Liberté et devoirs des établissements scolaires

Liberté et devoirs des établissements scolaires

Il faut savoir qu’historiquement, après la révolution belge, le gouvernement provisoire a proclamé la « Liberté d’enseignement », considérant qu’il s’agissait d’adopter la même solution à la question générale de la liberté d’opinion et la liberté de culte. De ce fait, il a instauré un régime de concurrence entre les écoles et les futurs réseaux, refusant ainsi que qui que ce soit ait le monopole de l’enseignement : ni l’Etat, ni l’Eglise. Cette concurrence est malheureusement toujours porteuse d’inégalités entre les élèves.

Dès lors, chaque acteur et chaque actrice avait une liberté totale en fonction de ses droits : les écoles (pouvoirs organisateurs), les parents et, enfin, les enseignants, les enseignantes, les chercheuses et les chercheurs.

Les pouvoirs organisateurs obtenaient ainsi toute liberté pour ouvrir une école, pour la maintenir, pour déterminer son projet philosophique ou religieux et ses méthodes pédagogiques (en général, on parlait très peu pédagogie à cette époque). Ils avaient le libre choix de leur personnel, des missions de l’école pour concrétiser ses valeurs philosophiques ou pédagogiques et tout pouvoir de décision dans l’organisation de leurs établissements. Les écoles restaient soumises au Droit belge, mais tout ce qui ne relevait pas d’une réglementation par les autorités compétentes ressortait, de ce fait, de l’autorité scolaire. Les établissements subventionnés étaient ainsi quasiment autonomes.

Les parents avaient, quant à eux, le libre choix de l’école et, dans les établissements organisés par l’Etat, de pouvoir choisir entre l’enseignement d’une religion reconnue et la morale non confessionnelle.

Les enseignant.e.s et les chercheurs.euses bénéficiaient de la liberté académique. Autrement dit, de choisir leurs thèmes de réflexion et leurs méthodes pédagogiques.

L’article 6 de la Loi sur le Pacte scolaire (1959) définit que « Chaque pouvoir organisateur est libre en matière de méthodes pédagogiques ». En 1997, le décret « missions » a réaffirmé cette autonomie en indiquant que « le contrôle de la Commission des programmes ne porte pas sur les méthodes pédagogiques ». Ces dernières correspondent donc bien à une prérogative des pouvoirs organisateurs.

Cependant, ce sont les programmes des réseaux qui imposent les options pédagogiques aux enseignants. Mais pour la mise en œuvre de ces derniers, chaque enseignant.e est libre de définir ses pratiques pédagogiques dans sa classe ou en concertation avec ses pair.e.s pour celles qui seront mises en œuvre dans l’établissement.

L’Ecole, lieu de non-droits

Puisque chaque PO est libre d’établir un règlement des études à sa sauce, du moment qu’il ne soit pas en contradiction avec le Droit belge. On y trouve les valeurs morales et parfois religieuses de l’établissement. Cela va du progressisme au réactionnaire, en passant par l’humanisme et le conservatisme. Avec souvent un mélange des genres. Il vise souvent à codifier les rôles des élèves au sein de l’école ou lors d’activités extérieures organisées par les enseignant.e.s. Il a surtout pour mission de protéger l’école et les adultes qui y travaillent, et très peu les élèves. Il reprendra la liste des sanctions applicables et la manière dont doivent se comporter les élèves pour les éviter. On y parle très rarement de Droit, mais le plus souvent de devoirs mâtinés d’un longue liste d’interdits.

Le rôle de l’école doit, notamment, être de « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste, respectueuse de l’environnement et ouverte aux autres cultures[1] ». Cependant, les Règlements des études, vont la plupart du temps, à l’encontre de cet objectif. Plutôt que de viser l’autonomie de chaque élève, la participation citoyenne et solidaire, elle leur apprend la docilité, l’obéissance et la soumission.

En définitive, un Règlement des études est la « Loi » de l’établissement que seul.e.s les élèves doivent respecter. En effet, il ne s’applique pas aux enseignant.e.s qui n’hésitent pas à le transgresser volontairement ou par ignorance. Ainsi, dans la liste des sanctions reprises ci-dessous, on peut raisonnablement douter que tous les enseignants et toutes les enseignantes respecteront la hiérarchie telle qu’inscrite dans le Règlement des études. L’exclusion d’un.e élève d’un cours (point d.) est souvent la première sanction.

a. le rappel à l’ordre,

b. la remarque au journal de classe,

c. le travail supplémentaire,

d. l’exclusion d’une période de cours,     

e. la suppression de permissions et d’avantages (carte de sortie, heures libres en début

et fin de journée, gestion libre des heures d’étude)

f. la retenue après 16h00,

g. la retenue le mercredi après-midi,

h. le travail de réparation/d’utilité collective,

i. la convocation à la direction,

j. l’exclusion de plusieurs périodes de cours,

k. l’ouverture d’un dossier disciplinaire avec convocation des parents,

l. l’exclusion de l’école pour un ou plusieurs jours,

m. l’exclusion définitive

Le Règlement des études est la « Loi » du plus fort. Ainsi, quand on lit que « L’élève qui sera pris à tricher lors d’une évaluation périodique ou d’un examen sera sanctionné d’un zéro pour cette épreuve. », l’école omet les principes élémentaires du Droit. Le premier est la charge de la preuve. Etre pris à tricher, encore faut-il le démontrer. Ensuite, chaque accusé.e à droit d’être défendu. Enfin, la personne qui a surpris l’élève trichant est-elle celle qui a confectionné l’épreuve ? Dans l’affirmative, ce serait contraire au Droit fondamental, puisque « Nul.le ne peut être juge et partie ». Cette personne se ferait justice elle-même, ce qui est interdit par le Droit.

Il s’agit d’un vieux principe de Droit venant de l’expression latine « Aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars » qui se traduit par « personne ne doit être juge de sa propre cause, parce qu’on ne peut être à la fois juge et partie ». Bien connue des juristes, elle signifie qu’on ne peut pas rendre une décision juste lorsqu’on a un intérêt à la décision rendue.

Cela vaut pour chaque interrogation, évaluation, bilan ou examen coté réalisé par un ou une professeur.e qui a donné le cours. Ils ou elles ont un intérêt à la décision rendue et sont donc juges et partie. Ce qu’ils ou elles évaluent n’est rien d’autre que leur capacité à transmettre un savoir à l’ensemble des élèves de la classe, sans en oublier aucun.e. Quand on sait que les professeur.e.s qui n’ont pas d’échecs sont traités de « laxistes », ce que la plupart veulent éviter. On peut se dire que le cotation a toutes les chances de ne pas être juste, ou que les questions rédigées ont toutes les chances de veiller à ce que tout le monde ne réussisse pas. 

Exemple : La problématique de la tenue des élèves

Avec le mouvement #metoo, on pouvait espérer voir enfin fleurir des Règlements des études dégenrés. Certaines écoles semblent, en effet, ne pas vouloir faire de différences entre les filles et les garçons en ne rédigeant qu’une seule règle valable pour tou.te.s les élèves. Mais à y regarder de plus près, on comprend vite qui, des filles ou des garçons, sont visé.e.s. L’article sur les tenues des élèves du règlement suivant en est un parfait exemple :

Ne sont donc pas toléré(e)s

« Les vêtements exagérément courts, collants, échancrés, provocants ; sont donc à réserver pour d’autres lieux et circonstances les dos nus, épaules découvertes, sous-vêtements apparents, nombrils à l’air, profonds décolletés et jupettes ultra-mini »

Même lorsqu’ils sont rédigés tant pour les filles que pour les garçons, les Règlement des études restent clairement machistes. Dans l’école suivante, en dehors des couvre-chefs, ils visent exclusivement les filles :

La tenue vestimentaire doit être en rapport avec les activités scolaires : il est interdit de porter un couvre-chef dans les bâtiments ; les tops, dos nus, mini-jupes, décolletés, shorts courts et bermudas fantaisies sont interdits dans l’enceinte de l’école.

Dans d’autres écoles, ils sont carrément genrés. Le premier paragraphe concerne les filles, tandis que le second vise les garçons. On remarquera que les filles sont responsables de la bienséance dans l’école car elles risqueraient d’être provocantes, au contraire des garçons. Ces derniers n’ont pas les mêmes interdits que les filles ; ils ne doivent pas avoir de tenue « décente », peuvent avoir les épaules dénudées et le haut de la chemise déboutonnée de manière non discrète. C’est clairement du machisme :

Pour les jeunes filles :

– Tenue décente et non provocante [jupe maximum 10 cm au-dessus du genou], pas d’épaules ni de ventre dénudés, décolleté discret, pas de pantalon troué.

– Pas de piercings autres que des boucles d’oreilles discrètes.

– Maquillage discret, colorations de fantaisie interdites.

Pour les garçons :

– Pas de négligé ni de débraillé, pas de pantalon troué. Le bermuda est seulement autorisé au 1er degré. Pour le 2e et 3e degré, le pantacourt [pantalon ¾] est accepté.

En cas de fortes chaleurs [plus de 29° degrés à l’ombre] le port du bermuda [couleur unie et sans motif] sera autorisé pour les élèves des 2e et 3e degrés.

– Pas de piercings.

– Colorations et coupes de fantaisie interdites.

Les Règlement des études sont rédigés de manière à éviter d’appliquer l’article 6 du Décret Missions (alinéa 3) et, de ce fait, de rendent impossible la formation de citoyennes et citoyens libres et égaux. Que ce soit au niveau de la tenue réglementaire ou des interdits et contraintes imposés par le Règlement des études, tout est mis en place pour former de futur.e.s adultes soumis.es.

La solution existe. Elle se trouve dans la pédagogie institutionnelle. Mais pour appliquer les enseignements de Fernand Oury[2], encore faudrait-il que les écoles pratiquent déjà une pédagogie active et coopérative. Elles utilisent le plus souvent une pédagogie passive et compétitive.

La pédagogie institutionnelle permet aux étudiant.e.s de participer activement à l’élaboration des lois et règlements d’une classe ou d’un établissement scolaire, au travers des différents « conseils de coopération » (de classe, de degrés, d’école). Ils permettent de co-construire les lois, mais également d’établir les sanctions afin que ce ne soient plus les adultes qui fassent la loi – leur loi – mais qu’ils n’aient plus que la charge de la faire respecter, tout en la respectant eux-mêmes.

Quand, dans une classe ou dans une école, les élèves sont co-constructrices et co-constructeurs des règlements et sanctions. Les lois sont beaucoup mieux respectées, parce qu’elles sont les « leurs ».


[1] Code de l’enseignement, Livres 1 et 2, Art 1.4.1-1, 3°

[2] Fernand Oury, instituteur décédé en 1998 est le père de la Pédagogie institutionnelle.

EVRAS et inclusion

EVRAS et inclusion

L’école réellement inclusive est également motivée par la lutte contre toutes les discriminations à l’école.

Si l’Ecole inclusive accueille tou.te.s les élèves, elle doit notamment veiller à ce que chaque élève y soit accueilli.e sans aucune discrimination, quel.le que soit son genre ou son orientation sexuelle. Même si en 1997 on ne parlait pas encore d’Ecole inclusive, la lutte contre les discriminations basées sur le genre est la raison pour laquelle le Décret Missions a imposé l’Evras à toutes les écoles fondamentales et secondaires.

Le même Décret Missions, en son article 6[1], précise que le rôle de l’Ecole est, notamment, de :

3° préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste, respectueuse de l’environnement et ouverte aux autres cultures ;

4° assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.

Ces deux missions ne peuvent être réalisées que par des citoyen.ne.s qui ont pu se construire dans un lieu d’apprentissages tolérant, ouvert et respectueux des sexualités. Des élèves qui ont vécu dans un milieu respectueux des genres, qui sont capables d’avoir des attitudes respectueuses de l’autre face aux aspects de la sexualité et des relations amoureuses. Ainsi, ils auront aussi appris à vivre l’égalité entre partenaires, à refuser un jour de subir un mariage forcé, à refuser les mutilations génitales de leurs futurs enfants, filles ET garçons, à lutter contre l’homophobie et la transphobie.

Voilà pourquoi l’EVRAS est indissociable de l’Ecole inclusive. L’aspect « vie relationnelle, affective et sexuelle » se vit au quotidien lorsqu’on est majeur. Nous ne sommes plus au XXe siècle. Aujourd’hui femmes et hommes sont égaux par rapport au Droit et doivent bénéficier des mêmes chances d’émancipation sociale.

Mais c’est loin d’être le cas dans la réalité de la vie de tous les jours. Pensons au mouvement #metoo, mais aussi aux familles dans lesquelles les femmes ne peuvent pas travailler. A ces milieux où les filles ne peuvent pas aller jouer avec leurs amies mais doivent rester à la maison pour aider à la cuisine, au nettoyage, à la garde des petit.e.s frères et soeurs. Où l’éducation qu’elles reçoivent ne vise qu’à en faire de futures bonnes épouses et de bonnes mères. Comme pourraient-elles sortir de ces cercles vicieux si l’Ecole ne leur vient pas en aide, en les éduquant, en leur apprenant qu’elles sont les égales parfaites des hommes ? Que personne ne peut leur imposer des choix de vie qui ne sont pas les leurs, même dans un couple ?

Comment les personnes LGBT peuvent-elles vivre dans une société qui ne leur est pas ouverte ? Où les risques d’agressions sont fréquents et souvent commis par des jeunes qui sortent à peine de l’Ecole ? Preuve qu’ils n’ont rien appris de la vie relationnelle, affective et sexuelle. Ou alors une toute petite fois à gauche ou à droite dans leur cursus, parce l’école – qui a peur d’en parler – a invité une association pour les informer. Une association qui oublie parfois tout l’aspect LGBT.

L’Evras est une mission essentielle de TOU.TE.S les enseignant.e.s. Ce n’est pas parce qu’on est prof de math qu’on n’est pas éducateur. Un.e enseignant.e est d’abord et avant tout une éducatrice, un éducateur. La Convention des Droits de l’Enfant parle de « Droit à l’éducation » et non de Droit à l’école. Et un droit à l’éducation ne peut être appliqué que par des éducateurs et éducatrices, qui sont accessoirement, également professeur.e.s.

Il est important de travailler sur le climat scolaire en créant des espaces de dialogue, dès la maternelle. La pédagogie institutionnelle est un outil précieux si on évacue son aspect psychanalytique. Le Conseil de coopération permet à chacune de s’exprimer et d’apprendre à respecter la parole de l’autre, à débattre sereinement et à co-construire le vivre ensemble.

Il est indispensable de travailler également avec les familles. Le lien école-famille se doit d’être renforcé. Le fait de mettre l’EVRAS dans le projet d’établissement, en précisant bien que tous les élèves seront sensibilisés à cette dernière tout au long de leur scolarité, rassurera de nombreuses familles qui ont difficile à aborder ce sujet avec leurs enfants. Les parents, ayant signé le projet d’établissement, accepteront de fait que l’Evras soit une des priorités de l’école et sont invités à soutenir, en famille, l’éveil de leur.s enfant.s à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle.

Obligations des écoles en matière d’inclusion

Tant les textes internationaux que nationaux obligent chaque citoyen.ne, entreprise, association, école, etc. à tout mettre en œuvre de manière à ce que les personnes en situation de handicap puissent bénéficier de la plus grande inclusion possible. A commencer par la Constitution belge qui, en son article 22ter affirme que « Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris à des aménagements raisonnables. »

Décret anti-discrimination de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Depuis 2008, le refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne en situation de handicap constitue une discrimination. Il y a donc obligation, sauf si ces aménagements sont déraisonnables (exemple : placer un ascenseur dans un bâtiment pour permettre à un.e élève d’accéder à un local de cours). Les aménagements raisonnables participent de l’ « intégration » (cfr Décret « Aménagements raisonnables »). Ils doivent répondre aux besoins spécifiques d’un.e élève.

De même, le Décret définit des « Critères protégés » pour laquelle aucun discrimination n’est acceptable : la nationalité, une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, l’âge, l’orientation sexuelle, la conviction religieuse ou philosophique, un handicap, le sexe et les critères apparentés que sont la grossesse, l’accouchement et la maternité, ou encore le changement de sexe, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.

Les établissements scolaires sont donc tenus de respecter ce Décret et de s’abstenir à tous niveaux de discriminer un.e élève sur base d’un des critères ci-dessus. Le refus d’inscription ou de mise en place d’aménagements raisonnables, par exemple, constitue bien une discrimination sur base de l’un de ces critères et est donc bien une ségrégation punissable.

La Convention des Droits des Personnes handicapées.

En ratifiant la Convention internationale des Droits des personnes handicapées en 2009, la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est engagée à « adopter toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention [2]». Et donc, son article 24 oblige les Etats à faire en sorte que le système éducatif pourvoie à l’insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d’éducation qui visent la participation effective des personnes handicapées à une société libre.

Dès lors la FWB – et toutes les institutions qu’elle subsidie – doit veiller à ce que les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap, du système d’enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire et, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire (également inclusif).

Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent avoir accès, sans discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres, à l’enseignement tertiaire général, à la formation professionnelle, à l’enseignement pour adultes et à la formation continue. À cette fin, ils veillent à ce que des aménagements raisonnables soient apportés en faveur des personnes handicapées.

L’école doit donc être inclusive pour tous les élèves.

Dans les faits, les écoles visent-elles l’inclusion ?

Si l’on veut se faire une idée de la volonté des écoles de devenir inclusives, c’est dans le projet d’établissement ainsi que dans le projet pédagogique qu’il faut chercher. L’objectif d’être inclusive doit y figurer dans les détails. Ici, nous sommes loin d’un simple paragraphe inséré dans deux textes obligatoires. Il s’agit, non pas d’y inscrire un roman, mais à tout le moins un projet qui se décline en de multiples aspects qui évoluent d’année en année. Comme nous le décrivions ci-dessus, l’inclusion est un processus. Il n’est jamais terminé. D’année en année, les projets d’établissement et pédagogique doivent être adaptés et décrire les avancées de ce processus.

Mais si l’on veut se faire une idée rapide de la volonté d’inclure tou.te.s les élèves dans un établissement, le plus simple sera de prendre le règlement des études. Ce dernier qui, en général est pensé par une direction avec ou non l’équipe enseignante, nous permettra de voir la place que l’école réserve à ses élèves. Sont-ils partenaires de ce règlement ? Ont-ils pu le travailler au travers de Conseils de participation coopératifs ? La place de chacun.e sans discrimination aucune est-elle garantie ? Quelles sont les systèmes de concertation, les lieux de dialogue, les personnes ressources, … ? Le point sur les tenues est-il co-construit avec les élèves ou imposé par le bon ou mauvais vouloir d’une direction ?


[1] Code de l’enseignement livres 1 et 2 : CHAPITRE 1er. – Des missions prioritaires, Article 1.4.1-1

[2] Article 4 a

EVRAS : Analyse de situations difficiles 

EVRAS : Analyse de situations difficiles 

La problématique des grossesses précoces

Même si cela n’est pas fréquent, il arrive de temps à autres qu’une école soit confrontée à une grossesse précoce. La Belgique est relativement épargnée puisque le taux de maternité chez les adolescentes est de 11 pour mille, soit plus ou moins 1 élève sur 100 ; tandis que la moyenne européenne s’élève à 24 pour mille. Cependant, la plupart du temps, les jeunes filles recourent à la contraception d’urgence ou à l’IVG, en toute discrétion. Mais le bouche à oreille peut faire des dégâts. Il suffit qu’un.e ami.e dans la confidence ne tienne pas sa langue et la jeune fille peut devenir victime de moqueries ou d’insultes.

Les trois quarts des jeunes filles avortent. L’école doit protéger ses élèves, tant à l’égard des pairs que des adultes. On sait que l’IVG[1] est encore décriée dans certains milieux. Des enseignant.e.s opposé.e.s à l’IVG pourraient prendre l’élève en grippe s’ils soupçonnent une interruption volontaire de grossesse. Il est donc important que le Pouvoir organisateur, par l’entremise de la direction, rappelle fermement que l’IVG est un droit et que les enseignant.e.s doivent montrer l’exemple en respectant les lois.

Qu’elle se soit ou non séparée de l’embryon, la jeune fille risque de subir des violences symboliques, tant à l’école que dans sa famille. Elle pourrait être stigmatisée, voire largement insultée. Tous les adultes ne sont pas empathiques et, dans les écoles, la proportion est la même que dans le reste de la société. Il y a des gens formidables et des gens nocifs. Pour ces derniers, une jeune fille qui ne contrôle pas sa sexualité est irresponsable, voire inconsciente. Si la jeune fille assume sa maternité, un véritable chemin de croix s’ouvre devant elle avec, trop souvent au bout, le décrochage scolaire et la perte d’espoir d’un diplôme de fin de secondaire. Il est, en effet très difficile de combiner un rôle de maman avec des études secondaires, voire supérieures, si on ne bénéficie pas d’un soutien plein et entier dans sa famille. En outre, si elle garde le bébé et si le père reste présent dans la vie de la jeune fille, le pronostic est moins bon : un second bébé a toutes les chances de naître l’année suivante avec, comme corolaire, la fin de la scolarité.

Ces situations se présenteraient nettement moins si l’EVRAS était assuré durant toute la scolarité des élèves, depuis le début de la maternelle. L’école secondaire, de son côté, doit garantir que l’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle ait été assurée depuis le début de la première année jusqu’à la sixième, de manière régulière. Elle doit s’être assurée également, que l’ensemble de ses enseignant.e.s ait été sensibilisé.e.s à l’EVRAS via des conférences pédagogiques. On peut imaginer qu’une conférence pédagogique thématique EVRAS ait lieu tous les trois ans. 

Il est essentiel que les écoles informent leurs élèves – et pas seulement les filles – de l’existence de moyens contraceptifs, ET en les informant sur la manière de les utiliser. Prendre la pilule, par exemple, a peu d’effets si on ne la prend pas conformément à la posologie, mais en la prenant seulement la veille ou le jour même de la relation sexuelle. Il en va de même pour les protections masculines qui ne peuvent être utilisées qu’une seule fois.

Pendant une grossesse, une adolescente tente souvent d’éviter l’école. Surtout si elle doit y subir des violences symboliques, les regards déviants, le mépris de profs. Elle est, de par sa grossesse, en situation de handicap à l’école. Un soutien de l’ensemble de l’équipe éducative est indispensable pour maintenir la jeune fille à l’école. Cette future maman est une élève à besoins spécifiques. Elle a droit, depuis 2018, à la mise en place de TOUS les aménagements raisonnables dont elle a besoin. Et donc, aussi à l’adaptation de son cursus si besoin en est.

Il est évident, qu’à un moment donné, la jeune maman aura une période de congés de maternité. C’est un droit auquel l’école doit répondre positivement. L’année scolaire de cette jeune fille ne durera pas 182 jours, mais 15 semaines de moins. Si elle est en 5e secondaire, l’école peut très bien adapter son année. En supprimant les périodes d’examen, par exemple, en allégeant les cours pour ne garder que les essentiels, en la faisant passer directement en rétho avec l’aide nécessaire pour rattraper son retard.  

Si, par contre, la future maman est en sixième année, l’examen externe du CESS est incontournable, mais les autres examens ou périodes d’examens peuvent très bien être modifiées ou supprimées. Le Conseil de classe – sans la juger – pourra décider de lui octroyer le CESS ou non. Dans une école bienveillante, les aménagements ne devraient pas poser de problèmes.  

Jeune fille régulièrement absente pour règles douloureuses

L’endométriose touche une fille/femme sur dix. En principe, dans chaque classe, une élève en est victime.

Il s’agit encore d’élèves à besoins spécifiques. Elles doivent donc bénéficier d’aménagements raisonnables en fonction de leurs spécificités propres. Par exemple, les enseignants ont de nombreuses possibilités. Comme pour les élèves hospitalisés de longue durée, il est possible de filmer un cours et, soit de l’enregistrer, soit de lui permettre d’y assister en direct par visioconférence. De même, toute évaluation peut être reportée. Le tutorat est un outil extrêmement intéressant en cas d’absences régulières pour permettre aux absentes de récupérer leurs apprentissages perdus. A condition que tou.te.s les élèves soient formé.e.s et pratiquent le tutorat régulièrement.

L’EVRAS permet d’être empathique avec les victimes de l’endométriose, comme avec toutes les victimes de la vie. Il est important de réaliser et d’accepter que nous sommes tous et toutes différent.e.s et que, de ce fait, nous devons toutes et tous nous respecter et nous entraider.

Contrairement au petit jeu que jouent de nombreux établissements scolaires, l’Ecole n’est pas un lieu de compétition, mais d’apprentissage au vivre ensemble. Au niveau de l’EVRAS, il n’y a pas de « normalité ». Toutes les différences sont la « norme ».

Comment gérer le « problème » des tenues prétendument « provocantes » des filles ?

Le 24 mars 2022, un article de la RTBF[2] avait comme titre : « Sa tenue me gênait en tant qu’homme » : quatre heures de retenue à Liège pour une tenue jugée inappropriée.

Une jeune fille sortait avec ses amies du cours de gymnastique en fin de journée, vêtue d’un legging, d’un top blanc et d’une chemise pour entrer chez elle quand elle se fait intercepter par la proviseure jugeant sa tenue inappropriée.  Emmenée dans le bureau du préfet des études, elle témoigne : « Ils nous ont fait comprendre qu’on n’avait rien à dire. Ils nous ont dit que ça les mettrait dans l’embarras si les garçons commençaient à nous regarder et lancent des rumeurs sur nous. Ils n’ont pas été plus loin puisqu’à chaque fois qu’ils justifient ça, ils le font via le règlement d’ordre intérieur de l’école. Ils se cachent toujours derrière celui-ci », précise l’étudiante.

Comme tout règlement d’écoles machistes, celui-ci précise « qu’il n’est pas autorisé de porter dans l’école des tenues vestimentaires non adéquates au contexte de travail scolaire et/ou outrancières : brassière, décolleté, minijupe, mini-short, short bariolé, vêtements transparents, vêtements troués, vêtements de sport (training), tongs, déguisement… » A le lire, on voit bien que ce règlement est sexiste et vise principalement les filles. Brassière, décolleté, minijupe, mini-short, short bariolé, vêtements transparents (…), concernent assez peu les garçons.

Pour la jeune fille en question, « il s’agit clairement de slutshamming. » Ce concept qui est la contraction de deux mots anglais slut (salope) et shame (honte) désigne le fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux[3].

Là encore, ces comportements n’arriveraient pas – ou du moins beaucoup moins souvent – si l’école éduquait ses élèves ET ses enseignants à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Non pas deux fois sur la scolarité, mais au minimum une fois tous les ans.

Les équipes éducatives punissent les filles prétendument mal habillées pour…. les protéger. Mais les protéger de quoi ? De l’école qui n’éduque pas ses élèves ?

Une étude française a été menée en 2015 par des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, sur les conceptions des élèves de 4e et 3e en collège et SEGPA[4] sur la sexualité.

Sans entrer dans le détails de l’étude[5] disponible sur Internet, certaines représentations sont interpelantes. L’homosexualité est encore et toujours rejetée en grande majorité (57 %) et il semble normal « d’insulter quelqu’un qui est attiré par une personne du même sexe » (66 %). Les déclarations des garçons sont significativement plus discriminantes.

Les stéréotypes, et donc le sexisme est toujours bien présent : « le chagrin d’amour c’est une histoire de filles » (55 %) ; « les garçons ne doivent pas exprimer leurs sentiments ni être sensibles » (28 %) ; « les garçons ne pensent qu’à ça » (52,5 %) ; « les filles provoquent les garçons et ensuite elles disent non » (56,8 %) ; « une fille qui propose un préservatif est une habituée » (40 %) ; et enfin, le plus interpelant qui nous ramène aux règlements internes aux écoles : « avec les tenues qu’elles portent c’est un appel au viol » (34 %).

Enfin, 69 % des élèves jugent inacceptable une condamnation pour « tournante » et 44 % une condamnation pour viol.

Ceci est, en grosse partie, le résultat du refus des écoles de remplir leur mission en matière d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Mais est-ce en réglementant les tenues des filles qu’on va régler ce problème ? Ou ne serait-ce pas plutôt en prenant le parti des filles et, notamment, en permettant à celles-ci de s’habiller comme elles le souhaitent, tout en éduquant à l’EVRAS tout au long de la scolarité. Il n’y a que de cette manière que l’on pourra enfin permettre aux unes et aux uns de vivre en véritable harmonie tant dans les écoles que dans la vie ?

On sait que de nombreuses familles ne remplissent pas leur rôle en matière d’éducation à la vie relationnelle et affective. C’est un sujet tabou et les élèves sont nombreuses et nombreux à ne pas parler de leurs relations sentimentales et/ou sexuelles avec leurs parents. Internet est leur seule source d’information au sujet de la sexualité. Et sans doute le pire…

Ceci plaide une fois de plus pour que les écoles remplissent pleinement leur mission d’éducation au quotidien. Il n’est pas question de parler d’Evras tous les jours, mais de reprendre tous les comportements sexistes que l’on rencontre au quotidien et d’éduquer au respect des filles et des femmes.

Les LGBT-phobies

Le rapport Teychenné[6] nous éclaire sur les groupes scolaires concernés par les LGBT-phobies. Et, comme on peut s’y attendre, les jeunes LGBT ne sont pas les seules victimes de violences homophobes ou transphobes (orales, réseau-sociétales ou physiques). Le nombre de victimes dépasse largement les seul·e·s gays, lesbiennes, bisexuel·le·s et transgenres, Queers ou intersex (et +).

De nombreux·ses élèves, qui ne se sentent pas LGBTQI+[7], ne se conforment pas aux stéréotypes de genre. Ils et elles sont repéré.e.s facilement dans les cours de récréation, de par leur façon de s’habiller, de se coiffer, de parler, leur attitude, ou par timidité, par absence de relation sentimentale connue ou simplement à cause du « on-dit ». Ce sont des élèves non-conformes à une prétendue « normalité » que l’école prétend défendre ou pire, dont elle a largement participé à son ancrage dans l’inconscient des élèves.

Par exemple, par le règlement des études qui, au pire des cas, fixe la ou les coiffures acceptées, de même que les tenues vestimentaires, rejetant par-là-même les élèves dissonnant·e·s et les soumettant ainsi à la raillerie, aux moqueries et insultes, voire au coups d’autres élèves homophobes ou transphobes.

Sans oublier les élèves qui vivent dans des familles homoparentales ou ayant un·e parent homosexuel·le. Ils sont faciles à repérer par les harceleurs et harceleuses. Si on compare la Belgique à la France dont la population est 6 fois plus nombreuse que la nôtre, on peut estimer entre 8 000 à 10 000 le nombre d’enfants vivant dans une famille homoparentale[8] et à 50 000, le nombre d’enfants ayant un·e parent homosexuel·le[9], dans notre pays.

Beaucoup d’ados cachent leur orientation par crainte des moqueries ou simplement « pour ne pas attirer l’attention ». Environ 1/3 des élèves LGBTQIA + déclarent que leur identité n’est pas acceptée par leurs camarades de cours. Près de 3/4 de ces ados ne se sentent pas en sécurité à l’école, et une grande majorité dit avoir été victime de remarques homophobes, et estime que l’école n’est pas un environnement accueillant[10].

Encore aujourd’hui, le sujet de l’homosexualité est vu comme embarrassant par beaucoup de profs. Il est cependant important de lutter au quotidien contre l’homophobie et la transphobie. Donc, de rappeler qu’il est interdit par la loi belge de discriminer quelqu’un à cause de son orientation sexuelle.

Tous les élèves doivent se sentir en sécurité à l’école. La Cour européenne des droits de l’homme a indiqué clairement que les propos homophobes en milieu scolaire ne sont pas protégés par les garanties de la Convention européenne entourant la liberté d’expression. La lutte contre l’intimidation homophobe et transphobe requiert une attention et des efforts soutenus de la part des établissements scolaires et des autorités éducatives.[11].

Le « coming-out »

La décision d’un coming-out – tant pas un.e élève, que par un.e enseignant.e – est un choix personnel extrêmement difficile à prendre. Aussi, il doit être pesé longuement avant d’être pris. Là encore l’EVRAS a un rôle important à jouer (même pour les enseignant.e.s).

L’école est encore loin d’être un lieu où l’homophobie et la transphobie sont combattues. Combien d’écoles sont-elles ouvertement des écoles lgbt-friendly ?   

S’il y a un lieu « normalo-genré » où faire son « coming-out » est pratiquement impossible, c’est l’école. Les élèves LGBT n’y trouvent pas un modèle positif qui les inciterait à pouvoir être elles-mêmes ou eux-mêmes. Fort heureusement, il se trouve parfois des enseignant.e.s qui ont pu faire un « coming-out » dans un établissement scolaire ouvert à toutes les différences. Elles et ils peuvent, par leur présence, permettre à des élèves LGBT de moins souffrir en silence.

Il est temps que des écoles deviennent des « Ecoles Pour Tou.te.s »[12]

Vie privée de l’élève VS devoir d’information aux parents

L’école a un devoir : dans le domaine du Droit, elle se doit de respecter à la fois les droits et les obligations des mineur.e.s, de même que les droits et obligations de l’autorité parentale. Elle doit donc agir comme le ferait la Justice par rapport à des comportements et attitudes d’élèves. On n’exerce pas la même autorité sur un.E enfant de 6-7 ans ou un.e élève de 16-17 ans. Il faut donc faire la part des choses.

Prenons l’exemple d’une insulte homophobe. Lorsqu’un.e enfant de 8 ans traite un copain de « pédé » pour l’avoir fait trébucher durant un match de foot à la récré, et qu’un.e jeune de 17 ans insulte de la même manière un.e de ses pair.e.s, les sanctions seront évidemment différentes. Tous les deux transgressent la loi, mais à la/ au plus jeune on expliquera qu’il ou elle ne peut pas insulter les autres et on l’éduquera au respect de toutes les différences pendant le reste de sa carrière scolaire, via l’EVRAS notamment. Quant à la/au second.e qui, logiquement, aura été éduqué.E durant plus de 10 années à avoir une vie relationnelle harmonieuse et à respecter toutes les différences de genre et de préférences sexuelles, il ou elle sera sermonné.e, voire sanctionné.e pour homophobie et devra réparer son geste. Selon ce qui s’est passé, la famille sera ou non prévenue des raisons de la sanction.

Cependant, il faut toujours bien peser le pour et le contre. Prévenir la famille peut être néfaste à l’élève. Il vaut toujours mieux privilégier l’éducation aux sanctions et, dans le cas de ces dernières, de le faire en interne.

Il s’agit toujours de se référer à la Convention internationale des Droits de l’Enfant et aux lois de l’Etat belge. Chaque enfant a des Droits et ceux-ci doivent être respectés. « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale[13]. » Dès lors, cela doit toujours être l’intérêt supérieur des élèves qui doit guider tout.e enseignant.e et chaque école.

C’est évidemment un changement de paradigme pour nombre d’écoles qui, comme on le sait, ne sont pas habituées à respecter les droits de l’enfant. On l’a vu avec le Règlement des études, mais on peut le voir au quotidien avec la fabrique de l’échec scolaire, les orientations vers le spécialisé, le technique ou le professionnel. Sans oublier le redoublement qui est le pire des dénis de droits.

Tou.te.s les élèves capables de discernement ont le droit d’exprimer librement leur opinion sur toute question l’intéressant[14] et cette opinion doit être prise en considération. Dès lors, avant d’informer la famille d’un acte quelconque, l’école doit écouter l’élève. Ce.tte élève doit être entendu.e dans toute procédure, qu’elle soit judiciaire ou administrative en respectant les règles de procédures prévues dans la Loi belge. Les écoles sont tenues de respecter la Loi.

De même, la liberté d’expression qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant[15] doit également être respectée par l’école.

En 1995, l’article 371 du Code civil a introduit la notion du respect réciproque entre l’enfant et ses père.s et mère.s. « L’enfant et ses père et mère se doivent, à tout âge, mutuellement le respect »[16].

Les enfants ont un devoir d’obéissance vis-à-vis des détenteurs de l’autorité parentale. Néanmoins cette « autorité » diminue progressivement avec l’âge. L’artile 371 précise bien que les décisions ne doivent pas être abusives et/ou illicites et doivent tenir compte de l’âge des enfants : « En fonction de l’âge de l’enfant et de l’autonomie progressive de celui-ci, ces missions et prérogatives (des parents, NDLR) subiront quelques aménagements incontournables. Même si la loi ne le dit pas, on n’exerce pas l’autorité parentale de la même façon sur un.e enfant de 8 ans ou de 17 ans de demi[17] »

Les écoles ont donc l’obligation de respecter cette règle et de réagir en « Personne prudente et raisonnable [18]» avant de prendre contact avec une famille pour signaler un fait ou comportement quelconque d’un.e élève. En outre, chaque fois que l’école veut signaler un fait quelconque à un/des parent.s, elle doit s’assurer préalablement que la famille respecte cette notion de « respect » mutuel.

Concernant plus spécifiquement l’Evras, rappelons que l’IVG est un droit qui ne concerne que la personne concernée par une grossesse. L’école n’a pas à se mêler de ce droit mais a le devoir d’accompagner son élève dans (et non contre) l’exercice de ce droit. De même, tout ce qui touche à la sexualité des élèves ne relève que d’eux, dans la mesure où leurs relations amoureuses ne transgressent pas la loi.

La prescription, la délivrance de contraceptifs ne nécessite en aucune manière une autorisation parentale. Il en va de même pour les contraceptifs d’urgence dans une pharmacie. Enfin, l’interruption volontaire de grossesse est un choix personnel qui ne nécessite aucun consentement familial, ni même aucune information à la famille. L’école n’a pas à se mêler des relations sentimentales de ses élèves. Le baiser dans la cour ne dérange que les bigot.e.s. Cela ne fait de tort à personne, mais du bien à celles et ceux qui s’aiment. Il y a donc lieu de ne pas l’interdire dans des règlements bigots.


[1] IVG = Interruption Volontaire de Grossesse.

[2] Radio Télévision Belge Francophone, « Sa tenue me gênait en tant qu’homme » : quatre heures de retenue à Liège pour une tenue jugée inappropriée », par Sarah Lohisse pour Les Grenades. Article paru le 24 mars 2022 à 19:22

[3] RTBF, Ibid

[4] Segpa : Section d’enseignement général et professionnel adapté accueille les jeunes de la 6e à la 3e présentant des difficultés scolaires importantes.

[5] https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2015-1-page-17.htm

[6] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013, http://reseau-lcd-ecole.ens-lyon.fr/IMG/pdf/rapport_teychenne_discrihomophobe_ecole_2013.pdf

[7] Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersex, et plus… (certaines personnes ne se reconnaissent pas dans les 6 premiers termes. Le « + » est destiné à leur permettre de se retrouver incluses dans l’acronyme LGBTQI+).

[8] Rapport de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Les enfants vivant dans des couples homosexuels : il existe très peu de données statistiques sur les couples de même sexe en France. Les chiffres varient selon les chercheurs et les études. Les dernières études datent déjà de plusieurs années et situent (a minima) entre 10 000 et 40 000 le nombre d’enfants concernés. Ces chiffres anciens sont aujourd’hui certainement à revoir à la hausse ».

[9] Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de transparentalité, moins  nombreuses, mais qui existent et nécessitent d’être prises en compte.

[10] Être ado LGBTQIA +, comment le vit-on à l’école ?, RTBF 21 mai 2022 https://www.rtbf.be/article/etre-ado-lgbtqia-comment-le-vit-on-a-lecole-10996511

[11] Conseil de l’Europe, Commissariat aux droits de l’Homme, Strasbourg 02/10/2014

[12] www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/

[13] Article 3 de la CIDE (Convention internationale des Droits de l’Enfant)

[14] Article 12 de la CIDE

[15] Article 13 de la CIDE

[16] Malheureusement, la notion de « respect » n’a pas été précisée.

[17] Fabienne Druant, L’autorité parentale, Service Droits des Jeunes Bruxelles

[18] Anciennement qualifiée de « Bon père de famille »

EVRAS et inclusion

EVRAS et Inclusion : Conclusions

Une école ne sera jamais inclusive si elle n’accepte pas toutes et tous ses élèves tels qu’elles et ils sont dans leur tête et dans leur corps. Chacun et chacune doit pouvoir s’exprimer avec ses différences de genre, de préférences sexuelles, de style d’habillement, de difficultés relationnelles, de timidité, de besoins de reconnaissance ou d’aimer.

La mission de l’Ecole est précisément d’apprendre à chacune et chacun à vivre avec les autres, en bonne entente, dans le respect le plus absolu. L’Evras fait partie de cette mission, comme toutes celles que l’école met en place pour apprendre le vivre ensemble depuis la classe d’accueil à la fin de l’enseignement secondaire. Avant d’enseigner, chaque enseignant.e est d’abord une éducatrice ou un éducateur. L’article 28 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant stipule bien que chaque enfant a droit – non pas à l’école – mais à l’éducation. L’école n’est qu’une des composantes de cette éducation et donc, a pour mission de (article 29) de :

  • Favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;
  • Inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations unies ;
  • Inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ;
  • Préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone ;
  • Inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel.

Ce sont des missions on ne peut plus nobles que trop peu d’écoles prennent en compte. Il est toujours temps de changer son fusil d’épaule.

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