Déc 31, 2019 | Discrimination - Violence, Ecole - Education - Inclusion, Participation - Liberté - Expression
INTRODUCTION
Si la place des
parents dans l’institution scolaire a évolué au fil du temps, elle n’a cessé d’être
un questionnement pour tous les acteurs éducatifs concernés. Le discours sur la
démission des parents est récurrent et vise particulièrement les familles
populaires les plus démunies face à la scolarité de leurs enfants.
L’investissement
scolaire des parents ne semble pas suffisamment conforme aux attentes de
l’institution scolaire et des enseignants qui attendent que les parents soient
des auxiliaires de l’école, capables de prolonger et de renforcer son action
éducative. Ils déplorent qu’une partie des parents ne signe pas le journal de
classe, ne vient pas aux réunions de l’école, n’aide pas assez les enfants dans
les tâches scolaires.
Dès lors et avec tous ces signes concordants, pour de nombre de politiques, de médias, d’éducateurs, de professionnels de l’école et même de certains parents qui en jugent d’autres, il ne faut pas chercher plus loin : c’est bien la faute aux familles qui font mal leur boulot de parents. Leur « démission » apparaît donc évidente.
DEVELOPPEMENT
Pendant longtemps,
l’École n’avait pas d’attente vis-à-vis des familles, tout simplement parce
qu’elle cherchait à sortir les enfants de leur milieu social et culturel peu érudit
pour en faire des citoyens instruits, sans le concours de leurs parents.
A partir du début
des années 70, la massification de l’enseignement ne
s’est pas accompagnée de sa démocratisation, engendrant une problématique
nouvelle, celle de l’échec scolaire. Face à la difficulté de faire réussir tous
les enfants, la question de la place et du rôle des parents a pris une place
croissante.
Ceux-ci ont alors
été reconnus comme membres de la communauté éducative avec, en contrepartie, l’injonction subliminale de suivre la scolarité de leur enfant de manière
assidue et efficace. Ce qui n’a pas été véritablement suivie d’effet, au regard
des professionnels de l’éducation.
Pourquoi certains parents ne
cherchent-ils pas à s’investir plus, même quand ils y sont « incités » ?
L’explication la plus commode, qui élude la remise en question de l’échec de
notre système éducatif, est trop souvent celle de la démission parentale. Les parents sont perçus comme responsables de
l’échec de leur enfant. Il s’agirait donc
de parents qui ne s’investiraient pas suffisamment dans le suivi et
l’encadrement scolaire de leurs enfants.
Devenue une représentation sociale culpabilisante, la « démission
parentale » est fortement vécue comme stigmatisante
et injuste par les parents concernés. En effet, dans
l’imaginaire collectif, elle est synonyme pêle-mêle de laxisme et de mauvaise
maîtrise des savoirs éducatifs. La personnalité des parents, leur manque de savoir-faire
ou encore leurs problèmes de couple seraient à l’origine des difficultés
scolaires de l’enfant. Dans de
telles conditions, comment demander à des familles qui se sentent négativement
perçues par l’école d’y entrer et d’y trouver leur place ?
Au contraire, la
recherche montre la place centrale qu’a l’école pour les familles populaires.
Celles-ci ont bien compris qu’avec le chômage et la précarité qui les frappent,
non seulement l’école offre la chance principale de levier social pour leurs enfants,
mais aussi qu’elle ne peut être négligée sans courir un risque d’être
socialement disqualifiées.
L’inquiétude des
familles concernant les résultats scolaires de
leurs enfants se traduit par de nombreuses tentatives de
mobiliser diverses ressources comme les écoles des devoirs. Ceci démontre bien
l’implication de ces parents issus de milieux défavorisés qui n’ont souvent ni les moyens financiers de payer des cours privés, ni les
compétences pour aider leurs enfants, ni les codes de l’école nécessaires pour
faire face aux difficultés scolaires. Quel parent ne
voudrait-il pas voir son enfant réussir sa vie scolaire ou ne verrait pas,
dans la réussite de son enfant, la preuve de sa propre réussite
éducative ?
Il est un constat
assez parlant de cet engagement parental. Depuis de nombreuses années, il est pour
ainsi dire devenu impossible de trouver une place dans
les 346 écoles de devoirs[1] en Fédération
Wallonie-Bruxelles. Les listes d’attente s’allongent au grand dam des familles
angoissées.
On retrouve la même
tendance à incriminer les parents dans les cas de délinquance. Les parents
seraient incapables de contenir et de prévenir les premières dérives des
jeunes.
Pourtant une étude de la sociologue Laurence Giovannoni[2] montre que le mode éducatif en jeu dans l’accusation
de « démission parentale » ne constitue qu’un facteur parmi d’autres dans le
processus de délinquance juvénile. Il se combine à d’autres déterminants
sociaux, tels une situation socioéconomique difficile et un rapport conflictuel
et douloureux à l’institution scolaire.
L’étude souligne que plus d’un quart des familles de mineurs délinquants
présente « un bon cadre éducatif ». Un autre quart des familles étudiées
rencontre des difficultés relationnelles. Elles ne peuvent cependant pas être
désignées comme « démissionnaires », dans la mesure où elles font explicitement
appel, comme évoqué plus haut, aux structures d’assistance éducative. Ces
parents se trouvent souvent démunis face à l’influence des autres élèves, face
à la personnalité propre à leur enfant, à leurs difficultés à gérer sa période
d’adolescence et aussi à leur manque de dialogue avec le corps enseignant[3].
Pour mieux comprendre cette
représentation de « parent démissionnaire », tournons-nous vers son exact
opposé, le parent méritant :
Toujours souriant, toujours à
l’heure, impliqué dans l’éducation de son enfant et dans sa scolarité, sans
jamais être envahissant, disponible, mobilisé, impliqué, le parent méritant a
un travail. Ceci est important car, grâce à ce travail, il ne va pas étouffer
son descendant de sa présence. Un travail valorisant et à responsabilités pour
que son enfant puisse avoir un modèle sur lequel se projeter. Mais cette activité
ne lui prend pas trop de temps non plus, afin qu’il puisse consacrer à son enfant
un temps suffisant pour son développement et son équilibre affectif.
Le parent reçoit en retour les fruits
de son investissement. Son enfant est poli, intéressé par l’école, ses devoirs
sont toujours faits, ses cahiers bien tenus, il n’oublie jamais ses affaires,
dort suffisamment toutes les nuits, ne s’ennuie jamais en classe, ne bouscule
pas ses camarades, mange des fruits et légumes tous les jours. Idéalement,
l’enfant pratique également un certain nombre d’activités extrascolaires mais
sans que cela n’empiète sur son temps de classe.
Bref, l’idéal type du parent méritant
est cadre, avec des moyens financiers et culturels conséquents mais avec un
emploi du temps suffisamment léger pour ne pas être un parent absent.
Inutile de dire que la représentativité
de ces « parents idéaux » dans l’ensemble de la population scolaire
est nettement minoritaire[4], voire inexistant.
A l’opposé, on
constate que la grande majorité des parents ne dispose pas du temps suffisant, du
fait des conditions de vie professionnelles et familiales précaires et
contraignants. A cet aspect s’ajoute la modestie relative du capital culturel
effectivement mobilisable chez les parents peu instruits et/ou en situation de
pauvreté qui les rend tout simplement incapables de soutenir leurs enfants autant
que l’école attend d’eux. C’est encore plus le cas dans les familles
primo-migrantes qui ne maîtrisent pas le français et ne connaissent pas le
fonctionnement de l’école.
Loin d’être « absents » ou
« démissionnaires », ces
parents doivent lutter, souvent au quotidien, pour subvenir aux besoins
primaires de leur famille.
Jeter la pierre sur ces parents contribue à cacher le vrai problème de
notre système éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles qui est fortement
inégalitaire. Les difficultés scolaires sont liées, en grande partie, à
l’origine socio-économique des élèves : 74 % des élèves de 16 ans issus de milieux moins
favorisés accusent un retard scolaire contre 35% dans les familles plus
favorisées[5].
Philippe Meirieu le
disait très bien en 1997 déjà : « Nos
villes, nos écoles et nos jeunes sont ainsi traversés par une frontière
Nord-Sud. Certains enfants vivent avec un cerveau à deux hémisphères sociaux.
L’un gère la pauvreté, les urgences de la survie immédiate, la débrouille au
moindre coût, la famille patriarcale ou matriarcale ; l’autre les mathématiques
et la physique (…)[6] »
Les mondes politique, économique et scolaire continuent de
fonctionner comme s’il y avait toujours un parent à la maison pour harmoniser
les horaires à une époque où le contexte social et économique leur impose de
travailler tous les deux. Et que dire des familles monoparentales ? Que
dire du ou des parents dont l’enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé
sachant que l’offre d’établissements de proximité est aléatoire et impose
souvent de longs déplacements[7].
Deux parents qui travaillent doivent composer avec des rythmes scolaires
et professionnels très différents : l’école primaire impose un horaire,
l’école secondaire un autre et le travail de chaque parent en impose un autre
encore !
Des parents qui sont déjà suffisamment occupés de leurs côtés
et qui doivent s’occuper de jeunes dont l’identité ne se résume plus à celle de
l’élève et pour qui l’école n’est plus le centre d’intérêt principal. Ces
parents doivent alors gérer leur temps dans un espace-temps éclaté. Une brèche
dans laquelle s’est infiltrée la sphère marchande qui met enfants et jeunes en
valeur et surtout sous influence, en créant de nouveaux « besoins » de
consommation. Depuis plusieurs années déjà, un problème supplémentaire bouscule
un peu plus les rapports intrafamiliaux, c’est celui de la culture numérique. Smartphones,
tablettes, ordinateur, réseaux sociaux, jeux vidéo ont envahi le quotidien et le
temps des jeunes qui n’ont jamais été aussi connectés aux écrans et au monde
virtuel. Parallèlement, ils n’ont jamais été aussi déconnectés du monde réel:
selon un sondage Ifop réalisé en France en 2013 déjà, 78 % des jeunes des moins
de 25 ans se disent dépendants aux smartphones !
En Belgique comme en France, on parle maintenant de pratique invasive et même
addictive à l’écran au même titre que la drogue. Le problème est tel qu’il est
devenu un enjeu de santé publique (problèmes d’agressivité, de troubles de
sommeil, de vue, de stérilité,…). Une situation qui se répercute fortement sur
les rapports entre enfants et parents, créant de nouvelles sources de tensions
entre eux. Un nombre croissant de ces derniers se sente démunis au point
qu’on entend maintenant parler de burn-out parental. Selon une étude publiée en
novembre 2018 par la Ligue des familles[8], six famille sur dix déclarent avoir de
grosses difficultés à concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle,
s’ils en ont une !
Nombreux sont les parents qui se sentaient déjà démunis
face à leur perte d’autorité car il convient de prendre en compte que « dans la majeure partie des cas, les
facteurs de pauvreté et d’environnement social sont déterminants : ce sont
eux qui ruinent la capacité de contrôle des parents [9]».
Avec tous ces
constats, peut-on encore sérieusement tenir ce jugement simpliste de « parents
démissionnaire »?
Les enseignants
semblent de plus en plus conscients de ces facteurs qui compliquent la fonction
parentale, surtout quand eux-mêmes sont confrontés à ces difficultés en tant
que parents. Grâce notamment au soutien entre autres des écoles des devoirs et
en général du tissu associatif qui favorise le dialogue entre enseignants et
parents, ceux-ci ne demandent qu’à être mieux informés sur les programmes et
les objectifs pédagogiques de l’école avec un langage accessible pour eux.
Face à toutes les
difficultés qu’éprouvent les familles à assumer leur rôle, face aux diversités grandissantes des formes
de familles qui vont de la monoparentalité à l’homoparentalité en passant par
les familles recomposées, un nombre grandissant de parents fait appel aux
services de soutien à la parentalité.
Des mesures d’aide qui vise à accompagner, à aider
les parents à éduquer leurs enfants et à subvenir à l’ensemble de leurs besoins
éducatifs, affectifs, scolaires, culturels et sociaux. Le site ‘parentalite.be’ est né de cette volonté des
différents ministres du gouvernement de la FWB de « répondre de manière
positive aux enjeux posés par l’exercice, souvent difficile, de la
parentalité. »[10]
Aujourd’hui, une série d’organismes est à la disposition des parents
pour les aider à assurer leurs fonctions et ce dès la naissance de leur premier
enfant (ONE, maisons de la parentalité, associations de parents, associations
dispensant des formations de français, de cours d’informatique, d’alphabétisation,
…).
Ces
centres et ces activités qui leur sont réservés répondent à des besoins spécifiques
et contribuent à renforcer leur « accrochage » en tant que parents.
Ailleurs dans le
monde, de telles structures existent depuis fort longtemps. En France, le contrat
de réussite on a été créé il y a près de vingt-cinq ans déjà. Celui-ci vise à
ouvrir l’école sur le quartier pour créer les conditions d’un partenariat
efficace. Il organise également des campagnes de valorisation de l’éducation et
de l’école, avec comme objectif d’inciter les parents et les communautés à
s’impliquer dans la scolarisation des enfants et jeunes.
Il existe aussi un dispositif appelé la
« mallette des parents » qui vise à un plus grand dialogue avec les
parents, en les informant sur une meilleure connaissance de l’école et de son
fonctionnement.
Depuis 2013, un
modèle partenarial institutionnel a vu le jour qui s’est concrétisé par une loi
appelée Loi d’orientation et de
programmation pour la refondation de l’école de la République etqui évoque une redynamisation du
dialogue entre école, parent, collectivité territoriale et secteur associatif
et affirmant que « la promotion de
la coéducation est un des principaux leviers de la refondation de l’école. »[11]
Au Québec, il
existe depuis les années 60 une collaboration et un partenariat étroits entre
communautés éducatives (enseignants-parents-associations). Cette collaboration propose
un modèle éducatif plus proche de la notion de coéducation, basée sur une
conception partagée de la réussite scolaire en visant aussi le développement
personnel et une meilleure insertion professionnelle du jeune.
Dans les pays
scandinaves ou au Québec, on a compris depuis fort longtemps que l’implication
des parents est fortement corrélée à la performance scolaire de leurs enfants[12], comme d’ailleurs tous les travaux de recherches le montrent.
Des modèles
d’implication des parents dans la vie de l’école existent, comme celui
proposé par le psychosociologue Jean Epstein et qui peut se traduire par des
modes de partenariat visant à aider les familles dans leur rôle de soutien et
les écoles dans leur rôle de compréhension des familles.
L’école a donc tout intérêt à s’ouvrir réellement à la mixité sociale et culturelle des familles, à la prise en compte des difficultés rencontrées par les parents, selon un mode bienveillant, traduisible au quotidien par des lieux passerelles pouvant accueillir des parents avec des horaires moins contraignants pour eux et les enseignants à différents moments de l’année, dans des cadres moins rigides, avec des activités périscolaires sollicitant les compétences parentales et destinés à « construire un corpus commun de valeurs éducatives à l’école et aux familles »[13]
CONCLUSION
Il est difficile de
croire à l’arrivée sur le « marché familial » d’une génération
spontanée de parents démissionnaires inaptes à éduquer leurs enfants. Le
problème est bien plus complexe que ce que le slogan facile de la « démission
parentale » tend à faire croire. Bon nombre
d’enquêtes le confirment[14], rares sont les parents qui ne se soucient
pas du parcours de leur enfant.
Malgré cela, la conviction d’une démission éducative des parents en
situation socio-économique difficile n’en reste pas moins fortement ancrée à
tous les niveaux du système éducatif. Un système qui ne s’est pas encore remise
en question et qui a du mal à s’adapter aux évolutions de la société et des
familles. Cette évolution résulte aussi de la complexité grandissante de la
fonction éducative, de l’engagement professionnel des deux
parents, de l’instabilité et de la précarité sociale et culturelle des familles
de milieux populaires.
Lorsque la position
sociale de la famille contredit de fait la promesse d’un destin
social acceptable, pourquoi le jeune prendrait-il vraiment au sérieux ses
parents dont il est loin de voir en eux un modèle? [15]
Lutter contre l’échec scolaire et
l’impuissance passe naturellement par la lutte contre la précarité.
Un nombre non négligeable de ces parents
se sente dépassés car confrontés à des difficultés de vie qui sont souvent
incompatibles avec l’exercice de leurs responsabilités parentales.
Pour y faire face, des organismes
ont été créés et sont, le plus souvent, subventionnés par les pouvoirs publics
en vue de soutenir les parents dans leur fonction avec l’objectif de leur
proposer des espaces de discussion, d’échanges et de formations, en veillant à
éviter des modèles ou des normes éducatifs.
Le monde associatif a bien saisi
l’importance de ce soutien parental :
de nombreuses associations dispensent parallèlement aux écoles de devoirs, des
ateliers de calcul, d’alphabétisation, de langues, d’initiation à
l’informatique et de nombreuses activités culturelles. Ces activités répondent
aux attentes et besoins de ces parents et contribuent à renforcer leur
« accrochage » face à l’éducation et à la scolarité de leur enfant.
Affirmer que la soi-disant
« démission parentale » est responsable de l’échec scolaire, c’est avant
tout placer la responsabilité
éducative sur le dos uniquement des parents, ce qui déresponsabilise bien trop
facilement l’ensemble des adultes présents à l’école. Le personnel des écoles
de devoirs, des services d’accueil extrascolaire (dont les garderies scolaires)
sont tous concernés par l’éducation des enfants et la transmission des règles
de savoir-vivre. Tous ont leur rôle à jouer.
Concernant le rôle dévolu aux parents, Edmund Bergler conclut son étude en
ces termes : « Tout ce que l’on
peut raisonnablement attendre des parents est qu’ils fassent de leur mieux pour
les enfants. »[16]
[1] http://www.ecolesdedevoirs.be/qui-sommes-nous
[2] Laurence Giovannoni, « La démission
parentale facteur majeur de délinquance : mythe ou réalité ? », Sociétés et jeunesses en
difficulté, n°5, printemps 2008.
[3] Mahy Ch. Parents
pauvres au quotidien, in Revue Politique, Revue de débat, num. 68
janvier-février 2011.
[4] Indicateurs de l’enseignement 2019,
page 26,27
[5] Ibid.
[6] MEIRIEU PH.,GUIRAUD
M.,L’école ou la guerre civile, Plon,Paris,1997
[7] FAPEO, Joëlle Lacroix
– Ne cherchez plus, c’est la faute aux parents, 2011
[8] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_burn-out-parental-20-des-parents-se-disent-au-bord-du-gouffre?id=10060492
[9] L.Mucchielli, La démission parentale en question : un bilan de recherches, Centres
de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales, Bulletin
d’information, France 2000.
[10] https://parentalite.be/
[11] Coéducation :
quelle place pour les parents. Dossier de
veille de l’IFE « num..98 », janvier 2015
[12] Ibid.
[13] Georges Fotinos, Le divorce école-parents en France, mythe et
réalité en 2015, Enquêtes quantitatives auprès des directeurs d’école
maternelle et élémentaire, des personnels de direction des lycées et collèges
et des parents d’élèves.
[14] Travaux de B. Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs
scolaires en milieux populaires, Paris, Gallimard/Seuil, 1995. D. Thin, Quartiers populaires. L’école et les
familles, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1998.Ch. Mahy, Parents pauvres au quotidien, in, Revue
politique, Revue de débats n° 68, janvier-février 2011.
[15] L.Mucchielli,
La démission parentale en question :
un bilan de recherches, Centres de Recherches Sociologiques sur le Droit et
les Institutions pénales, Bulletin d’information, France 2000.
[16] E. Bergler, Les parents ne sont pas responsables des névroses de leurs enfants. La peur injustifiée des parents de commettre des erreurs, édit. Payot, 2001, sur http://www.megapsy.com/autre_bibli/biblio010.html
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Qu’est-ce qu’un aménagement « raisonnable » ?
La notion d’aménagement raisonnable est une notion de Droit qui vise à
favoriser l’égalité et la non-discrimination pour les personnes en situation de
handicap. Il s’agit de créer une exception au profit d’une personne afin
qu’elle puisse bénéficier des mêmes droits et d’un accès aux mêmes services que
les autres.
Selon
l’ONU, on entend par «
aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés
n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des
besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la
jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les
droits de l’homme (ou droits humains NDLR) et de toutes les libertés fondamentales[1].
Unia, l’ancien-Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme en donne la définition suivante : Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de réduire, autant que possible, les effets négatifs d’un environnement inadapté sur la participation d’une personne en situation de handicap à la vie en société[2].
Pourquoi parle-t-on d’aménagements raisonnables ? Il y a-t-il des aménagements non-raisonnables ?
Oui !
Le monde dans lequel nous vivons est, hélas, loin d’être parfait et certains aménagements nécessaires peuvent s’avérer trop coûteux, trop envahissants ou impossibles. La mise en place d’un ascenseur pour permettre à un·e élève à mobilité réduite d’aller dans une classe au 3e étage, s’avère par exemple, financièrement impossible pour de nombreuses écoles, voire impossible dans la structure d’un bâtiment donné. Le terme « raisonnable » doit être évalué à l’aune de différents critères comme le coût, la fréquence et la durée prévue de l’aménagement, l’impact sur l’organisation, l’impact de l’aménagement sur l’environnement des autres élèves et l’absence ou non d’alternatives[3].
Les aménagements raisonnables à l’école
C’est le Décret du 7 décembre 2017, « relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques » qui impose la mise en place d’aménagements raisonnables pour les élèves à besoins spécifiques, depuis le 1er septembre 2018.
Pourquoi un Décret « Aménagements raisonnables », alors qu’il y avait déjà un Décret « Anti-discrimination » ?
Malheureusement, il a été constaté que des écoles contournaient le Décret
antidiscrimination[4].
Celui-ci imposait déjà les aménagements raisonnables, mais n’était que trop peu
appliqué. Il précisait pourtant que « les aménagements
raisonnables sont des
mesures appropriées, prises
en fonction des
besoins dans une
situation concrète, pour
permettre à une
personne handicapée d’accéder,
de participer et de progresser
dans les domaines
visés à l’article
4[5], sauf
si ces mesures
imposent à l’égard
de la personne
qui doit les
adopter une charge
disproportionnée. Cette charge
n’est pas disproportionnée lorsqu’elle
est compensée de
façon suffisante par
des mesures existant
dans le cadre
de la politique publique menée concernant les
personnes handicapées[6] ».
Enfin, il insistait en précisant que « toute discrimination fondée
sur l’un des
critères protégés est interdite.[7] ».
Malgré cela, de nombreux enfants ne bénéficiaient pas d’aménagements
raisonnables, malgré la demande insistante des parents et le rappel du Droit.
Des écoles, des professeur·e·s prétextaient que « donner » des
aménagements raisonnables à certains enfants aurait été discriminatoire par
rapport à tous les autres ou que les enfants bénéficiant de certains
aménagements raisonnables (ordinateurs, calculettes, …) pouvaient
« tricher ».
Régulièrement, Unia a été contraint de rappeler à des écoles les droits de
leurs élèves à besoins spécifiques. Dans un rapport de 2015, Unia précise que 20% des signalements introduits auprès
du Centre en matière de
handicap touchent à l’enseignement. Ces signalements augmentent d’année en
année (31 signalements introduits en 2012, 62 en 2013, 87 en 2014) et 56,5%
concernent un refus ou absence d’aménagements raisonnables[8].
Il fallait doc passer à la vitesse supérieure, d’autant que le Pacte pour
un enseignement d’excellence prévoit « le principe d’une démarche évolutive doit être à la base de
l’organisation de l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et
jusqu’à la fin de la scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque
élève d’être inscrit dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus
d’inscription au motif que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables
ou que l’enfant ne serait pas capable d’assimiler la matière enseignée[9] ». L’école inclusive
est définie comme « permettant à un élève
à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire
moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel,
pédagogique et/ou organisationnel ».
Mais tout n’est pas réglé pour autant. Un an après la mise en œuvre du Décret, l’Ufapec dénonçait le refus de certaines écoles d’appliquer le décret[10] : « Il n’y a pas une semaine qui passe sans que des parents (d’enfants à besoins spécifiques) nous appellent pour nous dire : on nous refuse un aménagement raisonnable! »
Qui peut bénéficier d’aménagements raisonnables ?
Tout élève de l’enseignement ordinaire, fondamental et secondaire, qui
présente des « besoin(s) spécifique(s) », (…) est en droit de bénéficier
d’aménagements raisonnables matériels, organisationnels ou pédagogiques
appropriés (…)[11].
Cependant, le Décret ajoute un bémol qui empêche certains élèves de pouvoir en
bénéficier, car il précise « pour
autant que sa situation ne rende pas indispensable une prise en charge par
l’enseignement spécialisé les dispositions du décret
du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé. ». Selon nous, cette restriction va à
l’encontre de l’article 24 de la CIDPH[12]
de l’ONU qui précise que « Les
personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres,
avoir accès, dans
les communautés où
elles vivent, à
un enseignement primaire
inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement
secondaire » également inclusif.
L’enseignement ségrégué (un enseignement qui place ses élèves à part / à l’écart de la société et ne leur fait pas apprendre avec les enfants dits « ordinaires », comme cela se passe dans notre enseignement spécialisé) n’est pas, par définition, un enseignement inclusif.
Qu’entend-on par élève à besoins spécifiques ?
Lorsqu’on parle de « besoins spécifiques », on parle en général
de troubles qui font qu’un·e enfant a plus de mal à apprendre que la majorité
des enfants de son âge, lorsqu’il/elle est dans une situation spécifique[13]
(lecture, calcul, rester assis·e, dessiner, se représenter dans l’espace, …) ou
d’enfants ayant un handicap ou une maladie qui les empêche d’apprendre comme
les autres ou les gêne dans leurs apprentissages.
Le Décret précise les besoins spécifiques comme étant des « besoins résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire, fondamental ou secondaire. »
Comment demander à l’école la mise en place d’aménagements raisonnables ?
Préalablement à la mise en place d’aménagements raisonnables, le Décret
impose un diagnostic datant de moins d’un an[14].
C’est évidemment discriminatoire. Les parents d’un enfant dont un diagnostic
daterait de plus d’un an – ce qui est fréquent – devront repasser par la case
« Je dois payer » pour simplement voir confirmer que leur enfant a
toujours une dyslexie (on a une dyslexie à vie), une dyscalculie (idem), une
dyspraxie (re-idem), voire un autisme ou une surdité (re-re-re-idem). Il semble
que Kafka soit passé dans ce Décret, histoire de ne surtout pas trop perturber
les écoles. Rappelons que la détection d’un autisme prend… plus d’un an. Il est
bien connu également, que les familles populaires ont de l’argent à dépenser à
tire-larigot dans des tests répétitifs. Et dire que le Pacte pour un
enseignement d’excellence a l’ambition de supprimer les orientations abusives
d’enfants de familles populaires vers l’enseignement spécialisé. Pour cela, il
faudra qu’elles aient les moyens de payer les diagnostics et que le Pacte ait
la mesure de ses ambitions.
Une fois le diagnostic en main, Plusieurs actrices et acteurs peuvent demander
la mise en places d’aménagements raisonnables :
- Les
représentants légaux de l’élève (s’il est mineur) ;
- De
l’élève (s’il est majeur) ;
- Du
CPMS ;
- D’un·e
enseignant·e membre du Conseil de classe ;
- De la
direction de l’établissement scolaire fréquenté par l’élève.
Les aménagements raisonnables sont alors obligatoirement mis en place. Il
sont ensuite « élaborés et évalués, en
fonction de la spécificité des besoins de l’apprenant et de leur évolution[15] ».
Cependant, rien n’interdit à un·e enseignant·e de mettre en place des
aménagements raisonnables pour l’une ou l’un de ses élèves qu’elle/il estime
porteuse/porteur d’un trouble spécifique des apprentissages, d’une maladie ou
d’un handicap. Chacun·e peut (je dirais même… « doit ») se revendiquer
de sa liberté pédagogique, dans l’intérêt supérieur d’un·e élève. Le mieux
étant de mettre un/des aménagement·s raisonnable·s en place non pour un·e élève
spécifique, mais d’en faire bénéficier toute la classe.
De nombreux·ses élèves n’ayant pas de « besoins spécifiques » éprouvent également des difficultés spécifiques d’apprentissages. L’un·e aura besoin de plus de temps pour comprendre, un·e autre aura besoin d’une aide individuelle dans un apprentissage spécifique (via le tutorat, par exemple), un·e dernière enfin aura besoin, pour apprendre, de se lever, de marcher, de s’asseoir par terre ou de silence total (qu’un casque anti-bruits peut permettre). Faire bénéficier tou·te·s les élèves de la mise en place des aménagements raisonnables fait que la classe/l’école « ordinaire » sera enfin en marche sur le chemin de la classe/école « inclusive ».
Comment les aménagements raisonnables sont-ils élaborés ?
Ceux-ci sont élaborés en fonction de la spécificité des besoins de
l’enfant. Un enfant avec une dyslexie ou un autisme n’aura pas les mêmes
besoins qu’un enfant mal-voyant, ou qu’un enfant hospitalisé devant suivre les
cours par vidéo-conférence.
L’école doit organiser des réunions de concertation gérées par la
direction, avec les différents partenaires impliqués dans la scolarité et les
difficultés spécifiques de l’enfant, à savoir :
- Les
parents de l’élève (qui sont ceux qui le connaissent le mieux) ;
- L’élève
lui-même s’il/elle est majeur·e (obligation du Décret). Cependant, cela a du
sens que l’enfant soit présent·e à ces réunions, même si elle/il est mineur·e.
En effet, qui mieux qu’il/elle peut parler de ses difficultés ou
facilités ? Malheureusement le Décret ne l’impose pas ;
- La
direction de l’école (ou sa/son délégué·e) ;
- La/le
tilulaire de la classe et les professeur·e·s concerné·e·s ;
- Le
CPMS de l’établissement ;
- Un·e
expert·e (membre du corps médical, paramédical, psychosocial ou d’un organisme
public d’intégration des personnes en situation de handicap) peut être
présent·e à la demande de l’élève si elle/il est majeur·e, ou par toute
personne investie de l’autorité parentale ou qui assume la garde de fait de
l’élève mineur. Cet·te expert·e « est
susceptible d’éclairer les acteurs et partenaires sur la nature ou
l’accompagnement des besoin(s) attesté(s) [16]». Cette présence doit être acceptée par les
autres partenaires institutionnels. Comme quoi, la mise en place d’aménagements
raisonnables c’est bien, mais il ne faut pas trop bousculer l’école si elle ne
le souhaite pas.
Sur base de ces réunions, la mise en place des aménagements raisonnables seront mis en place « dans les plus brefs délais[17] ».
Une fois que les aménagements raisonnables sont mis en place, on est tranquille ?
Heu…. Comment dire ???
Que nenni ! Ce Décret a été élaboré par des Parlementaires (ce qui est
leur boulot), parce que la législation internationale va dans ce sens et que
des écoles ne remplissaient pas leurs devoirs. Mais cela a surtout été rédigé dans
l’objectif ne pas (trop) heurter les écoles (ce qui serait pourtant leur
boulot). Ces dernières ont désormais priorité sur les enfants (en cela, les
rédacteurs du Décret ont fait tout le contraire de leur boulot). On a lu que
les enfants qui relèveraient de l’enseignement spécialisé sur la base d’un veux
décret[18]
(d’avant la Convention ONU) ne pouvaient pas bénéficier d’aménagements
raisonnables. Il fallait surtout ne pas heurter…
Mais aussi et surtout, dorénavant « les aménagements matériels ou organisationnels ainsi les partenariats
avec des acteurs externes relèvent » désormais « d’une décision du Pouvoir organisateur pour
l’enseignement subventionné par la Communauté française ou du chef
d’établissement pour l’enseignement organisé par la Communauté française. »
Autrement dit moi, Pouvoir Organisateur, je peux continuer ou arrêter la
mise en place d’aménagements raisonnables selon mon bon vouloir ou celui de mon
équipe éducative peu ou pas formée sur le plan pédagogique, voire encore, suite
à une crise de déficience pédagogique d’un·e enseignant·e récalcitrant·e (et on
sait que cela existe).
La preuve en est que « La
nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques sont fixés par
l’équipe éducative dans l’enseignement fondamental et par le conseil de classe,
présidé par le chef d’établissement ou son représentant, dans l’enseignement
secondaire ».
L’intérêt supérieur de l’enfant est ici bien secondaire.
Oups, on n’a pas de garantie, alors ???
Si, un peu quand même. Mais
insuffisamment !
Les aménagements pédagogiques
doivent être consignés dans un protocole. Ce dernier fixe les modalités et les
limites des aménagements raisonnables. Il peut être conclu un partenariat avec
des acteurs extra-scolaires (monde médical, paramédical, psychomédical ou
organismes publics comme Phare ou l’Avic).
Tous les aménagements et
interventions prévus sur le plan pédagogique (à l’exclusion des autres aspects)
font l’objet d’un P.I.A (plan individualisé d’apprentissage). Il s’agit d’un outil « co-construit par
l’équipe éducative et
l’équipe de direction
en vue de
prendre en compte,
d’une part, des
difficultés particulières d’apprentissage et,
d’autre part, des
besoins spécifiques des
élèves issus de
l’enseignement spécialisé ou en intégration
dans le cadre
décret du 3
mars 2004 organisant
l’enseignement spécialisé.[19] »
« Le PIA énumère des objectifs particuliers à atteindre durant une période que fixe le Conseil de Classe. Le PIA mentionne cette période. Il prévoit des activités spécifiques de remédiation, de remise à niveau ou de structuration des acquis, de construction d’un projet scolaire Il précise les modalités organisationnelles instaurées, pour les atteindre (…)[20] »
Que faire si l’école ne veut pas mettre en place ou décide de son plein gré d’abandonner les aménagements raisonnables ?
L’élève majeur·e ou les
représentant·e·s légales·aux de l’élève mineur·e peuvent adresser une demande
de conciliation, par lettre recommandée ou par courrier électronique avec
accusé de réception, auprès des services du Gouvernement qui tenteront une
conciliation avec le Pouvoir organisateur ou le chef d’établissement.
En cas d’échec de la conciliation, les parents de l’élève mineur ou l’élève majeur ou toute personne investie de l’autorité parentale peuvent introduire un recours auprès de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif[21].
Que faire en cas de changement d’école ?
En cas de changement
d’école, de cycle, de degré ou de niveau, à la demande des parents de l’élève
mineur ou de l’élève lui-même s’il est majeur ou de toute personne investie de
l’autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l’enfant mineur, le
protocole visé ci-dessus sera transmis pour information à qui de droit par
l’école qui l’a établi.
Plus sibyllin que cela, on ne trouve pas.
En théorie, l’école ayant établi le protocole fixant les aménagements raisonnables doit transmettre à l’école d’accueil copie de celui-ci. Dans les fait, fort heureusement, c’est l’école d’accueil qui accepte l’enfant en toute connaissance de cause, avec ses besoins spécifiques, qui en fait la demande.
Conclusion
L’école inclusive reste un beau rêve mais difficile de réaliser. L’accueil
des enfants à besoins spécifiques demeure trop souvent un combat pour les
familles qui doivent s’en remettre à la bonne volonté de directions et
d’enseignant·e·s géniales·aux ou au contraire au refus de réactionnaires
humainement et pédagogiquement incompétents.
On a vu que le Décret permettant la mise en place d’aménagements
raisonnables n’a pas été confectionné pour les élèves à besoins spécifiques, ce
que son titre aimerait à laisser penser, mais pour répondre à nos engagements
internationaux, le tout dans le cadre d’un Pacte pour un enseignement
d’excellence.
Les enfants qui ont un handicap « trop ou pas assez… quelque
chose » ne peuvent pas en bénéficier, mais continuent à relever d’un
enseignement ségrégué, contrairement à leurs droits fondamentaux. Quant à
celles et ceux qui ont des difficultés d’apprentissages « moins grandes »,
ils/elles peuvent bénéficier d’aménagements raisonnables mais seulement selon
le « bon ou mauvais » vouloir d’une équipe éducative qui peut les
remettre en question à sa guise.
Tout aménagement raisonnable doit toujours être négocié, même une fois
celui-ci mis en place. Il dépendra toujours (on l’a lu ci-dessus) du bon
vouloir de quelques personnes, direction, enseignant·e·s, membres d’un PMS,
etc. L’intégration d’un·e enfant à besoins spécifiques reste encore trop
souvent un parcours du combattant, voire un vrai chemin de croix.
Cependant, et nous nous en réjouissons, il est de plus en plus d’écoles, de
Pouvoirs organisateurs de chef·fe·s d’établissement qui se lancent corps et
âmes sur le chemin d’une école inclusive et qui visent l’accueil de toutes les
différences, malgré les difficultés. Simplement, parce qu’elles/ils sont
humain·e·s et veulent l’assumer.
[1] Convention internationale des Droits des
Personnes handicapées, article 2 – ONU 2006
[2]
UNIA – A l’école de ton choix avec
un handicap
[3]
UNIA – À l’école de ton choix avec un handicap – Les aménagements raisonnables
dans l’enseignement, p 11.
[4] Décret relatif à la lutte contre certaines
formes de discrimination D. 12-12-2008 M.B. 13-01-2009
[5] L’art
4 précise le champ d’application du Décret, notamment à l’enseignement.
[6] Ibid. Article 3 § 9.
[7] Ibid. Article 5.
[8]
Apporter une réponse cohérente aux plaintes des parents d’élèves à besoins
spécifiques qui se voient refuser des aménagements raisonnables, Note de
contexte, Direction de l’Egalité des Chances, 15/07/2015.
[9]
Avis n°3 du Pacte pour un
enseignement d’excellence OS 4.3 : Répondre aux besoins spécifiques des
élèves dans l’enseignement ordinaire, p 244.
[10]
Le VIF, Ecole : enfants à besoins spécifiques, le
droit aux aménagements raisonnables est bafoué, 27/08/2019.
[11]
Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans
l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des
besoins spécifiques, Article 4 § 1er.
[12] Convention Internationale relative aux
Droits des Personnes Handicapées, ONU 13 décembre 2006
[13]
Voir notre dossier sur les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »,
2019 – https://www.liguedroitsenfant.be/blog/2019/09/08/analyse-les-troubles-specifiques-des-apprentissages-ou-dys/
[14]
Décret relatif à
l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire
fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques Article
4 § 1 « Le diagnostic justifiant la
demande d’un ou plusieurs aménagement(s) raisonnable(s) date, dans tous les
cas, de moins d’un an au moment où la demande est introduite pour la première
fois auprès d’un établissement scolaire ».
[15]
Ibid. Art 4 § 3
[16] Décret
relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement
ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins
spécifiques Art 4 § 3.
[17]
Ibid. Art 4 § 4.
[18]
Voir le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé
[19]
Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement
secondaire D. 30-06-2006 M.B. 31-08-2006,
Art 7 bis § 1.
[20]
Ibid. Pour plus d’informations taper
« Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de
l’enseignement secondaire » sur un moteur de recherche citoyen.
[21]
Lire l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux modalités
de fonctionnement de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif,
04/09/2019
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Pour une
collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de
l’enseignement ordinaire[1]
Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**
*Professeur émérite (UMons) **
Directeur de l’école fondamentale Singelijn
Lire ici la première analyse
- Une école inclusive, c’est …
Une école
inclusive accueille tous les élèves (y compris ceux à besoins spécifiques), qui
habitent dans un environnement proche dans le cadre d’une collaboration soutenue
entre des équipes (celles d’une école ordinaire et d’une école spécialisée ainsi
que des équipes AViQ et Phare) au bénéfice de tous les élèves, avec une transformation
systémique des contenus, méthodes d’enseignement, approches, structures et stratégies
en éducation.
Si la réalisation d’une école inclusive
s’inscrit donc dans une perspective systémique, nous n’aborderons ici que quelques
modalités concrètes de mise en œuvre par les équipes éducatives d’une école
inclusive, et particulièrement des enseignants, en nous limitant à
l’enseignement fondamental. Ces modalités sont basées sur nombre de recherches
internationales et de pratiques observées dans plusieurs pays. De plus, ces
stratégies ne concernent pas les besoins spécifiques de certains groupes
particuliers d’élèves, comme ceux qui ont des troubles sensoriels, ou encore un
polyhandicap mais elles sont appropriées à l’ensemble des élèves ayant des besoins
spécifiques. A titre d’illustration, vous trouverez dans l’ouvrage de Deprez
(2010) « Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme » des exemples
de certaines stratégies qui vont être présentées ci-dessous (disponible sur le
site www.enseignement.be).
Enfin,
la mise en place d’une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles s’appuie
sur la Convention des droits des personnes handicapées et en particulier
son article 24 (2005, approuvée par la Belgique en 2009) ainsi que sur la Déclaration
de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins spéciaux de
l’UNESCO (1994).
- Stratégies utilisées dans une école fondamentale
inclusive
Etant donné le
caractère systémique des propositions du Pacte pour un enseignement
d’excellence, des changements s’imposent à tous les acteurs : le pouvoir
politique, les pouvoirs organisateurs, les directions, les équipes des écoles,
les parents des élèves et leurs associations, les élèves eux-mêmes, les centres
PMS et autres services de diagnostic. Nous nous focaliserons dans ce
texte uniquement sur les stratégies pédagogiques devant être utilisées dans une
école fondamentale inclusive.
Ces stratégies sont multiples
(pour davantage d’informations sur certaines d’entre elles, voir Magerotte et
al., 2014). D’abord, les équipes éducatives de l’enseignement ordinaire ouvertes
à une démarche inclusive et avec le soutien des équipes spécialisées, veillent
en particulier à une organisation de la vie de la classe pour que chaque élève
apprenne, via une démarche de co-enseignement. De plus, la collaboration de
tous (professionnels, parents, élève) est renforcée dans une perspective
d’individualisation via le P.I.A.. Ensuite, une attention particulière porte
sur l’organisation du milieu de la classe et de l‘horaire de la journée de
classe et des activités afin de répondre aux besoins de chaque élève, et
notamment de l’élève à besoins spécifiques ; les stratégies pour améliorer
la communication avec les élèves, notamment avec celui qui a des besoins
importants ; la mise en place des activités d’apprentissage coopératif ; le
travail avec le même matériel ou la même matière dans une classe/école
inclusive ; le développement de la collaboration entre les élèves en organisant
le tutorat au sein de la classe ; les aménagements raisonnables et en
particulier des TIC et outils numériques ; une organisation systémique à
trois niveaux pour les élèves ayant des comportements problématiques et
orientée vers le développement de compétences sociales et socio-émotionnelles et
enfin , l’organisation de relations entre les élèves hors de la classe
(arrivées le matin, les récréations, les repas de midi, les
« garderies » et les activités extrascolaires) afin que chacun en
tire profit.
Dans ce texte, nous détaillerons
davantage les deux premières stratégies de collaboration entre l’enseignement
ordinaire et l’enseignement spécialisé mentionnées ci-dessus.
- Que font les enseignants
« ordinaires » et « spécialisés », dans une école fondamentale
inclusive ?
La mise en place d’une école inclusive passe essentiellement par une
collaboration de plus en plus étroite entre l’enseignement spécialisé et
l’enseignement ordinaire. Actuellement, cette collaboration se limite à 4
h/semaine de soutien du personnel de l’enseignement spécialisé dans
l’enseignement fondamental. Envisageons d’abord le rôle des enseignants, dans
le cadre des dispositions actuelles.
L’enseignant ordinaire a la responsabilité de tous les élèves de sa
classe et en particulier la
responsabilité pédagogique des élèves « ordinaires ». De plus, il
accueille les élèves ayant
des besoins spécifiques ainsi que l’enseignant spécialisé et les autres
professionnels concernés. Il gère des activités collectives et individuelles
lorsque l’enseignant spécialisé n’est pas présent. Il collabore avec la
structure de l’enseignement spécialisé, les parents et les autorités scolaires.
Enfin, il collabore étroitement avec l’enseignement spécialisé pour les
préparations et les discussions sur la gestion de la classe.
L’enseignant spécialisé a
la responsabilité pédagogique des élèves ayant des besoins spécifiques. Il prépare et conduit le P.I.A. en
collaboration avec le titulaire, les parents et les autres professionnels. Il coordonne
les mesures prises dans le P.I.A.. Il prépare le matériel spécifique et les
activités particulières pour l’élève. Il assure les tâches
administratives (en relation avec l’école spécialisée). Il collabore avec le
titulaire (préparation et
discussion sur la gestion de la classe). De plus, il développe ses activités
avec le titulaire dans le cadre d’un co-enseignement : il soutient
l’élève à besoins spécifiques dans ses apprentissages pendant que l’enseignant
ordinaire enseigne aux autres élèves ; Il soutient les autres élèves dans
leurs apprentissages pendant que l’enseignant ordinaire enseigne ; il peut
partager certains enseignements avec son collègue ordinaire, durant ses heures
de présence dans la classe : ils enseignent donc tous deux et font un
enseignement parallèle, chacun prenant en charge une partie de la classe. Une
autre formule consiste à diviser la classe en trois groupes ; chaque
professionnel travaille avec un groupe et le troisième groupe d’élèves travaille
seul. Les élèves peuvent évidemment changer de groupe. De plus, dans la même
perspective de collaboration, et en particulier de co-enseignement, il importe
de préparer les leçons ensemble ainsi que l’évaluation formative, voire
annuelle, tenant compte des P.I.A. « inclusifs » mis en place durant
l’année.
Attention ! Si l’enseignant
spécialisé consacre la plupart du temps au suivi de l’élève à besoins
spécifiques, cela mettra en évidence son statut d’élève « différent »
et risquera de ne pas renforcer son autonomie, ni son estime de soi.
Cette formule d’enseignement en duo présente des avantages pour les deux
professionnels : il permet un partage des tâches ainsi que des échanges entre
eux. Le partage peut aussi être une solution temporaire en cas d’urgence
(blessure d’un élève, bagarre, etc.).
Mais pour que cette collaboration se déroule dans les meilleures
conditions, il importe d’être attentif aux besoins exprimés par les
enseignants, d’abord besoin d’un soutien administratif (notamment pour disposer
d’un temps de coordination). Ensuite, la compatibilité des tempéraments et des
méthodologies utilisées, exigeant effort, flexibilité et compromis dans une
perspective d’égalité, sera prise en compte avec le soutien de la direction.
D’autres professionnels peuvent également intervenir dans une école
inclusive, soit appartenant à l’enseignement spécialisé (logopèdes,
kinésithérapeutes, etc…) ou à un service d’accompagnement dépendant de l’AViQ
ou de Phare (secteur handicap) ou d’un service de réadaptation ambulatoire ou
encore de professionnels privés. Ce sera le rôle de l’enseignant spécialisé de
gérer cette collaboration, en particulier dans le cadre de l’élaboration et de
la mise en œuvre du P.I.A.
Peut-on envisager une collaboration plus importante que 4h/semaine ?
Cela semble possible lorsqu’une école accueille davantage d’élèves et peut
répartir autrement les heures de collaboration, et privilégier une
collaboration plus intensive dans une classe, au moins temporairement. La mise
en place des pôles territoriaux devra faciliter ce développement.
- Comment travailler tous ensemble
(professionnels-élève-parents) autour de l’élève
Depuis le décret de 2004, le P.I.A. est l’outil principal pour la
coordination des interventions auprès de l’élève à BS. Il est l’« outil méthodologique élaboré pour
chaque élève et ajusté durant toute sa scolarité par le Conseil de classe, sur
la base des observations fournies par ses différents membres et des données
communiquées par l’organisme de guidance des élèves. Il énumère des objectifs
particuliers à atteindre durant une période déterminée. C’est à partir des
données du P.I.A. que chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire met en
oeuvre le travail d’éducation, de rééducation et de formation » (art. 4,
19°). De plus, « L’élève et ses
parents, à défaut leur délégué, sont invités à son élaboration » (art.32,
§9 en date du 13 janvier 2011).
Etant donné
que le P.I.A. est le fil rouge d’une vie scolaire de qualité de l’élève, sa
mise au point et sa pratique se heurte à plusieurs difficultés. Nous mettrons ici
l’accent sur l’information de l’élève et des parents – les premiers intéressés
– et leur participation au P.I.A. tout au long du processus de sa mise en place,
grâce à la mise en place d’un coordonnateur ? En effet, vu que le P.I.A.
exige la collaboration de nombreux partenaires, il importe de désigner un
coordonnateur du P.I.A., à charge pour lui de rassembler toute l’information
auprès des différents partenaires de l’école (et hors école : parents,
professionnels du centre de guidance, du secteur social et d’autres éventuels).
Sa préoccupation principale est de penser à la globalité de l’élève et à la
qualité de sa vie comme élève de cette école, d’identifier et de refléter
l’accord entre tous les partenaires lors la rédaction du P.I.A. en fin ou après
la réunion de décision. S’il est habituel dans l’enseignement d’accorder une
grande importance au titulaire de la classe, il est légitime de s’interroger
aussi sur le rôle des autres professionnels de l’école. Est-il raisonnable,
dans certaines circonstances, de confier les tâches de coordination à un autre
professionnel, apprécié évidemment par l’élève et ses parents ?
Cette mise
au point du P.I.A. nécessite de bien préparer la réunion du conseil de classe
qui devra décider du P.I.A. de chaque élève. Vu l’importance de l’équipe
multidisciplinaire, l’équipe peut être contrainte, pour des raisons d’agenda, à
fonctionner avec un groupe restreint de professionnels, à charge d’identifier,
parmi ce petit groupe, les professionnels qui vont répercuter les décisions auprès
des absents à cette réunion. D’abord, le coordonnateur recueille des
informations auprès des premiers partenaires que sont l’élève et ses parents
concernant leurs attentes et leurs projets via par exemple un
questionnaire (éventuellement avec des indications visuelles pour ceux qui ont
des difficultés à lire) ou une rencontre en famille ou à l’école. Il identifie
particulièrement les forces et les besoins de soutien de l’élève et de sa
famille, identifie les informations manquantes ou à rechercher, les évaluations
à faire et au besoin, il reprend contact avec les professionnels concernés.
Enfin, il prépare le document de synthèse reprenant notamment les
finalités/buts et objectifs retenus par les différents participants. Il veille
particulièrement à utiliser un langage positif pour refléter les préoccupations
des parents et de l’élève, et aussi des professionnels concernés.
Ensuite,
pendant la réunion de décision, confiée au Conseil de Classe, le coordonnateur
présente le document de synthèse – complété éventuellement par des informations
générales s’il s’agit d’un nouvel élève ou d’un élève dont le parcours
familial, scolaire ou social a subi des changements importants. Il sollicite
chacun pour identifier les éléments nouveaux depuis la précédente rencontre.
C’est ensuite le rôle de l’équipe de prioriser – par consensus – les besoins de
l’élève et de les traduire en buts et objectifs, ainsi que d’identifier les
responsables de l’atteinte des divers objectifs. De plus, il importe de
préciser aussi la période durant laquelle l’objectif sera travaillé et, en
principe, atteint.
Cette réunion
de décision n’est pas le lieu de discuter longuement des méthodologies à
employer pour chacun des objectifs. Si le professionnel n’est pas à l’aise avec
des décisions à prendre et s’interroge encore sur la méthodologie à employer,
il sollicite l’appui d’un autre professionnel après la réunion, qu’il
appartienne à l’école ou qu’il soit extérieur. Au besoin, en cas de difficultés
pour un objectif important, l’équipe envisagera la possibilité de formations
complémentaires ou d’appel à un collègue extérieur.
En fin de
réunion, le coordonnateur, sur base du consensus,fait la synthèse et
rédige le P.I.A. Il sera signé par chacun des partenaires et transmis à tous, y
compris évidemment à l’élève et aux parents, si ces derniers n’ont pas
participé à cette réunion de décision. Pour l’élève, et également pour certains
parents ayant des difficultés de compréhension de la langue française, le coordonnateur
prépare un P.I.A. adapté à leur niveau de compréhension. Dans tous les cas,
l’accord de ces derniers est essentiel – sinon, comment assurer la
collaboration de l’élève et la généralisation des acquis en famille ou
l’apprentissage de compétences sans sa collaboration et/ou l’aide des
parents ?
Après cette réunion du Conseil de classe, les
professionnels mettent les objectifs retenus au programme de l’élève et à leur
programme d’intervenant, préparent le programme, l’appliquent et l’évaluent. Quant
au coordonnateur, il assure un suivi avec les membres de l’équipe, via la mise
en évidence des progrès réalisés par l’élève, les difficultés identifiées,
éventuellement le renvoi vers d’autres professionnels, le tout dans une
atmosphère encourageante et positive !
En conclusion, le P.I.A. constitue très certainement l’outil majeur pour assurer la coordination de toutes les interventions assurées dans la classe et dans l’école au bénéfice de chaque élève. Ill est le fil rouge de la scolarité de l’élève, avec la collaboration de l’élève, des professionnels et des parents !
Conclusion
L’éducation spécialisée en Wallonie et à Bruxelles entre donc dans une
nouvelle perspective, associant au sein d’une école inclusive, les
professionnels de l’enseignement spécialisé, sous l’appellation de
« centres de ressources spécialisés en éducation inclusive », et de
l’enseignement ordinaire. Une brève analyse de la législation concernant l’enseignement
aux élèves à besoins spécifiques indique qu’après une phase de ségrégation, l’enseignement
spécialisé est passé par des efforts significatifs d’intégration avant de
déboucher sur une école inclusive dans le cadre du Pacte pour un Enseignement
d’Excellence. Nous avons défini ce qu’est une école fondamentale inclusive et
proposé une réflexion sur la méthodologie d’identification des besoins spécifiques.
Enfin, nous avons rappelé un ensemble de stratégies, illustrées dans la
littérature internationale, avant de développer deux stratégies focalisées sur
la collaboration entre l’enseignement ordinaire et les équipes de l’enseignement
spécialisé.
Est-ce la mort de l’enseignement spécialisé ? Non, bien sûr !
Les équipes qui maîtrisent cette pédagogie adaptée ou différenciée en feront
bénéficier tous les élèves à besoins spécifiques, sans les séparer six heures
par jour et durant de longues années, de leurs camarades. En d’autres mots, les
équipes spécialisées travailleront dans une école inclusive, au service du
« vivre ensemble » de tous les élèves. Aller vers une école inclusive
concerne donc tout le monde. L’élève à besoins spécifiques apprendra dans une
situation habituelle en compagnie de ses condisciples ; confronté à la
différence dans une atmosphère bienveillante, il développera l’estime de soi et
il apprendra à vivre en groupe avec ses pairs. Quant à la dynamique de la
classe, elle favorisera la différenciation méthodologique des pratiques des
équipes éducatives et développera le « mieux vivre la différence » et
le sens de l’empathie à l’égard des autres. Quant à la communauté scolaire toute
entière, elle développera la solidarité entre tous les élèves, les équipes
éducatives et les parents, préparant une société inclusive.
Enfin, si cet investissement vers une école inclusive suppose un investissement de tous les partenaires, chaque école inclusive est invitée à se construire comme une « Communauté d’Apprentissage Professionnelle » (CAP) définie comme ‘un réseau de soutien continu entre les membres d’une équipe-école où chacun contribue à la réussite de tous les élèves. La CAP se distingue par le questionnement continu qu’elle suscite sur les besoins des élèves et la formulation d’objectifs clairs, mesurables et orientés sur les apprentissages » (site www.CAP sur la réussite ; Leclerc et Labelle, 2013 ; Moreau et al., 2014).
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Bibliographie :
Beaupré, P. (sous la direction de et avec la collaboration
de Gabrielle Bouchard) (2014). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
Caraglio, M. & Gavini, Ch., (2018)
L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie. Rapport au ministre
de l’éducation nationale. Rapport numéro 2017-118. Paris : Inspection
Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche
(IGEAENR)
Communauté
d’Apprentissage Professionnelle : www.CAP sur la réussite
Deprez, M. (2018). Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme. Disponible sur le site www.enseignement.be
Leclerc, M.
& Labelle, J. (2013). Au cœur de la réussite scolaire : communauté
d’apprentissage professionnelle et autres types de communautés. Education et
francophonie, Vol XLI (2), 1-9.
Ligue des
familles (2018). Retour sur l’après-midi E-MOBILE 7 mars 2018 Échanges sur le transport scolaire
vers l’enseignement spécialisé organisés par le Délégué général aux droits de
l’enfant, UNIA et la Ligue des familles. A consulter sur le site de la Ligue
des familles.
Magerotte, G.,
Deprez, M. & Montreuil, N. (2014). Pratique
de l’intervention individualisée tout au long de la vie. 2ème édition.
Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Moreau, C., Stanke, B. &
Lafontaine, L. (2014). Ecoles inclusives fonctionnant en communauté d’apprentissage
professionnelle comme intervention novatrice. Retombées sur les apprentissages
en littératie. In Pauline Beaupré (sous la direction de et avec la
collaboration de Gabrielle Bouchard). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
ONU (2005). Convention
des droits des personnes handicapées. New-York : ONU.
UNESCO (1994).
Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins
spéciaux.
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion, LGBTQI+ - Egalité de genre
8 mai 2019
Introduction
L’objectif de notre colloque était de porter une réflexion sur le « Comment accueillir à l’école toutes les
différences liées au genre » ? A termes, nous souhaitons que les
écoles soient labellisées « Ecoles Pour Tou.te.s ». Nous avons lancé une
invitation à chaque école bruxelloise, de la maternelle à la fin du secondaire.
Nous devons constater qu’il est plus que difficile de conscientiser les gens et
les mobiliser pour réfléchir ensemble à toutes les problématiques qui tournent
autour de la thématique de la transidentité et de l’homosexualité.
Notre colloque avait pour objectif d’apaiser les craintes que pourraient
avoir certaines écoles, certain·e·s intervenant·e·s, sur la définition d’une
école pour tou.te.s et de répondre à leurs questions.
Durant le colloque nous avons organisé 2 tables rondes : La 1ère table ronde (qui est abordé aujourd’hui) était
composée de jeunes et de familles qui ont témoigné de leur vécu ou de celui de
leurs enfants à l’école. Un débat a ensuite eu lieu avec la salle.
La seconde table ronde faisait intervenir des professionnel·le·s. qui ont abordé la question des moyens et de tout ce qui devrait être mis en place dans les écoles pour accueillir des enfants LGBTQI. Une fois encore, le public a pu débattre avec le panel d’intervenant·e·s. Cette table-ronde vous sera présentée fin décembre.
Questions posées lors de la 2e table ronde qui fait intervenir des professionnels.
Première Question : Quel est ou quels sont les projets au sein de votre établissement en faveur des personnes LGBTQI+, dans votre PO ou dans votre entité et en faveur duquel ou desquels vous êtes intervenus ?
Et
ensuite, quelles sont les forces et les faiblesses du dispositif que vous avez
mises en place ?
La première intervenante est enseignante depuis 5 ans et travaille aussi pour le Groupe d’intervention scolaire en Wallonie qui invite une personne gay et une personne lesbienne à aller témoigner de leur vécu dans les écoles. Elle a travaillé dans de nombreuses écoles où rien n’avait été mis en place concernant l’accueil des personnes LGBTQI+. Cette intervenante a rencontré de nombreux obstacles qui empêchent l’intégration de ces élèves au sein de leurs écoles.
Le seconde intervenant est directeur de l’école primaire libre non confessionnelle Singelijn à Woluwe-Saint-Lambert. Une école qui tend à être une école inclusive. Il y a une cinquantaine d’élèves en situation de handicap dans cette école qui a aussi accueilli un enfant transgenre en 3ème maternelle, il y a 3 ans. « Les 625 élèves sont tous différents et doivent tous apprendre, tous grandir et progresser le mieux possible, sans se poser la question si l’élève est dyslexique, transgenre ou homosexuel », nous dit ce directeur. « On doit accueillir tous les élèves sans distinction », ajoute-t-il.
Le troisième intervenant est enseignant depuis 25 ans à l’école La Sagesse, à Ganshoren. Jusqu’à il y a peu, il n’était pas dans un projet particulier. Lors d’un cours sur la discrimination du genre humain, il a entendu quelques propos homophobes qui l’avaient heurté. Il a alors décidé de parler de cette thématique avec ses élèves. Dans l’école, il est occupé à réfléchir sur la création de salons de discussions avec des thèmes qui se porteront notamment sur l’homosexualité. Il a remarqué que cette dernière est difficilement acceptée dans certaines cultures. Raison pour laquelle il estime avoir besoin de développer un gros travail d’ouverture à la différence chez de nombreux élèves.
Le quatrième intervenant est bénévole dans l’enseignement secondaire. Son travail consiste à intervenir pour parler de l’homosexualité, de la bisexualité avec les élèves. Il est aussi bénévole aux CHEFF.
Deuxième question : Comment fédérer une équipe au sein de l’école autour d’un projet qui parle d’identité de genres ou d’orientation sexuelle alors qu’on a tendance à appeler la RainbowHouse ou d’autres associations quad on a à faire à un élève homosexuel ou transgenre?
Il s’agit d’abord de privilégier l’écoute, répond l’intervenant bénévole.
C’est important d’oser ensuite briser le silence face aux autres élèves en
disant tout haut ce que les gens pensent tout bas. C’est une question, une
thématique qui doit faire partie d’un cours de citoyenneté.
Le directeur de l’école Singelijn répond que la différence fait peur aux
parents mais pas du tout aux enfants. Si, en plus, les enseignants sont
bienveillants, les enfants continuent à vivre leurs différences tout à fait
normalement.
Il y a eu des parents dans son établissement qui sont partis et ont
changé d’école parce qu’ils ne voulaient pas que leur enfants soit dans la même
classe qu’un enfant trisomique par exemple. A l’opposé, d’autres parents
viennent inscrire leur enfant dans cet établissement pour lui faire vivre une
vraie citoyenneté respectueuse de toutes les différences, l’ouvrir à la
différence. Bref, pour qu’un jour, il soit un vrai citoyen.
Concrètement, les enfants dans son école, par exemple ceux en situation de handicap, sont accueillis normalement, c’est-à-dire sans devoir faire des réunions entre enseignants et/ou direction pour aborder la question de leur accueil. Au Canada, au Québec, l’accueil de ces enfants ne se pose pas. Ils n’ont par ailleurs pas d’enseignement spécialisé.
Questions, réactions et témoignages de la part du public
Un participant pose la question suivante :
« Parmi les autres
professeurs qui ne se sentent pas concernés ou méconnaissent cette question, avez-vous
l’impression qu’on n’apprend pas à ces professeurs à se positionner sur le
sujet lors de leur formation ? »
Un intervenant enseignant répond en disant que pour lui c’est un
non-sens que de demander à un enseignant de se positionner sur cette question.
Le rôle de chaque enseignant est d’accueillir tous les enfants sans distinction
aucune. On peut par contre travailler sur la communication et sur les valeurs,
celles qui sont d’ordre personnel et celles qui portent sur les valeurs de
l’école tel que le respect de la différence.
Un autre intervenant, lui aussi enseignant, pointe l’hypocrisie de certains
collègues qui se montrent très ouverts et bienveillants face à des personnes
LGBTQI+. Par contre, quand on entend leurs propos dans la salle des
professeurs, ils tiennent un tout autre discours, complètement homophobe et
transphobe.
A la question de l’animateur, qui a demandé si les directeurs se sont
déjà trouvés démunis face aux remarques, aux commentaires de leurs professeur,
le directeur d’école répond que cela n’est pas arrivé dans sa vie de
responsable mais que parfois il est amené lui ou ses collègues à recadrer un
enseignant face à certaines remarques assez limites.
Une échevine de l’enseignement présente dans le public et qui a
travaillé pendant une dizaine d’années dans le secteur du planning familial
avant d’être échevine estime que les échevins et les collèges ont un rôle
important pour insuffler des valeurs à inscrire dans les projets d’établissement.
Cette échevine est toute aussi intéressée à travailler sur les projets d’établissements
qu’à intégrer la charte d’une école pour tou.te.s dans ces établissements. Elle
ajoute que les quatre écoles communales sous sa responsabilité ont pu
bénéficier de la formation EVRAS.
L’intervenant enseignant souligne l’importance du dialogue et des
discussions avec les jeunes. Discuter avec les jeunes via des salons de
discussions, de thèmes tels que l’homosexualité et la transidentité permet de
faire tomber des tabous et d’encourager leur ouverture d’esprit.
Ces salons de discussions se passent en deux temps : dans un premier
temps, on parle du vécu et on laisse exprimer des témoignages. Dans un deuxième
temps, on donne des références, des liens à ces jeunes pour aller s’informer
sur le sujet discuté.
On peut aussi maintenant trouver de plus en plus de livres dans les bibliothèques
par exemple, qui traitent du sujet de l’homosexualité et de la transidentité pour
les enfants à partir de l’âge de trois ans.
Quelqu’un dans le public demande aux intervenants si c’est le rôle de
l’école de parler justement d’homosexualité et de transidentité.
Une enseignante estime que c’est vraiment le rôle de l’école de traiter
ces sujets parce que l’une des missions de l’école est de promouvoir le vivre
ensemble.
Toutefois et même si l’école est dans son rôle, on trouve encore de
nombreuses barrières face à ce sujet dans la plupart des écoles et qui peuvent provenir
de sources différentes, du côté des enseignants, de la direction ou des parents.
Xavier Wyns (LDE) rappelle à tout le monde qu’il y a un cadre qui
existe, un décret, notamment la circulaire EVRAS. Avec ce cadre, on peut
encourager les directions d’écoles en leur disant qu’elles vont dans la bonne
direction justement et qu’ils ont les bons outils via les associations et tout
ce qui est proposé par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les écoles supérieures telles que Francisco Ferrer, de Fré, l’IFC et
d’autres écoles supérieures prévoient des formations sur le genre, sur les
préjugés, les stéréotypes et sur les orientations sexuelles et de genres.
En conclusion, une intervenante estime qu’on devrait plus parler de
l’EVRAS dans les écoles.
Un autre assure qu’il continuera à se battre encore plus pour une
éducation basée sur plus de respect, de responsabilité et d’ouverture chez ses
élèves.
Le directeur de l’école Singelijn espère quant à lui que de plus en plus d’écoles, de directions se mettront à s’ouvrir à la différence.
Conclusion
Une école ne peut être inclusive si elle n’intègre pas la dimension LGBTQI+,
avec tous ses aspects. Chaque école est concernée. Chaque classe également, à
raison de 2 enfants, en moyenne. La création d’Ecoles pour Tou·te·s doit être
encouragée et les intervenants présents sont volontaires pour soutenir la Ligue
des Droits de l’Enfant dans ce projet.
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
2. La classe coopérative
1. Le climat
Une classe
coopérative est un tout. Avant de faire partie d’une équipe, les élèves font
partie d’un groupe-classe. Tous les élèves y sont considérés avec bienveillance
et le climat y est propice à ce que chacun s’y sente bien à sa place.
L’enseignante doit veiller à ce qu’il y règne un climat de confiance et
d’ouverture entre les élèves mais également vis-à-vis d’elle-même. Chaque élève
doit se sentir suffisamment à l’aise pour s’ouvrir aux autres et à
l’enseignante.
Il est essentiel
que des règles communes soient mises en place, via le Conseil de coopération.
Les règles de la parole et des déplacements, les sanctions éventuelles doivent
avoir été proposées, débattues et votées par les élèves. Cela prend du temps au
début, mais au bout du compte, ce sera du temps gagné. Ces règles doivent
susciter l’entraide. Dans la classe, les erreurs sont non seulement autorisées,
mais souhaitées. L’erreur est source de savoirs nouveaux.
Les élèves doivent
apprendre qu’ils peuvent demander de l’aide et qu’ils doivent en donner quand
ils le peuvent. Sans ce climat d’entraide, la coopération en équipes sera peine
perdue.
Le climat de la
classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau
du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.
Le climat de la classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.
2. Un lieu de droits
Une classe doit avant tout être un lieu de Droit. Seul le Droit permet
les apprentissages. Lorsqu’un élève est victime d’injustices, de
discrimination, de harcèlement, il n’est plus en capacité d’apprentissage. Si
l’école ne peut influer sur le quotidien non scolaire des élèves, elle se doit,
en son sein, d’être un lieu qui bannit les injustices sous toutes leurs formes
et permet aux élèves de co-construire les règles du vivre ensemble au
quotidien.
Pour Fernand Oury, fondateur de la pédagogie institutionnelle, c’est en prenant l’avis de toutes et tous que
l’on progresse dans la vie quotidienne en groupe, en institution ; c’est en
discutant des comportements, en les repérant et en les accompagnant, que
l’insécurité devant l’agressivité se banalise et s’éduque[1].
Dans une classe coopérative, le Conseil de
coopération est le lieu des décisions où s’élaborent les règles du vivre
ensemble et les sanctions éventuelles. Le Conseil de coopération est différent
du « Conseil de classe » : Le
conseil de coopération « permet de faire de la classe le terrain d’entraînement
de la vie citoyenne, en considérant les camarades comme les partenaires
privilégiés de cette vie civique. C’est pour cela que l’on parle de
mitoyenneté. Avoir d’abord le souci de la rencontre du voisin. [2]»
Les règles sont
discutées, rappelées, remises en question, amendées, … au cours des années
passées ensemble. Les enseignants ne sont plus à être juges et parties. Ils
sont les garants des décisions du Conseil de coopération et doivent veiller à
les faire respecter. Les élèves les respecteront d’autant plus qu’ils auront
été partenaires de leur élaboration.
Les règles sont
affichées en classe afin que tout le monde puisse s’en souvenir et s‘y référer.
Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble.
Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble.
3. Des élèves coopérateurs
Un climat positif
favorise les habiletés coopératives : l’entraide, la solidarité, le
partage, le souci des autres. Ils développent également des outils de
communication en apprenant à participer à des apprentissages communs, à
s’exprimer, à débattre, à écouter et respecter l’avis des autres. Il est
important que l’enseignante mette en valeur ces habiletés au fur et à mesure
qu’elles se construisent.
L’apprentissage
coopératif ne va pas de soi. Les élèves n’y ont peut-être jamais été
confrontés. Il est donc important, au début, de structurer fortement les
interactions. L’apprentissage coopératif, on l’a vu, se différencie du travail
d’équipe par la réalisation d’objectifs communs grâce à une interdépendance qui
nécessite une pleine participation de chacun à l’activité. Cette participation
n’est pas acquise au départ. Elle doit s’apprendre de manière progressive et
doit donc être très cadrée au début.
Ce n’est qu’au fur
et à mesure que les élèves maîtrisent progressivement les habiletés
coopératives que l’enseignante leur laissera de plus en plus d’autonomie pour
gérer eux-mêmes leur fonctionnement. C’est au début de cet apprentissage que
les risques de conflit sont les plus élevés. L’apprentissage du rôle de maître
de la parole ou de facilitateur, par tous les élèves, est une étape importante.
Le fait que chaque élève doive se former à tour de rôle à cette mission
fondamentale augmente évidement la période d’apprentissage.
Il y a une
progression à respecter car celle-ci n’est pas la même pour tous les élèves.
Selon la classe dans laquelle on enseigne, on tiendra compte de différents
aspects : âge, formation coopérative préalable ou spécificités des élèves.
4. Des habiletés coopératives
Se regrouper avec
d’autres élèves, projeter d’apprendre ensemble n’est pas inné. Dans une classe
« ordinaire », lors de « travaux d’équipes », des élèves
sont exclus, mis sur le côté, rejetés parce que trop « faibles ».
D’autres se regroupent en
« castes » pour avoir un meilleur résultat de groupe. Des conflits
éclatent qui conduisent à l’abandon d’activités et au découragement des
enseignantes.
Coopérer avec ses
pairs est extrêmement exigeant. Il s’agit d’être efficace et de s’assurer que
personne n’est laissé pour compte. Coopérer avec les autres dans des
apprentissages communs vise des objectifs qui ne sont pas que sociaux et
affectifs. Les objectifs sont surtout cognitifs et ils doivent être réalisés
avec les autres. La qualité des interactions entre les membres de l’équipe est
primordiale. Il y a une interrelation fondamentale entre la quantité et la
qualité de l’apprentissage coopératif.
Il faut donc que les élèves acquièrent des comportements de base : se mettre en place rapidement, centraliser les outils, distribuer les rôles, parler bas, optimiser les déplacements nécessaires, rester centré sur l’apprentissage, ne pas déranger les autres équipes, gérer les désaccords internes, s’entraider tout en tenant compte des objectifs d’apprentissage, communiquer, demander la parole, s’exprimer clairement, reformuler sa pensée, encourager, etc.
5. Des équipes coopératives : L’apprentissage en équipes de coopération
Contrairement au
travail d’équipe traditionnel, l’apprentissage en équipes coopératives exploite
une variété de pratiques favorisant les interactions entre les élèves pour la
réalisation d’une tâche.
L’interdépendance
des élèves est la caractéristique essentielle des équipes coopératives. Pour ce
faire, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Atteindre un objectif commun
L’enseignant doit
proposer un objectif, un défi stimulant que les élèves doivent atteindre
ensemble. C’est l’objectif qui va stimuler l’équipe et créer l’interdépendance
en son sein.
- Encourager l’interdépendance
L’enseignant doit encourager l’interdépendance en profitant des moyens à sa disposition : partage d’outils, responsabilisation des acteurs (selon les choix : maître de la parole ou facilitateur ou encore maître de la parole, secrétaire ou scripteur, messager, chronométreur ou maître du temps, lecteur, responsable du matériel, etc …). Les rôles confiés aux élèves favorisent l’interdépendance. Il est important que ces rôles ne soient pas toujours confiés aux mêmes élèves mais que chacun se les voie confiés à tour de rôle. Une structuration de l’activité qui veille à ce que chacun participe à la tâche favorise également l’interdépendance.
- Une exigence forte : l’entraide
La règle première
d’une équipe coopérative est l’entraide et chaque élève doit s’y engager.
Chacune et chacun doit pouvoir, sans crainte, demander de l’aide ou se tromper.
De même chaque élèves doit encourager les autres, donner du temps pour
expliquer et aider les autres.
- L’acceptation de toutes les différences
Les équipes
coopératives sont hétérogènes. Elles se composent d’élèves ayant des capacités
et des compétences différentes, mais également des spécificités et des
caractères différents. L’acceptation de toutes les différences est essentielle
à la cohésion de l’équipe et donc l’interdépendance entre ses membres. La
composition des équipes doit veiller à mettre ensemble des élèves qui peuvent collaborer
ensemble.
L’enseignant doit
veiller à ce que le partenariat entre les élèves soit favorisé. Sans
stimulation, la coopération n’est jamais gagnée. Il y a lieu de valoriser au
quotidien le respect mutuel et celui de toutes les différences, l’entraide, le
sens du partage, la communication non violente et le partage de toutes les
valeurs de la coopération.
Chaque membre doit
se sentir responsable de la réussite de l’équipe, tant au niveau du
fonctionnement que de l’accomplissement de l’apprentissage. Chaque élève est à
la fois responsable de la réussite de l’équipe, mais également de la réussite
des autres.
- La coopération entre équipes
La coopération ne
se résume pas à l’intérieur d’une équipe. Dans une classe coopérative qui a une
bonne expérience du travail coopératif, celui-ci s’envisage également entre
équipes.
Comme pour le
fonctionnement à l’intérieur des équipes, des règles doivent être établies
ensemble afin de structurer les interrelations.
Il s’agira de choisir des projets communs à la classe, où le rôle de chaque équipe sera clairement défini, les contributions de chacune s’ajoutant les unes aux autres. Dans ce cas précis, le rôle de l’enseignante nécessite une supervision plus importante. Des réunions des maîtres de la parole peuvent être opportunes durant toute l’élaboration du projet.
6. Un enseignant facilitateur
Dans une classe
coopérative, le rôle de l’enseignant est différent. Il veille à ce que
l’entraide soit constante par la pratique du tutorat et, lorsque les élèves
sont en apprentissage collectif, ile observe et facilite les choses en
intervenant non plus comme dans un enseignement de type « frontal »,
mais en facilitant la communication entre élèves, en les encourageant et en
leur apportant des rétroactions.
La gestion de la
classe coopérative suppose de laisser de l’autonomie aux élèves. La gestion de
la classe et la gestion des équipes de coopération doivent aller de pair, en
s’appuyant sur les mêmes principes de solidarité, d’entraide et de respects
mutuels. Toutes les règles de la vie en commun, que ce soit en classe ou dans
une équipe coopérative doivent être cohérentes et garantir les objectifs de
participation et de coopération.
L’enseignant
garantit l’accès de tous les élèves à tous les savoirs. Pour cela, il s’appuie
sur la classe coopérative et sur les équipes collaboratives. Il veille à ce que
le tutorat soit efficace et encourage les tuteurs à être proactifs. Il suit les
élèves à besoins spécifiques avec une attention particulière et veille à la
mise en place et au respect d’aménagements raisonnables ciblés et efficaces. Il
étend ces mêmes aménagements raisonnables à l’ensemble du groupe-classe, ce qui
évitera toute forme de stigmatisation de l’une ou l’autre élève, et bénéficiera
à tous.
L’enseignant permet l’apprentissage coopératif en déterminant les objectifs communs et les moyens qui permettent l’interdépendance positive dans les équipes coopératives. Il veille à ce que les responsabilités soient clairement établies en respectant un tour de rôle équitable et précise le mode d’évaluation de chaque apprentissage.
Mettre en place la
pédagogie de la coopération ne s’improvise pas. Selon qu’il s’agisse d’un
projet d’établissement ou d’un projet personnel de l’enseignante, l’idéal est
d’y aller progressivement, en formant l’équipe ou en se formant (ou
s’auto-formant) au fur et à mesure. Tabler sur deux, voire trois années pour
que la pédagogie de la coopération soit pleinement fonctionnelle dans une école
ou une classe n’est pas un renoncement. Au contraire, il est important
d’établir des bases solides, tant chez les élèves que dans la formation ou
l’auto-formation des enseignantes. Cette (auto)-formation a besoin de temps
pour mûrir et être efficace.
La première étape
pourrait être la mise en place de la pédagogie institutionnelle. Celle-ci
permet aux élèves de coopérer sur le plan institutionnel et de devenir acteurs
des lois et règles de la classe et/ou de l’école.
Ou alors,
l’enseignante pourrait décider de mettre préalablement en place le tutorat.
Cette pratique fondamentale nécessite une formation pointue de chaque élève à
la manière d’aider le plus efficacement un ou une camarade qui éprouve des
difficultés dans leurs apprentissages. Cette formation doit bénéficier à tous
les élèves car ils sont tous susceptibles d’aider un jour un camarade qui fait
appel à eux.
En apprenant à interagir
positivement avec les autres, en découvrant les bénéfices de la discussion et
de la confrontation de points de vues différents, les élèves seront
naturellement ouverts à aller plus loin et à entrer dans plus de coopération
sur le plan des apprentissages.
L’auto-formation a
l’avantage d’être continue mais aussi d’être libre. Après s’être fixé des
objectifs à court ou très moyen terme (2 ans, voire 3 ans maximum),
l’enseignante peut adapter sa formation personnelle en fonction de ses
contraintes quotidiennes et les mettre en pratique au fur et à mesure. Il est
des formations qui se donnent durant les vacances ; de nombreux livres de
pédagogie traitent de la coopération, etc.
L’idéal – mais ce
n’est pas toujours possible, surtout quand on est seule à vouloir changer les
choses – est de coopérer avec des collègues au sein de son établissement
scolaire, en mettant sur pied une ou des équipes de réflexion coopératives. En
vivant soi-même la coopération, on découvre un moyen efficace d’adaptation au
changement.
Quand utiliser la coopération ?
On peut – on doit –
recourir à la coopération dans tous les apprentissages scolaires. Cependant, le
travail structuré en équipes de coopération n’est pas possible pour toutes les
matières scolaires.
Les équipes
coopératives sont formées pour un temps relativement long (souvent un
trimestre). Elles ont leur territoire en classe (tables ou bancs rapprochés) et
vivent en collaboration au quotidien. Si l’enseignant est et doit rester le
premier « remédiateur », le tutorat doit être constant au sein de
l’équipe, durant les apprentissages coopératifs ou explicites. Chaque élève
doit pouvoir y recevoir l’aide dont il a besoin, au moment où il en a besoin. La
compétition y est abolie. Chaque élève est responsable de ses pairs et doit
veiller à apporter l’aide dont il est capable.
L’équipe
coopérative est aussi le lieu d’apprentissages individuels. Il est important
que chacun se retrouve face à lui-même de temps à autres, avec la possibilité
d’évoluer à son propre rythme. Ces apprentissages individuels restent cependant
corrélés à l’obligation de tutorat. En effet, un élève plus lent aura sans
doute besoin d’aide le moment venu.
Sauf consigne
contraire de l’enseignant, les élèves peuvent décider d’apprendre selon leurs
envies ou leurs besoins : seuls ou par deux.
L’apprentissage
structuré en équipe coopérative prend parfois plus de temps que les
apprentissages individuels. Selon le cas, l’enseignant peut décider de
n’employer l’apprentissage en équipe qu’à certaines étapes de l’apprentissage
ou seulement pour une partie de la « matière », le reste du temps
étant laissé libre aux choix des élèves ou conditionné par lui.
L’initiation des
élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de
prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles,
la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période
d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à
l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon
l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de
manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les
matières ou pour certaines parties de matières.
L’initiation des élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles, la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les matières ou pour certaines parties de matières.
Rôles de l’enseignant et des élèves dans l’apprentissage structuré en équipe de coopération
Dans une activité coopérative, les rôles sont bien définis. L’enseignant n’est plus là pour donner cours, mais pour susciter les interactions qui vont permettre aux équipes de réaliser une tâche plus ou moins complexe, en autonomie. Cette autonomie varie selon l’âge et l’expérience des élèves en coopération, ainsi que des objectifs à atteindre.
1. Rôles de l’enseignant
L’enseignant fixe
les objectifs de l’apprentissage, fournit les outils nécessaires (matériel,
livres, tablettes, …) et aide les élèves à trouver l’information nécessaire à
la tâche. Il prévoit également les grandes étapes à suivre, en favorisant une
structure qui facilite la coopération. Il veille à ce que les rôles de chacun
aient été distribués (en respectant le tour de rôle habituel). Le cas échéant,
il prépare l’apprentissage par un moment plus explicite.
Durant l’activité,
l’enseignant exerce une supervision discrète. Il ne laisse pas les élèves à
eux-mêmes. Il cherche à savoir si les équipes sont sur la bonne voie et si
elles s’acquittent de leurs tâches. Il
vérifie également si chacun s’acquitte du rôle qui lui a été attribué, tout en
les laissant gérer le déroulement de l’activité et des échanges. Il rappelle le
temps qui reste s’il a l’impression que des équipes ne tiennent pas les délais.
L’enseignant veille
à l’ordre de la classe. Un apprentissage coopératif ne peut se faire sans lois,
sans règles communes, définies préalablement en conseil de coopération de
classe ou d’école. Les élèves ne se déplacent pas sans raison objective, le
bruit généré par les discussions doit être raisonnable et permettre à toutes
les équipes de remplir leur tâche, toutes les équipes n’ont pas besoin de
l’enseignant en même temps, …
Enfin, il reste à
disposition des équipes qui ont besoin de lui. Il intervient auprès des équipes
pour améliorer ou corriger les travaux. Il repère rapidement les difficultés
rencontrées par les équipes pour les corriger en posant les questions
appropriées (stimulante et non directives) qui permettront aux équipes de
corriger leur tir et produire ainsi un apprentissage de qualité.
L’enseignant veille
à ce qu’il n’y ait pas de compétition entre les équipes coopératives. Celles
qui ont terminé avant les autres s’occupent à des tâches silencieuses, de
manière à permettre aux autres équipes de terminer leurs apprentissages dans
une ambiance propice à la coopération et à la réflexion.
L’enseignant précise à chaque fois, avant l’apprentissage collaboratif, le mode d’évaluation de celui-ci.
2. Rôles des élèves
Les élèves, selon leur degré d’autonomie, suivent la méthode proposée par l’enseignant ou décident de la manière dont ils vont atteindre l’objectif, ainsi que de ce que chacun va faire. Ils règlent les problèmes internes (divergences, conflits, gestion du temps, …), ainsi que le calme (chuchotement, parler bas) et l’ordre au sein de leur équipe. Ils effectuent leurs apprentissages sous la direction du maître de la parole du jour, qui distribue la parole équitablement et stimule ceux qui ne seraient pas motivés. Une fois la tâche terminée, le maître de la parole veille à ce que l’équipe respecte le calme de manière à ne pas perturber les équipes qui sont encore en apprentissage.
Composition des équipes
Il y a de nombreuses manières d’organiser des équipes. Des groupes peuvent être formés par les élèves en fonction de leur maturité, ou fondés sur l’amitié, sur les intérêts, sur la proximité dans la classe, des groupes choisi au hasard ou formés par les enseignants.
1. Les regroupements spontanés
Les regroupements spontanés permettent aux élèves de se consulter rapidement ou de corriger collectivement des exercices. Ces regroupements peuvent s’inscrire dans le cadre d’un groupe-classe, mais également au sein d’une équipe coopérative instituée. Ce sont des regroupements qui durent peu de temps et ne nécessitent pas d’infrastructure particulière pour les accueillir (un coin de classe leur suffit). Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes.
2. Les regroupements d’intérêt
Ceux-ci regroupent les élèves en fonction de leurs centres d’intérêt. Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes. Ces regroupements sont souvent utilisés dans la pédagogie par projets.
3. Les regroupements hétérogènes stables
Ce sont ceux que
nous privilégions. Si l’objectif de l’Ecole est bien de former des citoyennes
et des citoyens capables, plus tard, de vivre et de travailler avec des
personnes différentes de par leur identité de genre, leurs préférences
sexuelles, leur culture, leur religion, leurs spécificités physiques ou
intellectuelles, il est important de les mettre en contact avec un milieu qui
soit le plus multiculturel possible.
C’est dans un
groupe hétérogène que les élèves peuvent apprendre le mieux, aussi bien sur le
plan scolaire que sur le plan social. Il est donc important que ces groupes
soient formés de manière à obtenir la plus grande diversité possible en leur
sein.
Le regroupement
doit tenir compte des compétences des élèves. La diversité des capacités permet
aux élèves qui comprennent plus vite d’expliquer aux autres et d’ainsi
progresser plus rapidement. C’est
d’autant plus important si on est dans un milieu multiculturel, ce qui
permettra de comprendre et apprécier les valeurs et cultures des autres.
Il est important
d’assurer la plus grande diversité de compétences possibles au sein de chaque
équipe ainsi qu’un niveau de compétence à peu près égal entre les groupes. Le
succès de l’apprentissage coopératif dépend précisément de cet éventail de
capacités qu’on retrouve dans chaque équipe.
Une fois que les
équipes sont formées, elles doivent le rester plusieurs mois. La confection des
équipes est un travail d’orfèvre, tant est grande la difficulté de mettre des
élèves tellement différents de par leurs origines, leur genre, leurs facilités
ou leurs difficultés d’apprentissage, leurs handicaps et/ou besoins
spécifiques, leurs cultures, leurs caractères, …, qu’il faut leur laisser du
temps pour se connaître et savoir travailler ensemble.
Evaluation des apprentissages
coopératifs (à compléter/adapter en fonction
de ce que nous avons déjà dit de l’évaluation)
La formation
initiale des enseignantes ne les a pas préparées à évaluer des apprentissages
coopératifs. Il s’agit d’un changement de paradigme. Il s’agira que chaque
enseignante modifie sa conception des évaluations-sanctions et se forme à
l’évaluation formative, dont fait partie l’auto-évaluation des élèves. L’enseignante
est la responsable de l’évaluation, mais elle doit faire appel au jugement des
élèves.
Il est dont
important que les tâches à effectuer soient conçues pour être évaluées
formativement. Les consignes doivent être précises et elle doit veiller à ce
que les élèves les suivent durant l’apprentissage commun.
Il y a lieu
d’évaluer en fonction des objectifs fixés. Le regard critique des élèves sur
leur apprentissage est fondamental car il leur permet d’acquérir les outils
nécessaires pour évaluer leur progression dans leurs apprentissages ainsi que
leurs habiletés en matière de coopération.
On n’utilisera
aucune note dans l’évaluation des apprentissages coopératifs.
Il est important
que l’évaluation conscientise chaque élève qu’il est lié à son équipe par un
sort commun. Il s’agit ici d’optimiser l’interdépendance positive entre les
membres afin qu’ils soient encouragés à s’entraider au mieux.
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » commune, l’évaluation doit porter sur
l’œuvre commune ;
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » individuelle, l’évaluation doit être
individuelle ;
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » commune à laquelle chaque élève a apporté
une contribution distincte, l’évaluation est une combinaison des apports
individuels et du résultat commun.
L’évaluation des
objectifs liés à la coopération comprend la rétroaction. Il s’agit de permettre
à l’équipe de s’autoévaluer.
[1] La Pédagogie institutionnelle de Fernand Oury, sous la direction de
Lucien Martin, Philippe Meirieu et Jacques Pain, Ed Matrice 2009.
[2] CONNAC Silvain (2013). Le conseil n’est pas un tribunal. Animation et
Education, n°235-236, juillet-octobre, p.
55.