Pourquoi de nombreuses orientations et redoublements ont-ils eu lieu en cette période de pandémie, alors que la consigne était de rendre le redoublement exceptionnel ? Pour les enseignants qui ont connu les grandes grèves des années 1990, cette consigne était logique et leur rappelait pas mal de souvenirs. 1996-1997 a vu le taux de redoublement diminuer drastiquement parce que l’année avait été écourtée (voir ci-dessous).
Source Indicateurs de l’enseignement 2011 p 37, montrant la chute significative des taux de redoublement en 1996‑1997, qui résulte vraisemblablement des grèves qui se sont déroulées durant le premier semestre 1996.
On pouvait espérer le même dénouement en 2020. Mais la situation n’est plus la même. En 1996, Les élèves se battaient avec leurs profs pour défendre l’école. Aujourd’hui, l’ennemi est un virus. L’école n’a plus de raison de leur être reconnaissante.
Aussi, dès l’annonce de
la Ministre limitant le redoublement pour cause de covid-19, il ne faisait pas
l’ombre d’un doute pour les associations qui défendent les droits fondamentaux
et les droits des élèves et des familles, que ce ne serait jamais qu’un vœu
pieux.
Depuis le Décret
Missions, toujours pas respecté depuis 1997, on sait que quand le Gouvernement
décide, les écoles disposent. Le Politique l’a bien compris puisqu’il commence
la circulaire par ces mots « Il
convient tout d’abord de rappeler quec’est le Conseil de classe qui reste compétent pour décider de la
réussite ou non d’une année d’études ou de l’ajournement d’un élève ».
Tout est
dit : le redoublement doit être limité mais c’est l’école qui, in fine, décide. Autrement dit, ne
changeons pas des pratiques qui perdent.
Et qui perdent qui ?
Les élèves !
Il est clair que le Gouvernement ne se faisait guère d’illusion, malgré sa demande, un peu plus bas dans la circulaire : « Il conviendra de faire preuve de bienveillance dans l’appréciation des acquis des élèves, particulièrement lorsque les difficultés éprouvées par ceux-ci sont de toute évidence liées au contexte sanitaire. »
Car, toute décision prise, quelle qu’elle soit : passage dans la classe supérieure, examens de passage, redoublement, orientations, a été inévitablement liée au contexte sanitaire. Qu’ont-elles jugé, ces écoles ? Seulement un petit 2/3 d’année ! Plus précisément 118 jours sur 182. Et si on retire les jours blancs inutilement perdus en décembre[1], on tombe à une toute petite centaine de jours sur 182, soit une grosse demi-année.
Qui donc est capable de
juger de la capacité à passer dans la classe supérieure sur si peu
d’apprentissages ? Personne ! Déjà que les recherches en docimologie
ont démontré que personne n’était capable de juger un·e élève avec des points. Alors sur une bonne demi-année, c’est tout
simplement du mépris, de la discrimination des élèves à l’état pur. Et pas
n’importe lesquels et pas pour n’importe quelle raison. Car ici, il ne s’agira
pas de juger de la capacité d’un·e élève à passer dans la classe supérieure –
ce qui est impossible – mais de pratiquer une sélection sociale. Bref, de
continuer des pratiques de sélection bien ancrées dans nos écoles et qui
existent depuis le XVIe siècle.
La question qui mérite
d’être posée est « Pourquoi certaines écoles gardent-elles cet objectif de
tri et de sélection, malgré la crise qui a frappé toute notre société ?
»
Nous allons vous expliquer pourquoi ces écoles ne vont pas changer. Mieux encore, pourquoi elles ne peuvent pas changer…
Rappelez-vous quand Ignace de Loyola fit de l’école l’instrument de la
reconquête catholique (la Contre-Réforme) afin de contrecarrer l’expansion
protestante sur l’un de ses terrains de prédilection : l’accès aux savoirs
religieux et laïques. Les écoles deviennent élitistes. Il s’agit de privilégier
les plus méritants et d’éliminer les autres. Il a donc élaboré un système sélectif
qui perdure encore aujourd’hui dans certains pays arriérés sur le plan
pédagogique. En FWB nous sommes encore dans l’école du 16e siècle.
Et c’est bien de cela que nous parlons aujourd’hui.
Revenons à la question du jour. Pourquoi des écoles
vont-elles, envers et contre tout, continuer leurs pratiques de
sélection ?
On vient de voir que monsieur de Loyola et les écoles jésuites n’y étaient pas pour rien. L’objectif était de pratiquer une sélection sociale et cet objectif reste prioritaire dans le chef de nombreuses directions d’écoles. Pas sous ces termes-là, bien sûr. Ils ont évolué et se sont transformés en doxa. Autrement dit, en un ensemble plus ou moins homogène d’opinions, de préjugés populaires ou singuliers, et de présuppositions non vérifiées, qui règnent en maître dans les salles de profs (et dans certaines familles). Et la doxa de l’école est puissante. Nous ne citerons que quelques-uns des présupposés qui nous concernent aujourd’hui :
« Notre école prépare à l’université, nous ne savons pas faire réussir tout le monde ! » C’est faux, tout le monde est capable[2] ! En outre, aucune école n’a pour mission de préparer à l’université[3] ;
« Le redoublement permet aux élèves de reprendre pied ! » C’est faux ! Les études ont démontré que c’était tout le contraire[4] ;
« Certains enfants – principalement de milieux populaires – ne sont pas faits pour l’école. Ils ont l’intelligence de la main et doivent être orientés vers le professionnel ou le technique ! » C’est faux ! Tout le monde peut apprendre tous les savoirs. Cela aussi est démontré ;
…
Et donc, nous nous retrouvons
face à des écoles qui pratiquent la sélection sociale depuis des décennies sur
aucune base valide, et qui n’imaginent pas qu’il soit possible de faire
autrement. Il n’est un secret pour personne que la sélection va continuer à
être pratiquée, non pas sur les capacités scolaires des élèves, mais sur des
présupposés archaïques, qui ont été invalidés depuis des décennies par les
sciences de l’éducation. Bref, ils vont casser des élèves simplement parce
qu’ils sont mus par une idéologie archaïque, une idéologie née au XVIe siècle
et portée à travers les âges par les écoles jésuites et celles qui voulaient
leur ressembler : nos écoles élitistes !
En outre, ces écoles se sont structurées physiquement de manière à ne plus savoir faire autre chose que de pratiquer cette sélection. Elles sont devenues pyramidales.
Exemple d’école pyramidale (chiffres de 2012) : Dans cet exemple, s’il y a 6 classes au premier degré du secondaire, il n’y a plus que – 5 classes en 3e (-35 élèves) – 4 classes en 4e (- 6 élèves) – et 3 classes au troisième degré (- 42 élèves) soit une perte de 83 élèves entre 14 et 16 ans (- 53 % de ceux qui avaient commencé en 1ère)
Depuis des années, cette structuration les empêche physiquement de faire passer tou·te·s les élèves, crise sanitaire ou non, simplement parce qu’il n’y a plus de locaux de libres pour créer de nouvelles classes (les rares locaux qui auraient pu servir ont rapidement été affectés à d’autres usages, moins pédagogiques, afin de monopoliser tout l’espace). Autrement dit, elles sont « obligées » d’éliminer progressivement plus de la moitié de la population d’une tranche d’âge, car année après année, il y a de moins en moins de locaux pour les accueillir. Et cela, même si ce sont autant d’Einstein.
C’est profondément ancré dans
l’esprit de ces « bonnes » écoles : « On ne peut pas faire réussir tout le monde. C’est rendre service
aux élèves que de les orienter vers des métiers de la main ».
Dès lors, il s’agit de pratiquer progressivement la sélection en commençant par les classes sociales les plus fragiles. Car la sélection scolaire se fait prioritairement sur des bases sociales[5]. L’école primaire aura déjà tracé la route en mettant plus de 17% des élèves en retard[6], principalement issus de familles pauvres et qui se tourneront vers des écoles secondaires professionnalisantes. Dès lors, il ne leur restera plus qu’à remonter progressivement de décile social en décile social, en évitant de toucher aux enfants des familles les plus favorisées qui – et c’est la doxa qui le dit – « sont faits pour faire de hautes études ». Ces privilégiés (à leur corps défendant) auraient-ils reçu ce don par un coup de baguette magique dans leur berceau ?
Ce qui est plus certain, c’est
que ces élèves – celles et ceux qui réussiront – ressemblent étonnamment aux
enfants des professeur·e·s du secondaire général supérieur. Ils sont pour la
plupart enfants d’universitaires, comme le sont les mêmes professeur·e·s du
secondaire supérieur. Les loups ne se mangent pas entre eux. Et puis, « si tout le monde réussissait, qui viendrait
apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? »
La crise sanitaire va montrer
au grand jour que les redoublement et les orientations que pratiquent les
écoles depuis des décennies ne reposent pas sur des arguments pédagogiques mais
sont simplement idéologiques et structurels. Pour être une « bonne » école,
et être bien positionnée par rapport aux établissements alentour, il faut
sélectionner. Ces écoles n’enseignent pas, elles se positionnent sur le marché
scolaire en pratiquant la sélection ; en pratiquant simplement
l’injustice.
Il est temps que le politique se questionne sur sa responsabilité, lui qui n’a jamais cherché à faire appliquer le Décret Missions. Évidemment, cela arrange tout le monde : écoles et partis politiques. S’il n’y avait plus de sélection, que feraient les écoles techniques et professionnelles ? Faudrait-il mettre au chômage des milliers de professeur·e·s (qui bénéficient de la garantie d’emploi, donc d’un salaire que la FWB se doit de leur verser, avec ou sans élèves) ? Et puis revenons à la question posée par ces « bon·ne·s » professeur·e·s élitistes, mais aussi par des milliers de familles socialement favorisées : « Si tout le monde réussissait, qui viendrait apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? ».La crise sanitaire aurait été l’occasion de repenser l’école au profit des plus discriminés. Mais les établissements ne l’entendent pas de cette oreille. L’école n’est pas faite pour les élèves. Elle est faite par des adultes, pour leurs seuls intérêts, que ce soient celui des professeur·e·s (il est plus facile de sélectionner que d’enseigner), des directions d’écoles (un directeur de « bonne » école vaut plus dans leur esprit qu’un directeur d’école professionnelle, pourtant souvent plus efficace) ou des PO (notre établissement doit attirer les publics les plus favorisés, ce qui fera de nous la « meilleure » école, versus nous avons besoin d’élèves pour faire fonctionner nos écoles techniques et professionnelles).
Si la crise sanitaire n’aura
pas – ou très peu – fait changer les pratiques de ces « bonnes »
écoles, elle permet à tout le moins de mettre en lumière et de dénoncer – c’est
ce que nous faisons aujourd’hui – ces pratiques idéologiques archaïques,
injustes et indignes d’une société du XXIe siècle. Une école qui n’est pas un
lieu qui respecte le Droit n’est pas digne d’exister.
Nous en profitons pour rappeler que la FWB a signé et ratifié la Convention internationale des Droits de l’Enfant et donc que celle-ci s’impose aux écoles, et s’applique à tout·e enfant, quel·le qu’il-elle soit et quelle que soit son origine. Toute école a, dès lors l’obligation – et elle est subsidiée pour cela – de transmettre tous les savoirs à tou·te·s les élèves sans pratiquer la moindre sélection sur base sociale, physique, intellectuelle, de genre, de leur origine ou de leurs préférences sexuelles.
Il faut changer l’école et la crise sanitaire est une opportunité. Bien sûr, elle ne débouchera pas sur « LE » grand soir, mais elle a le mérite de montrer au grand jour les dysfonctionnements internes à ces écoles que sont le tri et la sélection sur base de la classe sociale.
Nous verrons si le Conseil de recours fera respecter l’esprit de la
circulaire ; que les parents soient (enfin) de vrais partenaires et que le
redoublement soit effectivement exceptionnel tout comme les attestations
d’orientations. Il est impossible d’évaluer la capacité ou non d’un·e élève à
passer dans la classe supérieure sur un peu plus d’une demi-année. En Droit, le
doute doit toujours bénéficier au/à la citoyen·ne, donc à l’élève ! Le
contraire ne serait qu’injustice.
C’est au pouvoir subsidiant à imposer les balises de la prochaine
reprise de l’école en septembre. Des écoles refusent d’appliquer le Droit et de
respecter ceux des élèves. Il est nécessaire qu’un Décret impose à ces écoles
les règles pédagogiques à respecter durant l’année 2020-2021, règles qui
baliseront également les années suivantes dans l’esprit du Pacte pour un
enseignement d’excellence. Ce Décret doit prévoir les moyens de vérifier que
ces règles seront respectées et les sanctions financières qui seront appliquées
aux PO qui ne les respectent pas. L’expérience du Décret Missions doit servir
de guide.
Les écoles ne sont pas au-dessus du Droit. Il serait temps que le Politique prenne les mesures qui s’imposent pour sanctionner ces prétendument « bonnes » écoles qui n’en ont que le nom mais qui, dans les faits, sont vraiment bien mauvaises.
[1] Les seules
évaluations légales sont les évaluations formatives (voir l’article 15 du Décret
Missions). Le examens sont de prétendues évaluations incapables de juger des
connaissances d’un·e élève. Tout au plus de sa capacité à les restituer à un
moment donné et dans des conditions défavorables (pression, stress, évaluations
construites pour pratiquer une sélection, …). Les examens et les révisions font
perdre du temps au profit des apprentissages.
[4] Le redoublement engendre, chez les élèves qui le subissent, ce que les psychologues appellent le sentiment d’incompétence acquis (Learned helplessness aussi appelée théorie de la résignation apprise – Seligman, Maier & Solomon 1969). L’élève se résigne à ne pas être compétent. Ses expériences ainsi que les messages envoyés par l’école lui ont démontré qu’il « ne savait pas », qu’il était incompétent et que rien ne pouvait modifier cet état. Le sentiment d’incompétence acquis est difficilement modifiable chez l’enfant qui le ressent. Il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle des causes qui l’ont amené à cet échec et qu’elles ne pourront jamais changer. Il est persuadé d’être bête et incapable, une fois pour toute (lire le concept d’éducabilité, ci-dessus).
[5] Indicateurs de l’enseignement 2019 , pages 27 et 27 : « Il existe une disparité socioéconomique importante entre les formes de l’enseignement secondaire ordinaire. Elle commence dès l’entrée dans le secondaire avec un écart important (de 0,52) entre l’indice moyen du premier degré différencié et celui du premier degré commun. Cet écart s’accentue dans le deuxième degré où l’ISE des secteurs de résidences des élèves fréquentant la forme professionnelle est de -0,32 alors que dans la forme technique de l’enseignement de qualification, il est de -0,07. Dans ce degré, l’ISE moyen est de +0,19 pour la forme technique de transition et de +0,23 pour la forme générale. Des disparités similaires sont observables au 3e degré où l’ISE moyen s’élève respectivement à –0,18, +0,01, +0,27 et +0,32. Ces valeurs sont toutefois supérieures à celles observées dans la même forme au 2e degré, ce qui peut s’expliquer par une orientation vers les formes de l’enseignement secondaire les moins réputées ou vers l’enseignement en alternance et par les sorties prématurées qui touchent les élèves issus des secteurs les moins favorisés. Il existe également une disparité socioéconomique entre les formes de l’enseignement secondaire spécialisé. La forme 4, seule forme qui délivre des certificats et diplômes équivalant à ceux délivrés dans l’enseignement secondaire ordinaire, accueille un public dont l’indice est légèrement inférieur à la moyenne (–0,07). Les autres formes accueillent par contre un public moins favorisé, avec un ISE moyen qui s’élève respectivement à –0,21, –0,31, –0,38 dans les formes 1, 2 et 3. »
Si le redoublement a encore de beaux jours devant lui en Fédération Wallonie-Bruxelles ou en France, et si celui-ci nous classera encore longtemps parmi les systèmes scolaires les plus inefficaces, c’est parce qu’il est utile. Il remplit une fonction sociale. D’abord, au bénéfice des classes sociales favorisées, en éjectant les enfants des « autres » et préservant les « bonnes écoles » et les diplômes aux enfants des plus riches. Il suffit de voir le Mouvement Réformateur (parti libéral belge francophone) se cabrer contre tout ce qui risquerait de rendre l’école un tout petit peu plus égalitaire : Décret inscription, Tronc commun, Pacte pour une enseignement d’excellence, … Le parti des riches défendra toujours une société inéquitable, pour le seul profit de ses électeurs.
Ensuite, il permet
aux écoles de se positionner dans le quasi-marché scolaire. Pour attirer les
enfants des riches, il faut montrer qu’on éjecte les enfants des pauvres.
L’échec scolaire et donc le redoublement ou l’orientation est l’outil de
prédilection de ces « écoles ».
Ensuite, il permet aux professeurs de se protéger, de ne pas perdre la face et ne pas voir que la science remet en question leurs pratiques, qui durent parfois depuis de nombreuses années, hypothéquant l’avenir de dizaines d’élèves qui ne le méritent en rien. Ils peuvent donc se réfugier derrière le constat que l’élève redoublant est un peu meilleur durant son année de redoublement. Leur jugement (à très court terme) les rassure sur leur « efficacité pédagogique » qui apparaît alors comme un mélange de bon sens et d’observation qui est très différent de l’approche des chercheurs et des humanistes sur la question.
Enfin, et on l’a
vu, le redoublement participe de la gestion de la classe. Ils pourront gérer
l’héréogénéité à leur propre profit et à celui de leur établissement scolaire,
pourront régler l’ordre de la classe en sanctionnant les élèves dont les
comportements ne leur conviennent pas et qu’importe si cela « fiche leur
vie en l’air ». Cette idéologie garantit leur autonomie professionnelle (« Je suis intouchable dans ma classe,
je fais ce que je veux et personne n’a rien à me dire, surtout ces chercheurs,
ces défenseurs des droits humains, ces parents et ces élèves »).
Le redoublement est
avant tout un choix. De nombreux systèmes scolaires l’utilisent au
compte-gouttes, uniquement quand il on peut espérer qu’il soit efficace (longue
absence pour cause de maladie, par exemple). C’est un choix politique !
Mais c’est aussi le choix personnel de chaque professionnel de l’école.
« Suis-je un dieu qui peut décider de l’avenir d’enfants et de jeunes et
donc ne transmettre les savoirs qu’à celles et ceux qui me semblent les plus
dignes, ou ma mission est-elle de transmettre des savoirs à toutes et à tous
sans la moindre exception et ce, quelles que soient les difficultés
d’apprentissages rencontrées par ces élèves ? »
Le redoublement est un choix politique
Le choix d’avoir un
système scolaire efficace ou non est un choix politique. Le Pacte pour un
enseignement d’excellence est une timide réponse que les acteurs politiques et
le monde de l’école apporte à cette question pourtant fondamentale. On
remarquera que cette « timide » réponse soulève déjà bien des boucliers
du côté des tenants des inégalités scolaires et sociales : professeurs,
famille socialement favorisées et un parti politique : le Mouvement
réformateur qui nous a montré, au Gouvernement fédéral, durant les années
2014-2019, à quel point il ne roulait que pour les nantis.
C’est un choix
politique car de l’efficacité de notre système scolaire dépend l’avenir de tous
les enfants et donc aussi de la pyramide sociale. Faut-il encore des esclaves
aux plus nantis (aujourd’hui, l’esclavage se situe dans les emplois les moins
valorisants : ceux qui apportent le courrier, qui réparent leurs gros
véhicules, qui leur découpent le steak ou servent et tiennent la caisse dans
leurs magasins). On peut d’ailleurs se demander pourquoi des enfants
d’universitaires ne pourraient pas passer leur vie à tenir la caisse d’une
grande surface. Ils le font quand même, comme jobistes, pour se faire un peu
d’argent pendant leurs études, prenant ainsi des emplois aux chômeurs. Une
société équilibrée permettrait précisément d’inverser les rôles entre les
classes sociales et partager pour les uns les diplômes et emplois valorisants
et pour les autres, les sous-emplois et l’absence de diplômes.
Le Pacte vise un enseignement de haut niveau et la lutte
contre le redoublement y contribue indéniablement. Le Groupe Central considère
que la lutte contre le l’échec et le redoublement constitue un objectif
essentiel du Pacte qui ne peut être atteint que par le biais d’une approche
holistique et multidimensionnelle[1]. Dès lors, le Pacte s’est fixé comme objectif la réduction de 50% du redoublement d’ici 2030 tout en augmentant les
résultats moyens des élèves dans les savoirs de base.
La réduction de 50
% en 2030, soit chaque année 5 % pendant 10 ans. A terme, il restera quand même
30 000 élèves qui seront victimes de pratiques inefficaces ou efficaces
pour un temps seulement. Ou comment maintenir malgré tout les inégalités
sociales pour faire plaisir aux réseaux[2] ?
Supprimer le redoublement urbi et orbi, sans remédiation efficace donnée par de vrais enseignants, n’est pas la solution, même pour nous qui luttons contre les discriminations scolaires. Nous pensons, en effet, que la promotion automatique serait préférable, mais à la seule condition que tout soit mis en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir les apprentissages de l’année de promotion tout en comblant le retard qu’il a pris l’année précédente. Bref, que tout soit mis en œuvre pour qu’il rattrape son retard – ainsi que les nouveaux apprentissages – en un an. Ce qui est tout à fait faisable (voir comment fonctionnent les systèmes scandinaves).
Dans le cas où une
équipe pédagogique (ou un·e enseignant·e) garantissait la mise en place de ce
dispositif durant l’année de promotion, on se demande pourquoi cela n’aurait
pas pu préalablement être mis en place l’année précédente. Nous aurions évité
le redoublement et la question de la
promotion vs le redoublement ne se poserait pas. Pour nous, lutter contre
le redoublement, c’est avant tout le rendre obsolète par la mise en place préventive
de pratiques pédagogiques adaptées aux difficultés des enfants.
Il y faut donc
faire reculer le redoublement par une meilleure organisation de l’école plutôt
que d’imposer son interdiction totale[3].
C’est préventivement que l’on se doit de mettre des pratiques pédagogiques
appropriées en place. Cela pourrait se faire en dehors du temps scolaire, mais
cela a moins de sens que pendant celui-ci. En effet, priver les élèves de
récréation, de temps de midi, d’après-cours alors que ce sont ses moments de
socialisation avec leurs pairs risque de s’avérer contre-productif, voire
stigmatisant. Pire encore, l’externalisation de la remédiation est à éviter car
seules les familles les plus aisées peuvent se payer des cours particuliers ou
de groupe en dehors du temps scolaire. L’école étant déjà discriminatoire
vis-à-vis des publics les moins favorisés (ou de la classe moyenne, qui vient
ensuite), l’externalisation est la pire des discriminations qui soit.
Une remédiation n’a
de sens que si elle se fait durant l’apprentissage. Cela ne veut pas dire
« durant LE cours ». En général, un apprentissage s’étale sur
plusieurs périodes de cours. C’est tout au long de celles-ci que doit se faire
la remédiation. Plusieurs dispositifs sont possibles, soit en faisant intervenir
un enseignant supplémentaire ou un stagiaire (ou un bénévole), soit en
individualisant certains apprentissages, soit en pratiquant le tutorat (mais ce
dernier dispositif doit être institutionnalisé dans la classe, voire dans
l’école. Il ne suffit pas de demander à un pair d’en aider un autre pour que ce
soit efficace. Etre tutrice ou tuteur, cela s’apprend). En résumé, les
conditions de la remédiation et son intensité sont prépondérants.
Le redoublement est aussi un choix éthique personnel
Selon que vous serez né de puissants ou de misérables,
les jugements des salles de cours vous rendront blanc ou noir[4].
Chaque professeur,
chaque être humain est responsable de ses choix éthiques. Soit le système
actuel, qui lui permet de décider en véritable dieu (presque[5])
tout puissant, l’arrange bien (il ou elle peut rester mal ou peu formé, ne doit
pas s’investir trop pendant la journée, ne doit pas faire d’efforts pour aider
des élèves en grosses difficultés, préserve une bonne image auprès de sa
direction souvent peu compétente et des parents élitistes au profit du
positionnement de l’école sur le quasi-marché scolaire, …), soit il ou elle
décide d’être citoyen et de ne plus marcher dans ce système. En fait il ou elle
décide de passer du statut de collaborateur d’un système discriminant à celui
de résistant. Bref, on peut toujours décider de passer de simple ‘prof ‘,
à enseignant. En effet, l’école est depuis des décennies en guerre contre les
élèves et leurs familles afin de soutenir un système social élitiste. Lutter
contre ce système ne peut se faire qu’en entrant en résistance.
L’abandon du
redoublement doit se faire en mettant des alternatives en place. On ne peut pas
continuer à devoir constater, en fin d’année, qu’un élève ne possède pas
certains savoirs et ne trouver comme seule solution que le redoublement. Comme
disaient Ariane Baye, Florent Chenu, Marcel Crahay, Dominique Lafontaine et
Christain Monseur[6] (voir
ci-dessus), le redoublement est du «
prêt-à-porter » là où il faudrait du « sur mesure » . Le redoublement n’est
JAMAIS l’échec de l’élève, mais du système et donc des gens qui le font
fonctionner. C’est clairement l’échec du professeur et non de l’élève.
Un élève qui a des
difficultés d’apprentissages doit être aidé au quotidien. Il faut donc mettre
en place des pratiques pédagogiques non frontales[7]
et pratiquer non plus l’évaluation-sanction (les points), mais une évaluation
formative qui permet la remédiation immédiate durant le cours. On ne passe,
évidemment, à la suite de la matière qu’après s’être assuré que TOUS les élèves
ont globalement compris l’apprentissage. L’évaluation « formative »,
devenant par définition quasi-automatiquement « sommative », une fois
que l’on s’est assuré que tous les élèves ont compris. Les périodes d’examens
(et forcément de révisions), de bilans et autres évaluations sanctions ne sont
plus utiles et peuvent être abandonnées, au bénéfice de l’augmentation des
périodes d’apprentissages.
Comme enseignants,
nous avons le souci de chacun de nos élèves. Leur réussite est incontournable à
nos yeux et nous sommes le seul élément qui ait un réel pouvoir sur cette
réussite. Un enseignant n’a recours au redoublement que dans des circonstances
exceptionnelles (imaginons un élève absent de très longue durée pour raison de
santé, par exemple). Préalablement, l’enseignant a mis en place des
interventions ciblées pour chaque enfant en fonction des sa/ses difficultés,
dès le plus jeune âge.
Afin de prévenir
l’échec scolaire, les enseignants mettent en place des dispositifs d’individualisation
dont l’objectif est de permettre à chaque élève de progresser selon son propre
rythme[8].
Il s’agit « soit […] de respecter
des objectifs pédagogiques communs à toute la cohorte mais avec des méthodes et
des parcours pédagogiques différenciés […] soit il s’agit de personnaliser à
la fois les parcours et les objectifs.[9] »
Pour rappel,
mais en principe, on ne vous apprend rien, et sans rentrer dans les détails,
cette thématique pouvant faire l’objet d’un prochain dossier, l’individualisation
peut être utilisée dans trois dimensions[10]
:
les situations d’apprentissage :
gestion individualisée des formations, mise en place de méthodes pédagogiques
différentes, …
les contenus : différenciation des
objectifs selon l’élève ou les attentes ;
les parcours : organisation de la
formation, modularisation, …
L’individualisation
peut être pratiquée de différentes façons, individuellement ou cumulées : tutorat,
aide personnalisée, groupes de niveaux, projets personnalisés, parcours
différenciés, …
Enfin, en ce qui
concerne les pratiques au sein de la classe pour lutter efficacement contre
l’échec scolaire, il est nécessaire de gérer les difficultés des élèves en
mettant en place des stratégies visant à soutenir l’acquisition
de compétences académiques et sociales tout en tenant compte des différences de
chacun (intervention précoce dans la scolarité, dès la maternelle, développement
de stratégies mnémotechniques, encouragement de l’enseignement direct, mise en
place d’évaluation formative et enfin, intervenir tôt dans la scolarité des
enfants, …)[11].
Evidemment, tout
cela nécessite une (auto)formation, l’achat de livres, leur lecture, les
tentatives de mise en place de pratiques pédagogiques nouvelles pour nous,
parfois des échecs, mais si tout cela est fatiguant par rapport à de
l’enseignement frontal, la motivation et le bien-être qui en découle sont
extrêmement motivants.
Il n’est pas
nécessaire de travailler en équipe pour être enseignant. Dans les écoles où
l’objectif est la sélection, c’est notre simple volonté qui fera de nous des
enseignants, c’est-à-dire des résistants, ou que nous resterons de simples donneurs de
leçons et continuerons à mettre des centaines d’élèves en souffrance par notre
simple incapacité à enseigner. Rester collabo ou devenir résistant est un choix
éthique.
Combien sommes-nous
à être formés à l’évaluation, à la remédiation, à la différenciation ? Fort
peu… Nos formations initiales ont été défaillantes à ce propos. Sans parler de
ceux qui, parmi-nous, ont été « jetés » devant une classe sans la moindre
formation initiale, comme si la possession d’une branche, d’un art, suffisait à
faire des enseignants. Combien d’entre-nous en ont souffert jusqu’à quitter cet
idéal qui les portait ? Combien font souffrir des innocents par pure ignorance
des choses de la pédagogie ? Si nous sommes incapables d’autocritique, nous ne
serons jamais des enseignants. Tout au plus des professeurs, donc de petits
donneurs de leçons. Pire peut-être, pour certains : des pervers !!! Car
savoir que l’on fait souffrir des jeunes et persévérer sciemment n’est autre
que de la perversion. Dès lors l’avenir des enfants d’aujourd’hui et de demain
sera bien sombre.
Pouvons-nous accepter, en tant qu’enseignants et éducateurs qui avons fait le choix – souvent bien avant le début de nos études – de nous consacrer tout entier aux enfants et aux jeunes, comment pouvons-nous accepter d’être maltraitants ? Le contact avec un système scolaire défaillant nous a-t-il obscurci l’esprit au point de ne plus voir la simple réalité de ces jeunes ? Sommes-nous comme ces médecins pré-révolutionnaires[12] qui ont continué, des siècles durant, à pratiquer la saignée tout en voyant leurs malades en mourir ? Tout simplement parce que cela s’était toujours fait et qu’ils ne voyaient pas comment faire autrement ? Ou avons-nous encore un esprit critique de nos propres pratiques pédagogiques ? Sommes-nous les seuls détenteurs des Vérités de l’Ecole qui n’acceptent pas de remise en cause – et surtout de remises en cause personnelles – ou acceptons-nous de les partager – pardon, de les construire, avec nos élèves et leurs familles ?
[1] Pacte
pour un enseignement d’excellence, Projet d’Avis N° 3 du Groupe central, 2
décembre 2016
[2] Les réseaux
d’enseignement sont une des spécialités belges et une des raisons de
l’inefficacité de notre système d’enseignement. Ils regroupent les écoles en
fonction de leur idéologie (d’autres parleront de « philosophie »).
Ce regroupement rassemble des écoles qui se sont données des missions sociales
différents : écoles élitistes et écoles du dernier recours (proposant essentiellement
des formations professionnalisantes ou techniques). Si les premières ‘cassent’
de l’élève, cela doit être au profit des secondes. Chaque réseau se doit donc
de veiller à ce que chacune de ses écoles (elles adhèrent au réseau et paient
une cotisation) soit alimentée en élèves. Le non-redoublement ne fait pas
l’affaire de nombre d’entre elles. Les réseaux ont donc milité, au sein du
Pacte, contre les droits de l’enfant et dans le seul intérêt de leurs écoles
professionnelles ou techniques. Il nous semble que les Réseaux ont fait leur
temps et qu’il faut maintenant passer à autre chose.
[3] Cnesco
(Conseil national d’évaluation du système scolaire) – Lutter contre les
difficultés scolaires : le redoublement et ses alternatives ? – France 2015
[4] En paraphrasant Jean
de la Fontaine – Les animaux malades de la peste
[5] Des recours sont
toutefois possibles, mais peu arrivent à faire changer le jugement des salles
de cours.
[6] Baye
Ariane, Chenu Florent, Crahay Marcel, Lafontaine Dominique, Monseur Christian –
Le redoublement en Fédération Wallonie-Bruxelles 2014
[7] L’enseignement
« frontal » ex-cathedra, debout sur l’estrade face à une classe dont
les bancs sont rangés en rang d’oignons n’est pas de l’enseignement, mais au
mieux « de la leçon », au pire la mise des élèves en compétition en
vue d’une future sélection.
[8] Que
celles et ceux qui ne connaissent rien à la pédagogie ne montent pas sur leurs
grands chevaux. Cela ne veut pas dire que l’on va avoir 25 élèves qui
progressent à raison de 25 rythmes différents. En gros, on aura 2 à 3 rythmes
différents au sein d’une classe réellement hétérogène : ceux qui n’ont pas
besoin de l’enseignant·e car ils se débrouillent sans elle/lui, le gros de la
troupe qui a besoin d’être rassuré et quelques explications complémentaires et
enfin les enfants ‘dys’ ou avec déficiences intellectuelles (en enseignement
inclusif) qui forment le groupe qui demande le plus d’aide. Cette aide est
prioritairement apportée par l’enseignant·e, soutenu·e par le tutorat des
élèves les plus rapides de « comprenure » (belgicisme, qui veut
dire….qui ont vite compris).
[9] Nathalie Mons
(2008). Quelles relations existe-t-il entre école unique, enseignement
individualisé et performance des élèves ? In
Le Monde de l’éducation, Comment l’école peut-elle s’adapter à chaque élève
?
[10] Schryve,
B. (1991). Une grille de lecture pour l’individualisation. In L’année de la formation. Païdeia. Paris.
[11] Forness,
S., K. Kavale, I. Blum, et J. Lloyd (1997). Mega-analysis of meta-analyses :
what works in special education and related services. Teaching Exceptional Children
29, 469.
[12] Donc avant 1789…Il faudra que Georges Washington, premier président
de la république des États-Unis, meure en 1799 d’une saignée pour que cette
pratique cesse.
La comparaison des différents systèmes scolaires des pays de l’OCDE a montré une grande variété de pratiques visant à donner une seconde chance à l’élève en difficulté. Nombreux sont les pays pour lesquels les résultats de fin d’année sont décisifs pour le passage en classe supérieure[1] qui ont mis en place des dispositifs offrant une seconde chance. D’autres ont organisé la scolarité de manière à rendre moins naturel l’usage du redoublement[2].
Les examens de passage
Comme en Belgique,
la quasi-totalité des pays européens[3]
laisse la possibilité de passer des épreuves supplémentaires en fin d’année
scolaire ou en début d’année suivante. Cette pratique permet d’éviter de
nombreux redoublements. On peut craindre que de nombreux professeurs donnent
des « examens de passage » pour faire travailler des élèves faibles
pendant les vacances, sachant à l’avance qu’ils sont capables de réussir. On
peut se dire qu’ils l’auraient été tout autant avec des remédiations immédiates
efficaces.
Cependant, les
examens de passage ne permettent pas aux élèves en grande difficulté de se
rattraper. Dans ce cas, certains pays couplent les examens de passage avec des
cours d’été (summer schools).
Les summer schools
Les summer school ont été évaluées par de
nombreuses études. Quelle que soit la méthodologie employée, ces cours semblent
efficaces lorsqu’ils accueillent les enfants en difficulté d’apprentissage (par
exemple en lecture) dès le début du primaire. Lorsqu’elles sont précoces dans
la scolarité, elles semblent prévenir le développement d’inégalités scolaires
et permettent de limiter le redoublement.
La promotion sous certaines
conditions
Certains pays[4] proposent
aux élèves la promotion conditionnelle. Celle-ci permet à un élève de passer
dans la classe supérieure à la condition de suivre un programme précis de
rattrapage dans la ou les matières où les difficultés se sont révélées[5]. Cette
promotion sous condition permet aux élèves de combler leurs lacunes. Par
contre, pour les élèves en difficulté, elle n’offre pas de réelles possibilités
de rattrapage.
Ce dispositif n’est
efficace que si des enseignants mettent en place des remédiations de
qualité.
Des organisations de classe
moins propices au redoublement
Afin d’éviter les
redoublements, certains pays ont décidé d’agir en amont, notamment en changeant
l’organisation de leur système : organisation pluriannuelle des curricula,
tailles de classes réduites ou en faisant évoluer les enseignants avec leurs
élèves :
Les cycles
d’apprentissage : répartir le programme sur plusieurs années
Nous sommes
habitués à ce que notre système d’enseignement, comme d’autres en Europe, soit
organisé sur base annuelle. En fin d’année, les évaluations sanctionnent les
acquis des élèves et les conduisent à la promotion vers l’année suivant ou le
maintien dans l’année actuelle. Cette organisation amène des changements
d’enseignants et des modifications de la composition des classes. Ces deux
éléments peuvent avoir des conséquences sur les performances des élèves.
La répartition du
programme sur plusieurs années permet notamment aux élèves les plus jeunes (un
an de moins que leurs ainés) d’être évalués selon leur rythme d’apprentissage.
On sait que le rythme des apprentissages des élèves est intimement lié à leur
âge, en particulier lorsqu’ils sont jeunes. Dans des systèmes comme le nôtre,
les enfants nés en fin d’année se voient majoritairement proposer un
redoublement. Ce dispositif permet d’atténuer la sélection en fonction de l’âge
des élèves.
Une autre façon, plus pragmatique, de dissuader de faire redoubler les élèves serait de retirer des programmes les objectifs annuels.
2. Le looping ou quand l’enseignant suit ses élèves plusieurs années
Le « looping » consiste pour un
enseignant, de garder la même classe pendant plusieurs années (en Belgique
habituellement durant deux ans, mais les enseignants des classes uniques, dans
les villages, gardaient leur élèves durant 6 ou 7 ans – 3e
maternelle comprise)[6].
Cette pratique
paraît efficace pour une pédagogie intégrant les différences individuelles
d’apprentissage et de développement. En suivant les élèves plusieurs années de
suite, les enseignants peuvent « répondre aux besoins et comprendre les
forces de chaque élève.[7] »
Le
« looping » permet aux enseignants de gagner du temps (environ un
mois) dès la deuxième année en supprimant la période d’adaptation nécessaire à
tout changement de classe et d’enseignant[8].
Les relations entre enseignant et élèves s’en trouvent facilitées, ce qui
réduit l’anxiété des élèves lors des phases de transition et améliore leur
sociabilité[9].
Dans certains pays,
on trouve des classes multi-âges[10]. Cette
pratique pédagogique est employée dans plusieurs pays pratiquant peu le
redoublement. Les recherches passées et actuelles ne permettent pas de se
positionner sur des bénéfices ou non de ce type de classes[11].
Le « looping » semble avoir des résultats positifs sur la réussite des élèves et, donc, permet de lutter contre le redoublement en agissant sur plusieurs éléments. D’abord, il y a moins d’élèves risquant de redoubler quand l’enseignant garde ses élèves plusieurs années que dans les autres classes. La seconde raison tient plus de la psychologie des enseignants. Ils ne souhaitent pas transmettre un élève en difficulté à un collègue, soit par empathie[12], soit par peur d’être jugé peu compétent par rapport aux élèves en difficulté[13].
3. Taille des classes et performance
En théorie, les classes
à effectifs réduits devraient permettre aux enseignants de modifier leurs
pratiques pédagogiques et de consacrer davantage de temps, d’attention à chaque
élève. L’enquête STAR (USA) a montré qu’une diminution de la taille des classes
avait des effets positifs sur les performances des élèves et en particulier sur
ceux issus des minorités ethniques ou de milieux sociaux défavorisés, aux
Etats- Unis. Ces effets sont de longue durée, puisqu’ils perdurent jusqu’à
l’entrée à l’université[14].
Par la suite, de nouvelles
études[15] ont
permis d’identifier les raisons de l’intérêt de la diminution des tailles de
classes :
permet d’améliorer – au moins à
court terme – les performances des élèves ;
ces effets sont beaucoup plus
forts chez les élèves présentant des difficultés scolaires, chez les élèves
issus de minorités ethniques ou de milieux sociaux défavorisés ;
les bénéfices de classes à
effectif réduit sont particulièrement élevés en primaire, voire dès la
maternelle, et beaucoup plus modestes plus tard dans la scolarité ;
cet effet est plus efficace pour
les élèves socialement défavorisés.
Dès lors, si une telle mesure est décidée, compte tenu de son coût élevé, elle doit débuter tôt dans la scolarité et se concentrer sur les élèves socialement défavorisés, de façon à maximiser son efficacité.
4.Les groupes de besoin
Lorsque la composition d’un groupe classe pose des difficultés aux professeurs pour gérer l’hétérogénéité des performances des élèves, les groupes de besoin peuvent être une alternative en respectant certaines conditions. La première étant que le temps passé en groupe de besoin soit nettement inférieur au temps passé en groupe classe. Il est indispensable que les élèves s’identifient comme appartenant à ce dernier. Ensuite, il est nécessaire de constituer les groupes de besoin sur base d’évaluations spécifiques (elle n’a pas compris les additions écrites) et non sur une aptitude générale (il est faible en math). Enfin, ces groupes doivent être flexibles et doivent s’adapter en permanence dans leur composition aux progrès des élèves.
Une combinaison des pratiques ci-dessus pourrait facilement être mise en place dans une école chez nous, au sein du futur tronc commun, dans le cadre d’une pédagogie active, par exemple.
5. La promotion automatique
Quelques pays pratiquent la promotion automatique (on ne redouble pas, le passage dans la classe supérieure est automatique). On connaît essentiellement deux modèles : le modèle scandinave et le modèle asiatique.
5.1. Le modèle scandinave ou l’éducation inclusive[16]
Les systèmes
éducatifs nordiques sont comparables au niveau primaire et servent trois
objectifs majeurs[17] :
l’équité, la participation et le bien-être social. Les systèmes scolaires
nordiques favorisent l’individualisation et la différenciation des
apprentissages. Lors des premières éditions des évaluations internationales
PISA 2000 et 2003, la Finlande s’est retrouvée au premier rang, en particulier
en mathématiques, et a suscité l’attention et la curiosité de la communauté
scientifique internationale.
En 1970, le système
finlandais a été réformé de fond en comble. Les enfants sont accueillis dès 4
ans dans une garderie organisée par la commune. A 6 ans, il peut entrer dans
une année pré-élémentaire (dite année 0). A 7 ans, commence l’enseignement
obligatoire. La durée de la scolarisation est de 6 ans pour l’école élémentaire
et de 3 ans pour le Collège.
Le redoublement est
interdit durant l’enseignement obligatoire. Plus exactement, la promotion y est
garantie par la loi[18]. Si
certains élèves sont autorisés à redoubler, c’est pour des causes
exceptionnelles. Il peut alors faire une dixième année avant d’entrer au Lycée.
Les enseignants gardent leurs élèves pendant 3 ou 4 ans, ce qui leur permet
d’adapter leur pédagogie au rythme de chaque enfant. Le taux d’encadrement est
élevé (la taille des classes varie de 12 à 25 élèves).
Les difficultés
d’apprentissage sont traitées dès le jardin d’enfant. Le moindre retard est
pris en compte et signalé aux parents, afin qu’ils puissent agir rapidement
éventuellement en contactant un spécialiste et mettre en place une rééducation[19]. Durant sa scolarité, l’élève en difficulté
recevra une aide spécialisée sous la forme d’un enseignant additionnel dans la
classe. En cas de difficultés persistantes, il recevra l’aide d’un enseignant spécialisé.
L’organisation de la scolarité permet à la Finlande d’éviter le redoublement. Les cursus sont organisés en modules qui peuvent être validés dans un intervalle de 2 à 4 ans. Chaque module dure 6 semaines. A la fin de ce module, les élèves sont évalués afin de le valider. En cas d’échec, l’élève poursuit sa scolarité mais doit s’inscrire à une session de rattrapage. L’emploi du temps des élèves est adaptable pour leur permettre d’organiser au mieux leur temps de travail. Les enseignants reçoivent une formation de niveau universitaire.
5.2. Les systèmes scolaires asiatiques
Si les systèmes
scolaires asiatiques pratiquent également la promotion automatique, celle-ci
est toute différente des modèles scandinaves. En Corée ou au Japon, par
exemple, les valeurs telles que le goût de l’effort, les savoirs, le
développement personnel ou l’apprentissage sont intégrés à la culture et au
mode de vie des habitants[20].
En Corée du Sud,
l’enseignement est basé sur la compétition. Après avoir terminé une journée
d’école chargée, la majorité des élèves ont recours à des cours du soir privés
(les hagwons), parfois dès la maternelle. Un élève de 15 ans travaille plus de
50 heures par semaine et ne dort en moyenne de 5h24 par nuit. Il a moins d’une
heure de temps libre par jour (PISA, 2009)
Si l’enseignement
sud-coréen est aussi performant c’est précisément parce que les institutions
privées remédient aux lacunes de l’enseignement officiel. Les enseignants y
sont de meilleure qualité (les salaires y sont supérieurs).
Au Japon, lorsqu’un
élève est en difficulté dans une matière, le professeur contacte les parents
afin qu’ils inscrivent leur enfant dans un cours privé (le juku). Là encore, ce
n’est pas l’école qui se charge des remédiations. Environ un quart des élèves
du primaire et plus de la moitié de ceux du secondaire suivent des cours dans
un juku[21].
On comprend que ce
type de pratiques enlève la charge de l’école et des professeurs de s’occuper
des difficultés d’apprentissage des élèves. La société japonaise étant fondée sur
la compétition, de nombreuses familles inscrivent leurs enfants à ces cours,
soit pour rattraper un retard, soit pour les plus performants pour préparer les
examens et concours. Les résultats sont assez logiquement là, les jukus ont des
effets positifs sur les résultats[22].
Ces systèmes sont,
fort heureusement, difficilement transposables dans nos pays.
[1] La programmation
annuelle n’a aucun sens dans un enseignement pleinement inclusif, les élèves
étant évalués en fin de parcours. Dans le cas contraire, les enfants avec
handicap seraient les premiers à être « orientés » et donc discriminés. Ce
serait de l’handiphobie. Au cours du parcours, les remédiations nécessaires
doivent être mises en place au quotidien, tandis qu’à la fin du parcours, les
certifications devraient être faites en fonction des apprentissages acquis.
[2] Cnesco
(Conseil national d’évaluation du système scolaire) – Lutter contre les
difficultés scolaires : le redoublement et ses alternatives ? – France 2015
[4] Allemagne,
Espagne, Autriche, Pologne et Liechtenstein
[5] La possibilité de
promotion conditionnelle est rarement mise en place dans les classes
diplômantes.
[6] Cette pratique se
fait en Finlande, en Belgique et dans certains États étasuniens.
[7] Jimerson,
S. R., S. M. W. Pletcher, K. Graydon, B. L. Schnurr, A. B. Nickerson, et D. K.
Kundert (2006). Beyond grade retention and social promotion : promoting the
social and academic competence of students. Psychology in the Schools 43(1),
85–97.
[8] Burke, D. L. (1996).
Multi-year teacher/student relationships are a long-overdue arrangement. Phi Delta Kappan 77 et Black, S. (2000).
Together again. The American School Board
Journal 187.
[9] Checkley, K. (1995).
Multiyear education : reaping the benefits of looping.. ASCD Education Up-date
37.
[10] Ce
type d’organisation regroupe des élèves d’âges et de compétences différents
dans un même groupe classe, et vise notamment à intensifier les interactions
entre des élèves de maturités différentes, de permettre à chacun de progresser
à son rythme et d’apprendre des autres – May, D.C.and Kundert, D. et D. Brent
(1995). Does delayed entry reduce later grade retentions and use of special
education services ? Remedial and Special Education 16, 288294.
[11] Cnesco
(Conseil national d’évaluation du système scolaire) – Lutter contre les
difficultés scolaires : le redoublement et ses alternatives ? – France 2015
[12] Pini,
G. (1991). Effets et méfaits du discours pédagogique : echec scolaire et
redoublements vus par les enseignants. Éducation et Recherche 3, 255–272.
[13] Crahay,
M. (2007b). Peut-on lutter contre l’échec scolaire ? De Boeck.
[14] Krueger, A. et D. Whitmore (2000, April). The effect of attending a small class in the early grades on college-test taking and middle school test results : Evidence from project star. Working Paper 7656, National Bureau of Economic Research. http://www.nber.org/papers/w7656.
[15] Cités in Cnesco (Conseil
national d’évaluation du système scolaire) – Lutter contre les difficultés
scolaires : le redoublement et ses alternatives ? – France 2015
[16] L’éducation
inclusive est fondée sur le droit de tous à une éducation de qualité qui répond
aux besoins d’apprentissage essentiels et enrichit l’existence des apprenants.
Axée en particulier sur les groupes vulnérables et défavorisés, elle s’efforce de
développer pleinement le potentiel de chaque individu. Le but ultime de
l’éducation de qualité inclusive est d’en finir avec toute forme de
discrimination et de favoriser la cohésion sociale (UNESCO, 2014).
[17] Antikainen, A.
(2006, Juillet). In search of the nordic model in education. Scandinavian Journal
of Educational Research 50(3), 229–243.
[19] Robert, P. (2008).
La Finlande : Un modèle éducatif pour la France : Les secrets de la réussite.
ESF Edition.
[20] Charlot,
B. (2009, Décembre). Convergence internationale et diversification interne des
modèles scolaires. Revue Internationale d’Éducation de Sèvres 52, 123–127.
[21] Bray,
M. (1999). A l’ombre du système éducatif le développement des cours particuliers
: conséquences pour la planification de l’éducation. Principes de la
planification de l’éducation 61, UNESCO.
[22] Sawada,
T. et S. Kobayashi (1986). An analysis of the effect of arithmetic and
mathematics education at juku. Technical report, National Institute for
Educational Research.
Le redoublement est du « prêt-à-porter » là où il
faudrait du « sur mesure »[1]. Le redoublement n’est jamais que le résultat de l’échec d’un système,
d’une école (et donc des humains qui y travaillent) qui, pour des raisons
diverses et variées n’a pas voulu ou pas su transmettre les savoirs qu’il a
mission de transmettre, à tous les élèves. On sait la doxa[2]
qui règne dans les salles de profs : « On
ne peut pas faire réussir tout le monde », « Si un élève est en
échec, c’est parce qu’il n’a pas étudié », « Un prof qui fait réussir
tout le monde est laxiste », « Si tu n’as pas ta courbe de Gauss,
c’est que tu es mauvais professeur », etc[3].
Mais passons sur le refus de certaines « bonnes » écoles de faire réussir[4]
tout le monde, et voyons pourquoi ces professeurs n’ont « p)as pu »
transmettre ces savoirs.
Elles sont aussi diverses que variées. Commençons par la « culture scolaire » et donc les exigences de l’école par rapport à son corps professoral (« notre école prépare ses élèves à l’université, donc ne veut pas faire réussir tout le monde » ; « on passe de 5 à 4 classes entre la S2 et la S3 (NDLR entre 13 et 14 ans), il faut donc mettre 15 élèves en échec », …). En fonction de sa place sur le quasi-marché scolaire, l’école a des attentes différentes de la part de ses professeurs ou enseignants. Celle-ci exigera un taux d’échec correspondant à la place qu’elle veut occuper ou conserver. Une école à pédagogie active incitera ses enseignants à faire acquérir les savoirs par tous leurs élèves, tandis qu’une école élitiste[5] attendra de ses professeurs qu’ils « saquent dans le tas », en privilégiant les élèves – évidemment – les plus fragiles, ceux qu’elle ne veut pas (« dys », porteurs de handicaps, élèves socialement défavorisés, étrangers, etc.).
Ensuite, la formation initiale des « enseignants » qui, selon les cursus, va de « moyennement formé » à « pas formé du tout ». En Belgique, l’institutrice ou l’instituteur reçoit une formation en 3 ans[6] qui correspond grosso-modo à une demi-formation. Idem pour le régent (qui enseigne en début de secondaire = le collège en France), mais pour qui la partie « disciplinaire » prend plus de place au détriment de la partie pédagogique. Enfin, le/la licencié·e (qui enseigne au lycée) qui sort de l’université ne reçoit qu’une vague approche de ce qu’est enseigner, via l’agrégation. Celle-ci ne forme pas des enseignants mais se contente de faire croire à des universitaires qu’avec leur bagage disciplinaire et les quelques heures de cours et de stage qu’ils ont fait, ils savent enfin tout sur le métier d’enseignant. En effet, ils savent comment mettre un élève en échec, cela l’université le leur a bien appris[7].
Enseigner, c’est un
art, l’art de savoir pratiquer une pédagogie active qui permettra à tou·te·s
d’acquérir tous les savoirs. Lorsqu’un élève éprouve des difficultés à
comprendre une matière, il ne sert à rien de l’évaluer et de passer à
l’apprentissage suivant. Le cours n’a pas été correctement donné (trop peu de
différenciations, d’explications, d’échanges entre pairs, …) ce qui rend la
matière trop complexe pour lui ou pour elle. Ce serait le mettre en échec. Il
est indispensable, alors, de mettre en place une remédiation efficace, voire de
pratiquer la différenciation. La réponse doit être IMMEDIATE (c’est-à-dire
pendant le cours et non après). Dans le cas contraire, cela reviendrait à
mettre intentionnellement en place toute les conditions nécessaires pour le conduire
à l’échec.
Les psychologues
connaissent bien les dégâts provoqués par le redoublement chez les jeunes qui
en sont victimes. Nous utilisons intentionnellement le terme de « victime » et
non pas celui de « responsable ». On vient de le voir, le redoublement ne sert
strictement à rien. Il s’agit d’une décision émanant de l’école, de
l’enseignant ou du conseil de classe et donc d’un choix politique, stratégique
ou philosophique qui concerne le jeune et sur laquelle il n’a aucune emprise.
Cette décision profondément injuste – on vient de le voir – est prise la
plupart du temps sans débat contradictoire. Le jeune n’a pas le droit de
s’exprimer (encore l’aurait-il qu’il faudrait qu’il ait accès à des arguments
qui ne sont pas de son niveau) et – pire –
d’être défendu. Les personnes qui la prennent sont celles qui, le plus
souvent, sont responsables de cet échec (on a vu que la plupart du temps, les
professeurs évaluent dans le seul but d’hiérarchiser leur groupe classe et non
pour mesurer les acquis) avec pour seule rambarde un droit d’appel de trois
jours, pas toujours respecté, pour des familles qui la plupart du temps ne
possèdent pas les codes de l’école et ne reçoivent pas toujours l’explication
des raisons réelles de l’échec.
On l’a vu, faire
recommencer une année scolaire à un élève est inefficace. Au mieux, l’effet est
limité et à court terme. Cette pratique est, en outre, contre-productive. Les
conséquences du redoublement sont connues depuis des décennies. Plus l’élève
est jeune, plus le redoublement va le marquer psychiquement. Les effets sont
DEVASTATEURS : le redoublement opère un marquage social des élèves qui le
subissent : les mauvais élèves ! A partir de celui-ci se développe un processus
de stigmatisation. Ces élèves vont être affublés d’une série de stéréotypes
négatifs : bête, idiot, têtu, lent, mauvais, médiocre, faible, nul, paresseux,
fait le pitre, indiscipliné, lent d’esprit, travaille mal, méchant, pas
développé, étranger, …
Ils vivent dans la
peur des sarcasmes des camarades, voire des enseignants. La perte des tissus
sociaux établis n’est pas la moindre des souffrances. Se retrouver dans une
classe avec de plus jeunes élèves fait perdre le lien qui existait avec les
copains d’avant. Il faut tout recommencer avec, en plus, une étiquette très
lourde à porter.
Les élèves qui ont
vécu un redoublement ressentent divers sentiments : de honte, de tristesse, de
gêne. Ils vivent un véritable malaise intérieur, ont des sentiments
d’incapacité et d’infériorité. Le doute s’installe, la confiance s’étiole,
l’auto-dévalorisation se développe[8].
La loi du silence est générale. Ces élèves taisent leur souffrance, leur honte
vis-à-vis de leurs condisciples. La plupart ne savent même pas pourquoi ils
redoublent. A l’école, tout est fait pour faire taire les redoublants. Rien
n’est mis en place pour rencontrer leurs difficultés propres.
Il semble que ce
n’est qu’à la maison que l’on parle du redoublement. Le plus souvent c’est
l’engueulade, alors que l’élève n’y est pour rien. Mais la pression de l’école
et le discours culpabilisant des enseignants et des directions font retomber,
aux yeux des parents, la faute de l’échec sur le dos de l’élève. Il ne faut pas
oublier la souffrance et la honte des familles qui sont importantes. Non
contente de maltraiter l’élève, l’Ecole met des dizaines de milliers de
familles en souffrance et les culpabilise de ses propres manquements.
Le redoublement
engendre, chez les élèves qui le subissent, ce que les psychologues appellent
le sentiment d’incompétence acquis[9].
L’élève se résigne à ne pas être compétent. Ses expériences ainsi que les
messages envoyés par l’école lui ont démontré qu’il « ne savait pas », qu’il
était incompétent et que rien ne pouvait modifier cet état. Le sentiment
d’incompétence acquis est difficilement modifiable chez l’enfant qui le
ressent. Il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle des causes qui l’ont
amené à cet échec et qu’elles ne pourront jamais changer. Il est persuadé
d’être bête et incapable, une fois pour toute[10].
En outre, les
recherches ont démontré qu’un élève qui redouble son école maternelle ou en
début d’école primaire a toutes les chances de redoubler une seconde, voire une
troisième fois dans la suite de leur scolarité. Les élèves qui ont redoublé
durant leurs primaires ou au début de l’école secondaire abandonnent plus
souvent l’école que leurs condisciples confrontés aux mêmes difficultés
scolaires mais qui n’ont jamais redoublé. Bref, le redoublement appelle
d’autres redoublements et augmente le risque de décrochage scolaire.
L’origine sociale
des familles influe sur le risque de redoublement. Au plus la famille d’un
élève est défavorisée, au plus le risque d’échec scolaire augmente. A titre
d’exemple, on redouble plus à Charleroi qu’ailleurs. Les derniers chiffres
disponibles, pour l’année 2017-2018 le montrent clairement. Le taux d’échec, y
est le plus élevé, avec 14,5% d’échecs. Alors que le Luxembourg a le plus bas
taux de redoublement avec moins de 10%, et que la moyenne de la Région
Wallonie-Bruxelles est à 12,5%. Charleroi est deux points au-dessus, comme
Bruxelles et Mons[11].
On observe le même
effet à l’échelle d’une implantation ou d’un établissement, un élève défavorisé
voit sa probabilité de redoubler augmenter si l’implantation qu’il fréquente
est fréquentée par un public plus défavorisé[12].
Enfin, les
orientations consécutives à un échec scolaire augmentent les discriminations
sociales. Ce sont essentiellement les enfants issus de milieux les moins
favorisés qui sont orientés vers les enseignements qualifiant et professionnalisant.
Certaines filières regroupent davantage d’élèves en retard que d’autres, comme
l’indique la figure ci-dessous. Notez qu’en général, les filles sont moins en
retard que les garçons. En 2011-2012, dans le primaire, 19 % des garçons et 16
% des filles étaient en retard scolaire d’au moins un an ; dans le secondaire,
c’étaient 53 % des garçons et 49 % des filles qui étaient en retard scolaire
d’au moins un an[13] ».
[1] Baye Ariane, Chenu Florent, Crahay Marcel, Lafontaine Dominique,
Monseur Christian – Le redoublement en Fédération Wallonie-Bruxelles 2014
[2] La doxa est l’ensemble des opinions reçues sans discussion, comme
évidentes. La salle des profs est un lieu où règnent des idées reçues et où
leur remise en cause est taboue. Les remettre en cause serait se remettre en
cause, remettre en cause ses pratiques et faire le constat de son incompétence
éventuelle, une impossibilité pour la plupart des professeurs.
[4] Sur le terme « réussir », il s’agit, bien entendu, non pas de « donner les points » comme pourraient le penser certain·e·s qui ne connaissent rien à l’enseignement, mais de « faire acquérir tous les savoirs ».
[5] Pour la liste des écoles élitistes, se référer à celles qui ont eu des files lors de la première année de la mise en place du Décret Inscription/mixité. Mais nous vous la déconseillons, ces écoles étant tout, sauf des écoles.
[6] Il est prévu que cette formation passe en 4 ans, ce qui sera mieux mais restera incomplète.
[7] L’échec et l’abandon des étudiants qui entament des études supérieures en première année est en moyenne de 60%! Autrement dit, le taux de réussite moyen est de 40%. C’est ce merveilleux exemple que les licencié·e·s qui arrivent dans l’enseignement vont tenter de reproduire dans leurs classes. « On a toujours fait comme cela, mon bon monsieur… ».
[8] Crahay 2003 : Peut-on lutter contre l’échec scolaire p 228 et suivantes.
[9] Learned helplessness aussi appelée théorie de la résignation apprise (Seligman, Maier & Solomon 1969).
[10] Tous les élèves sont capables – Lire notre dossier sur le Postulat d’éducabilité. Un élève ne devrait donc jamais être persuadé qu’il est incompétent puisque, précisément, il est parfaitement doué pour l’étude. C’est l’Ecole en CF qui n’est pas capable.
[11] TéléSambre, 7 juin 2019 – A Charleroi, on redouble plus qu’ailleurs, mais on travaille contre l’échec scolaire
[12] Baye Ariane, Chenu Florent, Crahay Marcel, Lafontaine Dominique, Monseur Christian – Le redoublement en Fédération Wallonie-Bruxelles 2014
La question de l’efficacité du redoublement est, depuis peu, redébattue au sein de la communauté scientifique. Hugues Draelants estimant que « les résultats des recherches sur les effets du redoublement sur les performances des élèves ne sont, pour l’heure, pas pleinement probants[1] », Benoit Galand[2], Dominique Lafontaine, Ariane Baye, Dylan Dachet, Christian Monseur estimant quant à eux qu’ « à une exception près, tous ces résultats concluent soit à une absence de bénéfice du redoublement sur les acquis scolaires des élèves à moyen terme, soit à des effets négatifs ». Hughes Draelants ne plaide pas, pour autant, pour une réhabilitation du redoublement. Il invite à aller plus loin dans les recherches sur les conditions qui feraient qu’un redoublement pourrait être bénéfique et a contrario non bénéfique. « Il s’agit autrement dit de penser les conditions de possibilité d’un « bon usage » du redoublement, qui devrait être envisagé comme une solution de dernier recours à utiliser de manière réflexive[3] ».
Nous ne les départagerons pas, étant loin d’être spécialistes des sciences de l’éducation. Nous sommes essentiellement des défenseurs des droits fondamentaux luttant contre toutes les discriminations qui touchent les enfants. C’est à ce titre que ce dossier est rédigé. Notre posture est pleinement engagée et nous assumons notre opposition à la compétition et la sélection par le redoublement, ainsi qu’à celles et ceux qui le soutiennent et/ou le pratiquent car c’est, selon nous, de la maltraitance, qu’il est profondément injuste car il permet à des adultes de jouer à la roulette russe avec des enfants et leur avenir[4].
Disons quand même un mot sur les recherches en question. La question de l’efficacité du redoublement revient à se demander s’il permet aux élèves de progresser dans leurs apprentissages, bref si leurs résultats scolaires s’améliorent. Chacun d’entre nous a pu constater que lorsque nous avons côtoyé un « redoublant » durant nos études ou, pour nous enseignants, chaque fois que nous avons eu un élève qui redoublait dans notre classe, en fin de seconde année, celui-ci avait fait des progrès. C’est encore heureux ! Lorsqu’on est confronté deux fois aux mêmes apprentissages, il est assez normal que nous les acquérions mieux ! Le contraire serait dramatique, tout enfant qui apprend quelque chose pour la seconde fois progresse au moins un petit peu. Dès lors, le redoublement peut apparaître aux professeurs comme positif et efficace en termes d’apprentissages.
Cependant, cette
impression ne suffit pas à déterminer si le redoublement est réellement
efficace. Est-elle objective ou est-elle basée sur des mirages tels que nous a
depuis longtemps habitué notre cerveau d’humain. De nombreux chercheurs se sont
penchés sur la question et ont suivi des cohortes d’élèves durant parfois de
nombreuses années. Leur constat va dans le même sens que celui des
professeurs : un élève qui redouble et qui réapprend pour la seconde fois
une même matière progresse. On s’y attendait, mais est-ce suffisant ? La
question subsidiaire que nous devons poser maintenant – la bonne question – est :
« A-t-il progressé plus, autant ou moins que s’il n’avait pas été
contraint de redoubler ? » Autrement dit, le redoublement a-t-il été
plus efficace (ou l’a-t-il été moins) que la promotion (le passage dans la
classe supérieure) ? Sous-sous-question : « Ai-je maltraité ou
non un élève en lui faisant perdre inutilement un an dans sa vie ? »
Pour répondre à
cette question on ne peut plus fondamentale, les chercheurs[5]
ont apparié sur base d’évaluations externes, au sein d’importants groupes
d’élèves ceux qui sont de niveau scolaire identique et très faible. On sait que
les exigences des professeurs varient fortement. Dès lors, selon que l’on soit
dans une classe plutôt que dans une autre, certains élèves sont contraints de
redoubler alors que d’autres sont promus.
Ils ont donc établi deux groupes d’élèves. Le premier étant constitué d’élèves redoublants, tandis que le second était quant à lui constitué d’élèves qui, bien qu’étant du même niveau que les enfants du premier groupe, ont été promus dans les classes supérieures. A l’entrée et à la sortie de chaque année ces jeunes ont été testés et cela parfois durant plusieurs années successives. Voici ce que cela donnait et les résultats obtenus. L’année de référence, celle du redoublement ou de la promotion ayant la valeur N. C’est donc sur les années suivantes N+1 et N+2, etc. que vont se baser les études comparatives.
On peut remarquer
qu’il n’y a pas de différence entre le test 3 des élèves ayant redoublé et le
test 2 des élèves ayant été promus. Malheureusement pour les premiers il aura
fallu un an de plus.
Les conclusions des
chercheurs sont instructives : l’élève qui redouble s’améliore mais celui
qui a été promu malgré qu’il avait les mêmes difficultés progresse plus encore.
Autrement dit, la promotion (le passage dans la classe supérieure) permet à un
élève de progresser plus que si on l’avait fait redoubler.
Ceci démontrerait
l’inefficacité du redoublement. Sur les diverses études sur les effets du
redoublement, nous vous renvoyons vers notre dossier disponible sur Internet
« L’échec scolaire est une maltraitance [6]».
Pour Benoit Galand
& al, La plupart de ces études sont
de bonne qualité méthodologique et observent soit une absence de bénéfice du
redoublement, soit des effets négatifs. L’année redoublée semble bien une année
inutile[7].
Par contre, selon Hugues Draelants, le
problème de ces recherches tient au fond à ce que l’on ne sait rien du
contexte, raison pour laquelle on ne peut jamais s’assurer que les groupes
comparés dans les études procédant par appariement (ou matching) sont
équivalents.Ce qui […] semble
particulièrement problématique est que les chercheurs qui recourent à ce type
d’étude sont susceptibles de comparer des élèves qui ne sont pas scolarisés
dans les mêmes classes, ni dans les mêmes établissements et zones scolaires[8].
Malgré que des
études plus actuelles aboutissent à des résultats quasiment opposés à ceux des
études antérieures, leurs auteurs ne révisent pas leur jugement sur le
redoublement. Dans l’ensemble, les résultats positifs sont des résultats de
court terme. Ils ne seraient donc que transitoires. Les effets à moyen et long
terme seraient quant à eux négatifs : risque accru de décrochage scolaire,
sortie du système scolaire sans diplôme, …
L’efficacité du redoublement
à la lumière des enquêtes internationales
Que penser des
effets du redoublement à la lumière des enquêtes internationales ? Selon
Benoit Galand[9], « Les enquêtes internationales menées à
l’initiative de l’OCDÉ (PISA[10]) et
de l’IEA[11]
(PIRLS et TIMSS) constituent une source précieuse pour étudier le lien entre
certains mécanismes structurels comme le redoublement, l’efficacité des
systèmes éducatifs, leur équité et les phénomènes de ségrégation. »
Le redoublement est-il une
pratique universelle ?
En Communauté française, les professeurs adhèrent au redoublement pensant que c’est une pratique universelle (hormis en Finlande, pays dont on leur bassine les oreilles… à juste titre, ce qui a tendance à les crisper). Il est vrai qu’on redouble aussi dans les pays limitrophes à la Belgique, ce qui les conforte dans leurs croyances. Mais qu’en est-il vraiment ?
Le tableau ci-dessous montre que notre système scolaire est celui où la proportion des jeunes en retard à l’âge de 15 ans est la plus élevée des pays industrialisés. Près de la moitié des jeunes de 15 ont redoublé au moins une fois dans leur jeune carrière d’élèves : 47,8% en 2012 contre une moyenne de 13% pour les pays de l’OCDE.
Les pays sont classés par ordre décroissant, en fonction
de leur taux de retard en 2009[12].
Dans 18 pays sur 34, le taux de retard est inférieur à 10%, ce qui chez nous correspond au nombre d’élèves en retard en début de…. 3e primaire (CE2). En recourant massivement au redoublement, nous sommes bien une exception dans les pays qui se disent civilisés.
Comme le rappellent
Baye, Chenu, Crahay, Lafontaine, & Monseur
: « Par ailleurs, ces résultats
permettent de réfuter l’idée selon laquelle une pratique intensive du
redoublement va de pair avec un haut niveau de performance (conséquence
d’exigences plus fortes liées au redoublement) : les pays qui apparaissent dans
la partie supérieure du classement en fonction du taux de redoublement ne sont
pas particulièrement réputés pour afficher des scores moyens élevés aux
épreuves PISA. D’ailleurs, la corrélation entre taux de retard et performances
en mathématiques à PISA 2012 n’est pas significative (0.06, p=.74). Il n’y a
pas de lien entre le taux d’élèves en retard et la performance enregistrée dans
PISA. Ces données battent en brèche l’idée selon laquelle une pratique
intensive du redoublement irait de pair avec un niveau d’exigence élevé. »
Le redoublement de masse
rend-il notre système scolaire particulièrement efficace ?
Si le redoublement était efficace, nous serions en tête des classements PISA, puisque nous sommes les champions toutes catégories de cette pratique. Pourtant, on peut constater qu’il n’en est rien. La Fédération Wallonie-Bruxelles se situe loin dans le classement, que ce soit en sciences, en lecture ou en mathématique (source PISA 2015).
Le redoublement n’a
donc servi à rien. Pire, selon Benoit Galand et al[13],
des indicateurs d’efficacité, de
dispersion, d’inégalités sociales, de ségrégation scolaire et sociale ont été
mis en relation avec les taux de retard respectifs des différents systèmes
éducatifs. Ils en ont donc dégagé un ensemble de forces, notamment
concernant les inégalités sociales.
C’est dans ce
domaine que les résultats sont les plus nets et les plus concordants. C’est
dans les systèmes qui pratiquent le redoublement que les inégalités liées aux
origines socioculturelles de élèves sont les plus importantes. « En d’autres termes, le déterminisme social y
est plus pesant. Il y est plus difficile de sortir de sa condition en
empruntant l’ascenseur social. » Et ils continuent en expliquant
comment le redoublement amplifie ces inégalités : « des
élèves qui ont la même performance dans PISA n’ont pas les mêmes risques
d’avoir connu le redoublement selon leur origine sociale ; ces risques sont
accrus pour un élève défavorisé. Il y a donc bien injustice, le redoublement
amplifie les écarts de performances en fonction de l’origine sociale. […] Le
niveau de performances d’une école à l’autre varie nettement plus quand les
taux de retard sont plus élevés. Si le redoublement ne crée pas les différences
entre écoles, il participe d’une logique de séparation ou de tri qui est à
l’origine des différences entre écoles. » Et
ils précisent qu’un « recours plus
fréquent au redoublement s’accompagne ainsi d’une exacerbation des différences
entre écoles et d’une homogénéisation des élèves à l’intérieurdes
écoles. Ce résultat n’a rien de surprenant : c’est précisément une logique fondée
sur des conceptions éducatives consistant à penser que l’enseignement sera plus
efficace si les élèves sont plus semblables, ou si les classes sont plus homogènes,
qui justifie le recours au redoublement et aux autres mécanismes de tri et de
sélection des élèves comme les filières précoces dans le secondaire. »
C’est le grand mythe de l’homogénéité des classes qui a conduit des écoles à regrouper les élèves par classe en fonction de leurs résultats scolaires, et donc de leurs origines socioculturelles. C’est en somme ce que font également les pratiques du redoublement et de l’orientation : regrouper progressivement les élèves selon leurs classes sociales, dans des écoles socialement ségrégées.
Au vu des enquêtes internationales, qu’en est-il sur le plan de
l’efficacité ?
Sur ce plan, les résultats
sont moins nets. Dans PISA, selon que les taux de retard sont importants, les
performances ont tendance à être moins élevées dans tous les cycles. PIRLS
n’est pas plus précis, les résultats variant selon les cycles. Galand et al. concluent en précisant que « Ce qui est par contre certain, c’est que des
taux de retard élevés ne « dopent » pas les performances des élèves. »
Ils concluent en affirmant
qu’ « il est possible d’affirmer
qu’en optant pour une politique visant à réduire les taux de redoublement, les
inégalités scolaires liées à l’origine sociale et la ségrégation scolaire et
sociale pourraient diminuer pour autant que ces réductions s’accompagnent d’un
véritable changement de logique ou de politique dans la gestion des difficultés
d’apprentissage et pas d’une réduction mécanique des taux de redoublement. »
Oui, mais… ne peut-on craindre un nivellement par le bas ?
Ah… le nivellement par le bas, le vieux mythe de tous ceux qui ne
connaissent rien en pédagogie, ainsi que des élitistes qui ont l’obsession de
la sélection sociale. Faire peur aux gens pour surtout ne rien changer du tout.
Leur discours est connu, jamais assorti d’études sérieuses (ou d’études tout
court).
Dans le tableau ci-dessous, et en se référant au tableau
précédent, on remarquera que de nombreux pays qui pratiquent peu ou pas le
redoublement atteignent un niveau de performance de loin supérieur aux
résultats obtenus par le système scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous
sommes, en tous points, en-deçà de la moyenne de l’OCDE, comme d’autres pays le
pratiquant également (quoique moins que nous) comme le Luxembourg, l’Espagne ou
le Portugal. La France a des résultats légèrement supérieurs à la moyenne de
l’OCDE, mais elle a changé sa politique en matière de redoublement.
Deux de nos plus proches voisins, le Luxembourg et la France ont diminué
de façon sensible le redoublement depuis 2000[14],
ils n’ont enregistré aucun effondrement de leur niveau, ce qui démontre qu’un
système scolaire qui diminue le redoublement, ne baisse en aucune manière de
niveau.
Ce qui fait la différence entre redoublement et non redoublement,
c’est la mise en place de pédagogies efficaces. L’enseignement frontal tel que
le pratiquent les professeurs en Fédération Wallonie-Bruxelles, n’est pas de
l’enseignement, mais de la sélection. Tant qu’on en restera à une pratique de
sélection, on continuera à faire redoubler et notre système scolaire sera
particulièrement inefficace.
Le tableau suivant montre les performances globales dans les trois
disciplines pour les pays de l’OCDÉ et les trois communautés belges (source PISA
2015) :
[1] Hugues
Draelants – Le redoublement est-il vraiment moins efficace que la promotion
automatique ? Une évidence à réinterroger & Le redoublement n’est pas un
médicament – Réponses et pistes pour une approche modérée et réflexive de son
usage – Les Cahiers de recherche du Girsef, N°113, juin 2018 & 115, Mai
2019
[2] Benoît Galand,
Dominique Lafontaine, Ariane Baye, Dylan Dachet, Christian Monseur – Le
redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage
scolaire – Les Cahiers des Sciences de l’Éducation 38 – 2019
[3] Hugues
Draelants – Le redoublement n’est pas un médicament – Réponses et pistes pour
une approche modérée et réflexive de son usage – Les Cahiers de recherche du
Girsef 115, mai 2019.
[4] Selon
la CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant), est enfant tout
jeune de moins de 18 ans. Nous étendrons les droits de ceux-ci à tous ceux que
l’école a retardé par des redoublements en cours de scolarité. Si leurs droits
ont été bafoués et qu’ils ont perdu des années d’adultes en devant recommencer
un an, voire plus, leurs droits doivent être préservés tout au long de la
scolarité obligatoire.
[5] Marcel Crahay – Peut-on
lutter contre l’échec scolaire 1996 et 2003
[7] Benoît
Galand, Dominique Lafontaine, Ariane Baye, Dylan Dachet, Christian Monseur – Le
redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage
scolaire – Les Cahiers des Sciences de l’Éducation 38 – 2019
[8] Hugues
Draelants – Le redoublement est-il vraiment moins efficace que la promotion
automatique ? Une évidence à réinterroger – Les Cahiers de recherche du Girsef,
N°113, juin 2018
[9] Benoît
Galand, Dominique Lafontaine, Ariane Baye, Dylan Dachet, Christian Monseur – Le
redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage
scolaire – Les Cahiers des Sciences de l’Éducation 38 – 2019
[10] PISA
est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les
pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Elle évalue
l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au
terme de la scolarité obligatoire. Les tests portent sur la lecture, la culture
mathématique et la culture scientifique.
[11] l’International
Association for the Evaluation of Educational. Les enquêtes internationales sur
les acquis des élèves sont bien antérieures à l’arrivée de PISA dans les années
2000.
[12] Source :
Baye Ariane, Chenu Florent, Crahay Marcel, Lafontaine Dominique, Monseur
Christian – Le redoublement en Fédération Wallonie-Bruxelles 2014
[13] Benoît
Galand, Dominique Lafontaine, Ariane Baye, Dylan Dachet, Christian Monseur – Le
redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage
scolaire – Les Cahiers des Sciences de l’Éducation 38 – 2019
[14] La France a diminué le redoublement de 16 %) et le Luxembourg de 9 %.
Prost[1]
a postulé que la menace de l’échec serait le moteur du travail des élèves. Et
pour que la menace soit crédible, il faut qu’elle soit appliquée sur un certain
nombre d’élèves. Bref, le redoublement ne sert pas tant aux élèves qui en sont
victimes mais à tous les autres et les professeurs auraient besoin de pouvoir
brandir cette menace pour les « faire travailler ».
Pour Prost, l’orientation
par l’échec ne constitue pas une anomalie, mais au contraire un trait
constitutif de notre système, celui-ci s’en accommode. Mieux, il en tire parti
pour faciliter son propre fonctionnement, et peut-être même cesserait-il de
fonctionner s’il cessait d’orienter par l’échec, c’est-à-dire s’il perdait le
droit de pouvoir refuser aux élèves les sanctions qu’ils demandent[2].
Cette crainte est présente chez les professeurs. L’enquête menée par Stegen[3] auprès de 263 professeurs et enseignants de la Communauté française Wallonie-Bruxelles (partie francophone de la Belgique), 62 % d’entre eux estiment que la suppression du redoublement en début de secondaire, préconisée par le Ministre de l’Education de l’époque, entraînera un nivellement vers le bas.
Selon Draelants[4]
l’attachement au redoublement en Belgique francophone satisfait des fonctions
latentes essentielles : gestion de l’hétérogénéité et tri des élèves au sein
des établissements ; positionnement stratégique et symbolique par rapport à des
établissements environnants ; régulation de l’ordre scolaire au sein des
classes ; maintien de l’autonomie professionnelle des professeurs.
Jean-Jacques Paul
et Thierry Troncin[5] se
demandant comment aseptiser, en profondeur et dans les meilleurs délais le
redoublement en France en ont conclu que les changements d’organisation, voire l’accroissement
des moyens, ne sont rien face au comportement de l’acteur essentiel à l’école qu’est
l’enseignant. Si le professeur n’adhère pas au changement, nos procédures sont
telles que peu de choses évolueront au sein de la classe.
Précisons à la décharge des professeurs adeptes du redoublement, qu’une large fraction des parents – en particulier ceux qui tirent parti de la sélectivité scolaire – manifeste un grand attachement au redoublement. Bourdieu et Passeron[6] précisent que pour certaines familles, généralement celles issues des milieux sociaux les plus privilégiées, l’échec scolaire d’une partie des élèves, l’inégalité des formations n’est pas l’échec du système d’enseignement mais au contraire le signe de sa réussite par rapport à ce qu’[ils] en attendent, c-à-d. maximiser leur position sociale au détriment des classes les plus modestes. Draelants précise que [cette] demande parentale de sélectivité, … , stimule l’offre et participe au maintien de pratiques élitistes dans certaines classes et établissements préoccupés d’attirer le public le plus ajusté aux attentes de l’école.
Pour François Dubet[7], le professeur aurait de « bonnes raisons » de croire dans les vertus du redoublement quand bien même les études démontrent largement le contraire. Dans le meilleur des cas (qui ne concerne qu’une minorité d’élèves redoublants), l’élève sera un peu « meilleur » dans son année de redoublement. Il s’agirait donc d’observation et de bon sens. En fait, le professeur compare le même élève dans la même classe alors que le chercheur procède tout autrement, en comparant deux élèves dont les niveaux ont été testés et qui sont considérés comme « identiques », dont l’un a redoublé et l’autre pas. Il démontre ainsi que le second réussit mieux. Le chercheur a incontestablement raison puisqu’il établit une comparaison scientifique mais le professeur n’a pas tout-à-fait tort de penser le contraire puisqu’il voit que « son » élève a progressé. Seulement, il ne peut le comparer à rien et de ce fait ne peut se rendre compte que le non-redoublement lui aurait été bénéfique.
Pour Dubet, il y
aurait une seconde famille de raisons qui fondent la croyance des professeurs. Ceux-ci
sauvent des croyances essentielles que l’expérience la plus banale ne confirme
pas, mais qu’il est indispensable de maintenir pour continuer à vivre dans l’école.
Ce sont des fictions nécessaires que la connaissance ne peut franchir
facilement. Le système des fictions nécessaires de l’école démocratique repose
sur deux piliers, sur deux principes considérés comme indiscutables et non
démontrables : un principe d’égalité, tous les élèves sont fondamentalement
égaux et peuvent prétendre aux mêmes choses ; un principe de mérite, fondant
des inégalités justes. Le problème tient évidemment au caractère contradictoire
de ces deux principes car, pratiquement, il convient de classer les élèves et d’affirmer
leur égalité, ce qui oblige à expliquer leurs inégalités de performances comme
les conséquences de leur liberté. Professeurs et élèves s’accordent sur cette
fiction grâce aux vertus du travail, considérant que les différences scolaires
tiennent à la quantité de travail que les élèves engagent librement dans les
exercices scolaires : tous les élèves sont égaux et les meilleurs sont ceux qui
travaillent le plus. »
Malheureusement, la
science a largement démontré l’inexactitude de cette fiction. Les élèves sont
loin d’être égaux et le travail n’est guère un gage de réussite. Dubet conclut
que les professeurs ont de « bonnes raisons » de croire dans les vertus du
redoublement mais qu’ils n’ont pas raison. Ceux-ci demeurent responsables.
Pour Hughes Draelants[8],
les grandes fonctions latentes du redoublement sont au nombre de quatre :
1. Fonction de gestion de
l’hétérogénéité et de tri des élèves au sein des établissements
Bernard Delvaux[9] a montré que dans le système éducatif belge francophone, le redoublement et l’orientation forment deux outils de gestion de la grande hétérogénéité des publics scolaires. Il contribue à l’homogénéité des classes. La suppression du redoublement en première secondaire a forcé les professeurs à devoir gérer des classes plus hétérogènes. Ce changement a compliqué le travail des professeurs qui étaient auparavant habitués à travailler avec des publics sélectionnés. La sélection des « meilleurs » élèves peut s’expliquer par une lutte contre les dégradations des conditions de travail des professeurs, au détriment de leurs collègues qui, se situant dans les enseignements techniques et professionnels, auront à gérer des élèves broyés, cassés par les ‘profs’ des « bonnes écoles ». En somme, ce que les uns ne veulent pas assumer, les autres n’auront qu’à faire avec.
2. Fonction de positionnement
stratégique et symbolique par rapport à des établissements environnants
Selon Hughes Draelants,
le redoublement peut servir de ressource stratégique à un établissement
scolaire pour se construire une place et une réputation dans le champ des
organisations scolaires locales. La production de hiérarchies d’excellence est recherchée
par certains établissements scolaires afin d’asseoir leur positionnement et leur
image au sein de l’espace d’interdépendance qui les relie aux établissements environnants.
(…) Lorsqu’un établissement utilise le mécanisme du redoublement afin de se
positionner dans un espace local, le recours (ou non) au redoublement s’inscrit
dans une double logique : instrumentale d’une part, lorsque l’établissement
vise « simplement » à occuper une place déterminée dans une hiérarchie
instituée, symbolique d’autre part, dans la mesure où se construire une place
passe aussi par le fait de se définir une image, une réputation, dans un
processus de construction d’une identité d’établissement. A cet égard, on peut
dire que le redoublement fonctionne comme un marqueur, un signal au sens des
économistes, qui en l’occurrence renvoie à l’idée de qualité.
3. Fonction de régulation de
l’ordre scolaire au sein de la classe
Nous avons vu que Prost a postulé que, selon les professeurs, la menace de l’échec serait le moteur du travail des élèves. Dans les faits, les professeurs se sont appuyés sur la pratique du redoublement afin d’asseoir leur autorité auprès des élèves. La croyance selon laquelle l’interdiction du redoublement en première secondaire allait niveler vers le bas et permettrait aux élèves de réussir sans travailler traduit une vraie tradition basée sur le principe de la menace. La remise en cause du redoublement bouleverse donc les rôles jusque-là établis et soutenus par ce dispositif, et redistribue les cartes du pouvoir. Les élèves contribuent à maintenir le système. Ceux-ci ont été formatés par les pratiques traditionnelles d’évaluation et de sélection, « un rapport essentiellement instrumental aux savoirs et à la scolarité[10] ». Bref, les élèves fonctionnent « à la note » et non aux apprentissages. Les notes sont la manière dont la plupart des professeurs évaluent – non les savoirs et les savoir-faire – mais le travail et le comportement de leurs élèves. Les élèves sont donc formatés pour ne pas apprendre mais pour « gagner des notes ». Hughes Draelants conclut qu’ « […] on peut dire que l’attachement au redoublement est d’ordre pragmatique : dans les conditions actuelles des rapports entre enseignants et élèves et dans un système qui valorise la note, il est difficile de s’en passer, de fonctionner autrement. »
Nous faisons le
pari que l’évaluation sans notations est plus performante et permet à plus
d’élèves d’acquérir les savoirs, les savoir-faire et les compétences[11].
4. Fonction de maintien de
l’autonomie professionnelle des enseignants
Pour Hughes
Draelants, si le professeur ressent une perte de pouvoir en classe dans sa relation
aux élèves, collectivement les professeurs se sentent également de plus en plus
dépossédés de leur métier compte tenu d’une pression plus forte que par le
passé émanant d’une part des autorités politiques[12]
et d’autre part des parents, des élèves et de la société en général[13].(…)
Face à (…) l’abolition des anciens repères, certains professeurs résistent afin de conserver la maîtrise de leur profession. Ainsi l’attachement manifesté par les professeurs vis-à-vis du redoublement peut aussi se comprendre comme l’expression d’un groupe professionnel qui revendique le maintien de son autonomie et une certaine vision de ce que l’Ecole doit être. Le redoublement apparaît comme un des instruments de la sélection méritocratique qui, elle-même, symbolise un certain pouvoir professoral et modèle de fonctionnement du système scolaire aujourd’hui en crise.
[1] Pierre
Prost – L’Enseignement s’est-il démocratisé? Les élèves des lycées et collèges
de l’agglomération d’Orléans de 1945 à 1980. Paris, PUF, « coll. Sociologies »,
1986, 2e éd. augmentée 1992
[2] L’orientation
par l’échec accroit la pression sélective sur les élèves, bref il ne faut pas
être orienté. Cette pression accrue permet au système scolaire de surmonter
deux obstacles majeurs de son fonctionnement : – l’écart grandissant entre
culture scolaire et son public (distance culture école/élève, usage utilitaire
qui a détruit les motivations, savoirs scolaires éloignés de l’expérience
commune…) – difficultés sociologiques (conduite de classe difficile, autorité
larguée, refus de l’univers des adultes). Donc la crainte de l’orientation est
une relation de pouvoir, de pression, sur les élèves.
[3] Pierre Stegen – Quelques éléments du contexte dans lequel s’est implantée la
réforme du premier cycle de l’enseignement secondaire. Rapport d’une recherche
commanditée par le Ministère de l’Education de la Communauté française de
Belgique. Liège : Service de pédagogie expérimentale de l’Université. 1994
[4] Hugues Draelants Le redoublement est moins un
problème qu’une solution – Comprendre l’attachement social au redoublement en
Belgique francophone Les Cahiers de Recherche en Education et Formation GIRSEF.
[5] Jean-Jacques
Paul et Thierry Troncin. Les apports de la recherche sur l’impact du
redoublement comme moyen de traité les difficultés scolaires au cours de la
scolarité obligatoire. Rapport 14, Haut conseil de l’évaluation de l’école
(HCéé), Décembre 2004.
[6] P. Bourdieu et J-C Passeron – La reproduction :
éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris : Les Editions
de Minuit 1970
[7] François Dubet –
Pourquoi ne croit-on pas les sociologues ? Education et société, 2002
[8] Hugues
Draelants Le redoublement est moins un problème qu’une solution – Comprendre
l’attachement social au redoublement en Belgique francophone Les Cahiers de
Recherche en Education et Formation GIRSEF.
[9] Bernard Delvaux, Orientation et redoublement : recomposition de deux outils de
gestion des trajectoires scolaires. In G. Bajoit (dir), Jeunesse et société :
la socialisation des jeunes dans un monde en mutation, De Boeck Université.
2000
[10] B. Charlot – Du rapport au savoir. Eléments pour une
théorie. Paris : Anthropos 2002
[11] Philippe
Perrenoud – La fabrication de l’excellence scolaire : du curriculum aux
pratiques d’évaluation. Vers une analyse de la réussite, de l’échec et des
inégalités comme réalités construites par le système scolaire Genève, Droz,
1984, 2e édition augmentée 1995.
[12] Christian
Maroy, Branka Cattonar – professionnalisation ou déprofessionnalisation des enseignants
? Le cas de la Communauté française de Belgique. Cahier de recherche du Girsef
18 – 2002
[13] N. Dauphin et M. Verhoeven – La mobilité scolaire au
cœur des transformations du système scolaire. Cahiers de recherche en éducation et formation – 2002
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