« Porter un uniforme, c’est d’une certaine façon se rappeler l’autorité hiérarchique de l’équipe éducative vis-à-vis de ses élèves ; il a pour but de marquer une certaine discipline en classe. Il a aussi pour fonction d’enlever les marqueurs d’identité sociale et d’instaurer une certaine standardisation ». L’uniforme est défini comme « un habit réglementaire, que tous les membres d’un groupe doivent porter selon des règles précises ». Nombreuses sont les écoles où les élèves devaient – ou doivent encore parfois – porter l’uniforme. Dans le cadre de la présente analyse, son impact sur la construction de l’identité des enfants sera analysé. En effet, contraints de devoir porter tous la même tenue au sein d’un établissement, les enfants ne peuvent s’habiller selon leurs goûts ou leur personnalité et doivent ressembler les uns aux autres d’un point de vue vestimentaire.
L’uniforme à l’école : entre utilité sociale et respect des droits de l’enfant
L’uniforme est un signe d’appartenance et, dans certains pays, il n’est en aucun cas question de ne point le porter pour se rendre à l’école. Chez nous, aujourd’hui, il est plutôt une exception car peu nombreuses sont les écoles où il est encore obligatoire. Permettant d’aplanir les différences entre enfants, l’uniforme pourrait leur permettre de « se consacrer à leurs apprentissages, mieux réussir à l’école, sans la distraction engendrée par les tenues dictées par l’appartenance à un groupe donné » et qu’ils « ne s’attachent pas aux aspects extérieurs de la personne, mais qu’ils puissent découvrir la valeur de l’autre sans se préoccuper de l’apparence ». Néanmoins, chacun a ses goûts vestimentaires, que le port de l’uniforme empêche d’affirmer, ce qui peut être problématique surtout à la préadolescence.
L’école a pour objectif d’enseigner des matières, des valeurs, de transmettre des connaissances et d’instaurer un savoir-vivre ensemble. En effet, il ne s’agit pas d’un lieu banal, des normes claires et précises l’encadrent et en font un microcosme du monde adulte. Au fil des années, l’institution scolaire, les normes et les mentalités ont évoluées. En effet, dans leur histoire, nombreux sont les établissements scolaires marqués par l’instauration d’un uniforme obligatoire. Par ailleurs, force est de constater que les filles et les garçons ne portaient pas la même tenue, le pantalon étant totalement exclu pour les filles pour qui la jupe était requise.
Avec la mise en place de l’uniforme obligatoire est apparue une certaine homogénéisation des tenues des élèves, une volonté d’égalité entre tous les enfants d’un même établissement, l’idée d’être davantage concentré en classe ; par ailleurs, l’uniforme, pour certains parents, offrirait une facilité pour habiller l’enfant. Cependant, son port dans les établissements scolaires est peu à peu délaissé après mai 1968, ce qui laisse place au style vestimentaire de chacun. Néanmoins, actuellement, les réflexions sur le retour de l’uniforme au sein des écoles sont nombreuses. Certes, il présente de nombreux aspects positifs, notamment en termes de non-discrimination, principe présent dans l’article 2 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ; ainsi, les enfants d’un même établissement sont égaux d’un point de vue vestimentaire, ce qui empêche les différences entre enfants dont les parents sont mieux lotis financièrement et ceux moins aisés. Néanmoins si cela est vrai au sein d’un même établissement, ce principe doit être nuancé en ce qui concerne les différences entre les écoles aux uniformes différents, montrant ainsi la position sociale de l’enfant et de son groupe d’appartenance.
De facto, l’uniforme aurait pour fonction d’instaurer une certaine égalité entre tous les élèves d’un même établissement, pourtant, l’affirmation de son identité et de sa personnalité peut être impactée et les inégalités subsister. Par conséquent, il est erroné de certifier que l’uniforme conduit à une totale égalité entre les enfants. En effet, il confirme déjà pour ceux le portant qu’ils appartiennent à un groupe et à une classe sociale spécifiques. Ainsi, à cet égard, pour le sociologue H. DRAELANTS, cet uniforme est « un instrument de sélection sociale et de construction d’une image élitiste des institutions scolaires. L’uniforme est censé uniformiser les élèves. Au fond, il différencie les écoles. Dans ces écoles à uniforme, comptez le nombre d’élèves issus de milieux populaires, je suis certain que vous n’arrivez pas à 3 % ».
Autonomie et affirmation de soi : des besoins essentiels pour les droits de l’enfant
Plus l’enfant grandit, plus il a besoin d’autonomie pour affirmer ce qu’il est et ce qu’il aime, ce qui passe notamment par le style vestimentaire. Ce besoin d’affirmation de soi est renforcé surtout lors de la préadolescence, et puis avec l’adolescence. Petit, il sera habillé selon le choix de ses parents, mais au fur et à mesure il aura tendance à vouloir contrôler son propre corps et ses préférences vestimentaires et ressent le besoin de contrôler son apparence et de s’habiller selon ses propres goûts. Le fait d’imposer le port de l’uniforme l’empêche de s’exprimer physiquement, d’affirmer sa personnalité en termes vestimentaires. Les garçons sont contraints de porter le pantalon et les filles, la jupe. Or, certaines pourraient ne pas aimer la porter en y étant contraintes en cas d’obligation du port de l’uniforme. En outre, de par cette dichotomie entre les uniformes spécifiques en fonction du genre attribué à la naissance, les enfants se voient imposés dès leur plus jeune âge des codes sociaux qui ne correspondent pas forcément à leur ressenti, voire à l’évolution des mœurs, et les empêche de s’exprimer par rapport à leur personnalité.
De surcroît, un argument contre le port de l’uniforme est le fait qu’il entrave la construction de l’identité de l’enfant étant donné que « la manière de s’habiller fait partie des moyens dont dispose un enfant pour exprimer son identité, son originalité, voire sa créativité ». Sa construction identitaire passe notamment par son style vestimentaire, qui serait par conséquent entravée par l’imposition de l’uniforme. Il est important d’insister sur le fait que les différentes pratiques vestimentaires de chacun fournissent de nombreuses informations sur l’identité de l’enfant en pleine construction et plus encore pendant la préadolescence et l’adolescence. Chacun a ses goûts et une personnalité différente qui se transmet à travers ses vêtements, ce qui n’est pas forcément possible avec l’uniforme même si des accessoires peuvent néanmoins le personnaliser. D’un point de vue vestimentaire, chaque enfant est identique et ne peut dévoiler sa personnalité, alors que sa construction identitaire est importante. L’uniforme impose une standardisation. Or l’école, une institution légitime, est l’un des premiers endroits où l’enfant peut se développer et s’affirmer sans le contrôle de ses parents et où il pourra trouver quelle est sa place.
Le vêtement « permet à chacun de nous renseigner sur les caractéristiques de l’autre mais aussi sur la culture de la société à laquelle il appartient ». L’enfant, en pleine construction identitaire, se cherche et a besoin de s’affirmer, de se sentir mis en valeur et d’affirmer sa personnalité, ce qui passe par l’affirmation de son style qui lui permet également de se démarquer des autres et d’imposer d’une certaine manière son état d’esprit. Les préférences de chacun sont affirmées par le choix de vêtements et s’intensifient plus l’enfant grandit. Les vêtements sont perçus comme une « communication non verbale symbolique » et comme un indicateur important de la construction identitaire et de l’affirmation de la personnalité.
La manière dont chacun s’habille reflète son propre caractère, son humeur et sa personnalité, et cela est important afin de se construire et d’acquérir une confiance en soi, et ce surtout pendant l’enfance où l’on commence à se découvrir et s’affirmer. Il est important de faire un parallèle avec l’article 29 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui stipule que « les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à : favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ». Cette disposition tend à favoriser son épanouissement, notamment par l’affirmation de sa personnalité. Néanmoins, selon le point de vue de madame ELISABETTINI, institutrice primaire que nous avons rencontrée, lors de la petite enfance, la tenue vestimentaire n’a pas d’importance mais elle en prend, lorsqu’il grandit, notamment à la préadolescence lorsqu’il se soucie de son apparence. Force est de constater que l’article 1er de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant n’opère pas de distinction juridique entre d’une part, l’enfant et d’autre part, l’adolescent. Néanmoins, d’un point de vue sociologique, le fait d’être adolescent est une réalité qui ne peut être ignorée par le droit et un adolescent ne se perçoit pas de la même façon qu’un jeune enfant.
Dans les établissements où l’uniforme est encore obligatoire ou s’il était réimposé, l’une des solutions pourrait être de permettre de le personnaliser et de ne pas imposer aux filles la jupe ou encore d’envisager simplement un code couleurs.
Conclusion
Ainsi, nombreux sont les points positifs de l’uniforme tels que l’objectif d’égalité entre les élèves d’un même établissement scolaire, en masquant le milieu social duquel ils proviennent, même si selon l’avis du sociologue H. DRAELANTS, l’uniforme peut « créer une image élitiste des institutions scolaires ». L’article 29 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant consacre spécifiquement le principe selon lequel l’épanouissement de sa personnalité est primordial et passe notamment par l’affirmation de son style vestimentaire qui offre des indications sur sa personnalité et ses goûts. Le fait de porter un uniforme peut dès lors entraver cette affirmation de soi et de la personnalité de l’enfant en ce sens que tous sont habillés de la même façon et ne peuvent choisir leurs vêtements les jours d’école. En pleine construction de leur identité et de leur personnalité, il est important pour eux de l’affirmer pour se découvrir, s’affirmer, développer la confiance en soi et montrer aux autres qui ils sont.
En définitive, il est vrai que l’uniforme peut présenter des avantages tels que l’instauration d’une certaine égalité entre les élèves et d’une homogénéisation conforme à l’article 2 de la CIDE, ou encore en ce qu’il facilite le choix des parents qui ne doivent pas réfléchir à la façon d’habiller l’enfant. Mais la manière dont est habillé un enfant reflète sa personnalité et son identité, ce qui ne peut être affirmé en cas du port de l’uniforme. Par ailleurs, malgré cette idée d’égalité, le port de l’uniforme par un enfant affirme déjà qu’il appartient à un certain groupe social, ce qui n’est pas l’idée à l’origine de cette volonté. Pour toutes ces raisons, il nous semble que la réinstauration de l’uniforme au sein des écoles belges ou sa conservation là où il est toujours obligatoire ne sont pas judicieux étant donné que cela pourrait entraver la construction identitaire, la confiance en soi et l’épanouissement de l’enfant, ce qui est contraire à l’article 29 de la CIDE.
Bibliographie
Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 20 novembre 1989, approuvée par la loi du 17 janvier 1992, M.B., 15 janvier 1992, p. 805, art. 1, 2 et 29.
DE WAELE M, HUBERT M et PACQUE H., « Regards croisés clinique et juridique sur l’enfant et ses environnements », Cours du master MASDENF de C. MATHYS et A-S. CALANDE, ULB, 2021-2022.
HSIA S., « Les dessous d’une tenue scolaire. Sociologie du genre au prisme du code vestimentaire à l’école », Mémoire sous la supervision de B. WYNANTS, Uclouvain, 2019-2020, pp. 1-82.
LORIERS B., « L’uniforme scolaire peut-il effacer les inégalités et est-il adapté à nos réalités actuelles ? », Union Francophone des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique, Bruxelles, 2013, pp. 1-8.
TERRAL S., « Les pratiques vestimentaires des jeunes, l’apparence au service de la sociabilité adolescente », Trajet de sociologie sous la direction de A. MEIDANI, Toulouse, 2012-2013, pp. 1-98.
Cette analyse traite d’enfants
orientés vers l’enseignement spécialisé sans que ceux-ci n’aient, à la base, le
moindre handicap physique ou intellectuel. Leurs difficultés sont
essentiellement sociales : enfants vivant soit en milieux de grande
pauvreté ou de quartiers populaires, soit ne possédant pas la langue de
l’école, ou ayant besoin de plus de temps pour apprendre, ou pour de multiples
autres raisons qui touchent essentiellement à leur statut social. Nous n’aborderons pas dans ce dossier les
orientations d’enfants avec handicap ou difficultés spécifiques des
apprentissages.
Qu’entend-on par « orientations abusives » ?
Abus : mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose[1]
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Ecole oriente inadéquatement de nombreux enfants issus de milieux socialement défavorisés vers l’enseignement spécialisé. Ces enfants ne présentent absolument aucun handicap, simplement des difficultés scolaires. Cette orientation détermine l’avenir de ces enfants qui, pour la plupart, n’auront jamais leur C.E.B.[2]et se retrouveront à terme, sans plus pouvoir faire le moindre choix, vers l’enseignement professionnel ordinaire ou… spécialisé. Il s’agit d’abus de la part des écoles orientantes, c’est la raison pour laquelle nous parlons d’orientations abusives.
Il s’agit d’un « mauvais emploi » de l’enseignement spécialisé qui est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques[3]. Or, ces enfants n’ont ni besoins spécifiques (aucun examen multidisciplinaire ne leur a détecté le moindre handicap) et leurs possibilités pédagogiques ne sont pas moins bonnes que celles des autres élèves de l’enseignement ordinaire.
L’école ordinaire, si elle le voulait, a tout-à-fait les moyens de suivre ces enfants et de les mener au bout d’un cursus de transition de 12 ans, sans passer par la case échec. Mais l’école a des principes : elle ne permet l’accès aux savoirs qu’aux enfants « bien nés » sans trop de difficultés d’apprentissages. Quant aux autres, ceux qui freinent les apprentissages, qui proviennent de milieux socialement moins aisés et dont le soutien pédagogique important risquerait d’entraîner un « nivellement par le bas[4] », ils sont progressivement éliminés. L’orientation vers l’enseignement spécialisé est la première marche.
Trop peu d’écoles forment leur corps professoral à enseigner aux élèves de milieux populaires. L’article 15 du Décret Missions[5] impose pourtant de différencier les apprentissages en fonction des besoins des élèves. Mais il est vrai que toutes les écoles n’ont pas encore eu le temps de se familiariser avec le Décret Missions. Il ne date que de 1997.
La gestion des
difficultés d’apprentissages est la base du métier d’enseignant
Aujourd’hui, dans nos classes,
nous avons des élèves qui ont des profils d’apprentissages forcément
différents. Certains possèdent mal la langue de l’enseignement. D’autres ont
des difficultés en mathématique, en seconde langue, dans les relations avec les
autres, etc. On pourrait, bien entendu, estimer qu’il s’agit d’une dégradation
des conditions d’enseignement, ce qui serait tout le contraire de la réalité.
De telles conditions se sont retrouvées de tous temps dans nos écoles. On le
retrouvait autrefois dans les villages et dans les villes ou les enfants de
paysans et d’ouvriers peu lettrés ne connaissaient que le wallon ou le patois bruxellois
et avaient les mêmes difficultés d’apprentissage que les élèves des milieux
socio-économiques d’aujourd’hui. Ensuite, cela a été les immigrations diverses,
européennes dans un premier temps, pour finir avec aujourd’hui des familles
d’Afrique du Nord de deuxième ou troisième génération, ainsi que des immigrants
de l’Est qui se retrouvent avec les mêmes difficultés. Bref, rien de bien neuf
sous le soleil de nos classes.
Enseigner est un art ! C’est être capable de transmettre des connaissances, savoirs, savoir-faire, savoir-être, à tous ses élèves, sans la moindre exception. Malheureusement, on ne naît pas enseignant. La formation initiale ne nous a pas formés, au départ, à la détection et à la remédiation des difficultés d’apprentissages, pas plus que nous n’avons été formés à enseigner à un public précarisé, qui ne connaît ni les codes, ni le langage spécifique de l’école. Certains professionnels se forment continuellement ou s’auto-forment de manière à trouver des outils qui vont permettre à tous les élèves d’y arriver. Les pédagogies actives, par exemple, sont, entre autres, une source inépuisable de pistes. Mais pour cela, il faut changer de paradigme et oser s’élancer dans une autre manière de faire école, loin du frontal[6]et d’aller vers un véritable enseignement. Malheureusement, tous les professionnels de l’école ne se forment pas en ce sens et, dès lors, se retrouvent démunis face à ces difficultés. Une des dernières solutions qu’ils trouvent est l’orientation vers l’enseignement spécialisé, avec tout ce que cela importe d’abus pour les élèves en matière de destruction de l’image de soi, de générations condamnées[7], de sentiments d’injustice, de déni de l’être humain et d’avenir définitivement bouché, voire de révoltes sociales.
En mettant en compétition,
depuis des années, les réseaux d’enseignement et les écoles, une certaine
idéologie élitiste scolaire a réussi à… construire toujours et toujours plus de
barreaux aux murs des écoles afin que tous n’y entrent pas ou alors qu’ils ne
puissent y rester « trop longtemps ». Comment peut-on demander à des
profs mal formés de porter sur leurs épaules l’orientation d’un seul être
humain ? Comment peut-on leur demander de décider si tel élève aura droit
d’avoir une vie épanouissante ou, au contraire, une vie peu valorisante ?
Comment peut-on encore orienter ou pratiquer le redoublement aujourd’hui ?
Ce sont des pratiques d’un autre âge, des pratiques discriminantes et
inhumaines. Et surtout, des pratiques inefficaces. Sauf pour former les
esclaves de demain.
La pauvreté
n’est pas un handicap
Depuis plus de 20 ans, on
remarque une orientation des élèves d’origine socio-économique ayant de grosses
difficultés d’apprentissages vers l’enseignement spécialisé, alors que celui-ci
ne leur est pas destiné, et que ceux-ci n’ont absolument aucun handicap. Leur
nombre est passé de 8 448 élèves en 1989-1990 à 13 370 durant l’année scolaire
2017-2018, soit une augmentation de 58,2 % en 20 ans.
L’enseignement de type 8[8] qui est le plus sollicité a vu sa population augmenter de 50,3% (+ 2 432 élèves). Dans l’enseignement de type 3, l’augmentation a été de 49,1 % (+ 675 élèves) et dans l’enseignement de type 1, après avoir explosé au début de ce siècle, depuis 2012, elle est en léger recul pour se situer à 4061 élèves (+80,8 %). Ces élèves qui, pour l’immense majorité d’entre eux n’ont aucune déficience, représentent à eux seuls un tiers de l’ensemble des élèves de l’enseignement spécialisé (35,3 %)[9].
L’enseignement de type 1 est sensé scolariser des enfants ayant une déficience mentale légère. Dans les faits, de nombreux enfants issus de milieux précarisé et n’ayant aucune déficience intellectuelle s’y retrouvent scolarisés, suite à une orientation abusive.L’enseignement de type 3 est sensé scolariser des enfants ayant un trouble du comportement. Mais nombreux sont les élèves un peu trop turbulents ou ayant des troubles envahissants du développement qui s’y trouvent orientés. L’enseignement de type 8 est sensé scolariser les enfants ayant des troubles instrumentaux[10]. En réalité, l’immense majorité des élèves scolarisés en type 8 n’a aucun trouble instrumental, mais vivent dans des quartiers populaires et/ou dans des familles socialement défavorisées. Les professeurs de l’école ordinaire ne se sont pas tous formés à accueillir des enfants vivant dans des familles dont l’école a décroché.
La démographie a bon dos
On pourrait imaginer que cette
augmentation est due à une démographie galopante en Belgique. Si, en effet, l’augmentation
de la population se confirme, l’évolution des orientations vers les types 1, 3
et 8 de l’enseignement spécialisé, et spécialement d’élèves ne possédant pas
nécessairement la langue de l’enseignement et certainement pas ses codes ne
peut pas être corrélée. En effet, dans le graphique ci-dessous, on constatera
aisément que l’augmentation des orientations est nettement supérieure à
l’augmentation de la population de notre pays.
En tenant compte de la
démographie et donc de l’augmentation de la population de notre pays, la
progression du type 8 est encore de 31,4 % (+ 1 737 élèves). Celle du type 1
qui continue de baisser, est cependant encore de 58, 3 % (+ 1 496 élèves),
tandis que l’augmentation du nombre d’élèves inscrits dans le type 3, est de
30,6 % (+ 480 élèves). Soit 3 713 élèves de plus que ne le justifiait
l’augmentation de la démographie, orientés vers l’enseignement spécialisé.
Autrement dit, l’augmentation
de la population ne peut justifier qu’une augmentation de 1 209 élèves entre 1989
et 2017, sur la progression des 4 922 élèves supplémentaires.
On peut donc en conclure que,
pour de nombreuses écoles ordinaires, l’orientation vers l’enseignement
spécialisé est considéré – et de plus en plus – comme l’ultime remédiation. Cet
enseignement, trop mal connu des professeurs de l’ordinaire est donc vu comme
la solution miracle qu’ils n’ont pas su, pu ou voulu mettre en place eux-mêmes.
Mais pour les miracles, ce n’est pas le bon chemin à prendre et ce, même pour l’enseignement confessionnel. Malgré leur immense bonne volonté, les enseignants de l’enseignement spécialisé ne savent pas faire de miracles, d’autant plus que les élèves qu’ils récupèrent sont cassés et laminés par un enseignement ordinaire trop souvent incapable de remplir ses missions vis-à-vis des plus fragiles et de celles et ceux qui ont le plus besoin d’aides, de soutien, de différenciation, de pratiques adaptées aux milieux socialement défavorisés et, surtout de bienveillance.
Rappelons que l’enseignement
spécialisé « est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base
d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté
en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques.
Ils sont désignés par l’expression « enfants et adolescents à besoins
spécifiques ». Il est organisé sur la base de la nature et de l’importance
des besoins éducatifs et des possibilités psychopédagogiques des élèves et
assure le développement de leurs aptitudes intellectuelles, psychomotrices,
affectives et sociales tout en les préparant, selon les cas :
à l’intégration dans un milieu
de vie ou de travail adapté;
à l’exercice de métiers ou de
professions compatibles avec leur handicap qui rend possible leur intégration
dans un milieu de vie et de travail ordinaire;
à la poursuite des études
jusqu’au terme de l’enseignement secondaire supérieur tout en offrant des
possibilités de vie active.
Le type 1 est
destiné aux élèves qui ne peuvent être compris parmi ceux qui présentent un
retard pédagogique et pour lesquels l’examen pluridisciplinaire, (…) conclut à un retard et/ou à un (des) trouble(s)
léger(s) du développement intellectuel. Leurs possibilités sont telles
qu’ils peuvent acquérir des connaissances scolaires élémentaires, une habileté
et une formation professionnelle qui permettent de prévoir leur intégration
dans un milieu socioprofessionnel ordinaire.
Le type
3 est destiné
aux élèves pour
lesquels l’examen pluridisciplinaire, visé
à l’article 12,
§ 1er, 1°,
conclut à la
présence de troubles
structurels et/ou fonctionnels
de l’aspect relationnel
et affectivo-dynamique de
la personnalité, d’une
gravité telle qu’ils
exigent le recours
à des méthodes
éducatives, rééducatives et
psychothérapeutiques spécifiques.
Le type 8 est destiné aux élèves pour lesquels l’examen pluridisciplinaire visé à l’article a conclu à des troubles des apprentissages. Ceux-ci peuvent se traduire par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul, sans qu’il y ait retard mental ou déficit majeur sur le plan physique, comportemental ou sensoriel. Ils doivent être considérés comme des troubles complexes aux origines multifactorielles[11] ».
Ces trois types d’enseignement
spécialisé ne sont pas destinés à recevoir des élèves ayant des difficultés
d’apprentissage, et dont le seul « handicap » est exclusivement
« social », issus de familles fragilisées sur le plan socioéconomique
et culturel. Les
parcours des élèves sont fortement influencés par deux variables : le genre et
l’indice socio-économique du quartier de résidence.
La place de ceux-ci est dans
l’enseignement ordinaire, avec les élèves qui ont plus de facilités, et ils
doivent y être maintenus, sans que le moindre redoublement et la moindre
orientation ne soit mise en place. C’est leur droit le plus fondamental !
L’enseignement spécialisé ne peut pas remplir pas sa mission
L’enseignement de type 8 n’accueille
les élèves que jusqu’à la fin du primaire. Ce sont, pour la plupart, des élèves
qui, on l’a dit, ont des difficultés d’apprentissage mais n’ont aucune
déficience intellectuelle. Ils sont donc tout-à-fait à même d’acquérir les
apprentissages, pour autant qu’on mette en place les pratiques pédagogiques
dont ils ont besoin.
Mais la doxa[12] scolaire est solide et la croyance infondée que l’enseignement spécialisé va venir en aide à ces élèves est tenace. Que ce soit dans les écoles ordinaires mais également parmi les personnels des CPMS qui sont chargés de procéder à l’examen multidisciplinaire d’orientation. Dès lors, la pression est mise sur les familles concernées afin qu’elles acceptent l’orientation (quand on leur dit qu’elles sont en droit de refuser, ce qui selon les retours que nous recevons de ces familles, est rarement le cas – ou alors cela n’a pas été clair pour elles).
La chose est enjolivée. Mais
c’est fait par des gens qui ne connaissent pas l’enseignement spécialisé et ses
réalités. On fait miroiter des « petites classes », un transport
scolaire gratuit, un encadrement supplémentaire (logopèdes, …). Et pour les
rassurer il est ajouté que l’enseignement spécialisé permet d’acquérir le
Certificat d’Etudes de Base et de retourner dans l’enseignement ordinaire plus
tard, une fois les difficultés résolues. La plupart du temps, c’est à ces
conditions-là que les familles acceptent.
Mais soyons clairs : ces
professionnels ne cherchent nullement à berner les parents, même si l’idée de
se débarrasser d’un élève en grandes difficultés motive leur démarche. Le
problème c’est qu’ils ne connaissent pas les réalités du Spécialisé. Ils ne
connaissent pas les résultats que ces élèves obtiendront au C.E.B.
Malheureusement, on est loin
de la coupe aux lèvres. Les chiffres sont dramatiquement différents.
Ainsi, pour le seul type 8 :
seulement
une petite centaine d’élèves retourne en enseignement primaire ordinaire chaque
année (soit moins de 1 %) :
seulement
une centaine d’élèves de 6e année obtient son C.E.B. et peut accéder
en 1A de l’enseignement secondaire ordinaire, soit une moyenne de 8 %. (0,7 %
pour les enfants de Type 1 et 4 % pour les élèves de type 3)
Le reste est dirigé, en partie vers la 1B[13] de l’enseignement secondaire ordinaire, ou continuera dans l’enseignement spécialisé.
Si, « en 2013-2014, l’entrée dans le type 8 avait plutôt tendance à diminuer au fil du parcours dans l’enseignement ordinaire. En 2018-2019, la provenance des élèves qui entrent dans le type 8 est moins linéaire. En effet, en 6 ans, on note qu’ils sont proportionnellement moins nombreux à venir d’une première primaire et plus nombreux à provenir d’une troisième, d’une quatrième ou d’une cinquième primaire[14] ».
Si une centaine d’élèves seulement réussissent leur C.E.B.
c’est parce que l’enseignement de type 8 ne vise pas les compétence à atteindre
en fin de 6e année, mais plus souvent un niveau de 4e
primaire. Tout au plus, tentent-ils de différencier les apprentissages en
fonction des difficultés des élèves.
Mais il n’est pas question ici de leur jeter la pierre. Les
élèves qui leur sont confiés arrivent le plus souvent chez eux en cours de
scolarité primaire. 11 % des élèves seulement passent dans le type 8 au sortir
de l’école maternelle. Les autres sont orientés après avoir fait un parcours
d’une à quelques années dans l’enseignement ordinaire où ils n’ont connu
qu’échecs sur échecs. Il est dès lors impossible pour ces enseignants d’à la
fois tenter de reconstruire l’enfant, de lui redonner confiance dans ses
(immenses) possibilités, de récupérer le retard accumulé et en plus de lui
transmettre toutes les connaissances nécessaires pour avoir son Certificat
d’Etudes de Base. En 2, 3 ou 4 années, il est impossible à tout pédagogue de
transmettre les savoirs de 6 années complètes, à des enfants cassés et laminés
par l’école.
Toute orientation abusive « handicape » un enfant
Un pourcentage infime de ces élèves[15], seulement, avait au départ, un handicap physique ou mental en arrivant dans les types 1, 3 et 8 de l’enseignement spécialisé. Nous avons vu que le Type 8 ne pouvait qu’orienter encore 39 % des élèves dans le secondaire spécialisé (40% en 2018-2019[16]). Les Types 1 et 3 font mieux encore en orientant respectivement 79 et 72 % de leurs élèves vers le secondaire spécialisé[17].
Comme on le voit, un nombre
important d’élèves, qui n’avaient rien à y faire, ne sortent pas de
l’enseignement spécialisé. Ils y restent et n’auront plus aucun espoir de le
quitter. Leur avenir est écrit, ils seront à terme, avec un peu de chance, qualifiés
avec un diplôme de l’ « enseignement qualifiant spécialisé », un
enseignement de qualité mais qui n’est pas considéré par les professionnels
comme du même niveau que le qualifiant ordinaire. Et, même si leurs diplômes
seront équivalents, ces élèves seront considérés par leurs employeurs comme sous-qualifiés
et, forcément, sous-payés.
En quittant l’école primaire spécialisée et en étant inscrits en enseignement secondaire spécialisé, ces élèves qui n’avaient aucune déficience intellectuelle ou physique sont devenus, tout simplement… « handicapés » ! De quoi ? Personne ne sait, mais ce sera leur réalité[18].
Les diagrammes suivants nous montrent la Répartition par type des élèves sortis de l’enseignement primaire spécialisé en 2004-2005 et inscrits en 2005-2006 dans l’enseignement secondaire spécialisé[19]. Le constat est sans appel. La majorité d’entre eux va être inscrite dans un type d’enseignement destiné à des enfants porteurs de handicaps mentaux ou comportementaux.
La
ségrégation de genre est importante
Dans l’enseignement spécialisé, la proportion de filles et de garçons est inéquitable. Les garçons sont beaucoup plus nombreux. Tous les élèves n’ont donc pas des chances égales de réintégrer l’enseignement ordinaire. Alors que les filles et les garçons ne sont pas du tout répartis de façon égale dans l’enseignement spécialisé de type 8 (avec seulement 37.2% de filles et 62.8% de garçons), le pourcentage de garçons et de filles qui réintègrent l’enseignement primaire ordinaire est équivalent, ce qui signifie donc que les filles ont plus de chance de réintégrer l’enseignement primaire ordinaire, et plus encore pour l’enseignement secondaire ordinaire[20].
En 2018-2019, les filles représentaient 35,4 % des élèves de l’enseignement spécialisé, tandis que les garçons étaient 64,6 %. L’écart continue à se creuser.
Comment entre-t-on dans l’enseignement spécialisé ?
Conditions d’orientation de
l’enseignement ordinaire, vers l’enseignement spécialisé :
Pour
inscrire un enfant dans les types 1, 2, 3, 4 ou 8, il est nécessaire que le PMS
(ou un service d’orientation scolaire et professionnelle) établisse un rapport
motivant une telle orientation. Pour le type 5, ce rapport doit être établi par
un pédiatre. Pour les types 6 et 7, ce sont respectivement un spécialiste en
ophtalmologie ou en oto-rhino-laryngologie qui doivent établir le rapport.
Les
parents doivent marquer leur accord à cette inscription, tout comme ils peuvent
s’y opposer. Malheureusement, la plupart du temps, ceux-ci ne sont pas à même
de comprendre les tenants et aboutissants d’une telle orientation :
Entre 1 % et 8 % des élèves, selon les types, on
la chance d’obtenir le CEB ;
Entre 39 et 79 %, selon les types, seront
dirigés vers l’enseignement secondaire spécialisé ;
Pour ainsi dire aucun ne pourra suivre un
enseignement général de transition jusqu’au bout ;
Une partie finira en E.T.A. (Entreprise de
travail adaptée), alors qu’ils n’ont pas de handicap ;
La majorité décrochera ou obtiendra un diplôme
peu reconnu par les professionnels.
Il y a donc lieu de refuser toute orientation vers l’enseignement spécialisé si l’enfant n’est pas à « besoins particuliers », autrement dit, porteur de handicap supposé ou reconnu. Et encore… les écoles doivent devenir inclusives (voir nos nombreux posts sur le sujet[21])
Comment sortir son enfant de l’enseignement spécialisé ?
Conditions
de réorientation de l’enseignement spécialisé vers l’enseignement
ordinaire :
Toute demande de réorientation vers l’enseignement ordinaire doit être faite sur base d’un avis motivé non contraignant du Conseil de classe et du CPMS. En cas d’orientation vers l’enseignement secondaire, l’élève doit également obtenir l’avis favorable du conseil d’admission de l’école d’accueil. L’avis des parents n’est que consultatif. Ils n’ont donc pas la possibilité d’imposer la réintégration dans l’enseignement ordinaire[22].
Quelles alternatives à l’orientation vers l’enseignement spécialisé
Seul un enseignement pleinement
inclusif permettra aux écoles d’accueillir tous les élèves sans les envoyer
dans l’enseignement spécialisé. Aussi,
Les établissements scolaires doivent former
leurs enseignants :
à la mise en place de pédagogies actives ;
à la mise en place de tous les aménagements « raisonnables » (on dira « nécessaires » à l’accueil de toutes les différences d’apprentissage, ainsi qu’à tous les handicaps) dans toutes les classes, de tous les niveaux et à les rendre structurels, de manière à ne plus devoir les réinstaller année après année, en fonction des besoins. Ils doivent bénéficier à tous les élèves en fonction de leur besoins momentanés ou sur le long, voire le très long terme ;
à la remédiation immédiate ;
au tutorat,
à la détection des difficultés d’apprentissage et à leur remédiation,
à la gestion de classes hétérogènes,
à la différenciation,
aux différentes cultures et aux milieux socioculturels différents[23] ;
à la didactique ;
au travail en équipe (car cela ne peut se faire seul dans sa classe) ;
à accueillir toutes les différences et à en faire des richesses pédagogiques ;
…
Encourager les établissements scolaires à créer des classes inclusives selon le modèle des classes-Tremblay. Celles-ci intègrent 6 élèves à difficultés d’apprentissage et bénéficient d’un second enseignant à temps plein. En effet, chaque enfant intégré « rapporte » 4 heures « enseignant spécialisé », soit 24 heures semaine, ce qui correspond à l’horaire d’un second enseignant. Malheureusement, à l’heure où nous rédigeons ce dossier, nous ne savons pas ce qu’il adviendra de l’intégration scolaire, dans le cadre des Pôles territoriaux. Depuis 2009, les élèves présentant des difficultés d’apprentissages pouvaient bénéficier d’un soutien de l’enseignement spécialisé, tout en restant dans leur école ordinaire. Pour permettre ce maintien, la ou le titulaire de la classe recevait le soutien d’un enseignant de l’enseignement spécialisé afin de lui apprendre à aider l’enfant en difficulté scolaire. C’est le Décret Intégration de 2009 qui définit cette mise en place. Le Pacte pour un enseignement d’excellence voit le maintien dans l’ordinaire au travers d’ « aménagements raisonnables », ce dont les élèves de milieux populaires n’auront pas droit, n’étant pas à besoins spécifiques. Il faudra donc aider les professeurs à mettre en place des pédagogies adaptées à ces enfants…. probablement sans aide extérieure. A suivre….
Dans TOUS LES CAS, il faut favoriser la mise en place de ce processus d’intégration de l’élève, afin de lui permettre de rester dans son école ordinaire, au sein de ses relations sociales, et éviter ainsi qu’il soit scolarisé dans une école qui n’est pas la sienne, située dans un autre quartier et qui, de toute manière, n’est pas à même de lui apporter les savoirs auxquels il a droit.
[2]
C.E.B. = Certificat d’études de base. Premier diplôme, délivré à la fin de la
sixième primaire.
[3] Décret
organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[4] Expression inconnue en pédagogie. Aucune
école ne nivelle par le bas.
[5] Décret
définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de
l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre
en Communauté française de Belgique (24/07/1997).
[6]
La dispense de cours « frontaux » n’est pas enseigner, mais seulement
débiter des « matières » aux rares élèves qui ont l’envie ou la
capacité de suivre. Ils s’éloignent de toute forme de pédagogie et leur
résultat en est l’échec d’élèves qui pourraient parfaitement réussir dans un
système à pédagogie active qui prend soin de tous.
[7]
Selon l’OCDE, il faut 5 générations
pour sortir de la pauvreté. Orienter ces enfants vers l’enseignement spécialisé
est, de facto, les condamner à la pauvreté et donc condamner leurs futurs
enfants, petits-enfants… jusqu’au moins la 5e génération.
1 : pour les élèves présentant un
retard mental léger
2 : pour les élèves présentant un
retard mental modéré ou sévère
3 : pour les élèves présentant des
troubles du comportement et/ou de la personnalité
4 : pour les élèves présentant un
handicap physique
5 : pour les élèves hospitalisés
(maladies ou convalescences)
6 : pour les élèves malvoyants et
non-voyants
7 : pour les élèves sourds,
malentendants ou dysphasiques graves
8 : pour les élèves présentant des
troubles instrumentaux (perception, motricité, langage, mémoire) et des
troubles d’apprentissage
[9] L’enseignement spécialisé comptait 37 843 élèves en 2017-2018
[10] Par exemple un retard du langage, des troubles isolés de l’articulation ou des troubles complexes du langage oral, des troubles lexicographiques, une dyscalculie ; des troubles du raisonnement, un bégaiement, un mutisme sélectif ; une hyperkinésie, une instabilité psychomotrice ; un retard psychomoteur ou d’autres troubles psychomoteurs ; des tics isolés ; la maladie de Gilles de la Tourette ; une intrication de troubles psychomoteurs et du langage, etc. La liste est longue…
[11] Décret organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[12] Larousse.fr : Ensemble des opinions communes aux membres d’une société et qui sont relatives à un comportement social. Ensemble des croyances et des idées non objectives.
[13] 1 B = 1ère différenciée, destinée à accueillir les élèves qui n’ont pas leur CEB et à le leur faire acquérir. La 1ère D, à son tour, ne sera pas capable d’assumer sa mission vis-à-vis de ces élèves. Notre enseignement n’est pas fait pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage (et donc n’est pas capable d’enseigner). Elle les rejettera par la suite en les orientant vers l’enseignement professionnalisant.
[15] Nous parlons uniquement des élèves qui ont été orientés pour des raisons socio-économiques et culturelles. Il y a un faible pourcentage d’élèves possédant de véritables handicaps instrumentaux, physiques ou mentaux. Nous ne parlons pas d’eux dans cet article.
[17] Les derniers indicateurs de l’enseignement taisent ces chiffres, se centrant exclusivement sur le type 8. Comme quoi, il y a encore du boulot pour informer le citoyen… Mais fondamentalement, extrêmement peu de choses ont changé.
[18] Récoutez Thomas Gunzig « Les gogol sont de sortie » https://www.facebook.com/LaPremiereRTBF/videos/la-plume-de-thomas-gunzig/1003456693483325/
Ce dossier pédagogique a été réalisé par l’ASBL Ligue des Droits de l’Enfants à la suite de la première soirée sur le décrochage scolaire, en présence de Chantal Massaer et Eric Bruggeman d’Infor Jeunes Laeken (propose une aide à la jeunesse sur demande), Sassia Lettoun de l’ASBL Bravvo (propose notamment de l’aide dans les démarches d’inscription scolaire et un accompagnement du jeune et de la famille lors du décrochage) et Francis Marc ancien directeur d’école. Ils se sont exprimés et ont exposé leurs visions du décrochage scolaire et évoqué des pistes de solution proposé par leur structure.
La Ligue des Droits de l’Enfant, initiatrice du débat autour du décrochage scolaire a, par le biais de ce cycle de conférences, l’intention de créer des ponts et de confronter les points de vue sur le décrochage scolaire afin de voir émerger une école sans échec et pour tous.
Ce premier dossier pédagogique tend à dresser les contours du problème du décrochage scolaire, des conditions sociales de son implantation en évoquant les études, recherches et investigations menées dans les écoles par des professionnels.
« La différence pour la Ligue doit se trouver dans l’école ordinaire, l’école pour tous » J.P Coenen, président de l’ASBL Ligue des Droits de l’Enfant.
Différentes définitions du décrochage scolaire
Les chercheurs de la FUNDP de Namur définissent le décrochage comme « un processus progressif de désintérêt pour l’école, fruit d’une accumulation de facteurs internes et externes au système scolaire». Cette définition « présente le décrochage comme un processus lent et progressif, conséquence d’événements personnels, liés aux apprentissages, à l’affectivité et à la personnalité des jeunes adolescents; d’évènements scolaires, liés au parcours scolaire de chacun, à l’organisation de l’école, et aux relations avec les enseignants et les autres élèves; et enfin d’événements familiaux et socio- culturels, liés au milieu de vie, à la vie de famille et aux valeurs, que ce soit celles de la famille ou celles de la société[i]« .
Infor’jeunes complète cette définition en y ajoutant la sélectivité sociale au sein du système scolaire à différents moments de la scolarité.
L’ASBL Bravvo décrit le décrochage scolaire en tant que le processus de rupture plus large provoqué par plusieurs facteurs, qui aura un effet sur l’obligation scolaire du jeune mais aussi sur son épanouissement personnel.
Les mesures légales
Le décret inscription
Ce texte de la Fédération Wallonie-Bruxelles revu en 2011, prévoit les modalités d’entrée en première année du secondaire ordinaire. Il définit certains concepts tels que :
L’ISEF : L’« élève ISEF » est un élève provenant d’une des implantations de l’enseignement fondamental ou primaire moins favorisée, qui organise un encadrement différencié afin d’assurer à chaque élève des chances égales d’émancipation sociale dans un environnement pédagogique de qualité, sont les moins favorisées et qui ensemble scolarisent 40 % des élèves[ii].
Art. 79/7. §1er. Toute demande d’inscription en 1ère année commune du premier degré del’enseignement secondaire est formalisée dans un FUI.Ce formulaire est complété d’abord par l’Administration pour chaque élève inscrit en 6ème année primaire de l’enseignement ordinaire. Ainsi complété, il comporte le nom, le premier prénom, la date de naissance, le domicile de l’élève, un code indiquant que l’élève estou non considéré comme ISEF, l’indice socio-économique du quartier d’origine de l’élève etun numéro propre à chaque élève. (extrait du décret inscription)
Pour Infor’jeunes. La mauvaise connaissance du décret par les différents acteurs est déjà l’un des premiers pas vers l’exclusion et le décrochage. « Dans le décret inscription, l’ISEF est le premier critère pour accorder une place en première secondaire. Si l’ISEF est reconnu, 20% des places sont réservées à ces élèves. Mais on n’en parle pas. Cette règle est méconnue par les parents et n’est pas expliquée clairement sur le formulaire d’inscription. Ce n’est pas un hasard. L’opacité va donc a contrario de l’objectif du décret. » (Infor’Jeunes Laeken)
« Les Gouvernements régionaux et communautaire entendent opérationnaliser l’éducation et la formation tout au long de la vie, notamment en développant les synergies entre acteurs del’enseignement et de la formation et en développant une offre d’enseignement et de formation de qualité et accessible à tous. Les projets en cours en matière d’enseignement convergent tous vers un objectif commun : la réussite pour chacun par la lutte contre l’échec et l’abandon scolaires. »(…)
Pour Infor’jeunes, un autre par vers l’exclusion et le décrochage se passent lors de l’orientation des élèves vers des filières non adaptées.
En chiffres…
Le décrochage scolaire a été étudié par les Cellules de veille de lutte contre le décrochage scolaire de quinze communes bruxelloises en collaboration avec l’Université catholique de Louvain. L’enquête a été menée sur un échantillon de 3716 élèves de 3ème secondaire toutes filières confondues, réparties dans 66 établissements francophones.
De l’enquête, « il ressort que les éléments associés à l’EXPERIENCE SCOLAIRE (valeur accordée à l’école, retrait, avoir des amis qui ont l’intention d’abandonner l’école, fait de harceler d’autres élèves) paraitraient les plus directement liés au risque de décrochage scolaire. Cette « expérience scolaire » semble elle-même influencée en amont par des facteurs liés à la SANTE (niveau de dépression, consommation de psychotropes) d’une part, et à la TRAJECTOIRE SCOLAIRE (sanctions reçues, nombre d’exclusions, aspirations parentales, points au bulletin), d’autre part »[iv].
De la même façon, les FACTEURS SOCIAUX (âge, activités socioculturelles, genre, situation familiale) influeraient, à leur tour, sur les aspects de santé et de trajectoire, de sorte que leur effet direct sur le risque de décrochage semble presque négligeable. Dans cet ensemble, quatre facteurs de risque se distinguent clairement dans les analyses. A elles seules, ces variables expliquent 50 % des variations du risque de décrochage entre les élèves.
− la valeur attribuée aux apprentissages scolaires (l’utilité, l’importance et l’intérêt que l’élève accorde à l’école)
− le retrait en classe (manque d’investissement et d’implication en classe),
− les intentions nourries par les amis de l’élève d’abandonner l’école,
− la consommation d’alcool, cigarettes ou cannabis rapportée par l’élève.
La comparaison des résultats souligne l’intérêt de distinguer cinq profils d’élèves concernant les facteurs liés au risque de décrochage scolaire.
Le groupe « impliqués » présente le profil le plus engagé scolairement : haute valeur attribuée à l’école, faible retrait, des amis dont l’intention n’est pas de quitter l’école, peu de consommation d’alcool, tabac et cannabis.
Le groupe « amis décrocheurs» possède également un profil « positif », proche de celui des impliqués. Ces élèves sont eux aussi investis scolairement. Cependant, ils se distinguent au niveau de leurs amis : ceux-ci sont perçus comme nourrissant l’intention de quitter l’école.
Le groupe « consommateur » lui aussi semble présenter un profil relativement adapté d’un point de vue scolaire. Cependant, ces élèves se distinguent par un score élevé en consommation d’alcool, cigarettes et cannabis.
Les « multirisques » semblent cumuler les facteurs de risque. Ils sont significativement plus passifs que les autres groupes, accordent moins de valeur à l’école, ont des amis qui nourrissent le projet de quitter l’école et
consomment plus souvent des psychotropes…
Si la consommation de substances est moindre chez les « désengagés » et si leurs amis ont moins souvent l’intention de quitter l’école, ils apparaissent toutefois particulièrement démotivés et désengagés vis-à-vis de l’école. Ils y accordent en effet moins de valeur et sont davantage passifs que les autres groupes, les « multirisques » mis à part.
Voir le rapport complet : http://www.urbansecurity.be/IMG/pdf/Etat_des_lieux_du_risque_de_decrochage_scolaire_en_Region_bruxelloise_final.pdf
Points de vue des différents acteurs sur le décrochage
Infor’Jeunes : dualisation de l’enseignement et trois temps propices au décrochage
Infor’Jeunes pointe une dualisation du système scolaire comme l’une des causes du décrochage des élèves.
« Aux permanences d’Infor’Jeunes, on remarque une vraie discrimination de certains élèves par l’école. Les résultats d’une caméra cachée menée dans différentes écoles bruxelloises montraient comment on y sélectionne sciemment un public, par des arguments financiers notamment. Les milieux populaires devraient être bénéficiaires du décret mais les familles y étant issues ne connaissent pas son mécanisme ni l’ISEF (voir ci-dessus) qui a une incidence sur l’inscription en 1ere secondaire. »
La sélection du public s’opère selon l’association par différents mécanismes :
Dualisation de l’espace scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles (et surtout à Bruxelles) et compétitivité des écoles : les écoles sont souvent reconnues comme des écoles « élitistes » ou « poubelles ». Les plus défavorisées (public dont l’ISEF est le plus bas) sont celles où le turn-over des enseignants et des enseignés est le plus élevé. Cela marque un problème structurel qui est non propice au développement et à l’épanouissement de l’élève.
Cette dualisation s’opère par le choix conscient de certains directeurs d’école d’organiser ou non des classes passerelles et/ou différenciées, principalement investies par des primo-arrivants mais aussi d’organiser les orientations techniques de qualification et professionnelles en marge du général.
Le résultat de l’intégration de ces classes dans le modèle d’établissement engendre une hétérogénéité culturelle et linguistiquede la population de l’établissement. Cela provoque dans la plupart des cas des retards en français et donc dans l’intégration au système scolaire plus largement.
L’écart entre les résultats au test PISA [v] des élèves en fonction de l’ISEF est, en Belgique, parmi les plus grands des pays de l’OCDE.
Conclusion, la dualisation et le fait de ne pas organiser de classes passerelles favorise une sélection naturelle du public-cible de l’établissement et permet d’avoir un public homogène.
Trois temps propices au décrochage scolaire au sein des écoles en FWB qui favorise l’exclusion de l’établissement par des moyens détournés
Lors de l’inscription à une année : un refus de réinscription est une exclusion. Elle doit être dûment motivée et répondre à des critères objectifs qui font souvent défaut. Depuis 2 ans, Infor’Jeunes constate que l’exclusion définitive augmente via le refus de réinscription. Elle intervient pendant les vacances scolaires. Bien souvent, au moment où les familles partent en vacances. Ayant un délai de 10 jours pour déposer un recours après le refus de réinscription, il y a de grandes chances pour que les familles soient hors délai. Le manque de connaissance des « règles du jeu » sont également en la défaveur des familles.
Lors de la procédure d’exclusion définitive (sanction la plus élevée prise par une école) : Infor’Jeunes constate qu’elle ne respecte pas le principe de proportionnalité (sanction proportionnelle au fait reproché à l’élève). Trop souvent, les faits ne la justifient pas, selon les termes du décret de 1997 (violence grave, entrave au bon fonctionnement de l’école,…). Il faut savoir que l’on ne peut motiver un refus pour deux raisons essentiels : manque de place ou si l’élève est majeur et exclu de manière définitive. Les autres raisons ne sont pas valables (comportements, milieu culturel,…). L’exclusion devient une ressources pédagogique qui sert à sélectionner.
Un élève régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement de la Communauté française ne peut en être exclu définitivement que si les faits dont il s’est rendu coupable portent atteinte à l’intégrité physique, psychologique ou morale d’un membre du personnel ou d’un élève, compromettent l’organisation ou la bonne marche de l’établissement ou lui font subir un préjudice matériel ou moral grave. Par ailleurs, un élève majeur qui totalise plus de 20 demi-journées d’absence injustifiée au cours d’une même année scolaire peut également être exclu. (Décret du 24/07/1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre)
Lors de l’orientation après la délibération de fin d’année scolaire : La délivrance d’une AOB contraint l’élève à se réorienter vers des un choix d’options proposé par le conseil de classe. Il est dès lors directement exclu pour lui de continuer dans l’option qu’il suivait jusque là pour pouvoir passer dans l’année suivante. Par cette procédure, certaines écoles poussent aux AOB pour réorienter l’élèves vers une autre école organisant l’option. Pour Infor’Jeunes, il s’agit là d’une exclusion déguisée.
Deux tiers des orientations en fin de troisième seraient choisies « par défaut » : « Si vous êtes pas apte à suivre le général, allez en technique de qualification ou en professionnel. Celles-ci préparent à un métier, c’est donc très bien quand l’orientation est adéquate mais ce processus en entonnoir est une catastrophe si cela est mal choisi. Dans les cas problématiques, les décisions du conseil de classe ne sont pas assez souvent motivées. Cela pose un problème de droit car tout acte administratif doit l’être. Cela pose problème aux parents qui se retrouve dépourvus d’alternative face à la réorientation de leur enfants. » Chantal Massaer d’Infor’Jeunes Laeken
Pour une meilleure information des jeunes et des familles, Infor’Jeunes proposent des solutions
La régulation du marché scolaire est une solution pour une école plus juste et moins de décrochage des élèves. Le décret-inscription tend à réguler les inscriptions en première secondaire uniquement.
Le projet Marguerite est campagne de sensibilisation et d’information née avec le décret-inscription et régulièrement mis à jour. Pour Infor’Jeunes, ce décret ne touche non pas à la proximité mais à question de la mixité sociale et à la transparence de la sélection. La marguerite a été proposée sur la place publique aux citoyens. La marguerite propose des adresses utiles sur les différents problème auxquels peuvent être confrontés les enfants.
Liens vers les pétales de la marguerite
– Pour tous : http://inforjeunes-bxl.be/wp-content/uploads/2011/02/Pour-tous3.pdf
– Pour moi (inscription en première secondaire): http://www.archive-host.com/files/1348825/73fa65d08263e657684023d4af4cfc4b13f12009/Regulation_1e_annee_secondaire.pdf
-Sans échec (explication des AOB, AOC, conseils de classe et recours possible) : http://www.archive-host.com/files/1348825/73fa65d08263e657684023d4af4cfc4b13f12009/Regulation_1e_annee_secondaire.pdf
– Sans exclusion (quand peut-on exclure un enfant?) : http://inforjeunes-bxl.be/wp-content/uploads/2011/02/Sans-exclusion1.pdf
ASBL Bravvo : soutenir le jeune à tous les niveaux
Dans le projet Bravvo, le décrochage scolaire est décrit comme un processus de rupture large provoqué par plusieurs facteurs qui auront un effet sur l’obligation scolaire mais aussi sur l’épanouissement personnel du jeune. C’est pour cette raison que Bravvo préconise une approche à différents niveaux du décrochage scolaire.
Travailler en réseau
Sassia Lettoun, chargée du projet NotaBene contre le décrochage scolaire à Bruxelles, s’explique. « Face à un jeune en décrochage, il faut chercher des solutions dans son entourage : les structures de jeunesse qu’il fréquente, l’AMO, le centre de jeunes… Le soutien ne doit pas uniquement venir de l’école. Il faut arriver à se mettre en réseau autour du jeune. Communiquer. »
Si le directeur prend contact avec la famille pour lui faire part de ses inquiétudes, ce nouveau réseau pourra réfléchir ensemble à une solution. La relation en réseau doit être vue comme une collaboration et non comme une punition.
Personnes et structures ressources
Au niveau de la commune, en Fédération Wallonie-Bruxelles, il existe une cellule de veille de lutte contre le décrochage scolaire dont les coordonnées sont disponibles auprès des communes. Dans cette cellule, un conseiller reçoit le jeune et l’aide dans sa recherche d’un nouvel établissement scolaire. Le jeune est aussi accompagné au long d’un cheminement personnel afin de retrouver une certaine motivation. Hors du cadre de l’école, cette structure permet au jeune de sortir de ce rapport d’autorité qui peut le bloquer. Les rendez-vous ne sont pas obligatoires et à disposition d’un public volontaire.
Les SAS à Bruxelles : il s’agit des Services d’Accrochage Scolaire. Il y en a trois dans la capitale, à Etterbeek, Anderlecht et Bruxelles. Lorsqu’un jeune de ne veut pas retourner à l’école, alors le SAS peut l’accueillir durant une année scolaire maximum avec comme objectif de le remettre sur les rails de l’école. Le SAS ne résout pas immédiatement le décrochage mais met en marche un projet de vie avec le jeune. Il suit des activités collectives et bénéficie d’un suivi individuel.
http://www.lesas.be/contacts
Les AMO : les services d’aide en milieu ouvert sont en général proche des jeunes et un animateur peut être un référent important pour celui qui décroche.
à Bruxelles : http://inforjeunes-bxl.be/wp-content/uploads/2011/02/Pour-tous3.pdf
Les éducateurs scolaires : au sein des établissements scolaires, les éducateurs doivent fournir un soutien et entendre les élèves.
Le directeur doit être attentif aux comportements de ses élèves et alerter la famille, mettre un réseau en place autour du jeune afin de le soutenir.
La famille doit montrer au jeune l’importance de la réussite scolaire pour la famille, se montrer en accord avec la direction de l’école pour ne pas envoyer de message contradictoire. S’intéresser physiquement à la vie scolaire est un geste d’une haute valeur ajoutée : consulter le journal de classe, être présent aux réunions de parents afin de tisser un lien social entre l’école et la famille.
[i] DONNAY J. et allii (2006) « Pourquoi certains élèves décrochent-ils au secondaire alors qu’ils ont bien réussi dans l’enseignement primaire ? », Recherche en Education 2005 n° 114/05, Namur
[ii] Repris du Décret « missions » – dispositions relatives aux inscriptions en 1ère année commune del’enseignement secondaire ordinaire (consolidation officieuse qui tient compte des modifications adoptées le 9 février 2011 par le Parlement de la Communauté française
[iii] Stratégie Europe 2020 : Contribution de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Programme National de Réforme Belge 2012
[iv] in « Etat des lieux du risque de décrochage scolaire en région bruxelloise. Synthèse du rapport de l’enquête. BRAVO ASBL
[v] PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Elle évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique et se présentent sous la forme d’un questionnaire de fond. Lors de chaque évaluation, un sujet est privilégié par rapport aux autres. Les premières collectes de données ont eu lieu en 2000, les suivantes en 2003, en 2006 et en 2009. La prochaine collecte est prévue pour 2012. (Rapport 2009 disponible en PDF sur http://www.oecd.org/pisa/pisaproducts/46752663.pdf)
L’enseignement « spécial », devenu par la suite l’enseignement « spécialisé », date de 1970. Cela fait aujourd’hui pas mal d’années que les enfants [U1] avec handicap y sont accueillis, loin des autres enfants et souvent loin de leur milieu de vie habituel. Parfois au bout de longs trajets, des heures durant, en bus scolaire, dans des lieux qui leur sont adaptés, mais qui sont aussi et surtout ségrégués. En fait, c’est notre système scolaire qui en fait des lieux ségrégués, en ayant deux types d’enseignements. D’une part des écoles « ordinaires », pour les enfants qui sont dans la « norme », et d’autre part un enseignement « spécialisé » pour les enfants qui sont « hors normes ».
Dans celui-ci, on y est entre enfants « handicapés », cachés aux yeux de tous et oubliés de tous les bien-mal-pensants pour qui l’Ecole avec un « E » majuscule, la grande, la noble « Ecole » n’est destinée qu’à ceux qui peuvent prétendre d’un quotient intellectuel moyen à supérieur. Cette Ecole qui croit que tout le monde doit apprendre la même chose en même temps et qui ne réussit que très peu ses missions.
La question n’est certainement pas de nous positionner contre l’enseignement spécialisé mais de rappeler que la place des enfants ayant un handicap n’est pas dans un enseignement spécialisé, mais dans l’école ordinaire spécialisée : l’école du quartier, l’école du village avec les enfants « ordinaires » qui partagent le même lieu de vie. Ce Droit fondamental est défini par la Convention ONU de 2006 qui précise que les enfants porteurs d’un handicap doivent « avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif[U2], de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire également inclusifNDLR[1] »
Analyse : Comment comprendre ce grand retour en arrière ?
Depuis 2004, l’intégration dans l’enseignement ordinaire d’enfants relevant de l’enseignement spécialisé a été mise en place. Si, initialement, ce sont les handicaps physiques qui étaient privilégiés, depuis 2009 et grâce à ratification par notre pays de la Convention ONU sur les droits des Personnes handicapées, ce sont tous les enfants, quels que soient leurs handicaps – et donc également ceux qui ont une déficience intellectuelle – qui pouvaient bénéficier d’un processus d’intégration dans l’enseignement ordinaire. Malheureusement, l’intégration temporaire totale qui permettait aux enfants ayant un handicap intellectuel ou comportemental, avec l’aide du spécialisé, coûtait trop cher à la Fédération Wallonie Bruxelles. Comme à chaque fois ce sont les plus fragiles qui en paient les conséquences. Ils doivent maintenant passer au moins un an en spécialisé pour pouvoir espérer que l’école spécialisée estime qu’ils ont la compétence pour être orientés vers l’ordinaire dans une école qui veut bien d’eux.
Cela a été un grand retour en arrière, complètement incompréhensible pour les familles. Si l’intégration d’enfants avec un handicap progresse un tout petit peu en FWB, ce surtout les handicaps « nobles » qui bénéficient de ces processus. Les enfants atteints de déficiences[U3] visuelles ou auditives sont respectivement 33,8 % et 31,1 % à être intégrés dans l’enseignement ordinaire. Mais ce sont les enfants issus du Type 2, c’est-à-dire ceux qui ont une déficience intellectuelle modérée à sévère, qui ferment le peloton. Ils sont un tout petit 2 pourcents à se trouver intégrés dans une école ordinaire. Cela fait de notre système scolaire un système maltraitant.
44 % des enfants issus de l’enseignement spécialisé de type 8 qui n’ont aucun handicap mais principalement un « handicap social » (issus de milieux « populaires ») et qui ne devraient de ce fait pas être dans l’enseignement spécialisé bénéficient de l’intégration. Il est inconcevable que ces enfants sans le moindre handicap ne soient pas scolarisés en enseignement ordinaire. Là encore, il s’agit de discrimination.
Comme vous le voyez et principalement pour les enfants avec une déficience intellectuelle, ce droit est largement bafoué. Les bien-mal-pesants de l’Ecole continuent à leur interdire l’accès à l’enseignement ordinaire. Pire, la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans son Pacte pour un enseignement d’excellence, ne consacre que 4[JPC4] malheureuses pages à un enseignement inclusif, ce qui démontre qu’elle n’a pas une vision claire de ce qu’est l’école inclusive. De plus, celle-ci réserve l’enseignement inclusif aux enfants de milieux populaires injustement orientés vers les Types 1, 3 et 8.
Pourtant, la Belgique et chacune de ses composantes se sont engagées dans l’idée de construire une école véritablement inclusive. Pour les familles, c’est un chemin de croix ! Un vrai parcours du combattant. Il ne leur suffit pas de trouver une école qui accepte leur enfant – ce qui est déjà extrêmement compliqué – mais il faut il n’aura plus droit au soutien pendant 4 heures d’un enseignant du spécialisé. Il recevra bien l’aide du Pôle territorial pour la mise en place d’aménagements raisonnables, mais c’est insuffisant pour aider les enseignants qui ne connaissent pas le handicap intellectuel.
Le Droit de l’enfant est bafoué par la Fédération Wallonie Bruxelles. Mais ce ne sont « que » des enfants handicapés et par malchance pour eux, ils ont un « mauvais » « handicap » pour l’école. Car, pour l’Ecole, il y a de « bons » et de « mauvais » handicaps. Il y a ceux qui ont un handicap « noble », qui ont toutes leurs fonctions cognitives et puis les autres, ceux qui ont un « handicap mental ». Celui qui empêche d’apprendre comme les autres… Comme si – et c’est ce que l’on pense encore trop souvent dans les écoles – tous les enfants apprenaient de la même façon. L’Ecole est faite de traditions, de croyances archaïques, de fantasmes, de lubies et de peurs ; pas de désirs de progrès, de rêves, et d’espoirs. C’est le malheur de ces enfants.
Mais… va-t-on nous demander… ces enfants ont-ils leur place en enseignement ordinaire, puisqu’ils ne savent pas apprendre comme les autres ? La réponse est dans le Droit ! Tout comme le droit à l’information est garanti à tous les citoyens, ces enfants sont des êtres tout ce qu’il y a de plus humains et bénéficient de droits, eux aussi. Et ces droits doivent être respectés !
La question n’est plus de se demander si ces enfants, puisqu’ils ne savent pas marcher, entendre, voir ou penser comme tout le monde, ont droit à une place pleine et entière dans la société, ni s’il faut les cacher au fond d’écoles et, par la suite au fond d’institutions spécialisées, derrière des murs, toute leur vie. La question est de savoir si nous voulons construire une société qui doit permettre à chacun de s’y intégrer et d’y trouver une place de citoyenne ou de citoyen actif et pleinement reconnu comme tel !
Si la réponse est « Oui » – et dans une société démocratique elle ne peut être que « Oui » – alors il n’y a qu’une étape scolaire possible : celle qui apprend au vivre ensemble, à vivre avec les différences que nous avons toutes et tous : c’est l’école inclusive. Un lieu où l’enfant ayant une déficience pourra apprendre à vivre avec les autres et où ceux-ci pourront à leur tour apprendre à vivre avec toutes les différences. Dans l’espoir que, plus tard et ensemble, ils contribuent à la construction d’une société réellement inclusive.
Un combat pour des citoyen.ne.s à l’esprit critique
Le Pacte ne l’a pas compris. Si la mise en place d’un tronc commun est incontournable pour lutter contre l’échec scolaire, il est insuffisant. Seul un enseignement réellement inclusif peut permettre à chaque enfant, quelles que soient ses difficultés scolaires, sociales, physiques, intellectuelles, … d’acquérir les savoirs que ses capacités lui permettent d’acquérir. Et même, de se sublimer !
Nous voulons une Ecole inclusive. C’est un Droit fondamental de l’enfant handicapé ! Et c’est un droit des autres enfants aussi d’apprendre à vivre avec la différence. La Belgique s’y est engagée, la FWB aussi. Cette dernière se doit de la mettre en place. Nous exigeons donc le respect de cet engagement, à commencer par faire respecter par tous les intervenants l’obligation de respecter ce droit, et donc, de ne plus avoir la possibilité de refuser l’intégration d’un enfant quels que soient son handicap. Le Décret intégration permet trop facilement aux acteurs institutionnels de refuser l’intégration d’un enfant sur base de son handicap. Il s’agit d’une discrimination inacceptable et ce, même s’il existe un enseignement spécialisé. Séparer des enfants sur base de leurs différences physiques ou intellectuelles est, tout simplement, de la discrimination et doit être interdit dans les textes et poursuivi en justice ! Il en va de même pour les parents. Par méconnaissance de l’intégration ou souci de surprotection, des familles refusent des projets d’intégration proposés par des CPMS[U5] ou des écoles et qui vont pourtant dans l’intérêt des enfants.
Par ailleurs, le Pacte a prévu que les Pôles territoriaux mutualisent les moyens consacrés à l’accompagnement des enfants en intégration, mais cela ne concernera que les enfants orientés en fonction d’un « handicap physique ». Le Pacte ne tient pas compte des enfants porteurs de handicaps intellectuels ou comportementaux. Nous condamnons cette discrimination et attendons de la CF/FWB qu’elle corrige le tir afin d’amener progressivement l’enseignement spécialisé à évoluer dans sa conception, dans ses prérogatives, dans son rôle, au service des besoins éducatifs de l’enfant. Toutes les ressources qu’il contient doivent être mises au service de tous les élèves ! ». Autrement dit, pour aller rapidement vers un système scolaire inclusif.
[1] Voir texte anglais : Persons with disabilities can access an inclusive, quality and free primary education and secondary education on an equal basis with others in the communities in which they live
[U1]« Porteurs » : c’est lourd; je préfère un terme plus neutre : ayant un handicap…
[U2]Je préfèrerais que les mots soulignés soient en gras – sans soulignement ; ce qui est plus clair !
[U3]On est atteint d’une maladie, … mais pas du handicap !!!!
[JPC4]Je suis d’accord que ce n’est pas qu’un nombre de pages, mais nous avons affaire à la presse qui ne connaît pas le fond du problème. 4 pages sur 300, c’est aussi une manière de leur faire comprendre que la FDW n’a pas de vision claire de ce qu’est une école inclusive.
Yannick va nous parler de l’exclusion scolaire définitive. Il n’est pas concerné par cette problématique mais Yannick va prendre la parole au nom des jeunes concernés pour qui la souffrance était trop forte pour venir vous en parler.
Au Service de Médiation Scolaire de St-Gilles, nous n’avons trouvé aucun jeune pour venir parler de l’exclusion scolaire définitive ou des exclusions qu’il aurait vécue(s). Source d’une grande souffrance, on préfère oublier, ne pas y penser, ne pas en parler ou alors de façon tout à fait confidentielle. Yannick a accepté de nous lire le témoignage d’un jeune qui ne sera pas identifiable. Celui-ci est au courant : il a accepté que l’on parle de sa situation et il a participé à la rédaction de son témoignage.
Témoignage de Yannick
J’ai été exclu définitivement deux fois d’une école. J’ai fait mes primaires dans une école de mon quartier. Je n’ai pas fait de sixième année primaire et j’ai été inscrit directement en première accueil, en secondaire, à 12 ans. Je n’avais pas de bons points.
Mais, je suis quand même passé en deuxième année professionnelle. Là, mes points ont été très mauvais. J’ai eu beaucoup de zéros. J’ai commencé à avoir des remarques sur mon comportement et puis c’est vrai, je n’étais plus motivé en classe. En deuxième professionnelle, j’avais 14 ans.
Vers Pâques, suite à mes problèmes de comportement répétés à l’école, j’ai été exclu définitivement de l’école. Ce n’est qu’à ce moment là que l’école m’a conseillé d’aller avec ma maman au centre PMS. La dame du PMS a fait des tests. « L’intelligence est bonne, me dit-elle, mais le niveau pédagogique est bas. Il y a de grosses lacunes de base. » Le PMS me conseille une orientation vers l’enseignement spécialisé de type 1.
J’ai été renvoyé définitivement de mon école. Je voulais rester dans mon école qui était près de chez moi. Je n’ai pas bien compris. Ma mère non plus. Je devais prendre deux métros pour aller dans ma nouvelle école.
J’ai terminé mon année dans cette école, puis je suis resté un an. J’avais des points incroyables, très bons. Mais à la fin de l’année, dans mon bulletin, il était écrit que je ne pouvais plus me réinscrire dans l’école et que je devais chercher une autre école.
Ma mère a cherché. Mais elle ne trouvait pas d’école. Le PMS a donné une liste d’écoles spécialisées. A chaque fois que ma mère téléphonait, on lui disait qu’il n’y avait plus de place. Je suis resté sans école de septembre à janvier, presque 5 mois.
Finalement, le PMS m’a orienté vers un Cefa (Centre de Formation en Alternance) et je m’y suis inscrit fin janvier. Malheureusement, je n’ai pas fait les examens, car je suis arrivé très tard et j’ai raté mon année.
Brigitte Welter, Service communal de médiation scolaire de Saint-Gilles
Si le jeune qui a rédigé ce témoignage n’avait pas le courage de venir en parler, c’est parce que l’exclusion scolaire définitive est vécue par le jeune comme une situation « honteuse » : on n’a pas envie d’en parler, on a envie d’oublier. C’est surtout une grande souffrance, et pour les parents, et pour le jeune.
Je vais maintenant expliquer mon cadre de travail. Je travaille au Service communal de médiation scolaire, à Saint-Gilles. C’est un service qui se situe en dehors des écoles. C’est un service public à la population. Ce sont les jeunes ou les parents ou, les deux ensemble, qui viennent nous trouver, parce qu’ils ont des questions, un besoin d’information, ou bien parce qu’il y a des soucis scolaire. Dans ce cadre, nous rencontrons régulièrement des jeunes qui sont exclus définitivement de leur école.
L’exclusion scolaire définitive d’une école est la sanction la plus grave au sein de l’institution scolaire. L’exclusion scolaire définitive d’une école, selon la loi, doit rester exceptionnelle. On pourrait dès lors imaginer qu’elles sont rares et peu nombreuses. On pourrait imaginer que « tout à été tenté au sein de l’école avec le jeune, ses parents, avec l’aide du centre PMS, du médiateur ou d’un organisme extérieur et qu’il n’est vraiment plus possible de maintenir l’élève dans l’école ». Nous sommes confrontés à une « banalisation » de ces sanctions : cette sanction, lourde et grave, touche énormément de jeunes.
En analysant les situations individuelles rencontrées au sein de notre service, il apparaît que :
Plusieurs élèves ont été définitivement exclus pour un seul fait isolé « grave » ; il peut s’agir d’un accident de parcours, d’une erreur commise par un jeune mineur en construction ; dans les situations analysées, les élèves méritaient une sanction, mais dans ces cas-ci, les écoles avaient choisi l’exclusion définitive. Il n’y a donc pas eu de gradation de sanction.
Pour d’autres situations, nous sommes plutôt dans la sphère du décrochagescolaire où les échecs répétés et qui semblent irrémédiables à l’élève, conduisent celui-ci à des comportements perturbateurs répétés; dès lors le renvoi définitif ne résout en rien la problématique sous-jacente d’échec scolaire, cachée par les problèmes de comportement de l’élève.
D’une école à l’autre, nous observons de grandes différences dans la gestion des comportements problématiques des élèves : certaines considèrent le renvoi définitif comme une sanction ultime et l’applique très peu, ayant recours à d’autres sanctions et à un encadrement, un suivi positif de l’élève ; ces écoles favorisent« l’inclusion de l’élève ».
L’exclusion définitive durant l’année scolaire entraîne, immanquablement, une interruption de la scolarité (pour les mineurs, une rupture du respect del’obligation scolaire) et le non-respect au droit à l’instruction. Cette interruption peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
La déscolarisation de l’élève durant une période relativement longue risque d’induire des difficultés importantes de réadaptation à la nouvelle école ; l’élève se retrouve parfois seul à la maison, livré à lui-même ; de plus, il prend du retard au niveau des apprentissages scolaires qu’il aura de grandes difficultés à combler ; notons qu’à partir du mois de mars, une exclusion définitive d’une école et la rescolarisation de l’élève dans une autre école, le conduisent très souvent à l’échec scolaire et au redoublement.
Pour l’école qui va accueillir l’enfant qui a été exclu d’une autre école, en cours d’année, la tâche est très complexe.
L’exclusion définitive est source d’une grande souffrance au niveau de l’enfant, du jeune, de sa famille.
Il serait important qu’une évaluation globale puisse être réalisée : le nombre d’exclusions pour toutes les écoles de la Communauté Française par année scolaire, le contexte de l’exclusion (dont par exemple la dynamique du groupe-classe, les motifs du renvoi définitif, les sanctions intermédiaires s’il y en a eu et la gradation des sanctions, l’encadrement de l’élève qui a été proposé avant la sanction ultime, le parcours scolaire du jeune exclus, les conséquences de l’exclusion sur le jeune, sa famille, sur sa classe, mais aussi sur l’école qui va l’accueillir et le rescolariser, …).
Ce que nous disent les jeunes et les parents :
Ils ont souvent l’impression, qu’une fois que la procédure d’exclusion définitive est lancée, la décision de renvoi a déjà été prise ; que dès lors, la procédure est respectée dans la forme, mais pas dans le fond : quand les parents rencontrent le directeur, le dialogue n’est pas possible ; la recherche d’une solution positive, autre que le renvoi, n’est pas envisagée.
Les parents demandent que leur enfant soit sanctionné. Ils trouvent que l’exclusion définitive de l’école est une punition trop sévère et disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Le jeune exprime souvent les mêmes sentiments.
Les parents s’inquiètent parce que l’enfant est déscolarisé : le jeune se retrouve seul à la maison, alors qu’il est perturbé par la décision de renvoi. Les parents craignent que la sanction ne le conduise directement au décrochage scolaire.
Changer d’école, quitter les professeurs, les élèves, le quartier que l’on avait appris à connaître, c’est une source de grandes angoisses pour l’enfant, le jeune. Tout cela induit des tensions importantes à la maison : « c’est honteux d’être renvoyé ». Arriver dans une école que l’on ne connaît pas, rencontrer des élèves que l’on ne connaît pas, être stigmatisé « comme étant l’élève qui a été renvoyé », pour l’enfant, la réadaptation est difficile. Il a besoin d’être soutenu et accompagné, ainsi que sa famille.
Ce que nous proposons
En nous référant au décret « Missions » du 24 juillet 1997 (art 81 et 89), ainsi qu’au décret « Discrimination positive » du 30 juin 1998 (art 25 et 26), nous proposons que :
la procédure d’exclusion soit respectée aussi sur le fond, et pas uniquement sur la forme ;
l’exclusion définitive soit autorisée uniquement en tout dernier ressort et uniquement dans les cas où la gestion, interne à l’école, de l’élève problématique s’avère tout à fait impossible ;
l’exclusion définitive reste la sanction la plus grave et soit proportionnée aux faits reprochés ;
la gradation des sanctions soit obligatoire ;
les faits reprochés au jeune soient décrits avec attention, en se basant sur des faits établis, avec impartialité ;
la procédure d’exclusion définitive soit utilisée aussi à titre préventif ; la procédure mobilise les énergies des différents partenaires potentiels autour du jeune et de l’enfant ; les parents sont informés des comportements problématiques de leur enfant au sein de l’école ; elle permet de dire clairement les choses à l’enfant ou au jeune, de le conscientiser, de lui rappeler les règles et les limites ; la procédure peut l’aider à remédier aux problèmes comportementaux, tout en étant encadré par des adultes et, si possible, accompagné et encouragé à évoluer positivement.
On pourrait également proposer d’instaurer une instance de recours externe indépendante, en s’inspirant du modèle prévu pour les recours externes suite au conseil de classe (art 97 chapitre 1° du décret « Missions »).
Bonjour ! Je m’appelle Steve. J’habite à Laeken. Je vis avec mes parents. J’ai 2 frères et 2 sœurs. Je suis inscrit à l’Athénée R. Je suis en 5ème année, en (enseignement) général : j’ai choisi, comme option, « langues ». J’ai vraiment de la chance d’être dans cette école parce que les profs me soutiennent.
En fait, je suis atteint d’une maladie qui s’appelle « la drépanocytose », qui est très peu connue. Cette maladie touche plus les Africains. Elle m’empêche beaucoup d’aller à l’école, de suivre les cours. J’ai des douleurs vraiment horribles. Je dois être hospitalisé, tellement c’est fort. Quand je fais une crise, je suis à l’hôpital et je suis sous morphine. Cette année, j’ai été plusieurs fois hospitalisé et j’ai raté l’école. Mais à l’hôpital où je suis, je suis encadré par quelques prof, des profs de l’école et des prof de « L’Entre Deux » qui m’aident pour que je reste à niveau. Cette année, à cause des médicaments que je dois prendre, j’ai attrapé des ulcères. A mon âge, ce n’est pas normal : ce sont les adultes qui ont ça. C’est très douloureux : ça m’empêche même de marcher. Je dois suivre une thérapie tous les jours : je dois aller tous les jours à l’Hôpital Militaire pour changer mes pansements. Je ne suis pas en état d’aller à l’école. En fait, le problème, c’est qu’il n’y a pas de transport qui pourrait m’amener à l’hôpital, puis à « L’Entre Deux » où je pourrais suivre les cours. Pendant une semaine, « L’Entre Deux » m’a trouvé un moyen de transport. Après, c’était fini ! J’ai dû me débrouiller tout seul ! Mes parents ont dû trouver des gens de ma famille pour me conduire. C’est très difficile pour moi !
Muriel Lossy, L’Entre 2, antenne de l’école « L’Escale »
Je suis enseignante, à l’école « L’Escale » aux Clinique Universitaires Saint Luc. J’entame ma 6ième année dans le type 5, à l’école « L’Escale ». Je suis référente depuis peu du projet « L’Entre2 ».
Je vais commencer par vous parler de notre structure, L’Entre2, centre scolaire de jour pour enfants et jeunes malades ou accidentés, un centre qui s’est donné pour objectif supplémentaire depuis le mois de septembre 2008, de servir de relais scolaire pour des jeunes atteints de maladies chroniques. Steve est inscrit dans ce nouveau programme.
Ensuite, je vous exposerai en quoi notre difficulté à trouver des moyens de transports adaptés aux besoins de nos élèves met leur scolarité en péril. Nous parlerons ici d’une forme d’exclusion scolaire due à un manque évident de moyens, moyens que nous ne maîtrisons pas.
Pourquoi la création d’une structure comme L’Entredeux ?
L’évolution des traitements et l’augmentation continue du pourcentage de survie chez les enfants ou les jeunes atteints de pathologies malignes ou chroniques nous obligent à repenser l’enseignement en milieu hospitalier (appelé en Belgique, enseignement spécialisé de type 5).
En effet, nos élèves ont des périodes d’hospitalisation plus courtes mais un allongement de la convalescence ; cela entraîne une croissance importante de la « déscolarisation forcée ». Ainsi, il n’est pas rare de voir des patients absents de leur école plusieurs années ou de façon récurrente dans le courant de leur cursus scolaire.
Ce constat nous amène à repenser l’école durant la convalescence et entre les périodes de traitement. Pour répondre à cette demande, certains pays européens délocalisent les enseignants vers le domicile ou les nomment consultants. Ils deviennent ainsi des interlocuteurs privilégiés entre l’école d’origine, la maison et l’hôpital.
En Belgique, la réponse apportée varie en fonction du centre hospitalier. Chaque école en hôpital cherche la solution qui lui semble la plus adéquate. Ainsi, certaines créent un réseau parallèle d’enseignants à domicile, attachés administrativement à l’école hospitalière. D’autres font appel à des associations d’enseignants bénévoles, d’autres encore augmentent leur possibilité d’accueil dans les classes des hôpitaux de jour.
Pour notre part, nous avons voulu proposer une alternative : le centre scolaire de jour appelé L’Entre 2 qui se base sur deux postulats importants :
1) pour poursuivre sa scolarité, l’enfant ou le jeune a besoin d’un certain nombre d’heure de travail scolaire par semaine ;
2) la socialisation que peut lui apporter un groupe de pairs est indispensable à sa construction identitaire.
Genèse du projet
Depuis plusieurs années, l’équipe pédagogique de L’Ecole Escale, présente dans les unités d’hospitalisation, accueille en classe un certain nombre de jeunes « externes ». Ils ont en commun d’avoir été soignés aux Cliniques Universitaires St Luc et /ou d’être considérés, pendant une durée limitée, comme médicalement incapables de retourner dans le système scolaire classique. Ils sont tous inscrits dans une structure d’apprentissage (généralement leur école d’origine) et ont pour projet d’atteindre un objectif de réussite précis.
Ces jeunes élèves externes sont, entre autre, des élèves qui, en cours de traitement ou en fin de traitement, sont hospitalisés de manière récurrente et qui sont interdits de milieu scolaire ordinaire pour des raisons médicales (Souvent, une diminution importante des défenses immunitaires).
Je soulignerai deux raisons pour lesquelles le centre scolaire de jour a du sens pour ce type d’élèves :
Ces élèves sont, jusqu’à ce jour, suivi à domicile par une association de bénévoles, « l’Ecole à l’Hôpital et à Domicile » (E.H.D.), en moyenne deux heures par semaine. Or, il est évident que cette prise en charge est insuffisante pour poursuivre une scolarité « normale », à tout le moins dans les cours généraux. Ce constat a déjà été porté par le groupe de travail, DOMI de l’A.P.H. (Association des Pédagogues Hospitaliers de la Communauté Française de Belgique) où siègent par ailleurs des représentants de l’E.H.D.
Toutefois, il existe une disposition légale qui permet à un élève convalescent ou malade à domicile, de bénéficier d’un professeur quatre heures par semaine, moyennant une procédure longue, fastidieuse et peu opérante. On observe également des offres « privées » de suivi pédagogique à domicile par certaines assurances-santé ou mutuelles mais l’accès est, selon nous, éthiquement très discutable et les profs qui y participent n’ont aucune attache avec une école spécialisée.
Les élèves, pris en charge dans la structure scolaire hospitalière au moment du diagnostic et des premiers traitements, s’approprient l’Ecole de type 5 comme nouveau lieu « vital » d’apprentissage et de vie. Les coupures perpétuelles dans ce travail et dans la relation élèves-enseignants posent des difficultés dans la continuité des apprentissages et des méthodes : ces coupures créent des frustrations de part et d’autre. L’Ecole Escale est, dans ce cadre, un lieu sécurisant où le jeune peut rester élève et vivre les expériences de son âge, avec des jeunes de son âge. L’importance des pairs dans l’enfance, mais surtout dans la construction identitaire de l’adolescent n’est plus à démontrer.
Ces jeunes élèves externes sont aussi des élèves malades chroniques (par exemple drépanocytose, anorexie, …) qui, de part leur pathologie, rencontrent de grandes difficultés dans leur scolarité. Ces jeunes ont, à un moment précis ou à plusieurs reprises, besoin d’un encadrement dans leurs matières ou d’une aide pour préparer des examens d’entrée ou jurys. Ces jeunes sont généralement demandeurs d’une prise en charge quotidienne complémentaire à celle de leur école d’origine pouvant aller de 15 jours à plusieurs mois, d’autant plus qu’ils sont souvent absents.
Concrétisation du projet
Fort de ces constats, nous avons ouvert, un centre scolaire de jour, L’Entre2, dépendant de l’école en hôpital, mais situé en dehors de la structure hospitalière. Il comprend une classe dont les caractéristiques principales sont les suivantes :
des enfants de 6 à 18 ans y sont accueillis.
chacun a un programme à la carte en fonction de ses besoins et de ses possibilités, programme qui peut aller de 1h de cours par semaine à 20h de cours par semaine.
la classe est située à 500 m de l’hôpital, pour qu’elle soit investie comme école et lieu de vie à part entière mais aussi pour que les allées et venues soient possibles pour les élèves.
certains enseignants partagent leur travail entre les unités d’hospitalisation et cette classe, afin de donner sens à l’approche de la continuité mise en place.
la collaboration avec l’école d’origine est renforcée. Il ne s’agit plus de recevoir la matière scolaire mais bien, d’être initiateur et accompagnateur du processus de réintégration.
Quelles prises en charge ?
La plupart des élèves sont accueillis pendant plusieurs mois, fréquemment, en suivant le découpage trimestriel de l’année scolaire ; ils le sont souvent à raison de 20 heures (soit toutes les matinées ou toutes les après-midi). Il est entendu que nous veillons à ne pas les maintenir chez nous mais que nous visons le retour à l’école d’origine.
Pour les élèves atteints de maladies chroniques telles que par ex. la drépanocytose, nous avons créé, depuis le début de cette année scolaire, une cellule de soutien et d’accompagnement scolaire (sous la forme d’un coaching scolaire).
Certains jeunes, scolarisés dans les environs de l’Entre2, nous ont fait la demande de pouvoir retravailler certains cours dans notre structure, pendant leurs heures de fourche ou leurs heures de gymnastique (si bien évidement, ils en sont dispensés).
Les objectifs finaux de la prise en charge sont de trois ordres :
soit permettre à l’élève de travailler ses matières afin de combler les lacunes accumulées pendant le traitement et d’envisager une réintégration la plus harmonieuse possible ;
soit d’envisager une réorientation vers un autre type d’enseignement ou encore de permettre une approche de la scolarité, rassurante pour des enfants très angoissés ;
soit, pour les jeunes malades chroniques, leur permettre de profiter du soutien scolaire nécessaire à une continuité pédagogique cohérente.
Nous assurons ici, la fonction de lien entre tous les intervenants. (jeune, école d’origine, école dans l’hôpital, et parfois même profs à domicile…)
Dans tous les cas, accompagnés d’un membre de l’équipe médicale, nous nous rendons, et ce, toujours avec l’accord des jeunes ou de leurs parents, dans les écoles d’origine, afin d’établir des contacts, d’informer…
Plusieurs élèves ont déjà réintégré leur école d’origine ou une école plus adaptée à leurs besoins dans le courant de l’année scolaire précédente.
En tant qu’enseignante référente, soucieuse d’évaluer le travail fourni, je garde des contacts réguliers avec les écoles d’origine de nos élèves et ceci, afin de bien adapter nos cours avec ceux des professeurs d’origine.
Nous pratiquons des follow-up durant les mois suivants et un an après la réintégration. Cette pratique nous permet de faire un suivi efficace et de préserver nos anciens élèves d’un décrochage sur le long terme. Nous restons des interlocuteurs disponibles, tant pour les jeunes, que pour les enseignants de l’école d’origine.
Mais cela nous permet aussi d’avoir une attitude réflexive sur notre pratique, de l’évaluer de manière continue, afin de répondre au mieux aux demandes.
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