1. Quel doit être le rôle de l’école dans la lutte contre les LGBT-phobies ?
Réalités de la société d’aujourd’hui
« Dans
notre société, les LGBT-phobies sont en progression. Il n’est pas une semaine
où les réseaux sociaux ne relaient des agressions homophobes. La plupart des
agressions homophobes sont le fait de jeunes gens. Ces jeunes ne sont pas
sorti·e·s du système scolaire depuis des décennies, mais visiblement, et quelqu’ait
été leur parcours, ils/elles n’ont pas reçu toute l’éducation nécessaire pour
déconstruire leurs croyances ou l’éducation homophobe qu’ils/elles ont reçue,
qu’elle soit familiale, sociale, culturelle ou philosophique. On ne naît pas homophobe, on le devient !Seule l’école est en position de
lutter contre les représentations homophobes auxquelles ces jeunes ont été
confronté·e·s et qu’ils/elles ont intégrées.
C’est
parce que nous voulons une société inclusive, qui permette à tout être humain
d’être pleinement intégré à la société, quelles que soient les différences
sociales, physique, intellectuelles, de genre ou sexuelles, que nous voulons
aussi une école inclusive, qui éduque les futur·e·s citoyen·ne·s à être les
fondateurs et fondatrices de cette société inclusive, et pour participer
activement à sa transformation vers plus de justice. En luttant contre
l’homophobie, on lutte aussi contre tous les racismes et toutes les
discriminations qui minent les relations sociales de notre société [1]».
Ce constat,
nous l’établissions lors d’une conférence de presse le 21
novembre 2018, dans le cadre de la Journée internationale des Droits de
l’Enfant.
Réalités de l’école d’aujourd’hui
Aujourd’hui, les familles sont multiples. La famille
« traditionnelle » s’est transformée et présente de multiples
visages, tous aussi différents – mais intéressants – les uns que les autres.
L’école est donc confrontée à une réalité à laquelle elle ne s’est jamais
vraiment préparée. Pour la doxa[2]
scolaire, la famille idéale est toujours celle où le père gagne le pain du
ménage et où la maman ne travaille pas et s’occupe des devoirs des enfants
après l’école. Bref, une famille d’un autre âge.
Aujourd’hui, les enseignant·e·s sont confronté·e·s à des élèves qui
vivent dans des familles monoparentales, recomposées, adoptives, hétéroparentales,
homoparentales, riches, pauvres, désinvesties ou surinvesties, de cultures
différentes. Qu’elles/ils soient issu·e·s de l’une ou de l’autre de ces
familles, tou·te·s les enfants peuvent se sentir marginalisé·e·s et souffrir.
Dans chacune de ces catégories vivent des enfants, des jeunes qui se vivent différent·e·s, parce que le genre ou l’orientation sexuelle qui leur ont été assignés à la naissance ne correspondent pas à leur ressenti, à ce qu’ils/elles sont profondément. Toutes les écoles, sans la moindre exception accueillent des enfants qui sont concerné·e·s par les LGBT-phobies. Et ce chiffre est, sans doute en-deçà de la réalité. Par exemple, on estime à environ deux élèves par classe le nombre d’enfants concerné·e·s par le simple fait d’avoir un·e parent·e homosexuel·le[3], sans l’être pour autant elles/eux-mêmes. On estime qu’ils représentent, dans l’ensemble, au moins 10% de la population scolaire[4]. Chaque enseignant·e peut ainsi estimer facilement le nombre des élèves dont il ou elle a la charge, qui sont concerné·e·s et ainsi mettre en place les outils de formation et de prévention indispensables (voir plus bas[5]).
Pourquoi demander au écoles de combattre les
homophobies et transphobies ?
Comme le souligne l’UNESCO, « le harcèlement homophobe est un
problème éducatif qui doit être traité par le secteur de l’éducation ». Il viole le droit à l’éducation de tous et
compromet les résultats éducatifs. Il remet en cause le droit au respect au
sein de l’environnement scolaire : égale dignité de tous les enfants, respect
de leur identité, de leur intégrité, de leur droits de participation et
protection contre les toutes les formes de violence.[6]
Après la fin de leur école secondaire, de nombreux·ses jeunes gays,
lesbiennes ou transgenres affirment que l’école a été, pour eux, un lieu de
grande souffrance. Souvent ces jeunes ont été témoin de violences homophobes.
Parfois, ils en ont été les premières victimes. Le harcèlement les
intimidations, les coups, voire les viols sont le plus souvent inconnus des
enseignant·e·s car cela se fait dans des lieux où les professionnels ne vont
pas nécessairement souvent (vestiaires, toilettes, coins de cours de
récréation, transport scolaire, …), hors et pendant les heures de classes. Parfois
aussi au sein de la classe par des réflexions ou des insultes homophobes.
Ces jeunes ont dû, la plupart du temps, vivre leur orientation sexuelle
de manière cachée, dans la honte et la peur d’être découvert·e·s. De ce fait,
ces jeunes ne réclament pas d’aide. Ils et elles ont peur de la réaction des
adultes, peur d’être dénoncé·e·s à leurs parents, à l’ensemble des professeurs,
…
Ces jeunes ne bénéficient dès lors pas du soutien qu’ils méritent et
d’un environnement apaisé, c’est-à-dire sensibilisé depuis le plus jeune âge et
accueillant pour les différentes orientations sexuelles.
Enfin, le contexte scolaire est l’un des principaux lieux qui permet aux jeunes l’intégration sociale et l’apprentissage de la vie en société. C’est un milieu riche qui décèle de grands potentiels dans de nombreux domaines, dont l’éducation à la diversité. A cette fin, Les enfants doivent pouvoir bénéficier, dès le plus jeune âge, de l’apprentissage du vivre ensemble dans notre société. Ces lieux, que sont les écoles, sont des espaces d’émancipation individuelle mais également collective. On y parle trop « disciplines », c’est-à-dire « matières traditionnelles » et trop peu émancipation. Pourtant, le Droit international ne parle pas de droit à aller à l’école, mais de droit à l’éducation[7].
Aussi, chaque enseignant·e[8] qui
vise à devenir inclusif (même de mathématique, de physique, de langues, …) est
avant tout une éducateur/trice. Elle/il se donne pour mission d’éduquer et
d’émanciper les élèves. Malheureusement, trop souvent, ceux-ci ne reçoivent pas
les informations sur les orientations sexuelles et on ne les sensibilise que
trop peu au respect de toutes les différences, car l’école elle-même a des
difficultés avec ces notions. L’homosexualité et les orientations sexuelles
minoritaires restent un sujet tabou dans les classes, que l’on confie à des
intervenant·e·s externes qui interviendront une ou deux fois durant la
scolarité, alors que l’éducation au vivre ensemble et à l’acceptation de toutes
les différences sexuelles et autres doit être faite au quotidien.
Chaque école est responsable de cette sensibilisation. Mieux que cela, de cette éducation ! Chacune d’entre elle, de la maternelle à la fin du cycle secondaire (et nous n’abordons même pas l’enseignement supérieur qui est plus que concerné) se doit d’entreprendre des actions concrètes, non seulement en terme de prévention – et donc d’assurer un climat de sécurité et de protection tant des élèves que des adultes – mais également qui permettent le développement personnel des jeunes, quelles que soient leurs différences.
Le travail de prévention permet d’éviter que des élèves subissent, à un âge où à un autre, des agressions homophobes ou transphobes, ou vivent mal leur scolarité dans un climat de peur impropre à quelque apprentissage qui soit. Ce qui vaut pour les élèves peut également valoir pour les adultes. Il ne faut pas oublier qu’environ 10% d’entre eux sont également concerné·e·s par les LGBT-phobies. Ils ont besoin du soutien de toute la communauté enseignante.
Il y a donc lieu de mobiliser tout le monde, depuis le Pouvoir organisateur jusqu’aux jeunes, en passant par les directions, les membres du personnel enseignant, ouvrier et administratif. Sans oublier les parents qui, pour certains, peuvent venir en soutien de ces projets.
« Mais ne va-t-on pas nous accuser de
prosélytisme ? »
Un certain nombre de parents, même parmi
les plus ouverts, émettent des réserves lorsqu’on envisage de parler
d’homosexualité à des élèves d’école maternelle ou primaire. Il en va de même
dans le milieu enseignant. Pour certain·e·s, de ces personnes, l’homosexualité
reste un tabou, une peur qu’ils pensaient profondément enfouie, mais qui se
révèle ne l’être pas autant que cela. Pour certaines personnes au sein de notre
société, les relations hétérosexuelles et les relations homosexuelles ne sont
pas équivalentes.
Trop souvent encore, des enseignant·e·s
ont des réticences à prononcer même les mots « homophobie » ou
« homosexualité » par crainte des réactions de leurs collègues, de
certains élèves et de leurs familles. Il y a un « tabou » qui empêche
l’utilisation de ces mots et les place sous une chape de plomb.
Tabou qui n’a plus de raison d’être puisque, depuis juin 2012, en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) a été reconnue officiellement par Décret comme une des missions de l’école. On ne peut donc parler de prosélytisme si l’école remplit une de ses missions. L’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle commence en maternelle et continue tout au long des 15 années d’école obligatoire[9]. On y aborde de manière adaptée à l’âge des enfants, tous les sujets qui touchent la vie affective et la vie sexuelle. Sous tous leurs angles ! Donc dès lors aussi celui des différentes orientations sexuelles et ce, pendant 15 ans. Même les professeur·e·s homophobes – il y en a sans doute peu, mais il y en a – sont tenu·e·s de respecter la Loi et donc d’éduquer leurs élèves à lutter contre l’homophobie et la transphobie. Cela ne peut que faire du bien intellectuel à ces soit-disant professionnel·le·s, car ils/elles sont déficitaires en ce domaine.
Concernant les parents qui ne voudraient pas que l’on parle d’homosexualité à leur enfant, nous conseillons aux écoles de mettre clairement ce point dans leur projet d’établissement (ou dans le projet pédagogique), auquel les parents doivent adhérer chaque année. En cas de plainte de leur part, il suffira de leur montrer qu’ils ont marqué leur accord en début d’année. Cependant, on peut leur expliquer que c’est dans l’intérêt de leur enfant de recevoir une information sur ce sujet. Si le/la jeune est d’orientation homosexuelle ou bisexuelle, elle/il pourra directement bénéficier de cette information et construire son identité en harmonie avec son entourage. Si l’enfant est d’orientation majoritairement hétérosexuelle, l’information sur le sujet ne peut qu’éclairer son jugement et lui apprendre à respecter les personnes lesbiennes, gays ou bisexuel·le·s.
En abordant l’Evras et, plus spécialement les différentes orientations sexuelle, on diffuse un message de tolérance, d’accueil de l’autre dans toutes ses réalités, on apprend aux élèves à respecter les différences. Il est important de combattre les idées fausses, démystifier l’homosexualité (chacun·e a sa propre orientation sexuelle, on ne devient pas homosexuel en fréquentant des copains ou copines qui le sont, pas plus qu’on ne le devient en vivant dans une famille homoparentale[10]). Il faut également rappeler le Droit : les discriminations ou actes homophobes, lesbophobes, transphobes sont interdits et punissables[11]. Enfin, cela permet d’expliquer aux élèves qu’ils et elles doivent être empathiques, venir en aide aux victimes de la violence, et dénoncer les agresseur·e·s, fût-ce-t-ils des adultes de l’école.
[1] Jean-Pierre
Coenen, Ligue des Droits de l’Enfant 21 novembre 2018, Appel
aux écoles : Devenez des Ecoles pour Tou·te·s !
[2] En philosophie, la doxa est l’ensemble — plus ou moins homogène — d’opinions (confuses ou pertinentes), de préjugés populaires ou singuliers, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles se fonde toute forme de communication ; sauf, par principe, celles qui tendent précisément à s’en éloigner, telles que les communications scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Doxa).
[3] Rapport
de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude
de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en
France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout
à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union
hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de
transparentalité, moins nombreuses, mais
qui existent et nécessitent d’être prises en compte. Conclusion : en moyenne,
au moins deux élèves par classe sont concernés ».
[4] De nombreux pays les
pays qui ont étudié depuis longtemps la population concernée par sphère
LGBTQI+, comme la Belgique, la Suède, les États-Unis ou le Canada. Suite à ces
études, le pourcentage couramment admis, qui inclut les sous-déclarations dues
à la peur de l’homophobie et repose sur une approche plus précise de la
bisexualité est de 10 %. Il suffit de diviser la population de sa classe pour savoir
combien d’élèves sont concernés.
[5] Dans une école inclusive, ces outils et ces formations sont réfléchies et mises en place par l’ensemble de l’équipe pédagogique. Quand on est seul·e dans sa classe, il existe des outils disponibles sur Internet via le site www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/ ou d’autres sites spécialisés.
[6] Booklet 8/Education
Sector : Response to homophobic Bullying – UNESCO – 2012.
[7] Convention internationale des Droits de l’Enfant 20 novembre
1989, Art 28 « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à
l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit
progressivement et sur la base de l’égalité des chances (…) ». Même si l’institution que les Etats charge de faire
respecter ce Droit sont les écoles, le texte ne cite pas une seule fois le mot
école. Il s’agit donc bien de droit à l’éducation qui « doit viser à :
a) favoriser
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs
potentialités ;
b) inculquer à
l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des
principes consacrés dans la Charte des Nations unies ;
c) inculquer à
l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses
valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans
lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations
différentes de la sienne ;
d) préparer
l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans
un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et
d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux,
et avec les personnes d’origine autochtone ;
e) inculquer à
l’enfant le respect du milieu naturel. »
[8] Nous
partons du principe que l’enseignant·e inclusif·ve s’est progressivement formé·e
à l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences
et difficultés scolaires ou de vie. Elle ou il est capable de transmettre tous
les savoirs à tou·te·s les élèves. Il ou elle ne pratique pas la sélection et
donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[9] En
Belgique l’école commence à 2,5 ans et se termine à 18 ans (dans le meilleur
des cas), mais elle n’est obligatoire que de 5 à 18 ans.
[10] DORAIS
Michel, Mort ou fif, la face cachée du suicide chez les garçons, Éditions VLB,
2000. Le professeur Michel Dorais constate aussi une tendance à la baisse de
l’âge de découverte de son homosexualité chez les jeunes LGBT : le plus souvent
entre 12 et 15 ans. Michel Dorais précise les conditions de cette prise de
conscience : « La découverte de son attirance envers les personnes du même sexe
est plutôt une évolution qu’un événement soudain. Graduellement, au cours de
l’enfance ou de l’adolescence, le jeune garçon ou la jeune fille s’aperçoit
qu’il ou elle ne réagit pas en son for intérieur comme la majorité de ses
congénères. L’émoi que ses compagnons ou compagnes expriment devant les
personnes de l’autre sexe, c’est plutôt (ou en plus, pour les jeunes bisexuel
le s) à l’endroit de personne du même sexe qu’il ou elle l’expérimente. Au
début, il n’y a pas forcement de mot ou d’étiquette à placer dessus. Seulement
une impression d’étrangeté. C’est le plus souvent à travers la pression sociale
au conformisme que prend forme dans la tête de l’enfant ou de l’adolescent la
constatation suivante : il se pourrait que je sois différent-e de ce que l’on
attend de moi… »
On n’inclut
pas un élève, on l’intègre[1].
C’est la classe, c’est l’école qui doivent être inclusives. Intégrer un élève
porteur ou porteuse d’une déficience intellectuelle ou physique, ou ayant de
grandes difficultés d’apprentissages (notamment un ou des ‘dys’), au-delà
d’être une obligation légale[2],
est un acte citoyen. Et, comme tous les actes citoyens, il apporte de (parfois)
grandes satisfactions, mais présente également de (parfois) grandes difficultés.
Le métier d’enseignant[3]
est un métier difficile mais quand il est bien fait, il apporte d’immenses
satisfactions.
L’intégration mobilise de nombreux acteurs
Une intégration (voire plusieurs intégrations dans une même classe) a des coûts. Ceux-ci peuvent être soit financiers (aménagement de rampes, déménagement d’une classe au rez-de-chaussée, investissements pédagogiques ou matériels, …), psychologiques (charge supplémentaire pour l’enseignant, pour les élèves accueillants qui apporteront leur aide au projet d’intégration, difficultés relationnelles, découverte de la différence, naissance de nouvelles amitiés, satisfaction d’avoir pu porter un enfant différent jusqu’au bout, …) et sociaux. Mais ce sera, plus probablement, un mix des trois.
Dans une
intégration, les acteurs sont multiples. S’il y a l’enfant intégré et
l’enseignant qui sont au centre du projet, il est de nombreux autres
partenaires :
tous les élèves de la classe, mais aussi ceux des autres classes qui, s’ils fréquentent moins l’enfant intégré, auront cette chance durant les moments communs (repas, récréations, garderies, activités sportives extérieures, fêtes d’école, …) ;
tous les adultes de l’école qui croiseront l’enfant au quotidien (enseignants, personnel administratif, personnel ouvrier, personnel des garderies, la/le bénévole qui fait traverser les élèves devant l’école le matin et à la fin des cours, …) ;
parents des élèves de la classe où est intégré l’enfant, voire encore les parents d’autres classes ;
mais il est aussi des professionnels extrascolaires qui aident l’école à accueillir un enfant en intégration : services d’aides à l’intégration, logopèdes, professionnels de la santé, services ou associations apportant des aides à l’intégration (services régionaux ou nationaux d’aide pour les personnes avec handicap, services de traducteurs en langue des signes, associations de soutien, …) ;
etc…
Il faut garantir la qualité de vie de tous les acteurs
Si l’on veut donner des chances à un projet d’intégration scolaire, la qualité de vie de tous les acteurs et actrices doit être préservée. Il est donc fondamental de rechercher un équilibre dynamique entre les différentes composantes de l’intégration. Celles-ci sont au nombre de quatre : ce sont les coûts de l’intégration, les bénéfices de celle-ci, les contraintes inhérentes à toute entreprise (à fortiori humaine) et, enfin, le projet en lui-même.
On estime à plus
de 50.000 les situations de présence d’enfants réputés « à besoins éducatifs
spécifiques » dans les écoles ordinaires subsidiées par la Région
Wallonie-Bruxelles[5]. Au
vu du nombre d’actrices et d’acteurs impliqués dans un projet d’intégration, on
peut considérer qu’il n’est pas une école qui, avec ses partenaires, ne soit
confrontée à la nécessité de veiller à garantir le bien-être de toutes les
parties.
L’intégration
influence la qualité de vie de chacun
Quand
commence une intégration, l’enseignant s’investit pleinement dans
l’intégration. Il a pour principal souci de viser l’intérêt de l’enfant
concerné. L’accueil d’un enfant avec maladie ou handicap pose forcément de
multiples préoccupations qui concernent à la fois la qualité de vie de l’enfant
intégré mais également des autres enfants du groupe, et partant, la qualité des
apprentissages de tous. Et ce, même si tout le monde n’apprendra pas la même chose
ou n’apprendra pas au même rythme.
Les parents,
quant à eux, ont l’espoir que leur enfant se sente bien dans son école, tant
avec son enseignant ou son enseignante qu’avec ses pairs. Ils espèrent qu’il
pourra y faire les meilleurs apprentissages possibles en fonction de ses
capacités, tant sociaux que scolaires.
Devant les difficultés auxquelles l’intégration confronte, il y a une tendance naturelle à attribuer à tel ou tel professionnel, tel décideur, telle équipe, tel élève, telle association ou tel parent les raisons des échecs et des incompréhensions mutuelles, mais également des réussites et de la qualité des collaborations qui se sont établies. Les équilibres qui se mettent en place sont en effet des partenariats délicats par définition, liés à une implication plus ou moins forte des différents acteurs.
Dans
une intégration, de nombreux facteurs entrent en jeu. Ils sont multiples et
diversifiés.
L’intégration
renvoie aux représentations culturelles ainsi qu’à la manière de les gérer.
Une
intégration est un questionnement quotidien, tout au long de la scolarité. Les
enseignants s’interrogent fort normalement au moment des premiers jours de
classe. Ils se demandent comment ils
vont pouvoir gérer la classe avec un enfant à besoins spécifiques. Mais on peut
compter sur eux car l’intégration est un engagement qu’on ne laisse pas au bord
de la route dès qu’apparaissent les difficultés inhérentes au projet et aux
difficultés de l’enfant. L’intégration renvoie ainsi aux valeurs de société
(tolérance, humanisme, solidarité, empathie, …). On sort de la doxa scolaire
qui mine notre enseignement : l’école n’est plus faite pour mettre en
compétition et sélectionner, elle est là pour former des citoyens solidaires et
qui seront un jour (on peut l’espérer) désireux de se battre pour plus de
justice.
L’intégration
renvoie à la dynamique relationnelle entre les acteurs : Parents-enfants,
enfants-enfants, enseignants-élèves, enseignants-parents,
enseignants-enseignants.
L’intégration
c’est tout d’abord une négociation et une collaboration entre de nombreux
intervenants. Le rôle des tiers est important. On n’intègre pas un enfant dans
une école, dans une classe, sans qu’il n’y ait un projet bien ficelé avec toutes
les parties. Une relation ouverte et positive entre ces dernières est
fondamentale et tout le monde doit se sentir intégré dans le projet. La qualité
du dialogue est un élément important pour affronter les difficultés liées à
l’intégration. Il est donc nécessaire que les parties se rencontrent plusieurs
fois par an et, si besoin, à la demande de l’une d’elle. Pour les enseignantes,
les enseignants, les directions d’école, cela implique d’être disponible même
en dehors de l’horaire scolaire, que ce soit par téléphone, mail ou sur
rendez-vous. Les périodes de travail collaboratif doivent pouvoir être
utilisées à cette fin.
Il est
important que la coordination se fasse notamment sous la forme d’un
document écrit afin que tout le monde soit clair sur les objectifs du projet
d’intégration et sur son évolution. Le coordinateur ou la coordinatrice du
projet (en général, la direction de l’école ordinaire) se charge de transmettre
une copie de ce document à toutes les parties, sans oublier les parents qui
sont les premiers partenaires.
L’intégration renvoie au contrôle perçu des acteurs sur ce qu’on leur demande.
Une intégration, c’est de la fine dentelle. Les enjeux sont grands pour l’enfant et c’est bien son avenir qui est en jeu. Du moins en partie. En outre, lorsqu’un handicap est associé à la demande d’intégration, de nombreux questionnements se posent. Pour l’enseignant, cela a un coût émotionnel. Il se demandera s’il sera en mesure d’aider l’enfant et, surtout, s’il sera capable de gérer sa classe (et la présence de l’enfant) malgré son investissement. Parfois, certaines directions ou certains professeurs préfèrent assumer le coût d’un refus d’inscription pour s’assurer un meilleur contrôle sur leurs conditions de travail à venir. Pour les parents, l’intégration a aussi un coût émotionnel. Ils rêvent que leur enfant puisse aller à l’école du quartier et ainsi pouvoir créer des liens sociaux avec des pairs. Parfois cela se passe bien. D’autres fois c’est l’incompréhension. Nombreux sont ceux qui doivent affronter des situations qui leur semblent inadaptées, voire injustes. L’intégration est encore trop souvent un parcours du combattant, au point que les parents sont amenés à ressentir un sentiment de perte de contrôle. Les familles « ordinaires » parviennent à inscrire leurs enfants dans une école ordinaire sans difficultés, mais pas eux. Parfois on leur demande d’investir dans des outils onéreux (tablette, ordinateur, matériel ergonomique, …), ce qu’ils n’ont pas toujours les moyens de faire. L’école n’est-elle pas « gratuite » ? A l’injustice de la vie s’ajoute l’injustice institutionnelle. On demande à ces parents de subir ces injustices avec bonne grâce. Ils doivent être tous les jours des Super-Parents.
L’intégration renvoie à la motivation mutuelle.
Il est
important de ne pas sous-estimer l’impact de l’expérience préalable et
personnelle des acteurs qui influence leur motivation.
Les
enseignants émettent d’avantage de réserves lorsqu’ils gardent un mauvais
souvenir de leur expérience passée. Par contre, ils sont d’autant plus motivés
à s’investir dans l’accueil de l’enfant avec handicap qu’ils souhaitent que
quelqu’un s’investisse de la même manière pour un jeune qu’ils connaissent. Pour
les enseignants qui ont exercé en enseignement spécialisé, l’intégration d’un
enfant à besoins spécifiques est plus souvent un moteur qu’un frein dans leur
motivation à s’investir.
L’enseignant,
face à une situation de manque de contrôle (problèmes de discipline, sentiment
de décrochage motivationnel de l’élève voire constat d’un décrochage scolaire
et/ou social) risque de perdre une part de sa motivation. Il peut alors
demander des moyens pour réaliser cet accueil, via l’aide de l’enseignement
spécialisé (si ce n’est pas déjà le cas) ou de professionnels du handicap ou du
trouble de l’apprentissage (‘dys’).
Une
intégration permet à l’enseignant de remettre en question ses méthodes et ses
pratiques. Il bénéficie d’un partage de ressources et de compétences avec un
collègue de l’enseignement spécialisé, ce qui est un enrichissement à la fois
personnel et professionnel.
Les jeunes,
parfois, sont cassés par des expériences précédentes négatives. D’autres sont
motivés par l’intégration sociale, le fait d’être avec leurs pairs, dans
l’école du quartier, et de pouvoir enfin se créer un tissu social. Leur motivation
à apprendre dépend de nombreux facteurs, comme pour l’ensemble des autres
élèves de la classe : leurs
conditions de vie, l’estime de soi, l’importance de se sentir concerné par les
apprentissages qu’on propose, de leur ambition plus ou moins importante, etc.
Mais pour un enfant à besoins spécifiques, il faut ajouter à cela l’accessibilité
des activités proposées, la valorisation de ses compétences et l’aide
complémentaire adaptée à ses difficultés.
Dans le cadre
de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive, les pairs
doivent être considérés comme des partenaires incontournables. Pour eux,
l’intégration d’un élève à besoins spécifiques permet de s’ouvrir au monde du
handicap et de connaître et d’apprendre à accepter la différence. Ils peuvent
profiter des remédiations et des aménagements raisonnables qui sont mis en
place pour l’enfant en intégration. La mise en place de tutorat, par exemple,
permet à toutes et tous d’apprendre l’entraide et la coopération, tout en
bénéficiant d’explications complémentaires entre pairs lorsqu’une difficulté se
présente.
Les parents
doivent s’investir dans le projet d’intégration de leur enfant et ce, même
s’ils n’ont pas les codes, voire la langue de l’école. L’attitude des personnes
dont dépend l’enfant est déterminante. Une intégration est un sacrifice, celui
de la facilité de l’inscription dans l’enseignement spécialisé. Une intégration
n’est jamais de tout repos pour les parents. L’intégration pendant les temps
scolaires fait partie d’une préoccupation globale des parents pour l’évolution
sociale et intellectuelle de leurs enfants, elle représente un moyen et non une
finalité. Ils ont souvent le souci de ne pas « imposer » leur enfant. Ils ont
tendance à s’identifier à l’enseignant, présumant que ce qui est perçu comme
une charge par eux, voire ce qui leur est problématique, le sera aussi pour
l’enseignant.
L’intégration renvoie au temps.
L’intégration
nécessite une disponibilité en temps et en énergie. Elle amène les enseignants
à consacrer du temps :
pour la gestion des liens sociaux
entre les jeunes ;
pour être disponible vis-à-vis des
parents afin de prendre connaissance de ce qui se passe en-dehors de l’école
(autrement dit, aborder l’enfant, et non seulement l’élève) ;
pour la gestion de la dynamique de
classe ;
pour rester à côté de l’élève pour
favoriser ses apprentissages, à le réconforter, à entretenir une relation
privilégiée par le dialogue ;
consacré aux besoins physiques
(soins) ;
d’observation ;
pour les démarches visant à
s’informer ;
de dialogue avec les services
spécialisés ;
de préparation de supports pour
cet unique élève, parfois ;
où l’on doit avoir en tête qu’il
faut s’adapter à l’enfant en question en modifiant sa manière de donner cours
et se former dans une pédagogie active et coopérative ;
de doutes et de remises en question.
Les parents souhaitent généralement être impliqués davantage dans le projet d’intégration. Ils éprouvent la nécessité de s’investir en temps et en énergie. Ils ressentent, par l’investissement plus important, une complicité accrue et un rapprochement à l’égard de leur enfant. Cela comporte des risques. Parfois, un investissement en temps et en énergie devient trop lourd. Cela peut les amener à réorienter leur enfant dans les structures spécialisées dans un souci de soulagement personnel. Ce n’est, malheureusement, pas toujours l’intérêt même de l’enfant qui est en jeu.
Chaque étape
d’évolution de l’enfant est valorisante aux yeux de ceux qui s’investissent, et
contribue à motiver cet investissement. C’est aussi grâce au temps que les
liens peuvent se nouer entre les jeunes, par exemple. L’influence de
l’intervention du réseau social peut être performante.
L’intégration renvoie aux moyens disponibles et à la bonne volonté des acteurs :
Problème d’accessibilité des moyens matériels. Les collaborations sont à établir avec les organismes qui en disposent.
En fonction
des déficiences ou difficultés d’apprentissage, il existe des aides spécifiques
qui peuvent être allouées par les services régionaux ou locaux d’aides aux
personnes à besoins spécifiques. De même, des associations spécifiquement
dédiées à l’un ou l’autre handicap ont du matériel qu’elles prêtent (ou
donnent) afin de permettre la poursuite de la scolarité d’un enfant dans les
meilleures conditions matérielles.
L’organisation de certains
établissements secondaires ne plaide pas pour l’intégration. Ces écoles doivent
s’adapter aux élèves à besoins spécifiques.
Des élèves avec
une infirmité motrice cérébrale se sont retrouvés sans école par le simple
manque de volonté d’un pouvoir organisateur[6].
D’autres, une fois intégrés ont été ballotés d’un coin à l’autre de l’école
alors que leur mobilité était réduite et alors que la disposition des locaux de
l’école permettait de les intégrer sans qu’ils n’aient à subir des allées-venues
incessantes.
On a vu des établissements scolaires réserver leurs classes du rez-de-chaussée pour installer des bureaux administratifs (une personne pour 50 m², soit une suite « royale » pour une direction d’école, par exemple) et empêchaient ainsi l’utilisation de ces locaux pour des classes avec élèves à besoins spécifiques. Les rez-de-chaussées doivent être inclusifs, c’est-à-dire flexibles. Le local du RDC accueillant un élève à mobilité réduite restera ‘son’ local jusqu’à la fin de ses études. Il changera d’appellation d’année en année passant progressivement de la 1ère à la 6e . Ensuite, il bénéficiera à un/d’ autre(s) élève(s) à besoins spécifiques.
Ce n’est pas
parce qu’il y a un ascenseur qu’un enfant à mobilité réduite doit être envoyé
au deuxième étage. Les pannes, les (alertes) incendie(s) qui interdisent
l’usage de l’ascenseur, les livraisons qui monopolisent l’outil pendant un
quart d’heure, précisément quand il faut passer d’un étage à l’autre, …, tout
cela impose que ce soient les locaux du rez-de-chaussée qui soient destinés à
l’accueil de ces élèves prioritaires.
Dans une école qui se place sur le chemin de l’inclusion, une large réflexion est posées avec l’équipe enseignante, sur l’organisation et l’occupation des espaces en fonction de la structure physique des lieux. Ou comment rendre l’école inclusive une fois pour toute. Il faut repenser les accès, notamment les marches d’entrées de chaque bâtiment, créer des toilettes dégenrées[7], pour toutes et pour tous, veiller à ce que les cours de gymnastique, par exemple, soient également dégenrés, de même que les cours de récréations (l’espace terrain de foot est, en général occupé essentiellement par des garçons et il vaut mieux ne pas traverser cet espace en fauteuil roulant ou avec des béquilles, au risque de devenir une cible involontaire) et qu’elles soient pleinement accessibles. Les classes doivent être repensées pour tous les handicaps, elles doivent également être accessibles, tout comme le réfectoire, les salles de gym, …. De nombreux bâtiments scolaires ont été pensés il y a un près d’un siècle, voire plus, alors que l’on ne parlait pas d’intégration et encore moins d’école inclusive.
Attribution de ressources
financières spécifiques
Toutes les intégrations ne nécessitent pas de moyens financiers. Intégrer un enfant avec une dyslexie implique peu de frais supplémentaires. Un enfant avec un IMC aura besoin d’une rampe pour lui permettre (ou à sa chaise) de passer la marche. Mais, en général, les écoles s’en tirent sans grands frais supplémentaires. Le terme aménagement « raisonnable » n’a malheureusement pas été conçu pour les élèves à besoins spécifiques mais pour protéger les écoles (notamment) de manière à ce qu’elles ne soient pas obligées de s’engager financièrement dans des frais trop onéreux pour leurs subsides.
La plupart
des intégrations n’engendrent que peu de frais supplémentaires, voire aucun
dans la plupart des cas.
Définir les besoins en termes de
personnel supplémentaire pour réaliser l’intégration.
Il est
évident que peu d’enseignants ont reçu, dans leur formation initiale, le mode
d’emploi de l’accueil d’un enfant sourd en classe, même si celui-ci est
appareillé. Les troubles du comportement sont parfois difficiles à gérer. Une
dyscalculie laisse souvent le professionnel devant de grandes questions pour
lesquelles il n’a pas de réponses. Et ainsi pour de nombreux handicaps et de
nombreux « dys ». Il est donc important que celle ou celui qui se
trouve face à de telles difficultés puisse bénéficier d’aide et de soutien.
D’où
l’intérêt même de l’intégration : travailler en partenariat avec une école
d’enseignement spécialisé. Ce partenariat, loin d’être monté pour accompagner
l’enfant intégré, l’est surtout pour accompagner l’enseignant accueillant. Il
permet de mettre en place les outils pédagogiques adaptés aux difficultés de
l’élève mais aussi de l’enseignant.
De même, les
services d’accompagnement (Bruxelles) et les services d’aide à l’intégration
(Wallonie) ont cette mission d’accompagnement dans leurs gênes.
Plus grande implication du
personnel de l’enseignement spécialisé au sein même de l’école ordinaire.
Nous venons
d’en toucher un mot. La collaboration entre les deux structures, le spécialisé
et l’ordinaire est constitutif de l’idée même de l’école inclusive. La charte
de Luxembourg[8] décrit
l’Ecole pour tous et pour chacun, c’est-à-dire une
école qui comprend tout le monde, comme :
Une structure administrative commune pour
l’enseignement spécifique et ordinaire ;
La formation des enseignants en vue de
l’enseignement inclusif ;
La collaboration entre les enseignants
ordinaires et spécifiques ;
La flexibilité et l’adaptation des cursus ;
Le partenariat avec les parents ;
La prise de conscience et l’information.
L’école
ordinaire regorge de moyens humains non spécialisés …
mais qui peuvent/doivent se spécialiser.
L’école inclusive de demain devrait être une école qui ressemblera à un hôpital. Il y a bien des infirmiers et doctoresses généralistes mais ils ne sont pas légion. Il y a surtout des infirmières et médecins spécialisés dans des domaines différents. Ces spécialisations sont complémentaires. Le patient qui a été opéré d’une tumeur à l’estomac a besoin de nombreux spécialistes : un ou une gastro-entérologue , une équipe de chirurgiens spécialisés dans les tumeurs digestives, d’un ou d’une oncologue, d’un ou d’une diététicienne, d’infirmiers et d’infirmières spécialisées, etc.
L’école inclusive, cela doit être cela : des professionnels spécialisés dans les difficultés d’apprentissages. Quand on rencontre un enfant avec un autisme (ou un autisme supposé), il y a un ou une collègue qui, même si elle ou il n’est pas pointu dans le domaine, s’est formé avec l’aide d’une association spécialisée (qui peut venir à la rescousse) et peut donner les premiers conseils. Ces premiers conseils peuvent être la bouée de sauvetage de l’intégration. En attendant, éventuellement, si besoin s’en fait ressentir, l’intervention de spécialistes.
Mobilisation des moyens
organisationnels
L’école ordinaire a été pensée pour les élèves ordinaires. En fait, pour des élèves qui n’existent pas. Car il n’existe aucune liste de critères pour définir ce qu’est un élève ‘ordinaire’. En général, on utilise le terme ‘ordinaire’ pour différencier les élèves. Ce sont ceux qui n’ont pas de handicap. Le problème est qu’il ne faut pas ne pas avoir de handicap pour ne pas avoir de grosses difficultés d’apprentissages. On parle aujourd’hui d’élèves à besoins spécifiques ou non. Le terme ‘ordinaire’ renvoie trop à ce qui n’a rien d’exceptionnel. Or, tous les élèves sont exceptionnels. De même que l’élève ‘médian’ ou l’élève ‘moyen’, l’élève ‘ordinaire’ fait défaut dans toutes les écoles.
Dès lors, l’organisation de l’école telle, qu’on la connaît, a été pensée pour des élèves qui n’existent pas. Son organisation est telle qu’elle ne peut répondre aux besoins des élèves qu’elle accueille en temps ordinaires. Que dire, lorsqu’elle accueille des élèves à besoins spécifiques ?
Il faut donc
repenser la structure même de l’école. Travailler par classes de 25, est-ce
vraiment efficace ? Programmer des heures de 50 minutes qui mobilisent
toutes les ressources professionnelles permet-il de venir en aide à des élèves
à besoins spécifiques ? Il est d’autres alternatives : les groupes de
besoin, passer à des heures de 40 minutes pour permettre la remédiation, voire
laisser tomber les heures minutées et passer à autre chose de plus coopératif. Il
faut donner des moyens à l’intégration. Des enseignants formés dans l’une ou
l’autre difficulté d’apprentissage doivent pouvoir trouver du temps pour aider
leurs collègues. Si ce soutien est intensif au départ, il se révèle très peu
nécessaire par après.
Sur le terme ordinaire, on peut se faire la même réflexion pour les écoles que l’on différencie d’ordinaires ou spécialisées. Or, il y a des écoles qui n’ont absolument rien d’ordinaire et qui sont exceptionnelles et qui accueillent déjà de nombreux élèves à besoins spécifiques. Sans doute pourraient-elles même prétendre être également spécialisées, car leurs enseignants se sont formés et continuent année après année. Elles ne sont pas ordinaires, ni spécialisées tout en ayant des spécialistes des difficultés d’apprentissages. Ce sont des écoles inclusives.
Absence de personnel qualifié pour
les soins
L’école
inclusive a besoin de moyens humains. Notamment en termes de professionnels
(nous venons d’en parler). Puéricultrices, logopèdes, … doivent être
intégré(e)s à toutes les équipes pédagogiques qui travaillent dans une école à
vocation inclusive. De même, un ou une infirmièr(e), un(e) kiné, traducteur en
langue des signes, ou spécialiste en fonction des nécessités, doivent pouvoir
venir en aide aux équipes éducatives.
[1] Actuellement nous sommes dans une
logique intégrative qui suppose une négociation pour que soit accueilli l’élève
dit “à besoins spécifiques” au sein d’une classe d’enseignement ordinaire.
L’école inclusive, quant à elle, est une école qui se pense et s’organise de
telle façon à pouvoir accueillir tout élève, quelles que soient ses
caractéristiques.On s’écarte donc d’une vision « intégrative » dans laquelle
l’élève différent doit se faire accepter au sein d’un système régulier.
Développer une école inclusive suppose de trouver un équilibre entre un
enseignement de type académique et une éducation à la vie en société et à la
citoyenneté. On s’écarte donc de pratiques d’enseignement « traditionnelles »
ce qui nécessite un nouveau positionnement face à la différence; une évolution
du rôle de l’enseignant et une autre conception de l’organisation de l’école.
In fine, l’enseignement inclusif est vu comme un moyen de faire participer la personne
handicapée à la vie de la société.
[2] Convention des Droits des Personnes handicapées – ONU 2006
[3] Nous
partons du principe que l’enseignant inclusif s’est progressivement formé à
l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences et
difficultés. Il est capable de transmettre tous les savoirs à tous les élèves.
Il ne pratique pas la sélection et donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[4] Centre Psycho-MédicoSocial. En Belgique, il s’agit d’un lieu
d’accueil, d’écoute et de dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder
les questions qui les préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie
familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire et professionnelle, ….
Le Centre PMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée
dans l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Il développe également des activités
au bénéfice des élèves fréquentant les Centres d’Education et de Formation en
Alternance (CEFA), ainsi que de leur famille. Le Centre PMS est composé de
psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d’assistants
sociaux (auxiliaires sociaux) et d’infirmiers (auxiliaires paramédicaux) qui
travaillent en équipe. Un médecin est également attaché à chaque Centre PMS
(www.enseignement.be).
[5] Il s’agit d’un chiffre noir, tant il est difficile de les répertorier, tous les enfants n’étant pas diagnostiqués. Le dispositif actuel ne permet d’en identifier qu’une partie (via les écoles spécialisées, les services d’aide précoce, services d’aide à l’intégration, centres PMS…).
[6] Le pouvoir organisateur d’un
établissement d’enseignement est l’autorité, la ou les personne(s) physique(s)
ou morale(s), publique(s) ou privée(s), qui en assume(nt) la responsabilité.
[7] Ôter le genre ou toute notion de genre d’un lieu, d’une activité, etc.
Les défis posés par l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle
dans l’enseignement ordinaire
Progresser dans le
sens d’une éducation inclusive à l’école va demander
D’articuler les objectifs définis pour
l’ensemble des élèves avec les objectifs plus particuliers de l’élève avec
déficience intellectuelle
D’utiliser les outils et
ressources existant dans chaque classe, dans chaque école pour mettre en place
un programme répondant aux besoins de tous
Se référer aux compétences
transversales (savoir écouter, savoir raconter en choisissant les bons
supports, savoir poser des questions, etc.) pour construire sa démarche méthodologique
Construire un bulletin axé sur la
progression dans les compétences et élaborer un portfolio pouvant suivre
l’élève tout au long de sa scolarité
Penser une progression de l’élève
avec déficience intellectuelle sans viser nécessairement l’obtention d’une
certification finale (CEB,…)
De se rappeler que tout enfant
apprend mieux par plaisir et curiosité et que la sphère relationnelle et
émotionnelle doit être prise en considération à tout moment
Croire dans les potentialités de
tout enfant et proposer des défis d’apprentissage : les recherches
scientifiques basées sur un suivi longitudinal de cohortes d’élèves, montrent
que des apprentissages sont possibles au niveau de la littératie et de la
numératie.
Penser en termes de parcours de
vie en prenant en compte les besoins de l’enfant une fois celui-ci devenu
adulte et ne le conduire pas à pas vers l’autodétermination
Modifier radicalement notre mode
de partenariat avec les parents et ce, dès l’annonce de la déficience : en
effet, la manière dont ceux-ci sont amenés à découvrir le handicap et à exercer
leur parentalité face à cet enfant va les conduire ou non à aborder le monde
scolaire de manière positive et dans une optique d’éducation inclusive. Se
rappeler aussi que les structures précédant l’école (crèches, pré-gardiennats)
doivent également concevoir une approche inclusive.
Sensibiliser les pairs de l’élève
à ce qu’implique la déficience afin de développer des interactions positives
entre élèves
Sensibiliser les autres parents et
rencontrer leurs craintes quant à l’impact d’un enfant avec déficience
intellectuelle sur le groupe-classe en montrer les effets bénéfiques pour tous
les élèves
Permettre à l’élève avec
déficience intellectuelle de rencontrer d’autres élèves ayant des
caractéristiques de fonctionnement similaires
Veiller à assurer dès le départ de
l’accueil de l’élève en enseignement ordinaire, un suivi tout au long de sa
scolarité sans devoir se baser uniquement sur la bonne volonté d’un seul
enseignant mais en impliquant toute l’équipe éducative
Arrêter de faire de l’intégration
un privilège pour l’enfant et sa famille : l’accueil en enseignement
ordinaire est un droit
Rencontrer les peurs et
questionnements des enseignants, les informer, leur donner des ressources
adéquates et les aider de manière pragmatique (accompagnement sur site). A cet
égard, il s’agit de mieux coordonner les ressources existantes et les rendre
accessibles.
Réfléchir à la manière dont les
ressources de l’enseignement spécialisé peuvent être mises à disposition de
l’enseignement ordinaire et de manière plus générale, envisager l’avenir de la
structure de l’enseignement spécialisé (soutien en enseignement ordinaire,
accueil d’élèves en situation de handicap très sévère, intervention
d’enseignants chevronnés dans la formation, etc.)
Avoir un engagement clair de la
part des pouvoirs organisateurs dans le sens d’une évolution vers un
enseignement inclusif
Associer tous les acteurs
concernés dans la communauté scolaire et autour de celle-ci (services d’aide
précoce, services d’aide à l’intégration, CRF mais aussi les médecins
généralistes, neurologues pédiatres). Plusieurs de ces acteurs sont amenés à
jouer un rôle de facilitateur, de médiateur dans le dispositif d’intégration.
Quels sont les apports du
Pacte pour un enseignement d’excellence ?
Tout
comme le rappelle l’avis d’UNIA du 15 mars 2017, le Pacte confond intégration
et inclusion. De plus, la volonté est de limiter le nombre d’élèves dans
l’enseignement spécialisé à ceux pour lesquels des aménagements raisonnables
dans l’enseignement ordinaire ne s’avèrent pas suffisants (p 236 du Pacte).
Le
Pacte ne propose pas une stratégie bien définie pour faire évoluer notre
enseignement vers un enseignement plus inclusif.
Le
Pacte fait la distinction entre aménagements imposables et aménagements
conseillés, ce qui ne correspond pas à la Convention : les aménagements
sont obligatoires dans tous les cas et doivent être mis en place dès qu’ils
sont sollicités.
Ceci
étant, potentiellement positifs, à
savoir
Le renforcement du partenariat parents-professionnels ;
L’idée d’un dossier unique qui
suivrait l’enfant tout au long de sa scolarité
Le rôle d’une expertise en
orthopédagogie qui viendrait de l’enseignement spécialisé
L’obligation d’accueil et de mise
en place d’aménagements dans le cadre de pôles régionaux : l’idée serait
donc de développer des écoles inclusives par pôles territoriaux. Cette formule
risque évidemment de conduire au regroupement d’élèves dits à besoins
spécifiques dans des écoles que l’on qualifierait d’inclusives !
Stigmatisation de l’élève : les procédures d’évaluation et
d’orientation
Sans nier la nécessité d’une évaluation correctement menée et de manière pluridisciplinaire, il importe de quitter un mode d’évaluation uniquement centré sur le relevé de déficiences et l’indication des écarts par rapport à une norme (vision très statique) pour adopter une évaluation plus qualitative et fonctionnelle des compétences de l’enfant en termes de profil des forces et faiblesses. L’évaluation ne doit pas contribuer à exclure l’enfant : nous observons encore beaucoup trop souvent que c’est sur la seule base du quotient intellectuel qu’un enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé.
Une
telle démarche évaluative plus qualitative va permettre de réfléchir aux
adaptations qu’il s’agira de mettre en place en classe.
Ce
travail d’évaluation demande du temps et donc des moyens financiers.
Par
ailleurs le développement d’un dossier unique de l’enfant, qui puisse le suivre
et dans lequel sont consignés ses progrès, quel que soit le service fréquenté
est nécessaire pour assurer une coordination et une cohérence des interventions
dans le temps. Pour faciliter le partage entre les divers intervenants, on peut
concevoir un dossier informatisé.
Il
serait donc important que les formations données aux psychologues et aux
neuropsychologues soient davantage axées sur une évaluation dynamique. En
particulier les psychologues des CPMS et des centres agréés ne devrait plus
pratiquer l’orientation sur la seule base d’un diagnostic s
Par
ailleurs, l’ensemble des professionnels devraient mieux connaître les enjeux de
l’intégration et ceux de l’inclusion. Ces professionnels doivent prendre
conscience que toute stigmatisation de l’élève comme « incapable » va
marquer la personne à vie.
Organiser le curriculum de
l’élève : quels apprentissages faut-il privilégier et comment ?
Il
s’agit d’approcher toute élève dans sa globalité avec un projet pense de
manière personnalisée. Le PIA est vu comme un outil rassembleur (et
obligatoire) avec consignation des attentes des parents et de l’élève, la
reconnaissance des divers obstacles aux apprentissages ainsi que les moyens
pour tenter de les surmonter. Ce PIA est aussi un outil de communication avec
le C.PMS et les divers partenaires extérieurs. C’est un outil de formation
réflexive. Il doit bien entendu reprendre les objectifs visés, les moyens que
l’on va dégager, la répartition des rôles de chacun, des critères sur lesquels
portera une évaluation ainsi qu’un échéancier. Idéalement ce PIA sera rédigé
dans un langage accessible à tous, dont l’élève.
Les
apprentissages sont à promouvoir tant sur le plan cognitif que socio-émotionnel
et ils doivent permettre de maintenir une bonne qualité de vie tant pour l’élève
que pour sa famille.
Les
contenus vont concerner les domaines du lire, écrire et calculer, la
communication, la socialisation, l’autonomie (capacité à faire des choix) et
l’indépendance fonctionnelle, l’acquisition de repères spatio-temporels,
l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires permettant
d’amplifier les domaines de l’estime de soi, de l’autodétermination, du
sentiment d’efficacité personnelle. La pédagogie devra s’adresser aux divers
sens (ouïe, vue, tact, odorat et goût). Il faut laisser l’enfant avec
déficience intellectuelle progresser à son rythme en s’appuyant sur ses
capacités développementales, en pensant à la nécessité des répétitions pour
consolider les acquis et en privilégiant les supports visuels.
Il
faut encourager l’investissement des espaces extérieurs en continuité avec
l’espace de la classe et comme support à divers apprentissages favorisant la
mobilisation de différentes formes d’intelligence.
La
pédagogie par projets, le travail coopératif (spontané et organisé) et le tutorat
seront ainsi facilités.
L’apport
d’une approche différenciée dans l’enseignement est aussi reconnu comme
favorisant les apprentissages de tous.
Comme
la littérature le recommande, il faut laisser l’enfant dans sa classe d’âge.
Enfin,
il est important que l’élève soit correctement installé en classe : l’aide
d’un ergothérapeute ou d’un kinésithérapeute peut s’avérer très utile.
Organiser l’école
Il
parait nécessaire de penser les soutiens présents dans l’école et dans la
classe comme non stigmatisant pour un élève en particulier. La personne
ressource devrait donc travailler avec le groupeclasse. Par ailleurs il s’agit
d’éviter de sortir l’élève de son groupe-classe pour des activités plus
individuelles.
Il
faut bien entendu disposer de moyens financiers adéquats pour mettre en place
certaines adaptations et disposer du matériel nécessaire, sans que l’enseignant
n’ait à payer du matériel de ses propres deniers.
L’idée
de donner un pot aux écoles pour leur permettre d’en disposer et se donner les
moyens humains et matériels nécessaires est évoquée. Le maître mot est la
souplesse, par exemple au niveau de la répartition des heures de l’enseignant qui
accueille des élèves avec déficience intellectuelle dans sa classe.
L’engagement
d’orthopédagogues (niveau bachelier) et d’orthopédagogues cliniciens (niveau
master) réfléchir l’organisation de la
classe et de l’école, apporter les ressources complémentaires utiles en
fonction des besoins, coordonner les interventionsun partenariat avec les
familles.
Parmi
les ressources externes à l’école, les services d’aide précoce, les services
d’aide à l’intégration, les CRF, et d’autres services (asbl, services
hospitaliers) tentent d’apporter une aide. Les conseillers pédagogiques ont un
rôle important à jouer. Les associations de parents devraient aussi contribuer
à l’évolution de l’école vers une école inclusive.
En
lien avec le projet autour de l’enfant et avec lui, il s’agit de dégager un
temps de concertation entre les divers acteurs dans le fonctionnement de la
classe et de l’école.
Le
rôle de la direction est mis en avant : il faut que toute l’équipe se
sente concernée par le projet d’évolution de l’école vers une école inclusive.
Contrairement
à l’idée généralement répandue, l’accueil d’un élève avec déficience
intellectuelle au niveau maternel n’est pas plus facile même si les contraintes
de l’évaluation sont absentes. Les enseignants de ce niveau ont un programme.
Plusieurs
enseignants signalent qu’ils doivent déjà faire face à une diversité de
difficultés chez les jeunes enfants.
Enfin,
nous avons vu qu’une vingtaine de projets de classes intégrées (appelées de
manière erronées « classes inclusives ») se sont développées. Ces
dispositifs ont chacun leur histoire et se présentent sous des formes
différentes. On peut penser que l’existence même de ces classes contribue à une
sensibilisation au sein de l’école. De plus, elles permettent à l’élève avec
déficience intellectuelle de ne pas se sentir seul au sein de l’école et de ne
pas être stigmatisé. Ces projets bénéficient d’une aide de la part de chargés
de mission. Il est important de souligner que les activités communes entre les
élèves de cette classe et les élèves des autres classes doivent être pensées et
organisées. La question est donc posée de savoir si ces classes p constituer
une démarche transitoire dans le cheminement d’une école vers une école
inclusive au sens propre.
Sensibiliser à la différence
au sein de la classe, de l’école et maintenir les interactions entre élèves
avec déficience intellectuelle et ses pairs
Il
s’agit de travailler à la cohésion du groupe-classe et comme déjà mentionné
plus haut, les approches comme le tutorat, l’apprentissage coopératif y
contribuent.
Il
s’agit aussi de permettre à l’enfant avec déficience intellectuelle de se
présenter.
Les
activités d’information et de sensibilisation doivent s’adresser à l’ensemble
de la communauté scolaire. Le conseil de participation peut être utilisé comme
un espace d’échanges et de sensibilisation. Les parents de l’enfant avec
déficience intellectuelle doivent, tout comme les parents des autres enfants,
être impliqués dans une réflexion centrée sur l’intérêt de la démarche inclusive.
La communauté scolaire devient ainsi une communauté apprenante et créative.
Dans
le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive,
les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables.
Partager des ressources et
(re)penser la formation tant initiale que continuée des professionnels
L’idée
du partage des expériences et des savoirs autour de la démarche inclusive
apparaît comme essentiel :au sein de l’école, entre les écoles, il s’agit
de mettre en place des forums d’échanges et de diffuser de petits documents
informatifs sans que ceux-ci ne soient présentés comme des
« recettes » toutes faites. La diffusion de brochures à la fois sur
la connaissance des droits et des procédures et à la fois sur le quoi faire et
comment, avec quels objectifs est perçue comme très utile. Des sites existent
et méritent d’être consultés : UNIA, ONE, Aviq, Phare, Inclusion asbl,
Prebs (Portail de référencement pour l’enfant à besoins spécifiques), sites de
diverses associations.
Le
concours de personnes adultes avec déficience intellectuelle (comme les membres
du Mouvement Personne d’Abord) a un rôle important à jouer pour informer sur
leur parcours propre et leur expérience et ainsi alimenter une réflexion.
Enfin,
les campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi à organiser en
se demandant quel est le message à faire passer et pour quel public
prioritaire.
En conclusion
Trois
phrases choc
Pourquoi pas un droit au même titre que l’implant cochléaire, le port de lunettes, l’utilisation d’une voiturette. Et pourquoi doit-on encore négocier des aménagements qui de plus, sont dits dev être raisonnables ?
Ce n’est pas aux parents de défendre le droit à l’Education pour leur enfant déficient dans le cadre d’une école d’enseignement ordinaire. Il faut une démarche plus globale de notre société.
Pourquoi continue-t-on à confondre les concepts intégration et inclusion et pourquoi n’entrevoit-on pas les réels enjeux de la démarche inclusive ? Les initiés ne devraient-ils pas utiliser ces concepts de manière plus précise afin de ne pas promouvoir des représentations erronées au sein du monde de l’enseignement et plus largement au sein de la société.
21 novembre
2017, Synthèse du colloque par le Prof.ém. J.-J. Detraux, administrateur de la
Ligue des Droits de l’Enfant. La présente synthèse est basée sur les notes
prises au cours de la journée par Bénédicte Decleyre et JJ Detraux ainsi que
sur les diverses notes qui nous ont été adressées par les intervenants et par
des participants.
L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle doit aussi lutter contre les stéréotypes de genre et relatifs à l’orientation sexuelle
Introduction
Depuis près de 10 ans, la Ligue des Droits de l’Enfant défend les droits des élèves LGBT et de leurs familles. La lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie font parties pleinement de nos missions, comme la défense de tous les Droits de l’Enfant. Nous militons pour que l’Ecole remplisse sa mission éducatrice, mais c’est difficile. Elles ne sont pas formées (ou plus exactement, ne se sont pas formées) à cet aspect de l’éducation et se reposent principalement sur l’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), alors que chaque enseignant doit être capable d’y former leurs élèves, depuis le plus jeune âge. Or, nous sommes loin du but, comme va vous le montrer cette analyse. Après cela, il ne restera plus aux enseignant.e.s, éducateurs et éducatrices, animateurs et animatrices, qu’à se former et remplir leur mission éducative, avec un esprit critique de qualité.
Selon le rapport de SOS-homophobie (France) datant de 2012[1], la moitié des élèves interrogé·e·s affirme ne pas connaître de personnes homosexuelles (68% pour les garçons), et 58 % n’ont jamais abordé le sujet de l’homosexualité en famille (70% pour les garçons). Dans chaque cas, les réactions de rejet sont en proportion inversée : 36 % de réaction négatives à l’idée de rencontrer une personne homosexuelle pour les élèves qui n’en connaissent pas (contre 10% pour ceux qui en connaissent) et 30% de réactions hostiles (contre 8%) pour ceux qui n’en parlent jamais en famille.
Pourquoi en serait-il autrement en Belgique ? Ces dernières semaines, au moins trois agressions homophobes ont eu lieu à Bruxelles. Cela montre que le cœur de l’Europe est loin d’être épargné par l’homophobie. Le fait que ce soient cinq mineurs d’âge qui aient agressé un couple dans le centre de Bruxelles, démontre que l’éducation au respect de toutes les différences est défaillante dans certaines familles. Pire, les révélations sur la formation des imams, suite à l’enquête sur la Grande Mosquée, nous font craindre le pire[2]. L’Eglise catholique n’est pas en reste avec des représentants ouvertement homophobes[3]. On ne sait rien de la formation des religieux d’autres cultes, mais aucune confession n’est à l’abri de dérives visant celles et ceux qu’elles considèrent comme étant en dehors de leurs « normes » : personnes LGBTQI, divorcé·e·s, remarié·e·s, militant·e·s pour l’IVG, etc. Si des jeunes ne sont pas confronté·e·s à un discours progressiste, porteur de valeurs humanistes, des faits graves d’agressions homophobes seront toujours à craindre.
L’EVRAS, une des missions de l’Ecole
L’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) est obligatoire depuis 2012. L’objectif est d’augmenter la connaissance des jeunes en matière de vie relationnelle, affective et sexuelle et s’approprier ces connaissances. Trois séries d’acteurs sont répertoriées : les CPMS, les Centres de planning familial et, enfin, le secteur associatif.
Les missions de l’Evras portent sur la citoyenneté, le lien à l’autre, les problématiques liées au genre, les différences sexuelles, les MST, etc. Il s’agit aussi de déconstruire les stéréotypes et de lutter contre l’homophobie, ainsi que d’informer sur la diversité et de favoriser l’intégration au sein de l’école.
Au niveau primaire, ce sont les P.S.E. et C.P.M.S. qui interviennent, mais aussi et surtout les enseignant·e·s. Les plannings familiaux, quant à eux, interviennent plutôt au niveau du secondaire, tout comme les associations LGBT.
Malheureusement, selon certain·e·s de ces intervenant·e·s, leur formation est déficitaire. Il n’y a pas d’obligation d’être formé·e·s auprès d’acteurs ou d’actrices spécialisé·e·s, que ce soit au niveau de l’identité de genre ou sur quelque diversité de genre que ce soit. Il ne leur est donc pas possible d’aborder ces sujets dans les classes. On constate également que dans des grandes villes comme Bruxelles, la question est parfois mise de côté, par peur de réactions négatives des élèves. Pourtant, la circulaire Neutralité précise que l’école ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir. Quand des enseignant·e·s décrètent qu’il y aurait des thématiques qui sont taboues à l’école, c’est contraire au Décret neutralité. Ils/elles doivent pouvoir parler de tout et ont pour devoir de transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes qui lui permettent d’exercer librement des choix.
Il y a clairement un manque de formation initiale des enseignant·e·s. Les Hautes Ecoles ne proposent qu’un cours « fourre-tout » sur la diversité culturelle et les orientations de genre. Les formateurs et formatrices d’enseignant·e·s ne sont pas formé·e·s, ce qui est un comble. A leur corps défendant, la communauté française n’estime pas cette formation importante. En effet, elle prévoit tellement peu d’heures (30h) que les formatrices et formateurs ne s’impliquent pas réellement.
Il y a un réel déficit de connaissances de la part des acteurs et actrices scolaires et des intervenant·e·s en EVRAS, notamment sur la manière d’aborder ces thématiques avec des publics divers et diversifiés. Une école n’est pas l’autre et les difficultés auxquelles doivent faire face les enseignant·e·s sont très variées.
La plupart des appels d’écoles aux associations sont liés à des incidents critiques. L’appel peut émaner de l’agent d’un CPMS, d’un·e enseignant·e, d’un·e éducateur·trice parfois. C’est quand un problème se pose qu’on commence à y penser. De l’importance donc, de pouvoir faire un travail, non seulement avec les élèves mais aussi avec les équipes pédagogiques. Lors d’une demande d’interventions, les associations LGBT proposent une demi-journée de formation en préalable avec l’équipe pédagogique, avant de commencer le travail avec les jeunes. Les écoles sont, en général, prêtes à mettre en place toute une série de choses pour pouvoir accueillir ces formations. Les demandes sont supérieures aux moyens des associations.
Comment se former et où s’informer ?
Dans les écoles, il n’y a pas que l’EVRAS en matière d’orientation sexuelle. Chaque enseignant·e doit attacher de l’importance aux références et aux représentations qu’elle/il apporte aux enfants et aux jeunes. L’étude des CEMEA sur les questions de genre dans les manuels scolaires présente une série de recommandations pour permettre d’aborder des thématiques qui traitent d’identités de genre[4]. Cela revient à la question « Moi, enseignant, qu’est-ce que je fais ? Comment est-ce que j’intègre, dans mes pratiques quotidiennes, notamment, la thématique de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle ? Comment est-ce que j’inclus les diversités ? »
Au niveau de la formation en cours de carrière, la première porte d’entrée institutionnelle est l’IFC (Institut de formation en cours de carrière). L’IFC permet à un large panel d’enseignant·e·s d’être touché·e·s… s’ils/elles le souhaitent. Fort heureusement, être enseignant·e·s, c’est aussi et surtout avoir la capacité de se former soi-même. Par des recherches, par des lectures, en assistant à des conférences, en se documentant sur Internet ou en bibliothèque. C’est, d’ailleurs, ce que font les enseignant·e·s consciencieu·x·ses.
Il y a des outils. Dans les bibliothèques, il y a des ressources sur les questions d’identités de genre et d’orientation sexuelle. Il y a des catalogues de livres hétéro-centrés. Tous les enseignants ne vont pas chercher dans les bibliothèques mais c’est la mission des C.P.M.S. que de leur venir en aide et les conseiller. S’il y a une priorité à donner en matière de formation, c’est vis-à-vis des agents de CPMS. Dans les centres de promotion de la santé, il y a également des outils de sensibilisation.
Pipsa.be, est un site Internet assez complet d’outils pédagogiques en promotion de la santé.
Il faut éduquer aux différences de genre le plus tôt possible
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a beaucoup de demandes qui viennent des écoles primaires. Malheureusement, la plupart des moyens sont centrés sur le secondaire, mais il est important de pouvoir commencer le plus jeune possible. Mais c’est un combat de chaque moment. Ce n’est pas lié à l’EVRAS ? C’est lié à l’enseignant·e dans son quotidien face aux élèves : « Qu’est-ce que je lis comme histoire, comment est-ce que j’organise ma classe, comme et est-ce que je m’exprime auprès des élèves, comment est-ce que … » L’Evras n’est qu’un outil. L’important est le respect des droits fondamentaux des élèves en évitant toute forme de discrimination, même symbolique, que ce soit dans le quotidien de la classe et de l’école (cours de gymnastique/natation ségrégés, cours de récréation dédiées au football, …), mais aussi dans les cours : Maman ne s’achète plus un lave-vaisselle et papa une nouvelle voiture.
Ecole et « neutralité »
Quand on parle de neutralité à l’école, cela vise d’abord et avant tout la question des convictions religieuses, des convictions philosophiques, des convictions politiques et, éventuellement, même si ce n’est pas dit explicitement, les convictions syndicales. Certaines écoles refusent erronément d’éduquer à la différence de genre par volonté de « neutralité ».
L’orientation sexuelle n’est pas une conviction. Dès lors, le concept de neutralité n’a pas à s’appliquer. Ce qui peut être demandé, c’est de ne pas être un militant. Cela vaut pour n’importe qui d’autre et pour n’importe quel autre sujet de société. Est-ce que l’identité se réduit à sa religion ou son orientation sexuelle ? Nous avons des identités multiples. On peut être à la fois religieux et à la fois homosexuel. Réduire l’identité des élèves à une seule caractéristique poserait la question des ghettos.
En conclusion
L’école est avant tout un lieu d’éducation et, en priorité, à l’éducation au vivre ensemble. On doit y apprendre aux élèves – au travers de « matières » plus ou moins utiles – à faire société, à être capables une fois adultes à œuvrer pour une société plus juste, plus tolérante et plus respectueuse de tou·te·s. Nous militons pour que toutes les écoles deviennent des ECOLES POUR TOU·TE·S.
Toute personne intéressée par la mise sur pied d’un projet d’ECOLES POUR TOU·TE·S est la/le bienvenu·e pour nous aider. Nous vous invitons à nous rejoindre. Que l’on soit LGBTQI ou hétéros, nous sommes tou·te·s concerné·e·s par les différences de genres.
[2] Le Centre islamique et culturel de Belgique enseignait une vision sans discernement du droit islamique et doctrine du IXe au XIIe siècle. Ce qui veut dire, notamment, une exaltation du djihad armé, mais aussi des méthodes pour exécuter par exemple les homosexuels. Dans un autre manuel dont disposent les imams formés au centre, on retrouve même des appels à l’antisémitisme. Source RTBF : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_l-ocam-inquiet-de-la-formation-des-imams-en-belgique?id=9913436
Pourquoi de nombreuses orientations et redoublements ont-ils eu lieu en cette période de pandémie, alors que la consigne était de rendre le redoublement exceptionnel ? Pour les enseignants qui ont connu les grandes grèves des années 1990, cette consigne était logique et leur rappelait pas mal de souvenirs. 1996-1997 a vu le taux de redoublement diminuer drastiquement parce que l’année avait été écourtée (voir ci-dessous).
Source Indicateurs de l’enseignement 2011 p 37, montrant la chute significative des taux de redoublement en 1996‑1997, qui résulte vraisemblablement des grèves qui se sont déroulées durant le premier semestre 1996.
On pouvait espérer le même dénouement en 2020. Mais la situation n’est plus la même. En 1996, Les élèves se battaient avec leurs profs pour défendre l’école. Aujourd’hui, l’ennemi est un virus. L’école n’a plus de raison de leur être reconnaissante.
Aussi, dès l’annonce de
la Ministre limitant le redoublement pour cause de covid-19, il ne faisait pas
l’ombre d’un doute pour les associations qui défendent les droits fondamentaux
et les droits des élèves et des familles, que ce ne serait jamais qu’un vœu
pieux.
Depuis le Décret
Missions, toujours pas respecté depuis 1997, on sait que quand le Gouvernement
décide, les écoles disposent. Le Politique l’a bien compris puisqu’il commence
la circulaire par ces mots « Il
convient tout d’abord de rappeler quec’est le Conseil de classe qui reste compétent pour décider de la
réussite ou non d’une année d’études ou de l’ajournement d’un élève ».
Tout est
dit : le redoublement doit être limité mais c’est l’école qui, in fine, décide. Autrement dit, ne
changeons pas des pratiques qui perdent.
Et qui perdent qui ?
Les élèves !
Il est clair que le Gouvernement ne se faisait guère d’illusion, malgré sa demande, un peu plus bas dans la circulaire : « Il conviendra de faire preuve de bienveillance dans l’appréciation des acquis des élèves, particulièrement lorsque les difficultés éprouvées par ceux-ci sont de toute évidence liées au contexte sanitaire. »
Car, toute décision prise, quelle qu’elle soit : passage dans la classe supérieure, examens de passage, redoublement, orientations, a été inévitablement liée au contexte sanitaire. Qu’ont-elles jugé, ces écoles ? Seulement un petit 2/3 d’année ! Plus précisément 118 jours sur 182. Et si on retire les jours blancs inutilement perdus en décembre[1], on tombe à une toute petite centaine de jours sur 182, soit une grosse demi-année.
Qui donc est capable de
juger de la capacité à passer dans la classe supérieure sur si peu
d’apprentissages ? Personne ! Déjà que les recherches en docimologie
ont démontré que personne n’était capable de juger un·e élève avec des points. Alors sur une bonne demi-année, c’est tout
simplement du mépris, de la discrimination des élèves à l’état pur. Et pas
n’importe lesquels et pas pour n’importe quelle raison. Car ici, il ne s’agira
pas de juger de la capacité d’un·e élève à passer dans la classe supérieure –
ce qui est impossible – mais de pratiquer une sélection sociale. Bref, de
continuer des pratiques de sélection bien ancrées dans nos écoles et qui
existent depuis le XVIe siècle.
La question qui mérite
d’être posée est « Pourquoi certaines écoles gardent-elles cet objectif de
tri et de sélection, malgré la crise qui a frappé toute notre société ?
»
Nous allons vous expliquer pourquoi ces écoles ne vont pas changer. Mieux encore, pourquoi elles ne peuvent pas changer…
Rappelez-vous quand Ignace de Loyola fit de l’école l’instrument de la
reconquête catholique (la Contre-Réforme) afin de contrecarrer l’expansion
protestante sur l’un de ses terrains de prédilection : l’accès aux savoirs
religieux et laïques. Les écoles deviennent élitistes. Il s’agit de privilégier
les plus méritants et d’éliminer les autres. Il a donc élaboré un système sélectif
qui perdure encore aujourd’hui dans certains pays arriérés sur le plan
pédagogique. En FWB nous sommes encore dans l’école du 16e siècle.
Et c’est bien de cela que nous parlons aujourd’hui.
Revenons à la question du jour. Pourquoi des écoles
vont-elles, envers et contre tout, continuer leurs pratiques de
sélection ?
On vient de voir que monsieur de Loyola et les écoles jésuites n’y étaient pas pour rien. L’objectif était de pratiquer une sélection sociale et cet objectif reste prioritaire dans le chef de nombreuses directions d’écoles. Pas sous ces termes-là, bien sûr. Ils ont évolué et se sont transformés en doxa. Autrement dit, en un ensemble plus ou moins homogène d’opinions, de préjugés populaires ou singuliers, et de présuppositions non vérifiées, qui règnent en maître dans les salles de profs (et dans certaines familles). Et la doxa de l’école est puissante. Nous ne citerons que quelques-uns des présupposés qui nous concernent aujourd’hui :
« Notre école prépare à l’université, nous ne savons pas faire réussir tout le monde ! » C’est faux, tout le monde est capable[2] ! En outre, aucune école n’a pour mission de préparer à l’université[3] ;
« Le redoublement permet aux élèves de reprendre pied ! » C’est faux ! Les études ont démontré que c’était tout le contraire[4] ;
« Certains enfants – principalement de milieux populaires – ne sont pas faits pour l’école. Ils ont l’intelligence de la main et doivent être orientés vers le professionnel ou le technique ! » C’est faux ! Tout le monde peut apprendre tous les savoirs. Cela aussi est démontré ;
…
Et donc, nous nous retrouvons
face à des écoles qui pratiquent la sélection sociale depuis des décennies sur
aucune base valide, et qui n’imaginent pas qu’il soit possible de faire
autrement. Il n’est un secret pour personne que la sélection va continuer à
être pratiquée, non pas sur les capacités scolaires des élèves, mais sur des
présupposés archaïques, qui ont été invalidés depuis des décennies par les
sciences de l’éducation. Bref, ils vont casser des élèves simplement parce
qu’ils sont mus par une idéologie archaïque, une idéologie née au XVIe siècle
et portée à travers les âges par les écoles jésuites et celles qui voulaient
leur ressembler : nos écoles élitistes !
En outre, ces écoles se sont structurées physiquement de manière à ne plus savoir faire autre chose que de pratiquer cette sélection. Elles sont devenues pyramidales.
Exemple d’école pyramidale (chiffres de 2012) : Dans cet exemple, s’il y a 6 classes au premier degré du secondaire, il n’y a plus que – 5 classes en 3e (-35 élèves) – 4 classes en 4e (- 6 élèves) – et 3 classes au troisième degré (- 42 élèves) soit une perte de 83 élèves entre 14 et 16 ans (- 53 % de ceux qui avaient commencé en 1ère)
Depuis des années, cette structuration les empêche physiquement de faire passer tou·te·s les élèves, crise sanitaire ou non, simplement parce qu’il n’y a plus de locaux de libres pour créer de nouvelles classes (les rares locaux qui auraient pu servir ont rapidement été affectés à d’autres usages, moins pédagogiques, afin de monopoliser tout l’espace). Autrement dit, elles sont « obligées » d’éliminer progressivement plus de la moitié de la population d’une tranche d’âge, car année après année, il y a de moins en moins de locaux pour les accueillir. Et cela, même si ce sont autant d’Einstein.
C’est profondément ancré dans
l’esprit de ces « bonnes » écoles : « On ne peut pas faire réussir tout le monde. C’est rendre service
aux élèves que de les orienter vers des métiers de la main ».
Dès lors, il s’agit de pratiquer progressivement la sélection en commençant par les classes sociales les plus fragiles. Car la sélection scolaire se fait prioritairement sur des bases sociales[5]. L’école primaire aura déjà tracé la route en mettant plus de 17% des élèves en retard[6], principalement issus de familles pauvres et qui se tourneront vers des écoles secondaires professionnalisantes. Dès lors, il ne leur restera plus qu’à remonter progressivement de décile social en décile social, en évitant de toucher aux enfants des familles les plus favorisées qui – et c’est la doxa qui le dit – « sont faits pour faire de hautes études ». Ces privilégiés (à leur corps défendant) auraient-ils reçu ce don par un coup de baguette magique dans leur berceau ?
Ce qui est plus certain, c’est
que ces élèves – celles et ceux qui réussiront – ressemblent étonnamment aux
enfants des professeur·e·s du secondaire général supérieur. Ils sont pour la
plupart enfants d’universitaires, comme le sont les mêmes professeur·e·s du
secondaire supérieur. Les loups ne se mangent pas entre eux. Et puis, « si tout le monde réussissait, qui viendrait
apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? »
La crise sanitaire va montrer
au grand jour que les redoublement et les orientations que pratiquent les
écoles depuis des décennies ne reposent pas sur des arguments pédagogiques mais
sont simplement idéologiques et structurels. Pour être une « bonne » école,
et être bien positionnée par rapport aux établissements alentour, il faut
sélectionner. Ces écoles n’enseignent pas, elles se positionnent sur le marché
scolaire en pratiquant la sélection ; en pratiquant simplement
l’injustice.
Il est temps que le politique se questionne sur sa responsabilité, lui qui n’a jamais cherché à faire appliquer le Décret Missions. Évidemment, cela arrange tout le monde : écoles et partis politiques. S’il n’y avait plus de sélection, que feraient les écoles techniques et professionnelles ? Faudrait-il mettre au chômage des milliers de professeur·e·s (qui bénéficient de la garantie d’emploi, donc d’un salaire que la FWB se doit de leur verser, avec ou sans élèves) ? Et puis revenons à la question posée par ces « bon·ne·s » professeur·e·s élitistes, mais aussi par des milliers de familles socialement favorisées : « Si tout le monde réussissait, qui viendrait apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? ».La crise sanitaire aurait été l’occasion de repenser l’école au profit des plus discriminés. Mais les établissements ne l’entendent pas de cette oreille. L’école n’est pas faite pour les élèves. Elle est faite par des adultes, pour leurs seuls intérêts, que ce soient celui des professeur·e·s (il est plus facile de sélectionner que d’enseigner), des directions d’écoles (un directeur de « bonne » école vaut plus dans leur esprit qu’un directeur d’école professionnelle, pourtant souvent plus efficace) ou des PO (notre établissement doit attirer les publics les plus favorisés, ce qui fera de nous la « meilleure » école, versus nous avons besoin d’élèves pour faire fonctionner nos écoles techniques et professionnelles).
Si la crise sanitaire n’aura
pas – ou très peu – fait changer les pratiques de ces « bonnes »
écoles, elle permet à tout le moins de mettre en lumière et de dénoncer – c’est
ce que nous faisons aujourd’hui – ces pratiques idéologiques archaïques,
injustes et indignes d’une société du XXIe siècle. Une école qui n’est pas un
lieu qui respecte le Droit n’est pas digne d’exister.
Nous en profitons pour rappeler que la FWB a signé et ratifié la Convention internationale des Droits de l’Enfant et donc que celle-ci s’impose aux écoles, et s’applique à tout·e enfant, quel·le qu’il-elle soit et quelle que soit son origine. Toute école a, dès lors l’obligation – et elle est subsidiée pour cela – de transmettre tous les savoirs à tou·te·s les élèves sans pratiquer la moindre sélection sur base sociale, physique, intellectuelle, de genre, de leur origine ou de leurs préférences sexuelles.
Il faut changer l’école et la crise sanitaire est une opportunité. Bien sûr, elle ne débouchera pas sur « LE » grand soir, mais elle a le mérite de montrer au grand jour les dysfonctionnements internes à ces écoles que sont le tri et la sélection sur base de la classe sociale.
Nous verrons si le Conseil de recours fera respecter l’esprit de la
circulaire ; que les parents soient (enfin) de vrais partenaires et que le
redoublement soit effectivement exceptionnel tout comme les attestations
d’orientations. Il est impossible d’évaluer la capacité ou non d’un·e élève à
passer dans la classe supérieure sur un peu plus d’une demi-année. En Droit, le
doute doit toujours bénéficier au/à la citoyen·ne, donc à l’élève ! Le
contraire ne serait qu’injustice.
C’est au pouvoir subsidiant à imposer les balises de la prochaine
reprise de l’école en septembre. Des écoles refusent d’appliquer le Droit et de
respecter ceux des élèves. Il est nécessaire qu’un Décret impose à ces écoles
les règles pédagogiques à respecter durant l’année 2020-2021, règles qui
baliseront également les années suivantes dans l’esprit du Pacte pour un
enseignement d’excellence. Ce Décret doit prévoir les moyens de vérifier que
ces règles seront respectées et les sanctions financières qui seront appliquées
aux PO qui ne les respectent pas. L’expérience du Décret Missions doit servir
de guide.
Les écoles ne sont pas au-dessus du Droit. Il serait temps que le Politique prenne les mesures qui s’imposent pour sanctionner ces prétendument « bonnes » écoles qui n’en ont que le nom mais qui, dans les faits, sont vraiment bien mauvaises.
[1] Les seules
évaluations légales sont les évaluations formatives (voir l’article 15 du Décret
Missions). Le examens sont de prétendues évaluations incapables de juger des
connaissances d’un·e élève. Tout au plus de sa capacité à les restituer à un
moment donné et dans des conditions défavorables (pression, stress, évaluations
construites pour pratiquer une sélection, …). Les examens et les révisions font
perdre du temps au profit des apprentissages.
[4] Le redoublement engendre, chez les élèves qui le subissent, ce que les psychologues appellent le sentiment d’incompétence acquis (Learned helplessness aussi appelée théorie de la résignation apprise – Seligman, Maier & Solomon 1969). L’élève se résigne à ne pas être compétent. Ses expériences ainsi que les messages envoyés par l’école lui ont démontré qu’il « ne savait pas », qu’il était incompétent et que rien ne pouvait modifier cet état. Le sentiment d’incompétence acquis est difficilement modifiable chez l’enfant qui le ressent. Il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle des causes qui l’ont amené à cet échec et qu’elles ne pourront jamais changer. Il est persuadé d’être bête et incapable, une fois pour toute (lire le concept d’éducabilité, ci-dessus).
[5] Indicateurs de l’enseignement 2019 , pages 27 et 27 : « Il existe une disparité socioéconomique importante entre les formes de l’enseignement secondaire ordinaire. Elle commence dès l’entrée dans le secondaire avec un écart important (de 0,52) entre l’indice moyen du premier degré différencié et celui du premier degré commun. Cet écart s’accentue dans le deuxième degré où l’ISE des secteurs de résidences des élèves fréquentant la forme professionnelle est de -0,32 alors que dans la forme technique de l’enseignement de qualification, il est de -0,07. Dans ce degré, l’ISE moyen est de +0,19 pour la forme technique de transition et de +0,23 pour la forme générale. Des disparités similaires sont observables au 3e degré où l’ISE moyen s’élève respectivement à –0,18, +0,01, +0,27 et +0,32. Ces valeurs sont toutefois supérieures à celles observées dans la même forme au 2e degré, ce qui peut s’expliquer par une orientation vers les formes de l’enseignement secondaire les moins réputées ou vers l’enseignement en alternance et par les sorties prématurées qui touchent les élèves issus des secteurs les moins favorisés. Il existe également une disparité socioéconomique entre les formes de l’enseignement secondaire spécialisé. La forme 4, seule forme qui délivre des certificats et diplômes équivalant à ceux délivrés dans l’enseignement secondaire ordinaire, accueille un public dont l’indice est légèrement inférieur à la moyenne (–0,07). Les autres formes accueillent par contre un public moins favorisé, avec un ISE moyen qui s’élève respectivement à –0,21, –0,31, –0,38 dans les formes 1, 2 et 3. »
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