L’école n’est pas faite pour les enfants ayant un handicap invisible

L’école n’est pas faite pour les enfants ayant un handicap invisible

L’école n’est pas faite pour les enfants de manière générale, et spécialement pour les enfants ayant un handicap invisible

Introduction

L’école inclusive a pour mission d’accueillir tous les élèves, quelles que soient leurs différences. Mais on peut très bien accueillir des élèves avec une différence significative sans s’en rendre compte. Lors de nos colloques des personnes de l’associatif (écoles de devoirs et associations en lien avec un handicap) nous interpellent régulièrement : « Il faudrait parler beaucoup plus des handicaps invisibles ». En effet, des élèves porteurs de handicaps ne sont pas pris en charge correctement dans nos écoles – ni au sein de l’extrascolaire – parce que les accueillants et enseignants ignorent tout simplement le.s handicap.s qu’ont certains enfants. Ces derniers, souvent, ne veulent pas en parler, par crainte de stigmatisation ou d’incompréhension.

Il faut savoir que 80 % des handicaps sont invisibles. La plupart arrivent au cours de la vie et ne sont pas toujours apparents. De ce fait, ils peuvent être mal compris. Les enseignants, ignorant les problèmes que cela pose aux élèves, se méprennent sur les capacités ou la volonté de l’élève et les risques d’échec sont fortement multipliés.  

Tous les enseignants n’ont pas fait une année d’orthopédagogie et il y a peu de chances pour qu’ils le fassent un jour. Il s’agit donc, non pas de les former aux handicaps invisibles, mais de leur donner l’information nécessaire à l’accueil et l’intégration des élèves à besoins spécifiques qu’ils ont en classe : maladies chroniques ou graves, handicaps, difficultés spécifiques d’apprentissage.

Le handicap invisible concerne-t-il beaucoup d’enfants ?

Il s’agit d’un problème important car, de ce fait, certains handicaps invisibles sont simplement niés. Des professeurs ne pensent pas à mettre en place des aménagements raisonnables. La déficience intellectuelle, les troubles comportementaux, les problèmes psychologiques ou psychiatriques, certains « dys » risquent d’être considérés, soit comme de la fainéantise, soit comme un défaut d’éducation. Les exemples ne manquent pas. Nous en recevons très régulièrement d’associations avec qui nous travaillons épisodiquement :

  • L’élève dyspraxique est un « cochon » qui ne sait pas (ou ne veut pas) écrire proprement ;
  • L’élève dyslexique risque de voir ses dictées ou rédactions commentées à haute voix devant toute la classe et ses points annoncés tout haut ;
  • L’enfant hyperactif est mal élevé et a des parents démissionnaires ;
  • L’élève ayant une déficience intellectuelle est « bête à bouffer du foin » ;
  • L’étudiante anorexique est responsable de son état car elle pourrait manger comme tout le monde ;
  • L’enfant phobique est un comédien ;
  • L’enfant avec un autisme (non détecté) est responsable s’il est rejeté par tout le monde, parce qu’ « il n’a qu’à faire comme tout le monde » ;

Il est évident que l’idée même que ces jeunes pourraient être en situation de handicap ne nous vient pas à naturellement à l’esprit. Il faut une solide formation ou une solide expérience pour pouvoir repérer ce que les principaux intéressés préfèrent taire, au risque de se voir stigmatisés. Et ce n’est pas avec trois journées annuelles de « conférences pédagogiques » qu’on va les sensibiliser à cela. D’autant plus qu’il n’y a pas que les enseignants qui pensent ainsi. Les directions d’écoles ne sont pas mieux formées et les CPMS ne sont pas d’un grand secours si personne ne les en informe ou ne demande leur aide. Ces élèves sont alors considérés comme autant d’éléments « perturbateurs » avec les conséquences que cela engendre.

Et c’est aussi valable pour d’autres différences, comme la précarité, le fait d’être né dans un milieu populaire, parlant une autre langue à la maison, d’être LGBTQI+, d’être gros·se, etc…

Comme s’y mettre ?

Commençons par adapter des locaux (et des écoles) afin de les rendre inclusifs

Si des efforts ont été faits pour rendre des classes et des bâtiments accessibles, il y a encore du travail pour permettre à tou·te·s les élèves d’y être en sécurité. Certains enfants malades ne sont pas pris en considération. Pensons spécifiquement aux enfants allergiques, asthmatiques ou ayant une mucoviscidose. S’il existe des craies sans poussière, toutes les écoles ne les utilisent pas. Il y a souvent des coins avec des tapis rarement aspirés, des tentures qui prennent la poussière et ne sont pour ainsi dire jamais lavées, des odeurs dangereuses pour la santé (feutres pour tableaux blancs contenant du toluène ou du xylène, hautement toxiques et très odorants), le nettoyage des classes se fait avec des produits industriels toxiques qui perdurent pendant plusieurs jours… jusqu’au nettoyage suivant.

Au niveau bruit, là encore il y a des choses à améliorer. Certains de ces bruits sont internes à la classe et sont réverbérés par les plafonds et murs. Côté fenêtre, il y a souvent une cour de récréation avec les bruits qui vont avec (récréation des autres sections, cours de gymnastique, …). Cela perturbe les enfants avec un TDA, hyperactifs, malentendants, stressés, ayant une déficience intellectuelle, qui ont besoin de calme, etc. Idem pour les réfectoires dont le nombre de décibels rivalise avec celui d’un avion au décollage, les salles de gymnastique qui réverbèrent les cris des jeunes sportifs. Si certains professeurs d’éducation physique se mettent des bouchons d’oreilles, ce n’est pas le cas des enfants.

Le casque anti-bruits peut être un emplâtre, mais difficile à porter en sport. Il faut surtout ne plus se contenter d’une jambe de bois. Cela nécessitera des investissements qui doivent être programmés sur quelques années.

Les cours de récréation doivent être apaisées. Trop souvent, elles sont monopolisées par les « footballeurs », ne laissant que les côtés aux autres élèves (qui doivent quand même essayer d’éviter les ballons dans la figure). Certains de ceux-ci n’y trouvent pas leur place à cause d’un handicap invisible. Ils auraient besoin de calme, d’endroits où pouvoir s’asseoir, s’isoler, jouer calmement, simplement parler, … Des initiatives ont vu le jour pour « dégenrer » les cours de récréation. C’est à encourager. Même si l’idée de départ est de permettre aux filles et aux garçons de profiter de l’intégralité de l’espace, cela bénéficiera inévitablement aussi aux enfants à besoins spécifiques. 

La pédagogie universelle (sans dire le mot)

Les profs n’aiment pas qu’on leur fasse la leçon et nombre d’entre eux attrapent des boutons quand ils entendent le mot « pédagogie ». Autant ne pas (trop) leur en parler. Ils pensent tous que ce qu’ils font est très bien et ceux qui les bassinent avec Freinet, Montessori ou les pédagogies coopératives (ne parlons même pas de l’Universelle) ne sont que des « pédagogistes ». Il vaut donc mieux ne pas les prendre de face, mais par la bande. On pourra parler de pédagogie quand ils seront dans la dynamique. En fait, elle sera incontournable. Une pédagogie active est un doit de l’élève.

Peu d’écoles ou de classes sont inclusives. Le message à faire passer est que ce n’est pas très compliqué de le devenir et que c’est bénéfique pour tout le monde, enseignant compris. Le monde ne s’étant pas fait en un jour, il faut encourager les classes et les écoles à le devenir progressivement en prenant appui sur les aménagements raisonnables qui sont obligatoires et en les rendant universels[1].

Chaque année, dans toutes les classes, il y a des élèves à besoins spécifiques. Si certains « dys » reviennent fréquemment, au fil des ans de nouvelles difficultés spécifiques des apprentissages se présentent.

L’idée est de pérenniser chaque aménagement raisonnable, tout en en faisant bénéficier tous les élèves. Donc en les rendant u-ni-ver-sels. La première année, il n’y aura que quelques aménagements à mettre en place, tout en sachant qu’ils profiteront aussi aux élèves des années suivantes, car ils doivent devenir structurels. L’année suivante, il suffira d’en ajouter quelques-uns en fonction des élèves présents. Et ainsi de suite, d’année en année jusqu’à ce que la classe et/ou l’école soient enfin sur le chemin de l’inclusion. Nous disons « sur le chemin », car l’inclusion n’est jamais terminée.

Cela a l’avantage de permettre aux enseignants à se former progressivement, en fonction des spécificités de leurs élèves du moment. De même, ils ne se sentiront pas surchargés par de nouvelles pratiques à acquérir. Enfin, ils pourront se rendre compte progressivement de l’intérêt de devenir inclusifs, tant sur le plan des apprentissages, que sur le fait que cela va faciliter leur métier et non le surcharger. Ils seront moins confrontés à l’échec.

Concrètement, comment peut-on devenir inclusif ?

LePacte pour un enseignement d’excellence pousse les écoles à devenir inclusives. Si toutes les écoles n’ont pas repris cet item dans leurs plans de pilotage. Elles peuvent toujours le rajouter. Les DCO (Délégués aux Contrats d’Objectifs) et les DZ (Directeurs/trices de zone) devraient avoir pour mission de pousser toutes les écoles à aller dans ce sens.

Les Pôles territoriaux sont un nouvel outil qui doit permettre aux écoles de devenir plus inclusives. Si, pour le moment, ils sont dans une phase transitoire, ils sont cependant opérationnels. Etant encore peu connus, ils sont trop peu sollicités. Raison de plus pour en profiter et faire appel à l’expertise de ces professionnels de l’inclusion pour qu’ils viennent conseiller les enseignants dans une école qui décide de devenir plus inclusive.

  1. Informer les enseignants, en prenant exemple sur le Livre Blanc[2]. Prévoir des brochures explicatives d’une pathologie, d’un handicap, d’un trouble spécifique des apprentissages, mais aussi de situations de vie difficiles à vivre pour les élèves (perte d’un proche, pauvreté, comment communiquer avec un parent illettré, sur la fracture numérique, élève maltraité, LGBTQI+, …)
    1. Expliquer de quoi il s’agit ;
    1. Quelles sont les conséquences sur la vie de l’élève ;
    1. Quelles sont les conséquences sur la scolarité de l’élève ;
    1. Que mettre en place (liste non exhaustive d’aménagements raisonnables) et avec qui (professionnel·le qui aide l’enfant ou la famille et qui doit participer à la réflexion sur les aménagements raisonnables nécessaires) ;
    1. Comment sensibiliser les pairs à la situation de handicap de leur camarade (outils existants, sites Internet) ;
    1. Une liste d’associations/structures de référence ou qui peuvent venir en aide ;
    1. Des témoignages d’enfants, de familles, d’enseignants, montrant que c’est possible et que cela marche.
  • Encourager à l’adaptation des bâtiments et cours de récréation à l’accueil de toutes les différences physiques et intellectuelles. Prévoir des lieux de repos et d’isolement si un·e élève en éprouve le besoin. Avoir des toilettes toujours propres (!!!) et accessibles, des éviers dans toutes les classes, des fontaines d’eau dans la cour, des bancs, des espaces de jeux calmes, …
  • Adapter les règlements d’ordre intérieur à l’aspect inclusif de l’école. Autoriser, par exemple, d’aller aux toilettes en fonction des besoins, à boire et manger même pendant les cours, à s’habiller en fonction de ses envies mais également de ses besoins, la possibilité de rester en classe aux récréations, prévoir qu’un·e élève pourrait arriver en retard en raison de son handicap invisible sans qu’iel soit sanctionné·e mais reçoive de l’aide pour rattraper son retard ou se mettre en ordre, …
  • Prendre connaissance du Mémorandum pour une Ecole inclusive[3] et en appliquer ce qui relève des missions et compétences de l’école.

C’est le premier pas qui coûte.

Se lancer dans une classe ou dans une école inclusive, c’est un changement de paradygme. C’est se rendre compte d’abord que tous les élèves sont différents, mais aussi qu’ils sont tous capables. Qu’il n’y a pas d’élèves qui ont l’intelligence de la main quand d’autres auraient celle du cerveau ou seraient doués pour les arts. C’est le postulat d’éducabilité[4]. Si on n’est pas convaincu de cela, alors il vaut mieux ne pas s’y mettre et rester dans ses croyances moyenâgeuses. Au moins les familles sauront à quoi s’attendre. A peu de choses, en somme.

Par contre, si on postule que c’est exact, que tout élève est bel et bien capable d’apprendre les matières enseignées par l’école, alors on peut commencer. Les aménagements raisonnables que l’on rend universels nous y aideront. Commençons par supprimer le superflu :  les devoirs et les examens (et autres interros). Les devoirs d’abord parce qu’il a été démontré par la recherche qu’ils sont au mieux inefficaces (ils ne font pas progresser les élèves), au pire contre-productifs (ils bouffent le temps libre aux élèves et leur retire ce droit élémentaire, déchirent les relations familiales et prennent du temps à l’enseignant qui doit les corriger et ne peut pas être disponible pour les élèves qui ont besoin d’aide).

Ensuite, les examens car eux, bouffent le temps d’enseignement auxquels ont droit les élèves. Cela peut aller jusqu’à 40 % de l’ensemble de l’année scolaire en primaire et jusque 60 % du temps en secondaire). Ensuite, il est impossible d’évaluer avec des points[5].

On a ainsi gagné du temps pour évaluer formativement (Article 15 du Décret Missions, 1997) et pour mettre des aménagements raisonnables à disposition de tous, dont le tutorat est, bien évidemment, la pierre angulaire. Cela soulage énormément les enseignants et est un bénéfice énorme pour ceux qui ont besoin d’un complément d’explications. On intègre alors des élèves avec des handicaps plus lourds, comme les déficiences intellectuelles, les élèves mutiques ou avec comportement difficile. Ce n’est plus un enseignant qui intègre, mais une classe d’enseignants. Et on adapte les apprentissages à ces élèves qui ne savent pas apprendre la même chose que les autres, mais qui savent apprendre quand même. Et bien plus qu’on ne pensait au départ.

La pédagogie se met alors lentement en place, selon le choix de l’école (Conception Universelle des Apprentissages, Pédagogie Freinet, Montessori, Pédagogie de la Coopération, Pédagogie par Projets, … etc.) et le niveau de connaissance de tous les élèves augmente, tout comme leur soif d’apprendre. Ils deviennent solidaires, donc citoyens. Savent vivre avec toutes les différences. Et une fois adultes, ils n’auront qu’un désir, celui de rendre la société plus juste. Et l’école aura, enfin, rempli sa mission.


 

[2] https://www.liguedroitsenfant.be/621/livre-blanc/

[3] Parution prévue le 2 décembre 2022. Note complétée 07/12/22 : https://www.liguedroitsenfant.be/7954/memorandum-pour-une-ecole-inclusive-4/

[4] https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[5] Lire : https://www.liguedroitsenfant.be/2838/etude-les-notes-a-lecole/

La Ligue, c’est vous !

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(suite…)
Enseignement : Les discriminations basées sur le genre

Enseignement : Les discriminations basées sur le genre

La mixité à l’école rend-elles filles et garçons égaux

face à l’orientation professionnelle ?

Plus de vingt ans après que l’immense majorité des écoles soient devenues mixtes, plus guère personne ne s’interroge sur l’efficacité de la mesure et sur les effets que celle-ci a eue sur les élèves, filles, et garçons[1]. Hormis le problème de la genrisation des cours de récréation où les garçons continuent à occuper l’espace central et relèguent la majorité des filles – et des garçons plus calmes – aux abords, tout a l’air de bien se passer dans nos classes et nos écoles entre élèves de genres différents.

Par contre, si l’on se penche sur les performances des élèves filles et garçons dans nos systèmes scolaires, on se rend compte que la mixité est loin d’être vectrice d’égalités entre les sexes.

La mixité à l’Ecole se veut « neutre » puisque les garçons et les filles reçoivent un enseignement prétendument identique. Dans une classe, tous les élèves sont, en principe, égaux en dignité et en droits. Même s’ils ont des rythmes différents, ils sont sensés suivre des parcours identiques (du moins, dans une école qui ne pratiquerait pas la compétition et la sélection). Leurs compétences et leurs aspirations devraient être globalement proches les unes des autres. Et, même s’ils sont éduqués par leurs parents de manière différente en fonction de leur sexe, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils sont tous capables[2] et devraient donc réussir de manière plus ou moins identique.

Pourtant, toutes les recherches démontrent que les élèves n’acquièrent pas les mêmes compétences et n’ont pas les mêmes cheminements scolaires selon qu’ils soient filles ou garçons. Cependant, l’Ecole se vente d’être égalitaire et non discriminatoire. On sait depuis toujours qu’il n’en est rien. Nos systèmes scolaires maintiennent les femmes dans une position dominée[3]. Aussi, la différence de genre générée par la mixité scolaire et, notamment, toute l’aspect de l’orientation professionnelle des adolescentes et adolescents, mérite qu’on s’y attarde.

Les filles réussissent mieux que les garçons…

Il n’est un secret pour personne que les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons et terminent plus souvent à l’heure et ce, quel que soit leur milieu social. Tant en fin de primaire qu’en fin d’études secondaires, les filles maîtrisent mieux les compétences de base du français (83% contre 74%). En fin de primaire, elles sont quasiment au niveau des garçons en sciences (68% contre 70%) et en fin de cursus secondaire, elles restent plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français (85% contre 73% pour les garçons) ainsi qu’en sciences (77% contre 73%)[4].

… cependant, leurs choix d’orientations professionnelles sont dictés par leur genre

Les cheminements professionnels sexués différenciés trouvent leurs origines dans la perception des stéréotypes et des modèles sexués. Dès la plus tendre enfance, les enfants intègrent la sexualisation des professions. Hutchings[5] a montré que les enfants se réfèrent à cinq modèles pour fonder leurs préférences pour leurs futurs métiers : la famille, l’école, la télévision, la société et les activités parascolaires. Ils ont très vite intégré que tous les métiers ne sont pas mixtes mais qu’ils sont clairement genrés.

Choisir une orientation, c’est projeter une image de soi dans le futur, qui soit possible. « Que puis-je créer en fonction de mes compétences ? Comment est-ce que je me vois dans 10, 20 ou 40 ans ? ». Les enjeux sont importants, tant au niveau psychique que psychologique. En général, on n’a qu’une chance (du moins on le pense), il vaut mieux ne pas la rater. Tout cela se construit en fonction de ce que l’on est, à commencer par notre genre, mais également en fonction d’une multitudes de facteurs tels que notre milieu social, nos origines, nos envies, nos rêves, l’héritage familial, …

Les filles vont se poser la question de savoir comment concilier leur future vie familiale et professionnelle, tandis que les garçons se préoccupent seulement de devenir de futurs professionnels et peuvent se concentrer sur ce seul aspect. Dès qu’arrive le moment de penser à une orientation professionnelle, généralement vers 15-16 ans, les filles commencent à remettre leurs compétences en cause et sont tiraillées entre le choix de leur futur métier et l’obligation d’être en conformité avec les normes de sexe[6].

Selon Albert Bandura[7], le sentiment de compétence permet de comprendre pourquoi le choix d’une profession future est souvent lié au sexe. Les garçons choisissent essentiellement des métiers connotés comme étant « masculins » tels que, par exemple, ouvrier du bâtiment (99% d’hommes), mécanicien automobile (98,3%), Ebéniste (97,2%), ingénieur (89,5%), Informaticien et analyste système (83,7%) ou encore agent de police (83,4%), tandis que les filles se sentent plus compétentes pour exercer un métier « féminin », tel que par exemple, diététicienne (99% de femmes), institutrice maternelle (97,6%), secrétaire de direction (90,8%), infirmière (88,2%), coiffeuse et spécialiste en soins de beauté (85,1%), institutrice primaire (83,6%), assistante sociale (75,3%), ou encore vendeuse et employée de magasin (70,1%)[8].

Si le pourcentage de femmes est plus élevé dans ces métiers, ce n’est pas parce que toute les filles veulent les exercer, mais plutôt parce que les garçons ne les choisissent pas, estimant qu’un métier « féminin » les dévaloriseraient. Ils cherchent des métiers de « prestige » et de supposée valorisation sociale, un espoir de « noblesse », d’être en haut de la hiérarchie et donc d’avoir du pouvoir sur les femmes.

Les filles ont bien compris le message et n’ont guère d’autre choix que de s’en accommoder tant bien que mal. Si les garçons se projettent dans des carrières prestigieuses (cadre ou cadre supérieur), les filles quant à elles visent plutôt des professions intermédiaires.

Durant leurs études, les filles s’évaluent plus sévèrement que les garçons, notamment dans les matières scientifiques. Cela a un impact sur leur choix d’orientation qui va les conduire vers une voie où elles seront plus en confiance par rapport à leurs capacités supposées[9]. De même, plutôt que de s’obstiner dans une filière scientifique qui ne semble pas leur correspondre et où elles ne se sentent pas à leur place, les filles ont tendance à ne pas tergiverser et à changer d’orientation[10].

Dans les filières professionnelles typées comme étant « masculines » (sapeur-pompière, conductrice de bus, métiers de la construction, de l’automobile, de électromécanique, …), les filles sont souvent accueillies avec soupçons et froideur, voir avec du harcèlement par les garçons[11]. Par contre, les garçons qui choisissent une profession dite « féminine » (infirmier, secrétariat, logopède, instituteur, textile, …) sont plus confiants quant à leur futur professionnel. Les employeurs les embauchent plus facilement leur octroient souvent des salaires plus élevés qu’à leurs collègues féminines. Ces dernières ont un début de parcours professionnel plus désordonné et connaissent plus souvent les temps partiels, le chômage et perçoivent généralement des salaires inférieurs[12].

Malgré une meilleure réussite à l’école, les filles sont toujours minoritaires dans les filières considérées – probablement à tort – comme étant les plus prestigieuses car ce sont celles qui procurent le plus d’emplois valorisés. Dès lors, elles se retrouvent plus souvent au chômage ou sont cantonnées dans des emplois précaires (temps partiels, CDD, …). Il semble donc que l’Ecole, en partant du principe que toutes et tous reçoivent la même instruction, oublie de prendre en compte ni moins, ni plus que la moitié de ses élèves. 

Les campagnes de sensibilisation menées dans écoles n’ont que peu d’effets sur les représentations que se font les filles au sujet des métiers sexués et ne parviennent pas à changer leurs représentations mentales. Les stéréotypes des différentes professions sont profondément ancrés[13]. L’immobilisme règne en maître dans les représentations qu’ont les jeunes des métiers. Ils estiment que les métiers « masculins » sont ceux qui nécessitent des compétences scientifiques, voire une certaine force physique, tandis que les métiers « féminins » requièrent des qualités féminines comme la gentillesse, la douceur, la patience, l’empathie.

Quand un garçon choisit une orientation cataloguée comme étant plutôt « féminine », il ne peut le faire que quand il vit dans un milieu familial où il n’y a pas d’auto sélection. Il devra ensuite se confronter aux autres garçons de son âge qui vont le disqualifier en tant que garçon. A l’âge de l’orientation, les jeunes garçons sont, plus que les filles, soumis à la norme de l’hétérosexualité. Il est donc difficile de se voir taxé de « fille » par ses pairs[14]. La crainte d’être autre chose qu’hétérosexuel est un déclencheur du suicide des garçons[15].

Dans les milieux les plus favorisés, les filles ont cependant tendance à s’aventurer vers des territoires « masculins » en voie de féminisation : la médecine, le droit, la magistrature, l’architecture, le journalisme, etc. Les garçons, quant à eux, ont tendance à s’accrocher aux métiers traditionnellement « masculins » : l’informatique, l’ingénierie, la mécanique ou à des métiers en voie de mixité comme la médecine, l’architecture, etc.

Si l’ouverture aux professions de l’autre sexe commence à tenter les jeunes de niveaux sociaux moyens à élevés, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Quand on observe les inscriptions dans les filières professionnelles, on ne peut que constater constater que les choix d’orientations restent encore très différenciés et très genrés[16].

Petite histoire de l’orientation professionnelle

Si Napoléon a institué le BAC comme diplôme de fin d’études en 1803, ce ne sera qu’en 1880 que celui-ci sera ouvert aux filles… de la bourgeoisie. Les républicains voulaient retirer la formation de ces demoiselles des mains du clergé pour en faire de « bonnes épouses » en phase avec les idées de leurs époux et capables de les soutenir et de suivre les études de leurs fils (car les gens biens ont des fils et non des filles).

« Qu’il soit bien entendu que nous ne voulons pas faire des petites savantes, des petites physiciennes. Il ne faut pas que l’on puisse dire que cette chose aimable, ravissante qu’on nomme une jeune fille, est devenue à l’école, entre nos mains, un sot petit garçon[17]. » « C’est le mérite de nos lycées de jeunes filles de ne préparer à aucune carrière et de ne viser qu’à former des mères de familles dignes de leurs tâches d’éducatrices[18]. »

L’idée de permettre aux jeunes de choisir le métier qu’ils voudraient faire n’est apparue qu’en toute fin du XIXe siècle lorsque convergent la question de l’insertion et de la formation professionnelle de la jeunesse populaire d’une part, et les travaux de psychophysiologie d’autre part[19]. Avant cela, la grande majorité des enfants suivait la voie professionnelle de leurs parents. La formation se faisait sur le tas, dans la maison familiale, dans les champs ou dans le village.

La guerre 14-18 ayant détruit une part importante de la main d’œuvre, une multitude d’initiatives voit le jour afin de créer des structures d’orientations professionnelles dont l’objectif était essentiellement de former de jeunes garçons de milieux modestes, à la fin de leurs études primaires, aux emplois nécessaires au fonctionnement des industries de l’entre-deux guerres.

Après la seconde guerre mondiale, l’augmentation de la population scolaire (massification de l’enseignement[20]) modifie les objectifs de l’orientation professionnelle. Il ne suffit plus alors d’orienter vers les métiers utiles à l’industrie, mais de guider les élèves sortant de l’école primaire vers des études secondaires générales ou professionnelles.

Dès lors, l’orientation selon le sexe s’est généralisée. Les filles sont dirigées prioritairement vers les sections littéraires et tertiaires qui sont des voies professionnelles moins connotées mais également moins rémunérées que les sections scientifiques ou techniques industrielles. Ces dernières étant réservées prioritairement aux garçons. Par exemple, en France, les filles représentent 44,9 % du contingent de Terminale S (Scientifique) alors qu’elles ne représentent que 29,7 % du contingent des classes préparatoires et 28% des contingents en écoles d’ingénieurs[21].

La sexualisation du travail

On constate que cette division sexuée du travail est pratiquement universelle. Si on remonte le temps, voit qu’elle a été une réalité tout au long de l’histoire, quelles que soient les civilisations. Lorsque la notion de « travail » est apparue, peu après le néolithique, une séparation des rôles basée sur la division du travail à l’extérieur ou à l’intérieur de la maison s’est « naturellement » mise en place. C’était la suite naturelle de la division sexuée qui a suivi la sédentarisation et le début de l’élevage et de l’agriculture. A ce moment, les hommes ont exclu les femmes de l’utilisation des outils et des armes[22]. Cette division s’est imposée à tous les métiers et se perpétue jusqu’à aujourd’hui, sans qu’elle ne soit remise globalement en question.

Elle se retrouve sur les marchés du travail du monde entier et son image est identique du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Les femmes sont essentiellement occupées dans les métiers du tertiaire[23]. Contrairement aux secteurs scientifiques et industriels, l’insertion professionnelle y est plus compliquée et les salaires y sont moins élevés, avec des risques de chômage, de statuts précaires et de temps partiels plus importants[24].

En Belgique, La part du secteur tertiaire (services) dans le PIB a ainsi augmenté pour atteindre 69,3 % en 2015, contre 69,0 % en 2014[25]. Il tourne aux alentours des 70 % dans les pays industriels et on y retrouve la majorité des métiers traditionnellement exercés par des femmes.

Ces derniers sont des métiers qui obéissent à une série de critères « traditionnels » : ils ne doivent pas être trop prégnants, donc permettre une disponibilité tant pour la vie professionnelle que familiale, mais également être le prolongement des fonctions « naturelles » de la femme, c’est-à-dire maternelles et ménagères[26].  C’est le domaine de la domesticité[27]. Ce sont des métiers inscrits au plus profond des cultures ancestrales et dont Simone Verdier a rappelé le modèle : « La femme qui aide, qui soigne et qui console, (qui) s’épanouit dans les professions d’infirmière, d’assistante sociale ou d’institutrice. Enfants, vieillards, malades et pauvres constituent les interlocuteurs privilégiés d’une femme, vouée aux tâches caritatives et secourables, désormais organisées dans le travail social.[28] »

Le secteur tertiaire concentre des métiers « féminins » essentiellement domestiques : cuisine, ménage, soins aux enfants, entretien du linge et gestion ménagère. C’est un phénomène culturel qui a du mal à évoluer. Les fonctions « naturelles » des femmes ont leur origine dans la répartition des rôles au sein de la famille, qui évoluent extrêmement peu. En 2010, l’Insee constatait que les femmes vivant en couple et mères d’un ou plusieurs enfants consacraient 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Elles passent deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes s’adonnent volontiers au bricolage[29]

Et selon l’observatoire des inégalités en France, « les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes : elles les freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement politique ou associatif. L’inégale répartition des tâches domestiques explique une partie de l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes. [30]»

Cette inégalité des responsabilités au sein d’un couple a façonné l’identité des femmes et des hommes. Il a fallu la première guerre mondiale et l’envoi des hommes au front pour voir des femmes travailler en usine, dans les « fabriques », en ateliers ou comme secrétaires ou comptables. Après la guerre, elles ont voulu garder ce début d’indépendance. D’autres ont été obligées de travailler pour remplacer un homme mort au front ou blessé de guerre. Progressivement, la femme a gagné le droit de travailler.

Les filles savent très tôt qu’une fois arrivées à l’âge adulte, l’essentiel des tâches domestiques va leur incomber en plus de leur métier. C’est cette évidence qui va les inciter à adapter leurs choix scolaires, puis professionnels[31]. Ce sont parfois des choix par défaut, sachant qu’elles ont tout intérêt à avoir un diplôme qui leur permette de travailler dans le tertiaire, puisque les emplois qui leurs sont socialement destinés s’y retrouvent. Elles font donc des choix de compromis afin de pourvoir tenir le rôle social qui les attend[32]. Souvent, elles choisissent des emplois à temps partiels ou flexibles afin de garder une disponibilité indispensable à ce rôle qui leur est tombé sur les épaules à la naissance.  

Toutes les filles ne sont pas placées à la même enseigne devant ce choix. Les filles vivant dans des milieux populaires ont peu de possibilités de choix. Souvent, elles sont déjà mises à contribution à la maison et participent aux tâches ménagères et familiales. Elles ont donc plus difficile à se projeter dans un avenir professionnel valorisant et permettant d’accéder à une part d’indépendance. Les filles des classes moyennes et supérieures sont probablement plus libres et ne participent que peu ou pas aux tâches familiales, à tout le moins, pas plus que leurs frères. Le partage des tâches familiales et domestiques y est plus égalitaire[33] et de ce fait, l’image qui leur en est donné leur permet d’envisager un choix professionnel qui ne prenne pas en compte ces futures charges. Elles peuvent donc suivre des études qui leur plaisent en reportant à plus tard l’aspect de la gestion familiale et domestique.     

Depuis quelques décennies, des femmes exercent des professions cataloguées comme étant « masculines », telles que médecins, avocats, journalistes, … « Pour autant, hommes et femmes n’y occupent pas les mêmes fonctions, n’y exercent pas les mêmes spécialités, n’y ont pas le même statut. Hiérarchies et clivages se recréent au sein de professions devenues mixtes[34]. ». De même, les femmes accédant à des postes de responsabilité progressent peu. Un peu plus d’un tiers (37%) des postes d’encadrement dans les entreprises de l’Union européenne étaient occupés par des femmes en 2019, selon des chiffres publiés par l’Office européen des statistiques Eurostat[35].

En conclusion

Nous héritons d’un genre à la naissance, que nous avons pleinement le droit d’assumer ou de rejeter (selon Amnesty International, environ 1,7 % de la population naît avec des caractéristiques intersexes, ce qui est comparable au nombre d’enfants qui naissent avec des cheveux roux). Cependant, s’il y a une notion que nous devons toutes et tous rejeter c’est la primauté d’un genre sur l’autre. Et nous devons éduquer nos enfants dans ce sens. Refuser toute forme de discrimination basée sur le genre est une obligation. Il en va de même à l’école qui doit former des citoyennes et des citoyens capables de lutter pour plus de justice et donc aussi pour plus d’égalité entre les genres.

La « genrisation » des choix d’orientation, tant scolaire que professionnelle, est la preuve de la défaillance, à la fois de l’Ecole, mais également de la mixité dans l’ensemble de notre société. Il est urgent de remettre en cause les « normes » et les stéréotypes de genre qui sont à la base de ces disparités. Ces différences de choix générées par l’éducation (familles, écoles, médias, …) sont des discriminations avérées. 

Une société qui se veut « évoluée », c’est-à-dire pleinement en phase avec les Droits fondamentaux serait une société où tous les métiers représenteraient le ratio « sexe » de la population en général. C’est ce que doivent viser toutes les écoles : déconstruire, dès le tout début de la maternelle les stéréotypes de genre et réformer la vision genrées que les élèves ont des métiers, mais aussi des tâches familiales et des rôles parentaux.

A suivre… L’Ecole et les stéréotypes de genre


[1] Malheureusement, peu d’études ont, à notre connaissance, tenu compte d’un troisième sexe dont se revendiquent les personnes non binaires, androgynes ou gender fluid ou neutres. A défaut et à regrets, nous devrons nous contenter d’analyser la mixité à l’école sous l’angle restreint des filles et des garçons. Sur les discriminations vécues par les personnes LGBT+ à l’école, nous vous renvoyons vers notre article sur les LGBT-phobies à l’école : https://www.liguedroitsenfant.be/3705/lgbt-phobies-a-lecole/  et à notre appel à devenir des Ecoles Pour Tou·te·s : https://www.liguedroitsenfant.be/2186/appel-aux-ecoles-devenez-des-ecoles-pour-tou%C2%B7te%C2%B7s/

[2] Voir notre étude sur le Postulat d’éducabilité : https://www.liguedroitsenfant.be/2813/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[3] DURU-BELLAT Marie. L’École des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ? Paris : L’Harmattan, 2004.

[4] FONTANINI, Christine. Orientations différenciées selon le genre dans l’enseignement secondaire In : Orientation et parcours des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (généré le 27 août 2021). Disponible sur Internet : https://books.openedition.org/purh/1569?lang=fr

[5] Hutchings Merryn, « What will you do when you grow up ? The social construction of children’s occupational preferences », Les Cahiers du CERFEE, no 14, 1997

[6] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007

[7] Bandura A. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck, 2003

[8] Sources : chiffres 2010, statbel.fgov.be & VDAB (Belgique)

[9] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29

[10] Fontanini C. Trajets sociaux et scolaires des filles et des garçons vers une école d’ingénieurs : L’Institut National des Télécommunications. Revue des Sciences Sociales, 2002, no 29 et Gauthier G. Orientation et insertion professionnelle : vers un équilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Rapport d’activités du Sénat no 404. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin, 2008

[11] Lemarchant C. La mixité inachevée. Garçons et filles minoritaires dans les filières techniques. Travail, genre et sociétés, 2007, vol. 18, n o 2

[12] Couppie T. & Epiphane D. Que sont les filles et les garçons devenus ? Céreq Bref, 2001, no 178

[13] Guegnard C. Représentations professionnelles des filles et des garçons au collège. Les effets d’une pièce de théâtre interactive. L’Orientation Scolaire et professionnelle, 2002, no 4 ; Durand-Delvigne A., Desombre C., De Bosscher S. & Poissonnier K. Sensibiliser les filles à l’orientation vers les métiers scientifiques et techniques. Évaluation d’un dispositif. Psychologie du travail et organisations, 2011, vol. 2, no 17

[14] Françoise Vouillot, 2012, Éducation et orientation scolaire : l’empreinte du genre, L’école et la vie.

[15] Jean-Michel Pugnière, 2011, « L’orientation sexuelle : facteur de suicide et de conduites à risque chez les adolescents et les jeunes adultes ? L’influence de l’homophobie et de la victimisation homophobe en milieu scolaire », thèse de doctorat en psychologie, université Toulouse-Le Mirail.

[16] MESR-DEPP (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche-Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2014c

[17] Jules Simon, 1879 : Jules-François-Simon Suisse dit Jules Simon est un philosophe et homme d’État français, né le 27 décembre 1814 à Lorient et mort le 8 juin 1896.

[18] Ministère de l’Instruction publique, 1889

[19] Jérôme Martin, « De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : l’Association générale des orienteurs de France et la construction de la profession de conseiller d’orientation (1931-1956) », Histoire de l’éducation, 142 | 2014, 109-128.

[20] Allongement de la durée des études, création de nouvelles filières et augmentation du nombre de jeunes, notamment par l’arrivée de catégories sociales moins favorisées.

[21] M.E.N. (Ministère de l’Éducation Nationale – France).  Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur. Rapport. Paris : MEN, 2014

[22] Paola Tabet, 1998, La Construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps, L’Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme.

[23] Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale. Voir https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1584

[24] Mosconi N. & Stevanovic B. Genre et Avenir. Les représentations des métiers chez les adolescentes et les adolescents. Paris : L’ Harmattan, 2007.

[25] statbel.fgov.be, chiffres 2016.

[26] Michelle Perrot, Le Mouvement social No. 140, Métiers de Femmes (Jul. – Sep., 1987), pp. 3-8 (6 pages) – Editions l’Atelier

[27] Perrot M. (Dir), (1987), « Métiers de femmes », numéro spécial du Mouvement social, n° 140

[28] Verdier Y., (1977), Façons de dire, façons de faire. La lessiveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard.

[29] « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012.

[30] L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes, Données 29 avril 2016, consultables sur https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes.

[31] Boudon Raymond, L’inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Colin, 1973

[32] Duru-Bellat Marie, L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, Paris, L’Harmattan, 1990. ; « École de garçons et école de filles… », Ville, école, intégration, no 138, 2004

[33] Court Martine, Bertrand Julien, Bois Géraldine, Henri-Panabière Gaële et Vanhée Olivier, « L’orientation scolaire et professionnelle des filles : “des choix de compromis” ? Une enquête auprès de jeunes femmes issues de familles nombreuses », Revue française de pédagogie, no 184, 2013

[34] Maruani Margaret, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, 2011

[35] LE SOIR, 6/03/2020 – La Belgique à la traine quant aux femmes cadres supérieurs au sein de grandes sociétés, par BELGA.

Le travail des enfants                                 en Belgique et ailleurs

Le travail des enfants en Belgique et ailleurs

Le monde actuel est basé sur l’inégalité. De par notre système économique, une petite partie de l’humanité détient la grande majorité des richesses, et maintient l’état de faiblesse des plus pauvres, en accroissant les différences : toujours plus riches d’un côté, toujours plus pauvres de l’autre.

Les grands groupes du commerce mondial évoluent dans un système privilégiant la recherche de profits immédiats, dans le seul but de satisfaire leurs actionnaires. On ne compte plus les effets pervers de ce système de recherche du profit, encouragé par l’absence de régulation internationale. Les prix de production sont abaissés grâce aux pressions exercées sur les populations les plus fragiles.

Quelle raison justifie le fait qu’une relation commerciale favorise l’exploitation de populations, et notamment des enfants ? Pourquoi risque-t-on la vie ou la santé d’autrui, ainsi que la destruction de l’environnement tout en ayant conscience de ce que cela induit pour les générations futures?

Pour commencer un peu d’histoire de Belgique

Au cours du XIXe siècle, notre pays a encouragé le travail des enfants. Les salaires y étaient tellement bas que les familles devaient envoyer leurs enfants travailler. Il a fallu attendre 1813 pour qu’il soit défendu de « laisser descendre ou travailler dans les mines et minières les enfants en dessous de dix ans ».

Pourtant, le nombre d’enfants mis au travail est important. Ils sont soumis aux mêmes horaires que les adultes. En 1846, le recensement de l’industrie dénombre, sur un total de 314.842 ouvriers, 66.385 qui  ont moins de 16 ans. Toutefois ces chiffres ne reprennent pas la multitude d’enfants travaillant à domicile ou dans l’agriculture. On  les trouve dans tous les secteurs d’activités (verreries, charbonnages, textile, métallurgie, travail à domicile, domesticité…) travaillant aux mêmes horaires que les adultes et souvent admis au travail dès l’âge de six ans .

Pendant des décennies, les tenants du libéralisme économique et leurs très riches amis industriels repousseront toute idée de réforme du travail des enfants sous prétexte que ce « serait ruineux pour l’industrie, attentatoire aux droits du père de famille, plus intéressé à la conservation de son enfant, plus apte à juger de ses forces que quiconque  ». Il est vrai que le « large » salaire versé aux pères de famille ne leur laissait pas vraiment le choix.

Enfin, la loi du 31 décembre 1889 interdit le travail des enfants de moins de 12 ans et limite le travail des jeunes de 12 à 16 ans (21 ans pour les filles) à 12 heures par jour. S’il reste des dérogations pour le travail de nuit, c’est un premier pas. Malheureusement, elle se limite aux travaux dangereux (manufactures, carrières, charbonnages, …) et épargne les autres secteurs. Cela aura pour conséquence de déplacer le travail des enfants vers ces secteurs non protégés.

Vingt-quatre ans plus tard, 19 mai 1914, la loi sur l’instruction gratuite et obligatoire pour tout enfant âgé de 6 à 14 ans est promulguée. Le travail de ces enfants est interdit mais reste largement contourné, notamment dans le secteur agricole ou la main d’œuvre enfantine est une aide précieuse. La fixation des grandes vacances en juillet et en août n’avait pas que le but de permettre aux classes aisées de la société de partir en villégiature, mais c’était également lié au travail rural : « Les enfants de paysans étaient appelés aux travaux dans les champs lors des récoltes et il n’était pas question d’aller à l’école à cette période. Ils y allaient plutôt en hiver  »

Afin de contrer l’augmentation du chômage qui sévissait dans les années 30, un arrêté  royal  « permet  un  prolongement partiel de l’instruction obligatoire. Ainsi dans les régions industrielles, les jeunes de 14 à 16 ans qui ont interrompu leurs études et n’ont pas trouvé d’emploi doivent suivre un enseignement du jour à temps  plein.  ». Mais ce ne sera que dans les années 70 que l’on prolongera l’obligation scolaire jusque 18 ans.

La législation actuelle interdit le travail des enfants de moins de 15 ans et l’obligation scolaire démarre à 5 ans et prend fin au 30 juin de l’année calendrier au cours de laquelle le jeune atteint l’âge de 18 ans . A partir de 15 ans, les étudiants peuvent conclure un contrat d’occupation étudiant.

Pour les mineurs de moins de 15 ans, il existe certaines exceptions à l’interdiction générale de travail. Il s’agit exclusivement d’ activités qui rentrent dans le cadre de l’éducation ou de la formation des enfants et exceptionnellement, des activités pour lesquelles une dérogation est accordée (métiers du spectacle, de la musique, de la publicités, de la mode, …).

Mais nous ne devons pas rêver. Le travail des enfants a encore de beaux jours devant lui dans notre pays. On voit régulièrement des enfants aider leurs parents dans les entreprises familiales, pendant les congés ou les WE. En mai 2019 une pizzeria voit débarquer en plein service (20h55), un petit peloton composé de l’Inspection sociale, de l’Onem, du Service public de Wallonie et de policiers fédéraux. Il est constaté que deux enfants sont au travail. L’une (appelons-la Greta) est debout, près du lave-vaisselle, une serviette à la main. Elle a 12 ans. Sa sœur (appelons-la Martine), 15 ans, note les commandes téléphoniques derrière le comptoir. Leurs parents sont présents: ils sont les gérants de la SPRL qui exploite la pizzeria, et y travaillent[1].

La traite des enfants en vue d’exploitation sexuelle existe dans notre pays. On n’en connaît pas le nombre. Un  des  phénomènes  de  plus  en  plus  répandu  de  traite  des  enfants  à  des  fins sexuelles – plus particulièrement d’adolescentes -, est celui des « loverboys » ou proxénètes d’ados[2].  Il s’agit, ni plus ni moins, de « trafiquants d’êtres humains  qui  rendent  les  adolescents  dépendants  afin  de  les  exploiter  ensuite  dans  la prostitution  –  ils  utilisent  pour  ce  faire  le  mensonge,  la  contrainte,  la  violence  physique  et psychologique  ou  abusent  de  la  vulnérabilité  de  leurs  victimes[3] »

Enfin, dans certaines familles les filles sont tenues d’aider au ménage, à la cuisine, sans le moindre repos, alors que leurs frères en sont dispensés. Ce travail-là n’est ni comptabilisé, ni sanctionné car il est tenu secret.

Et, dans le monde ?

Le travail des enfants diminue mais y mettre fin reste un défi considérable

Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT) le terme «travail des enfants» est souvent défini comme un travail qui prive les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et qui nuit à leur développement physique et mental. Il s’agit d’un travail qui:

est mentalement, physiquement, socialement ou moralement dangereux et nocif pour les enfants; et/ou

interfère avec leur scolarité en les privant de la possibilité d’aller à l’école; les oblige à quitter l’école prématurément; ou les oblige à essayer de combiner la fréquentation scolaire avec un travail excessivement long et lourd[4].

En anglais, on utilise deux expressions pour désigner le travail des enfants : child labour qui correspond à la définition ci-dessus et child work qui désigne les formes non nuisibles pour l’enfant. Si la plupart des pays condamnent les pires formes de travail des enfants, certains considèrent qu’il faut reconnaître l’enfant comme un acteur économique à part entière[5]. Ils se basent sur l’article 3 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant qui précise que Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale[6]. Ils défendent le libre droit au travail des enfants et militent pour que ce dernier soit mieux encadré. En effet, dans certains pays le travail est une nécessité pour survivre et donc pouvoir se développer.

Entre l’estimation du travail des enfants faite par l’OIT en 2000 et celle de 2016, le nombre d’enfants astreints au travail des enfants est passé de 246 millions à 152 millions et celui des enfants dans les travaux dangereux de 171 millions à 73 millions[7]. Pour la majorité on les retrouve dans les pays du Tiers Monde, d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du sud, mais aussi en Europe où près de 2 millions de jeunes de 15 ans ou moins sont au travail chaque jour. Notamment au Royaume Uni, en Allemagne, en Italie ! On estime que 40 millions d’enfants travaillent en Inde, 5 millions aux Philippines…

Les garçons représentent 58 % des enfants qui travaillent mais il est plus que probable que ces chiffres sous-estiment le travail effectué par les filles car e dernier est moins visible et sous-déclaré. (par exemple, le travail domestique chez des tiers, les tâches domestiques chez elles, …)[8].

Les secteurs employant les jeunes sont très variés, mais les conditions de travail sont presque partout identiques.

enfant au travail

Quelques exemples :

En Tanzanie, 80 % de la population vit avec moins de 2 $ par jour. 70 % des enfants de 5 à 17 ans travaillent. Ceux qui œuvrent dans les plantations connaissent une norme de 11 heures par jour. D’autres travaillent dans les mines ou se prostituent[9].

En Malaisie, des enfants, exposés aux dangereux animaux de la jungle, sont forcés de travailler 17h par jour dans des plantations de caoutchouc.

Un mineur de fond en Colombie, âgé de 14 ans, passe la journée sous une profondeur moyenne de 100 mètres, dans une atmosphère irrespirable.

En Thaïlande, certains petits doigts passent plus de 15 heures assis par terre à écailler des crevettes.

En Inde, les enfants subissent les vapeurs toxiques dans des fabriques de verre non aérées.

L’agriculture est le secteur qui emploie le plus d’enfants. Ceux-ci sont non seulement sous-payés (voire non payés, juste de la nourriture), mais injustement exploités ; par exemple à travail égal, ils ne reçoivent que la moitié de la paie d’un adulte.

Dans le secteur textile, en Inde, au Pakistan comme au Népal, les enfants sont utilisés parfois jusqu’à 20h par jour, 7 jours par semaine dans des conditions inacceptables : ils sont logés dans une pièce qui sert à dormir et à manger mais qui n’est pas suffisamment aérée, et qui est souvent très empoussiérée. Ce manque de confort élémentaire cause de graves problèmes respiratoires ainsi que des déformations de la colonne vertébrale.

N’oublions pas l’Europe, car toutes les régions du monde sont touchées par ce fléau. Comme le rappelait Nils Muižnieks, ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en  2013, « Selon des recherches menées par l’ONU, en Géorgie, 29 % des enfants de 7 à 14 ans travaillent. En Albanie, cette proportion est de 19 %. Le Gouvernement de la Fédération de Russie estime que le nombre d’enfants au travail dans le pays pourrait atteindre 1 million. En Italie, une étude de juin 2013 indique que 5,2 % des mineurs de moins de 16 ans travaillent. Sur la plupart des autres pays, aucun chiffre n’est disponible. Nombre des enfants qui travaillent en Europe sont employés à des activités extrêmement dangereuses dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment, dans de petites fabriques ou dans la rue. Ce phénomène a été observé, par exemple, en Albanie, en Bulgarie, en Géorgie, en Moldova, au Monténégro, en Roumanie, en Serbie, en Turquie et en Ukraine.

Dans l’agriculture, les enfants peuvent être affectés à des tâches qui impliquent d’utiliser des machines et des outils potentiellement dangereux, de soulever de lourdes charges ou encore de répandre des pesticides nocifs. Travailler dans la rue expose les enfants aux abus et à l’exploitation. En Bulgarie, le travail des enfants est apparemment très courant dans l’industrie du tabac, où des enfants peuvent travailler jusqu’à 10 heures par jour. En Moldova, des contrats auraient été signés entre des directeurs d’établissement scolaire et des fermes ou des coopératives agricoles, en vertu desquels les élèves doivent participer aux travaux de récolte. Le travail des enfants risque aussi de se développer dans les pays durement frappés par des mesures d’austérité : Chypre, la Grèce, l’Italie et le Portugal. De nombreux enfants auraient également des horaires de travail très lourds au Royaume-Uni. Dans toute l’Europe, les enfants roms sont particulièrement menacés. Un autre groupe très vulnérable est celui des migrants non accompagnés de moins de 18 ans, originaires de pays en développement. »

Que peut faire le citoyen ?

Nous n’avons pas de leçons à donner si nous laissons notre pays mais également des pays européens utiliser de la main d’œuvre enfantine. Mais nous pouvons très certainement agir à notre niveau, chacune et chacun, individuellement.

Sur le plan national, nous devons dénoncer auprès des autorités compétentes (police, procureur du Roi, …) tout travail des enfants, quel qu’en soit le lieu : familial, commercial, agricole, …

Sur le plan international, chaque consommateur occidental, adulte, adolescent, homme, femme ou enfant, manque d’informations sur les conséquences de ses actes d’achat. Lorsque nous nous procurons les aliments de première nécessité, se pose-t-on la question de savoir par qui ont-ils été produits ?

Le commerce équitable peut-il apporter une solution, peut-il éliminer le travail des enfants ? En tous cas, il peut y participer. Rendez-vous dans notre dossier « Le commerce équitable, réponse pour une autre production ».

A suivre….


[1] L’écho, 20 novembre 2019, Une amende de 3.600€ par mensualités, outre l’indemnité de procédure de 1.440€. Cela représente combien de pizzas ?

[2] Les   « loverboys »   sont   de   jeunes   hommes   qui   utilisent   la   séduction   et   la manipulation pour recruter leurs victimes, CODE, 2017, Traite et exploitation sexuelle des enfants en Belgique :  état de la situation et recommandations.

[3] Child Focus (2016), « Chiffres et actus 2016 – Exploitation sexuelle des mineurs »

[4] https://www.ilo.org/ipec/facts/lang–fr/index.htm

[5] https://www.oxfammagasinsdumonde.be/blog/article_dossier/travail-des-enfants-entre-esclavage-et-necessite/

[6] CIDE 20 novembre 1989

[7] Abolir le travail des enfants, 100 ans d’action, OIT 2019

[8] Abolir le travail des enfants, 100 ans d’action, OIT 2019

[9] https://www.plan-international.fr/info/action-humanitaire/pays/afrique-de-l-est/tanzanie/lutter-contre-le-travail-des-enfants-en-tanzanie

Les violences intrafamiliales et leurs conséquences sur l’enfant.

Les violences intrafamiliales et leurs conséquences sur l’enfant.

Les violences intrafamiliales touchant directement ou indirectement les enfants sont proportionnellement à la population belge au-dessus de la moyenne des pays européens. Malgré ce constat, les cas recensés ne sont que la pointe visible de l’iceberg.

En 2020, ces drames qui se déroulent à huis clos ont vu leur nombre exploser durant la période du confinement, suite à l’épidémie du coronavirus : le nombre d’appels au numéro vert 0800-30-030 « Écoute Violences Conjugales », pour la Belgique francophone, a rapidement doublé, puis triplé. Même chose pour le numéro d’appel équivalent en Flandre : les appels au numéro 1712 ont augmenté de 70 % durant le premier mois de confinement.

En temps ordinaire déjà, les professionnels comme SOS Enfants s’alarment et dénoncent depuis fort longtemps ce phénomène en expansion ainsi que le manque de moyens déployés pour la prise en charge des victimes. Un manque de moyens qui met la Belgique en opposition avec ces engagements nationaux et internationaux et qui s’apparente pour les victimes innocentes à une deuxième forme de maltraitance : la protection des enfants et le respect de leurs droits relèvent du devoir de l’Etat et de ses institutions qui sont normalement censés prendre les mesures nécessaires pour s’en assurer.

Face aux faibles mesures prises par les autorités et face à l’augmentation de ces violences, les professionnels de terrain poussent un cri d’alarme. Ils proposent de nombreuses recommandations dont l’objectif est de mieux prévenir ce phénomène aux conséquences incalculables pour les victimes, particulièrement pour les enfants.

Face aux faibles mesures prises par les autorités et face à l’augmentation de ces violences, les professionnels de terrain poussent un cri d’alarme. Ils proposent de nombreuses recommandations dont l’objectif est de mieux prévenir ce phénomène aux conséquences incalculables pour les victimes, particulièrement pour les enfants.

En période de confinement, les victimes piégées avec leur agresseur

Pendant le confinement imposé à la population,  les victimes des violences intrafamiliales se sont senties isolées et piégées. Le « restez chez vous » n’était en rien une garantie de sécurité pour elles. Bien au contraire : la victime ne pouvant fuir, elle s’est retrouvée en permanence enfermée avec son agresseur qui a bénéficié de son impunité et de sa jouissance totale face à sa proie captive sous la main.

On a constaté une recrudescence de ces violences pas seulement en Belgique mais partout dans le monde. Une situation inquiétante confirmée par l’ONU : « Les mesures du confinement peuvent piéger les femmes avec des partenaires violents » a rappelé son secrétaire général António Guterres. Cette grande vulnérabilité accentuée à l’extrême par l’isolement des femmes et des enfants victimes a également été signalée par plusieurs associations et collectifs belges comme celui de lutte contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE).

Face à l’explosion de ces cas de violences intrafamiliales, le 3 avril dernier, une réunion interministérielle fédérale a eu lieu durant laquelle une coordination nationale ainsi que les lignes d’écoute ont été renforcées.

Les maisons de justice qui soutiennent les victimes dans le suivi judiciaire et les centres de prise en charge de victimes de violences sexuelles sont restés ouverts de jour comme de nuit et ont également assuré un relais constant. Un hôtel a même été mis à leur disposition à Bruxelles.

Un problème de société

Le problème des violences intrafamiliales est un fléau contre lequel il est urgent de sensibiliser tous les acteurs concernés : on estime que 17 signalements de maltraitance sur enfant ont lieu chaque jour et 40.000 jeunes sont pris en charge chaque année par l’Aide à la Jeunesse en Fédération Wallonie-Bruxelles dont 30% pour maltraitance.[1]

Ces chiffres, déjà trop nombreux, ne relèvent que les cas connus et signalés aux autorités. La grande majorité des violences intrafamiliales passent inaperçues et ne sont jamais comptabilisées.

Quand les enfants ne sont pas eux-mêmes victimes de ces violences, ils sont témoins de faits graves à très graves : en 3 ans, il y a eu 102 féminicides[2] en Belgique. Des drames qui, souvent, se déroulent en présence des enfants.

La Convention d’Istanbul et les mesures de lutte et de prévention prises par l’Etat fédéral

D’après les professionnels de la protection des droits des femmes et des enfants, l’Etat fédéral doit garantir le plein respect de ses obligations nationales et internationales. En 2016 par exemple, la Belgique a ratifié la Convention d’Istanbul qui est un texte du Conseil de l’Europe, l’organisation de défense des droits de l’homme au niveau européen. Cette convention vise à prévenir et lutter contre toutes les formes de violences à l’égard des femmes et contre toutes formes de violences domestiques.

Ces obligations concernent 4 axes, surnommés les « 4 P » : les politiques intégrées, la prévention, la protection et le soutien, ainsi que les poursuites.

Ce texte contraignant demande des changements au niveau du droit et donc la mise en conformité de certaines législations belges, aujourd’hui en contradiction avec la Convention d’Istanbul.

Il demande aussi des changements au niveau des services de soutien et d’accompagnement offerts aux victimes. Il prévoit un nombre et des moyens suffisants pour les services spécialisés et des refuges ainsi qu’une assistance financière à fournir aux victimes (article 20).

La précarité est malheureusement encore la règle. Elle est un grand frein pour les victimes voulant quitter une situation de violence afin de se protéger et de protéger leurs enfants.

En effet, les difficultés sociales et économiques exacerbent et prolongent encore plus ces violences  intrafamiliales. Une femme battue par son mari et dépendante économiquement de lui, aura plus difficile à prendre la décision de le quitter ou de porter plainte, d’autant plus si elle a des enfants, sachant qu’elle devra repartir de zéro, sans logement et avec peu d’argent.

En somme, en signant la Convention d’Istanbul, L’État belge est normalement considéré comme responsable des faits de violences,  au même titre que l’auteur des violences, s’il ne met pas en œuvre ce qu’il doit pour empêcher et ensuite pour poursuivre les auteurs de ces violences.

Que proposent les associations et autres acteurs de terrain dans leur plan de lutte contre ces violences ?

Malgré la gravité et l’urgence de la situation, les autorités compétentes belges peinent toujours à mettre tout en œuvre pour appliquer correctement la Convention d’Istanbul.

« – Une politique globale, cohérente, coordonnée entre tous les niveaux de pouvoir, financée avec des fonds fédéraux à la hauteur des enjeux :

– Une protection efficace de toutes les victimes, femmes et enfants, ce qui implique des directives claires et contraignantes au niveau de la justice et des services de police, et des moyens pour les appliquer.

– Une prise en charge des auteurs de violences conjugales pour éviter des récidives.

– Une politique de prévention, dans plusieurs domaines (médias, santé, enseignement, économie, sports, culture, éducation).

– Une attention particulière consacrée aux femmes et enfants les plus vulnérables (sans papiers, en situation de handicap, qui ne parlent pas français…) »

Cette proposition de plan est éminemment urgente pour mettre fin au sentiment d’impunité des bourreaux et pour protéger des ravages sur tous les plans, physiques, psychologiques et sexuels que causent ces maltraitances sur les victimes innocents.

Les conséquences dévastatrices de ces violences sur les enfants.

Les enfants se construisent en fonction des modèles qui leur sont présentés. Pour grandir de manière harmonieuse, un enfant a besoin d’amour et de limites pour le structurer, de respect et de sécurité. A l’inverse, l’enfant qui est régulièrement confronté à un contexte familial où dominent la peur, la colère, la culpabilité ou toute forme de violence, peut alors présenter de nombreuses difficultés de développement et souffrir de problèmes intériorisés tels que des troubles d’anxiété,  la dépression, le retrait social ou une faible estime de soi.

Il peut aussi extérioriser et réagir avec impulsivité, hyperactivité, troubles de l’attention, agressivité ou même encore en tombant dans la délinquance. Avec un modèle parental empreint de violence, les enfants vont donc forcément être imprégnés de cette ambiance-là qui va se répercuter sur la construction de leur personnalité. Ils vont être systématiquement dans la reproduction des modèles auxquels ils ont été confrontés.

Victimes et otages de ces relations nuisibles, la violence qu’ils subissent va les « construire » de manière anxiogène. Qu’elle soit verbale ou physique, cette violence est au cœur de leur mal-être et suscite un sentiment d’insécurité aussi bien chez eux que chez les autres membres de la famille victimes comme eux. Ils apprennent que le mode de résolution des conflits familiaux passe par la violence.

L’Enfant qui voit le parent agresseur rentrer à la maison vit déjà une crise d’angoisse avant que l’agresseur n’ « entre en action ».

Il arrive que cette violence ne s’arrête pas avec la fin de la relation conjugale. Elle va continuer à s’exercer dans le rapport entre les deux parents. Le moment de la séparation est celui où le risque de violences est le plus élevé. C’est souvent le moment de passage à l’acte le plus grave, parfois meurtrier.

Les enfants, qu’ils soient directement témoins de la violence subie par leur mère ou qu’ils soient eux-mêmes maltraités, sont sujets à des troubles comportementaux et émotionnels liés à l’anxiété ou à la dépression avec des pensées suicidaires, 10 à 17 fois plus souvent que les autres enfants. 60% d’entre eux vont présenter du stress post-traumatique, que l’on retrouvera tout au long de leur vie d’adulte.

Ces enfants produisent du cortisol et de l’adrénaline à des taux beaucoup plus élevés que des enfants qui ne vivent pas dans un contexte de violence. Cela va engendrer chez eux des émotions exacerbées, des réactions d’impulsivité et d’agressivité. Ils risquent davantage des problèmes de décrochage scolaire, de tomber dans la délinquance, la drogue ou l’alcoolisme. Ils auront aussi du mal à identifier ou à comprendre les émotions des autres.

Sur le plan social et affectif , quelle que soit la nature de la maltraitance dont l’enfant a fait l’objet, il va se montrer davantage en retrait et dans l’évitement.

L’enfant en bas âge est bien plus exposé aux conséquences des violences que ses ainés, parce qu’il ne peut pas encore verbaliser et qu’il est totalement dépendant de l’adulte.

Un enfant maltraité qui fait l’objet de coups sait pertinemment qu’ils peuvent lui être fatals. L’expérience est terrorisante. Elle s’imprime en lui et reste sous forme de trace traumatique. Il aura tendance à rejouer ce scénario à l’image des scènes auxquelles il a assisté. Même si plus tard ces enfants n’auront plus un souvenir conscient de cette violence, ils en garderont toutefois une mémoire sensorielle qui va profondément se répercuter sur leur relation avec les autres.

Selon les estimations faites en 2012 par des études de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un 1 adulte sur 4 aurait été victime de violences sexuelles durant son enfance, dont une majorité de femmes. Comparativement aux autres femmes, celles ayant été victimes de violences sexuelles durant leur enfance auraient 7 fois plus de risques d’être dans un état de stress post-traumatique, 9 fois plus de risques de tomber dans l’accoutumance à l’alcool et aux drogues et près de 8,5 fois plus de risques d’être sujettes à un trouble de la personnalité.

De plus, le pourcentage d’hommes et de femmes souffrant de problèmes de santé et de conduites suicidaires est plus important chez ceux ayant déclaré des antécédents de violences sexuelles survenus avant l’âge de 15 ans.

Ces études révèlent également une forte proportion de personnes divorcées ou au chômage parmi les victimes Il y a donc corrélation entre le fait d’avoir subi des violences sexuelles durant l’enfance et celui d’avoir un plus faible statut socio-économique à l’âge adulte.

Conclusion

Les rapports de domination, de dépendance et d’emprise qui peuvent régner dans le foyer familial en font souvent des zones de non-droit où la violence s’exerce à l’abri des regards. Même si le confinement a été un catalyseur d’enfer pour les abus domestiques, les dépôts de plaintes ont fortement diminué durant la même période, car les victimes se sont retrouvés enfermés avec leur bourreau et ne pouvaient sortir.

Ces maltraitances ont donc toutes les chances de passer sous les radars car elles sont déjà compliquées à repérer d’habitude. De quoi s’alarmer encore plus sur ce qui se déroule habituellement dans ces huis clos familiaux.

Amnesty International et les associations de terrain estiment qu’il est plus que temps que ce problème devienne une préoccupation publique majeure et que l’on mette en œuvre les moyens pour prévenir ces abus intolérables et pour protéger les victimes.

Pour être efficaces, ces moyens doivent passer par une lutte contre la précarité socio-économique. En effet, si tous les milieux sociaux sont concernés, tous ne le sont pas à la même fréquence : la part des femmes victimes de violences conjugales se monte à 36‰ pour celles appartenant au 10% de ménages ayant les revenus les plus faibles, contre 8,3‰ pour celles appartenant aux 10% de foyers ayant les revenus les plus élevés. Plus clairement, les femmes et les enfants les plus pauvres sont 4 fois plus victimes de violences intrafamiliales que dans les familles les plus aisées.

Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant, dénonce le système actuel qui ne fonctionne pas correctement et dont « les lacunes sont multiples » [1]. Il rappelle que «  de nombreux pays ont pris des législations contraignantes pour aller vers le respect intégral des enfants » et que la Belgique est particulièrement en retard en la matière.

On sait que les enfants qui vivent dans un climat de violence ont beaucoup plus de risques de devenir eux-mêmes victimes de violence, que leur développement physique, émotionnel et social est en danger. Leur cerveau ainsi que leurs développements nerveux et cognitif peuvent subir des dommages sévères à cause du niveau élevé de stress émotionnel vécu.

Il y a aussi de fortes probabilités que ce cycle de violence se répète : des études menées dans plusieurs pays indiquent que le taux d’agressions est plus important envers les femmes dont le mari a été maltraité quand il était enfant ou a grandi dans un climat de violence domestique.[2]

Mais on sait comment mieux protéger ces enfants. Cette protection passe d’abord par un espace de parole avec des adultes auprès de qui ils peuvent trouver écoute et protection. Ils ont besoin d’entendre que cette violence n’est pas une fatalité, qu’elle est inacceptable, qu’elle peut s’arrêter et qu’il existe des moyens non-violents pour résoudre les conflits.

[1] https://www.laprovince.be/513573/article/2020-02-05/maltraitance-infantile-toutes-les-ecoles-ont-recu-une-circulaire

[2] https://parismatch.be/actualites/societe/396762/benedicte-linard-sur-lexplosion-des-violences-conjugales-en-lockdown-un-foyer-nest-pas-un-endroit-sur-pour-tout-le-monde

[3] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_enfants-maltraites-par-leurs-parents-le-cri-d-alarme-des-ecoles?id=10337290

[4] Indermaur, David, ‘Young Australians and Domestic Violence’, Trends and Issues in Crime and Criminal Justice, No. 195, Canberra, 2001; Ehrensaft, Miriam K., et al. ‘Clinically Abusive Relationships in an Unselected Birth Cohort: Men’s and Women’s Participation and Developmental Antecedents’, Journal of Abnormal Psychology, vol. 113, no. 2, 2004, pp. 258-271; OMS, ‘Rapport mondial sur la violence et la santé’, ed. By Krug, Etienne G., et al., Genève, 2002; Kyu, Nilar et Atsuko Kanai, ‘Prevalence, Antecedent Causes and Consequences of Domestic Violence in Myanmar’, Asian Journal of Social Psychology, vol. 8, no. 3, 2005, p. 244.

Sources :

L’enfance face à la violence dans le couple, Karen Sadlier, 2014

La violence conjugale. Développer l’expertise infirmière, Hélène Lachapelle et Louise Forest, Presse de l’université du Québec, 2000

https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/violence-conjugale/article/violence-conjugale

L’avenir 13 mai 2020, citant BELGA, Violences pendant le confinement: une personne concernée sur quatre, les enfants pas épargnés

https://www.youtube.com/watch?v=gH92KXsFMIc

https://www.youtube.com/watch?v=722FtRSBUIY

https://www.youtube.com/watch?v=EwnOvLEWrXI

https://www.youtube.com/watch?v=AfQ99CTpBLw

https://www.youtube.com/watch?v=5p1bS80oMWg

https://www.planningsfps.be/nos-dossiers-thematiques/dossier-violences-conjugales

https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/violence-conjugale/article/chiffres-violence-conjugale

https://www.cvfe.be/publications/analyses/215-violence-conjugale-et-precarite-des-femme

https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/arretons-violence-familiale/ressources-prevention/femmes/violence-faite-femmes-guide-ressources/realite-pauvrete-violence.html

L’Obs, Elsa Fayner, 17 novembre 2016 Les femmes pauvres, premières victimes des violences conjugales ?

https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-localement/agir-ecole/espace-enseignants/enseignement-secondaire/dossier-papiers-libres-2004-violences-femmes/article/3-5-la-pauvrete-et-la-violence-un-cercle-vicieux-4344

https://www.youtube.com/watch?v=kH_9_Piq3w4

https://www.youtube.com/watch?v=9QUuI-ETf_o

https://www.youtube.com/watch?v=tm3DDsWxqgI

https://www.youtube.com/watch?v=kH_9_Piq3w4

 

La « démission parentale », mythe ou réalité ?

La « démission parentale », mythe ou réalité ?

INTRODUCTION

Si la place des parents dans l’institution scolaire a évolué au fil du temps, elle n’a cessé d’être un questionnement pour tous les acteurs éducatifs concernés. Le discours sur la démission des parents est récurrent et vise particulièrement les familles populaires les plus démunies face à la scolarité de leurs enfants.

L’investissement scolaire des parents ne semble pas suffisamment conforme aux attentes de l’institution scolaire et des enseignants qui attendent que les parents soient des auxiliaires de l’école, capables de prolonger et de renforcer son action éducative. Ils déplorent qu’une partie des parents ne signe pas le journal de classe, ne vient pas aux réunions de l’école, n’aide pas assez les enfants dans les tâches scolaires.

Dès lors et avec tous ces signes concordants, pour de nombre de politiques, de médias, d’éducateurs, de professionnels de l’école et même de certains parents qui en jugent d’autres, il ne faut pas chercher plus loin : c’est bien la faute aux familles qui font mal leur boulot de parents. Leur « démission » apparaît donc évidente.

DEVELOPPEMENT

Pendant longtemps, l’École n’avait pas d’attente vis-à-vis des familles, tout simplement parce qu’elle cherchait à sortir les enfants de leur milieu social et culturel peu érudit pour en faire des citoyens instruits, sans le concours de leurs parents.

A partir du début des années 70, la massification de l’enseignement ne s’est pas accompagnée de sa démocratisation, engendrant une problématique nouvelle, celle de l’échec scolaire. Face à la difficulté de faire réussir tous les enfants, la question de la place et du rôle des parents a pris une place croissante.  

Ceux-ci ont alors été reconnus comme membres de la communauté éducative avec, en contrepartie, l’injonction subliminale de suivre la scolarité de leur enfant de manière assidue et efficace. Ce qui n’a pas été véritablement suivie d’effet, au regard des professionnels de l’éducation.

Pourquoi certains parents ne cherchent-ils pas à s’investir plus, même quand ils y sont «  incités  » ? L’explication la plus commode, qui élude la remise en question de l’échec de notre système éducatif, est trop souvent celle de la démission parentale. Les parents sont perçus comme responsables de l’échec de leur enfant. Il s’agirait donc de parents qui ne s’investiraient pas suffisamment dans le suivi et l’encadrement scolaire de leurs enfants.

Devenue une représentation sociale culpabilisante, la « démission parentale » est fortement vécue comme stigmatisante et injuste par les parents concernés. En effet, dans l’imaginaire collectif, elle est synonyme pêle-mêle de laxisme et de mauvaise maîtrise des savoirs éducatifs. La personnalité des parents, leur manque de savoir-faire ou encore leurs problèmes de couple seraient à l’origine des difficultés scolaires de l’enfant. Dans de telles conditions, comment demander à des familles qui se sentent négativement perçues par l’école d’y entrer et d’y trouver leur place ?

Au contraire, la recherche montre la place centrale qu’a l’école pour les familles populaires. Celles-ci ont bien compris qu’avec le chômage et la précarité qui les frappent, non seulement l’école offre la chance principale de levier social pour leurs enfants, mais aussi qu’elle ne peut être négligée sans courir un risque d’être socialement disqualifiées.

L’inquiétude des familles concernant les résultats scolaires de leurs enfants se traduit par de nombreuses tentatives de mobiliser diverses ressources comme les écoles des devoirs. Ceci démontre bien l’implication de ces parents issus de milieux défavorisés qui n’ont souvent ni les moyens financiers de payer des cours privés, ni les compétences pour aider leurs enfants, ni les codes de l’école nécessaires pour faire face aux difficultés scolaires. Quel parent ne voudrait-il pas voir son enfant réussir sa vie scolaire ou ne verrait pas, dans la réussite de son enfant, la preuve de sa propre réussite éducative ? 

Il est un constat assez parlant de cet engagement parental. Depuis de nombreuses années, il est pour ainsi dire devenu impossible de trouver une place dans les 346 écoles de devoirs[1] en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les listes d’attente s’allongent au grand dam des familles angoissées.

On retrouve la même tendance à incriminer les parents dans les cas de délinquance. Les parents seraient incapables de contenir et de prévenir les premières dérives des jeunes.

Pourtant une étude de la sociologue Laurence Giovannoni[2] montre que le mode éducatif en jeu dans l’accusation de « démission parentale » ne constitue qu’un facteur parmi d’autres dans le processus de délinquance juvénile. Il se combine à d’autres déterminants sociaux, tels une situation socioéconomique difficile et un rapport conflictuel et douloureux à l’institution scolaire.

L’étude souligne que plus d’un quart des familles de mineurs délinquants présente « un bon cadre éducatif ». Un autre quart des familles étudiées rencontre des difficultés relationnelles. Elles ne peuvent cependant pas être désignées comme « démissionnaires », dans la mesure où elles font explicitement appel, comme évoqué plus haut, aux structures d’assistance éducative. Ces parents se trouvent souvent démunis face à l’influence des autres élèves, face à la personnalité propre à leur enfant, à leurs difficultés à gérer sa période d’adolescence et aussi à leur manque de dialogue avec le corps enseignant[3].

Pour mieux comprendre cette représentation de « parent démissionnaire », tournons-nous vers son exact opposé, le parent méritant :

Toujours souriant, toujours à l’heure, impliqué dans l’éducation de son enfant et dans sa scolarité, sans jamais être envahissant, disponible, mobilisé, impliqué, le parent méritant a un travail. Ceci est important car, grâce à ce travail, il ne va pas étouffer son descendant de sa présence. Un travail valorisant et à responsabilités pour que son enfant puisse avoir un modèle sur lequel se projeter. Mais cette activité ne lui prend pas trop de temps non plus, afin qu’il puisse consacrer à son enfant un temps suffisant pour son développement et son équilibre affectif.

Le parent reçoit en retour les fruits de son investissement. Son enfant est poli, intéressé par l’école, ses devoirs sont toujours faits, ses cahiers bien tenus, il n’oublie jamais ses affaires, dort suffisamment toutes les nuits, ne s’ennuie jamais en classe, ne bouscule pas ses camarades, mange des fruits et légumes tous les jours. Idéalement, l’enfant pratique également un certain nombre d’activités extrascolaires mais sans que cela n’empiète sur son temps de classe.

Bref, l’idéal type du parent méritant est cadre, avec des moyens financiers et culturels conséquents mais avec un emploi du temps suffisamment léger pour ne pas être un parent absent.

Inutile de dire que la représentativité de ces «  parents idéaux  » dans l’ensemble de la population scolaire est nettement minoritaire[4], voire inexistant.

A l’opposé, on constate que la grande majorité des parents ne dispose pas du temps suffisant, du fait des conditions de vie professionnelles et familiales précaires et contraignants. A cet aspect s’ajoute la modestie relative du capital culturel effectivement mobilisable chez les parents peu instruits et/ou en situation de pauvreté qui les rend tout simplement incapables de soutenir leurs enfants autant que l’école attend d’eux. C’est encore plus le cas dans les familles primo-migrantes qui ne maîtrisent pas le français et ne connaissent pas le fonctionnement de l’école. 

Loin d’être  « absents » ou « démissionnaires »,  ces parents doivent lutter, souvent au quotidien, pour subvenir aux besoins primaires de leur famille.

Jeter la pierre sur ces parents contribue à cacher le vrai problème de notre système éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles qui est fortement inégalitaire. Les difficultés scolaires sont liées, en grande partie, à l’origine socio-économique des élèves : 74 %  des élèves de 16 ans issus de milieux moins favorisés accusent un retard scolaire contre 35% dans les familles plus favorisées[5].

Philippe Meirieu le disait très bien en 1997 déjà : « Nos villes, nos écoles et nos jeunes sont ainsi traversés par une frontière Nord-Sud. Certains enfants vivent avec un cerveau à deux hémisphères sociaux. L’un gère la pauvreté, les urgences de la survie immédiate, la débrouille au moindre coût, la famille patriarcale ou matriarcale ; l’autre les mathématiques et la physique (…)[6] » 

Les mondes politique, économique et scolaire continuent de fonctionner comme s’il y avait toujours un parent à la maison pour harmoniser les horaires à une époque où le contexte social et économique leur impose de travailler tous les deux. Et que dire des familles monoparentales ? Que dire du ou des parents dont l’enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé sachant que l’offre d’établissements de proximité est aléatoire et impose souvent de longs déplacements[7].

Deux parents qui travaillent doivent composer avec des rythmes scolaires et professionnels très différents : l’école primaire impose un horaire, l’école secondaire un autre et le travail de chaque parent en impose un autre encore !

Des parents qui sont déjà suffisamment occupés de leurs côtés et qui doivent s’occuper de jeunes dont l’identité ne se résume plus à celle de l’élève et pour qui l’école n’est plus le centre d’intérêt principal. Ces parents doivent alors gérer leur temps dans un espace-temps éclaté. Une brèche dans laquelle s’est infiltrée la sphère marchande qui met enfants et jeunes en valeur et surtout sous influence, en créant de nouveaux « besoins » de consommation. Depuis plusieurs années déjà, un problème supplémentaire bouscule un peu plus les rapports intrafamiliaux, c’est celui de la culture numérique. Smartphones, tablettes, ordinateur, réseaux sociaux, jeux vidéo ont envahi le quotidien et le temps des jeunes qui n’ont jamais été aussi connectés aux écrans et au monde virtuel. Parallèlement, ils n’ont jamais été aussi déconnectés du monde réel: selon un sondage Ifop réalisé en France en 2013 déjà, 78 % des jeunes des moins de 25 ans se disent dépendants aux smartphones ! 

En Belgique comme en France, on parle maintenant de pratique invasive et même addictive à l’écran au même titre que la drogue. Le problème est tel qu’il est devenu un enjeu de santé publique (problèmes d’agressivité, de troubles de sommeil, de vue, de stérilité,…). Une situation qui se répercute fortement sur les rapports entre enfants et parents, créant de nouvelles sources de tensions entre eux. Un nombre croissant de ces derniers se sente démunis au point qu’on entend maintenant parler de burn-out parental. Selon une étude publiée en novembre 2018 par la Ligue des familles[8], six famille sur dix déclarent avoir de grosses difficultés à concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle, s’ils en ont une !

Nombreux sont les parents qui se sentaient déjà démunis face à leur perte d’autorité car il convient de prendre en compte que « dans la majeure partie des cas, les facteurs de pauvreté et d’environnement social sont déterminants : ce sont eux qui ruinent la capacité de contrôle des parents [9]».

Avec tous ces constats, peut-on encore sérieusement tenir ce jugement simpliste de « parents démissionnaire »?

Les enseignants semblent de plus en plus conscients de ces facteurs qui compliquent la fonction parentale, surtout quand eux-mêmes sont confrontés à ces difficultés en tant que parents. Grâce notamment au soutien entre autres des écoles des devoirs et en général du tissu associatif qui favorise le dialogue entre enseignants et parents, ceux-ci ne demandent qu’à être mieux informés sur les programmes et les objectifs pédagogiques de l’école avec un langage accessible pour eux.

Face à toutes les difficultés qu’éprouvent les familles à assumer leur rôle, face aux diversités grandissantes des formes de familles qui vont de la monoparentalité à l’homoparentalité en passant par les familles recomposées, un nombre grandissant de parents fait appel aux services de soutien à la parentalité.

Des mesures d’aide qui vise à accompagner, à aider les parents à éduquer leurs enfants et à subvenir à l’ensemble de leurs besoins éducatifs, affectifs, scolaires, culturels et sociaux. Le site ‘parentalite.be’ est né de cette volonté des différents ministres du gouvernement de la FWB de « répondre de manière positive aux enjeux posés par l’exercice, souvent difficile, de la parentalité. »[10]

Aujourd’hui, une série d’organismes est à la disposition des parents pour les aider à assurer leurs fonctions et ce dès la naissance de leur premier enfant (ONE, maisons de la parentalité, associations de parents, associations dispensant des formations de français, de cours d’informatique, d’alphabétisation, …).

Ces centres et ces activités qui leur sont réservés répondent à des besoins spécifiques et contribuent à renforcer leur « accrochage » en tant que parents.

Ailleurs dans le monde, de telles structures existent depuis fort longtemps. En France, le contrat de réussite on a été créé il y a près de vingt-cinq ans déjà. Celui-ci vise à ouvrir l’école sur le quartier pour créer les conditions d’un partenariat efficace. Il organise également des campagnes de valorisation de l’éducation et de l’école, avec comme objectif d’inciter les parents et les communautés à s’impliquer dans la scolarisation des enfants et jeunes.

 Il existe aussi un dispositif appelé la « mallette des parents » qui vise à un plus grand dialogue avec les parents, en les informant sur une meilleure connaissance de l’école et de son fonctionnement.

Depuis 2013, un modèle partenarial institutionnel a vu le jour qui s’est concrétisé par une loi appelée Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République etqui évoque une redynamisation du dialogue entre école, parent, collectivité territoriale et secteur associatif et affirmant que « la promotion de la coéducation est un des principaux leviers de la refondation de l’école. »[11]

Au Québec, il existe depuis les années 60 une collaboration et un partenariat étroits entre communautés éducatives (enseignants-parents-associations). Cette collaboration propose un modèle éducatif plus proche de la notion de coéducation, basée sur une conception partagée de la réussite scolaire en visant aussi le développement personnel et une meilleure insertion professionnelle du jeune.

Dans les pays scandinaves ou au Québec, on a compris depuis fort longtemps que l’implication des parents est fortement corrélée à la performance scolaire de leurs enfants[12], comme d’ailleurs tous les travaux de recherches le montrent.

Des modèles d’implication des parents dans la vie de l’école existent, comme celui proposé par le psychosociologue Jean Epstein et qui peut se traduire par des modes de partenariat visant à aider les familles dans leur rôle de soutien et les écoles dans leur rôle de compréhension des familles.

L’école a donc tout intérêt à s’ouvrir réellement à la mixité sociale et culturelle des familles, à la prise en compte des difficultés rencontrées par les parents, selon un mode bienveillant, traduisible au quotidien par des lieux passerelles pouvant accueillir des parents avec des horaires moins contraignants pour eux et les enseignants à différents moments de l’année, dans des cadres moins rigides, avec des activités périscolaires sollicitant les compétences parentales et destinés à « construire un corpus commun de valeurs éducatives à l’école et aux familles »[13]

CONCLUSION

Il est difficile de croire à l’arrivée sur le « marché familial » d’une génération spontanée de parents démissionnaires inaptes à éduquer leurs enfants. Le problème est bien plus complexe que ce que le slogan facile de la « démission parentale » tend à faire croire. Bon nombre d’enquêtes le confirment[14], rares sont les parents qui ne se soucient pas du parcours de leur enfant.

Malgré cela, la conviction d’une démission éducative des parents en situation socio-économique difficile n’en reste pas moins fortement ancrée à tous les niveaux du système éducatif. Un système qui ne s’est pas encore remise en question et qui a du mal à s’adapter aux évolutions de la société et des familles. Cette évolution résulte aussi de la complexité grandissante de la fonction éducative, de l’engagement professionnel des deux parents, de l’instabilité et de la précarité sociale et culturelle des familles de milieux populaires.

Lorsque la position sociale de la famille contredit de fait la promesse d’un destin social acceptable, pourquoi le jeune prendrait-il vraiment au sérieux ses parents dont il est loin de voir en eux un modèle? [15]  

Lutter contre l’échec scolaire et l’impuissance passe naturellement par la lutte contre la précarité.

Un nombre non négligeable de ces parents se sente dépassés car confrontés à des difficultés de vie qui sont souvent incompatibles avec l’exercice de leurs responsabilités parentales.

Pour y faire face, des organismes ont été créés et sont, le plus souvent, subventionnés par les pouvoirs publics en vue de soutenir les parents dans leur fonction avec l’objectif de leur proposer des espaces de discussion, d’échanges et de formations, en veillant à éviter des modèles ou des normes éducatifs.

Le monde associatif a bien saisi l’importance de ce soutien parental : de nombreuses associations dispensent parallèlement aux écoles de devoirs, des ateliers de calcul, d’alphabétisation, de langues, d’initiation à l’informatique et de nombreuses activités culturelles. Ces activités répondent aux attentes et besoins de ces parents et contribuent à renforcer leur « accrochage » face à l’éducation et à la scolarité de leur enfant.

Affirmer que la soi-disant « démission parentale » est responsable de l’échec scolaire, c’est avant tout placer la responsabilité éducative sur le dos uniquement des parents, ce qui déresponsabilise bien trop facilement l’ensemble des adultes présents à l’école. Le personnel des écoles de devoirs, des services d’accueil extrascolaire (dont les garderies scolaires) sont tous concernés par l’éducation des enfants et la transmission des règles de savoir-vivre. Tous ont leur rôle à jouer.

Concernant le rôle dévolu aux parents, Edmund Bergler conclut son étude en ces termes : « Tout ce que l’on peut raisonnablement attendre des parents est qu’ils fassent de leur mieux pour les enfants. »[16]


[1] http://www.ecolesdedevoirs.be/qui-sommes-nous

[2] Laurence Giovannoni, « La démission parentale facteur majeur de délinquance : mythe ou réalité ? », Sociétés et jeunesses en difficulté, n°5, printemps 2008.

[3] Mahy Ch. Parents pauvres au quotidien, in Revue Politique, Revue de débat, num. 68 janvier-février 2011.

[4] Indicateurs de l’enseignement 2019, page 26,27

[5] Ibid.

[6] MEIRIEU PH.,GUIRAUD M.,L’école ou la guerre civile, Plon,Paris,1997

[7] FAPEO, Joëlle Lacroix – Ne cherchez plus, c’est la faute aux parents, 2011

[8] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_burn-out-parental-20-des-parents-se-disent-au-bord-du-gouffre?id=10060492

[9] L.Mucchielli, La démission parentale en question : un bilan de recherches, Centres de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales, Bulletin d’information, France 2000.

[10] https://parentalite.be/

[11] Coéducation : quelle place pour les parents. Dossier de veille de l’IFE « num..98 », janvier 2015

[12] Ibid.

[13] Georges Fotinos, Le divorce école-parents en France, mythe et réalité en 2015, Enquêtes quantitatives auprès des directeurs d’école maternelle et élémentaire, des personnels de direction des lycées et collèges et des parents d’élèves.

[14] Travaux de B. Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires, Paris, Gallimard/Seuil, 1995. D. Thin, Quartiers populaires. L’école et les familles, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1998.Ch. Mahy, Parents pauvres au quotidien, in, Revue politique, Revue de débats n° 68, janvier-février 2011. 

[15] L.Mucchielli, La démission parentale en question : un bilan de recherches, Centres de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales, Bulletin d’information, France 2000.

[16] E. Bergler, Les parents ne sont pas responsables des névroses de leurs enfants. La peur injustifiée des parents de commettre des erreurs, édit. Payot, 2001, sur http://www.megapsy.com/autre_bibli/biblio010.html

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