Forum Vers une Ecole inclusive

Forum Vers une Ecole inclusive

Des pistes pour amener les élèves à apprendre ensemble

29 novembre 2019

Accueil – Introduction de la journée Jean-Pierre Coenen, Président de la Ligue des Droits de l’Enfant

Plans de pilotage et école Inclusive – Dominique Paquot, Directeur de l’école Singelijn

Plans de pilotage et école inclusive : voir le pdf (encore quelques jours d’attente)

Table ronde 1 : Comment amener élèves à besoins spécifiques et élèves ‘ordinaires’ à coopérer et apprendre ensemble à l’école fondamentale ?

https://youtu.be/AuaFDg-Z3kY

Table ronde 2 : Comment amener élèves à besoins spécifiques et élèves ‘ordinaires’ à coopérer et apprendre ensemble à l’école secondaire ?

Bienfaits et limites de l’intégration des élèves à besoins spécifiques en écoles inclusives : qu’en disent les recherches. Ghislain Magerotte, Dr en Psychologie, Professeur émérite de l’UMons.

Quelle méthodologie pour que les élèves à besoins spécifiques et les élèves ’ordinaires’ apprennent ensemble ? Le tutorat. Gaëtan Briet, Dr en Psychologie, Laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement et Communication (LP3C – EA 1285, Université Rennes 2 Haute Bretagne.

Table ronde 3 « Partages d’expériences et parcours de vie. Quels bilans d’ancien·ne·s élèves à besoins spécifiques tirent-ils·elles de leur scolarité, que ce soit en intégration ou non ? »

https://youtu.be/B7efnnubm2Y

Table ronde 4 « Formation initiale des enseignants et inclusion »

https://youtu.be/OBLa8_pkF7w

Conclusions et perspectives – Jean-Pierre Coenen, Président de la Ligue des Droits de l’Enfant et de la Plate-forme pour une Ecole inclusive

https://youtu.be/ILE7Qwph998
Vers une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Vers une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles

Pour une collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire[1]

Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**

*Professeur émérite (UMons) ** Directeur de l’école fondamentale Singelijn

« La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre

Mais de collaborer, elle s’assemble et devient temple »


Antoine de Saint-Exupéry [1]

[1] Message transmis à l’occasion du décès du Professeur Jean-Jacques Detraux (ULB et ULiège) avec qui nous avons collaboré durant des années dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant.

Le thème d’une école inclusive fait partie des préoccupations de beaucoup de parents d’un élève en situation de handicap, ainsi que des associations de parents et de professionnels concernés. Ils réalisent en effet que le handicap fait et fera toujours partie de l’expérience de tous les hommes et que la situation de handicap ne sera pas facile à vivre par les personnes concernées. Aussi, se pose la question qui hante parents, professionnels, politiques et autres responsables qui se mobilisent pour une école inclusive : les adultes en situation de handicap vivront-ils mieux au sein de la cité si durant leurs années de scolarité, ils ont appris à « vivre bien avec leurs condisciples » dans une école inclusive ? Cette question renvoie à une autre : les condisciples des élèves à besoins spécifiques ont-ils eux aussi appris à « vivre bien avec la différence » ?

Rappelons d’abord que ce mouvement « vers une école inclusive » dépasse le cadre de la Fédération Wallonie-Bruxelles et s’appuie sur un mouvement international qui a questionné l’enseignement spécialisé et sa place concernant l’accueil des élèves à besoins éducatifs spécifiques dans le système scolaire ordinaire (Déclaration de Salamanque, 1994). De plus, la Convention des droits des personnes handicapées (2006, et ratifiée par la Belgique en 2009) a rappelé dans son article 24 le droit d’un enfant en situation de handicap à devenir élève d’une école inclusive. D’ailleurs de nombreux pays ont mis en place un système scolaire inclusif comme l’Italie, mais se heurtent encore à des résistances de la part des écoles spécialisées existantes, des systèmes scolaires et également de certains parents et/ou associations de parents (voir par exemple le rapport de Caraglio & Gavini, 2018, sur l’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie). Enfin, de nombreuses recherches internationales en éducation spécialisée ont analysé les pratiques éducatives au sein d’une école inclusive.

Rappelons d’abord ce que dit l’avis n° 3 sur le droit de l’enfant : « le principe d’une démarche évolutive doit être à la base de l’organisation de l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de la scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque élève d’être inscrit dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus d’inscription au motif que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables ou que l’enfant ne serait pas capable d’assimiler la matière enseignée ».

Afin de bien cerner l’impact de ce mouvement « vers une école inclusive » en Wallonie et à Bruxelles et le défi qu’il constitue pour les élèves et leurs parents, les professionnels, les responsables politiques, il importe d’abord de présenter succinctement l’histoire de l’enseignement spécialisé, ensuite de définir l’école inclusive, et enfin de proposer quelques stratégies que devrait implanter l’école inclusive dans l’enseignement fondamental[1].

  1. Brève histoire de l’enseignement spécialisé en Wallonie et à Bruxelles

Si les enfants ayant des déficiences sensorielles ou mentales ont été « éduqués » dès le 19ème siècle par quelques pionniers français de l’éducation (comme Itard, Seguin, Bourneville, Valentin Haüy, L’Abbé de l’Epée) et par des associations caritatives, plusieurs écoles s’ouvrent aussi en Belgique : l’Institut Royal pour Handicapés de l’Ouïe et de la Vue-IRHOV à Liège en 1819 et l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles-IRSA à Bruxelles en 1835. Au début du XXème siècle, en 1905, Decroly organise une école à Bruxelles pour les enfants « irréguliers » qui à l’époque n’étaient pas scolarisés.Cependant, il a fallu attendre la fin des années 50 et les années 60 pour assister à un développement considérable de l’enseignement spécial, grâce à la mobilisation de certaines associations de parents, la richesse des « golden sixties » et la croissance de la population scolaire. Cette évolution a été couronnée par le vote la loi du 6 juillet 1970 sur l’enseignement spécial, loi-cadre devant assurer, grâce aux arrêtés d’application successifs, la mise en place d’un enseignement spécial autonome pour les élèves « aptes à suivre un enseignement mais inaptes à le suivre dans une école ordinaire ».  L’enfant avec un handicap est devenue un élève « spécial » !

Si cette loi de 1970 a entraîné la suppression des « classes spéciales annexées » aux établissements d’enseignement ordinaire, elle a néanmoins permis à des élèves handicapés d’être scolarisés dans l’enseignement maternel et primaire ordinaire, grâce à la générosité et au dynamisme de certains directeurs et enseignants et à la demande de parents, dans le cadre de ce qu’on a appelé une « intégration sauvage ». D’ailleurs, dès le départ, l’arrêté d’organisation de l’enseignement spécial prévoyait des possibilités d’intégration sur une base individuelle. Ces possibilités se sont développées ensuite, concernant surtout les élèves relevant des types d’enseignement 4 (handicap physique), 6 (handicap visuel) et 7 (handicap auditif) en 1995.

De plus, cette loi de 1970 est devenue en 1986 la « loi sur l’enseignement spécial et intégré », puis elle a été remplacée par le « décret sur l’enseignement spécialisé » en 2004, revu aussi à plusieurs reprises. Ce décret a progressivement pris plusieurs dispositions concernant la scolarisation et l’intégration scolaire. Les dispositions les plus importantes concernent les modalités d’intégration (permanente totale et permanente partielle, temporaire totale et temporaire partielle) et l’accès à l’intégration des élèves relevant de tous les types d’enseignement. De plus, il a prévu le développement d’une collaboration importante entre l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire assurant le suivi des élèves bénéficiant d’une intégration totale (permanente ou temporaire) par des professionnels de l’enseignement spécialisé durant un certain nombre d’heures par semaine. Par contre, le décret a mis en place un processus d’intégration relativement lourd impliquant un respect contraignant de dates, l’accord de tous les partenaires et le subventionnement des écoles ordinaires seulement après une année d’intégration réussie.

D’autre part, depuis une quinzaine d’années, quelques classes spécialisées sont accueillies dans des écoles ordinaires, dans le cadre de l’intégration partielle, les élèves suivant certaines activités dans les classes ordinaires. Ce système connaît un développement récent, via la mise en place de classes dites inclusives. De plus, la référence au handicap a été supprimée et remplacée par celle de « besoins spécifiques ».

Enfin, la Fédération Wallonie-Bruxelles a lancé une réflexion systémique sur tout le système d’enseignement, y compris de l’enseignement spécialisé, dans le cadre du Pacte pour un Enseignement d’Excellence. Ce Pacte est à présent entré dans sa phase de réalisationet plusieurs points sont essentiels pour l’avenir de l’enseignement spécialisé. Les documents actuels, et notamment l’avis n° 3, évoquent à plusieurs reprises l’engagement vers une « école inclusive », sans toutefois la définir.  Aussi, nous proposerons une définition de l’école inclusive.

De plus, le Pacte envisage la constitution de pôles territoriaux qui, dans son projet d’avis n° 3, « assureront la mutualisation par bassins géographiques des moyens dédiés à l’accompagnement des élèves en intégration permanente totale dans l’enseignement ordinaire. » Son rôle et sa mission sera « de garantir la qualité de l’encadrement et de l’accompagnement que les établissements du pôle territorial pourront proposer pour tenir compte des besoins spécifiques des élèves ». Il est également prévu « la possibilité de créer, sur une base volontaire, de tels pôles en inter-réseaux, en particulier dans les zones dans lesquelles le nombre d’élèves concernés et, par voie de conséquence, les moyens alloués n’atteignent pas le niveau critique minimum ».  

Si l’on se place dans l’optique d’une école inclusive, réclamée à plusieurs reprises dans le projet d’avis, le pôle territorial pourrait regrouper tous les personnels des écoles spécialisées d’un territoire déterminé (défini en fonction de la population, des moyens de transport public, de l’attraction de certaines villes…) en vue de mettre ce personnel spécialisé  à disposition de toutes les écoles ordinaires d’un bassin géographique déterminé; ces écoles spécialisées deviendraient en quelque sorte un « centre de ressources spécialisées » (terme à la mode, mais approprié !). Il est à remarquer que le décret de 2004, revu en 2013, prévoyait d’ailleurs l’existence de « zones », essentiellement au niveau de la gestion de l’enseignement spécialisé et de ses personnels ainsi que les entités géographiques qui les composent.

Le développement des pôles territoriaux permettrait aussi de faire face à une difficulté pratique majeure qui tient au fait que des professionnels venant de plusieurs écoles d’enseignement spécialisé travaillent au sein d’une même école inclusive. Comment organiser leur horaire, en respectant les besoins des élèves et les contraintes des écoles ? Une solution pratique consisterait à procéder en octroyant un temps plein pour 56 élèves – à condition que les exigences de compétences soient bien prises en compte.

De plus, cela permettrait de revoir le fonctionnement du transport scolaire vers des écoles plus proches du domicile de l’élève, prônant davantage l’utilisation, accompagnée notamment au début, des transports en commun et évitant de faire perdre progressivement à l’élève ayant des besoins spécifiques ses relations dans son quartier et son inclusion sociale. Cette évolution faciliterait la proximité géographique des élèves de leur école. (Retour sur l’après-midi E-MOBILE du 7 mars 2018 « Échanges sur le transport scolaire vers l’enseignement spécialisé » organisés par le Délégué général aux droits de l’enfant, UNIA et la Ligue des familles).

Enfin, le Pacte pour un enseignement d’excellence constate aussi une évolution très importante de la population scolaire, au point que celle-ci a crû considérablement au cours des dernières années, passant de quelques 3,5 % dans les années 70 à environ 5% en 2018. En effet, si l’enseignement spécialisé a accueilli au début des élèves ayant des déficiences importantes, notamment ceux ayant une déficience intellectuelle modérée ou sévère, il a aussi accueilli davantage d’autres populations en échec scolaire. C’est le cas en particulier des élèves ayant des troubles d’apprentissage ou issus de milieux défavorisés. Cela nécessite aussi une analyse attentive des pratiques d’orientation vers l’enseignement spécialisé par les centres PMS.

Brièvement esquissée ci-dessous, l’évolution de l’enseignement en Wallonie et à Bruxelles se révèle assez différente de celle d’autres pays européens. Sans faire ici oeuvre d’histoire comparative des systèmes scolaires, rappelons quelques éléments qui caractérisent notre enseignement. D’abord, la coexistence de trois réseaux d’enseignement répond au critère constitutionnel de la liberté d’enseignement et est parfois perçue comme marquée par une perspective de compétition. Elle permet aussi le respect de la liberté de choix des parents, fondamental lui aussi. De plus, depuis les années 60, les personnes en situation de handicap ont d’abord été prises en compte dans le système médico-social (via le Fonds National de Reclassement Social des Handicapés dès 1963 et le Fonds de soins médico-socio-pédagogiques en 1997), avant de relever en 1970 – enfin ! – du Ministère de l’Education, en particulier via l’obligation scolaire : les enfants et adolescents « handicapés » accédaient enfin au statut social d’élèves et étudiants.

  • Qui sont ces élèves à besoins spécifiques accueillis dans une école inclusive : les démarches du diagnostic

Le décret de 2004 concerne l’accueil des enfants et adolescents « à besoins spécifiques », qui doivent « bénéficier d’un enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques » ; il ne parle plus de handicap, sauf à l’article 6 relatif à la définition des types d’enseignement spécialisé : « Chacun de ces types comporte l’enseignement adapté aux besoins éducatifs généraux et particuliers des élèves relevant de l’enseignement spécialisé appartenant à un même groupe, besoins qui sont déterminés en fonction du handicap principal commun à ce groupe ».

Quant à l’Article 1 du Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques adopté le 7 décembre 2018, il définit le besoin comme « résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire fondamental ou secondaire ». Il n’est plus ici question de handicap, mais de particularité, de trouble ou d’une situation « d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif » mais sans évoquer les aspects sensoriels ! S’il est sans doute difficile de se passer d’un diagnostic comme une déficience intellectuelle, un autisme, une dyslexie, etc., encore faut-il ne pas se limiter à ce diagnostic et envisager une évaluation davantage fonctionnelle de l’élève (attention, perception, mémoire de travail, etc.), tout en ne se focalisant pas sur les points faibles (« il y en a chez tout le monde ! ») mais aussi sur les forces. De plus, il faut adopter une démarche davantage interactive avec les barrières auxquelles se heurte l’enfant avec un handicap, telle que les envisage l’ONU : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières comportementales et environnementales peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. ». Le handicap doit donc être défini comme une participation limitée à la vie en société de personnes qui ont certes des incapacités durables mais qui rencontrent en même temps diverses barrières comportementales et environnementales à cette participation sur la base de l’égalité avec les autres. En d’autres mots, il faudra aussi investiguer ces barrières actuelles (aussi bien tenant aux personnes, à leurs comportements, leurs attitudes qu’aux environnements), envisager les obstacles à diminuer ou supprimer et enfin à proposer les situations éducatives les plus favorables au développement de ces élèves dans une école inclusive. Ce sera le rôle des Centres PMS ainsi que des services de diagnostic de mettre en pratique des méthodologies pour identifier ces besoins spécifiques, tenant compte de toutes les évaluations réalisées de l’élève ainsi que des barrières qui ont un impact sur sa scolarité.

Lire ici la suite : Une école inclusive, c’est …


[1] Ce texte ne concerne pas l’école secondaire inclusive, en raison du fait que la mise en place du tronc commun dans l’enseignement secondaire ne sera pas opérationnelle avant plusieurs années.



[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.

Pour une école inclusive : l’apprentissage coopératif

Pour une école inclusive : l’apprentissage coopératif

1ère partie : qu’est-ce que l’apprentissage coopératif ?

Entre les deux guerres, de nombreux psychologues, philosophes et enseignants ont remis en cause les méthodes et pratiques de l’enseignement traditionnel car celui-ci ne réservait à l’élève qu’un rôle relativement passif [1]. Jean Piaget ainsi que Lev Vygotski notamment, ont démontré toute l’importance des interactions entre les élèves qui permettaient de susciter les apprentissages [2].

Ils ont donc émis l’hypothèse que les apprentissages des élèves seraient de meilleure qualité s’ils étaient actifs, dans un cadre collectif. L’apprentissage coopératif était né ! Les élèves ont été placés dans de petites équipes (ou groupes) et il leur était assigné un objectif commun[3].

Mais cela ne suffisait pas[4]. Pour faire réussir l’apprentissage coopératif, il fallait réunir cinq conditions de base : l’interdépendance positive, la responsabilité individuelle, la promotion des interactions, les habiletés sociales ou coopératives et les processus de groupe[5].

A ces cinq conditions de base, les enseignants cherchaient à développer des valeurs qui favorisaient l’apprentissage coopératif telles que le partage, l’entraide et le respect. Il s’agissait ainsi de viser, en plus, l’apprentissage des compétences coopératives. C’est ainsi que l’on parle aujourd’hui de pédagogie coopérative ou de pédagogie de la coopération.

Apprentissage coopératif vs apprentissage individuel

Pour faire comprendre ce que nous entendons par apprentissage coopératif, il nous faut la comparer aux formes les plus courantes d’apprentissage traditionnel à l’école.

1.     Le travail individuel

Dans l’apprentissage individuel, les élèves « travaillent » en fonction d’un objectif individuel, chacun pour soi, sous la supervision d’un enseignant. Ils ne sont responsables que d’eux-mêmes et leurs rapports les uns aux autres sont basés sur la compétition. Les interactions avec les pairs sont pour ainsi dire inexistantes, voire carrément interdites. Les élèves sont laissés à eux-mêmes et l’enseignant a peu de temps pour s’occuper de tous ceux qui ont des difficultés. L’entraide n’est pas au programme ou est exceptionnelle.

Sur le plan des apprentissages, seul le « travail » individuel est valorisé. Sur le plan comportemental, ce sont la docilité, la soumission aux exigences de l’enseignant et la capacité à se comporter en groupe sans déranger les autres qui sont valorisées.

Dans une classe compétitive, les objectifs pédagogiques sont liés de manière négative (pas de partage des ressources de la classe). Lorsqu’un élève atteint l’objectif, la probabilité que les autres l’atteignent diminue. Ceux qui mettent plus de temps que les plus rapides sont sanctionnés ou délaissés.

Dans les classes compétitives, les élèves sont motivés par le désir de vaincre, ou démotivés par le vain espoir de survivre. Comme dans toute compétition, les élèves ont tendance à attribuer leurs résultats à leur mérite ou leurs capacités (suffisantes ou insuffisantes, selon leurs résultats) ou à leurs efforts ou leur « incompétence ».

Les élèves sont motivés par le désir d’atteindre un certain niveau d’excellence ou, au contraire, sont démotivés parce qu’ils se comparent aux autres et sont convaincus qu’ils ne l’atteindront pas. Notre système scolaire encourage la compétition.

Dans ce système, la marge d’autonomie que les enseignants délivrent à leurs élèves est extrêmement réduite, tout comme la formation une citoyenneté responsable et participative.

2.     Le travail d’équipe

Le travail d’équipe traditionnel implique des interactions plus ou moins organisées entre les élèves. Cela peut être lors d’exercices individuels durant lesquels les élèves comparent leurs réponses, ou lors de tâches où chacun en effectue une partie de son côté, en classe ou à la maison, et qu’une mise en commun est effectuée. Cela peut être également organisé lors d’ « ateliers » où l’on se choisit par affinité.

Dans le travail d’équipe traditionnel, les élèves sont peu éduqués à la coopération. Ils travaillent ensemble occasionnellement et l’efficacité est relative. Certaines équipes sont plus efficaces car elles regroupent les élèves dits « forts », tandis que d’autres équipes ont plus de mal car elles se composent d’élèves moins scolaires. Les équipes sont souvent mises en compétition : il faut terminer avant les autres et le résultat doit être « meilleur ».

3.     Les structures coopératives

La coopération, dans tous les domaines et à fortiori à l’école, repose sur un système motivationnel basé sur l’entraide. Les élèves sont incités à s’entraider afin d’augmenter leur capacité à atteindre les objectifs fixés par l’école. C’est, par des efforts à la fois individuels et collectifs qu’ils vont tenter d’atteindre leur cible.

Dans une classe coopérative, les objectifs sont liés de manière positive (partage des ressources de la classe). Lorsqu’un élève atteint un objectif, la probabilité que les autres l’atteignent est augmentée de par le partage de ces ressources : tutorat, coopération, entraide, …

Tous les élèves qui essaient de contribuer au résultat final sont valorisés, quelles que soient leurs compétences initiales. Il n’y a pas de compétition et chacun est reconnu à part égale avec les autres. Chaque élève est valorisé au même titre que les autres membres de son équipe et bénéficie des mêmes résultats scolaires.

Puisque les élèves ne peuvent atteindre leurs objectifs personnels que si l’ensemble de l’équipe réussit la tâche, ceux-ci sont portés à s’entraider et à fournir le maximum d’effort.

Ceux qui aident les autres sont reconnus et appréciés. Ils sont incités à atteindre des niveaux de réussite élevés.

La marge d’autonomie que les enseignants délivrent à leurs élèves est de plus en plus élevée en fonction des compétences développées par les élèves au sein des équipes coopératives.

L’apprentissage coopératif peut être mis en place de l’entrée de la maternelle à la fin de l’université

Ce que nous entendons par apprentissage coopératif[7]

La pédagogie de la coopération est une forme d’organisation des apprentissages qui permet à de petites équipes hétérogènes d’élèves d’acquérir des apprentissages, grâce à une interdépendance qui nécessite une pleine participation de chacun à l’activité.

Les apprentissages exigent le plus souvent des ressources qu’aucun élève ne possède à lui seul. Ils ne peuvent, en principe, être résolus sans l’apport des autres. Aussi, chaque membre du groupe est responsabilisé pour qu’il apporte sa juste contribution à l’œuvre collective. Ces apprentissages s’acquièrent soit en participant à des tâches collectives structurées, soit par l’entraide au sein du groupe durant des apprentissages plus formels, en utilisant le tutorat, l’encouragement, … Cela permet aux élèves les plus lents de recevoir une aide qu’un enseignant ne peut pas toujours apporter à chacun d’entre eux.

L’apprentissage coopératif peut être mis en place de la maternelle à l’université.  

Bénéfices de l’apprentissage coopératif

Selon Isabelle Plante, de l’Université du Québec à Montréal[8] L’examen de près de 160 documents a révélé que la coopération procure des effets positifs non seulement sur le rendement des élèves, mais également sur leurs attitudes scolaires et leurs habiletés sociales et relationnelles[9].

Un des premiers bénéfices que l’on remarque quand on met en place dans sa classe des équipes coopératives, c’est l’accroissement de l’implication des élèves dans les apprentissages. Ils se sentent responsabilisés et, s’ils continuent à craindre l’échec, ce n’est plus sur le plan individuel. Au contraire, cela les motive pour mieux faire réussir l’apprentissage collectif. Aucun élève n’a envie d’être tenu pour responsable d’un échec collectif, fût-il momentané.

Sur le plan cognitif, l’interaction stimule l’activité cognitive dans l’apprentissage de concepts complexes. Les élèves s’apprennent les uns aux autres, et les uns des autres, en utilisant différentes méthodes : par la discussion, l’exemple, la confrontation de points de vues différents, de raisonnements adéquats ou inadéquats, ou encore la reformulation pour favoriser la compréhension des autres qui favorise l’intégration dans la mémoire. 

Sur le plan social, la coopération établit des relations sociales plus harmonieuses entre personnes ayant des spécificités ou provenant de milieux socioculturels différents. Les élèves considèrent davantage les qualités personnelles des autres que ce qui pourrait les différencier sur les plans physiques, ethniques, sociaux, … On observe l’éclosion d’une identité commune, puisque les apprentissages qu’ils font ensemble sont d’un intérêt commun et se font dans un but commun.

Cette identité commune engendre l’acceptation de la diversité et favorise l’intégration de tous dans un système inclusif, au-delà des appartenances particulières. Les élèves acquièrent ainsi une identité sociale qui les rassemble au lieu de les diviser en groupes distincts.

L’apprentissage coopératif forme les jeunes aux exigences d’une vie dans une société démocratique pluraliste. Les pratiques de la coopération reproduisent, en effet, les conditions de la vie relationnelle dans une société démocratique moderne. Les élèves y apprennent à la fois l’autonomie et la responsabilité via la coresponsabilité de la construction de leurs apprentissages. Ils apprennent également à assumer des rôles sociaux et à prendre des responsabilités dans leur environnement social. Les élèves acquièrent une capacité à dialoguer, à régler des conflits, à confronter des points de vue, à co-construire des aménagements sociaux et à participer à l’élaboration de lois et du vivre ensemble.

Lire la suite en cliquant ici : La classe coopérative


[1] Slavin, Hurley, & Chamberlain, 2003, Sharan, 2010

[2] Laferrière, 2003;  Beaudrit, 2005; Peyrat-Malaterre, 2011

[3] Johnson, Johnson, & Smith, 2007; Rouiller & Lehraus, 2008; Sharan, 2010

[4] Gillies, 2004.

[5] Slavin et al., 2003 ; Johnson & Johnson, 2009

[6] Howden & Kopiec, 2000; Beaudrit, 2005 ; Rouiller & Lehraus, 2008 ; Sabourin & Lehraus, 2008 ; Rouiller & Howden, 2010;

[7] « La pédagogie coopérative est une approche interactive de l’organisation du travail […] où des étudiants de capacités et de forces différentes […] ont chacun une tâche précise et travaillent ensemble pour atteindre un but commun » (Howden et Martin, 1997, p. 6).

[8] Isabelle Plante, 2012 – L’apprentissage coopératif : des effets positifs sur les élèves aux difficultés liées à son implantation en classe.

[9] En contexte scolaire, chercheurs et praticiens reconnaissent depuis longtemps les bienfaits du travail d’équipe dit « en coopération » durant lequel les élèves apprennent les uns des autres (Aronson, Blaney, Stephin, Sikes, & Snapp, 1978; Brody & Davidson, 1998; Slavin & Tanner, 1979)

Synthèse du forum du 28 février 2019 « Vers une école inclusive : des pistes pour relever le défi »

Synthèse du forum du 28 février 2019 « Vers une école inclusive : des pistes pour relever le défi »

  1. Les exposés

D’entrée de jeu, il est réaffirmé que l’école est un droit pour tous les enfants et il s’agit de mettre en place sans tarder un enseignement gratuit et inclusif. L’enseignement maternel pourrait être le premier concerné.

La mise en place d’aménagements dits raisonnables est certes un premier pas mais cela ne suffit pas. La logique intégrative doit faire place à une logique inclusive.

Certes l’école idéale n’existe pas et nombre d’enseignants ont une pratique inclusive sans le savoir. Mais il s’agit d’aller plus loin, de concerner toute l’école et tous les acteurs du système scolaire. Il s’agit d’une approche systémique visant la transformation tant des contenus, des méthodes que l’organisation même de l’école.

Il n’est sans doute pas inutile de sa rappeler que les premières réponses aux besoins des enfants qualifiés à cette époque d’ « irréguliers » puis d’ « anormaux » datent des années 1800 et que l’on crée en 1924 des classes annexées au sein des écoles ordinaires. C’est en 1970, sous la pression des associations de parents, que se crée un enseignement spécial (qui deviendra spécialisé en 2004), organisé en 8 types d’enseignement et prévoyant déjà l’intégration de certains élèves en enseignement ordinaire. Divers arrêtés, circulaires et avis du Conseil supérieur sont promulgués pour encourager l’intégration des élèves relevant de l’enseignement spécialisé. Quatre formules d’intégration sont envisagées. L’enseignement spécialisé vient en support de l’élève intégré sous la forme de périodes octroyées à un personnel de soutien. On tente de favoriser les collaborations entre les structures d’enseignement ordinaire et d’enseignement spécialisé. Mais la démarche est soumise à de nombreuses contraintes administratives. Par ailleurs, on encourage la création de classes intégrées (appelées aujourd’hui, de manière erronées, classes inclusives).

En 2009, la Belgique ratifie la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et s’engage à faire évoluer son enseignement vers un enseignement inclusif comme le précise l’article 24 de cette Convention. Il sera précisé que placer des enfants handicapés dans des classes ordinaires sans faire en même temps des changements organisationnels, curriculaires, pédagogiques ne constituent pas l’inclusion. De plus, l’intégration ne garantit pas automatiquement la transition de la ségrégation vers l’inclusion.

Ce Forum veut interroger le rôle d’une fonction clé : celle de la direction de l’établissement. Celle-ci favorise la disponibilité de tous à une démarche inclusive et promeut des stratégies individualisées. Elle veille à mettre en place les adaptations nécessaires et elle organise la vie des élèves tout au long de la journée en ce compris pendant les temps libres. Elle favorise l’utilisation des technologies. Elle recherche comment faire face aux troubles du comportement de certains élèves.

On le voit donc : pour promouvoir une école inclusive, il faut l’adhésion et l’implication du plus grand nombre. Il s’agit de favoriser un travail collaboratif et penser une école qui s’adapte à l’enfant et non le contraire. Il faut également renforcer les collaborations avec les services relevant de l’aide sociale ainsi que de tous les centres de consultation.

Dans la logique inclusive, les tâches des enseignants sont multiples et peuvent prendre diverses formes :

  •  Travail à deux dans une classe, préparant les activités ensemble, travaillant ensemble, intégrant d’autres fonctions que celle d’enseignant (par exemple une logopède)
  • Organisation de la classe pour que chaque élève apprenne, en prévoyant plusieurs endroits avec des fonctions différentes, en maintenant un niveau de bruit supportable, en répartissant les élèves de manière adéquate et en restant flexible
  • Mise en place d’un tutorat entre élèves en choisissant les tuteurs et en les préparant
  • Mise en place d’aménagements « de bon sens » comme par exemple davantage de temps pour exécuter une tâche, une modification de la taille des caractères, des évaluations individuelles, l’utilisation d’un logiciel. Ces aménagements sont faits pour tous les élèves.

Les apports d’un enfant à besoins spécifiques en classe sont nombreux tant pour lui que pour les pairs. Les apports sont aussi évidents pour toute la communauté scolaire.

Par ailleurs, le principe de réalité nous conduit à réfléchir à partir du cadre actuel : celui du Pacte pour un enseignement d’excellence. Celui-ci suit une logique intégrative. Mais il faut se demander quelles mesures prévues par le Pacte vont permettre d’avancer vers une école inclusive. Par exemple, la création de pôles territoriaux transformant des écoles spécialisées en centres de ressources va-t-elle permettre cette évolution vers l’école inclusive ?

Le constat de départ du travail sur le Pacte est que les modes de séparation selon les profils des élèves conduisent à des taux trop importants de redoublement, de décrochage et d’orientation vers l’enseignement spécialisé qui compte aujourd’hui 36.OOO élèves soit une augmentation de 21% depuis 2005. De plus une grande iniquité s’observe puisque les élèves issus de familles dont le niveau socio-économique est le plus faible, accusent un plus grand retard scolaire et sont plus souvent orientés vers l’enseignement spécialisé.

Le Pacte prône une approche systémique et la co-construction de l’école avec tous les acteurs. Il veut répondre tant aux besoins de l’enseignement ordinaire qu’à ceux de l’enseignement spécialisé. Pour ce faire, il propose une réforme du pilotage des établissements scolaires en se donnant des indicateurs pour permettre une augmentation progressive des situations d’intégration. Il veut par ailleurs répondre aux besoins spécifiques des élèves dans l’enseignement ordinaire en déployant les aménagements et en réformant le système actuel d’intégration. Le Décret de décembre 2017 propose le maintien de ces élèves et propose des outils aux enseignants. La création de pôles territoriaux vont permettre à des écoles d’enseignement spécialisé d’accompagner plusieurs établissements d’enseignement ordinaire. Enfin le Pacte veut décloisonner l’enseignement spécialisé et ordinaire en encourageant des implantations de l’enseignement spécialisé dans l’enseignement ordinaire et en réformant les procédures d’orientation. Des mesures plus spécifiques sont également prévues pour l’enseignement spécialisé comme la prolongation du type 8 jusqu’à la fin du tronc commun et en délivrant des certificats de compétences pour les formes 1 et 2 de l’enseignement secondaire spécialisé.

De son côté, UNIA, centre interfédéral pour l’égal des chances, a organisé début octobre 2018, un séminaire avec des experts internationaux, séminaire au cours duquel quatre principaux axes ont été discutés :

  • quelle vision de l’inclusion et quelle stratégie à long terme ? Comment le système d’éducation inclusive devrait-il être organisé ?
  • comment un système d’éducation inclusive peut-il permettre aux enseignants de se sentir compétents et motivés ?
  • comment répartir les ressources pour promouvoir, soutenir et réaliser un système d’éducation inclusive ?
  • comment les gouvernements pourraient organiser la transition entre la situation actuelle et un modèle d’école inclusive ?

Des échanges tenus lors de ce séminaire, on retiendra

  • Une disparité entre les trois communautés en Belgique
  • Le fait que le système éducatif en Belgique ne répond pas aux normes internationales et européennes en matière d’inclusion
  • Or, seuls les systèmes inclusifs peuvent garantir à la fois la qualité de l’enseignement et le développement social des personnes en situation de handicap
  • Penser un système inclusif revient à améliorer l’enseignement en général
  • Un système inclusif implique l’élimination d’une série de préjugés et de barrières comportementales concernant les compétences des élèves et en particulier ceux qui sont reconnus comme ayant des besoins spécifiques
  • Il s’agit que le politique donne un signal clair et s’engage dans la planification d’un système inclusif
  • Tous les acteurs de l’enseignement doivent être impliqués : professionnels, parents, élèves, …
  • Les pratiques inclusives doivent être soutenues et étayées par des recherches scientifiques et une évaluation systématiques des objectifs et moyens consentis pour rencontrer les besoins de tous les élèves
  • Il s’agit de penser la formation initiale et continuée de telle façon qu’elle puisse renforcer les compétences des enseignants à développer des pratiques inclusives
  • Il s’agit de promouvoir une collaboration entre tous les membres de l’équipe éducative et développer une culture de l’éducation inclusive : il s’agit de développer des communautés apprenantes
  • L’expertise acquise dans l’enseignement spécialisé doit être formalisée et mise à disposition des professionnels de l’enseignement ordinaire
  • Au niveau budgétaire, il s’agit moins d’allouer de nouvelles ressources financières pour « faire de l’inclusion » que de répartir différemment les ressources en n’augmentant pas celles actuellement octroyées à l’enseignement spécialisé
  • Par ailleurs il s’agit de promouvoir une approche transversale et une meilleure coordination entre tous les Départements ministériels et administrations concernées par l’enseignement
  • La logique inclusive doit prévaloir dès la petite enfance
  • Au niveau de l’école, il s’agit de repenser la certification des élèves
  • Un travail de sensibilisation, d’information et de formation doit être engagé au niveau du grand public

Dans son exposé, Philippe Tremblay nous a montré combien le fait de rendre les écoles plus inclusives contribuent à lutter contre toute forme de discriminations et permet de donner une assise solide pour une société inclusive.

L’école inclusive doit répondre aux besoins de chaque élève et se doit d’être créative, innovant sans cesse.

Le conférencier met l’accent sur les divers facteurs favorisant le processus inclusif dans l’enseignement :

  • Une vision et une volonté forte de la part de tous les acteurs concernés
  • Une reconnaissance explicite dans les législations aux droits à une éducation inclusive, se traduisant par l’allocation de ressources adéquates
  • Un engagement collectif à tous les niveaux
  • Une accessibilité aux espaces et à l’information
  • Un enseignement de qualité, des enseignants flexibles, une évaluation formative
  • Mise en œuvre de la différenciation pédagogique avant, pendant et après les apprentissages
  • Un soutien adéquat à chaque élève s’organisant autour d’une planification commune (plan d’intervention)
  • Une anticipation des difficultés que peuvent rencontrer les élèves
  • Une vision non catégorielle des élèves
  • Une collaboration avec les parents et plus largement, la communauté
  • Une collaboration entre les professionnels pouvant prendre diverses formes : consultation collaborative, co-intervention et co-enseignement.
  • La formation et l’accompagnement des professionnels.
  • Les tables rondes

Les questions posées aux directions d’école primaire et secondaire étaient centrées sur les forces et obstacles rencontrés dans la mise en place d’une école plus inclusive, sur le rôle plus spécifique de la direction et sur la manière de rencontrer les attentes des parents.

Au niveau des forces, on a souligné

  • La possibilité de répondre de manière plus spécifique aux élèves qui en ont besoin ;
  • Le changement de regard des pairs et l’acceptation par eux de la différence
  • L’attention portée au projet et à son élaboration constante renforce le travail collectif et aussi le sentiment que tout enfant peut apprendre
  • On observe un plus grand respect du rythme des élèves
  • La nécessité que les enseignants s’approprient le concept d’inclusion et cheminent
  • Des parents qui sont demandeurs d’un projet et obligent ainsi un processus à se mettre en route
  • La nécessité d’inscrire dès le départ, la volonté d’une école plus inclusive dans le projet d’établissement
  • Les plans de pilotage sont une opportunité pour re-définir le projet et mieux préciser là où on veut conduire les élèves
  • Le Décret de 2017 peut être une opportunité mais dans les faits, beaucoup de dispositions contenues dans ce Décret sont déjà réalisées sur le terrain.
  • Les enseignants qui vivent une école qui recherche à être plus inclusive sont contents et ne voudraient certainement pas faire marche arrière

Au niveau des obstacles, on relève

  • Le fait que les parents sont amenés de facto à prendre conscience des difficultés de leur enfant mais aussi que certains parents refusent la mise en place d’aménagement raisonnable
  • Le manque d’une vision plus globale sur l’enfant et son parcours : comment l’élève fonctionne, s’adapte, évolue dans le temps
  • La difficulté parfois de s’investir dans une pratique collaborative
  • La difficulté d’éviter toute forme de discriminations
  • Le manque de moyens
  • La nécessité d’intégrer les nouveaux enseignants
  • La contrainte que représentent les évaluations externes ou non : elles sont normatives et inconciliables avec la philosophie de l’inclusion
  • Des parents qui refusent la mise en place d’aménagements raisonnables, sans doute par peur d’une stigmatisation
  • Des obstacles sur le plan administratif et la difficulté de jongler lorsqu’il y a des élèves intégrés provenant de différentes écoles ; il est parfois difficile de trouver des écoles partenaires
  • L’ambiguïté de la législation qui conduit de facto à ne pas permettre à des élèves avec déficience intellectuelle de bénéficier d’un enseignement inclusif
  • Par ailleurs des élèves qui ont été scolarisées en enseignement spécialisé et sont actuellement intégrés en milieu scolaire ordinaire ne veulent plus entendre parler de soutien venant de cet enseignement
  • Des difficultés au niveau des activités extrascolaires
  • Au niveau secondaire, plusieurs difficultés sont évoquées comme la difficulté de poursuivre un projet d’intégration pour un élève venant du primaire, une législation contraignante pour l’accès au secondaire, la gestion du temps et l’octroi d’un tiers temps, la difficulté de connaître les élèves de manière individuelle, le repérage et la prise en considération des situations de handicap invisibles et toutes les questions liées à la certification finale.
  • Le fait qu’on navigue dans un flou permanent : on impose plusieurs choses sans donner vraiment les moyens. De plus, les directions sont débordées par les tâches administratives et souhaitent être secondées
  • La difficulté de comprendre les dossiers établis par des spécialistes : il faut prendre la question en sens inverse et se demander ce que l’on doit mettre en place par rapport aux difficultés de tous les élèves plutôt que de stigmatiser et passer du temps à faire des bilans axés sur les (non)performances de l’élève et, en l’état, inutiles pour construire un projet pédagogique
  • Enfin comment convaincre les parents que la démarche inclusive est un plus pour leur enfant ?

Quant au rôle de la direction, il s’agit

  • Qu’elle soit et reste informée, à l’écoute et apporte son soutien logistique
  • Qu’elle mette en place des espaces d’échanges et puisse rencontrer les inquiétudes du personnel
  • Qu’on lui reconnaisse une expertise pédagogique et qu’elle puisse être un facilitateur
  • Qu’elle soutienne et valorise les initiatives et porte un regard positif sur les réussites
  • Qu’elle soit elle-même soutenue

Enfin, pour les parents, les attentes sont centrées sur la mixité et l’équité. Il faut leur montrer qu’un élève à besoin spécifique est un élève qui booste les autres élèves. Un travail correct avec les parents permettant le tricotage de la relation de confiance, c’est de considérer les besoins de l’enfant à un moment donné et ce, sur base d’observations et de considérer l’enfant tel qu’il est avec ses forces et faiblesses. Les parents doivent cependant comprendre que la démarche n’est pas « magique ». L’intégration de l’élève à besoins spécifiques ne doit pas se confondre avec un besoin de réussite à tout prix !

Les participants présents de la salle se sont posés plusieurs questions :

  • Le fait d’être une école à pédagogie active est-elle une condition de départ : il semble que non. Ceci étant il est vrai que dans les écoles à pédagogie active, l’élève ne se retrouve pas en principe dans une situation d’échec. Il y a toujours des activités dans lesquelles ils peuvent valoriser leurs compétences. Les erreurs sont permises et les points ou évaluations sélectives n’ont pas leur place.
  • Le fait d’avoir un projet pédagogique fort et cohérent aide à créer une culture
  • Ne faut-il pas accentuer l’impact des formations tant initiales que continuées et informer sur les aménagements raisonnables, la nécessaire collaboration avec les parents. On constate une méconnaissance à la fois des droits et des dispositifs mis en place.
  • Quelle formation en Haute Ecole Pédagogique : faut-il aborder davantage les besoins spécifiques ou au contraire, aborder la différenciation de manière transversale dans tous les cours ?
  • Quelle formation manque-t-elle aux directions d’établissements ?
  • Vise-t-on à terme la disparition de l’enseignement spécialisé ? Est-ce envisageable ?
  • Comment rencontrer les problèmes de comportement chez des élèves ?
  • Quid de l’arrivée d’orthopédagogues cliniciens ?
  • N’y a-t-il pas un travail à faire au niveau des communes, en créant un réseau et en lui apportant des ressources et du soutien ?
  • Pourquoi est-ce si difficile de sortir de la démarche de catégorisation des élèves et de cette propension à coller des étiquettes sur des enfants qui sont en difficulté ?
  • Que penser de directions qui accueillent des élèves à besoins spécifiques mais ne sont pas là pour soutenir leurs enseignants ?

Une troisième table ronde a permis de donner la parole à des enseignants. Ceux-ci ont à nouveau souligné l’impact négatif des étiquettes et l’importance du regard à avoir sur tout enfant.

On évoque aussi l’idée d’un service référent au sein de l’école pour les élèves à besoins spécifiques.

Les parents semblent venir avec des demandes précises en termes d’aménagements et ces demandes sont négociées. Mais un bilan fait par des spécialistes est nécessaire Pour les enseignants, le sentiment est de ne pas en faire assez alors qu’on pourrait être satisfait avec de petites réussites.

La différenciation s’opère dans les classes en réponse à des situations où l’élève est ségrégué. De fait, en primaire, on abandonne l’enseignement frontal. Une série d’aménagements (par exemple des feuilles) se font d’office.

Un soutien venant de l’extérieur est apprécié. Parfois ces intervenants extérieurs sont requis et payés par les parents eux-mêmes.

Restent des difficultés entre enseignants d’écoles différentes.

Par ailleurs, on souligne l’effet toxique que peuvent avoir certains aménagements comme le tiers temps par exemple qui prive l’enfant d’un temps de récréation…

Les classes intégrées (appelées erronément classes inclusives) posent question : les élèves se sentent discriminés et stigmatisés et ce, malgré des activités communes avec les autres élèves de l’école.

En secondaire, les élèves sont davantage amenés à travailler en autonomie avec un plan individuel

On souligne encore le rôle important d’un orthopédagogue au sein de l’école ainsi que le fait de travailler à plusieurs, ce qui favorise les échanges.

Enfin le co-enseignement peut être intéressant comme formule mais suppose une très bonne entente entre les enseignants

  • Conclusions

Dans son exposé final, Jean-Jacques Detraux souligne les points suivants :

  • La nécessité de distinguer logique intégrative et logique inclusive en appréhendant bien les enjeux d’une école inclusive
  • Voir l’inclusion comme un processus à co-construire pas à pas, en se préoccupant de tous les élèves et en particulier des élèves à risque
  • Il s’agit de partager au sein de la communauté scolaire, des valeurs communes et de considérer que tout enfant peut apprendre
  • La ségrégation n’est pas une option défendable ni sur le plan éthique et philosophique ni sur le plan scientifique ni sur le plan des pratiques pédagogiques
  • Il s’agit d’initier un double mouvement : au niveau de la base, informer, former, construire un langage conceptuel commun et s’engager au sein des équipes éducatives avec le soutien inconditionnel de la direction ; au niveau des responsables, indiquer clairement l’objectif à atteindre et planifier les diverses étapes pour y arriver
  • C’est le projet qui est au centre et non l’élève stigmatisé. C’est le projet qui relie les acteurs
  • Le regard sur l’élève doit changer, à commencer au niveau des pratiques évaluatives qui doivent être davantage axées sur la compréhension du fonctionnement de l’élève et ses compétences plutôt que sur une approche catégorielle. Les élèves doivent être impliqués dans le projet qui les concerne
  • Il s’agit de penser formation initiale et formation continuée ensemble, de renforcer les compétences des enseignants à l’observation et la connaissance du comment l’enfant apprend, mais aussi à la pédagogie différenciée et aux diverses approches qui ont fait leurs preuves
  • Les chercheurs devraient davantage s’investir dans le domaine de l’éducation inclusive
  • Le système de financement devrait aussi être revu et ne plus se faire uniquement sur la base de l’élève

L’objectif final est contenu dans la pyramide des interventions, dont plusieurs versions circulent.

Enfin, l’approche proposée par la Pacte s’inscrit dans une logique intégrative et non inclusive. Cette approche n’est pas systémique. La logique de concevoir des aménagements raisonnables au cas par cas risque fort de conduire les enseignants à un épuisement. On le voit, plusieurs équipes éducatives, bien soutenues par leur direction, pratiquant une pédagogie active ou non, se sont clairement engagées dans un travail de construction de cette école inclusive. Même si le chemin sera long, il nous faut être résolument optimiste.

Jean-Jacques Detraux

Professeur émérite de psychologie et pédagogie à l’Université de Liège et à l’Université Libre de Bruxelles

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »    2. La Dysgraphie

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS » 2. La Dysgraphie

La dysgraphie est un trouble spécifique d’apprentissage qui affecte le geste graphique, entraînant une lenteur importante dans la réalisation des productions graphiques et l’écriture manuscrite, entraînant une malformation des lettres. La calligraphie lente et inégale est souvent accompagnée d’une grande fatigabilité, voire de douleurs. En effet, écrire ou dessiner requiert une énorme tension et des efforts permanents chez une personne avec une Dysgraphie, alors que de tels gestes s’effectuent normalement automatiquement.

C’est en fait un trouble spécifique d’apprentissage qui se traduit par des difficultés de coordination et de la conduite du trait. Ce trouble n’est pas causé par un déficit neurologique spécifique ou intellectuel. En effet, les personnes qui en sont atteint n’ont aucun retard intellectuel ou déficit neurologique. Les enfants ne manquent pas d’attention et encore moins de volonté. C’est l’organisation même de la fonction graphique qui est touchée.

Ce trouble peut apparaître dès l’apprentissage de l’écriture, en cours de scolarité ou plus tard. En général, l’écriture, une fois maîtrisée, devient automatique. Malheureusement, chez la personne avec dune dysgraphie, les gestes appris ne s’automatisent pas, malgré une rééducation intensive faite par un professionnel. Les productions écrites restent de pauvre qualité, souvent illisible. Ces enfants se révèlent souvent incapables d’être multitâches : dans le même temps réfléchir au mot à écrire, à la manière de former les lettres et orthographier les mots.

La dysgraphie peut avoir plusieurs causes. Elle peut être la conséquence d’autres troubles spécifiques des apprentissages comme la dyspraxie, la dysorthographie ou la dyslexie, les hésitations créant des gestes inadaptés. Elle peut également être une conséquence d’une trouble de l’attention avec ou sans l’hyperactivité (TDAH) ou être liée à la précocité. Environ 70 % des enfants précoces sont touchés par une dysgraphie.

On distingue plusieurs formes de dysgraphies :

  • Les dysgraphies raides, quand l’écriture est raide et qu’il y a une crispation lors de l’écriture. Le tracé est régulier mais anguleux, les droites sont prédominantes sur les courbes avec des changements brutaux de direction. Le crayon est fortement appuyé, on sent le tracé au dos de la feuille qui peut se déchirer ;
  • Les dysgraphies molles : l’écriture de l’enfant est irrégulière dans la dimension des lettres, elle manque de tenue et donne une impression de négligence. Le tracé est petit et arrondi, peu précis, voire atrophié (diminue de volume). Les lignes d’écriture sont ondulantes et les pages peuvent paraître négligées ;
  • Les dysgraphies maladroites : Le trait est de mauvaise qualité, les lettres sont mal proportionnées et les formes sont lourdes avec parfois des pochages[1]. Les pages sont confuses et désordonnées, remplies de multiples retouches, de reprises et de soudures maladroites ;
  • Les dysgraphies impulsives : l’enfant écrit vite au détriment de la forme des lettres qui perdent toute structure ; les gestes sont rapides, parfois saccadés et non contrôlés entraînant une écriture désorganisée. L’enfant préfère la précipitation à la qualité, dès lors ses pages paraissent négligées ;
  • Les dysgraphies lentes et précises dans lesquelles, à l’inverse des dysgraphies impulsives, l’enfant parvient à écrire correctement, avec une écriture très appliquée et un excès de précision mais en fournissant un effort épuisant. L’écriture est ainsi excessivement lente, appliquée et précise. Elle a parfois un aspect calligraphique. Cela explique pourquoi c’est la dysgraphie la plus difficile à diagnostiquer, car qui penserait qu’un enfant ayant une jolie écriture puisse avoir des difficultés ?

La dysgraphie concerne environ 10 % des enfants, et surtout des garçons.

Signes qui doivent alerter

Il est de nombreux signes différents qui peuvent indiquer la présence d’un trouble dysgraphique. Ce n’est pas parce qu’un enfant présente un des signes suivants qu’il est automatiquement porteur de ce trouble. Seul des spécialistes sont à même de détecter un trouble de la dysgraphie. En général, un diagnostic de dysgraphie est posé par une équipe pluridisciplinaire: psychologue, ophtalmologiste, orthoptiste, orthophoniste, psychomotricien, … . L’avis d’un neuropédiatre sera nécessaire pour interpréter les bilans médicaux et paramédicaux établis par l’équipe pluridisciplinaire.

  • Une mauvaise connaissance de son schéma corporel, c’est-à-dire de sa morphologie (ses limites dans l’espace), de ses possibilités motrices (souplesse, rapidité, …), de ses possibilités d’expression à travers le corps (attitudes, mimiques, …). L’enfant n’arrive pas à utiliser le vocabulaire corporel, à se représenter correctement sur un dessin, à assembler les morceaux d’un pantin. L’enfant ne se perçoit pas comme un tout ;
  • Une mauvaise organisation spatiotemporelle : l’enfant a des difficultés à écrire correctement ou à écrire sur la ligne, ses opérations mathématiques ne sont jamais alignées correctement, il est dans l’incapacité de comprendre une carte de géographie. Il est vite perdu dans l’organisation, dans la méthodologie, il ne sait plus où il en est dans un apprentissage, il fait les choses dans le désordre ou à l’envers. Les notions de temps, d’heure, de chronologie, de suites logiques lui sont incompréhensibles. La lecture et l’écriture sont touchées : il s’embrouille, inverse les lettres, perd la structure et la syntaxe de la phrase, … On constate une lenteur et des difficultés à l’école dans les exercices réclamant un passage à l’écrit. De même, des difficultés persistantes dans la reproduction de formes. Il a difficile à visualiser la page et ne parvient pas à écrire sur les lignes ;
  • Des difficultés de latéralisation : l’enfant est malhabile, gauche, a une démarche souvent raide et lourde. Il ne sait pas comment « bien bouger ». Il n’’investit pas les activités sportives ;
  • Un retard dans le développement psychomoteur ou des troubles praxiques (difficultés dans l’enchaînement automatique, c’est à dire l’élaboration, la planification et l’automatisation de mouvements volontaires et de gestes précis), mauvaise tenue persistante des outils (ciseaux, règle, crayon). Crispation dans la tenue du crayon, l’enfant peut trouer la feuille sur laquelle il écrit, tellement il appuie fort ;
  • Des difficultés de concentration entraînant une écriture plus irrégulière, saccadée. Les automatismes sont plus difficiles à intégrer. Le rythme d’écriture est inadapté : l’enfant peut être très lent et faire beaucoup d’efforts pour obtenir un résultat plus ou moins correct ou à l’inverse écrire trop rapidement de façon impulsive. L’écriture peut être peu lisible : l’enfant colle les lettres, les superpose, juxtapose des lettres trop grandes à d’autres plus petites, il y a des télescopages, des tracé trop légers ou trop écrasés, le geste tremble ou est très mal maîtrisé, les lettres sont de mauvaises dimensions, le sens de la graphie n’est pas respecté, le travail semble très peu soigné. En grandissant, le jeune adopte souvent une écriture scripte[2] ;
  • Des enfants hypertoniques ou hypotoniques. Leur geste graphique manque de contrôle et produit une écriture maladroite. Il y a souvent fatigue et des crampes peuvent survenir lors de l’écriture. Le poignet est rigide ;
  • Des problèmes d’ordre psychologique tels que le manque de confiance en soi, anxiété à l’approche de l’écriture, le refus d’écrire ou le désir de non-communication, voire encore le désir de ne pas grandir.

Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)

  1. Au niveau de l’écrit
  • Eviter les pressions. Un élève dysgraphique ne sait pas écrire plus vite, ne pas culpabiliser l’enfant sur l’état de ses cahiers et de ses productions écrites, ne jamais obliger un élève à recommencer un travail écrit jugé non-satisfaisant ;
  • Veiller à ce que son crayon ou le stylo soit correctement tenu. Pour les dysgraphiques, l’écriture manuelle n’apporte rien sur les apprentissages, pire elle peut même les retarder ;
  • Faites attention à ce qu’il n’ait pas tendance à écriture trop vite ;
  • Veiller à ce qu’il soit attentif au sens de rotation des lettres rondes, continuer l’entraînement graphique (via des séquences courtes) ;
  • Dans les petites classes, privilégier les lettre mobiles (façon Montessori ou autre) ;
  • Privilégier des productions écrites courtes ET lui donner du temps supplémentaire, mais rester exigent sur la qualité de l’apprentissage lui-même ;
  • Adaptez les exercices pour limiter la quantité d’écrits ;
  • Privilégier l’oral à l’écrit ;
  • Inviter l’élève à montrer ses connaissances et à ne pas se focaliser sur l’écrit ;
  • Privilégier la qualité du travail à sa quantité. On peut souvent faire aussi bien en faisant moins. L’école à tendance à multiplier les mêmes exercices alors que ce n’est pas nécessaire ;
  • Organisation spatiale et temporelle
  • Veiller à lui fournir des cours complets et exploitables (photocopies, …) ou veillez à ce que ceux qu’il a copiés soient clairs et compréhensibles. En échange, exigez qu’il sache possède la matière ;
  • Soyez attentif à ce qu’il soit correctement installé. Son banc ou sa table doit être adaptée à ses difficultés. Elle doit être large et à la bonne hauteur. De même, sa chaise doit être adaptée à sa taille et qui lui permettre d’avoir un bon appui sur le sol ;
  • S’il lui en manque, veillez à lui fournir les outils nécessaires et adaptés aux apprentissages (stylo, latte, crayon, feuille, etc.) ;
  • Via le tutorat, proposer une tournante dans la classe afin qu’un élève puisse lui servir de secrétaire ou de relecteur ;
  • Les solutions techniques
  • Passer au clavier. L’école est presque exclusivement axée sur l’écrit. L’enfant va écrire pratiquement jusqu’à 6 heures à 8 heures par jour selon son niveau de scolarité. Il est indispensable de soulager l’écriture manuelle et de proposer un passage au clavier (tablette, ordinateur, imprimante) ;
  • Privilégier les outils de dictée vocale ;
  • Fournissez-lui des photocopies pour chaque cours[3], afin qu’il ait la possibilité de les revoir et de les étudier ;
  • Avant l’évaluation
  • S’assurer de la mise en place de remédiations immédiates (ou de tutorat) dans chaque cours. Sans remédiation l’élève se décalerait de plus en plus par rapport à la vitesse et la qualité d’écriture de son âge.
  • Au niveau de l’évaluation
  • Privilégier l’oral, quel que soit le niveau d’études pour vérifier les connaissances ;
  • Se focaliser sur les connaissances et non sur l’orthographe, évaluer la réponse et non la manière dont elle a été écrite ; 
  • Accepter les productions faites au clavier, avec correcteur orthographique.

De manière générale, les aménagements raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous les élèves de bénéficier des mêmes facilités, on évite non seulement la stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques mais qui ont des difficultés d’apprentissage, d’en bénéficier. C’est aussi introduire un peu de justice dans les apprentissages.  

En période de stage ou en enseignement en alternance

Même lorsqu’une prise en charge a été correctement mise en place dès le plus jeune âge, les difficultés de graphie persistent et ne disparaissent jamais. Les troubles orthographiques demeurent. Le jeune aura toutes les difficultés du monde à rédiger un texte graphique (vitesse), sera difficilement lisible et fera régulièrement des fautes d’orthographe qui peuvent avoir des conséquences dans le cadre professionnel, voire dans la vie quotidienne. Cela peut se révéler pénalisants pour un adulte dans l’emploi.

Lorsqu’un jeune ayant une dysgraphie entre en stage dans une entreprise, ou quand un jeune travailleur commence un premier (ou un nouvel) emploi, il est nécessaire de mettre des aménagements raisonnables en place.  Par exemple (ceci est loin d’être exhaustif) :

  • Privilégier l’oral à l’écrit. La relation entrepreneur/travailleur doit se faire de vive voix ;
  • Eviter de lui demander de prendre des notes. En cas de nécessité, mettre à la disposition du travailleur des stylos-billes ergonomiques (qui améliorent la préhension et réduisent la fatigue de l’écriture) et ou des crayons triangulaires qui fatiguent moins l’écriture ;
  • Informatique : mettre en place un outil de dictée vocale ;
  • Durant les formations, fournir un syllabus suffisamment explicite pour que les prises de notes soient inutiles et permettre l’enregistrement par la personne qui suit la formation.

Pour plus d’informations, prendre contact avec l’Aviq (Wallonie) ou avec Phare (Bruxelles).


[1] Lettres teinte à l’encre.

[2] L’écriture scripte est une écriture manuscrite dans lequel les lettres ne sont pas liées les unes aux autres et dont le tracé correspond approximativement, en le simplifiant, à celui des caractères typographiques utilisés en imprimerie.

[3] Sur les photocopies, voir notre fiche sur la dyslexie et la dysorthographie.

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