EVRAS : Analyse de situations difficiles 

EVRAS : Analyse de situations difficiles 

La problématique des grossesses précoces

Même si cela n’est pas fréquent, il arrive de temps à autres qu’une école soit confrontée à une grossesse précoce. La Belgique est relativement épargnée puisque le taux de maternité chez les adolescentes est de 11 pour mille, soit plus ou moins 1 élève sur 100 ; tandis que la moyenne européenne s’élève à 24 pour mille. Cependant, la plupart du temps, les jeunes filles recourent à la contraception d’urgence ou à l’IVG, en toute discrétion. Mais le bouche à oreille peut faire des dégâts. Il suffit qu’un.e ami.e dans la confidence ne tienne pas sa langue et la jeune fille peut devenir victime de moqueries ou d’insultes.

Les trois quarts des jeunes filles avortent. L’école doit protéger ses élèves, tant à l’égard des pairs que des adultes. On sait que l’IVG[1] est encore décriée dans certains milieux. Des enseignant.e.s opposé.e.s à l’IVG pourraient prendre l’élève en grippe s’ils soupçonnent une interruption volontaire de grossesse. Il est donc important que le Pouvoir organisateur, par l’entremise de la direction, rappelle fermement que l’IVG est un droit et que les enseignant.e.s doivent montrer l’exemple en respectant les lois.

Qu’elle se soit ou non séparée de l’embryon, la jeune fille risque de subir des violences symboliques, tant à l’école que dans sa famille. Elle pourrait être stigmatisée, voire largement insultée. Tous les adultes ne sont pas empathiques et, dans les écoles, la proportion est la même que dans le reste de la société. Il y a des gens formidables et des gens nocifs. Pour ces derniers, une jeune fille qui ne contrôle pas sa sexualité est irresponsable, voire inconsciente. Si la jeune fille assume sa maternité, un véritable chemin de croix s’ouvre devant elle avec, trop souvent au bout, le décrochage scolaire et la perte d’espoir d’un diplôme de fin de secondaire. Il est, en effet très difficile de combiner un rôle de maman avec des études secondaires, voire supérieures, si on ne bénéficie pas d’un soutien plein et entier dans sa famille. En outre, si elle garde le bébé et si le père reste présent dans la vie de la jeune fille, le pronostic est moins bon : un second bébé a toutes les chances de naître l’année suivante avec, comme corolaire, la fin de la scolarité.

Ces situations se présenteraient nettement moins si l’EVRAS était assuré durant toute la scolarité des élèves, depuis le début de la maternelle. L’école secondaire, de son côté, doit garantir que l’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle ait été assurée depuis le début de la première année jusqu’à la sixième, de manière régulière. Elle doit s’être assurée également, que l’ensemble de ses enseignant.e.s ait été sensibilisé.e.s à l’EVRAS via des conférences pédagogiques. On peut imaginer qu’une conférence pédagogique thématique EVRAS ait lieu tous les trois ans. 

Il est essentiel que les écoles informent leurs élèves – et pas seulement les filles – de l’existence de moyens contraceptifs, ET en les informant sur la manière de les utiliser. Prendre la pilule, par exemple, a peu d’effets si on ne la prend pas conformément à la posologie, mais en la prenant seulement la veille ou le jour même de la relation sexuelle. Il en va de même pour les protections masculines qui ne peuvent être utilisées qu’une seule fois.

Pendant une grossesse, une adolescente tente souvent d’éviter l’école. Surtout si elle doit y subir des violences symboliques, les regards déviants, le mépris de profs. Elle est, de par sa grossesse, en situation de handicap à l’école. Un soutien de l’ensemble de l’équipe éducative est indispensable pour maintenir la jeune fille à l’école. Cette future maman est une élève à besoins spécifiques. Elle a droit, depuis 2018, à la mise en place de TOUS les aménagements raisonnables dont elle a besoin. Et donc, aussi à l’adaptation de son cursus si besoin en est.

Il est évident, qu’à un moment donné, la jeune maman aura une période de congés de maternité. C’est un droit auquel l’école doit répondre positivement. L’année scolaire de cette jeune fille ne durera pas 182 jours, mais 15 semaines de moins. Si elle est en 5e secondaire, l’école peut très bien adapter son année. En supprimant les périodes d’examen, par exemple, en allégeant les cours pour ne garder que les essentiels, en la faisant passer directement en rétho avec l’aide nécessaire pour rattraper son retard.  

Si, par contre, la future maman est en sixième année, l’examen externe du CESS est incontournable, mais les autres examens ou périodes d’examens peuvent très bien être modifiées ou supprimées. Le Conseil de classe – sans la juger – pourra décider de lui octroyer le CESS ou non. Dans une école bienveillante, les aménagements ne devraient pas poser de problèmes.  

Jeune fille régulièrement absente pour règles douloureuses

L’endométriose touche une fille/femme sur dix. En principe, dans chaque classe, une élève en est victime.

Il s’agit encore d’élèves à besoins spécifiques. Elles doivent donc bénéficier d’aménagements raisonnables en fonction de leurs spécificités propres. Par exemple, les enseignants ont de nombreuses possibilités. Comme pour les élèves hospitalisés de longue durée, il est possible de filmer un cours et, soit de l’enregistrer, soit de lui permettre d’y assister en direct par visioconférence. De même, toute évaluation peut être reportée. Le tutorat est un outil extrêmement intéressant en cas d’absences régulières pour permettre aux absentes de récupérer leurs apprentissages perdus. A condition que tou.te.s les élèves soient formé.e.s et pratiquent le tutorat régulièrement.

L’EVRAS permet d’être empathique avec les victimes de l’endométriose, comme avec toutes les victimes de la vie. Il est important de réaliser et d’accepter que nous sommes tous et toutes différent.e.s et que, de ce fait, nous devons toutes et tous nous respecter et nous entraider.

Contrairement au petit jeu que jouent de nombreux établissements scolaires, l’Ecole n’est pas un lieu de compétition, mais d’apprentissage au vivre ensemble. Au niveau de l’EVRAS, il n’y a pas de « normalité ». Toutes les différences sont la « norme ».

Comment gérer le « problème » des tenues prétendument « provocantes » des filles ?

Le 24 mars 2022, un article de la RTBF[2] avait comme titre : « Sa tenue me gênait en tant qu’homme » : quatre heures de retenue à Liège pour une tenue jugée inappropriée.

Une jeune fille sortait avec ses amies du cours de gymnastique en fin de journée, vêtue d’un legging, d’un top blanc et d’une chemise pour entrer chez elle quand elle se fait intercepter par la proviseure jugeant sa tenue inappropriée.  Emmenée dans le bureau du préfet des études, elle témoigne : « Ils nous ont fait comprendre qu’on n’avait rien à dire. Ils nous ont dit que ça les mettrait dans l’embarras si les garçons commençaient à nous regarder et lancent des rumeurs sur nous. Ils n’ont pas été plus loin puisqu’à chaque fois qu’ils justifient ça, ils le font via le règlement d’ordre intérieur de l’école. Ils se cachent toujours derrière celui-ci », précise l’étudiante.

Comme tout règlement d’écoles machistes, celui-ci précise « qu’il n’est pas autorisé de porter dans l’école des tenues vestimentaires non adéquates au contexte de travail scolaire et/ou outrancières : brassière, décolleté, minijupe, mini-short, short bariolé, vêtements transparents, vêtements troués, vêtements de sport (training), tongs, déguisement… » A le lire, on voit bien que ce règlement est sexiste et vise principalement les filles. Brassière, décolleté, minijupe, mini-short, short bariolé, vêtements transparents (…), concernent assez peu les garçons.

Pour la jeune fille en question, « il s’agit clairement de slutshamming. » Ce concept qui est la contraction de deux mots anglais slut (salope) et shame (honte) désigne le fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux[3].

Là encore, ces comportements n’arriveraient pas – ou du moins beaucoup moins souvent – si l’école éduquait ses élèves ET ses enseignants à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Non pas deux fois sur la scolarité, mais au minimum une fois tous les ans.

Les équipes éducatives punissent les filles prétendument mal habillées pour…. les protéger. Mais les protéger de quoi ? De l’école qui n’éduque pas ses élèves ?

Une étude française a été menée en 2015 par des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, sur les conceptions des élèves de 4e et 3e en collège et SEGPA[4] sur la sexualité.

Sans entrer dans le détails de l’étude[5] disponible sur Internet, certaines représentations sont interpelantes. L’homosexualité est encore et toujours rejetée en grande majorité (57 %) et il semble normal « d’insulter quelqu’un qui est attiré par une personne du même sexe » (66 %). Les déclarations des garçons sont significativement plus discriminantes.

Les stéréotypes, et donc le sexisme est toujours bien présent : « le chagrin d’amour c’est une histoire de filles » (55 %) ; « les garçons ne doivent pas exprimer leurs sentiments ni être sensibles » (28 %) ; « les garçons ne pensent qu’à ça » (52,5 %) ; « les filles provoquent les garçons et ensuite elles disent non » (56,8 %) ; « une fille qui propose un préservatif est une habituée » (40 %) ; et enfin, le plus interpelant qui nous ramène aux règlements internes aux écoles : « avec les tenues qu’elles portent c’est un appel au viol » (34 %).

Enfin, 69 % des élèves jugent inacceptable une condamnation pour « tournante » et 44 % une condamnation pour viol.

Ceci est, en grosse partie, le résultat du refus des écoles de remplir leur mission en matière d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Mais est-ce en réglementant les tenues des filles qu’on va régler ce problème ? Ou ne serait-ce pas plutôt en prenant le parti des filles et, notamment, en permettant à celles-ci de s’habiller comme elles le souhaitent, tout en éduquant à l’EVRAS tout au long de la scolarité. Il n’y a que de cette manière que l’on pourra enfin permettre aux unes et aux uns de vivre en véritable harmonie tant dans les écoles que dans la vie ?

On sait que de nombreuses familles ne remplissent pas leur rôle en matière d’éducation à la vie relationnelle et affective. C’est un sujet tabou et les élèves sont nombreuses et nombreux à ne pas parler de leurs relations sentimentales et/ou sexuelles avec leurs parents. Internet est leur seule source d’information au sujet de la sexualité. Et sans doute le pire…

Ceci plaide une fois de plus pour que les écoles remplissent pleinement leur mission d’éducation au quotidien. Il n’est pas question de parler d’Evras tous les jours, mais de reprendre tous les comportements sexistes que l’on rencontre au quotidien et d’éduquer au respect des filles et des femmes.

Les LGBT-phobies

Le rapport Teychenné[6] nous éclaire sur les groupes scolaires concernés par les LGBT-phobies. Et, comme on peut s’y attendre, les jeunes LGBT ne sont pas les seules victimes de violences homophobes ou transphobes (orales, réseau-sociétales ou physiques). Le nombre de victimes dépasse largement les seul·e·s gays, lesbiennes, bisexuel·le·s et transgenres, Queers ou intersex (et +).

De nombreux·ses élèves, qui ne se sentent pas LGBTQI+[7], ne se conforment pas aux stéréotypes de genre. Ils et elles sont repéré.e.s facilement dans les cours de récréation, de par leur façon de s’habiller, de se coiffer, de parler, leur attitude, ou par timidité, par absence de relation sentimentale connue ou simplement à cause du « on-dit ». Ce sont des élèves non-conformes à une prétendue « normalité » que l’école prétend défendre ou pire, dont elle a largement participé à son ancrage dans l’inconscient des élèves.

Par exemple, par le règlement des études qui, au pire des cas, fixe la ou les coiffures acceptées, de même que les tenues vestimentaires, rejetant par-là-même les élèves dissonnant·e·s et les soumettant ainsi à la raillerie, aux moqueries et insultes, voire au coups d’autres élèves homophobes ou transphobes.

Sans oublier les élèves qui vivent dans des familles homoparentales ou ayant un·e parent homosexuel·le. Ils sont faciles à repérer par les harceleurs et harceleuses. Si on compare la Belgique à la France dont la population est 6 fois plus nombreuse que la nôtre, on peut estimer entre 8 000 à 10 000 le nombre d’enfants vivant dans une famille homoparentale[8] et à 50 000, le nombre d’enfants ayant un·e parent homosexuel·le[9], dans notre pays.

Beaucoup d’ados cachent leur orientation par crainte des moqueries ou simplement « pour ne pas attirer l’attention ». Environ 1/3 des élèves LGBTQIA + déclarent que leur identité n’est pas acceptée par leurs camarades de cours. Près de 3/4 de ces ados ne se sentent pas en sécurité à l’école, et une grande majorité dit avoir été victime de remarques homophobes, et estime que l’école n’est pas un environnement accueillant[10].

Encore aujourd’hui, le sujet de l’homosexualité est vu comme embarrassant par beaucoup de profs. Il est cependant important de lutter au quotidien contre l’homophobie et la transphobie. Donc, de rappeler qu’il est interdit par la loi belge de discriminer quelqu’un à cause de son orientation sexuelle.

Tous les élèves doivent se sentir en sécurité à l’école. La Cour européenne des droits de l’homme a indiqué clairement que les propos homophobes en milieu scolaire ne sont pas protégés par les garanties de la Convention européenne entourant la liberté d’expression. La lutte contre l’intimidation homophobe et transphobe requiert une attention et des efforts soutenus de la part des établissements scolaires et des autorités éducatives.[11].

Le « coming-out »

La décision d’un coming-out – tant pas un.e élève, que par un.e enseignant.e – est un choix personnel extrêmement difficile à prendre. Aussi, il doit être pesé longuement avant d’être pris. Là encore l’EVRAS a un rôle important à jouer (même pour les enseignant.e.s).

L’école est encore loin d’être un lieu où l’homophobie et la transphobie sont combattues. Combien d’écoles sont-elles ouvertement des écoles lgbt-friendly ?   

S’il y a un lieu « normalo-genré » où faire son « coming-out » est pratiquement impossible, c’est l’école. Les élèves LGBT n’y trouvent pas un modèle positif qui les inciterait à pouvoir être elles-mêmes ou eux-mêmes. Fort heureusement, il se trouve parfois des enseignant.e.s qui ont pu faire un « coming-out » dans un établissement scolaire ouvert à toutes les différences. Elles et ils peuvent, par leur présence, permettre à des élèves LGBT de moins souffrir en silence.

Il est temps que des écoles deviennent des « Ecoles Pour Tou.te.s »[12]

Vie privée de l’élève VS devoir d’information aux parents

L’école a un devoir : dans le domaine du Droit, elle se doit de respecter à la fois les droits et les obligations des mineur.e.s, de même que les droits et obligations de l’autorité parentale. Elle doit donc agir comme le ferait la Justice par rapport à des comportements et attitudes d’élèves. On n’exerce pas la même autorité sur un.E enfant de 6-7 ans ou un.e élève de 16-17 ans. Il faut donc faire la part des choses.

Prenons l’exemple d’une insulte homophobe. Lorsqu’un.e enfant de 8 ans traite un copain de « pédé » pour l’avoir fait trébucher durant un match de foot à la récré, et qu’un.e jeune de 17 ans insulte de la même manière un.e de ses pair.e.s, les sanctions seront évidemment différentes. Tous les deux transgressent la loi, mais à la/ au plus jeune on expliquera qu’il ou elle ne peut pas insulter les autres et on l’éduquera au respect de toutes les différences pendant le reste de sa carrière scolaire, via l’EVRAS notamment. Quant à la/au second.e qui, logiquement, aura été éduqué.E durant plus de 10 années à avoir une vie relationnelle harmonieuse et à respecter toutes les différences de genre et de préférences sexuelles, il ou elle sera sermonné.e, voire sanctionné.e pour homophobie et devra réparer son geste. Selon ce qui s’est passé, la famille sera ou non prévenue des raisons de la sanction.

Cependant, il faut toujours bien peser le pour et le contre. Prévenir la famille peut être néfaste à l’élève. Il vaut toujours mieux privilégier l’éducation aux sanctions et, dans le cas de ces dernières, de le faire en interne.

Il s’agit toujours de se référer à la Convention internationale des Droits de l’Enfant et aux lois de l’Etat belge. Chaque enfant a des Droits et ceux-ci doivent être respectés. « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale[13]. » Dès lors, cela doit toujours être l’intérêt supérieur des élèves qui doit guider tout.e enseignant.e et chaque école.

C’est évidemment un changement de paradigme pour nombre d’écoles qui, comme on le sait, ne sont pas habituées à respecter les droits de l’enfant. On l’a vu avec le Règlement des études, mais on peut le voir au quotidien avec la fabrique de l’échec scolaire, les orientations vers le spécialisé, le technique ou le professionnel. Sans oublier le redoublement qui est le pire des dénis de droits.

Tou.te.s les élèves capables de discernement ont le droit d’exprimer librement leur opinion sur toute question l’intéressant[14] et cette opinion doit être prise en considération. Dès lors, avant d’informer la famille d’un acte quelconque, l’école doit écouter l’élève. Ce.tte élève doit être entendu.e dans toute procédure, qu’elle soit judiciaire ou administrative en respectant les règles de procédures prévues dans la Loi belge. Les écoles sont tenues de respecter la Loi.

De même, la liberté d’expression qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant[15] doit également être respectée par l’école.

En 1995, l’article 371 du Code civil a introduit la notion du respect réciproque entre l’enfant et ses père.s et mère.s. « L’enfant et ses père et mère se doivent, à tout âge, mutuellement le respect »[16].

Les enfants ont un devoir d’obéissance vis-à-vis des détenteurs de l’autorité parentale. Néanmoins cette « autorité » diminue progressivement avec l’âge. L’artile 371 précise bien que les décisions ne doivent pas être abusives et/ou illicites et doivent tenir compte de l’âge des enfants : « En fonction de l’âge de l’enfant et de l’autonomie progressive de celui-ci, ces missions et prérogatives (des parents, NDLR) subiront quelques aménagements incontournables. Même si la loi ne le dit pas, on n’exerce pas l’autorité parentale de la même façon sur un.e enfant de 8 ans ou de 17 ans de demi[17] »

Les écoles ont donc l’obligation de respecter cette règle et de réagir en « Personne prudente et raisonnable [18]» avant de prendre contact avec une famille pour signaler un fait ou comportement quelconque d’un.e élève. En outre, chaque fois que l’école veut signaler un fait quelconque à un/des parent.s, elle doit s’assurer préalablement que la famille respecte cette notion de « respect » mutuel.

Concernant plus spécifiquement l’Evras, rappelons que l’IVG est un droit qui ne concerne que la personne concernée par une grossesse. L’école n’a pas à se mêler de ce droit mais a le devoir d’accompagner son élève dans (et non contre) l’exercice de ce droit. De même, tout ce qui touche à la sexualité des élèves ne relève que d’eux, dans la mesure où leurs relations amoureuses ne transgressent pas la loi.

La prescription, la délivrance de contraceptifs ne nécessite en aucune manière une autorisation parentale. Il en va de même pour les contraceptifs d’urgence dans une pharmacie. Enfin, l’interruption volontaire de grossesse est un choix personnel qui ne nécessite aucun consentement familial, ni même aucune information à la famille. L’école n’a pas à se mêler des relations sentimentales de ses élèves. Le baiser dans la cour ne dérange que les bigot.e.s. Cela ne fait de tort à personne, mais du bien à celles et ceux qui s’aiment. Il y a donc lieu de ne pas l’interdire dans des règlements bigots.


[1] IVG = Interruption Volontaire de Grossesse.

[2] Radio Télévision Belge Francophone, « Sa tenue me gênait en tant qu’homme » : quatre heures de retenue à Liège pour une tenue jugée inappropriée », par Sarah Lohisse pour Les Grenades. Article paru le 24 mars 2022 à 19:22

[3] RTBF, Ibid

[4] Segpa : Section d’enseignement général et professionnel adapté accueille les jeunes de la 6e à la 3e présentant des difficultés scolaires importantes.

[5] https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2015-1-page-17.htm

[6] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, http://reseau-lcd-ecole.ens-lyon.fr/IMG/pdf/rapport_teychenne_discrihomophobe_ecole_2013.pdf

[7] Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersex, et plus… (certaines personnes ne se reconnaissent pas dans les 6 premiers termes. Le « + » est destiné à leur permettre de se retrouver incluses dans l’acronyme LGBTQI+).

[8] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Les enfants vivant dans des couples homosexuels : il existe très peu de données statistiques sur les couples de même sexe en France. Les chiffres varient selon les chercheurs et les études. Les dernières études datent déjà de plusieurs années et situent (a minima) entre 10 000 et 40 000 le nombre d’enfants concernés. Ces chiffres anciens sont aujourd’hui certainement à revoir à la hausse ».

[9] Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de transparentalité, moins  nombreuses, mais qui existent et nécessitent d’être prises en compte.

[10] Être ado LGBTQIA +, comment le vit-on à l’école ?, RTBF 21 mai 2022 https://www.rtbf.be/article/etre-ado-lgbtqia-comment-le-vit-on-a-lecole-10996511

[11] Conseil de l’Europe, Commissariat aux droits de l’Homme, Strasbourg 02/10/2014

[12] www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/

[13] Article 3 de la CIDE (Convention internationale des Droits de l’Enfant)

[14] Article 12 de la CIDE

[15] Article 13 de la CIDE

[16] Malheureusement, la notion de « respect » n’a pas été précisée.

[17] Fabienne Druant, L’autorité parentale, Service Droits des Jeunes Bruxelles

[18] Anciennement qualifiée de « Bon père de famille »

LGBT-Phobies à l’école

LGBT-Phobies à l’école

2e partie : Quels sont les effets des LGBT-phobies sur les enfants et les jeunes ?

Pour lire le début de l’analyse, Quel doit être le rôle de l’école dans la lutte contre les LGBT-phobies ? Cliquer ici

Qui est concerné·e par les LGBT-phobies ?

Le rapport Teychenné[1] nous éclaire sur les groupes scolaires concernés par les LGBT-phobies. Et, comme on peut s’y attendre, les jeunes LGBT ne sont pas les seules victimes de violences homophobes ou transphobes (orales, réseau-sociétales ou physiques). Le nombre de victimes dépasse largement les seul·e·s gays, lesbiennes, bisexuel·le·s et transgenres, Queers ou intersex (et +).

De nombreux·ses élèves, qui ne se sentent pas LGBTQI+[2], ne sont pas conformes aux stéréotypes de genre, de par leur façon de s’habiller, de se coiffer, de parler, leur attitude, ou par timidité, absence de relation sentimentale connue ou simplement à cause du « on-dit ». Ce sont des élèves non-conformes à une prétendue « normalité » que l’école n’a pas pris le temps de déconstruire ou, pire, a participé à son ancrage dans l’inconscient des élèves. Par exemple, par le règlement des études qui, au pire des cas, fixe la ou les coiffures acceptées, de même que les tenues vestimentaires, rejetant par-là-même les élèves dissonnant·e·s et les soumettant ainsi à la raillerie, aux moqueries et insultes, voire au coups d’autres élèves homophobes ou transphobes.

Sans oublier les élèves qui vivent dans des familles homoparentales ou ayant un·e parent homosexuel·le. Ils sont faciles à repérer par les harceleurs et harceleuses. Si on compare à la France dont la population est 6 fois plus nombreuse que la nôtre, on peut estimer à 8 à 10 000 le nombre d’enfants vivant dans une famille homoparentale[3] et à 50 000, le nombre d’enfants ayant un·e parent homosexuel·le[4].

Sur les chiffres, le rapport conclut «  Si l’on additionne les jeunes LGBT, les jeunes hétérosexuels non conformes aux stéréotypes de genre, ainsi que les enfants élevés par des familles homoparentales et ceux ayant un parent homosexuel, c’est probablement plus d’un million d’élèves qui sont ou seront potentiellement concernés par les discriminations LGBT-phobes pendant leur scolarité ». Rapporté à la Belgique, cela reviendrait à 166 666 élèves concernés dans notre pays.

Le rapport Teychenné précise que « Ce sont d’abord ces jeunes « repérables », identifiés pour leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre réelle ou supposée, qui subissent les discriminations homophobes et le harcèlement. Tous ne sont pas homosexuels : on oublie en effet souvent que des jeunes hétérosexuels sont victimes de propos ou de harcèlement homophobes parce qu’ils ne correspondent pas aux stéréotypes de genre de leur environnement scolaire. »

Concernant les jeunes LGBTQI+, on ne connaît pas leur nombre (voir ci-après « les victimes cachées). Aucun recensement n’a jamais posé de questions relatives à l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre dans le but de comptabiliser les enquêtes recensent la population LGBT de manière indirecte, c’est-à-dire en interrogeant le répondant sur le sexe de son partenaire. À ce jour, seuls 15 pays de l’OCDE ont inclus une question sur l’auto-identification de l’orientation sexuelle dans au moins une de leurs enquêtes nationales représentatives menées par les offices statistiques nationaux ou d’autres institutions publiques. Dans les 14 pays de l’OCDE pour lesquels des estimations sont disponibles, les personnes LGB représentent en moyenne 2.7 % de la population adulte. En d’autres termes, dans ces 14 pays, au moins 17 millions d’adultes se définissent comme LGBT – 17 millions étant une estimation basse puisque les personnes transgenres ne sont pas comptabilisées en raison d’un manque de données, soit autant que la population totale du Chili ou des Pays-Bas.[5].

Les études ne sont pas pour autant précises. Nombre de personnes LGBTQI+ ne se revendiquent pas comme telles[6], surtout dans le cadre scolaire

L’OCDE de poursuivre : « Une analyse plus poussée des estimations de la population LGB montre une répartition quasiment égale de cette population entre homosexuels et bisexuels, sauf en Allemagne, au Chili et en Suède. La proportion d’homosexuels au sein de la population LGB varie de 44 % en France à 58 % en Norvège. Les femmes sont aussi susceptibles que les hommes de se définir comme LGB. Mais cette situation masque une hétérogénéité au sein des sous-groupes LGB : par rapport aux hommes, les femmes sont moins susceptibles de se définir comme homosexuelles, mais plus susceptibles de se définir comme bisexuelles [7]».

Que ce soit dans l’école ou dans d’autres lieux sociaux, la grande majorité des jeunes LGBT préfèrent cacher leur orientation sexuelle. Ce sont les victimes cachées car, elles souffrent en silence. C’est un réflexe d’auto-défense. En effet, elles sont régulièrement témoin des actes homophobes, lesbophobes ou transphobes qui règnent dans les cours de récréation, voire sur Internet. En cachant leur réalité, cela leur permet de ne pas être les victimes directes de ces discriminations. C’est ce que l’on appelle l’homophobie intériorisée : « Ces jeunes vivent non seulement l’expérience du rejet de la part des autres, mais aussi de l’invisibilité de leur souffrance.[8] » Il faut savoir que cette « invisibilité » a un coût psychologique très lourd pour ces jeunes. Ils et elles sont témoin au quotidien de la violence et de la discrimination homophobe subie par celles et ceux qui sont un peu « différent·e·s », supposé·e·s LGBTQI+, ou simplement qui ne plaisent pas aux harceleurs et harceleuses. Ils et elles ont intégré que cela leur serait destiné le jour où « quelqu’un·e saurait ». Elles et ils ne peuvent que cacher leur homosexualité, leur transexualité à tout le monde, à commencer par leur famille. Avec la peur au ventre car, finalement, il faut tellement peu de chose pour être considéré·e « homo ».

Le « coming out » volontaire des jeunes LGBT se situe aux environs de 20 ans dans la très grande majorité des cas. C’est un élément central dans la problématique de la lutte contre les LGBT-phobies à l’École. Le « coming out » se fait en effet d’abord auprès des amis très proches, puis de la famille (si cela est possible) et, enfin, de façon concentrique par rapport au cercle des relations affectives. Ce qui, souvent, met les familles « hors-jeu » durant la période de scolarisation secondaire des jeunes concernés, dans une proportion très importante inversement proportionnelle à l’âge du « coming out ». Il faut aussi noter le risque de rupture familiale, y compris pour les adolescent(e)s au moment du « coming out ». [9]

On ne doit donc pas s‘arrêter aux chiffres, mais viser à protéger toutes les différences, de manière proactive et pédagogique. Il est évident que les chiffres ne peuvent pas être considérés comme révélateurs d’une réalité. Celle-ci est évidemment beaucoup plus complexe que ce que ne montrent des chiffres. Ainsi, dès 1997, dans une étude[10] réalisée parmi les jeunes de 15 à 18 ans, 6,1 % déclaraient une attirance pour les personnes du même sexe. La réalité des chiffres était très probablement bien supérieure. Ces jeunes ne représentent que la pointe de l’iceberg. LA grande majorité d’entre est « invisible », ce qui explique la sous-évaluation constantes des LGBT-phobies dans la société (et donc aussi au sein des familles[11]) et à l’école.

Le rapport Teychenné estime à 6% le nombre de personnes LGBT dans la population française. C’est très certainement sous-évalué. Mais le plus raisonnable est de dire que cela n’a aucune importance !  Peu importe le nombre, nous sommes toutes et tous genré·e·s, avons toutes et toutes des préférences sexuelles qui peuvent différer entre nous. Il en est de même des élèves que vous avons en classe. L’important est bien là : permettre à chaque élève d’être éduqué·e à la lutte contre toutes les LGBT-phobies, de recevoir les informations concernant les préférences sexuelles, et de se sentir accepté·e et protégé·e au sein de son école, de sa classe, de ses pairs, par rapport à ce qu’il ou qu’elle est. Rappelons-nous que toutes les « classes » sociales et toutes les origines géographiques comportent les mêmes proportions de personnes LGBTQI+. Il faut donc travailler les déterminants sociaux, culturels et philosophiques afin que l’acceptation des différences LGBTQI+ soit effective au sein de toute la population scolaire et éducative.

Conséquences des LGBT-phobies sur les élèves

« En Belgique, une étude menée sur les jeunes lesbiennes, gays et bisexuel(le)s ayant fréquenté l’école au cours des trois dernières années a révélé que 48 % avaient subi des moqueries et avaient été tournés en dérision, que 39 % avaient été insultés, que 36 % avaient été en butte à un isolement social, et que 21 % avaient été victimes d’intimidation. Des conclusions similaires ont été rapportées en France, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Espagne. Aux Pays-Bas, 35 % de ces élèves ont indiqué qu’ils ne se sentaient jamais ou que rarement en sécurité à l’école, contre 6 % pour l’ensemble des élèves. » [12]

Cela commence par des agressions verbales. Les manifestations d’homophobie recencées sont majoritairement verbales. Les termes « pédé » ou « enculé » ne sont souvent pas conscientisés par les jeunes et employés comme insulte courante, voir même, comme « petit mot gentil », bien que très stigmatisant. Il s’agit de la banalisation des insultes qui commence dès l’école primaire. Malheureusement, dans les écoles, les insultes homophobes sont trop courantes, et donc trop banalisées, contrairement aux insultes racistes, antisémites ou sexistes qui sont condamnées et sanctionnées par la communauté éducative. L’insulte LGBT-phobe bénéficie d’une certaine tolérance sociale en partie due à sa « désémantisation » (elle est utilisée sans réflexion sur son sens et sa portée) et à son absence d’incarnation. Dans la communauté éducative, on peut être tenté de croire que, s’il n’y a pas d’homosexuel(le) directement visé(e), l’insulte est moins grave. Malheureusement, cette désémantisation est toute relative et n’est pas perçue comme telle par les jeunes LGBT et enfants de LGBT, témoins ou victimes de ces propos[13].

C’est un phénomène culturel ignoré par la majorité des enseignant·e·s qui, de ce fait, ne réagissent guère et ne mettent rien en place pour lutter contre ce phénomène. Il n’en demeurent pas moins qu’ils sont pris en pleine figure par celles et ceux qui sont concerné·e·s, et ce, même s’ils ont toujours caché leur orientation sexuelle.

Le harcèlement, quant à lui, se passe de manière sournoise. Que ce soit dans les cours de récréation, les toilettes, les couloirs, ou devant l’établissement scolaire. Cela se produit, évidemment, loin du regard des adultes. IL s’agit d’actes répétés visant à humilier publiquement une victime. Si cela commence habituellement par un ensemble de moqueries et de bousculades, le harcèlement continue sur les réseaux sociaux qui ne sont que le prolongement de la cour de récréation. Dans le cadre de sa lutte interne contre l’homophobie, l’école doit prendre en compte ce phénomène de cyberviolence qui se passe pour moitié sur les réseaux sociaux et pour l’autre moitié dans le cadre de l’école. Les deux sont liés et doivent être combattus ensemble.

Le harcèlement n’engendre pas toujours la violence physique, mais celle-ci existe néanmoins. On estime à 5% les cas d’homophobies qui se traduisent pas des coups et blessures[14].

Un impact considérable

L’homophobie exercée par les pairs en milieu scolaire a un impact considérable sur l’estime de soi et le bien-être des jeunes d’orientation homosexuelle. Les manifestations anti-LGBT pèsent très tôt sur la construction de soi. Dès l’école primaire (et parfois dès l’école maternelle), les élèves ont intégré que nous vivons dans un contexte normatif où la « normalité » est d’être hétérosexuel : « un couple, c’est un papa et une maman et ensemble ils peuvent faire un enfant, sinon ce n’est pas possible ! ». Au moment où l’identité sexuelle et affective se construit, les adolescents LGBTQI+ se trouvent confrontés à l’homophobie sociale, ce qui a des conséquences néfastes pour leur santé mentale.

La/le jeune éprouve des difficultés à en parler. Elle/il est en souffrance, il/elle a peur d’être jugé·e et n’a d’autres choix que le mensonge ou l’isolement. Ce repli sur soi présente des risques majeurs de comportement agressifs envers eux-mêmes et de conduites à risques (alcool, drogues, rapports sexuels non protégés)[15].

Les études internationales ont démontré que l’homophobie avait également un impact important sur la scolarité des élèves LGBTQI+. Cela se traduit par des baisses de notes et donc une baisse également des résultats globaux, ce qui entraîne une démotivation scolaire et tout ce qui va avec : décrochage, absentéisme, révolte, comportements agressifs et/ou démissionnaires.

De l’isolement au suicide

Dans ce cadre normatif, il est difficile pour les jeunes de parler de leur homosexualité. Ils et elles craignent d’être jugé·e·s et stigmatisé·e·, voire rejeté·e·s. Cela les conduit naturellement vers l’isolement qui est aussi un système d’autoprotection. Cet isolement sera d’autant plus renforcé que le harcèlement sera fréquent et douloureux. Celui-ci parvient aux objectifs de ses concepteurs/trices qui sont de renvoyer à l’élève une image négative et dévalorisante de soi. Cette image culpabilisante renforce encore plus l’isolement et la peur de revivre de nouvelles agressions.

Les élèves vivent une détresse psychologique souvent insoutenable. 35 % des victimes font état de mal-être et de déprime, 32 % de repli sur soi, 21 % de révolte, 9 % d’une aggravation des conduites à risques[16].  Cet isolement dépressif peut conduire à des tentatives de suicide (malheureusement parfois réussies). Une étude montre que le taux de tentatives de suicide chez les jeunes hétérosexuels est de 5,7% par an. Ce nombre monte à 20 % chez ceux qui ont été victimes d’attaque homophobe[17].

Le constat est clair, l’homophobie est un facteur de risque du comportement suicidaire : « Les phénomènes d’exclusion, de rejet, de mépris, de stigmatisation peuvent conduire en effet à une perte d’estime de soi, à une perte de confiance dans l’avenir et dans les autres. » [18] Et de poursuivre en disant que les jeunes générations sont particulièrement touchées : « Au sein des minorités sexuelles, les jeunes semblent présenter des risques de tentatives de suicide plus élevés que les adultes : les jeunes d’aujourd’hui seraient-ils  plus vulnérables que leurs aînés ? »

Des études menées en France tire un constat alarmant « Selon les études épidémiologiques récentes, parmi les adolescents et jeunes adultes, les populations LGBT ont 2 à 7 fois plus de risques d’effectuer une ou plusieurs tentative(s) de suicide au cours de leur vie que les populations hétérosexuelles. »[19]. Ces risques sont de 2 à 4 fois supérieurs pour les filles, et de 5 à 10 fois pour les garçons, ce qui représente des dizaines de suicides chaque année[20].


[1] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

[2] Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersex, et plus… (certaines personnes ne se reconnaissent pas dans les 6 premiers termes. Le « + » est destiné à leur permettre de se retrouver incluses dans l’acronyme LGBTQI+).

[3] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Les enfants vivant dans des couples homosexuels : il existe très peu de données statistiques sur les couples de même sexe en France. Les chiffres varient selon les chercheurs et les études. Les dernières études datent déjà de plusieurs années et situent (a minima) entre 10 000 et 40 000 le nombre d’enfants concernés. Ces chiffres anciens sont aujourd’hui certainement à revoir à la hausse ».

[4] Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de transparentalité, moins  nombreuses, mais qui existent et nécessitent d’être prises en compte.

[5] Panorama de la société 2019 : Les indicateurs sociaux de l’OCDE Chapitre 1. Le défi LGBT : Ces pays sont les suivants : Allemagne, Australie, Canada, Chili, Danemark, États-Unis, France, Irlande, Islande, Italie, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Suède. En demandant aux individus comment ils se qualifient (réponses possibles : « hétérosexuel/le », « homosexuel/le », « bisexuel/le », « autre », « ne sait pas » et « refuse de répondre »), cette question permet de cibler les personnes qui se définissent comme lesbiennes, gays ou bisexuelles. C’est aux États-Unis que cette démarche a été la plus active, au moins 10 enquêtes nationales représentatives ayant inclus cette question.

[6] Valfort, M. (2017), « LGBTI in OECD Countries: A Review », cité dans Panorama de la société 2019 : Les Indicateurs sociaux de l’OCDE Chapitre 1. Le défi LGBT,  : « Ainsi, il a été prouvé que les méthodes d’enquête qui ne donnent pas aux répondants une garantie de confidentialité suffisante, comme les enquêtes fondées sur des entretiens individuels assistés par ordinateur (CAPI) ou des entretiens téléphoniques assistés par ordinateur (CATI), aboutissent à une sous-déclaration importante de l’identité LGB.

[7] Panorama de la société 2019 : Les Indicateurs sociaux de l’OCDE Chapitre 1. Le défi LGBT, ibid.

[8] Ruiz, 1998; Dunn, 2002

[9] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

[10] Lagrange et Lhomond, 1997, étude citée dans l’ouvrage de l’INPES : Les minorités sexuelles face au risque suicidaire

[11] Combattre l’homophobie. Pour une école ouverte à la diversité – CFWB : Dans bien des cas, le premier lieu où le jeune gay ou la jeune lesbienne fait l’expérience de l’incompréhension et parfois de la violence homophobe est sa propre famille.

[12] Booklet 8/Education Sector : Response to homophobic Bullying – UNESCO – 2012

[13] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

[14] Enquête sur l’homophobie en milieu scolaire, SOS-Homophobie France (2009)

[15] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

[16] SOS-Homophobie, 2009 

[17] Pierre Tremblay. « Orientation sexuelle chez les jeunes présentant des problèmes suicidaires », Vis-à-vis, n° 10, vol. 2.

[18] Extrait de Les minorités sexuelles face au risque suicidaire. Acquis des sciences sociales et perspectives, INPES, collection « Santé en action », 2010

[19] François Beck, responsable du département enquêtes et analyses statistiques INPES, in Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

[20] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, ibid.

Pour une école ouverte aux différences de genres

Pour une école ouverte aux différences de genres

L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle doit aussi lutter contre les stéréotypes de genre et re­latifs à l’orientation sexuelle

Introduction

Depuis près de 10 ans, la Ligue des Droits de l’Enfant défend les droits des élèves LGBT et de leurs familles. La lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie font parties pleinement de nos missions, comme la défense de tous les Droits de l’Enfant. Nous militons pour que l’Ecole remplisse sa mission éducatrice, mais c’est difficile. Elles ne sont pas formées (ou plus exactement, ne se sont pas formées) à cet aspect de l’éducation et se reposent principalement sur l’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), alors que chaque enseignant doit être capable d’y former leurs élèves, depuis le plus jeune âge. Or, nous sommes loin du but, comme va vous le montrer cette analyse. Après cela, il ne restera plus aux enseignant.e.s, éducateurs et éducatrices, animateurs et animatrices, qu’à se former et remplir leur mission éducative, avec un esprit critique de qualité.

Selon le rapport de SOS-homophobie (France) datant de 2012[1], la moitié des élèves interrogé·e·s affirme ne pas connaître de personnes homosexuelles (68% pour les garçons), et 58 % n’ont jamais abordé le sujet de l’homosexualité en famille (70% pour les garçons). Dans chaque cas, les réactions de rejet sont en proportion inversée : 36 % de réaction négatives à l’idée de rencontrer une personne homosexuelle pour les élèves qui n’en connaissent pas (contre 10% pour ceux qui en connaissent) et 30% de réactions hostiles (contre 8%) pour ceux qui n’en parlent jamais en famille.

Pourquoi en serait-il autrement en Belgique ? Ces dernières semaines, au moins trois agressions homophobes ont eu lieu à Bruxelles. Cela montre que le cœur de l’Europe est loin d’être épargné par l’homophobie. Le fait que ce soient cinq mineurs d’âge qui aient agressé un couple dans le centre de Bruxelles, démontre que l’éducation au respect de toutes les différences est défaillante dans certaines familles. Pire, les révélations sur la formation des imams, suite à l’enquête sur la Grande Mosquée, nous font craindre le pire[2]. L’Eglise catholique n’est pas en reste avec des représentants ouvertement homophobes[3]. On ne sait rien de la formation des religieux d’autres cultes, mais aucune confession n’est à l’abri de dérives visant celles et ceux qu’elles considèrent comme étant en dehors de leurs « normes » : personnes LGBTQI, divorcé·e·s, remarié·e·s, militant·e·s pour l’IVG, etc. Si des jeunes ne sont pas confronté·e·s à un discours progressiste, porteur de valeurs humanistes, des faits graves d’agressions homophobes seront toujours à craindre.

L’EVRAS, une des missions de l’Ecole

L’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) est obligatoire depuis 2012. L’objectif est d’augmenter la connaissance des jeunes en matière de vie relationnelle, affective et sexuelle et s’approprier ces connaissances. Trois séries d’acteurs sont répertoriées : les CPMS, les Centres de planning familial et, enfin, le secteur associatif.

Les missions de l’Evras portent sur la citoyenneté, le lien à l’autre, les problématiques liées au genre, les différences sexuelles, les MST, etc. Il s’agit aussi de déconstruire les stéréotypes et de lutter contre l’homophobie, ainsi que d’informer sur la diversité et de favoriser l’intégration au sein de l’école.

Au niveau primaire, ce sont les P.S.E. et C.P.M.S. qui interviennent, mais aussi et surtout les enseignant·e·s. Les plannings familiaux, quant à eux, interviennent plutôt au niveau du secondaire, tout comme les associations LGBT.

Malheureusement, selon certain·e·s de ces intervenant·e·s, leur formation est déficitaire. Il n’y a pas d’obligation d’être formé·e·s auprès d’acteurs ou d’actrices spécialisé·e·s, que ce soit au niveau de l’identité de genre ou sur quelque diversité de genre que ce soit. Il ne leur est donc pas possible d’aborder ces sujets dans les classes. On constate également que dans des grandes villes comme Bruxelles, la question est parfois mise de côté, par peur de réactions négatives des élèves. Pourtant, la circulaire Neutralité précise que l’école ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir. Quand des enseignant·e·s décrètent qu’il y aurait des thématiques qui sont taboues à l’école, c’est contraire au Décret neutralité. Ils/elles doivent pouvoir parler de tout et ont pour devoir de transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes qui lui permettent d’exercer librement des choix.

Il y a clairement un manque de formation initiale des enseignant·e·s. Les Hautes Ecoles ne proposent qu’un cours « fourre-tout » sur la diversité culturelle et les orientations de genre. Les formateurs et formatrices d’enseignant·e·s ne sont pas formé·e·s, ce qui est un comble. A leur corps défendant, la communauté française n’estime pas cette formation importante. En effet, elle prévoit tellement peu d’heures (30h) que les formatrices et formateurs ne s’impliquent pas réellement.

Il y a un réel déficit de connaissances de la part des acteurs et actrices scolaires et des intervenant·e·s en EVRAS, notamment sur la manière d’aborder ces thématiques avec des publics divers et diversifiés. Une école n’est pas l’autre et les difficultés auxquelles doivent faire face les enseignant·e·s sont très variées.

La plupart des appels d’écoles aux associations sont liés à des incidents critiques. L’appel peut émaner de l’agent d’un CPMS, d’un·e enseignant·e, d’un·e éducateur·trice parfois. C’est quand un problème se pose qu’on commence à y penser. De l’importance donc, de pouvoir faire un travail, non seulement avec les élèves mais aussi avec les équipes pédagogiques. Lors d’une demande d’interventions, les associations LGBT proposent une demi-journée de formation en préalable avec l’équipe pédagogique, avant de commencer le travail avec les jeunes. Les écoles sont, en général, prêtes à mettre en place toute une série de choses pour pouvoir accueillir ces formations. Les demandes sont supérieures aux moyens des associations.

Comment se former et où s’informer ?

Dans les écoles, il n’y a pas que l’EVRAS en matière d’orientation sexuelle. Chaque enseignant·e doit attacher de l’importance aux références et aux représentations qu’elle/il apporte aux enfants et aux jeunes. L’étude des CEMEA sur les questions de genre dans les manuels scolaires présente une série de recommandations pour permettre d’aborder des thématiques qui traitent d’identités de genre[4]. Cela revient à la question « Moi, enseignant, qu’est-ce que je fais ? Comment est-ce que j’intègre, dans mes pratiques quotidiennes, notamment, la thématique de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle ? Comment est-ce que j’inclus les diversités ? »

Au niveau de la formation en cours de carrière, la première porte d’entrée institutionnelle est l’IFC (Institut de formation en cours de carrière). L’IFC permet à un large panel d’enseignant·e·s d’être touché·e·s… s’ils/elles le souhaitent. Fort heureusement, être enseignant·e·s, c’est aussi et surtout avoir la capacité de se former soi-même. Par des recherches, par des lectures, en assistant à des conférences, en se documentant sur Internet ou en bibliothèque. C’est, d’ailleurs, ce que font les enseignant·e·s consciencieu·x·ses.

Il y a des outils. Dans les bibliothèques, il y a des ressources sur les questions d’identités de genre et d’orientation sexuelle. Il y a des catalogues de livres hétéro-centrés. Tous les enseignants ne vont pas chercher dans les bibliothèques mais c’est la mission des C.P.M.S. que de leur venir en aide et les conseiller. S’il y a une priorité à donner en matière de formation, c’est vis-à-vis des agents de CPMS. Dans les centres de promotion de la santé, il y a également des outils de sensibilisation.

Pipsa.be, est un site Internet assez complet d’outils pédagogiques en promotion de la santé.

Il faut éduquer aux différences de genre le plus tôt possible

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a beaucoup de demandes qui viennent des écoles primaires. Malheureusement, la plupart des moyens sont centrés sur le secondaire, mais il est important de pouvoir commencer le plus jeune possible. Mais c’est un combat de chaque moment. Ce n’est pas lié à l’EVRAS ? C’est lié à l’enseignant·e dans son quotidien face aux élèves : « Qu’est-ce que je lis comme histoire, comment est-ce que j’organise ma classe, comme et est-ce que je m’exprime auprès des élèves, comment est-ce que … » L’Evras n’est qu’un outil. L’important est le respect des droits fondamentaux des élèves en évitant toute forme de discrimination, même symbolique, que ce soit dans le quotidien de la classe et de l’école (cours de gymnastique/natation ségrégés, cours de récréation dédiées au football, …), mais aussi dans les cours : Maman ne s’achète plus un lave-vaisselle et papa une nouvelle voiture.

Ecole et « neutralité »

Quand on parle de neutralité à l’école, cela vise d’abord et avant tout la question des convictions religieuses, des convictions philosophiques, des convictions politiques et, éventuellement, même si ce n’est pas dit explicitement, les convictions syndicales. Certaines écoles refusent erronément d’éduquer à la différence de genre par volonté de « neutralité ».

L’orientation sexuelle n’est pas une conviction. Dès lors, le concept de neutralité n’a pas à s’appliquer. Ce qui peut être demandé, c’est de ne pas être un militant. Cela vaut pour n’importe qui d’autre et pour n’importe quel autre sujet de société. Est-ce que l’identité se réduit à sa religion ou son orientation sexuelle ? Nous avons des identités multiples. On peut être à la fois religieux et à la fois homosexuel. Réduire l’identité des élèves à une seule caractéristique poserait la question des ghettos.

En conclusion

L’école est avant tout un lieu d’éducation et, en priorité, à l’éducation au vivre ensemble. On doit y apprendre aux élèves – au travers de « matières » plus ou moins utiles – à faire société, à être capables une fois adultes à œuvrer pour une société plus juste, plus tolérante et plus respectueuse de tou·te·s. Nous militons pour que toutes les écoles deviennent des ECOLES POUR TOU·TE·S.

Toute personne intéressée par la mise sur pied d’un projet d’ECOLES POUR TOU·TE·S est la/le bienvenu·e pour nous aider. Nous vous invitons à nous rejoindre. Que l’on soit LGBTQI ou hétéros, nous sommes tou·te·s concerné·e·s par les différences de genres.


[1] https://www.sos-homophobie.org/sites/default/files/rapport_annuel_2012.pdf

[2] Le Centre islamique et culturel de Belgique enseignait une vision sans discernement du droit islamique et doctrine du IXe au XIIe siècle. Ce qui veut dire, notamment, une exaltation du djihad armé, mais aussi des méthodes pour exécuter par exemple les homosexuels. Dans un autre manuel dont disposent les imams formés au centre, on retrouve même des appels à l’antisémitisme. Source RTBF : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_l-ocam-inquiet-de-la-formation-des-imams-en-belgique?id=9913436

[3] France Culture rappelle à l’ordre l’Église après une homélie anti-mariage pour tous et anti-avortement diffusée en direct https://www.huffingtonpost.fr/2018/07/24/france-culture-rappelle-a-lordre-leglise-apres-une-homelie-anti-mariage-pour-tous-et-anti-avortement-diffusee-en-direct_a_23488288/

[4] http://www.cemea.be/IMG/pdf/Manuels_scolaires_et_stereotypes_sexues_eclairages_sur_la_situation_en_2012.pdf

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