Scolarité et précarité ne riment pas ensemble

Scolarité et précarité ne riment pas ensemble

1.    Ecole et précarité

De nombreux jeune grandissent dans des familles multi-vulnérables : familles monoparentales, faible degré d’instruction des parents, chômage, précarité économique, difficulté de se projeter dans l’avenir, etc. La pauvreté porte atteinte aux Droits de l’Enfant dans de nombreux secteurs de la vie en société, et en premier lieu à l’école.

Les critiques portent essentiellement sur le coût de l’enseignement pour les familles, sur la stigmatisation des enfants issus de milieux précarisés et sur leur relégation vers des filières d’enseignement imposées ou non souhaitées. Cette situation méritait que nous donnions la parole à des acteurs de terrain, des associations qui connaissent bien le domaine de la précarité des jeunes et de leurs familles.

Trois associations ont accepté notre invitation à débattre sur la précarité à l’école : ATD Quart-Monde[i], l’AMO AtMOsphère[ii] et Badje[iii]. Cette analyse est le résumé de cette rencontre.

La grande pauvreté touche tous les domaines de vie. Elle empêche l’accès à l’ensemble des droits et l’exercice des responsabilités. Parmi ces droits, il y a celui de l’éducation. Malgré que l’enseignement soit obligatoire depuis 109 ans, beaucoup d’enfants pauvres sortent de l’école sans savoir lire et écrire correctement. Une grande partie des 10% d’illettrés que compte notre pays appartient aux couches les plus défavorisées de la population. Le plus douloureux dans la misère n’est pas d’être privé de tout, mais d’être méprisé, considéré comme rien, incapable, inutile.

Très souvent les gens et particulièrement les professionnels que ces personnes rencontrent « ne croient pas en elles ». Pourtant la pratique des universités populaires a démontré depuis plus de 60 ans que le dialogue, la réflexion et l’action sont possibles avec ces familles. Lors des bibliothèques de rue, on constate que ces enfants sont avides et capables d’apprendre. Tous ont des choses à nous dire sur ce qu’il faudrait mettre en place pour que l’école bénéficie réellement à tous.

2.    Discriminations : une situation scolaire dramatique

Pour de nombreux enfants, l’accrochage est difficile dès la maternelle. A ce niveau, il n’est pas rare de rencontrer des orientations vers l’enseignement spécialisé, voire – encore heureux que maintenant les choses sont réglementées – des maintiens en 3e maternelle. Il n’est pas rare d’assister à des préjugés comme « Cet enfant parle comme un bébé, si cela continue, il aura des problèmes en primaire ». « Lui, il ne parle pas. Il ne fait rien (il ne sait rien faire) ».  Des doutes sur leurs capacités à réussir sont émis, une scolarité difficile est « prédite » et des orientations sont proposées, souvent sans qu’un soutien spécifique ne soit mis en place dans l’école.

Ces associations constatent également une orientation massive vers l’enseignement spécialisé, sans que l’enfant ne soit porteur d’un handicap spécifique. Cela concerne 3 à 4 enfants sur 10, soit 10 fois plus que la moyenne. Cette orientation se révèle rarement porteuse d’avenir et augmente souvent la stigmatisation.

Obtenir le CEB est une grande fierté pour l’enfant et sa famille, tant le fait est rare. Le CEB est souvent le seul diplôme connu ! La plupart des jeunes décrochent dès la fin du premier cycle du secondaire. Même pour ceux qui, exceptionnellement, ont un parcours sans redoublement en primaire, le passage en secondaire constitue une période extrêmement pénible. Ils se sentent complètement largués et rejetés.

Il y a donc une expérience collective d’échec, de souffrance, de rejet et de honte de l’école, qui marque à vie, prive les personnes des moyens de prendre place dans la société et renforce l’isolement et l’exclusion. Il semble que ce traitement, tout au long du parcours scolaire, est dû principalement à un manque de connaissance, de moyens et de volonté pour répondre aux obstacles que ces enfants rencontrent au cours de leur scolarité. Il est important de revoir le mode de fonctionnement de l’ensemble de l’enseignement, dès le fondamental, pour que chaque enseignant soit capable d’accueillir tout enfant dans des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement et d’apprendre, afin d’atteindre pour chacun les objectifs fixés à l’enseignement.

3.    Eléments d’analyse

Ces obstacles sont peu (re)connus et pris en compte par l’institution et les professionnels qui ont tendance à considérer ce qu’ils en perçoivent comme de la mauvaise volonté ou des déficiences des parents ou des enfants.

Les principaux obstacles sont d’ordre culturel. L’école s’inscrit dans une culture dominante qui, malgré les idéaux affichés de démocratie et de multi-culturalité, promeut la réussite personnelle, la compétition et la « normalité ». De nombreux préjugés demeurent sur les personnes « différentes », particulièrement sur les personnes pauvres. Dès l’entrée en maternelle les enfants vivant dans la grande pauvreté apparaissent « différent » : ils n’ont pas les mêmes acquis, le même « look » que les autres.

L’école leur apparaît comme un monde inconnu, qui peut leur faire très peur et même paraître dangereux pour eux et leur famille. Tout est différent de ce qu’ils connaissent : la langue ou le langage, le matériel, les activités, les attentes et les consignes, les rythmes… Ils ressentent aussi souvent un regard négatif porté sur eux et les leurs, parfois dès le premier contact.

Beaucoup ont rapidement l’impression que l’école, « ce n’est pas pour eux », parce qu’ils ne s’y sentent pas accueillis et n’en maîtrisent pas les codes. A cause de cette distance culturelle qui sépare leurs familles et le monde de l’école, ces enfants doivent continuellement faire des efforts inimaginables pour s’intégrer. Ils doivent les faire seuls le plus souvent, parce que l’école n’est pas consciente des difficultés qu’ils rencontrent et ne met rien de spécifique en place pour les y aider et parce que leur famille n’a aucune maîtrise de ce qui se passe dans l’école, ni de ce qu’on attend de leur enfant, ni les outils pour les y aider.

Ce monde inconnu et parfois hostile amène certains de ces enfants à développer des comportements « sains » de protection et de défense : repli sur soi, mutisme, non-participation ou, au contraire, hyper susceptibilité, agressivité, turbulence, « hyperactivité ». Ces comportements, qui pourraient dans de nombreux cas, être améliorés par un accueil personnalisé et respectueux de l’enfant et sa famille, entraînent beaucoup trop d’orientations abusives vers l’enseignement spécialisé. Les réactions des enseignants sont cruciales pour l’accrochage et la réussite scolaire tout au long du parcours scolaire. En effet, toutes ces difficultés s’accentuent et se renforcent au fur et à mesure de l’avancée dans le cursus scolaire. Elles sont exacerbées en secondaire.

Les autres difficultés sont davantage matérielles. Pouvoir se plier au rythme de l’école (ponctualité, régularité), pouvoir répondre adéquatement à ses multiples exigences et demandes (en matériel, contribution financière, travail à domicile…) est extrêmement difficile pour les familles qui vivent dans la précarité, même si elles peuvent percevoir et comprendre ces demandes et leur sens, ce qui est loin d’être toujours le cas ! Le manque d’argent est source permanente de stress que les enfants ressentent et partagent avec leur famille. Il a une influence sur le développement de l’enfant, mais aussi, au quotidien, sur ses capacités de concentration et sur son comportement.

Les familles sont continuellement dans des situations de choix impossibles : payer le loyer ou le médecin et les médicaments ; payer les frais scolaires ou manger les derniers jours du mois… La difficulté ou l’impossibilité récurrente de payer les frais scolaires « empoisonnent » tout le parcours scolaire.

4.    Obstacles de toutes sortes

4.1.               Les enfants

Les enfants pauvres ont peu d’amis à l’école. A cause de leur différence et de leurs difficultés, de multiples malentendus et frictions surgissent, à la fois avec les professionnels et avec les autres élèves. Beaucoup subissent des moqueries ou des remarques désobligeantes. C’est de cela qu’ils souffrent le plus et cela les empêche aussi d’apprendre, cela engendre de la honte, de la peur et de la rancœur. Favoriser la solidarité, le respect et l’amitié entre enfants est aussi une mission de l’école

4.2.               Les familles

Les relations avec les familles pauvres sont généralement rares et difficiles, faites de peurs, de méfiance, de préjugés de part et d’autre, empoisonnées par les questions matérielles (d’argent, de chose à apporter…). Lorsqu’elles sont possibles et se passent bien, c’est souvent grâce à l’accueil et la disponibilité d’une personne (titulaire, directeur, médiateur… ou personnel d’entretien, de surveillance), donc dans une fragilité. Les familles ont généralement très peur de rencontrer l’école et le font alors souvent maladroitement, sur la défensive, en repli ou parfois, excédées, agressives, parce que c’est souvent une image négative de l’enfant en difficulté qui lui est renvoyée par l’école, assortie souvent d’une culpabilisation de la famille « qui ne ferait pas ce qu’il faut », alors que souvent elle n’en a ni l’information, ni les moyens. L’information passe mal parce qu’elle est souvent écrite et formulée de façon trop complexe. Les familles précarisées ont du mal à percevoir et comprendre ce qui se passe à l’école, si ce n’est le malaise de leurs enfants. Elles ne perçoivent que tardivement les difficultés et retards d’apprentissage et disposent de peu de ressources pour y faire face. Elles reçoivent peu d’informations et d’aides spontanées de l’école et des centres PMS.

Pourtant quand les familles se sentent accueillies et reconnues, quand un climat de confiance et de respect se développe entre les familles et l’école ou d’autres institutions, celles-ci sont très souvent capables de se mobiliser pour soutenir des projets qui rejoignent leurs aspirations et qu’ils perçoivent comme étant porteurs d’avenir pour leurs enfants. Ce climat se bâtit d’abord par un accueil personnel et bienveillant, tout au long de la scolarité, avec un regard positif sur les personnes et leurs capacités.

4.3.               Les enseignants et les professionnels de l’école

Les enseignants connaissent peu (et n’imaginent pas) la vie de ces familles et les jugent souvent négativement, à partir de leur propre expérience et de leurs représentations : les enfants mal habillés, n’ayant pas leur matériel et parfois leurs repas, sont rapidement considérés comme « négligés » ; les parents ne payant pas les frais, ne se présentant pas aux réunions, comme se désintéressant de la scolarité, voire de leurs enfants…

La formation des professionnels (initiale et continue) à la connaissance des publics avec lesquels ils sont amenés à travailler, aux pratiques pour les rencontrer et bâtir en partenariat avec eux des stratégies communes pour réaliser leurs missions, est donc indispensable et urgente.

Une réflexion globale est à mener pour détecter les difficultés des enfants et les obstacles qu’ils rencontrent, de tous ordres, dès qu’ils se présentent et tout au long du cursus scolaire. L’enseignant doit être capable de les repérer et d’y répondre dans la mesure où ils ressortent de ses responsabilités, au sein de la classe et de l’école en priorité, notamment en maîtrisant davantage les pédagogies différentiées, la remédiation. Si les difficultés ne sont pas de son ressort, il doit pouvoir en tenir compte et, éventuellement, soutenir la famille pour qu’elle accède à des aides extérieures.

L’enseignant devrait aussi être formé à reconnaître l’éducabilité de tous et valoriser les compétences et savoirs de chacun. Ce que les enfants pauvres vivent, ce qu’ils apprennent dans leur famille est généralement peu connu et valorisé par l’école. De plus, leur « éducabilité », leurs potentialités de développement et d’apprentissages, sont peu prises en compte. Pourtant, elles se révèlent le plus souvent « normales » et même parfois étonnantes quand ils se trouvent dans des conditions favorables : climat de confiance et de respect; reconnaissance de leurs compétences et de leurs intérêts ; expérimentation du plaisir des découvertes et de la réussite ; soutien et encouragements.

Il y a une méconnaissance mutuelle entre le monde de l’école et celui de la pauvreté, qui perdure et même s’accentue. Elle est source de nombreux conflits, malentendus, humiliations. L’école s’est bâtie et se réfléchit en dehors de cette (re)connaissance ; elle n’est pas faite pour ces enfants et ces familles ; ceux-ci le ressentent rapidement. Le droit à l’éducation reste inaccessible pour la plupart des enfants vivant dans la pauvreté.

L’enseignement est-il condamné à l’inefficacité et l’impuissance à remplir ses missions pour les enfants qui en ont le plus besoin ? Les plus pauvres nous poussent chacun à aller au bout de notre idéal de démocratie, à répondre à cette question : jusqu’où sommes-nous capables de considérer un enfant ou un adulte, comme un homme, dans sa dignité et le respect de ses droits ?

5.    L’école a un rôle à jouer dans la prévention des exclusions

L’école et l’enseignement peuvent jouer un rôle essentiel dans la prévention des exclusions et des inégalités sociales mais peut aussi les cultiver. Nous ne devons pas oublier que les enfants vivent avec leurs parents les soucis de la vie quotidienne. Argent, logement, santé… La pression qu’exerce l’école sur les parents est de plus en plus forte. Bien que la constitution prévoie la gratuité de l’enseignement, la réalité est tout autre. Les exemples de frais scolaires sont nombreux, qui viennent alourdir le budget des familles au-delà du simple achat basique de matériel scolaire : Photos de classe, tombola, cantine du midi, garderie du matin, étude du soir, piscine, voyages scolaires….

Au-delà des considérations financières, l’impact de ces frais scolaires a des conséquences importantes sur la relation triangulaire parents-enfants-école. Ainsi, certains parents préfèrent ne pas envoyer leur enfant à l’école plutôt que devoir se justifier et de dévoiler leur situation précaire. L’enfant peut également être stigmatisé par ses pairs et par l’école lorsque, par exemple, il lui est demandé d’apporter, devant toute la classe, une enveloppe qu’il n’a pas. Les reproches verbaux à l’égard d’un élève à la suite d’un non-paiement sont multiples.

L’imagination des établissements scolaires est énorme : l’école libre qui oblige les parents à être membre de l’ASBL lors de l’inscription et donc de payer une cotisation mensuelle, exclusions des internats pour non paiements des frais, refus de l’école de remettre certains documents tant que le paiement n’est pas effectué (bulletin en fin d’année, document pour la bourse d’étude, attestation de fréquentation scolaire),

Il y a aussi le cas spécifique de l’enseignement professionnel : le coût important de l’achat de matériel scolaire spécifique (exemple boucherie, coiffure). L’actualité récente a également démontré que certaines écoles demandaient aux parents d’investir dans des ordinateurs.

A côté des frais scolaires « déclarés » au sein de l’école, il ne faut pas oublier qu’une série de frais liés à la scolarité des enfants reste à charge des familles. Par exemple, les frais de transport scolaire, les frais de lunettes, les frais de logopédie ou de psychomotricité.

6.    Le secteur de l’accueil extrascolaire remplit une fonction sociale, une fonction éducative et une fonction économique qui contribuent à la lutte contre la pauvreté

Outre une fonction économique qui permet aux parents d’avoir une activité professionnelle, de suivre une formation, de rechercher un emploi ou d’effectuer des démarches dans ce sens, on reconnaît à l’accueil extrascolaire deux autres fonctions essentielles :

– une fonction éducative : il joue un rôle essentiel dans l’épanouissement de l’enfant. Les notions de plaisir, de loisir et de détente y occupent une place centrale. De plus, il éveille, développe des compétences (sociabilité, évolution entre pairs…), permet des apprentissages et favorise la participation des enfants ;

– une fonction sociale : il offre un lieu de soutien à la parentalité et permet la création de lien social. Avoir accès à un milieu d’accueil de qualité représente donc un avantage pour l’enfant et sa famille et un investissement à long terme pour la société. Ces lieux de vie constituent une opportunité fondamentale pour contribuer à la réduction des inégalités.

Si de nombreux milieux d’accueil extrascolaire s’adressent à des publics précarisés, cet accès est insuffisant. Ce droit à l’accueil extrascolaire est loin d’être une réalité pour beaucoup d’enfants, notamment ceux dont la famille vit en situation de pauvreté. Les obstacles à Incessibilité sont financiers, certes, mais aussi organisationnels, géographiques et culturels.

C’est un engagement pour la promotion et la réalisation effective des droits de l’enfant, en particulier : droit à l’éducation et droit aux loisirs et repos.

 


[i] ATD Quart-Monde est un mouvement international. ATD va à la rencontre des personnes qui vivent dans la grande pauvreté et l’exclusion. Les actions d’ATD QM ont pour but de rendre possible l’expression de l’expérience et de l’analyse à la fois individuelle et collective des personnes vivant dans la grande pauvreté et de la faire entendre notamment aux responsables et décideurs, ainsi qu’aux professionnels des différentes institutions chargées de l’accès aux droits fondamentaux de tous et dialoguer avec eux.

[ii] AthMOspère est un service social de l’Aide à la Jeunesse « en milieu ouvert », c’est-à-dire qui travaille essentiellement en contact avec les associations. Des adultes sont présents pour donner des conseils ou un soutien dans les projets de vie des enfants. C’est aussi leur donner les moyens d’agir avant que les choses ne se gâtent. AthMOSphère, c’est aussi une association qui développe des projets. Ces projets visent à la fois à donner les moyens de construire librement une vie d’adulte et à la fois à défendre les intérêts des enfants auprès des institutions et des acteurs du système belge.

[iii] Badje est une fédération pluraliste bruxellois active dans le secteur de l’accueil des enfants et des jeunes. Les membres de Badje sont des associations et des organismes publics locaux proposant aux enfants et aux jeunes, un accueil, des animations, des activités, un soutien scolaire… et ce, tant durant l’année scolaire que pendant les périodes de vacances. LA plupart de ces associations accueillent un public principalement issu de milieux défavorisés et de l’immigration.

Badje allie l’action sur le terrain et la promotion d’une politique cohérente de l’accueil, centrée sur les besoins de l’enfant et valorisant les enjeux éducatifs et sociaux des politiques d’accueil. L’accessibilité des milieux d’accueil aux enfants les plus vulnérables constitue une préoccupation transversale et permanente de l’association.

Droits de l’élève, Droit des parents : Le DAccE

Droits de l’élève, Droit des parents : Le DAccE

Le DAccE[1] (Dossier d’Accompagnement de l’Élève)[2]

Pourquoi parler du Dacce ?

La Ligue des Droits de l’Enfant et sa plate-forme de lutte contre l’échec scolaire ont été à la base de la mise en place du Pacte pour un enseignement d’excellence. En effet, nous avions lancé un « Appel à refondation de l’Ecole » en vue des élections de 2014. Si Madame Milquet, nouvelle ministre de l’éducation a répondu présente, ce qu’elle a mis en place a été une réponse tiède, calibrée par McKinsey, de triste renom. Ceci avec le soutien des réseaux qui protégeaient leurs intérêts et ont bloqué des réformes nécessaires et importante, notamment dans la lutte contre le marché scolaire, ou la réduction du tronc commun à 15 ans au lieu de 16. Ceci, afin de protéger les enseignements de relégation (technique et professionnel). Ce Pacte est construit dans l’intérêt des réseaux et de leurs écoles, et non des élèves. Aussi, nous sommes attentifs à tout ce qui est mis en place progressivement. Il y a de bonnes choses, comme le tronc commun (un peu réduit). Depuis le début de cette année, le DAccE a été introduit. Il s’agit d’un Dossier d’Accompagnement de l’Elève. Nous l’avons à l’œil…. Il peut présenter de bonne choses, mais également de bien mauvaises.

Le DAccE (prononcer DAC), c’est quoi en fait ?

De nombreuses familles n’ont toujours pas compris ce dont il s’agissait. Elles doivent avoir accès au DAccE de leur.e enfant.s. Pourtant, nous avons été contactés par des familles qui ne parvenaient pas à s’y connecter. La fracture numérique ne touche pas que la population des aînés. Nous allons tout vous dévoiler :

Dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, ce nouvel outil a été mis en place pour informer les parents des élèves pour lesquels des « difficultés d’apprentissage persistantes » ont été constatées. On ne parle pas ici d’élèves à besoins spécifiques (les « Dys »), donc d’élèves en situation de handicap face aux apprentissages, mais également d’élèves avec handicaps physiques ou mentaux. Si ces élèves bénéficient d’aménagements raisonnables, « ils ne connaissent pas nécessairement de difficultés d’apprentissage persistantes pouvant conduire à une décision exceptionnelle de maintien[1] ». « Pas nécessairement… » ! Visiblement les concepteurs du Dacce ont des soucis avec la connaissance de certains handicaps.

Rappelons en passant, que nous déconseillons toujours aux parents d’accepter les propositions faites par l’école de maintenir l’enfant dans la même année, l’année suivante (appelées autrefois redoublements). Chaque enfant a 6… et bientôt 9 années pour obtenir son CEB, et donc autant de temps pour évoluer à son rythme.

Comme nous l’explique le site enseignement.be, le DAccE est un outil-clé du nouveau tronc commun (TC), au service de la réussite de l’élève. Le TC fait de la différenciation et de l’accompagnement personnalisé une des clés de voute du soutien à la réussite des élèves. Le DAccE est un dossier individuel et unique pour chaque élève et le suivra tout au long de sa scolarité. Son objectif est de favoriser le dialogue entre les équipes éducatives ou les CPMS, et les parents. Pour l’année 2023-2024, le DAccE ne concerne que les enfants de 1ère maternelle à la 4e primaire.

Il a été conçu sous un format numérique à l’échelle du système éducatif de la FWB et respecte le RGPD. Cela permet aux équipes éducatives de prendre connaissance des informations relatives au parcours de l’élève, y compris en cas de changement d’école. Les professionnels en charge de l’élève devront y consigner les observations et les actions d’accompagnement qui seront mises en place, lorsque les difficultés de l’élève seront plus importantes (dites « persistantes »).

Le DAccE est accessible aux parents. Ceux-ci pourront ainsi avoir accès à une information synthétique qui retrace les actions mises en place au cours de l’année, et les ajustements qui y sont apportés si nécessaire. Via le DAccE, les parents peuvent aussi transmettre les informations qu’ils jugent utiles aux professionnels de l’enseignement, telle par exemple qu’une prise en charge externe par un logopède. Le DAccE facilite dès lors la communication avec les parents en axant le dialogue sur l’information utile au suivi des apprentissages.

L’utilisation de « l’application » DAccE ne sera pas rendue obligatoire dès la rentrée 2023-24, comme initialement prévue. Pour cette année scolaire et les deux suivantes (2024-2025 et 2025-2026), les écoles qui ne souhaiteraient pas utiliser l’application Internet DAccE tout de suite, pourront faire le choix de réaliser les deux premiers bilans de synthèse de l’année scolaire en dehors de l’application DAccE, par le biais du « DAccE format école » (format papier ou format numérique alternatif). Pour plus d’informations visiter le site www.enseignement.be/dacce.

Seul le DAccE a un caractère obligatoire. Le DAccE, en tant qu’outil numérique, comporte 3 volets. Les enseignants ne doivent pas remplir les deux premiers, ceux-ci l’étant par l’administration (données administratives et parcours scolaire). Le troisième volet concerne le suivi pédagogique et doit être complété par les enseignants, mais uniquement pour les élèves pour lesquels des difficultés d’apprentissages persistantes ont été constatées. Il s’agit de bilans de synthèse (difficulté persistante constatée, actions de soutien mises en place, compétences de l’élève, ainsi que les suivis mis en place par les parents. Par exemple suivi logopédique). Il ne comprend pas les résultats des évaluations, les mesures disciplinaires ou les bulletins.

Quels élèves sont concernés par le DAccE ?

Le DAccE est ouvert à tous les élèves mais, comme dit plus haut, il ne doit être complété que pour les élèves qui présentent des difficultés persistantes.

Qu’appelle-t-on des difficultés persistantes ?

La circulaire 9032 du 13-09-2023, relative à la mise en œuvre du TC durant l’année 2023-2024 précise que « Les difficultés d’apprentissage persistantes doivent être comprises comme des difficultés persistantes dans l’acquisition des contenus d’apprentissage et des attendus tels que déclinés dans les référentiels du tronc commun. Si la difficulté «persistante» est observée par l’enseignant, elle fera l’objet de discussions collégiales avec des membres de l’équipe éducative (par exemple un co-intervenant), et si nécessaire avec le membre de l’équipe du Centre PMS. Il revient en effet aux membres de l’équipe éducative de juger de l’aspect potentiellement problématique du caractère persistant de la difficulté observée, dans la perspective d’éviter aussi précocement que possible qu’un retard d’apprentissage ne s’installe durablement et mette en péril la suite des apprentissages. Il ne faut pas confondre les difficultés d’apprentissage et les troubles d’apprentissage. Les premières sont passagères tandis que les seconds sont permanents ou semi-permanents. Les élèves bénéficiant d’aménagements raisonnables en cas de trouble d’apprentissage ne connaissent pas nécessairement de difficultés d’apprentissage persistantes pouvant conduire à une décision exceptionnelle de maintien ».

Enfin pour l’encodage, la fiche signalétique du DAccE[2] est très claire : «L’emploi du DAccE par les équipes éducatives se concentre sur le strict minimum. D’une part, l’encodage des dossiers ne concerne que certains élèves dont les difficultés sont «persistantes», à savoir ceux pour lesquels l’équipe éducative aura jugé nécessaire de mettre en place des actions spécifiques de différenciation et d’accompagnement personnalisé telles que, par exemple, des séances hebdomadaires de remédiation».

Qui et comment décider de la mise en place d’un dispositif spécifique et complémentaire pour l’élève présentant des « difficultés d’apprentissage persistantes » ?

Lorsqu’un enseignant observe une difficulté persistante, il devra mettre en place le plus rapidement possible les actions spécifiques aptes à permettre à l’élève de surmonter sa difficulté.

Mais l’enseignant ne peut pas rester seul face à cette difficulté persistante. Il en parlera collégialement avec les autres membres de l’équipe éducative (titulaire.s, co-intervenant.e.s, …), et si nécessaire en y associant l’équipe du centre PMS. Le regard collégial porté sur l’élève et sa difficulté sera ensuite synthétisé à travers un suivi à réaliser tout au plus trois fois sur l’année scolaire, aux trois dates prévues dans la circulaire. Il s’agit donc de réaliser un « bilan de synthèse », court afin d’être avec l’équipe, le CPMS ou avec les parents. Le bilan de synthèse est intégré dans le Dossier d’accompagnement de l’élève (DAccE). Le dispositif spécifique complémentaire destiné à soutenir l’élève dont les difficultés sont prononcées est également concerté avec les parents de l’élève.

Une concertation avec les parents des élèves concernés doit être organisée pour les informer de la mise en place des dispositifs spécifiques complémentaires. De même, lorsqu’il s’agit d’évaluer ou d’adapter le dispositif spécifique complémentaire, les parents de l’élève concerné doivent être impliqués dans le cadre d’une concertation.

Contestations

Si des parents estiment qu’un commentaire contenu dans le bilan de synthèse peut nuire à leur enfant, ils peuvent adresser une demande de conciliation à l’école, selon les modalités prévues par le Pouvoir Organisateur. Cette procédure vise à favoriser la conciliation des points de vue et associe le CPMS en tant que partie prenante à l’élaboration du bilan de synthèse. Un rapport de conciliation rédigé par l’école, et remis aux parents, formalise sa conclusion.

Si la conciliation aboutit à un accord impliquant une modification du commentaire, la Direction de l’école ou le Pouvoir Organisateur corrige le commentaire, sur base du rapport de conciliation, avant la fin du délai de 20 jours ouvrables prévu pour la conciliation en novembre et mars et 5 jours au plus tard après à la rentrée scolaire pour le rapport de juin. Passé ce délai, ces profils ne peuvent plus modifier le commentaire.

Si la conciliation n’aboutit pas à un accord, les parents peuvent introduire un recours auprès des services de l’Administration, pour demander la suppression du commentaire. Ils doivent adresse leur recours à l’adresse dacce.support@cfwb.be ou par courrier recommandé auprès de la Direction générale de l’enseignement obligatoire (rue Lavallée, 1 à 1080 Bruxelles). Le rapport de conciliation doit être joint à la demande.

Le recours doit être introduit :

– concernant les bilans de synthèse de novembre et mars : endéans les 10 jours ouvrables qui suivent la réception par les parents du rapport de conciliation ;

– concernant le bilan de synthèse de juillet : endéans les 10 jours ouvrables scolaires qui suivent la rentrée scolaire.

En cas de changement d’école, les parents peuvent introduire leur recours sans avoir mené la conciliation. Dans ce cas, le recours doit être introduit :

– concernant les bilans de synthèse de novembre et mars : endéans les 20 jours ouvrables qui suivent le délai prévu pour la communication du bilan de synthèse ;

– concernant le bilan de synthèse de juillet : au plus tard le 10e jour ouvrable scolaire qui suit la rentrée scolaire.

Conclusion

Les parents avertis auront plus de chances de pouvoir défendre leur.s enfant.s s’ils éprouvent des difficultés persistantes. C’est le but de cette analyse. Car le risque du maintien (redoublement) ou de la proposition d’orientation vers l’enseignement spécialisé demeure. En fait, une école ne pourra plus demander un maintien ou une orientation si le DAccE ne mentionne pas de troubles persistants et la liste des aménagements, des aides mises en place. Dès lors, si elles ont cette mauvaise habitude, elles s’efforceront de tenter progressivement, via les bilans trimestriels de démontrer que l’enfant n’a pas sa place dans la classe suivante et devraient ou recommencer leur année, ou aller dans le spécialisé.

Rappelons, enfin que seuls les parents peuvent décider d’une orientation vers l’enseignement spécialisé. Ce ne sont ni l’école, ni le PMS. Pour en savoir plus, sur ces orientations, voir notre étude sur les orientations abusives vers l’enseignement spécialisé.


[1] Circulaire 9032, p 34.

[2] https://pactepourunenseignementdexcellence.cfwb.be/wp-content/uploads/2023/06/230425_DACCE-Fiche.pdf


[1] Prononcer « DAC »

[2] http://enseignement.be/DAccE

Colloque : Ecole inclusive et fréquentation scolaire

Colloque : Ecole inclusive et fréquentation scolaire

Un colloque soutenu et organisé avec l’aide de la Cocof

Comment lutter contre le décrochage ?

Les écoles qui visent à être inclusives veulent accueillir tous les élèves. Malheureusement certains jeunes ont des besoins tels que leurs écoles sont mises en difficulté. Ils seraient plus de 23 000 (chiffres de février 2023), C’est 35,5 % de plus qu’en 2022 et 90,5% de plus qu’en 2019.

Selon la Ligue de l’Enseignement, « le décrochage scolaire touche tous les âges, même si l’enseignement secondaire reste le plus impacté avec une hausse de 33,5% depuis décembre 2021. En décembre 2022, on comptait 1.855 élèves absent·es en 3e maternelle, 6.217 (dont 661 dans l’enseignement spécialisé) en primaire et 12.616 (1.691 dans le spécialisé) en secondaire.« 

Les droits à l’instruction et à l’inclusion sont des droits fondamentaux

Si l’instruction scolaire est un droit fondamental, inscrit dans la Constitution, l’inclusion scolaire l’est tout autant (cfr article 22 ter[1] de la Constitution). Or, de nombreux élèves ne peuvent rentrer dans les cases de notre système scolaire car celui-ci est trop rigide. Ils se retrouvent en situation de handicap pour toutes une série de raisons : absentéisme, maladies de longue durée ou chroniques, phobies scolaires, difficultés socioéconomiques, détresse psychologique, troubles mentaux, handicap.s, méconnaissance de la langue et de la culture de l’école, enfants de personnes en recherche d’asile, MENAs, élèves LGBTQIA+, …

La législation relative à l’obligation scolaire a pour objectif de préserver le droit à l’instruction[2].

Cependant, elle trop cadrante :

  • A partir de 9 demi-jours d’absence injustifiée, la direction de l’école avertit la Direction générale de l’enseignement obligatoire et convoque les parents. Tout demi-jour supplémentaire est signalé à la fin de chaque mois à la DGEO qui prévient la médiation scolaire.
  • A partir du 2e degré du secondaire, tout élève, qui cumule plus de 20 demi-jours d’absence injustifiée au cours de la même année scolaire, devient élève libre, encourt le risque de ne pas pouvoir présenter ses examens et ne pas être délibéré en fin d’année. Il risque donc de rater son année.
  • Dans l’enseignement secondaire, les présences sont relevées à chaque heure de cours. Toute absence non justifiée à une période entière de cours est considérée comme une demi-journée d’absence injustifiée.

Le système implique de telles contrainte qu’il génère de l’exclusion.

Les écoles sont démunies pour ré-inclure ces élèves dans notre système scolaire. Le certificat médical permet de justifier les absences mais peut devenir un écran. Il entretient le décrochage et entrave la recherche d’une solution intermédiaire, comme la possibilité d’être en situation de handicap à temps partiel, tout en restant scolarisé !

Des dispositifs se sont créés : les SAS, l’école à l’hôpital, l’enseignement à domicile, l’enseignement à distance tel que classcontact.

Ces dispositifs présentent également – mais à leur corps défendant – des effets pervers. Ils sont peu connus, ne sont pas toujours utilisés à bon escient et devraient être cadrés de manière plus explicite par une réglementation rassurante sans être trop contraignante. La recherche d’un point d’équilibre est difficile et peine à être étudié par notre système d’enseignement.

D’autres dispositifs sont créés. Les secteurs de l’aide à la jeunesse et de l’enseignement ont mis en place des dispositifs de concertation indispensables (décret intersectoriel de 2013). Des campagnes de sensibilisation sur le ‘bon usage’ du certificat médical s’organisent pour les médecins généralistes, dans le cadre des réseaux de santé mentale, etc…

Objectifs du colloque

Proposer un changement de la législation sur l’obligation scolaire, afin que celle-ci permette enfin l’inclusion de TOUS les élèves, notamment de ceux qui, aujourd’hui, ne répondent pas au Décret sur l’obligation scolaire, pour les raisons citées ci-dessus.

Pour cela, nous cherchons à mettre en avant :

  1. une population d’élèves exclue par la Loi de l’école et pour lesquels les Décrets ne leur apportent rien (aménagements raisonnables, …) car ils ont déjà perdu le contact avec l’école et pour lesquels celle-ci n’a pas d’outils pour les aider.
    • La raison pour laquelle ils ont perdu le contact est le caractère trop rigide de la législation sur l’obligation scolaire. En quoi est-elle nécessaire et en quoi ce levier d’accrochages scolaire devient un levier d’exclusion par rapport à une certaine population et comment peut-on moduler cette législation de manière raisonnée (pour qu’elle ne devienne pas la porte ouverte au décrochage scolaire).
  2. les ressources existantes (réglementation et dispositifs… par exemple les SAS, l’enseignement à domicile et les SSAS dans le spécialisé – structures scolaires d’aide à la socialisation).
    • Ces ressources sont insuffisantes pour certains élèves car ils sortent du cadre classique pour tout un tas de raisons. Il faut donc créer un dispositif spécifique pour eux

Renseignements pratiques

Quand ?

Le lundi 20 novembre 2023

Où ?

Campus du Ceria – Av. Emile Gryson 1, 1070 Anderlecht, bâtiment 4C, locaux 606 et 607

Inscriptions AU PLUS TARD POUR LE 15 novembre 2023

Envoyer un mail à l’adresse suivante (remplacer le ‘at’ par @, sans espaces) :

formations ‘at’ liguedroitsenfant.be

Pour toute question complémentaire : téléphoner au 0477 545 907 (de 9h30 à 18h)

Participation aux frais :

30 €/personne

22 € pour les étudiant.e.s, pour les institutions de la Cocof et les parents d’enfants à besoins spécifiques

Pause, repas et documents compris

A verser sur le compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant

avec la mention « colloque 20 novembre 2023 + Nom.s et prénom.s du/des participant.e.s »

La/les inscriptions seront confirmées par mail une fois la participation aux frais perçue.

Les institutions peuvent nous demander une facture et payer après le colloque

Attention : le nombre de places est limité.


[1] Article 22 ter de la Constitution belge : Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables »

[2] Actuellement, l’obligation scolaire est régie par la loi du 29 juin 1983 (avec des modifications en vigueur publiées jusqu’au 27-05-2022 inclus). Cette loi est appuyée par le Décret du 3 mai 2019 portant les livres 1er et 2 du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, et mettant en place le tronc commun (articles 1.7.1-1. à 1.7.1-36.).

L’enfant sujet de droit et l’importance de l’éducation dans la perspective d’une   

L’enfant sujet de droit et l’importance de l’éducation dans la perspective d’une   

« Ecole pour tous »

Introduction

Cette étude vise à présenter la reconnaissance progressive de l’enfant comme Sujet de droit. En tant que Sujet de droit l’enfant n’est pas seulement « destinataire passif » des droits, mais « acteur actif », conscient donc de posséder des droits et capable, grâce aux moyens dont il dispose, de se battre pour les réaliser.  

Le chemin qui a conduit à la ratification de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est plutôt complexe. Pour les Etats signataires, la Convention internationale doit être considérée comme un traité contraignant concernant les « petits d’Hommes », qui malgré leurs « taille », sont bien des « Humains », c’est-à-dire des « Homo Sapiens Sapiens », et donc des Hommes qui doivent pouvoir jouir de leurs droits.

Le premier chapitre décrit les étapes qui ont conduit de l’universalisation des droits de l’homme à l’adoption des droits particuliers et spécifiques pour les enfants.

Le deuxième chapitre met en évidence les instruments normatifs pour l’implémentation de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et les mesures prises par la Belgique pour répondre à son engagement en matière de droits de l’enfant.

Le troisième chapitre vise à définir le concept de Droit à l’éducation comme un instrument important qui consente l’épanouissement de l’enfant, dans la perspective d’« une Ecole pour Tous », pour laquelle la Ligue des Droits de l’Enfant porte le combat et définie par l’Unesco. L’école doit être véritablement pour TOUS, et doit permettre la réussite de chacun et de chacune, sans discrimination aucune. Les différences physiques, sociales et psychologiques ne sont que des caractéristiques, qui rendent l’enfant unique. Chacun a le droit de de bénéficier de l’éducation à la citoyenneté et de se préparer à agir dans la société future.

La disponibilité, les conseils et les recommandations de la Ligue des droits de l’Enfant ont été une mesure d’accompagnement et un support nécessaires pour permettre la réalisation de la présente étude.

Chapitre Premier

Le chemin complexe vers « l’universalisation » des Droits de l’Homme

Après la deuxième guerre mondiale la protection effective des droits de l’homme est considérée comme étant la condition indispensable pour la réalisation de la paix et de la sécurité internationale.

La Déclaration des Nations Unies du 1er Janvier 1942 énonçait que : « la victoire complète sur l’ennemi était une condition essentielle de la défense de la vie, de la liberté, de l’indépendance et de la liberté religieuse, ainsi que du maintien du respect des droits de l’homme et du règne de la justice, tant dans leur propre pays que dans les autres ».[1]

La Charte fondatrice de l’Organisation des Nations Unies signée à San Francisco le 25 avril 1945 augure déjà des prémices d’une Charte des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La première Commission des Droits de l’Homme, présidée par Eléonore Roosevelt, a été créée par Le Conseil économique et social en 1946. Elle avait pour but de consigner au Conseil des recommandations, des propositions, et des rapports sur les droits humains. Aujourd’hui l’Office du Haut-Commissaire aux Droits de l’homme a pris sa place.

La nuit du 10 décembre 1948 le Comité élabore le projet de la Déclaration et l’envoie à la Commission des Droits de l’Homme. La Commission examine le projet 1400 fois, et adopte la Déclaration universelle des Droits de l’Homme vers 23 h 30, au Palais Chaillot à Paris. 

Et, de fait, la Déclaration des Droits de l’homme du 10 décembre 1948 représente un tournant fondamental dans ce domaine. Elle est complète et détaillée et concerne tous les droits et toutes les libertés fondamentales.

Cette Déclaration de principe (elle n’est pas contraignante pour les Etats) affirme la volonté universelle de protéger les Droits de l’Homme sans discrimination de sexe, de race, d’origine sociales, des croyances religieuses. Ces droits sont inhérents à chaque individu sans distinction géographique. L’universalité se fonde sur l’existence d’une communauté universelle des Droits et sur le consensus des Etats de l’ONU, sur les contenus de ces Droits. L’Assemblée Générale a en effet proclamé la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme « un idéal commun à atteindre pour tous les peuples et toutes les Nations afin que tous les individus et tous les organes de la société […] s’efforcent par l’enseignement et par l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre interne et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives. »[2]

Des Droits de l’Homme aux Droits de l’Enfant

En 1924, la Ligue des Nations rédige et adopte la Déclaration de Genève qui formule en 5 points les Droits de l’Enfant et précise les responsabilités des adultes. Elle est inspirée par les travaux d’un médecin polonais, Janusz KORCSAK[3] qui, dans une série d’articles publiés en 1900[4], insiste sur la notion de « dignité de l’enfant et du respect de son intégrité ».

Le premier grand consensus international sur les principes fondamentaux des Droits des Enfants devra, quant à lui, attendre le 20 novembre 1959. Ce jour-là, la Déclaration des Droits de l’Enfant est adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’unanimité de ses 78 pays membres. Pour la première fois l’Enfant est présenté comme un Sujet de droit. La Déclaration des Droits de l’Enfant pose 10 principes :

La Déclaration des droits de l’enfant pose dix principes (2) :

1. Le droit à l’égalité, sans distinction de race, de religion ou de nationalité.

2. Le droit à une attention particulière pour son développement physique, mental et social.

3. Le droit à un nom et à une nationalité.

4. Le droit à une alimentation, à un logement et à des soins médicaux appropriés.

5. Le droit à une éducation et à des soins spéciaux quand il est handicapé mentalement ou    physiquement.

6. Le droit à la compréhension et à l’amour des parents et de la Société.

7. Le droit à l’éducation gratuite et aux activités récréatives.

8. Le droit aux secours prioritaires en toutes circonstances.

9. Le droit à une protection contre toute forme de cruauté, de négligence et d’exploitation.

10. Le droit à la formation dans un esprit de solidarité, de compréhension, d’amitié et de justice entre les peuples.

Par la suite, l’établissement de règles contraignantes pour la protection des mineurs émergera progressivement. Cette phase commence avec la Conférence internationale des Droits de l’Homme qui s’est tenue du 22 avril au 13 mai 1968 à Téhéran. La Déclaration de Téhéran rappelle que « l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme demande pour la maternité et l’enfance une aide et une assistance spéciales. En outre, la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par les Nations Unies sous la forme d’un instrument international distinct afin de mettre en évidence les besoins et les droits propres il l’enfance, conformément à l’idée que « l’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même» (…)[5]

En 1979 la Pologne propose de travailler sur un texte moralement mais aussi juridiquement contraignent pour tous les états signataires. Depuis ce moment, commencent les travaux pour la rédaction de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, un important instrument juridique qui a pour objectif être complètement « au service de l’enfant ».[6]

Différence entre Déclaration et Convention dans le droit international

Qu’est-ce qu’une convention

Une convention peut être comprise comme un accord entre les pays pour agir d’une manière particulière. Lorsque l’Assemblée générale de l’ONU adopte une convention particulière, les États qui ratifient cet accord doivent agir en respectant les prescrits de la convention. Si les États vont à l’encontre de la convention qu’ils ont signé et ratifiée, l’ONU a un droit clair d’agir.

Qu’est-ce qu’une déclaration ?

Une déclaration est un document écrit où les États membres de l’ONU ont accepté d’agir d’une manière particulière. La principale distinction entre une déclaration et une convention est que contrairement à une convention qui a une validité légale, une déclaration ne l’est pas. Bien que les déclarations jouent un rôle important dans l’arène internationale, certains pays violent les normes qu’ils ont signés.

La Convention internationale des Droits de l’Enfant

La Convention de 1989 est exhaustive et protège les droits spécifiques des enfants. Elle peut être définie comme une « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui concerne les petits Hommes », c’est-à-dire les individus dont l’âge se situe au-dessous de 18 ans. Depuis le 20 novembre 1989, l’enfant est considéré non plus comme la propriété de ses parents, mais comme une personne ayant des droits et des responsabilité adaptées à son âge. [7]

La Convention des droits de l’enfant est entrée en vigueur en 1990 après le dépôt de 20 instruments de ratification. Elle est un compromis entre des pays culturellement, économiquement et politiquement différents. La Convention est ratifié par quasi tous les états du Planète, à l’exception des Etats Unis. [8]

Dans le Préambule la Convention reprend un morceau de la Déclaration des droits de l’enfant : « L’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et des soins spéciales, notamment d’une protection juridique approprié, avant comme après la naissance ».

Elle reconnait l’importance de la coopération entre les états pour améliorer les conditions de vie des enfants dans tous les pays, en particulier dans les pays en développement.

Quelques étapes qui concernent l’évolution des Droits de l’Enfant depuis 1989

1990 : Pendant le Sommet mondial pour les enfantsà New York, 71 chefs d’états signent la « Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l’enfant », ainsi que le « Plan d’action pour l’application de la Déclaration ».

1999 : L’OIT adopte la Convention sur les pires formes de travail des enfants, appelant à l’interdiction et à l’élimination immédiate de toute forme de travail susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des enfants.

2000 : Entrée en vigueur des protocoles facultatifs concernant les droits de l’enfant. Le Protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés ; Le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.

2002 : L’Assemblée Générale tient une session générale consacrée aux enfants appelée « Forum des enfants » où de jeunes délégués présentent pour la première fois des exposés à l’Assemblée générale. Le programme « Un monde digne des enfants » est adopté ; des objectifs spécifiques y sont décrits en ce qui concerne l’amélioration des perspectives des enfants au cours de la décennie suivante.

2015 : La Somalie et le Soudan du Sud ratifient la convention. Celle-ci est l’instrument international le plus largement ratifié dans le monde, à savoir par 196 États. Seuls les États-Unis ne l’ont pas encore ratifiée.

La définition de l’ Enfant 

L’enfant est définie dans l’article premier de la Convention : « Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »[9]

Le mot enfant viens du latin « infans » et signifie celui qui ne parle pas. La Convention de droit de l’enfant ne définit pas l’enfant comme « objet de droits » mais comme un enfant « sujet de droits ».

 Les trois principales visions courantes sur l’enfant comme Sujet de Droits

La Convention est le couronnement d’une lutte légitime pour l’émancipation de l’enfant et la synthèse de trois visions différentes :

1. les réformateurs : selon ce courant, un abaissement de l’âge de la maturité était le premier pas pour la jouissance progressive des droits.

2. Les radicaux : le mouvement de libération des enfants met en évidence la norme morale la plus élevée : « l’égalité entre tous les personnes ». Toute les différences basées sur l’âge sont considérées comme discriminatoires du point de vue moral. Il n’y a donc qu’une seule solution selon les radicaux : il faut reconnaitre aux enfants également tous les droits de l’Homme et tous les droits civils.

3. Les pragmatiques : se demandent pourquoi il ne serait pas possible d’accorder les droits civils aux enfants dans la pratique, y compris le droit de l’exercer eux-mêmes ; la sentence qui mieux présente cette vision est connue : « Les enfants ont des droits à moins que… »

Les droits particuliers spécifiques dérivent de la nécessité pour l’enfant d’avoir besoin de protection. Les droits de l’enfant sont ceux d’êtres humains particulièrement vulnérables, car peu autonomes. Une autonomie qui va grandir avec l’âge pour être indépendant à 18 ans. La Déclaration de Genève de 1924, et plus encore la Déclaration de l’ONU de 1959 définissent clairement les enfants comme ayant droits qui ont besoin d’une protection spéciale.

La Convention de 1989 permet également à l’enfant, en tant que véritable sujet de droits, d’accéder à la protection nécessaire d’autres type des droits, spécifiques.

Tout enfant a droit à une protection spéciale et à des soins spéciaux. La Convention reconnait les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux et elle est l’instrument le plus complet dans ce domaine.

Quatre sont les principes majeurs affirmés dans cet instrument juridique:

La Convention s’applique à tous les enfants de manière égale et l’article 2 énonce :

« Les états parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considérations de race, de couleur,  de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.[10] »

L’article 3 affirme dans les paragraphes 1 et 2 :

« 1) Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur doit être une considération primordiale.

2) Les états parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. »

Cet article est le fil rouge du texte. Le Préambule de la Convention affirme que l’enfant a droit à l’enfance, comme période de découverte, de formation et d’initiation à la vie individuelle et sociale.

Philippe Meirieu définit ainsi la notion « d’intérêt supérieur de l’enfant » : « C’est une notion difficile à définir, à ne pas confondre avec le fait de se soumettre aux caprices des enfants. Ce n’est pas s’agenouiller devant eux et faire tout ce qu’ils veulent. C’est le fait de considérer l’enfant du point de vue de celui qui doit être un sujet au terme de son éducation. Un sujet physique équilibré

(Santé et alimentation), un sujet psychique (équilibre psychique), un sujet social et culturel (capable de comprendre, de parler), et un sujet citoyen (capable de participer à la délibération du bien commun dans une démocratie).» [11].

L’article 6 de la Convention définit le droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant :

« Les états parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie. Les états Parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant.»

On peut regrouper ultérieurement les droits de la Convention la Convention en 3 grands catégories :

La Protection : l’enfant est vulnérable parce que, par définition, il n’a pas encore acquis toute la maturité physique et intellectuelle d’un adulte. Les droits de protection de l’enfant font référence à l’intégrité de sa personne : le droit de vivre, de survivre et de se développer et à la non-discrimination qui ont déjà été cités ; le droit la protection de sa vie privé (art. 16), contre des mauvaises traitements (art. 19, 37, 11), contre toute forme d’exploitation (art. 32, art.  34, art.  35, art.  33, art.  38, art. 36). La protection pour les enfants plus vulnérables est garantie par les articles 20, 22, 37.

La Prestation de l’enfant : ces droits garantissent à l’enfant les moyens de son développement ; le droit à l’identité (art. 7 et 8, 9), le droit de vivre avec ses parents, le droit au maintien des relations familiales, l’adoption. Le droit à un niveau de vie suffisant (art. 27), de vivre en bonne santé, de bénéficier de la sécurité sociale, le droit à l’éducation, aux loisirs et à une éducation spécifique aux droits de l’enfant.

La Participation de l’enfant

La majorité des enfants sont exclus du processus décisionnel. La ratification de cette Convention signifie reconnaitre l’égalité de la parole de l’enfant avec celle des adultes.

La liberté d’opinion (12), d’expression (13), de pensée, de conscience et de religion (14), la liberté d’association (15) sont nécessaires pour permettre une pleine participation de l’enfant.

Selon Jean Le Gal le droit de parole permet aux enfants d’exister à deux niveau :

1. comme personnes qui peuvent exprimer librement leur pensée ;

2. en tant qu’êtres sociaux qui ont les droits de donner leur avis sur tous les domaines qui les concernent. [12]

L’importance de l’article 12 et le droit de participation de l’enfant

« Les états parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question intéressant, les opinions de l’enfant étant dument prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec des règles de procédure de la législation nationale. » 

Les enfants sont des sujets de droits et non des simples bénéficiaires de la protection des adultes. Le fait que les enfants ont des droits ne signifie pas que les adultes n’ont plus des responsabilités envers eux. Au contraire les enfants ne doivent pas être laissés seuls dans la lutte indispensable pour obtenir leurs droits. Les adultes doivent collaborer pour aider les enfants à construire leur existence et à élaborer des stratégies de changements.

L’article 12 ne donne pas aux enfants le droit à l’autonomie mais la possibilité d’avoir un rôle actif dans sa propre existence et de participer aux décisions qui le concernent.

La participation démocratique devient un moyen pour obtenir justice. C’est un droit procédural qui permet aux enfants de s’opposer aux violations où à la méconnaissance de leurs droits et d’entreprendre des actions pour promouvoir et protéger ces droits.

Cet article n’impose pas aux enfants l’obligation de participer mais leur fournit le droit de le faire.

Voici, selon Gerison LANSDOWN ce qu’il faut mettre en place pour promouvoir une participation efficace et authentique de l’ enfants [13]:

LE PROJET

  • La question a un rapport réel avec les enfants eux-mêmes
  • Capacité de faire la différence – lorsque c’est possible obtenir un changement à long terme ou institutionnel
  • Liens avec l’expérience quotidienne directe des enfants
  • Aménagement du temps et des ressources appropriées
  • Expectatives réalistes des enfants
  • Cibles et objectifs clairs convenus avec les enfants
  • La question concerne la promotion ou la protection du droit des enfants

VALEURS

  • Honnêteté de la part des adultes en ce qui concerne le projet et le processus
  • Possibilités de participation égales pour tous les groupes d’enfants intéressés
  • Respect égal pour les enfants de tous âges, capacités, appartenances ethniques, milieux sociaux
  • L’information est partagée avec les enfants pour leur permettre de faire des choix véritables
  • L’opinion des enfants est prise en considération
  • Les enfants participent de leur propre volonté
  • Les décisions sont prises en commun

MÉTHODOLOGIE

  • Clarté de l’objectif
  • Lieux de réunions, langage et structures appropriés aux enfants
  • Associer les enfants dès le premier stade possible
  • Formation dispensée aux enfants pour les aider à acquérir les compétences nécessaires
  • Méthodes de participation établies en collaboration avec les enfants
  • Assistance de la part des adultes lorsque c’est nécessaire
  • Stratégies de durabilité[14]

Chapitre 2

La responsabilité des États Signataires

L’article 2.2 de la Convention énonce :

« Les états parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes les formes de discrimination ou de sanction motivée par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ces parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille »

Après la ratification de la Convention les états signataires (il peuvent émettre des réserves sur les articles qu’ils estiment ne pas être en mesure de respecter) doivent assurer que les textes législatifs de leurs pays soient pleinement compatibles avec la Convention.

En outre l’article 4 énonce: « Les états s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale ».

La Convention International a recommandé aux états à se doter d’un ministère, d’une commission ou d’un conseil responsable de l’enfance, pour l’ élaboration des programmes nationaux en faveur des enfants et pour mettre en place des systèmes de justice pour les mineurs.

Le Comité des droits de l’enfant 

Le Comité des droits de l’enfant est un instrument nécessaire pour l’implémentation de la Convention. Les états signataires doivent soumettre un rapport sur la mise en œuvre de ces droits deux ans après avoir ratifié la Convention et puis tous le 5 ans. Les 18 experts qui sont partis du Comité examinent et commentent le rapport transmis par les états.

Pour alimenter leur réflexion et tenter de comprendre la situation exacte du pays, des organisations non gouvernementales et intergouvernementales, des établissements universitaires, des médias ou des institutions spécialisés des Nations unies (comme l’Unicef, par exemple) sont incités à remettre également un rapport alternatif.[15]

Après la lecture des rapports, le Comité rend ses conclusions et émet des recommandations aux États.

L’Union Européenne et les droits de l’enfant

La Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne consacre l’article 24 aux droits de l’enfant. Mais la Charte n’as pas de force obligatoire pour les états et pour les institutions européennes et donc les violations ne peuvent pas être sanctionnées.

Le 4 Juillet 2006 la Commission Européenne a défini une Stratégie Européenne des droits de l’enfant, en reconnaissant que la situation des droits de l’enfance en Europe n’est pas encore satisfaisante. Cette stratégie indique la volonté d’accorder une certaine priorité à la protection des droits de l’enfant.  Les initiatives principales sont le lancement d’une plan d’action concernant les enfants dans le cadre de la coopération et le développement et la création d’un forum européen pour les Droits de l’Enfant qui se tient tous les deux ans, ainsi que d’une plateforme de discussion en ligne.

Le Conseil a également adopté les lignes directrices de l’Union Européenne concernant la promotion et la protection des droits de l’enfant en décembre 2007.

L’Union Européenne s’engage dans cette manière à rendre exécutive la Convention Internationale des droits de l’enfant. [16]

L’application de la Convention Internationale des droits de l’enfant en Belgique

Les droits civils et politiques ont un contenu invariable et universel. Leurs sources matérielles se trouve directement dans la dignité humaine. Par contre l’octroi des droits économiques, sociaux et culturels exige une action de l’état (obligation positive).

La mise en œuvre des droits économiques et sociaux n’est pas assurée pleinement en Belgique ; Il ne s’agit pas seulement pour les états d’adopter des décrets, des lois mais de les mettre en œuvre, de l’appliquer concrètement.

La Belgique a ratifié la Convention Internationale pour les droits de l’enfant en 1991, entrée en vigueur en 1992. Depuis cette date l’Etat a des obligations juridiques contraignantes. Selon l’article 4, la Belgique s’engage donc à prendre tous les mesures législatives, administratives et les autres mesures nécessaires pour garantir le respect de la Convention.

Selon une approche traditionnelle l’octroi des droits civils et politiques ne coûte rien, contrairement à la mise en place de politiques qui octroient des droits économiques, sociaux et culturels.

Contrairement selon l’approche contemporaine existe une différence de degré pas de nature entre les droits civiles, politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Tous les droits impliquent des obligations négatives et positives et leur réalisation a toujours des implications financières. Tous les droits sont donc invocables et justiciables.

L’état doit prendre tous les mesures nécessaires dans les limites des ressources. Si un objectif ne se réalise pas l’état doit prouver d’avoir tenté toutes les alternatives possibles. [17]

Rapport officiel sur la situation des droits de l’enfant en Belgique

A Genève, le Comité des droits de l’enfant a examiné, le 25 janvier 2019 le rapport de la Belgique sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant[18]. Quarante indicateurs nationaux portant sur des domaines prioritaires des droits de l’enfant ont été choisis pour donner une meilleure vision de la mesure dans laquelle ces droits sont ou non réalisés en Belgique. L’accueil de la petite enfance reste un point d’attention important et une grande réforme des milieux d’accueil est en cours à cet égard. De même, d’importants aménagements dans le secteur de l’enseignement, visant notamment davantage d’inclusion et d’équité dans le système scolaire.

La délégation belge a répondu aux questions et observations des experts du Comité concernant, notamment, les déclarations interprétatives que le pays maintient à l’égard de certaines dispositions de la Convention; les garanties constitutionnelles relatives aux droits de l’enfant; la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant; la coordination de l’action en faveur de l’enfance; les institutions de défense des droits de l’enfant; la formation aux droits de l’enfant; les questions d’éducation; la lutte contre la pauvreté infantile; les châtiments corporels; les mineurs étrangers non accompagnés; l’euthanasie; les questions relatives à la maltraitance et aux violences sexuelles sur des enfants; les questions d’adoption et de gestation pour autrui et le droit de l’enfant de connaître ses origines.

Le coordonnateur du groupe de travail du Comité chargé du rapport de la Belgique, a regretté qu’aucun texte de loi ne contienne l’ensemble des dispositions de la Convention.  Il s’est étonné que les objectifs des « Plans d’action en matière de droits de l’enfant » (PADE) ne soient pas les mêmes dans les régions française et flamande. Il a aussi relevé une tendance générale à la baisse des moyens alloués à l’application de la Convention.  Le coordonnateur du groupe de travail a ensuite souligné que certaines catégories d’enfants, en particulier les enfants placés en institutions, ne sont pas prises en compte par les quarante indicateurs statistiques mentionnés dans la déclaration de présentation. Il a ensuite affirmé que les conditions de détention des migrants mineurs en attente d’expulsion étaient contraires à la Convention

Pendant le débat, une experte a fait état de la perception d’une discrimination contre certains groupes et certains enfants après les attentats de Bruxelles et de Paris. Nombre d’enfants migrants en Belgique ne sont pas satisfaits de leurs conditions de vie, de logement et de scolarité, a-t-elle par ailleurs souligné. Elle a en outre regretté que les décisions concernant l’expulsion ou la détention d’enfants migrants ne tiennent pas suffisamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le Comité recommande à l’état de collaborer avec la société civile, avec les ONG et les associations de l’enfant. [19] [20]

Rapport alternatif 2018 formulé par la CODE

La CODE, Coordination des ONG pour les droits de l’enfant, a présenté en 2018 un rapport alternatif sur les droits des enfants pour exprimer son point de vue sur la situation qui concerne le respect des droits de l’enfant en Belgique. En effet le Comité invite les institutions spécialisées et les ONG à présenter des rapports sur l’application de la Convention. En Belgique il y a plusieurs ONG qui s’occupent des droits de l’enfant mais on n’a pas une coordination entre eux sur plusieurs politiques. Une politique transversale et cordonnée est nécessaire en matière des droits de l’enfants. En plus l’absence d’un responsable pour la coordination des politiques au niveau fédéral peut représenter un problème pour l’implémentation de la Convention.

La création de la Commission nationale en 2007 pour les droits de l’enfant qui ressemble les acteurs institutionnels et non institutionnels au niveau national est un important organe qui permet de répondre aux observation finale du Comité. Mais le fait que les représentants des Ministres sont les seuls membres dotés d’un pouvoir délibératif prive la Commission d’une véritable autonomie.

Le budget national pour les droits de l’enfant est plutôt insuffisant.

Les ONG proposent de :

– désigner un ministre coordinateur des droits de l’enfant au niveau fédéral

– affecter la compétence de la coordination des politiques au Premier Ministre, aux ministres et aux Présidents communautaires

– étendre le Rapport d’impact sur les enfants à tous les niveaux des pouvoirs en Belgique

– rendre transparents le budget et l’attribution des moyens directement ou indirectement affectés aux enfants. [21]

Dans le rapport de 2018, les ONG regrettent que tout n’a pas été mis en œuvre et que les autorités n’aient fourni aucun effort spécifique concernant l’éducation aux droits de l’enfant depuis les Observations finales de 2010[22]

Le Délégué Général aux Droits de l’enfant

La figure institutionnelle du Délégué Générale est créée par le Décret du 20 Juin 2002. Il est nommé par le Gouvernement de la Communauté française et il a pour mission :

1) assurer la promotion des droits et intérêts de l’enfant et organiser des actions d’information sur ces droits et intérêts et leur respect effectif ;

2) informer les personnes privées, physiques et morales et les personnes de droit public, de ces droits ;

3) vérifier la correcte application des lois, des décrets, ordonnances et réglementations qui concernent les enfants ;

4)  soumettre au Gouvernement, au Parlement et à toute autorité compétente à l’égard des enfants, toute proposition visant à adopter la réglementation en vigueur, en vue d’une protection plus complète et plus efficace des Droits de l’Enfant, et fait toute recommandation nécessaire ;

5) recevoir, de toute personne physique ou morale intéressée, les informations et les plaintes ou les demandes de médiation relatives aux atteintes portées aux droits et intérêts des enfants ;

6) mener à la demande du Parlement toutes les investigations sur le fonctionnement des services administratifs de la Communauté française concernés par cette mission. [23]

Chapitre III

Le droit à l’éducation

Comme affirmait le philosophe Kant, « si l’homme est par essence un être libre, il ne le devient véritablement qu’en accomplissant le processus éducatif qui le fait accéder à l’autonomie et à la responsabilité ».

L’éducation aux droits humains et spécifiquement aux droits de l’enfant doit être inscrit dans les objectifs de l’Enseignement et dans les programmes scolaires.   

L’enfant doit avoir la possibilité, à travers l’éducation, d’être préparé à être citoyen et de jouir de ces droits. Les arguments du philosophe André Comte-Sponville sont éclairants : « l’important est de penser l’enfance comme enfance, comme humanité mais humanité en devenir. L’éducation est là pour permettre à l’enfant de devenir un être, de devenir cet adulte humain qui lui donne sa valeur ». [24]

Ce droit permet à chacun de recevoir une instruction et de s’épanouir dans la société mais il est aussi l’outil qui permet aux enfants socialement et économiquement marginalisés de sortir de la pauvreté et de devenir citoyens à part entière.

Les instruments normatifs des Nations Unies et de l’Unesco établissent les obligations légales internationales en matière d’éducation.

Le droit à l’éducation est garanti par l’article 28 de la Convention Internationale des droits de l’enfant :

  1. « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité de chances :
  2. Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;
  3. Ils encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et offre d’une aide financière en cas de besoin ;
  4. Ils assurent à tous l’accès à l’enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ;
  5. Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l’information et l’orientation scolaires et professionnelles ;
  6. Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et professionnelle.
  • Les Etats parties prennent toutes mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant en tant qu’être humain et conformément à la présente Convention.
  • Les Etats parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l’éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l’ignorance et l’analphabétisme dans le monde, et de faciliter l’accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d’enseignements modernes.

L’article 26 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme proclame : « Toutes les personnes ont droit à l’éducation ». Le droit à l’éducation fait l’objet de l’articles 13 du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 :

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. »

L’éducation est fondamentale mais n’est pas seulement une fin en soi. Elle est l’assise d’une formation permanente et d’un développement de l’être humain, sur laquelle les pays peuvent édifier de façon significative d’autres niveaux et d’autre types d’éducation et de formation.

Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, l’éducation est passée par trois phases ou étapes. Durant la première phase, qui va de la fin des années 40 au début des années 60, les préoccupations de la communauté internationale en matière d’« enseignement fondamental » ont plus particulièrement porté sur l’élimination de l’analphabétisme, tandis que le besoin d’élargir l’accès à l’enseignement élémentaire se faisait de plus en plus pressant, en particulier dans les pays en développement nouvellement indépendants. Durant la deuxième phase, de la seconde moitié des années 60 à la fin des années 70, la lutte contre l’analphabétisme a été étendue à l’« illettrisme » (on parle alors d’«alphabétisation fonctionnelle»), l’enseignement élémentaire connaît dans le même temps un vaste essor. Au cours de la troisième phase, du début des années 80 à ce jour, l’idée s’est peu à peu imposée que l’« alphabétisation fonctionnelle » n’est qu’un aspect particulier des « besoins éducatifs » (learning needs : littéralement « besoins d’apprentissage»). L’ « enseignement élémentaire » est apparu comme un élément de l’« éducation de base », conçue pour répondre aux « besoins éducatifs fondamentaux ».[25] On estime de plus en plus que les termes « enseignement du premier degré» et « enseignement du second degré » désignent non pas deux entités différentes mais plutôt deux phases successives d’un processus continu entre lesquelles toute distinction tranchée serait arbitraire et romprait la continuité véritable de la croissance et de l’éducation.[26]

Le droit de l’éducation en Belgique

Pour ce que concerne l’éducation aux droits de l’enfant dans les écoles en Belgique aucune législation spécifique n’existe. Chaque Communauté prend ses propres décisions dans ce domaine.  Dans la Communauté française (nom officiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles) les activités ne sont pas systémiques et dépendent des initiatives prises par chaque école. Dans la Communauté flamande un décret de 1997 prescrit une éducation aux droits de l’enfants mais en des termes assez vagues.

Pour progresser dans le droit à l’éducation la CODE, Coordination des ONG des droits de l’enfant, propose de :

  • Faire en sorte que, dans le cadre scolaire, l’éducation aux droits de l’enfant soit transversale et pluridisciplinaire, au cœur d’une approche cohérente et globale. Rendre les droits de l’enfant vivants à l’école. 
  • Mettre en place une éducation aux droits de l’enfant, et l’intégrer (par décret en Communauté française) au programme scolaire dès le début de l’enseignement primaire et ce jusqu’à la fin du secondaire.
  • Mettre en place des programmes de formation systématique et permanent sur les droits de l’enfant à l’attention de tous les groupes professionnels qui travaillent pour et avec les enfants, en particulier les enseignants, aussi bien dans le cadre de la formation initiale que de la formation en cours de carrière.
  • Faire connaître la Convention de manière adaptée au public visé via quatre objectifs :

a) savoir que la Convention existe ;

b) connaître et intégrer la philosophie de la Convention ;

c) connaître et intégrer le contenu de la Convention ;

d) pratiquer ce qui est appris.

  • Octroyer une formation initiale aux professionnels en les préparant aux relations avec les publics avec lesquels ils devront travailler, particulièrement ceux qui sont les plus éloignés de leur propre milieu de référence.[27]

Le droit à l’école

L’autonomie psychologique et intellectuelle permet à l’enfant de devenir sujet de droits et acteur de son avenir.

L’article 127 de la Constitution belge rend compétente la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles) dans les matières de l’enseignement sur le territoire de la Région Wallonne et les 19 communes de l’arrondissement de Bruxelles-Capitale, pour ce qui concerne l’enseignement de langue française. [28]

L’article 24.1 de la Constitution énonce:

« L’enseignement est libre. La Communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des droits et des libertés fondamentales. »

L’organisation de l’enseignement en Belgique

L’enseignement en Belgique est organisé en quatre niveaux : Maternel, Primaire, Secondaire et Supérieur.

Les enseignements maternel et primaire sont aussi connus sous le nom d’enseignement fondamental. (Loi du 7 juillet 1970, article 1). On distingue également l’enseignement officiel (organisé par Fédération Wallonie-Bruxelles, les provinces ou les communes) de l’enseignement libre. Les écoles qui ne sont pas officielles sont dites libres. L’enseignement libre est créé et géré par des personnes privées, et organisées sous forme d’associations sans but lucratif. La Fédération Wallonie-Bruxelles a défini le caractère neutre de son enseignement.

L’obligation scolaire s’étend sur une période de treize ans. Elle commence l’année durant laquelle l’enfant atteint l’âge de 5 ans et se termine à l’âge de la majorité civile, soit à 18 ans. Cependant, la période d’obligation scolaire à temps plein ne s’étend que jusque l’âge de quinze ans. De quinze à dix-huit ans, les jeunes peuvent suivre un enseignement à temps partiel (CEFA : enseignement en alternance : Ce type d’enseignement propose ainsi de combiner la formation générale et la pratique professionnelle)[29].

Pour satisfaire à l’obligation scolaire, l’enfant doit être inscrit dans un établissement d’enseignement ordinaire ou spécialisé, organisé ou subventionné par la Communauté française. Tout enfant en âge d’obligation scolaire, dont le nom apparaît dans les listes d’inscriptions des établissement organisés ou subventionnés par la Communauté française, fait l’objet d’une enquête diligenté par l’inspecteur cantonal de l’enseignement primaire. Les parents doivent veiller à ce que les enfants fréquentent régulièrement les cours. L’enseignement spécialisé existe aux niveaux maternel, primaire et secondaire. Son organisation est parallèle et distincte de l’enseignement primaire. Il est organisé en types, correspondante aux « handicaps » dont souffrent les élèves. L’intégration permet, quant à elle, à l’élève handicapé de poursuivre une scolarité dans l’enseignement ordinaire, tout en bénéficiant d’un accompagnement assuré par l’enseignement spécialisé, aux niveaux primaires et secondaires.[30]

Le principe de l’« Ecole pour tous »

L’Ecole pour tous est, selon la Ligue des Droits de l’Enfant, un établissement accueillant tous les enfants, exaltant les différences, épaulant les élèves dans leurs apprentissages et répondant aux besoins individuels de chacun. Le défi est que l’éducation soit véritablement POUR TOUS, et en particulier pour les plus vulnérables et ceux qui ont les plus gros besoins.[31]

La Déclaration de Salamanque en 1994 affirme pour la premier fois qu’il fallait travailler à la création d’« Ecoles pour tous » et réaffirme le droit de toute personne à l’éducation tel qu’il est énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. La Déclaration confirme l’engagement pris par la communauté internationale lors de la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous de 1990, d’assurer l’application universelle de ce droit, indépendamment des diversités individuelles.

La Déclaration de Salamanque, 1994

Plus de 300 participants représentants 92 gouvernements et 25 organisations internationales se sont réunis à Salamanque en 1992 afin de faire avancer l’objectif de l’éducation pour tous et promouvoir l’approche intégratrice dans l’école, pour permettre à l’école d’être au service des enfants et en particulier des ceux qui ont des besoins éducatifs spéciaux.

La Déclaration de Salamanque[32] énonce « Le droit de toute personne à l’éducation, tel qu’il est énoncé dans la Déclaration Universelle des Droits de 1’Homme de 1948, et renouvelant l’engagement pris par la communauté internationale lors de la Conférence Mondiale sur l’Éducation pour Tous, de 1990, d’assurer l’application universelle de ce droit, indépendamment des différences individuelles. »

Elle ajoute « Nous sommes convaincus et nous proclamons que :

  • l’éducation est un droit fondamental de chaque enfant qui doit avoir la possibilité d’acquérir et de conserver un niveau de connaissances acceptable,
  • chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissages qui lui sont propres,
  • les systèmes éducatifs doivent être conçus et les programmes appliqués de manière à tenir compte de cette grande diversité de caractéristiques et de besoins,
  • les personnes ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles ordinaires, qui doivent les intégrer dans un système pédagogique centré sur l’enfant, capable de répondre à ces besoins,
  • les écoles ordinaires ayant cette orientation intégratrice constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, en édifiant une société intégratrice et en atteignant l’objectif de l’éducation pour tous ; en outre, elles assurent efficacement l’éducation de la majorité des enfants et accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilité du système éducatif tout entier. »

La Déclaration de Salamanque exhorte les gouvernements à:

  • donner le rang de priorité le plus élevé dans leurs politiques et leurs budgets à l’amélioration de leurs systèmes éducatifs afin qu’ils puissent accueillir tous les enfants, indépendamment des différences ou difficultés individuelles,
  • adopter, en tant que loi ou politique, le principe de l’éducation intégrée, en accueillant tous les enfants dans les écoles ordinaires, à moins que des raisons impérieuses ne s’y opposent,
  • mettre au point des projets pilotes et encourager les échanges avec les pays où il existe déjà des écoles intégratrices,
  • établir des mécanismes décentralisés et de participation pour la planification, le contrôle et l’évaluation des services mis en place à l’intention des enfants et des adultes ayant des besoins éducatifs spéciaux,
  • encourager et faciliter la participation des parents, des communautés et des organisations et des personnes handicapées à la planification des mesures prises pour répondre aux besoins éducatifs spéciaux et aux décisions prises en la matière,

Le Cadre d’Action adopté par la Conférence mondiale sur l’éducation et les besoins éducatifs spéciaux, a été organisée par le Gouvernement espagnol, à Salamanque du 7 au 10 juin 1994, avec la collaboration de l’UNESCO. Son objectif est de servir de référence et de guide aux gouvernements, aux organisations internationales, aux organismes nationaux d’assistance, aux organisations non gouvernementales et autres organismes pour appliquer la Déclaration de Salamanque sur les principes, les politiques et les pratiques en matière d’éducation et de besoins éducatifs spéciaux.

L’idée principale qui guide ce Cadre d’Action est que l’école devrait accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs caractéristiques particulières d’ordre physique, intellectuel, social, affectif, linguistique ou ayant des difficultés scolaires. Dans le contexte du présent Cadre d’Action, le terme « besoins éducatifs spéciaux » renvoie à tous les enfants et adolescents dont les besoins découlent de handicaps ou de difficultés d’apprentissage. [33]

La charte de Luxembourg, 1996[34]

Cette Charte énonce l’importance d’une « Ecole pour tous » et place la personne au centre de tout projet éducatif en reconnaissant les potentialités de chacun et ses besoins spécifiques. La Charte de Luxembourg de 1996 énonce « une éducation en milieu ordinaire devait être un principe de base pour tous les enfants ».

L’École pour tous et chacun suppose la coordination du processus d’intégration, la concertation de tous les acteurs impliqués. Ces derniers doivent bénéficier d’une formation permanente appropriée et détenir tous les outils et supports nécessaires à la réalisation de leur tâche.

Les États membres doivent adopter une législation garantissant à tous les enfants en âge scolaire et à tous les adultes, le droit d’accéder à un système d’enseignement ordinaire. La législation doit être accompagnée de toutes les ressources appropriées.

Bien qu’un long chemin a déjà été parcouru dans le domaine de l’intégration, mettant en évidence la prise en considération des principes énoncés ci-haut, et la mise en application des stratégies visant les « bonnes pratiques », il est important de souligner quelques propositions qui constituent encore des objectifs à atteindre :

  • Il est prioritaire de sensibiliser davantage l’opinion publique vis-à-vis des personnes ayant des besoins spécifiques. Le changement de mentalités constitue une priorité.
  • Il y a lieu de désigner un professionnel pour la coordination des aides possibles à fournir aux élèves ayant des besoins spécifiques, surtout en période de transition d’une structure scolaire à une autre.
  • Il y a lieu de renforcer l’information du grand public – donc des enseignants aussi – sur ce qu’est l’inclusion, qu’elle soit scolaire ou sociale. Trop souvent, on confond encore intégration et inclusion
  • Le Pacte pour un enseignement d’excellence se trompe dans sa définition de l’Ecole inclusive. Cette définition doit être adaptée, car elle confond encore et toujours intégration et inclusion.

D’autres textes internationaux doivent être pris en compte dans ce processus :

  • La Convention des droits des personnes handicapées (2006) qui précise : « Tous les enfants ont le droit à un enseignement inclusif »
  • Le traité d’Amsterdam de 1997qui, tout en maintenant la structure en trois piliers de l’Union européenne, affirme les principes de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’Homme.

Mesures prises en Belgique

La première intégration vient de la « loi sur l’enseignement spécial » de 1970. Le Décret « missions », définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre du 24 juillet 1997 prône l’école pour tous, l’école qui assure à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.   

Même si l’éducation dépasse de loin l’instruction, le décret du 24 juillet 1997, dit Décret Mission[35], définisse les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisent les structures propres à l’atteindre.

L’article 6 du Décret mentionne les obligations de chaque école et, de ce fait, de tous les enseignants : La Communauté française, pour l’enseignement qu’elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants :

1° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ;

2° amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ;

3° préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux cultures ;

4° assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.

Le décret du 28 janvier 2004 instaure la réalisation par le gouvernement d’un rapport triennal sur l’application des droits de l’enfant en Communauté français qui doit fournir :

1) une évaluation des mesures prises les années précédentes ;

2) des notes présentant la manière selon laquelle chaque ministre applique les principes retenus dans la convention ;

3) un plan global reprenant la manière dont le gouvernement intégrera les Droits de l’Enfant dans les années à venir.

L’enseignement spécialisé doit devenir un support pour tout élève en difficulté, quel que soit son lieu de scolarisation. L’intégration scolaire est la deuxième vie de l’enseignement spécialisé. Le Décret qui organise l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004 fixe les modalités de l’intégration scolaire. Elle est complétée par la Déclaration du Gouvernement de la Communauté française du 29 février 2008 qui indique 11 autres mesures en faveur des élèves à besoin spécifiques.

Le décret du 3 mars 2004, modifié par le décret du 5 février 2009 portant sur des dispositions en matière d’enseignement spécialisé, et d’accueil de l’enfant à besoins spécifiques dans l’enseignement obligatoire, contient des dispositions relatives à l’intégration des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire. Le Conseil Supérieur de l’enseignement spécialisé avait, à l’époque, finalisé un VADEMECUM de l’intégration qui précisait le cadre politique, les intentions philosophiques du décret ainsi que les modalités pratiques pour la mise en œuvre de projets de partenariat entre les écoles spécialisées et les écoles ordinaires.

L’intégration, c’est la collaboration de tous les acteurs concernés, c’est-à-dire la possibilité de s’appuyer sur :

• le système institutionnel, la législation et les personnes censées pour mettre en œuvre ce projet;

• les conventions, les contrats, les projets définissant les compétences, les responsabilités et les devoirs des partenaires de l’intégration ;

• l’aide des services sociaux et médicaux ;

• une meilleure compréhension des services des transports scolaires ;

• un partenariat qui doit faciliter l’intervention coordonnée de tous les acteurs compétents dans le cadre d’un projet d’intégration commun.

L’intégration entraîne aussi des implications budgétaires. L’intégration scolaire ou sociétale d’élèves à besoins spécifiques en école ordinaire ne peut pas avoir comme visée de « faire des économies ».

Pourtant, suite aux nouvelles dispositions prises en juillet 2020, seuls les élèves venant de l’enseignement spécialisé pourront bénéficier dorénavant de l’intégration[36]. En d’autres termes, si des parents veulent inscrire une enfant qui a une déficience mentale dans une école ordinaire et que celle-ci est d’accord, cet enfant ne bénéficiera plus de l’aide de l’enseignement spécialisé. La seule manière d’obtenir cette aide ne pourra plus se faire que si l’enfant passe au minimum un an dans l’enseignement spécialisé. L’Intégration Temporaire Totale coûtait trop cher à la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a préféré consacrer cet argent à la mise sur pieds des Pôles territoriaux. A l’avenir, seule l’école spécialisée pourra décider si l’enfant pourra ou non bénéficier d’une intégration permanente totale. Autrement dit, si l’école a peur de perdre un élève et par là-même un enseignant, elle pourra bloquer ce rêve d’apprendre avec les autres, dans une école ordinaire.

Ces enfants sont doublement punis. D’abord parce qu’ils sont nés avec un handicap qui les prive de vivre comme les autres, ensuite ils sont une seconde fois punis, parce qu’on leur interdit de vivre avec les autres. Seuls les élèves n’ayant ni déficience intellectuelle ou troubles comportementaux, pourront bénéficier de l’intégration permanente totale, avec l’aide d’un enseignant spécialisé.

L’intégration suppose une formation et une valorisation des membres des personnels. Pour cela, il faudrait :

  • une formation initiale de haut niveau qui devrait inclure des connaissances sur le développement de l’enfant, les modalités de l’intervention précoce, la problématique des différents handicaps, la différenciation, l’évaluation, les missions des CPMS, le partenariat avec la famille, la collaboration avec les services sociaux et médicaux, les nouvelles technologies, le domaine de la communication… ;
  • une formation continue indispensable pour continuer à apprendre et à adapter sa pratique à chaque enfant à besoins spécifiques ;
  • un investissement dans des recherches-actions qui permettent de théoriser et de modéliser les pratiques pédagogiques les plus performantes.

L’importance de la « Remédiation » dans l’école

Il est normal d’avoir des difficultés quand on apprend. On peut ajouter avec ironie qu’il y a des enseignants qui sont en réalité ne sont formés que pour encadrer les élèves qui ont des facilités pour apprendre, tout en laissant ainsi sur le carreau ceux qui auraient le plus besoin d’être accompagnés.

La remédiation est un instrument fondamental pour permettre d’aider les enfants qui rencontrent des difficultés durant leur scolarité, mais elle doit être efficace. Une remédiation est efficace quand :

  • elle est reprise dans le projet d’établissement, avec une impulsion de la direction, une vision de l’équipe pédagogue à laquelle tous les professeurs participent. Il est indispensable que la remédiation soit inscrite dans le projet plus global de l’établissement ;
  • elle est institutionnalisé sur le longue terme, avec une reconnaissance du statut du professeur de remédiation et des heures prévues à cet effet ;
  • elle repose sur une collaboration entre tous les acteurs ;
  • elle s’organise autour d’une coordination et d’une transmission des informations entre professeurs ;
  • elle est prise en charge par des professeurs motivés, expérimenté et formés. Aujourd’hui les heures de remédiation sont souvent attribuées à des professeurs inexpérimentés, ce qui est contre-productif pour tous ;
  • elle est de préférence organisée dans la grille horaire de l’élève de manière bien pensée. Elle peut aussi se situer en dehors de la grille horaire mais nécessite alors d’une réflexion spécifique quant à ses modalités pour qu’elle soit profitable et efficace ;
  • elle repose sur un diagnostic des difficultés de l’élève dont découlent des objectifs précis, définis avec l’élève et les spécialistes qui le suivent ;
  • elle repose sur des approches pédagogiques multiples et appliquées de manière différenciée ;
  • elle est évaluée quant à ses effets et ses résultats.

Tous les élèves sont capables de progresser, de faire quelque chose dans la vie. Le support de l’école et de la famille dans ce processus est nécessaire. [37]

Les Pôles territoriaux

Les missions générales des Pôles territoriaux sont d’ :

  • Informer sur les aménagements raisonnables (AR)
  • Proposer des outils aux écoles « ordinaires » (EO)
  • Accompagner les enseignants dans la mise en place d’aménagements raisonnables et, le cas échant, d’accompagner les élèves à besoins spécifiques (BS) dans les EO
  • Accompagner les élèves à BS dans le cadre de l’intégration permanente totale (IPT)

Que sont les aménagements raisonnables ?

Ce sont des mesures appropriées, prises en fonction des besoins spécifiques reconnus dans une situation concrète, afin de permettre à un élève présentant des besoins spécifiques d’accéder aux activités organisées dans le cadre de son parcours scolaire, ainsi que de participer et de progresser dans ce parcours, sauf si ces mesures imposent à l’égard de l’école qui doit les adopter une charge disproportionnée.

C’est une alternative à l’orientation. L’enfant reste dans son école ordinaire en bénéficiant d’aménagements raisonnables adéquats, au quotidien.

La Ligue des Droits de l’Enfant privilégie de rendre les aménagements raisonnables universels, c’est-à-dire, pour tous les enfants, qu’ils soient ou non à besoins spécifiques.

Conclusion

Cette étude vise à analyser le parcours qui a conduit à l’adoption des instruments juridiques pour respecter et contrôler les Droits de l’Homme et de l’Enfant et à souligner l’importance du droit à l’éducation pour permettre à tous les enfants de devenir des véritables sujets de droit.

 « L’école pour tous et pour chacun » est un principe énoncé pour la première fois dans la Déclaration de Salamanque en 1994 donnant à tous les enfants, malgré leurs différences, la possibilité de jouir de leurs droits.

« Une école pour tous » est donc une école qui valorise tous les enfants. Le défi que l’école inclusive doit surmonter est celui de mettre au point une pédagogie centrée sur l’enfant, capable d’éduquer tous les enfants, y compris ceux qui sont gravement défavorisés. La transformation d’écoles « classiques » en « Ecole pour tous » représente un pas en avant décisif, nécessaire pour changer les attitudes discriminatoires, et pour créer des communautés accueillantes et des sociétés inclusives.

Une pédagogie centrée sur l’enfant est bénéfique pour tous les élèves et, donc, pour toute la société. L’expérience nous a montré qu’elle peut réduire sensiblement le nombre des échecs scolaires et des redoublements, qui caractérisent tant notre système éducatif, et assurer un niveau plus élevé de réussite scolaire. [38]

Chaque enseignant doit adhérer pleinement au Postulat d’éducabilité[39]. Aujourd’hui encore, beaucoup d’enseignants mais aussi de parents, pensent que certains de nos élèves, de nos enfants, sont doués pour l’étude et d’autres pas. Il y aurait des « intellectuels » et des « manuels », ou encore des artistes disposants, dès la naissance, des aptitudes correspondantes. Cette conception archaïque a, depuis longtemps, été battue en brèche.

Le défi se trouve dans la manière de transmettre tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être à tous les élèves. La charge de l’apprentissage, de la transmission à tous de tous les savoirs revient à l’enseignant. L’échec d’un seul élève est l’échec de l’enseignant ou, le cas échéant, du système scolaire mis en place dans l’école ou les écoles par lesquelles l’élève est précédemment passé.

Le Droit fondamental parle bien d’égalité des chances. Tout enseignant doit viser cet objectif : n’avoir aucun échec. Pour cela, il est évident qu’il faut mettre en place une pédagogie de la réussite. Il faut, en outre, que cette pédagogie soit validée. On n’invente pas une prétendue pédagogie sur base de croyances, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Il existe de nombreux pédagogues qui, par le passé, ont mis au point des pédagogies de la réussite pour tous. Elles ont évolué, s’adaptant à l’école d’aujourd’hui.

De même, la mise en place d’aménagements universels, qui permettent à tous les élèves ayant des difficultés d’apprentissage d’acquérir plus aisément les savoirs, sont indispensables. Tous les élèves ayant un ‘dys’ ne sont pas diagnostiqués. De ce fait, ils n’ont pas droit à des aménagements raisonnables. Les aménagements universels – qui sont donc mis à la disposition de tout le monde, sans conditions – leur permettront de surmonter leurs difficultés.

Enfin, afin de former des citoyennes et citoyens responsables et actifs, capables de comprendre la société mais également d’y participer pleinement, la mise en place de la pédagogie institutionnelle au sein des classes et de l’école, leur permettra de se préparer « à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux cultures[40] »

L’Ecole Pour Tous est un Droit de l’Enfant basé sur l’égalité des chances. Il est plus que temps que ce Droit devienne effectif dans toutes les écoles.


[1] ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Déclaration des Nations Unies, 1er janvier 1942

[2] ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Déclaration Universelle des droits de l’homme, 10 Décembre 1948

[3] https://rm.coe.int/janusz-korczak-le-droit-de-l-enfant-au-respect/16807ba988

[4] Le droit de l’enfant au respect, J Korcsak, Editions Fabert réédition 2009, Paris.

[5] Acte final de la Conférence internationale des Droits de l’Homme, Téhéran, 22 avril·13 mai 1968, page 14

[6] MARTINETTI Francesco, Les droits des enfants, édition Librio, Paris, 2002

[7] CODE, Introduction aux droits accordés aux enfants par la Convention des Nations Unies du 20 Novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, Décembre 2007

[8] Dans certains états des Etas Unies la peine de mort est encore applicable aux mineurs. De même l’armée peut engager de jeunes recrues dès 16 ans.

[9] ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Convention Internationale des droits de l’enfant, 20 Novembre 1989

[10] CIDE, Novembre 1989

[11]UNICEF,  Interview à Philippe Meirieu, 20 ans Unicef, novembre 2009

[12] CODE, Introduction aux droits accordés aux enfants par la Convention des Nations Unies du 20 Novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, Décembre 2007

[13] LANSDOWN Gerison, Promouvoir la participation des enfants au processus décisionnel, Fonds des Nations unies pour l’enfance, Centre de recherche Innocenti, Florence, 2001

[14] Ibidem

[15] OBSERVATOIRE DE L’ENFANCE, DE LA JEUNESSE ET DE L’AIDE à LA JEUNESSE, Les droits de l’enfant en Belgique, Quels sont les obligations de l’état, novembre 2010, Observation de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse

[16] UNION INTERPARLAMENTAIRE ET UNICEF, Guide de Participation des enfants au travaux du Parlement

[17] OBSERVATOIRE DE L’ENFANCE, DE LA JEUNESSE ET DE L’AIDE à LA JEUNESSE, Les droits de l’enfant en Belgique, Quels sont les obligations de l’état, novembre 2010, Observation de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse

[18] https://www.ohchr.org/fr/2019/01/comite-droits-enfant-rapport-belgique

[19]COMITE DES DROITS DE L’ENFANT, Examen des rapports présentés par les états parties en application de l’article 44 de la Convention, Observation finale : Belgique, 18 juin 2010

[20] Rapport 2018 de la CODE – https://lacode.be/publication/rapport-alternatif-des-ong/

[21] CODE, Rapport alternatif des ONG sur l’application de la Convention Internationale aux droits de l’enfant par la Belgique 2010

[22] https://lacode.be/wp-content/uploads/2022/10/Rapport-alternatif-des-ONG-2018.pdf

[23]CODE,  De l’importance de la fonction du Délégué général aux droits de l’enfant de la Communauté française, 2007, Intervention lors de la conférence- débat du 12 octobre 2007

[24] THERY Irène, Quels droits pour l’enfant ? La Convention de l’ONU, une potion magique, les droits des mineurs en mutation, dans ESPRIT N. 180, 1992, pp. 5-43

[25] UNESCO, Le droit à l’éducation. Rapport Mondial sur l’éducation, 2000

[26] UNESCO, L’éducation dans le monde, vol. III, dans  L’enseignement du second degré, p. 132, Paris, 1963.

[27] CODE, L’éducation aux droits de l’enfant à l’école, La situation en Communauté française, Bruxelles, 2007

[28] RONGE Jean Luc, JONCKHEERE Alexie, Les droits à l’école, Enseignement maternel, primaire, secondaire et spécial en Communauté française, Editions Jeunesse et droit, Liège,

[29] Décret du 3 juillet 1991 organisant l’enseignement secondaire en alternance

[30] RONGE Jean Luc, JONCKHEERE Alexie, Les droits à l’école, Enseignement maternel, primaire, secondaire et spécial en Communauté française, Editions Jeunesse et droit, Liège,

[31] LIGUE DES DROITS DE L’ENFANT, L’école pour tous de l’utopie à sa construction, Conférence Louvain la Neuve, 17 Mars 2012

[32] https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000098427_fre

[33] Déclaration de Salamanque, 1994

[34] http://dcalin.fr/internat/charte_luxembourg.html

[35] Le décret mission est le texte légal qui définit les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et qui organise les structures propres à les atteindre en Communauté française.

[36] Décret de 2004, article 130, modifié le 19-07-2021 : « Seuls les élèves à besoins spécifiques inscrits et fréquentant régulièrement l’enseignement spécialisé depuis le 15 octobre au moins sont susceptibles de pouvoir bénéficier du mécanisme de l’intégration à partir du 1er septembre de l’année scolaire suivante »

[37] FONDATION ROI BAUDOIN, Remédiation scolaire en Communauté française, Quelles pratiques en vue de réduire l’échec scolaire, 2011, pp. 41-44

[38] LIGUE DES DROITS DE L’ENFANT, Conférence 17 Mars 2012, Louvain la Neuve

[39]Ligue des Droits de l’Enfant : En marche vers une école inclusive : Le postulat d’éducabilité, octobre 2019 https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[40] Article 6 du Décret Mission (voir plus haut)

La Ligue des Droits de l’Enfant recrute

La Ligue des Droits de l’Enfant recrute

Nous recherchons un.e candidat.e au poste de coordinatrice.teur dans le cadre d’un contrat ACS de remplacement pour cause de maladie de longue durée.

Temps plein 38 heures/semaine

Description de la fonction :

La fonction du/de la candidat·e retenu·e sera de :

–    Coordonner les actions de la Ligue des Droits de l’Enfant avec l’aide du CA

–    Mettre en œuvre les décisions prises par le CA et les différents groupes de travail et être l’intermédiaire entre le CA et les partenaires ;

–    Tenir à jour le dossier de reconnaissance en éducation permanente ;

–    Assurer la gestion journalière et financière de l’ASBL (gérer les appels téléphoniques, gérer les courriers et donner le suivi qui s’impose et tenir à jour une comptabilité (entrées et sorties) pour le comptable, gérer la liste des membres ;

–    Mettre à jour les pages de l’ASBL sur les réseaux sociaux et diffusion d’informations utiles via divers supports média ;

–    Rédiger des analyses et études dans des domaines touchant les Droits de l’Enfant ;

–    Accueillir, conseiller, orienter les familles dans les difficultés qu’elles rencontrent ;

–    Participer à l’organisation de divers évènements (séminaires, colloques, journées de formation). A noter que certaines prestations demanderont une disponibilité pour des réunions en soirée.

Description du profil recherché :

Bénéficier d’un statut ACS (indispensable)

Avoir un bachelor en lien avec les sciences sociales ou les sciences de l’éducation, ou juridique

Avoir de l’intérêt pour l’Ecole inclusive, de même que pour la personne en situation de handicap et de son inclusion à l’école et dans la société.

Adhérer à l’intégralité des positions de la Ligue des Droits de l’Enfant et avoir la volonté de les défendre. Voir : https://www.liguedroitsenfant.be/la-ligue/nos-missions/

Compétences

–    Etre capable, si nécessaire, d’être autonome, de savoir travailler seul·e par moments, être capable de prendre des initiatives, de gérer les relations humaines et de collaborer avec divers professionnels associatifs ;

–    Etre capable de gérer des aspects administratifs (capacité de rédiger, d’utiliser divers logiciels de bureautique, …) ;

–    Etre capable d’utiliser Internet ainsi que les réseaux sociaux ou s’engager dans l’apprentissage du maniement de ceux-ci.Une expérience de bénévolat dans le domaine de la défense des Droits fondamentaux, ainsi qu’une sensibilité aux droits de l’enfant et des personnes handicapées, vulnérables et/ou marginalisées ainsi qu’une connaissance de pratiques d’éducation inclusive et de l’éducation active constitue un plus. Le·la candidat·e s’appropriera progressivement le cadre conceptuel, le cadre législatif et le contexte international en lien avec les droits de l’enfant, en particulier dans le domaine de l’éducation. Une connaissance générale de la Convention internationale des droits de l’enfant et la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées sera nécessaire.

Compétences linguistiques :

Nos activités se déroulent dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il faut donc avoir une excellente maîtrise de la langue française écrite et une bonne capacité de rédaction.

Envoyer sa candidature par mail à contact@liguedroitsenfant.be (en précisant son ancienneté ACS)

Liberté et devoirs des établissements scolaires

Liberté et devoirs des établissements scolaires

Il faut savoir qu’historiquement, après la révolution belge, le gouvernement provisoire a proclamé la « Liberté d’enseignement », considérant qu’il s’agissait d’adopter la même solution à la question générale de la liberté d’opinion et la liberté de culte. De ce fait, il a instauré un régime de concurrence entre les écoles et les futurs réseaux, refusant ainsi que qui que ce soit ait le monopole de l’enseignement : ni l’Etat, ni l’Eglise. Cette concurrence est malheureusement toujours porteuse d’inégalités entre les élèves.

Dès lors, chaque acteur et chaque actrice avait une liberté totale en fonction de ses droits : les écoles (pouvoirs organisateurs), les parents et, enfin, les enseignants, les enseignantes, les chercheuses et les chercheurs.

Les pouvoirs organisateurs obtenaient ainsi toute liberté pour ouvrir une école, pour la maintenir, pour déterminer son projet philosophique ou religieux et ses méthodes pédagogiques (en général, on parlait très peu pédagogie à cette époque). Ils avaient le libre choix de leur personnel, des missions de l’école pour concrétiser ses valeurs philosophiques ou pédagogiques et tout pouvoir de décision dans l’organisation de leurs établissements. Les écoles restaient soumises au Droit belge, mais tout ce qui ne relevait pas d’une réglementation par les autorités compétentes ressortait, de ce fait, de l’autorité scolaire. Les établissements subventionnés étaient ainsi quasiment autonomes.

Les parents avaient, quant à eux, le libre choix de l’école et, dans les établissements organisés par l’Etat, de pouvoir choisir entre l’enseignement d’une religion reconnue et la morale non confessionnelle.

Les enseignant.e.s et les chercheurs.euses bénéficiaient de la liberté académique. Autrement dit, de choisir leurs thèmes de réflexion et leurs méthodes pédagogiques.

L’article 6 de la Loi sur le Pacte scolaire (1959) définit que « Chaque pouvoir organisateur est libre en matière de méthodes pédagogiques ». En 1997, le décret « missions » a réaffirmé cette autonomie en indiquant que « le contrôle de la Commission des programmes ne porte pas sur les méthodes pédagogiques ». Ces dernières correspondent donc bien à une prérogative des pouvoirs organisateurs.

Cependant, ce sont les programmes des réseaux qui imposent les options pédagogiques aux enseignants. Mais pour la mise en œuvre de ces derniers, chaque enseignant.e est libre de définir ses pratiques pédagogiques dans sa classe ou en concertation avec ses pair.e.s pour celles qui seront mises en œuvre dans l’établissement.

L’Ecole, lieu de non-droits

Puisque chaque PO est libre d’établir un règlement des études à sa sauce, du moment qu’il ne soit pas en contradiction avec le Droit belge. On y trouve les valeurs morales et parfois religieuses de l’établissement. Cela va du progressisme au réactionnaire, en passant par l’humanisme et le conservatisme. Avec souvent un mélange des genres. Il vise souvent à codifier les rôles des élèves au sein de l’école ou lors d’activités extérieures organisées par les enseignant.e.s. Il a surtout pour mission de protéger l’école et les adultes qui y travaillent, et très peu les élèves. Il reprendra la liste des sanctions applicables et la manière dont doivent se comporter les élèves pour les éviter. On y parle très rarement de Droit, mais le plus souvent de devoirs mâtinés d’un longue liste d’interdits.

Le rôle de l’école doit, notamment, être de « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste, respectueuse de l’environnement et ouverte aux autres cultures[1] ». Cependant, les Règlements des études, vont la plupart du temps, à l’encontre de cet objectif. Plutôt que de viser l’autonomie de chaque élève, la participation citoyenne et solidaire, elle leur apprend la docilité, l’obéissance et la soumission.

En définitive, un Règlement des études est la « Loi » de l’établissement que seul.e.s les élèves doivent respecter. En effet, il ne s’applique pas aux enseignant.e.s qui n’hésitent pas à le transgresser volontairement ou par ignorance. Ainsi, dans la liste des sanctions reprises ci-dessous, on peut raisonnablement douter que tous les enseignants et toutes les enseignantes respecteront la hiérarchie telle qu’inscrite dans le Règlement des études. L’exclusion d’un.e élève d’un cours (point d.) est souvent la première sanction.

a. le rappel à l’ordre,

b. la remarque au journal de classe,

c. le travail supplémentaire,

d. l’exclusion d’une période de cours,     

e. la suppression de permissions et d’avantages (carte de sortie, heures libres en début

et fin de journée, gestion libre des heures d’étude)

f. la retenue après 16h00,

g. la retenue le mercredi après-midi,

h. le travail de réparation/d’utilité collective,

i. la convocation à la direction,

j. l’exclusion de plusieurs périodes de cours,

k. l’ouverture d’un dossier disciplinaire avec convocation des parents,

l. l’exclusion de l’école pour un ou plusieurs jours,

m. l’exclusion définitive

Le Règlement des études est la « Loi » du plus fort. Ainsi, quand on lit que « L’élève qui sera pris à tricher lors d’une évaluation périodique ou d’un examen sera sanctionné d’un zéro pour cette épreuve. », l’école omet les principes élémentaires du Droit. Le premier est la charge de la preuve. Etre pris à tricher, encore faut-il le démontrer. Ensuite, chaque accusé.e à droit d’être défendu. Enfin, la personne qui a surpris l’élève trichant est-elle celle qui a confectionné l’épreuve ? Dans l’affirmative, ce serait contraire au Droit fondamental, puisque « Nul.le ne peut être juge et partie ». Cette personne se ferait justice elle-même, ce qui est interdit par le Droit.

Il s’agit d’un vieux principe de Droit venant de l’expression latine « Aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars » qui se traduit par « personne ne doit être juge de sa propre cause, parce qu’on ne peut être à la fois juge et partie ». Bien connue des juristes, elle signifie qu’on ne peut pas rendre une décision juste lorsqu’on a un intérêt à la décision rendue.

Cela vaut pour chaque interrogation, évaluation, bilan ou examen coté réalisé par un ou une professeur.e qui a donné le cours. Ils ou elles ont un intérêt à la décision rendue et sont donc juges et partie. Ce qu’ils ou elles évaluent n’est rien d’autre que leur capacité à transmettre un savoir à l’ensemble des élèves de la classe, sans en oublier aucun.e. Quand on sait que les professeur.e.s qui n’ont pas d’échecs sont traités de « laxistes », ce que la plupart veulent éviter. On peut se dire que le cotation a toutes les chances de ne pas être juste, ou que les questions rédigées ont toutes les chances de veiller à ce que tout le monde ne réussisse pas. 

Exemple : La problématique de la tenue des élèves

Avec le mouvement #metoo, on pouvait espérer voir enfin fleurir des Règlements des études dégenrés. Certaines écoles semblent, en effet, ne pas vouloir faire de différences entre les filles et les garçons en ne rédigeant qu’une seule règle valable pour tou.te.s les élèves. Mais à y regarder de plus près, on comprend vite qui, des filles ou des garçons, sont visé.e.s. L’article sur les tenues des élèves du règlement suivant en est un parfait exemple :

Ne sont donc pas toléré(e)s

« Les vêtements exagérément courts, collants, échancrés, provocants ; sont donc à réserver pour d’autres lieux et circonstances les dos nus, épaules découvertes, sous-vêtements apparents, nombrils à l’air, profonds décolletés et jupettes ultra-mini »

Même lorsqu’ils sont rédigés tant pour les filles que pour les garçons, les Règlement des études restent clairement machistes. Dans l’école suivante, en dehors des couvre-chefs, ils visent exclusivement les filles :

La tenue vestimentaire doit être en rapport avec les activités scolaires : il est interdit de porter un couvre-chef dans les bâtiments ; les tops, dos nus, mini-jupes, décolletés, shorts courts et bermudas fantaisies sont interdits dans l’enceinte de l’école.

Dans d’autres écoles, ils sont carrément genrés. Le premier paragraphe concerne les filles, tandis que le second vise les garçons. On remarquera que les filles sont responsables de la bienséance dans l’école car elles risqueraient d’être provocantes, au contraire des garçons. Ces derniers n’ont pas les mêmes interdits que les filles ; ils ne doivent pas avoir de tenue « décente », peuvent avoir les épaules dénudées et le haut de la chemise déboutonnée de manière non discrète. C’est clairement du machisme :

Pour les jeunes filles :

– Tenue décente et non provocante [jupe maximum 10 cm au-dessus du genou], pas d’épaules ni de ventre dénudés, décolleté discret, pas de pantalon troué.

– Pas de piercings autres que des boucles d’oreilles discrètes.

– Maquillage discret, colorations de fantaisie interdites.

Pour les garçons :

– Pas de négligé ni de débraillé, pas de pantalon troué. Le bermuda est seulement autorisé au 1er degré. Pour le 2e et 3e degré, le pantacourt [pantalon ¾] est accepté.

En cas de fortes chaleurs [plus de 29° degrés à l’ombre] le port du bermuda [couleur unie et sans motif] sera autorisé pour les élèves des 2e et 3e degrés.

– Pas de piercings.

– Colorations et coupes de fantaisie interdites.

Les Règlement des études sont rédigés de manière à éviter d’appliquer l’article 6 du Décret Missions (alinéa 3) et, de ce fait, de rendent impossible la formation de citoyennes et citoyens libres et égaux. Que ce soit au niveau de la tenue réglementaire ou des interdits et contraintes imposés par le Règlement des études, tout est mis en place pour former de futur.e.s adultes soumis.es.

La solution existe. Elle se trouve dans la pédagogie institutionnelle. Mais pour appliquer les enseignements de Fernand Oury[2], encore faudrait-il que les écoles pratiquent déjà une pédagogie active et coopérative. Elles utilisent le plus souvent une pédagogie passive et compétitive.

La pédagogie institutionnelle permet aux étudiant.e.s de participer activement à l’élaboration des lois et règlements d’une classe ou d’un établissement scolaire, au travers des différents « conseils de coopération » (de classe, de degrés, d’école). Ils permettent de co-construire les lois, mais également d’établir les sanctions afin que ce ne soient plus les adultes qui fassent la loi – leur loi – mais qu’ils n’aient plus que la charge de la faire respecter, tout en la respectant eux-mêmes.

Quand, dans une classe ou dans une école, les élèves sont co-constructrices et co-constructeurs des règlements et sanctions. Les lois sont beaucoup mieux respectées, parce qu’elles sont les « leurs ».


[1] Code de l’enseignement, Livres 1 et 2, Art 1.4.1-1, 3°

[2] Fernand Oury, instituteur décédé en 1998 est le père de la Pédagogie institutionnelle.