent moins de problèmes avec lui. Or, l’étude a démontré que les enfants adoptés à moins de 6 moins rencontrent plus de difficultés scolaires que ceux adoptés entre 7 mois et 3 ans.

L’enquête se basait sur le fait d’acquérir le diplôme de primaire. Le résultat a donné les chiffres suivants :

  • 10 % des enfants adoptés avant 6 mois n’avaient pas de diplôme de fin de primaire.
  • Tous les enfants adoptés entre 7 mois et 3 ans ont obtenus leur diplôme de primaire.

Sur la suite des études, il a été constaté que les diplômes les plus important ont été acquis par les enfants ayant été adoptés entre 7 mois et 3 ans.

Qu’est ce qui influence négativement le parcours scolaire :

  • Les enfants qui ont été maltraités avant leur adoption (malheureusement ont manque parfois d’information et durant ce temps plein de choses peuvent avoir lieu).
  • L’abandon à la naissance (adoptés à moins de 6 mois)
  • Le manque d’information sur ses origines (surtout à l’adolescence) car ca va le faire gamberger. Il est donc très important de donner toutes les informations dont on dispose à l’enfant adopté et ne pas les garder pour soi de peur que ca soit trop difficile pour lui. Mais parfois même en voulant lui expliquer tout, nous disposons de peu d’informations. Il est évident que le fait de gamberger, diminue l’attention durant les cours.

Il y a beaucoup de troubles sensoriels chez les enfants adoptés. Nous avons tous des troubles sensoriels (par ex : le bruit d’une craie sur le tableau). L’hypersensibilité d’un canal sensoriel peur provoquer une réaction exagérée aux stimuli (par ex : les lumières fortes, certains bruits, …), ce qui peut amener à des réactions excessives, difficiles à comprendre au niveau d’une classe. L’inverse est l’hypo-sensibilité. Ces enfants ont besoin de stimuli très fort pour réagir. On retrouve aussi souvent ce problème chez les enfants autistes.

Nous développons nos fonctions exécutives dès la petite enfance. Il s’agit de capacités cognitives qui nous permettent de contrôler et autoréguler notre comportement. Autrement dit, nous imaginons ce que ce que nous voulons faire, avant de le faire concrètement. Par exemple, si l’on veut construire un château avec des blocs, nous allons d’abord l’imaginer avant de commencer à le construire. Lors de la mise en œuvre il faudra savoir faire preuve d’inhibition, autrement dit de pouvoir diminuer, voire mettre un terme à un comportement. Toujours dans l’exemple de la construction du château, nous n’allons pas empiler les cubes indéfiniment. Il faut donc une flexibilité mentale qui permet de passer d’un mécanisme de résolution à un autre. Ensuite on comparera celui qu’on a fait avec l’image mentale qu’on s’était faite. Il est souvent difficile pour certaines personnes de faire cette dernière phase.

Que peut-on faire pour favoriser le développement de la maturité scolaire chez les enfants ?

Avant toute chose, favoriser l’attachement.  Tout d’abord à ses parents et ensuite à l’enseignant.

Comment faire face aux traumatises ? Sachant que tous les enfants adoptés en ont vécu un au minimum, celui de l’abandon avec la mère d’origine. Après selon le parcours de chacun, ces traumatismes seront plus ou moins nombreux.

  • Il faudra soutenir et aider à développer les fonctions exécutives et attentionnelles.

L’attachement est une théorie qui a été imaginée, puis confirmée par John bowlby psychiatre anglais qui s’occupait des enfants qui avait été abandonnés dans l’après-guerre. L’attachement est le lien que tout bébé humain ou animal crée avec son donneur de soin, qui est généralement sa maman.

Ce lien va se développer durant la première année de vie, l’enfant verra que quand il pleure ou qu’il a besoin de sa mère, celle-ci est présente. Cela va favoriser son attachement à sa maman et le mettre en confiance.

Il y a 4 types d’attachement :

  • L’attachement « Secure » : je sais que je peux faire confiance
  • L’attachement « évitant » : je peux faire confiance pour mes besoins matériels mais je ne peux pas pour mes besoins d’affections. Parents absents, ou froids dans leur relation.
  • L’attachement « ambivalents/anxieux » : il faut que je me roule par terre pour avoir ce que je veux. Et donc on va rester coller à elle de peur qu’elle disparaisse. L’estime de soi est affaiblie, ce qui crée une perception du monde qui exagère le négatif et diminue le positif. Et cela mène très souvent à une forme de dépendance affective anxieuse qui imagine sans cesse tous les pires scénarios qui pourraient advenir.
  • L’attachement « désorganisé » : Il peut arriver que l’enfant aille au-delà de ses ressources psychiques et émotionnelles qui sont plus faibles que les autres et vivre de graves crises qui vont se manifester sous diverses formes: dissociation, dépression, toc, phobies, etc…

Chez les enfants adoptés on sait que l’attachement Secure est plutôt rare bien que cela existe (parfois suite à un décès de ceux-ci).  Souvent ce n’est pas un attachement Secure. Au plus l’enfant aura connu de soignants au plus il souffrira de trouble de l’attachement.

Que peut-on faire pour favoriser l’attachement ?

  • Créer un sentiment de sécurité : pour cela il faudra être très présent et lui offrir des habitudes, manger à la même heure, faire les choses aux mêmes moments et aux mêmes endroits, tout cela amplifiera un sentiment de sécurité. Même si il est évident que pour les familles ce n’est pas toujours simple au niveau de l’emploi du temps avec le travail et autres, mais cela est vraiment essentiel pour l’enfant adopté afin qu’il se sente en sécurité.
  • Il ne faut pas hésiter à garder l’enfant à la maison pour le rassurer. Et s’il est besoin de le garder plus de deux jours (couvert par mot des parents), il ne faut pas hésiter à demander un certificat au médecin.
  • Une fois qu’il se rend à l’école il faut favoriser le lien avec l’enseignant. Il est également nécessaire que l’enseignant crée ce lien de confiance. Pour créer ce sentiment de sécurité on peut aussi mettre un peu plus de routine que d’habitude. Evitez certaines sorties qui pourraient faire paniquer l’enfant adopté (par exemple, visiter la caserne des pompiers si l’enfant est recueilli par un/des pompiers, …).
  • Il faut aussi se rendre indispensable auprès de l’enfant.
  • Toujours rassurer l’enfant (par exemple, en lui laissant un bracelet qu’il rendra après les cours. Cela le rassurera qu’il vous retrouvera après).
  • Évitez de provoquer de la honte (l’enfant adopté à déjà un sentiment de honte d’avoir été abandonné). Éviter les sanctions qui amplifieraient ce sentiment de honte.

Mark Hittelet, adopté dans son enfance

Il se dit d’abord ravi en tant qu’enfant adopté d’avoir eu l’occasion de mieux découvrir les processus de l’adoption en réalisant un stage dans ce secteur. La première chose qui l’a interpellé durant ce stage c’est le stress que peut engendrer l’adoption pour un candidat adoptant. Les candidats lui disaient souvent que l’évaluation de leur capacité à être parents adoptant est un grand facteur de stress. Sans compter les procédures qui sont très complexes et coûteuses.  

Pour lui parler d’échec scolaire et d’adoption est plutôt provocateur. On devrait plutôt parler d’une scolarité spécifique à l’enfant adopté plutôt que de parler de l’échec scolaire afin d’éviter la stigmatisation.

Il est conscient que les carences, les incertitudes sur le passé vont effectivement avoir un impact sur la scolarité de l’enfant. Le fait que ses parents d’adoption lui ont fourni toutes ces infos sur son origine fut important. Il conseille donc fortement aux parents adoptants de ne pas garder de secret envers l’enfant. Il est essentiel d’éviter les non-dits qui augmenteraient l’angoisse de l’enfant, surtout durant l’adolescence, quand les questions identitaires sont omniprésentes.

Seelons lui, l’affectif et l’intellectuel sont étroitement lié. Si l’affectif est défaillant, il y aura inévitablement des conséquences en terme de scolarité.

D’après son vécu et les témoignages des parents qu’il a rencontrés, il constate que face aux difficultés il y a un risque d’évitement. L’enfant adopté pourrait se bloquer plus facilement et il est donc essentiel de bien baliser et surtout de valoriser les acquis de l’enfant afin qu’il se sente en confiance. Il faut donc bien observer l’enfant afin de savoir comment le rendre plus réceptif à ces encouragements.  Il lui semble aussi très important de véhiculer une image positive des parents biologiques. Peut importe les raisons qui ont amené les parents biologiques à abandonner l’enfant, les dénigrer n’aidera pas l’enfant à se construire positivement. Il faudra aussi pour les parents et l’enfant faire preuve d’acception quand aux zones d’ombres qui entourent l’adoption et pour lesquels on aura sans doute jamais de réponse. Lui a fini par accepter cela et se rendre compte qu’il avait des ressources personnelles, et des personnes ressources vers qui se tourner afin d’avancer avec ses questions sans réponses.

Il faut faire attention a ses propres attentes en tant que parents car pour l’enfant le ressenti par rapport à ses attentes va nourrir le sentiment de peur. Il craindra de ne pas être à la hauteur alors qu’il est essentiel qu’il se sente soutenu et qu’il rend fière ses parents adoptant.

Il est très important pour lui d’avoir une excellente communication entre les parents et le jeune. Et bien qu’il ait connu de légères difficultés durant sa scolarité, il n’a pas le sentiment d’en avoir eu plus que des enfants non issu de l’adoption. Il a en plus eu la chance de pouvoir compter sur le soutien de ses parents et leur regard positif, ce qui lui a permis d’aller toujours de l’avant. Il a pu suivre les études qu’il souhaitait avec tout le soutien nécessaire et faire aujourd’hui ce qu’il aime dans la vie.

Réaction des participants :

Une maman d’enfant adopté nous explique que malgré la bonne volonté des professeurs, des directeurs d’écoles et des différents encadrant, il y a souvent un manque de temps pour favoriser l’encadrement d’enfant adopté. Au moindre problème de comportement, ils ont tendance à exclure l’enfant sans tenir compte de sa situation.

Pour Madame Hallait, il est important de sensibiliser les enseignants sans les culpabiliser et sans être larmoyant. 

Une autre maman nous explique qu’elle a pris la décision de scolariser son enfant à la maison ne trouvant pas d’école adaptée. Elle l’a adopté à 4 ans et demi et elle l’a mis en école d’enseignement alternatif ou tout se passait bien jusque en 2ème primaire. Ensuite pour les années suivantes il a eu un soutien d’un prof particulier, payé par les parents, et donc tout c’est bien passé jusqu’en 6ème primaire. Bien qu’il n’ait pas eu son CEB suite à des difficultés en français et math, il a une excellente culture générale. Ensuite il est dirigé en 1ère S afin de faire comme ses copains et aller en humanité bien que les parents étaient sceptiques. Bien que la classe ne fût composée que de 8 enfants, ce fut très compliqué pour lui. Vu qu’ils allaient droit dans le mur, ils ont décidé de lui donner les cours à la maison suite aux contacts avec d’autres parents adoptant faisant cela et pour qui la socialisation de leur enfant ne posait aucun problème.

Un des objectifs de la ligue est d’avoir de + en + d’école inclusives permettant aux enfants adoptés et autres enfants présentant des spécificités de trouver leur place à l’école.  Nous souhaitons aussi que les enseignants soit formés à l’orthopédagogie afin d’être mieux outillé pour accueillir les enfants ayant des particularités.

L’école inclusive doit accueillir TOUS les enfants

L’école inclusive doit accueillir TOUS les enfants

Introduction

L’enseignement « spécial », devenu par la suite l’enseignement « spécialisé », date de 1970. Cela fait aujourd’hui pas mal d’années que les enfants [U1] avec handicap y sont accueillis, loin des autres enfants et souvent loin de leur milieu de vie habituel. Parfois au bout de longs trajets, des heures durant, en bus scolaire, dans des lieux qui leur sont adaptés, mais qui sont aussi et surtout ségrégués. En fait, c’est notre système scolaire en fait des lieux ségrégués, en ayant deux types d’enseignements. D’une part des écoles « ordinaires », pour les enfants qui sont dans la norme, et d’autre part un enseignement « spécialisé » pour les enfants qui sont hors normes.

Dans celui-ci, on y est entre enfants « handicapés », cachés aux yeux de tous et oubliés de tous les bien-mal-pensants pour qui l’Ecole avec un « E » majuscule, la grande, la noble « Ecole » n’est destinée qu’à ceux qui peuvent prétendre d’un quotient intellectuel moyen à supérieur.  Cette Ecole qui croit que tout le monde doit apprendre la même chose en même temps.

La question n’est certainement pas de nous positionner contre l’enseignement spécialisé mais de rappeler que la place des enfants ayant un handicap n’est pas dans un enseignement spécialisé, mais dans l’école ordinaire : l’école du quartier, l’école du village avec les enfants « ordinaires » qui partagent le même lieu de vie. Ce Droit fondamental est défini par la Convention ONU de 2006 qui précise que les enfants porteurs d’un handicap doivent « avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif[U2] , de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire également inclusifNDLR[1] »

Analyse : Comment comprendre ce grand retour en arrière ?

Depuis 2004, l’intégration dans l’enseignement ordinaire d’enfants relevant de l’enseignement spécialisé a été mise en place. Si, initialement, ce sont les handicaps physiques qui étaient privilégiés, depuis 2009 et grâce à ratification par notre pays de la Convention ONU sur les droits des Personnes handicapées, ce sont tous les enfants, quels que soient leurs handicaps – et donc également ceux qui ont une déficience intellectuelle – qui pouvaient bénéficier d’un processus d’intégration dans l’enseignement ordinaire. Malheureusement, l’intégration temporaire totale qui permettait aux enfants ayant un handicap intellectuel ou comportemental, avec l’aide du spécialisé, coûtait trop cher à la Fédération Wallonie Bruxelles. Comme à chaque fois ce sont les plus fragiles qui en paient les conséquences. Ils doivent maintenant passer au moins un an en spécialisé pour pouvoir espérer que l’école spécialisée estime qu’ils ont la compétence pour être orientés vers l’ordinaire dans une école qui veut bien d’eux.

Cela a été un grand retour en arrière, complètement incompréhensible pour les familles. Si l’intégration d’enfants avec un handicap progresse un tout petit peu en FWB, ce surtout les handicaps « nobles » qui bénéficient de ces processus. Les enfants atteints de déficiences[U3]  visuelles ou auditives sont respectivement 33,8 % et 31,1 % à être intégrés dans l’enseignement ordinaire. Mais ce sont les enfants issus du T2, c’est-à-dire ceux qui ont une déficience intellectuelle modérée à sévère, qui ferment le peloton. Ils sont un tout petit 2 pourcents à se trouver intégrés dans une école ordinaire.

44 % des enfants issus de l’enseignement spécialisé de type 8 qui n’ont aucun handicap mais principalement un « handicap social » (issus de milieux « populaires ») et qui ne devraient de ce fait pas être dans l’enseignement spécialisé bénéficient de l’intégration. Il est inconcevable que des enfants sans le moindre handicap doivent être scolarisés dans une école ordinaire, avec l’aide d’enseignants du spécialisé.

Comme vous le voyez et principalement pour les enfants avec une déficience intellectuelle, ce droit est largement bafoué. Les bien-mal-pesants de l’Ecole continuent à leur interdire l’accès à l’enseignement ordinaire. Pire, la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans son Pacte pour un enseignement d’excellence, ne consacre que 4[JPC4]  malheureuses pages à un enseignement inclusif, ce qui démontre qu’elle n’a pas une vision claire de ce qu’est l’école inclusive. De plus, celle-ci réserve  l’enseignement inclusif  aux enfants de milieux populaires injustement orientés vers les Types 1, 3 et 8.

Pourtant, la Belgique et chacune de ses composantes se sont engagées dans l’idée de construire une école véritablement inclusive. Pour les familles, c’est un chemin de croix ! Un vrai parcours du combattant. Il ne leur suffit pas de trouver une école qui accepte leur enfant – ce qui est déjà extrêmement compliqué – mais il faut il n’aura plus droit au soutien pendant 4 heures d’un enseignant du spécialisé. Il recevra bien l’aide du Pôle territorial pour la mise en place d’aménagements raisonnables, mais c’est insuffisant pour aider les enseignants qui ne connaissent pas le handicap intellectuel.

Le Droit de l’enfant est bafoué par la Fédération Wallonie Bruxelles. Mais ce ne sont « que » des enfants handicapés et par malchance pour eux, ils ont un « mauvais » « handicap » pour l’école. Car, pour l’Ecole, il y a de « bons » et de « mauvais » handicaps. Il y a ceux qui ont un handicap « noble », qui ont toutes leurs fonctions cognitives et puis les autres, ceux qui ont un « handicap mental ». Celui qui empêche d’apprendre comme les autres… Comme si – et c’est ce que l’on pense encore trop souvent dans les écoles – tous les enfants apprenaient de la même façon. L’Ecole est faite de traditions, de croyances archaïques, de fantasmes, de lubies et de peurs ; pas de désirs de progrès, de rêves, et d’espoirs. C’est le malheur de ces enfants.

Mais… va-t-on nous demander… ces enfants ont-ils leur place en enseignement ordinaire, puisqu’ils ne savent pas apprendre comme les autres ? La réponse est dans le Droit ! Tout comme le droit à l’information est garanti à tous les citoyens, ces enfants sont des êtres tout ce qu’il y a de plus humains et bénéficient de droits, eux aussi. Et ces droits doivent être respectés !

La question n’est plus de se demander si ces enfants, puisqu’ils ne savent pas marcher, entendre, voir ou penser comme tout le monde, ont droit à une place pleine et entière dans la société, ni s’il faut les cacher au fond d’écoles et, par la suite au fond d’institutions spécialisées, derrière des murs, toute leur vie. La question est de savoir si nous voulons construire une société qui doit permettre à chacun de s’y intégrer et d’y trouver une place de citoyenne ou de citoyen actif et pleinement reconnu comme tel !

Si la réponse est « Oui » – et dans une société démocratique elle ne peut être que « Oui » – alors il n’y a qu’une étape scolaire possible : celle qui apprend au vivre ensemble, à vivre avec les différences que nous avons toutes et tous : c’est l’école inclusive. Un lieu où l’enfant ayant une déficience pourra apprendre à vivre avec les autres et où ceux-ci pourront à leur tour apprendre à vivre avec toutes les différences. Dans l’espoir que, plus tard et ensemble, ils contribuent à la construction d’une société réellement inclusive.  

Un combat pour des citoyen.ne.s à l’esprit critique

Le Pacte ne l’a pas compris. Si la mise d’un tronc commun est incontournable pour lutter contre l’échec scolaire, il est insuffisant. Seul un enseignement réellement inclusif peut permettre à chaque enfant, quelles que soient ses difficultés scolaires, sociales, physiques, intellectuelles, … d’acquérir les savoirs que ses capacités lui permettent d’acquérir. Et même, de se sublimer !

Nous voulons une Ecole inclusive. C’est un Droit fondamental de l’enfant handicapé ! Et c’est un droit des autres enfants aussi d’apprendre à vivre avec la différence. La Belgique s’y est engagée, la FWB aussi. Cette dernière se doit de la mettre en place. Nous exigeons donc le respect de cet engagement, à commencer par faire respecter par tous les intervenants l’obligation de respecter ce droit, et donc, de ne plus avoir la possibilité de refuser l’intégration d’un enfant quels que soient son handicap. Le Décret intégration permet trop facilement aux acteurs institutionnels de refuser l’intégration d’un enfant sur base de son handicap. Il s’agit d’une discrimination inacceptable et ce, même s’il existe un enseignement spécialisé. Séparer des enfants sur base de leurs différences physiques ou intellectuelles est, tout simplement, de la discrimination et doit être interdit dans les textes et poursuivi en justice ! Il en va de même pour les parents. Par méconnaissance de l’intégration ou souci de surprotection, des familles refusent des projets d’intégration proposés par des CPMS[U5]  ou des écoles et qui vont pourtant dans l’intérêt des enfants.

Par ailleurs, le Pacte prévoit que les Pôles territoriaux mutualisent les moyens consacrés à l’accompagnement des enfants en intégration, mais cela ne concernera que les enfants orientés en fonction d’un « handicap social ». Le Pacte ne tient pas compte des enfants porteurs de handicaps physiques et encore moins intellectuels. Nous condamnons cette discrimination et attendons de la CF/FWB qu’elle corrige le tir afin d’amener progressivement l’enseignement spécialisé à évoluer dans sa conception, dans ses prérogatives, dans son rôle, au service des besoins éducatifs de l’enfant. Toutes les ressources qu’il contient doivent être mises au service de tous les élèves ! ». Autrement dit, pour aller progressivement vers un système scolaire inclusif.


[1] Voir texte anglais : Persons with disabilities can access an inclusive, quality and free primary education and secondary education on an equal basis with others in the communities in which they live


 [U1]« Porteurs » : c’est lourd; je préfère un terme plus neutre : ayant un handicap…

 [U2]Je préfèrerais que les mots soulignés soient en gras – sans soulignement ; ce qui est plus clair !

 [U3]On est atteint d’une maladie, … mais pas du handicap !!!!

 [JPC4]Je suis d’accord que ce n’est pas qu’un nombre de pages, mais nous avons affaire à la presse qui ne connaît pas le fond du problème. 4 pages sur 300, c’est aussi une manière de leur faire comprendre que la FDW n’a pas de vision claire de ce qu’est une école inclusive.

 [U5]Même remarque à propos des CPMS !