La conception universelle de l’apprentissage (CUA) s’inspire de l’universal design, terme architectural qui, dès le début de sa conception, s’assure qu’un équipement, un environnement ou un lieu soient accessible à toutes et tous[1]. L’objectif est de réfléchir, dès les premiers pas du projet, aux difficultés qui pourraient se présenter aux utilisateurs potentiels. Cela permet d’établir des plans proactifs qui répondent à un besoin avant même que celui-ci ne se manifeste (ascenseur, mains courantes, rampes d’accès, panneaux en braille, etc.).
La conception universelle de l’apprentissage
(CUA) prend exemple sur ce concept pour prévoir la planification rigoureuses
des difficultés qui pourraient se présenter afin de mettre en place
préalablement les aménagements pédagogiques, organisationnels et physiques qui
seront indispensables pour permettre à tous les élèves d’accéder à tous les
apprentissages qu’ils seront capables d’acquérir en enseignement inclusif. En
pédagogie, cette notion a été conceptualisée par l’expression Universal Design for Learning dont la
traduction la plus répandue en français est la Conception universelle de l’apprentissage. Kame’enui
et Simmons[2]
utilisent l’expression « rampe
cognitive » pour montrer à quel point l’universal design peut s’appliquer à l’éducation. Par définition, la
CUA vise tous les types d’apprentissages et de connaissances.
La Conception universelle de l’apprentissage est une macrostratégie. Autrement dit, elle a pour objectif d’assurer une cohérence interne à l’ensemble de la démarche pédagogique dans le cadre des apprentissages (que ce soit une leçon spécifique, une série de cours ou tout le programme d’une année). Selon Reigeluth et Keller[3], les macrostratégies consistent à « définir une direction générale ou une trajectoire pour l’instruction et comprennent des composants plus précis ou détaillés » (traduction libre). Ces deux auteurs comparent une macrostratégie à une molécule composée d’atomes. Ces derniers représentent les microstratégies qui sont les différentes démarches d’enseignement-apprentissage. Le rôle de la macrostratégie est d’organiser l’ensemble de la démarche pédagogique en s’appuyant sur les microstratégies, afin d’en assurer la pertinence, la cohérence et de planifier leur mise en œuvre.
La gestion d’une classe hétérogène comme l’est une classe inclusive est complexe car cette hétérogénéité doit être gérée, non en « normalisant » les élèves comme cela se fait dans l’enseignement traditionnel, mais au contraire dans une perspective de dénormalisation où les élèves peuvent « vivre pleinement leurs différences sans avoir à les modifier pour être acceptés en société.[4] » La classe doit être pensée comme un lieu où se côtoient autant de différences qu’il y a d’élèves. On propose donc aux élèves diverses adaptations environnementales adaptées à leurs besoins, mais également diverses formes d’enseignement adaptées aux difficultés de tous les élèves, afin de permettre à tous d’acquérir les différents savoirs enseignés.
La CUA opère une rupture avec l’enseignement frontal (ou « traditionnel ») davantage centré sur la transmission des savoirs, planifié en fonction du groupe-classe et tenant peu compte de la diversité des élèves[5], voire est réfractaire à répondre aux besoins diversifiés de l’ensemble des élèves[6], qu’ils aient ou non des besoins particuliers.
La nécessité de prendre en compte la diversité des élèves implique donc une rupture radicale avec l’école de l’échec en s’ouvrant à une variété d’approches pédagogiques et organisationnelles favorisant le développement du potentiel de chaque élève. Il ne s’agit nullement de complexifier le travail des enseignants mais au contraire de l’alléger. On ne passe pas d’un système frontal à la pédagogie universelle d’un coup de baguette magique. Cela se fait progressivement, pas à pas. Aussi, la variété des pratiques s’apprend en douceur. Le plus important est d’avoir la volonté d’y arriver (seul ou en équipe) et de tenir le cap avec détermination. L’objectif qui doit être visé dès le départ est d’être assez flexible (en offrant une variété de stratégies et de ressources pédagogiques) pour permettre à chaque « élève », en fonction de son profil, d’acquérir un apprentissage.
En somme, il s’agit d’imiter l’architecte qui, dès le premier coup de crayon, imagine des solutions à toutes les difficultés que des personnes, quelles que soient leurs spécificités, pourraient rencontrer dans le bâtiment qu’il conçoit. Le défi est donc d’anticiper et de donner, dès le début d’un apprentissage et en plus de l’accompagnement de l’enseignant, tous les outils aux élèves pour atteindre les objectifs fixés.
La Conception universelle de l’apprentissage comprend 3 principes qui permettent de mettre en place un programme d’enseignement-apprentissage visant à permettre à chaque élève d’acquérir tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être que lui transmettent un/des enseignant(s).
1. Le « QUOI » (Les acquis).
Ou, qu’est-ce que je veux apprendre aux élèves et comment est-ce que je transmettrai ce(s) savoir(s)?
Il s’agit d’offrir plusieurs moyens de représentation. Tous les élèves
n’apprennent pas de la même manière. Il est important de se questionner sur les
représentations et le rapport aux savoirs. Comment ? D’abord, en veillant
à ce qu’ils comprennent. Certains élèves ont un déficit d’attention ou un
trouble du langage qui les défavorise face à des explications verbales.
D’autres ont besoin de voir ou de faire pour comprendre. Il faut donc utiliser
des modes de présentation adaptés et ne pas se contenter d’informations
uniquement auditives ou visuelles ;
Enfin, l’école utilise une langue qui n’est pas accessible à tous. Une
sorte de langue d’ « initiés » (vocabulaire, structure, syntaxe
propres à l’école) que seuls les enfants venant de familles
« initiées » (qui, elles-mêmes, ont réussi un parcours scolaire pour
lequel elles ont – déjà – été bien préparées dans des familles
« initiées ») peuvent comprendre ou se la faire traduire à la maison.
L’important sera de clarifier le vocabulaire, d’aider au décodage des symboles
et d’illustrer les notions à l’aide de plusieurs supports.
De même il est important d’aider à la compréhension, par exemple en
faisant ressortir les points importants et en établissant les relations qui
lient les différentes notions.
La CUA s’adapte à tous ses élèves, non pas en parlant un langage
enfantin, mais en permettant à tous les élèves de comprendre ce langage
d’ « initiés » et à l’utiliser et en variant les modes de
présentation. On n’apprend pas un concept, une langue, une notion, de la même
manière que son voisin. Selon les difficultés d’apprentissage des élèves, il
sera nécessaire de varier les explications en s’adaptant à chaque enfant. Par
exemple, en sollicitant différents sens, en personnalisant les apprentissages
et en multipliant les moyens de représentation. Un des plus grands défis associé à la gestion de la diversité en classe
est de maintenir des exigences élevées pour tous les élèves afin de favoriser
la progression de tous, et ce, au mieux de leurs capacités[7].
Enfin (mais tout est
lié sans hiérarchie), en activant les connaissances antérieures. Et, pour
reprendre le concept de Lev Vigotsky, en restant dans leur zone proximale de
développement (et donc d’apprentissage). La zone proximale de développement est
déterminée par « la disparité entre l’âge
mental, ou le niveau de développement présent, qui est déterminé à l’aide des
problèmes résolus de manière autonome, et le niveau qu’atteint l’enfant quand
il résout des problèmes non plus tout seul mais en collaboration [8]. »
Comme le tableau
ci-après le montre, l’objectif du « QUOI » est de former des apprenants débrouillards, bien informés
et compétents.
Le « COMMENT » (Les méthodes)
Ou, comment rendre les élèves actifs en leur offrant plusieurs moyens d’action et d’expression.
La CUA a pour
objectif de créer une culture
d’apprentissage où la diversité est acceptée et où les élèves sont invités à
démontrer leurs connaissance de différentes façons[9]. L’idée
est de proposer aux élèves un éventail de possibilités pour faire la démonstration
de leurs savoirs, et ce, dans diverses situations.
On n’apprend pas en ne s’impliquant pas dans ses apprentissages. Ceux-ci
peuvent s’apprendre seul ou avec d’autres élèves du groupe-classe. La
coopération entre pairs est importante pour favoriser l’acquisition des savoirs
chez tous les élèves. Lorsqu’on s’implique activement, on apprend plus et
mieux. De même, l’utilisation d’outils (technologiques ou non) de soutien
renforce l’autonomie dans les apprentissages.
Il s’agit de réfléchir aux différents moyens qui seront mis à la
disposition des élèves pour s’exprimer et communiquer et de les former à
l’utilisation de ceux-ci par un accompagnement. Ces moyens sont aussi variés
que peut l’être l’imagination humaine : écrits ou oraux, en passant par la
poésie, le courriel, la (re)présentation graphique, l’exposé, le jeu de rôle,
le dessin, la peinture, la création d’affiches, …
L’élève sera progressivement capable de se fixer des objectifs réalistes
et appropriés et d’en évaluer les résultats. Ceci aussi, demande un
accompagnement progressif, qui commence dès les petites classes.
L’objectif du « COMMENT » est de former des apprenants centrés sur des objectifs stratégiques (voir le
tableau plus bas).
LE « POURQUOI » (l’affectif)
Ou, comment motiver les élèves.
La motivation est une des clefs de l’acquisition des savoirs. L’objectif
du « POURQUOI » est d’inciter les élèves à relever les défis proposés
par l’enseignant et donc, de chercher à développer leur motivation à apprendre,
et par là-même, à s’engager davantage dans les activités pédagogiques.
La motivation passe aussi par la possibilité de faire des choix
individuels, ce qui participe également de l’autonomie de chaque enfant et donc
aussi de la possibilité d’apprendre seul ou en équipe coopérative. Il est
important d’encourager la collaboration et le tutorat entre pairs au sein de la
communauté de la classe. Les élèves doivent pouvoir choisir les apprentissages
qu’ils veulent faire, parmi un choix proposé par l’enseignant ou guidé par lui.
De même, l’autonomie est indissociable de l’auto-évaluation. On ne peut
apprendre réellement que si on est capable de juger, par soi-même, si les
objectifs fixés sont atteints ou non.
Comme vous le
lirez ci-dessous, l’objectif du « POURQUOI » est de former des apprenants motivés et déterminés.
clic droit, puis afficher l’image
Le design de
l’environnement d’apprentissage
La pédagogie universelle tient compte également de l’environnement
scolaire, que ce soit de l’école ou de la classe. Si les bâtiments, les cours
de récréation dégenrées, les lieux communs (réfectoire, toilettes, couloirs, …)
sont adaptés à tous les élèves quelles que soient leurs problèmes de mobilité,
la classe doit également être adaptée.
Dans une classe, il est possible de regrouper les élèves de manières
multiples et variées en fonction des apprentissages de chacun. La classe doit
être flexible et permettre les regroupements en fonction des activités de
chaque élève. Ces activités peuvent être différentes, voire complexes (tout le
monde ne doit pas apprendre la même chose et en même temps que les autres). Une
classe inclusive comporte du matériel divers susceptible de les aider dans les
divers apprentissages auxquels ils seront confrontés.
Léna Bergeron, Nadia Rousseau et Martine Leclerc[10]
(2011) proposent quelques lignes directrices pour aider les enseignants qui
souhaitent se lancer dans la pédagogie universelle et ainsi adapter leur classe
pour favoriser la réussite de tous leurs élèves. Ces lignes directrices sont :
une variété de matériel
pédagogique sollicitant tous les sens ainsi que la flexibilité dans le choix
des ressources matérielles qui sont adaptées à un large éventail d’apprenants,
et ce, indépendamment de leurs styles d’apprentissage, capacités ou handicaps ;
une simplicité dans la
communication des attentes élevées, dans la diffusion de l’information, dans
les consignes liées aux activités pédagogiques ainsi que dans la rétroaction à
la suite d’une tâche effectuée. Cette communication simple, précise et
cohérente doit soutenir les apprentissages, indépendamment des expériences, des
connaissances, des compétences langagières et du niveau de concentration des
apprenants ;
la tolérance à
l’erreur pour limiter les conséquences fâcheuses occasionnées par une action
malhabile et accidentelle ;
l’accès à un
environnement éducatif qui promeut les interactions et la communication entre
les élèves, et entre les élèves et les intervenants scolaires; et finalement,
un climat
d’apprentissage invitant et inclusif où les attentes sont élevées, et ce, pour
chacun des apprenants. L’aménagement physique ainsi que la mise en place d’un
contexte éducatif susceptible de soutenir tous les élèves, indépendamment de
leurs besoins, apparaît comme une spécificité importante de la pédagogie
universelle. Tout comme l’architecte est soucieux de l’environnement, la
pédagogie universelle implique que l’enseignant le soit tout autant[11].
Le design de
l’instruction (Universal
Design for instruction)
Tout comme on adapte un bâtiment en prévision des difficultés que
rencontreront ses usagers, quelles que soient leurs spécificités, les activités
pédagogiques sont choisies en fonction de la variété des besoins des élèves,
quels qu’ils soient et quelles que soient leurs spécificités. L’idée n’est pas
de réinventer la roue, mais de s’informer et de se former (cela peut être par
des lectures ou des formations en présentiel) à diverses approches pédagogiques
validées comme, par exemple, la pédagogie coopérative[12] ou
toutes les pédagogies validées par des recherches en sciences de l’éducation,
la différenciation pédagogique, etc.
Un design pédagogique, ça se planifie
La première étape consiste à se fixer les objectifs que l’on désire
atteindre à la hauteur de la capacité de chacun des élèves, sans exception (en
respectant la zone proximale de développement décrite par Lev Vygotsky[13]).
Autrement dit, il s’agit de définir l’intention pédagogique (contenu et sujet
de l’apprentissage) en fonction des savoirs essentiels que l’on veut
transmettre et donc des compétences à développer chez les élèves. Il est
important de distinguer les apprentissages qui doivent être acquis par tous les
élèves, des apprentissages pour lesquels des nuances sont possibles en fonction
des spécificités des apprenants.
La seconde étape consiste à analyser la situation de la classe,
autrement dit, son profil en tenant compte des spécificités des élèves et des
objectifs poursuivis et définir les modes d’évaluation (essentiellement
formatifs). L’évaluation formative
continue[14]
permet à tout moment à un enseignant de savoir où en est chaque élève avec une
précision quasiment chirurgicale. A partir de ce moment, il lui est aisé de
choisir les méthodes pédagogiques et les outils adéquats à proposer aux élèves.
La (re)connaissance des besoins diversifiés des différents élèves de la
classe est une étape incontournable pour créer les conditions d’apprentissage
les plus favorables possibles à la réalisation des objectifs fixés plus haut. Cependant,
il ne faut jamais oublier que l’élève est un partenaire et non un assisté. Il
doit être informé des aménagements raisonnables qui sont mis en place pour lui
et le responsabiliser afin qu’il soit pleinement acteur de ses apprentissages.
Renzaglia, Karvonen, Drasgow et
Stoxen[15]
précisent que les pratiques inclusives doivent s’assurer de :
promouvoir chez
l’élève la prise de contrôle individuel sur sa propre vie ;
fournir des occasions
et la possibilité de faire des choix et
donner à l’élève le
pouvoir de défendre son choix. Il est indéniable qu’une bonne connaissance de
soi devient un atout essentiel dans le rôle que les élèves peuvent jouer au
long de leur processus d’apprentissage en contexte de pédagogie universelle.
La troisième étape consiste à mettre en œuvre la situation
d’apprentissage. Il s’agit de planifier les diverses situations
d’enseignement-apprentissage au regard des deux axes propres à la pédagogie universelle :
les interventions
pédagogiques prévues en fonction des points forts et difficultés des élèves de
la classe, mais aussi de leur intérêt et de leurs besoins ;
le contexte
d’apprentissage nécessaire à favoriser la réussite de tous.
La quatrième et dernière étape consiste à mettre en œuvre l’apprentissage
selon les principe de la CUA. C’est le moment, pour les élèves de se sentir
impliqués dans l’apprentissage et de pouvoir s’y investir pleinement.
L’enseignant doit alors évaluer avec précision la progression de chaque élève
en tenant compte de ses spécificités et, le cas échéant, apporter l’aide
adaptée à chacun.
La Conception
universelle d’apprentissage a des avantages pour tous les acteurs
L’universal design apporte des
bénéfices considérables à tous les acteurs, élèves comme enseignants[17]. Les
recherches empiriques menées aux Etats-Unis, berceau de l’universal design sont encourageantes. Elles
ont montré les divers avantages de la CUA, tant pour les étudiants que pour les
enseignants.
Bienfaits pour les élèves
Au niveau des enfants, McGuire-Schartz et Ardnt[18]
(2007) ont mis en évidence une progression évidente, une meilleure
accessibilité aux savoirs et une hausse de la motivation et de l’engagement.
Une recherche au niveau de la lecture, menée dans une école secondaire[19],
a montré une nette amélioration des performances des élèves qui présentaient
auparavant des difficultés. L’enseignant
qui participait à la recherche a modifié son regard sur ses élèves. Auparavant,
il attribuait l’échec de ses élèves à leur manque de préparation ou à des
aptitudes limitées. La mise en œuvre de la
pédagogie universelle lui a permis de prendre conscience de l’importance
des barrières à l’apprentissage qui empêchent la réussite de nombreux élèves.
Dans une autre recherche[20]
portant sur l’enseignement post-secondaire, les étudiants ont constaté que
leurs professeurs étaient plus enclins à présenter l’information dans des
formats différents après avoir suivi une formation, et procuraient plus
d’alternatives électroniques aux documents papier, ce qui leur permettait de
réaliser leurs travaux en ligne.
Dans des études portant sur les enseignements secondaire et primaire,
les perception d‘élèves allaient dans le même sens : ils étaient nombreux
à considérer que leurs professeurs utilisaient des approches personnalisées qui
favorisaient leur participation[21].
Sur le tutorat par les pairs, des chercheurs[22]
de Colombie-Britannique ont démontré que l’enseignement individuel ou en groupe
présente plus d’effets positifs sur l’apprentissage et la réussite de tous les
élèves, qu’ils présentent des situations de handicap ou non.
L’apprentissage coopératif favorise davantage l’apprentissage de tous
les élèves et augmente les aptitudes sociales et la communication des élèves,
notamment ceux qui sont en situation de handicap[23].
En conclusion, les élèves et étudiants interrogés dans le cadre des
recherches sur la Conception universelle
des apprentissages estiment que les professeurs formés à la CUA donnent des
cours de meilleure qualité, estimant que les stratégies mises en œuvre sont
autant d’outils leur facilitant les apprentissages, tant pour les élèves à
besoins particuliers que pour les autres, et adhèrent aux principes de la CUA[24].
Bienfaits pour les enseignants
Selon les recherches, la pédagogie
universelle aurait un impact positif sur leur changement de perception quant à la
réussite des élèves et à l’accès aux savoirs de ces derniers[25],
tout comme le repérage des besoins spécifiques des élèves[26].
De même, la CUA permettrait aux enseignants de mieux différencier les élèves
qui sont réellement à risques de ceux qui ne vivent que des difficultés
temporaires ou qui ont un curriculum problématique[27].
Le fait de l’importance accordée à la
planification de la pédagogie universelle, de la flexibilité laissée à la
compétence de l’enseignant dans les interventions et les ressources mises à
disposition des élèves, les accommodations mises en place avant même le début
des activités, la CUA contribuerait à
abaisser le stress des enseignants[28].
De même, les activités d’apprentissage devenant plus faciles pour les élèves
qui, de leur côté s’y investissent plus et mieux, rend les enseignants plus
enthousiastes pour proposer de telles manières de faire[29].
La technologie.
Même si tout ne repose pas sur elle, de
nombreuses écoles qui utilisent la CUA mettent des outils technologiques à
disposition de leurs élèves. L’intérêt de ceux-ci est qu’ils peuvent augmenter
l’accessibilité à certaines notions, voire tout simplement à certains documents
(pensons aux personnes malvoyantes ou malentendantes). La question des moyens
se posera à de nombreuses écoles. Il est évident que le budget informatique,
par exemple, est totalement insuffisant pour équiper tous les élèves. Mais
chaque classe peut avoir 3-4 ordinateurs qui sont à disposition des élèves.
Tout comme la CUA ne se met pas en place
du jour au lendemain – il faut se former et tester les outils pédagogiques
progressivement – les outils technologiques suivront naturellement le même
chemin. Il est important qu’ils soient implantés adéquatement au risque d’avoir
l’effet inverse de celui recherché et de devenir nuisibles. Avant de se lancer,
il est important que l’enseignant ou l’équipe pédagogique cherche à savoir les
avantages des multiples options technologiques et comment elles peuvent
maximiser les apprentissages. Cependant, il est important d’être très attentif
au choix de la technologie choisie. Toutes ne sont pas inclusives et peuvent
être révélatrices de handicaps à l’insu de l’enseignant. Par exemple un outil
qui lirait les textes mais ne lirait pas les images et les graphiques.
La liste d’outils technologiques possibles
que voici est loin d’être exhaustive : agendas ou dictionnaires
électroniques, calculatrices (graphiques, voire parlantes), correcteurs
orthographiques, écrans tactiles, enregistreurs numériques, horloges
numériques, livres audios ou numériques, outils de synthèse vocale et de
numérisation, prédicteurs de mots, systèmes de reconnaissance vocale, tableaux
blancs interactifs, projecteurs data, tablettes électroniques ou ordinateurs,
téléphones intelligents, baladeurs, ….
Il est important de réfléchir, dès la
conception, à leurs avantages en ayant en tête les forces des élèves et ce afin
de choisir les logiciels et applications les plus pertinents et les mieux
adaptés aux défis qu’ils seront amenés à affronter.
La Pédagogie universelle ne
pratique pas la sélection.
La pédagogie universelle est d’une grande
richesse tant pour les élèves que pour les enseignants. Ces derniers ne sont
plus seuls à enseigner mais tout le monde enseigne à tout le monde, en mode
coopératif. Il s’agit donc bien d’une classe coopérative. Dans ce cadre, la
compétition n’a pas sa place et il n’est plus question de classer et
sélectionner les élèves comme cela se fait dans l’enseignement
« traditionnel » frontal.
Le droit à l’erreur est dans les fondements mêmes d’une classe inclusive. Chaque élève est différent, apprend différemment, et parfois ne va pas aussi vite que les autres, ou tout simplement n’en a pas les mêmes capacités intellectuelles. Ce dernier doit rester dans la classe de son âge tout au long de sa scolarité, mais avec d’autres objectifs pédagogiques. Dans ces conditions, il est impossible de comparer les élèves entre eux et d’établir une hiérarchie de points dont le seul objectif est – et a toujours été – la sélection d’une « élite » et le rejet vers d’autres filières de ceux qui les serviront plus tard.
Les évaluations sanctions n’ont d’autre but que d’éjecter en dehors de la vie scolaire les élèves à besoins spéciaux, les plus faibles, les plus lents, ceux qui ont le plus besoin d’aides ou qui proviennent de milieux sociaux défavorisés. L’enseignement « traditionnel » n’est plus approprié à l’école d’aujourd’hui. Il ne l’a jamais été, d’ailleurs. Cet enseignement a toujours été en échec, incapable de transmettre tous les savoirs à tous les élèves en fonction de leurs spécificités et en faire des citoyens aptes à comprendre le monde et à vouloir le faire évoluer vers plus de justice. En ne leur montrant que ce qu’est l’injustice, il est évidemment difficile d’en faire de vrais citoyens.
L’école doit donc se trouver un nouveau
projet éducatif qui vise la réussite de tous et refuse la compétition et la
sélection. Chaque élève est unique et a un grand potentiel qui doit être
révélé. Et ce, même chez les enfants avec une déficience intellectuelle modérée
à sévère. A ce titre, la pédagogie universelle constitue un moyen pour arriver
à créer des écoles plus humaines.
En pédagogie universelle (comme dans toutes
les pédagogies nouvelles, d’ailleurs)
il n’y a pas cette sélection. Tout le monde est un génie, même s’il est
différent. Il y a du génie dans tout être humain et les enseignants en sont
convaincus. Laissons donc tomber ces vieilles habitudes de mettre des points et
évaluons exclusivement de manière formative. L’important n’est pas de savoir
qui a le mieux acquis un savoir, mais qui ne l’a pas encore suffisamment
acquis. C’est celui-là qu’il faut aider ! Et ne pas avancer plus vite que
ce que peuvent faire ceux qui ont le plus de difficutés. Avec l’aide des autres
élèves, par le tutorat, les progrès seront rapides.
La pédagogie universelle se marie
particulièrement bien avec d’autres pédagogies validées, notamment toutes
celles qui sont axées sur la coopération (sans être exhaustif, la plupart des
courants de la « pédagogie nouvelle » : L’école démocratique et
coopérative de Dewey, l’éducation fonctionnelle de Claparède, l’école de Maria Montessori,
L’école nouvelle et active de Ferrière, les pédagogies coopératives de Célestin
Freinet et de Fernand Oury, ou pédagogie institutionnelle. On peut en ajouter
d’autres comme la pédagogie active d’Ovide Decroly, par exemple). Ces dernières
sont les précurseurs de la pédagogie universelle, en ce sens que leur objectif
était bien de permettre à tous les élèves de progresser le plus loin possible
en fonction de leurs possibilités. Certaines de ces pédagogies ont été fondées
pour aider précisément les enfants à besoins particuliers, qu’ils aient un
handicap ou proviennent de milieux populaires.
[1] CAVENAGHI, U.,
SENÉCAL, I. Osons
l’école, Montréal
(Québec), Éditions Château d’encre, 2017
[2] KAME’ENUI, E.J., SIMMONS, D.C. Toward Successful Inclusion of Students
with Disabilities: The Architecture of Instruction. Reston, VA : ERIC/OSEP
Mini-Library, vol. 1, 1999.
[3] Reigeluth, C. M., & Keller, J. B. (2009). Understanding
Instruction. In C. M. Reigeluth & A. A. Carr-Chellman
(Eds.),
Instructional-Design Theories and Models (pp. 27-39). New York & London:
Routledge, Taylor and Francis Publishers Group.
[4] AUCOIN, A. et VIENNEAU, R. (2010). Inclusion scolaire et
dénormalisation. Dans Nadia Rousseau (dir.), La pédagogie de l’inclusion
scolaire : pistes d’action pour apprendre tous ensemble (p. 63-86). Québec :
Presses de l’Université du Québec.
[5] TOMLINSON, C. A., BRIGHTON, C., HERTBERG, H., CALLAHAN, C. M., MOON,
T. R., BRIMIJOIN, K. et al. (2003). Differentiating instruction in response to
student readiness, interest, and learning profile in academically diverse
classrooms: A review of literature. Journal for the Education of Gifted,
27(2-3)
[6] JACKSON, R., HARPER, K. et JACKSON, J. (2002). Effective Teaching
Practices and the Barriers Limiting Their Use in Accessing the Curriculum: A
Review of Recent Literature. National Center on Accessing the General
Curriculum (NCAC).
[7] ROSE, D. H. et MEYER, A. (2002). Teaching Every Student in the Digital
Age: Universal Design for Learning. Alexandria, VA : Association for
Supervision and Curriculum Development.
[8] Lev Vygotski, Pensée et Langage Terrains / Éditions Sociales, 1985
[9] JORGENSEN, C. M. et WEIR, C. (2002). Reflections on teaching. Equity
& Excellence in Higher Education Newsletter. [
[10] L Bergeron, N Rousseau, M Leclerc, La pédagogie universelle : au cœur
de la planification de l’inclusion scolaire, Association canadienne d’éducation
de langue française, 2011
[11] L Bergeron, N Rousseau, M Leclerc, La pédagogie universelle : au coeur
de la planification de l’inclusion scolaire, Association canadienne d’éducation
de langue française, 2011
[13] Lev Vygotski, Pensée et Langage Terrains / Éditions Sociales, 1985
[14] En CUA, comme dans toutes les pédagogies actives, on évalue
constamment les élèves de manière formative. Cela permet à l’enseignant de
savoir à tout moment qui sait quoi. L’objectif n’est jamais de sanctionner un
apprentissage mais de savoir ce qu’il faut mettre en place pour aider un élève
qui n’a pas atteint les objectifs fixés, puis à quel moment, on peut passer à
l’apprentissage suivant.
[15] RENZAGLIA, A., KARVONEN, M., DRASGOW, E. et STOXEN, C. (2003).
Promoting a Lifetime of Inclusion. Focus on Autism and Other Developmental
Disabilities, 18(3)
[16] Isabelle Senécal, Cathy Brazeau, Isabelle Quirion – La pédagogie
inclusive : conception universelle de l’apprentissage
[17] DALTON, B. et COYNE, P. (2002). Universally Designed Digital Picture
Books to Support Beginning Reading in Children with Cognitive Disabilities.
52nd Annual Meeting of the National Reading Conference. San Antonio, TX.
MCGUIRE-SCHWARTZ,
M. et ARNDT, J. (2007). Transforming universal design for learning in early
childhood teacher education from college classroom to early childhood
classroom. Journal of Early Childhood Teacher Education, 28(2)
WEHMEYER, M.
L., SMITH, S. J. et DAVIES, D. K. (2005). Technology use and students with
intellectual disability: Universal design for all students. Dans D. Edyburn, K.
Higgins et R. Boone (dir.), Handbook of Special Education
Technology
Research and Practice (p. 309-323). Wisconsin : Knowledge by Design.
ROSE, D. H.,
HASSELBRING, T. S., STAHL, S. et ZABALA, J. (2005). Assistive technologie and
universal design for learning: Two sides of the same coin. Dans D. Edyburn, K.
Higgins et R. Boone (dir.), Handbook of Special Education Technology Research
and Practice (p. 507-518). Wisconsin : Knowledge by Design.
[18] MCGUIRE-SCHWARTZ, M. ET ARDNT, J. (2007). Transforming universal
design for learning in early childhood teacher education from college classroom
to early childhood classroom. Journal of Early Childhood Teacher Education,
28(2), 127-139.
[19] MEO, G. (2008). Curriculum planning for all learners : applying
universal design for learning (UDL) to a high school reading comprehension
program. Preventing School Failure 52(2)
[20] SCHELLY, C. L., DAVIES, P. L., & SPOONER, C. L. (2011). Student
Perceptions of Faculty Implementation of Universal Design for Learning. Journal
of Postsecondary Education and Disability, 24(1)
[21] ABELL, M.M., JUNG, E., & TAYLOR, M. (2011). Students’ perceptions
of classroom instructional environments in the context of ‘Universal Design for
Learning’. Learning Environments Research, 14
[22] LOGAN, K.R., BAKEMAN, R., KEEFE, E.B. (1997). Effects of instructional
variables on engaged behavior of students with disabilities in general
education classrooms. Exceptional Children, 63
[23] KING-SEARS, M. E., & CUMMINGS, C. S. (1996). Inclusive practices
of classroom teachers. Remedial and Special Education, 17
[24] MCGUIRE, J. ET SCOTT, S. (2006). An approach to inclusive college
environments: Universal design for instruction. Learning Disabilities: A
multidisciplinary Journal, 14
MCGUIRE-SCHWARTZ,
M. ET ARDNT, J. (2007). Transforming universal design for learning in early
childhood teacher education from college classroom to early childhood
classroom. Journal of Early Childhood Teacher Education, 28(2)
ZHANG, Y.
(2005). A collaborative professional development model : Focusing on universal
design for technology utilization. ERS Spectrum, 23(3)
PARKER, D.
R., ROBINSON, L. E. ET HANNAFIN, R. D. (2007-2008). « Blending » technology and
effective pedagogy in a core course for preservice teachers. Journal of
Computing in Teacher Education, 24(2)
[25] KORTERING, L. J., MCCLANNON, T. et BRAZIEL, P. (2008). Universal
Design for Learning: A look at what algebra and biology students with and
without high incidence conditions is saying. Remedial and Special Education,
29(6)
[26] KORTERING, L. J., MCCLANNON, T. ET BRAZIEL, P. (2008). Universal
Design for Learning: A look at what algebra and biology students with and
without high incidence conditions is saying. Remedial and Special Education,
29(6)
[27] STRANGMAN, N. HITCHCOCK, C., HALL, T., MEO. G. ET COYNE, P. (2006).
Response-to-Instruction and Universal Design for Learning: How Might They
Intersect in the General Education Classroom? Washington : The Access Center.
[28] BERGERON, L., ROUSSEAU, N. & LECLERC, M. (2011). La pédagogie
universelle : au coeur de la planification de l’inclusion scolaire. Éducation
et francophonie, 39(2)
[29] HARRIS, C. R., KAFF, M. S. et ANDERSON, M. J. (2007). Designing
flexible instruction. Principal Leadership, 7(9)
L’accueil des enfants « à besoins spécifiques », qu’ils soient porteurs de déficiences intellectuelles, voire physiques, ou de grandes difficultés d’apprentissage (ayant une ‘dys’) se heurte encore à un certain scepticisme de la part de nombreux professionnels de l’enseignement comme de parents d’enfants n’ayant aucune de ces difficultés. Pourtant, de nombreuses études en ont démontré les bienfaits[1]. Même s’ils en reconnaissent l’intention louable, les notions d’équité, de Droit, de démocratisation et d’intégration dans une société plus inclusive sont régulièrement remises en cause[2].
S’il y a parfois la peur irraisonnée d’un « nivellement par le bas », il faut bien avouer que les concepts d’intégration et d’inclusion sont encore très flous dans la société en général et a fortiori pour de nombreux professionnels qui confondent les deux notions. Si celles-ci se complètent dans une démarche éducative (on « intègre » un enfant dans une « école inclusive »), ce sont des notions bien différentes.
En français, le terme intégration est relativement bien compris (il vient du bas latin integratio, dérivé lui-même du latin integrare qui veut dire « recréer, réparer, remettre en état », la notion d’introduire un élément dans un ensemble date de 1919[3]).
Lorsqu’on
parle d’un processus qui concerne des êtres humains, le terme inclusion n’est guère utilisé en
français[4]. Il l’est, par contre dans les pays anglo-saxons,
souvent couplé à l’expression éducation
inclusive, reprise de plus en plus par les organismes internationaux
(Plaisance, Belmont, Vérillon, Schneider 2007). « Une des difficultés dans ce débat réside dans le fait
que cette expression, ainsi que celle d’intégration, n’ont pas exactement la
même signification dans les différents pays et que chacune d’elles est même
parfois utilisée dans plusieurs acceptions. Le terme d’inclusion et celui
d’éducation inclusive sont parfois assimilés, en France, à des pratiques
d’accueil qui se limiteraient à placer des élèves handicapés en milieuordinaire, sans aucune réflexion sur les conditions
nécessaires à cet accueil. En Angleterre, c’est plutôt sous le terme
d’intégration que l’on désigne cette seule présence physique, alors que le
terme d’inclusion implique une appartenance pleine et entière à la communauté
scolaire. En Italie, intégration est encore couramment utilisé, alors que la
politique éducative se place résolument dans la perspective de ce qu’on appelle
ailleurs école inclusive. De plus, dans des pays qui ont adopté la terminologie
de l’inclusion, comme l’Angleterre, certaines des pratiques continuent pourtant
à relever de l’intégration.En France, on
préfère parler d’école pour tous.[5] »
En Communauté française de Belgique, on utilise le terme intégration depuis que le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé coordonne l’intégration des élèves dans l’enseignement ordinaire[6]. L’élève doit bénéficier d’aménagements raisonnables et reçoit quelques aides (transports gratuits, 4 périodes d’accompagnement par un enseignant de l’enseignement spécialisé et, si besoin, des aides matérielles de la part de Phare[7] ou de l’Aviq[8]). La problématique de l’intégration, est qu’elle ne concerne qu’un nombre restreint d’élèves et est complexe à mettre en œuvre. Il faut préalablement obtenir l’accord de deux écoles (l’école ‘ordinaire’ et l’école spécialisée) et de leurs deux CPMS[9].
⚠ Addendum : Depuis juillet 2020, la suppression de l’intégration temporaire totale a modifié le Décret. Les enfants ayant une déficience intellectuelle ou comportementale ne pourront plus bénéficier de l’intégration permanente totale sans avoir passé préalablement un an dans l’enseignement spécialisé. La création de futurs Pôles territoriaux (qui se fait attendre) devrait aider les écoles d’enseignement ordinaire à aider les enfants à besoins spécifiques via les aménagements raisonnables et assurer le suivi des intégrations permanentes totales, dont on se sait pas encore si elles bénéficieront toujours du même encadrement. En somme, les convoyeurs attendent.
Ensuite, les aides ne sont pas toujours suffisantes, voire adéquates. L’école attend de l’enfant qu’avec les aides qu’il reçoit, il puisse suivre au même rythme que les autres élèves. Il doit donc faire des efforts pour s’intégrer. Ce Décret a été un premier pas. Il a permis à des milliers d’enfants d’être scolarisés dans une école ‘ordinaire’ et non plus d’être relégués dans un enseignement ségrégué. Il reste, cependant, bien en deçà des aspirations légitimes des enfants handicapés et de leurs familles.
Des classes à
« visée inclusive » ont été créées dans quelques écoles primaires
volontaires au grand cœur, mais il s’agit en réalité de classes
« intégrées » où les élèves restent essentiellement entre eux. Ils ne
bénéficient malheureusement que de quelques heures par semaine d’apprentissages
avec les autres élèves mais, peuvent jouer avec eux durant les récréations ou
journées particulières (!)
La notion d’école inclusive repose sur un principe
éthique, celui du Droit tel qu’élaboré par la Communauté internationale dans
son ensemble (voir plus bas). Chaque enfant, quelle que soit sa spécificité, a
le droit de fréquenter l’école ‘ordinaire’. Cette dernière a le devoir
d’accueillir chaque enfant tout au long de sa scolarité.
L’école inclusive se distingue de l’école intégratrice dans le sens où elle ne se pose pas la question de savoir si l’enfant est « intégrable » ou s’il doit être orienté vers une structure ségréguée (enseignement spécialisé). Faire le choix de ce dernier type d’orientation reviendrait à se demander « quels élèves peuvent effectivement bénéficier de l’intégration et, par conséquent, quel dispositifs adopter : intégration à temps partiel ou non, classes ou unités spéciales, etc.[10] »
L’éducation
inclusive est une position éthique qui prend en compte chaque enfant, quelle
que soit sa spécificité, « demandant
que les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les
apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal.[11] »
L’école inclusive reconnaît la diversité et l’intègre. Le principe d’école inclusive ne concerne pas que les enfants avec un/des handicap·s. Elle concerne tous les élèves, quelles que soient leurs caractéristiques, individuelles (sociales, culturelles, de genre, intellectuelles, physiques, …) ; cela ne signifie nullement un nivellement des différences. Au contraire l’école inclusive a pour principe de reconnaître toutes les diversités. Elle accepte tout le monde et prend en compte toutes les différences. « Une école inclusive accueille tout le monde sans distinction. Cela signifie que la culture de l’école doit être telle que personne ne soit stigmatisé (…). Le curriculum et la pédagogie doivent prendre en compte la diversité.[12] »
Quelle est l’origine du Droit
à l’éducation inclusive ?
En 1990, à Jomtien
(Thaïlande), s’est tenue la Conférencemondiale sur l’éducation pour
tous (enfants et adultes). Il en est ressorti un appel à s’employer activement à identifier les
obstacles qui empêchent de nombreux apprenants d’accéder aux possibilités
d’éducation et à recenser les ressources nécessaires pour surmonter ces
obstacles[13]. Le combat pour une Ecole Pour Tous était lancé !
Il s’appuie sur le fait que l’éducation est un droit fondamental et le
fondement d’une société plus juste et plus équitable.
Ensuite, la
Conférence mondiale sur les besoins éducatifs spéciaux de 1994 à Salamanque
(Espagne) a donné un élan majeur au concept d’éducation inclusive. Elle a
conclu en affirmant que « Les
besoins éducatifs spéciaux – préoccupation commune aux pays du Nord et du Sud –
ne pourront être pris en compte isolément. Ils doivent faire partie d’une
stratégie éducative globale et, pour tout dire, de nouvelles politiques
économiques et sociales. Ils appellent une réforme majeure des écoles
ordinaires.[14] »
Ce système n’est
possible que si les écoles adoptent une démarche inclusive. Pour être plus
clair, elles doivent réussir (et non pas essayer)
à éduquer tous les enfants de leur communauté « les écoles ordinaires ayant [cette] orientation intégratrice
constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes
discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, en édifiant une
société intégratrice et en atteignant l’objectif de l’éducation pour tous ; en
outre, elles assurent efficacement l’éducation de la majorité des enfants et
accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilité du système
éducatif.[15] ».
Ce concept a été
confirmé en 2000 à Dakar. Ce forum a déclaré que l’Education pour tous devait prendre en compte les besoins des pauvres
et des plus défavorisés, notamment des enfants qui travaillent, des populations
rurales et nomades éloignées, des minorités ethniques et linguistiques, des
enfants, jeunes et adultes victimes de conflits, souffrant du VIH et du sida,
de la faim et d’un mauvais état de santé, et de ceux qui sont handicapés ou ont
des besoins éducatifs spéciaux. Il a en outre appelé à porter une attention
particulière aux filles et aux femmes.
La notion d’école inclusive concerne donc bien
toutes les catégories de populations. Elle doit prendre en compte les besoins
de toutes et tous, jeunes et adultes, quelles que soient leurs spécificités
personnelles, grâce à une participation accrue à l’apprentissage, la vie sociale
et culturelle et vise une réduction du nombre de personnes exclues au sein même
du système éducatif. Il faut donc adapter les contenus, les approches
pédagogiques, voire encore les structures, afin de viser tous les enfants d’une
même tranche d’âge en ayant en tête le principe d’éducabilité[16]
(tout le monde peut apprendre).
Il y a plusieurs raisons qui justifient ce principe : La première est une justification éducative
: la nécessité, pour les écoles inclusives, d’éduquer tous les enfants ensemble
implique qu’elles doivent trouver des modes d’enseignement adaptés aux
différences de chacun d’eux et pouvant donc bénéficier à tous les enfants. La
deuxième est une justification sociale : les écoles inclusives peuvent changer
les attitudes face à la différence en éduquant tous les enfants ensemble et
constituer ainsi le fondement d’une société juste et non discriminatoire. La
troisième est une justification économique : il est moins coûteux de créer
et gérer des écoles qui éduquent tous les enfants ensemble que de mettre sur
pied un système complexe de différents types d’écoles spécialisées pour
différents groupes d’enfants.[17]
Enfin, la touche finale a été posée en 2006 par la Convention relative aux Droits des Personnes handicapées en son article 24 sur l’éducation[18]. Celui-ci impose l’école inclusive pour tous les enfants à tous les Etats signataires, et présente les éléments importants à prendre en compte pour garantir le libre accès à l’éducation inclusive pour toutes les personnes handicapées, sur base de l’égalité des chances avec les élèves ‘ordinaires’.
Définition
de l’école inclusive
Il existe de nombreuses définitions de ce qu’est un enseignement
inclusif dans une école inclusive. Nous vous proposons celle de Rousseau et
Prud’homme (2010, p. 10 ). Dans les pays de la francophonie, le Québec a une
longueur d’avance. L’école inclusive y est pensée depuis des décennies et nos
amis canadiens ont une expertise qui peut nous apporter énormément. Cette
définition reprend différents concepts pédagogiques, dynamiques et
sociaux.
L’école inclusive est celle
qui va au-delà de la normalisation. Elle se donne comme mission d’assurer le
plein développement du potentiel de chacun de ses élèves. Pour ce faire,
l’école mise sur chacun des acteurs proximaux qui gravitent entre ses murs et
sur les acteurs distaux qui y sont les bienvenus. Dans cette école,
l’expression « plein potentiel » ne se limite pas au potentiel scolaire, mais
comprend aussi toutes les formes d’expressions de l’intellect. Ainsi, elle se
caractérise par la capacité d’innover, de se remettre en question et par
l’utilisation d’une panoplie de stratégies qui ne visent pas à faire
disparaître la différence, mais bien à l’apprivoiser. Elle est dynamique et
mise sur l’expertise de chacun de ses acteurs. L’école inclusive est tout le
contraire d’une école statique où toutes les règles de fonctionnement, les
rôles et les registres de réussite sont immuables. L’école inclusive est aussi
l’antithèse d’une école où l’on tente de faire d’une personne ayant des défis
particuliers une personne comme les autres[19].
L’école
inclusive est une école exigeante
Comme on le voit, l’école inclusive est très exigeante et ne peut se réaliser sans conditions. Sa différence fondamentale avec l’intégration (ou l’école intégratrice) est que les conditions de sa mise en œuvre sont totalement différentes.
Dans une démarche intégratrice, c’est sur les enfants que repose l’effort d’adaptation à l’école et à ses normes de fonctionnement[20]. On a vu que des aides individuelles pouvaient être mises en place afin d’aider ces enfants à suivre l’enseignement ‘ordinaire’ et donc de s’intégrer (s’adapter).
Dans un enseignement inclusif, c’est prioritairement l’école qui adapte
ses pratiques d’accueil et d’enseignement afin de pouvoir accueillir
« naturellement » la diversité des élèves.
L’intégration repose ainsi plutôt sur une conception individualisante
(et déficitaire) du handicap, celui-ci étant lié aux manques du sujet, que l’on
tente de compenser ou réparer. Au contraire, la notion d’école inclusive prend
en compte la dimension sociale du handicap, entendu comme une entrave à la
participation, résultant de l’interaction entre des caractéristiques
individuelles et les exigences du milieu. Elle met l’accent sur le
fonctionnement scolaire et sur les conditions pédagogiques à instaurer pour
réduire les obstacles aux apprentissages[21].
L’école inclusive implique donc l’intégration
d’une grande diversité d’élèves. Cela ne simplifie pas la tâche des enseignants
et il n’est pas étonnant que certains ne se sentent pas outillés et soient
perdus face à une (ou des) classe(s) réellement inclusives. Cela explique
pourquoi certains professeurs conçoivent l’école inclusive comme une
« véritable utopie »[22].
La mise en place de pratiques répondant à cette diversité est fondamentale pour la réussite d’une école inclusive. Les termes « école inclusive » sont souvent galvaudés. On le voit en Belgique avec le concept d’écoles à visée inclusive (voir ci-dessus) qui ne permet pas à tous les enfants d’apprendre ensemble. Il y a aussi des écoles qui ne font « que » de l’intégration et qui se disent inclusives. L’école inclusive ne se limite pas à de la simple intégration dans une classe ordinaire. Elle met en place des pratiques pédagogiques adaptées (lire notre prochain article sur la pédagogie universelle – octobre 2020) et ne demande pas à l’enfant de faire des efforts pour s’intégrer.
L’école inclusive ne réinvente pas la pédagogie. Elle se met en
réflexion constante sur ce qui est le plus adapté à la diversité des élèves
qu’elle accueille. Elle adapte ses fonctionnements (classe, école, temps
libres, …) avec pour seule préoccupation de permettre à toutes et tous les
élèves d’évoluer et d’acquérir les apprentissages scolaires et sociétaux en
fonction de leurs facilités ou de leurs difficultés.
Devenir une école (ou une classe) inclusive, si c’est un choix éthique, est un défi pour lequel peu de professionnels de l’enseignement sont préparés. Les pratiques pédagogiques doivent être adaptées afin de répondre au challenge que l’on s’est fixé. Dans notre prochain dossier, nous vous proposerons quelques pistes susceptibles d’aider les enseignants à se lancer dans ce défi.
A suivre, notre dossier sur la pédagogie universelle (mi-octobre 2020). La pédagogie universelle[23] (ou CUA : conception universelle de l’apprentissage) est au cœur de l’école inclusive.
La pédagogie universelle[23] (ou CUA : conception universelle de l’apprentissage) est au cœur de l’école inclusive.
[1] KATZ, J. et MIRENDA, P. (2002b). Including students with developmental
disabilities in general education classrooms: Social benefits. International
Journal of Special Education, 17(2) (version électronique).
KARAGIANNIS,
A., STAINBACK, W. et STAINBACK, S. (1996). Rationale for inclusive schooling.
Dans S. Stainback et W. Stainback (dir.), Inclusion. A Guide For Educators (p.
3-15), Baltimore, MD : Paul H. Brookes.
UNESCO
(1994). The Salamanca Statement and Framework for Action on Special Needs
Education. Paris : UNESCO.
[2] DUCHARME, D. (2008). L’inclusion en classe ordinaire des élèves à
besoins éducatifs particuliers. Montréal : Éditions Marcel Didier.
[3] « introduire un élément dans un ensemble » (Barrès, loc. cit.). Empr.
au lat.integrare « réparer, remettre en état, renouveler, recréer, refaire »,
dér. de integer (intègre*), 1919.
[4] Sauf au Québec où la proximité avec la langue anglaise permet de mieux
comprendre le concept anglophone d’inclusion.
[5] Éric Plaisance, Brigitte Belmont, Aliette
Vérillon, Cornelia Schneider, Intégration ou inclusion ? Éléments pour
contribuer au débat in La nouvelle
revue de l’adaptation et de la scolarisation – no 37 • 1er trimestre 2007
[6] Décret du 3 mars 2004, article 132 : « Par intégration permanente totale, il faut entendre que l’élève
suit tous les cours pendant toute l’année scolaire dans l’enseignement
ordinaire, tout en bénéficiant, en fonction de ses besoins, de la gratuité des
transports entre son domicile et l’établissement d’enseignement ordinaire qu’il
fréquente et d’un accompagnement assuré par l’enseignement spécialisé. Pour
chaque élève visé à l’alinéa précédent, des périodes d’accompagnement par du
personnel de l’enseignement spécialisé sont ajoutées au capital-périodes de
l’établissement d’enseignement spécialisé dont relève le personnel
d’accompagnement. Ce personnel d’accompagnement est choisi en tenant compte de
la spécificité des types et des besoins de l’enfant tels que définis à
l’article 7. ». Il y a 4 types d’intégration (Pour plus de détails,
voir les articles 130 à 158).
[7] Le Service PHARE apporte information, conseils et interventions
financières aux personnes handicapées en Région bruxelloise.
[8] L’AViQ est un organisme d’intérêt public (OIP) autonome gérant les
compétences de la santé, du bien-être, de l’accompagnement des personnes âgées,
du handicap et des allocations familales.
[9] Un Centre Psycho Médico-Social est un lieu d’accueil, d’écoute et de
dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder les questions qui les
préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale,
de santé, d’orientation scolaire et professionnelle, …. Le Centre PMS est à la
disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans l’enseignement
maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire.
[10] Plaisance (É.) et al., Petite enfance et handicap. La prise en charge
des enfants handicapés dans les équipements collectifs de la petite enfance,
Caisse nationale des allocations familiales, Paris, Dossiers d’études, n° 66,
2005.
[11] Armstrong (F.), « Curricula, ‘Management’ and Special and Inclusive
Education », In P. Cloug, Managing Inclusive Education : from Policy to
Experience, Paul Chapman, London, 1998
[12] Armstrong (F.), Barton (L.), « Besoins éducatifs particuliers et
‘inclusive education’», In B. Belmont, A. Vérillon, 2003
[13] Unesco, Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation, 2009
[14] UNESCO 7-10 juin 1994 : Déclaration de Salamanque
[15] UNESCO 7-10 juin 1994 : Déclaration de Salamanque
[17] Unesco, Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation, 2009
[18] CIDPH, ONU 2006, Article 24 : 1. Les États Parties reconnaissent
le droit des personnes handicapées à l’éducation. En vue d’assurer l’exercice
de ce droit sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances, les
États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l’insertion
scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités
d’éducation qui visent :
a) Le plein
épanouissement du potentiel humain et du sentiment de dignité et d’estime de
soi, ainsi que le renforcement du respect des droits de l’homme, des libertés
fondamentales et de la diversité humaine ;
b)
L’épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents
et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans
toute la mesure de leurs potentialités ;
c) La
participation effective des personnes handicapées à une société libre.
2. Aux fins
de l’exercice de ce droit, les États Parties veillent à ce que :
a) Les
personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap,
du système d’enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient
pas exclus, sur le fondement de leur
handicap, de
l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire
;
b) Les
personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir
accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire
inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement
secondaire ;
c) Il soit
procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun ;
d) Les
personnes handicapées bénéficient, au sein du système d’enseignement général,
de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective ;
e) Des
mesures d’accompagnement individualisé efficaces soient prises dans des
environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation,
conformément à l’objectif de pleine intégration.
3. Les États
Parties donnent aux personnes handicapées la possibilité d’acquérir les
compétences pratiques et sociales nécessaires de façon à faciliter leur pleine
et égale participation au système d’enseignement et à
la vie de la
communauté. À cette fin, les États Parties prennent des mesures appropriées,
notamment :
a) Facilitent
l’apprentissage du braille, de l’écriture adaptée et des modes, moyens et
formes de communication améliorée et alternative, le développement des
capacités d’orientation et de la mobilité, ainsi que le soutien par les pairs
et le mentorat ;
b) Facilitent
l’apprentissage de la langue des signes et la promotion de l’identité
linguistique des personnes sourdes ;
c) Veillent à
ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles – en particulier
les enfants – reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais
des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce,
dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la
sociabilisation.
4. Afin de
faciliter l’exercice de ce droit, les États Parties prennent des mesures
appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants
handicapés, qui ont une qualification en langue des signes ou en braille et
pour former les cadres et personnels éducatifs à tous les niveaux. Cette
formation comprend la sensibilisation
aux handicaps et l’utilisation des modes, moyens et formes de communication
améliorée et
alternative
et des techniques et matériels pédagogiques adaptés aux personnes handicapées.
5. Les États
Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent avoir accès, sans
discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres, à l’enseignement
tertiaire général, à la formation professionnelle, à
l’enseignement
pour adultes et à la formation continue. À cette fin, ils veillent à ce que des
aménagements raisonnables soient apportés en faveur des personnes handicapées.
[19] ROUSSEAU, N. et PRUD’HOMME, L. (2010). C’est mon école à moi aussi…
Caractéristiques essentielles de l’école inclusive. Dans La pédagogie de
l’inclusion scolaire : pistes d’action pour apprendre tous ensemble (p. 9-46).
Québec : Presses de l’Université du Québec.
[20] Éric Plaisance, Brigitte Belmont, Aliette Vérillon, Cornelia
Schneider, Intégration ou inclusion ? Éléments pour contribuer au débat in La
nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – no 37 • 1er trimestre
2007
[21] BOUTIN, G. et BESSETTE, L. (2009). Inclusion ou illusion? Élèves en
difficulté en classe ordinaire : défis, limites, modalités. Montréal : Éditions
Nouvelles
[22] BOUTIN, G. et BESSETTE, L. (2009). Inclusion ou illusion? Élèves en
difficulté en classe ordinaire : défis, limites, modalités. Montréal : Éditions
Nouvelles.
1. Quel doit être le rôle de l’école dans la lutte contre les LGBT-phobies ?
Réalités de la société d’aujourd’hui
« Dans
notre société, les LGBT-phobies sont en progression. Il n’est pas une semaine
où les réseaux sociaux ne relaient des agressions homophobes. La plupart des
agressions homophobes sont le fait de jeunes gens. Ces jeunes ne sont pas
sorti·e·s du système scolaire depuis des décennies, mais visiblement, et quelqu’ait
été leur parcours, ils/elles n’ont pas reçu toute l’éducation nécessaire pour
déconstruire leurs croyances ou l’éducation homophobe qu’ils/elles ont reçue,
qu’elle soit familiale, sociale, culturelle ou philosophique. On ne naît pas homophobe, on le devient !Seule l’école est en position de
lutter contre les représentations homophobes auxquelles ces jeunes ont été
confronté·e·s et qu’ils/elles ont intégrées.
C’est
parce que nous voulons une société inclusive, qui permette à tout être humain
d’être pleinement intégré à la société, quelles que soient les différences
sociales, physique, intellectuelles, de genre ou sexuelles, que nous voulons
aussi une école inclusive, qui éduque les futur·e·s citoyen·ne·s à être les
fondateurs et fondatrices de cette société inclusive, et pour participer
activement à sa transformation vers plus de justice. En luttant contre
l’homophobie, on lutte aussi contre tous les racismes et toutes les
discriminations qui minent les relations sociales de notre société [1]».
Ce constat,
nous l’établissions lors d’une conférence de presse le 21
novembre 2018, dans le cadre de la Journée internationale des Droits de
l’Enfant.
Réalités de l’école d’aujourd’hui
Aujourd’hui, les familles sont multiples. La famille
« traditionnelle » s’est transformée et présente de multiples
visages, tous aussi différents – mais intéressants – les uns que les autres.
L’école est donc confrontée à une réalité à laquelle elle ne s’est jamais
vraiment préparée. Pour la doxa[2]
scolaire, la famille idéale est toujours celle où le père gagne le pain du
ménage et où la maman ne travaille pas et s’occupe des devoirs des enfants
après l’école. Bref, une famille d’un autre âge.
Aujourd’hui, les enseignant·e·s sont confronté·e·s à des élèves qui
vivent dans des familles monoparentales, recomposées, adoptives, hétéroparentales,
homoparentales, riches, pauvres, désinvesties ou surinvesties, de cultures
différentes. Qu’elles/ils soient issu·e·s de l’une ou de l’autre de ces
familles, tou·te·s les enfants peuvent se sentir marginalisé·e·s et souffrir.
Dans chacune de ces catégories vivent des enfants, des jeunes qui se vivent différent·e·s, parce que le genre ou l’orientation sexuelle qui leur ont été assignés à la naissance ne correspondent pas à leur ressenti, à ce qu’ils/elles sont profondément. Toutes les écoles, sans la moindre exception accueillent des enfants qui sont concerné·e·s par les LGBT-phobies. Et ce chiffre est, sans doute en-deçà de la réalité. Par exemple, on estime à environ deux élèves par classe le nombre d’enfants concerné·e·s par le simple fait d’avoir un·e parent·e homosexuel·le[3], sans l’être pour autant elles/eux-mêmes. On estime qu’ils représentent, dans l’ensemble, au moins 10% de la population scolaire[4]. Chaque enseignant·e peut ainsi estimer facilement le nombre des élèves dont il ou elle a la charge, qui sont concerné·e·s et ainsi mettre en place les outils de formation et de prévention indispensables (voir plus bas[5]).
Pourquoi demander au écoles de combattre les
homophobies et transphobies ?
Comme le souligne l’UNESCO, « le harcèlement homophobe est un
problème éducatif qui doit être traité par le secteur de l’éducation ». Il viole le droit à l’éducation de tous et
compromet les résultats éducatifs. Il remet en cause le droit au respect au
sein de l’environnement scolaire : égale dignité de tous les enfants, respect
de leur identité, de leur intégrité, de leur droits de participation et
protection contre les toutes les formes de violence.[6]
Après la fin de leur école secondaire, de nombreux·ses jeunes gays,
lesbiennes ou transgenres affirment que l’école a été, pour eux, un lieu de
grande souffrance. Souvent ces jeunes ont été témoin de violences homophobes.
Parfois, ils en ont été les premières victimes. Le harcèlement les
intimidations, les coups, voire les viols sont le plus souvent inconnus des
enseignant·e·s car cela se fait dans des lieux où les professionnels ne vont
pas nécessairement souvent (vestiaires, toilettes, coins de cours de
récréation, transport scolaire, …), hors et pendant les heures de classes. Parfois
aussi au sein de la classe par des réflexions ou des insultes homophobes.
Ces jeunes ont dû, la plupart du temps, vivre leur orientation sexuelle
de manière cachée, dans la honte et la peur d’être découvert·e·s. De ce fait,
ces jeunes ne réclament pas d’aide. Ils et elles ont peur de la réaction des
adultes, peur d’être dénoncé·e·s à leurs parents, à l’ensemble des professeurs,
…
Ces jeunes ne bénéficient dès lors pas du soutien qu’ils méritent et
d’un environnement apaisé, c’est-à-dire sensibilisé depuis le plus jeune âge et
accueillant pour les différentes orientations sexuelles.
Enfin, le contexte scolaire est l’un des principaux lieux qui permet aux jeunes l’intégration sociale et l’apprentissage de la vie en société. C’est un milieu riche qui décèle de grands potentiels dans de nombreux domaines, dont l’éducation à la diversité. A cette fin, Les enfants doivent pouvoir bénéficier, dès le plus jeune âge, de l’apprentissage du vivre ensemble dans notre société. Ces lieux, que sont les écoles, sont des espaces d’émancipation individuelle mais également collective. On y parle trop « disciplines », c’est-à-dire « matières traditionnelles » et trop peu émancipation. Pourtant, le Droit international ne parle pas de droit à aller à l’école, mais de droit à l’éducation[7].
Aussi, chaque enseignant·e[8] qui
vise à devenir inclusif (même de mathématique, de physique, de langues, …) est
avant tout une éducateur/trice. Elle/il se donne pour mission d’éduquer et
d’émanciper les élèves. Malheureusement, trop souvent, ceux-ci ne reçoivent pas
les informations sur les orientations sexuelles et on ne les sensibilise que
trop peu au respect de toutes les différences, car l’école elle-même a des
difficultés avec ces notions. L’homosexualité et les orientations sexuelles
minoritaires restent un sujet tabou dans les classes, que l’on confie à des
intervenant·e·s externes qui interviendront une ou deux fois durant la
scolarité, alors que l’éducation au vivre ensemble et à l’acceptation de toutes
les différences sexuelles et autres doit être faite au quotidien.
Chaque école est responsable de cette sensibilisation. Mieux que cela, de cette éducation ! Chacune d’entre elle, de la maternelle à la fin du cycle secondaire (et nous n’abordons même pas l’enseignement supérieur qui est plus que concerné) se doit d’entreprendre des actions concrètes, non seulement en terme de prévention – et donc d’assurer un climat de sécurité et de protection tant des élèves que des adultes – mais également qui permettent le développement personnel des jeunes, quelles que soient leurs différences.
Le travail de prévention permet d’éviter que des élèves subissent, à un âge où à un autre, des agressions homophobes ou transphobes, ou vivent mal leur scolarité dans un climat de peur impropre à quelque apprentissage qui soit. Ce qui vaut pour les élèves peut également valoir pour les adultes. Il ne faut pas oublier qu’environ 10% d’entre eux sont également concerné·e·s par les LGBT-phobies. Ils ont besoin du soutien de toute la communauté enseignante.
Il y a donc lieu de mobiliser tout le monde, depuis le Pouvoir organisateur jusqu’aux jeunes, en passant par les directions, les membres du personnel enseignant, ouvrier et administratif. Sans oublier les parents qui, pour certains, peuvent venir en soutien de ces projets.
« Mais ne va-t-on pas nous accuser de
prosélytisme ? »
Un certain nombre de parents, même parmi
les plus ouverts, émettent des réserves lorsqu’on envisage de parler
d’homosexualité à des élèves d’école maternelle ou primaire. Il en va de même
dans le milieu enseignant. Pour certain·e·s, de ces personnes, l’homosexualité
reste un tabou, une peur qu’ils pensaient profondément enfouie, mais qui se
révèle ne l’être pas autant que cela. Pour certaines personnes au sein de notre
société, les relations hétérosexuelles et les relations homosexuelles ne sont
pas équivalentes.
Trop souvent encore, des enseignant·e·s
ont des réticences à prononcer même les mots « homophobie » ou
« homosexualité » par crainte des réactions de leurs collègues, de
certains élèves et de leurs familles. Il y a un « tabou » qui empêche
l’utilisation de ces mots et les place sous une chape de plomb.
Tabou qui n’a plus de raison d’être puisque, depuis juin 2012, en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) a été reconnue officiellement par Décret comme une des missions de l’école. On ne peut donc parler de prosélytisme si l’école remplit une de ses missions. L’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle commence en maternelle et continue tout au long des 15 années d’école obligatoire[9]. On y aborde de manière adaptée à l’âge des enfants, tous les sujets qui touchent la vie affective et la vie sexuelle. Sous tous leurs angles ! Donc dès lors aussi celui des différentes orientations sexuelles et ce, pendant 15 ans. Même les professeur·e·s homophobes – il y en a sans doute peu, mais il y en a – sont tenu·e·s de respecter la Loi et donc d’éduquer leurs élèves à lutter contre l’homophobie et la transphobie. Cela ne peut que faire du bien intellectuel à ces soit-disant professionnel·le·s, car ils/elles sont déficitaires en ce domaine.
Concernant les parents qui ne voudraient pas que l’on parle d’homosexualité à leur enfant, nous conseillons aux écoles de mettre clairement ce point dans leur projet d’établissement (ou dans le projet pédagogique), auquel les parents doivent adhérer chaque année. En cas de plainte de leur part, il suffira de leur montrer qu’ils ont marqué leur accord en début d’année. Cependant, on peut leur expliquer que c’est dans l’intérêt de leur enfant de recevoir une information sur ce sujet. Si le/la jeune est d’orientation homosexuelle ou bisexuelle, elle/il pourra directement bénéficier de cette information et construire son identité en harmonie avec son entourage. Si l’enfant est d’orientation majoritairement hétérosexuelle, l’information sur le sujet ne peut qu’éclairer son jugement et lui apprendre à respecter les personnes lesbiennes, gays ou bisexuel·le·s.
En abordant l’Evras et, plus spécialement les différentes orientations sexuelle, on diffuse un message de tolérance, d’accueil de l’autre dans toutes ses réalités, on apprend aux élèves à respecter les différences. Il est important de combattre les idées fausses, démystifier l’homosexualité (chacun·e a sa propre orientation sexuelle, on ne devient pas homosexuel en fréquentant des copains ou copines qui le sont, pas plus qu’on ne le devient en vivant dans une famille homoparentale[10]). Il faut également rappeler le Droit : les discriminations ou actes homophobes, lesbophobes, transphobes sont interdits et punissables[11]. Enfin, cela permet d’expliquer aux élèves qu’ils et elles doivent être empathiques, venir en aide aux victimes de la violence, et dénoncer les agresseur·e·s, fût-ce-t-ils des adultes de l’école.
[1] Jean-Pierre
Coenen, Ligue des Droits de l’Enfant 21 novembre 2018, Appel
aux écoles : Devenez des Ecoles pour Tou·te·s !
[2] En philosophie, la doxa est l’ensemble — plus ou moins homogène — d’opinions (confuses ou pertinentes), de préjugés populaires ou singuliers, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles se fonde toute forme de communication ; sauf, par principe, celles qui tendent précisément à s’en éloigner, telles que les communications scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Doxa).
[3] Rapport
de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude
de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en
France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout
à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union
hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de
transparentalité, moins nombreuses, mais
qui existent et nécessitent d’être prises en compte. Conclusion : en moyenne,
au moins deux élèves par classe sont concernés ».
[4] De nombreux pays les
pays qui ont étudié depuis longtemps la population concernée par sphère
LGBTQI+, comme la Belgique, la Suède, les États-Unis ou le Canada. Suite à ces
études, le pourcentage couramment admis, qui inclut les sous-déclarations dues
à la peur de l’homophobie et repose sur une approche plus précise de la
bisexualité est de 10 %. Il suffit de diviser la population de sa classe pour savoir
combien d’élèves sont concernés.
[5] Dans une école inclusive, ces outils et ces formations sont réfléchies et mises en place par l’ensemble de l’équipe pédagogique. Quand on est seul·e dans sa classe, il existe des outils disponibles sur Internet via le site www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/ ou d’autres sites spécialisés.
[6] Booklet 8/Education
Sector : Response to homophobic Bullying – UNESCO – 2012.
[7] Convention internationale des Droits de l’Enfant 20 novembre
1989, Art 28 « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à
l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit
progressivement et sur la base de l’égalité des chances (…) ». Même si l’institution que les Etats charge de faire
respecter ce Droit sont les écoles, le texte ne cite pas une seule fois le mot
école. Il s’agit donc bien de droit à l’éducation qui « doit viser à :
a) favoriser
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs
potentialités ;
b) inculquer à
l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des
principes consacrés dans la Charte des Nations unies ;
c) inculquer à
l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses
valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans
lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations
différentes de la sienne ;
d) préparer
l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans
un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et
d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux,
et avec les personnes d’origine autochtone ;
e) inculquer à
l’enfant le respect du milieu naturel. »
[8] Nous
partons du principe que l’enseignant·e inclusif·ve s’est progressivement formé·e
à l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences
et difficultés scolaires ou de vie. Elle ou il est capable de transmettre tous
les savoirs à tou·te·s les élèves. Il ou elle ne pratique pas la sélection et
donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[9] En
Belgique l’école commence à 2,5 ans et se termine à 18 ans (dans le meilleur
des cas), mais elle n’est obligatoire que de 5 à 18 ans.
[10] DORAIS
Michel, Mort ou fif, la face cachée du suicide chez les garçons, Éditions VLB,
2000. Le professeur Michel Dorais constate aussi une tendance à la baisse de
l’âge de découverte de son homosexualité chez les jeunes LGBT : le plus souvent
entre 12 et 15 ans. Michel Dorais précise les conditions de cette prise de
conscience : « La découverte de son attirance envers les personnes du même sexe
est plutôt une évolution qu’un événement soudain. Graduellement, au cours de
l’enfance ou de l’adolescence, le jeune garçon ou la jeune fille s’aperçoit
qu’il ou elle ne réagit pas en son for intérieur comme la majorité de ses
congénères. L’émoi que ses compagnons ou compagnes expriment devant les
personnes de l’autre sexe, c’est plutôt (ou en plus, pour les jeunes bisexuel
le s) à l’endroit de personne du même sexe qu’il ou elle l’expérimente. Au
début, il n’y a pas forcement de mot ou d’étiquette à placer dessus. Seulement
une impression d’étrangeté. C’est le plus souvent à travers la pression sociale
au conformisme que prend forme dans la tête de l’enfant ou de l’adolescent la
constatation suivante : il se pourrait que je sois différent-e de ce que l’on
attend de moi… »
On n’inclut
pas un élève, on l’intègre[1].
C’est la classe, c’est l’école qui doivent être inclusives. Intégrer un élève
porteur ou porteuse d’une déficience intellectuelle ou physique, ou ayant de
grandes difficultés d’apprentissages (notamment un ou des ‘dys’), au-delà
d’être une obligation légale[2],
est un acte citoyen. Et, comme tous les actes citoyens, il apporte de (parfois)
grandes satisfactions, mais présente également de (parfois) grandes difficultés.
Le métier d’enseignant[3]
est un métier difficile mais quand il est bien fait, il apporte d’immenses
satisfactions.
L’intégration mobilise de nombreux acteurs
Une intégration (voire plusieurs intégrations dans une même classe) a des coûts. Ceux-ci peuvent être soit financiers (aménagement de rampes, déménagement d’une classe au rez-de-chaussée, investissements pédagogiques ou matériels, …), psychologiques (charge supplémentaire pour l’enseignant, pour les élèves accueillants qui apporteront leur aide au projet d’intégration, difficultés relationnelles, découverte de la différence, naissance de nouvelles amitiés, satisfaction d’avoir pu porter un enfant différent jusqu’au bout, …) et sociaux. Mais ce sera, plus probablement, un mix des trois.
Dans une
intégration, les acteurs sont multiples. S’il y a l’enfant intégré et
l’enseignant qui sont au centre du projet, il est de nombreux autres
partenaires :
tous les élèves de la classe, mais aussi ceux des autres classes qui, s’ils fréquentent moins l’enfant intégré, auront cette chance durant les moments communs (repas, récréations, garderies, activités sportives extérieures, fêtes d’école, …) ;
tous les adultes de l’école qui croiseront l’enfant au quotidien (enseignants, personnel administratif, personnel ouvrier, personnel des garderies, la/le bénévole qui fait traverser les élèves devant l’école le matin et à la fin des cours, …) ;
parents des élèves de la classe où est intégré l’enfant, voire encore les parents d’autres classes ;
mais il est aussi des professionnels extrascolaires qui aident l’école à accueillir un enfant en intégration : services d’aides à l’intégration, logopèdes, professionnels de la santé, services ou associations apportant des aides à l’intégration (services régionaux ou nationaux d’aide pour les personnes avec handicap, services de traducteurs en langue des signes, associations de soutien, …) ;
etc…
Il faut garantir la qualité de vie de tous les acteurs
Si l’on veut donner des chances à un projet d’intégration scolaire, la qualité de vie de tous les acteurs et actrices doit être préservée. Il est donc fondamental de rechercher un équilibre dynamique entre les différentes composantes de l’intégration. Celles-ci sont au nombre de quatre : ce sont les coûts de l’intégration, les bénéfices de celle-ci, les contraintes inhérentes à toute entreprise (à fortiori humaine) et, enfin, le projet en lui-même.
On estime à plus
de 50.000 les situations de présence d’enfants réputés « à besoins éducatifs
spécifiques » dans les écoles ordinaires subsidiées par la Région
Wallonie-Bruxelles[5]. Au
vu du nombre d’actrices et d’acteurs impliqués dans un projet d’intégration, on
peut considérer qu’il n’est pas une école qui, avec ses partenaires, ne soit
confrontée à la nécessité de veiller à garantir le bien-être de toutes les
parties.
L’intégration
influence la qualité de vie de chacun
Quand
commence une intégration, l’enseignant s’investit pleinement dans
l’intégration. Il a pour principal souci de viser l’intérêt de l’enfant
concerné. L’accueil d’un enfant avec maladie ou handicap pose forcément de
multiples préoccupations qui concernent à la fois la qualité de vie de l’enfant
intégré mais également des autres enfants du groupe, et partant, la qualité des
apprentissages de tous. Et ce, même si tout le monde n’apprendra pas la même chose
ou n’apprendra pas au même rythme.
Les parents,
quant à eux, ont l’espoir que leur enfant se sente bien dans son école, tant
avec son enseignant ou son enseignante qu’avec ses pairs. Ils espèrent qu’il
pourra y faire les meilleurs apprentissages possibles en fonction de ses
capacités, tant sociaux que scolaires.
Devant les difficultés auxquelles l’intégration confronte, il y a une tendance naturelle à attribuer à tel ou tel professionnel, tel décideur, telle équipe, tel élève, telle association ou tel parent les raisons des échecs et des incompréhensions mutuelles, mais également des réussites et de la qualité des collaborations qui se sont établies. Les équilibres qui se mettent en place sont en effet des partenariats délicats par définition, liés à une implication plus ou moins forte des différents acteurs.
Dans
une intégration, de nombreux facteurs entrent en jeu. Ils sont multiples et
diversifiés.
L’intégration
renvoie aux représentations culturelles ainsi qu’à la manière de les gérer.
Une
intégration est un questionnement quotidien, tout au long de la scolarité. Les
enseignants s’interrogent fort normalement au moment des premiers jours de
classe. Ils se demandent comment ils
vont pouvoir gérer la classe avec un enfant à besoins spécifiques. Mais on peut
compter sur eux car l’intégration est un engagement qu’on ne laisse pas au bord
de la route dès qu’apparaissent les difficultés inhérentes au projet et aux
difficultés de l’enfant. L’intégration renvoie ainsi aux valeurs de société
(tolérance, humanisme, solidarité, empathie, …). On sort de la doxa scolaire
qui mine notre enseignement : l’école n’est plus faite pour mettre en
compétition et sélectionner, elle est là pour former des citoyens solidaires et
qui seront un jour (on peut l’espérer) désireux de se battre pour plus de
justice.
L’intégration
renvoie à la dynamique relationnelle entre les acteurs : Parents-enfants,
enfants-enfants, enseignants-élèves, enseignants-parents,
enseignants-enseignants.
L’intégration
c’est tout d’abord une négociation et une collaboration entre de nombreux
intervenants. Le rôle des tiers est important. On n’intègre pas un enfant dans
une école, dans une classe, sans qu’il n’y ait un projet bien ficelé avec toutes
les parties. Une relation ouverte et positive entre ces dernières est
fondamentale et tout le monde doit se sentir intégré dans le projet. La qualité
du dialogue est un élément important pour affronter les difficultés liées à
l’intégration. Il est donc nécessaire que les parties se rencontrent plusieurs
fois par an et, si besoin, à la demande de l’une d’elle. Pour les enseignantes,
les enseignants, les directions d’école, cela implique d’être disponible même
en dehors de l’horaire scolaire, que ce soit par téléphone, mail ou sur
rendez-vous. Les périodes de travail collaboratif doivent pouvoir être
utilisées à cette fin.
Il est
important que la coordination se fasse notamment sous la forme d’un
document écrit afin que tout le monde soit clair sur les objectifs du projet
d’intégration et sur son évolution. Le coordinateur ou la coordinatrice du
projet (en général, la direction de l’école ordinaire) se charge de transmettre
une copie de ce document à toutes les parties, sans oublier les parents qui
sont les premiers partenaires.
L’intégration renvoie au contrôle perçu des acteurs sur ce qu’on leur demande.
Une intégration, c’est de la fine dentelle. Les enjeux sont grands pour l’enfant et c’est bien son avenir qui est en jeu. Du moins en partie. En outre, lorsqu’un handicap est associé à la demande d’intégration, de nombreux questionnements se posent. Pour l’enseignant, cela a un coût émotionnel. Il se demandera s’il sera en mesure d’aider l’enfant et, surtout, s’il sera capable de gérer sa classe (et la présence de l’enfant) malgré son investissement. Parfois, certaines directions ou certains professeurs préfèrent assumer le coût d’un refus d’inscription pour s’assurer un meilleur contrôle sur leurs conditions de travail à venir. Pour les parents, l’intégration a aussi un coût émotionnel. Ils rêvent que leur enfant puisse aller à l’école du quartier et ainsi pouvoir créer des liens sociaux avec des pairs. Parfois cela se passe bien. D’autres fois c’est l’incompréhension. Nombreux sont ceux qui doivent affronter des situations qui leur semblent inadaptées, voire injustes. L’intégration est encore trop souvent un parcours du combattant, au point que les parents sont amenés à ressentir un sentiment de perte de contrôle. Les familles « ordinaires » parviennent à inscrire leurs enfants dans une école ordinaire sans difficultés, mais pas eux. Parfois on leur demande d’investir dans des outils onéreux (tablette, ordinateur, matériel ergonomique, …), ce qu’ils n’ont pas toujours les moyens de faire. L’école n’est-elle pas « gratuite » ? A l’injustice de la vie s’ajoute l’injustice institutionnelle. On demande à ces parents de subir ces injustices avec bonne grâce. Ils doivent être tous les jours des Super-Parents.
L’intégration renvoie à la motivation mutuelle.
Il est
important de ne pas sous-estimer l’impact de l’expérience préalable et
personnelle des acteurs qui influence leur motivation.
Les
enseignants émettent d’avantage de réserves lorsqu’ils gardent un mauvais
souvenir de leur expérience passée. Par contre, ils sont d’autant plus motivés
à s’investir dans l’accueil de l’enfant avec handicap qu’ils souhaitent que
quelqu’un s’investisse de la même manière pour un jeune qu’ils connaissent. Pour
les enseignants qui ont exercé en enseignement spécialisé, l’intégration d’un
enfant à besoins spécifiques est plus souvent un moteur qu’un frein dans leur
motivation à s’investir.
L’enseignant,
face à une situation de manque de contrôle (problèmes de discipline, sentiment
de décrochage motivationnel de l’élève voire constat d’un décrochage scolaire
et/ou social) risque de perdre une part de sa motivation. Il peut alors
demander des moyens pour réaliser cet accueil, via l’aide de l’enseignement
spécialisé (si ce n’est pas déjà le cas) ou de professionnels du handicap ou du
trouble de l’apprentissage (‘dys’).
Une
intégration permet à l’enseignant de remettre en question ses méthodes et ses
pratiques. Il bénéficie d’un partage de ressources et de compétences avec un
collègue de l’enseignement spécialisé, ce qui est un enrichissement à la fois
personnel et professionnel.
Les jeunes,
parfois, sont cassés par des expériences précédentes négatives. D’autres sont
motivés par l’intégration sociale, le fait d’être avec leurs pairs, dans
l’école du quartier, et de pouvoir enfin se créer un tissu social. Leur motivation
à apprendre dépend de nombreux facteurs, comme pour l’ensemble des autres
élèves de la classe : leurs
conditions de vie, l’estime de soi, l’importance de se sentir concerné par les
apprentissages qu’on propose, de leur ambition plus ou moins importante, etc.
Mais pour un enfant à besoins spécifiques, il faut ajouter à cela l’accessibilité
des activités proposées, la valorisation de ses compétences et l’aide
complémentaire adaptée à ses difficultés.
Dans le cadre
de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive, les pairs
doivent être considérés comme des partenaires incontournables. Pour eux,
l’intégration d’un élève à besoins spécifiques permet de s’ouvrir au monde du
handicap et de connaître et d’apprendre à accepter la différence. Ils peuvent
profiter des remédiations et des aménagements raisonnables qui sont mis en
place pour l’enfant en intégration. La mise en place de tutorat, par exemple,
permet à toutes et tous d’apprendre l’entraide et la coopération, tout en
bénéficiant d’explications complémentaires entre pairs lorsqu’une difficulté se
présente.
Les parents
doivent s’investir dans le projet d’intégration de leur enfant et ce, même
s’ils n’ont pas les codes, voire la langue de l’école. L’attitude des personnes
dont dépend l’enfant est déterminante. Une intégration est un sacrifice, celui
de la facilité de l’inscription dans l’enseignement spécialisé. Une intégration
n’est jamais de tout repos pour les parents. L’intégration pendant les temps
scolaires fait partie d’une préoccupation globale des parents pour l’évolution
sociale et intellectuelle de leurs enfants, elle représente un moyen et non une
finalité. Ils ont souvent le souci de ne pas « imposer » leur enfant. Ils ont
tendance à s’identifier à l’enseignant, présumant que ce qui est perçu comme
une charge par eux, voire ce qui leur est problématique, le sera aussi pour
l’enseignant.
L’intégration renvoie au temps.
L’intégration
nécessite une disponibilité en temps et en énergie. Elle amène les enseignants
à consacrer du temps :
pour la gestion des liens sociaux
entre les jeunes ;
pour être disponible vis-à-vis des
parents afin de prendre connaissance de ce qui se passe en-dehors de l’école
(autrement dit, aborder l’enfant, et non seulement l’élève) ;
pour la gestion de la dynamique de
classe ;
pour rester à côté de l’élève pour
favoriser ses apprentissages, à le réconforter, à entretenir une relation
privilégiée par le dialogue ;
consacré aux besoins physiques
(soins) ;
d’observation ;
pour les démarches visant à
s’informer ;
de dialogue avec les services
spécialisés ;
de préparation de supports pour
cet unique élève, parfois ;
où l’on doit avoir en tête qu’il
faut s’adapter à l’enfant en question en modifiant sa manière de donner cours
et se former dans une pédagogie active et coopérative ;
de doutes et de remises en question.
Les parents souhaitent généralement être impliqués davantage dans le projet d’intégration. Ils éprouvent la nécessité de s’investir en temps et en énergie. Ils ressentent, par l’investissement plus important, une complicité accrue et un rapprochement à l’égard de leur enfant. Cela comporte des risques. Parfois, un investissement en temps et en énergie devient trop lourd. Cela peut les amener à réorienter leur enfant dans les structures spécialisées dans un souci de soulagement personnel. Ce n’est, malheureusement, pas toujours l’intérêt même de l’enfant qui est en jeu.
Chaque étape
d’évolution de l’enfant est valorisante aux yeux de ceux qui s’investissent, et
contribue à motiver cet investissement. C’est aussi grâce au temps que les
liens peuvent se nouer entre les jeunes, par exemple. L’influence de
l’intervention du réseau social peut être performante.
L’intégration renvoie aux moyens disponibles et à la bonne volonté des acteurs :
Problème d’accessibilité des moyens matériels. Les collaborations sont à établir avec les organismes qui en disposent.
En fonction
des déficiences ou difficultés d’apprentissage, il existe des aides spécifiques
qui peuvent être allouées par les services régionaux ou locaux d’aides aux
personnes à besoins spécifiques. De même, des associations spécifiquement
dédiées à l’un ou l’autre handicap ont du matériel qu’elles prêtent (ou
donnent) afin de permettre la poursuite de la scolarité d’un enfant dans les
meilleures conditions matérielles.
L’organisation de certains
établissements secondaires ne plaide pas pour l’intégration. Ces écoles doivent
s’adapter aux élèves à besoins spécifiques.
Des élèves avec
une infirmité motrice cérébrale se sont retrouvés sans école par le simple
manque de volonté d’un pouvoir organisateur[6].
D’autres, une fois intégrés ont été ballotés d’un coin à l’autre de l’école
alors que leur mobilité était réduite et alors que la disposition des locaux de
l’école permettait de les intégrer sans qu’ils n’aient à subir des allées-venues
incessantes.
On a vu des établissements scolaires réserver leurs classes du rez-de-chaussée pour installer des bureaux administratifs (une personne pour 50 m², soit une suite « royale » pour une direction d’école, par exemple) et empêchaient ainsi l’utilisation de ces locaux pour des classes avec élèves à besoins spécifiques. Les rez-de-chaussées doivent être inclusifs, c’est-à-dire flexibles. Le local du RDC accueillant un élève à mobilité réduite restera ‘son’ local jusqu’à la fin de ses études. Il changera d’appellation d’année en année passant progressivement de la 1ère à la 6e . Ensuite, il bénéficiera à un/d’ autre(s) élève(s) à besoins spécifiques.
Ce n’est pas
parce qu’il y a un ascenseur qu’un enfant à mobilité réduite doit être envoyé
au deuxième étage. Les pannes, les (alertes) incendie(s) qui interdisent
l’usage de l’ascenseur, les livraisons qui monopolisent l’outil pendant un
quart d’heure, précisément quand il faut passer d’un étage à l’autre, …, tout
cela impose que ce soient les locaux du rez-de-chaussée qui soient destinés à
l’accueil de ces élèves prioritaires.
Dans une école qui se place sur le chemin de l’inclusion, une large réflexion est posées avec l’équipe enseignante, sur l’organisation et l’occupation des espaces en fonction de la structure physique des lieux. Ou comment rendre l’école inclusive une fois pour toute. Il faut repenser les accès, notamment les marches d’entrées de chaque bâtiment, créer des toilettes dégenrées[7], pour toutes et pour tous, veiller à ce que les cours de gymnastique, par exemple, soient également dégenrés, de même que les cours de récréations (l’espace terrain de foot est, en général occupé essentiellement par des garçons et il vaut mieux ne pas traverser cet espace en fauteuil roulant ou avec des béquilles, au risque de devenir une cible involontaire) et qu’elles soient pleinement accessibles. Les classes doivent être repensées pour tous les handicaps, elles doivent également être accessibles, tout comme le réfectoire, les salles de gym, …. De nombreux bâtiments scolaires ont été pensés il y a un près d’un siècle, voire plus, alors que l’on ne parlait pas d’intégration et encore moins d’école inclusive.
Attribution de ressources
financières spécifiques
Toutes les intégrations ne nécessitent pas de moyens financiers. Intégrer un enfant avec une dyslexie implique peu de frais supplémentaires. Un enfant avec un IMC aura besoin d’une rampe pour lui permettre (ou à sa chaise) de passer la marche. Mais, en général, les écoles s’en tirent sans grands frais supplémentaires. Le terme aménagement « raisonnable » n’a malheureusement pas été conçu pour les élèves à besoins spécifiques mais pour protéger les écoles (notamment) de manière à ce qu’elles ne soient pas obligées de s’engager financièrement dans des frais trop onéreux pour leurs subsides.
La plupart
des intégrations n’engendrent que peu de frais supplémentaires, voire aucun
dans la plupart des cas.
Définir les besoins en termes de
personnel supplémentaire pour réaliser l’intégration.
Il est
évident que peu d’enseignants ont reçu, dans leur formation initiale, le mode
d’emploi de l’accueil d’un enfant sourd en classe, même si celui-ci est
appareillé. Les troubles du comportement sont parfois difficiles à gérer. Une
dyscalculie laisse souvent le professionnel devant de grandes questions pour
lesquelles il n’a pas de réponses. Et ainsi pour de nombreux handicaps et de
nombreux « dys ». Il est donc important que celle ou celui qui se
trouve face à de telles difficultés puisse bénéficier d’aide et de soutien.
D’où
l’intérêt même de l’intégration : travailler en partenariat avec une école
d’enseignement spécialisé. Ce partenariat, loin d’être monté pour accompagner
l’enfant intégré, l’est surtout pour accompagner l’enseignant accueillant. Il
permet de mettre en place les outils pédagogiques adaptés aux difficultés de
l’élève mais aussi de l’enseignant.
De même, les
services d’accompagnement (Bruxelles) et les services d’aide à l’intégration
(Wallonie) ont cette mission d’accompagnement dans leurs gênes.
Plus grande implication du
personnel de l’enseignement spécialisé au sein même de l’école ordinaire.
Nous venons
d’en toucher un mot. La collaboration entre les deux structures, le spécialisé
et l’ordinaire est constitutif de l’idée même de l’école inclusive. La charte
de Luxembourg[8] décrit
l’Ecole pour tous et pour chacun, c’est-à-dire une
école qui comprend tout le monde, comme :
Une structure administrative commune pour
l’enseignement spécifique et ordinaire ;
La formation des enseignants en vue de
l’enseignement inclusif ;
La collaboration entre les enseignants
ordinaires et spécifiques ;
La flexibilité et l’adaptation des cursus ;
Le partenariat avec les parents ;
La prise de conscience et l’information.
L’école
ordinaire regorge de moyens humains non spécialisés …
mais qui peuvent/doivent se spécialiser.
L’école inclusive de demain devrait être une école qui ressemblera à un hôpital. Il y a bien des infirmiers et doctoresses généralistes mais ils ne sont pas légion. Il y a surtout des infirmières et médecins spécialisés dans des domaines différents. Ces spécialisations sont complémentaires. Le patient qui a été opéré d’une tumeur à l’estomac a besoin de nombreux spécialistes : un ou une gastro-entérologue , une équipe de chirurgiens spécialisés dans les tumeurs digestives, d’un ou d’une oncologue, d’un ou d’une diététicienne, d’infirmiers et d’infirmières spécialisées, etc.
L’école inclusive, cela doit être cela : des professionnels spécialisés dans les difficultés d’apprentissages. Quand on rencontre un enfant avec un autisme (ou un autisme supposé), il y a un ou une collègue qui, même si elle ou il n’est pas pointu dans le domaine, s’est formé avec l’aide d’une association spécialisée (qui peut venir à la rescousse) et peut donner les premiers conseils. Ces premiers conseils peuvent être la bouée de sauvetage de l’intégration. En attendant, éventuellement, si besoin s’en fait ressentir, l’intervention de spécialistes.
Mobilisation des moyens
organisationnels
L’école ordinaire a été pensée pour les élèves ordinaires. En fait, pour des élèves qui n’existent pas. Car il n’existe aucune liste de critères pour définir ce qu’est un élève ‘ordinaire’. En général, on utilise le terme ‘ordinaire’ pour différencier les élèves. Ce sont ceux qui n’ont pas de handicap. Le problème est qu’il ne faut pas ne pas avoir de handicap pour ne pas avoir de grosses difficultés d’apprentissages. On parle aujourd’hui d’élèves à besoins spécifiques ou non. Le terme ‘ordinaire’ renvoie trop à ce qui n’a rien d’exceptionnel. Or, tous les élèves sont exceptionnels. De même que l’élève ‘médian’ ou l’élève ‘moyen’, l’élève ‘ordinaire’ fait défaut dans toutes les écoles.
Dès lors, l’organisation de l’école telle, qu’on la connaît, a été pensée pour des élèves qui n’existent pas. Son organisation est telle qu’elle ne peut répondre aux besoins des élèves qu’elle accueille en temps ordinaires. Que dire, lorsqu’elle accueille des élèves à besoins spécifiques ?
Il faut donc
repenser la structure même de l’école. Travailler par classes de 25, est-ce
vraiment efficace ? Programmer des heures de 50 minutes qui mobilisent
toutes les ressources professionnelles permet-il de venir en aide à des élèves
à besoins spécifiques ? Il est d’autres alternatives : les groupes de
besoin, passer à des heures de 40 minutes pour permettre la remédiation, voire
laisser tomber les heures minutées et passer à autre chose de plus coopératif. Il
faut donner des moyens à l’intégration. Des enseignants formés dans l’une ou
l’autre difficulté d’apprentissage doivent pouvoir trouver du temps pour aider
leurs collègues. Si ce soutien est intensif au départ, il se révèle très peu
nécessaire par après.
Sur le terme ordinaire, on peut se faire la même réflexion pour les écoles que l’on différencie d’ordinaires ou spécialisées. Or, il y a des écoles qui n’ont absolument rien d’ordinaire et qui sont exceptionnelles et qui accueillent déjà de nombreux élèves à besoins spécifiques. Sans doute pourraient-elles même prétendre être également spécialisées, car leurs enseignants se sont formés et continuent année après année. Elles ne sont pas ordinaires, ni spécialisées tout en ayant des spécialistes des difficultés d’apprentissages. Ce sont des écoles inclusives.
Absence de personnel qualifié pour
les soins
L’école
inclusive a besoin de moyens humains. Notamment en termes de professionnels
(nous venons d’en parler). Puéricultrices, logopèdes, … doivent être
intégré(e)s à toutes les équipes pédagogiques qui travaillent dans une école à
vocation inclusive. De même, un ou une infirmièr(e), un(e) kiné, traducteur en
langue des signes, ou spécialiste en fonction des nécessités, doivent pouvoir
venir en aide aux équipes éducatives.
[1] Actuellement nous sommes dans une
logique intégrative qui suppose une négociation pour que soit accueilli l’élève
dit “à besoins spécifiques” au sein d’une classe d’enseignement ordinaire.
L’école inclusive, quant à elle, est une école qui se pense et s’organise de
telle façon à pouvoir accueillir tout élève, quelles que soient ses
caractéristiques.On s’écarte donc d’une vision « intégrative » dans laquelle
l’élève différent doit se faire accepter au sein d’un système régulier.
Développer une école inclusive suppose de trouver un équilibre entre un
enseignement de type académique et une éducation à la vie en société et à la
citoyenneté. On s’écarte donc de pratiques d’enseignement « traditionnelles »
ce qui nécessite un nouveau positionnement face à la différence; une évolution
du rôle de l’enseignant et une autre conception de l’organisation de l’école.
In fine, l’enseignement inclusif est vu comme un moyen de faire participer la personne
handicapée à la vie de la société.
[2] Convention des Droits des Personnes handicapées – ONU 2006
[3] Nous
partons du principe que l’enseignant inclusif s’est progressivement formé à
l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences et
difficultés. Il est capable de transmettre tous les savoirs à tous les élèves.
Il ne pratique pas la sélection et donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[4] Centre Psycho-MédicoSocial. En Belgique, il s’agit d’un lieu
d’accueil, d’écoute et de dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder
les questions qui les préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie
familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire et professionnelle, ….
Le Centre PMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée
dans l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Il développe également des activités
au bénéfice des élèves fréquentant les Centres d’Education et de Formation en
Alternance (CEFA), ainsi que de leur famille. Le Centre PMS est composé de
psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d’assistants
sociaux (auxiliaires sociaux) et d’infirmiers (auxiliaires paramédicaux) qui
travaillent en équipe. Un médecin est également attaché à chaque Centre PMS
(www.enseignement.be).
[5] Il s’agit d’un chiffre noir, tant il est difficile de les répertorier, tous les enfants n’étant pas diagnostiqués. Le dispositif actuel ne permet d’en identifier qu’une partie (via les écoles spécialisées, les services d’aide précoce, services d’aide à l’intégration, centres PMS…).
[6] Le pouvoir organisateur d’un
établissement d’enseignement est l’autorité, la ou les personne(s) physique(s)
ou morale(s), publique(s) ou privée(s), qui en assume(nt) la responsabilité.
[7] Ôter le genre ou toute notion de genre d’un lieu, d’une activité, etc.
Les défis posés par l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle
dans l’enseignement ordinaire
Progresser dans le
sens d’une éducation inclusive à l’école va demander
D’articuler les objectifs définis pour
l’ensemble des élèves avec les objectifs plus particuliers de l’élève avec
déficience intellectuelle
D’utiliser les outils et
ressources existant dans chaque classe, dans chaque école pour mettre en place
un programme répondant aux besoins de tous
Se référer aux compétences
transversales (savoir écouter, savoir raconter en choisissant les bons
supports, savoir poser des questions, etc.) pour construire sa démarche méthodologique
Construire un bulletin axé sur la
progression dans les compétences et élaborer un portfolio pouvant suivre
l’élève tout au long de sa scolarité
Penser une progression de l’élève
avec déficience intellectuelle sans viser nécessairement l’obtention d’une
certification finale (CEB,…)
De se rappeler que tout enfant
apprend mieux par plaisir et curiosité et que la sphère relationnelle et
émotionnelle doit être prise en considération à tout moment
Croire dans les potentialités de
tout enfant et proposer des défis d’apprentissage : les recherches
scientifiques basées sur un suivi longitudinal de cohortes d’élèves, montrent
que des apprentissages sont possibles au niveau de la littératie et de la
numératie.
Penser en termes de parcours de
vie en prenant en compte les besoins de l’enfant une fois celui-ci devenu
adulte et ne le conduire pas à pas vers l’autodétermination
Modifier radicalement notre mode
de partenariat avec les parents et ce, dès l’annonce de la déficience : en
effet, la manière dont ceux-ci sont amenés à découvrir le handicap et à exercer
leur parentalité face à cet enfant va les conduire ou non à aborder le monde
scolaire de manière positive et dans une optique d’éducation inclusive. Se
rappeler aussi que les structures précédant l’école (crèches, pré-gardiennats)
doivent également concevoir une approche inclusive.
Sensibiliser les pairs de l’élève
à ce qu’implique la déficience afin de développer des interactions positives
entre élèves
Sensibiliser les autres parents et
rencontrer leurs craintes quant à l’impact d’un enfant avec déficience
intellectuelle sur le groupe-classe en montrer les effets bénéfiques pour tous
les élèves
Permettre à l’élève avec
déficience intellectuelle de rencontrer d’autres élèves ayant des
caractéristiques de fonctionnement similaires
Veiller à assurer dès le départ de
l’accueil de l’élève en enseignement ordinaire, un suivi tout au long de sa
scolarité sans devoir se baser uniquement sur la bonne volonté d’un seul
enseignant mais en impliquant toute l’équipe éducative
Arrêter de faire de l’intégration
un privilège pour l’enfant et sa famille : l’accueil en enseignement
ordinaire est un droit
Rencontrer les peurs et
questionnements des enseignants, les informer, leur donner des ressources
adéquates et les aider de manière pragmatique (accompagnement sur site). A cet
égard, il s’agit de mieux coordonner les ressources existantes et les rendre
accessibles.
Réfléchir à la manière dont les
ressources de l’enseignement spécialisé peuvent être mises à disposition de
l’enseignement ordinaire et de manière plus générale, envisager l’avenir de la
structure de l’enseignement spécialisé (soutien en enseignement ordinaire,
accueil d’élèves en situation de handicap très sévère, intervention
d’enseignants chevronnés dans la formation, etc.)
Avoir un engagement clair de la
part des pouvoirs organisateurs dans le sens d’une évolution vers un
enseignement inclusif
Associer tous les acteurs
concernés dans la communauté scolaire et autour de celle-ci (services d’aide
précoce, services d’aide à l’intégration, CRF mais aussi les médecins
généralistes, neurologues pédiatres). Plusieurs de ces acteurs sont amenés à
jouer un rôle de facilitateur, de médiateur dans le dispositif d’intégration.
Quels sont les apports du
Pacte pour un enseignement d’excellence ?
Tout
comme le rappelle l’avis d’UNIA du 15 mars 2017, le Pacte confond intégration
et inclusion. De plus, la volonté est de limiter le nombre d’élèves dans
l’enseignement spécialisé à ceux pour lesquels des aménagements raisonnables
dans l’enseignement ordinaire ne s’avèrent pas suffisants (p 236 du Pacte).
Le
Pacte ne propose pas une stratégie bien définie pour faire évoluer notre
enseignement vers un enseignement plus inclusif.
Le
Pacte fait la distinction entre aménagements imposables et aménagements
conseillés, ce qui ne correspond pas à la Convention : les aménagements
sont obligatoires dans tous les cas et doivent être mis en place dès qu’ils
sont sollicités.
Ceci
étant, potentiellement positifs, à
savoir
Le renforcement du partenariat parents-professionnels ;
L’idée d’un dossier unique qui
suivrait l’enfant tout au long de sa scolarité
Le rôle d’une expertise en
orthopédagogie qui viendrait de l’enseignement spécialisé
L’obligation d’accueil et de mise
en place d’aménagements dans le cadre de pôles régionaux : l’idée serait
donc de développer des écoles inclusives par pôles territoriaux. Cette formule
risque évidemment de conduire au regroupement d’élèves dits à besoins
spécifiques dans des écoles que l’on qualifierait d’inclusives !
Stigmatisation de l’élève : les procédures d’évaluation et
d’orientation
Sans nier la nécessité d’une évaluation correctement menée et de manière pluridisciplinaire, il importe de quitter un mode d’évaluation uniquement centré sur le relevé de déficiences et l’indication des écarts par rapport à une norme (vision très statique) pour adopter une évaluation plus qualitative et fonctionnelle des compétences de l’enfant en termes de profil des forces et faiblesses. L’évaluation ne doit pas contribuer à exclure l’enfant : nous observons encore beaucoup trop souvent que c’est sur la seule base du quotient intellectuel qu’un enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé.
Une
telle démarche évaluative plus qualitative va permettre de réfléchir aux
adaptations qu’il s’agira de mettre en place en classe.
Ce
travail d’évaluation demande du temps et donc des moyens financiers.
Par
ailleurs le développement d’un dossier unique de l’enfant, qui puisse le suivre
et dans lequel sont consignés ses progrès, quel que soit le service fréquenté
est nécessaire pour assurer une coordination et une cohérence des interventions
dans le temps. Pour faciliter le partage entre les divers intervenants, on peut
concevoir un dossier informatisé.
Il
serait donc important que les formations données aux psychologues et aux
neuropsychologues soient davantage axées sur une évaluation dynamique. En
particulier les psychologues des CPMS et des centres agréés ne devrait plus
pratiquer l’orientation sur la seule base d’un diagnostic s
Par
ailleurs, l’ensemble des professionnels devraient mieux connaître les enjeux de
l’intégration et ceux de l’inclusion. Ces professionnels doivent prendre
conscience que toute stigmatisation de l’élève comme « incapable » va
marquer la personne à vie.
Organiser le curriculum de
l’élève : quels apprentissages faut-il privilégier et comment ?
Il
s’agit d’approcher toute élève dans sa globalité avec un projet pense de
manière personnalisée. Le PIA est vu comme un outil rassembleur (et
obligatoire) avec consignation des attentes des parents et de l’élève, la
reconnaissance des divers obstacles aux apprentissages ainsi que les moyens
pour tenter de les surmonter. Ce PIA est aussi un outil de communication avec
le C.PMS et les divers partenaires extérieurs. C’est un outil de formation
réflexive. Il doit bien entendu reprendre les objectifs visés, les moyens que
l’on va dégager, la répartition des rôles de chacun, des critères sur lesquels
portera une évaluation ainsi qu’un échéancier. Idéalement ce PIA sera rédigé
dans un langage accessible à tous, dont l’élève.
Les
apprentissages sont à promouvoir tant sur le plan cognitif que socio-émotionnel
et ils doivent permettre de maintenir une bonne qualité de vie tant pour l’élève
que pour sa famille.
Les
contenus vont concerner les domaines du lire, écrire et calculer, la
communication, la socialisation, l’autonomie (capacité à faire des choix) et
l’indépendance fonctionnelle, l’acquisition de repères spatio-temporels,
l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires permettant
d’amplifier les domaines de l’estime de soi, de l’autodétermination, du
sentiment d’efficacité personnelle. La pédagogie devra s’adresser aux divers
sens (ouïe, vue, tact, odorat et goût). Il faut laisser l’enfant avec
déficience intellectuelle progresser à son rythme en s’appuyant sur ses
capacités développementales, en pensant à la nécessité des répétitions pour
consolider les acquis et en privilégiant les supports visuels.
Il
faut encourager l’investissement des espaces extérieurs en continuité avec
l’espace de la classe et comme support à divers apprentissages favorisant la
mobilisation de différentes formes d’intelligence.
La
pédagogie par projets, le travail coopératif (spontané et organisé) et le tutorat
seront ainsi facilités.
L’apport
d’une approche différenciée dans l’enseignement est aussi reconnu comme
favorisant les apprentissages de tous.
Comme
la littérature le recommande, il faut laisser l’enfant dans sa classe d’âge.
Enfin,
il est important que l’élève soit correctement installé en classe : l’aide
d’un ergothérapeute ou d’un kinésithérapeute peut s’avérer très utile.
Organiser l’école
Il
parait nécessaire de penser les soutiens présents dans l’école et dans la
classe comme non stigmatisant pour un élève en particulier. La personne
ressource devrait donc travailler avec le groupeclasse. Par ailleurs il s’agit
d’éviter de sortir l’élève de son groupe-classe pour des activités plus
individuelles.
Il
faut bien entendu disposer de moyens financiers adéquats pour mettre en place
certaines adaptations et disposer du matériel nécessaire, sans que l’enseignant
n’ait à payer du matériel de ses propres deniers.
L’idée
de donner un pot aux écoles pour leur permettre d’en disposer et se donner les
moyens humains et matériels nécessaires est évoquée. Le maître mot est la
souplesse, par exemple au niveau de la répartition des heures de l’enseignant qui
accueille des élèves avec déficience intellectuelle dans sa classe.
L’engagement
d’orthopédagogues (niveau bachelier) et d’orthopédagogues cliniciens (niveau
master) réfléchir l’organisation de la
classe et de l’école, apporter les ressources complémentaires utiles en
fonction des besoins, coordonner les interventionsun partenariat avec les
familles.
Parmi
les ressources externes à l’école, les services d’aide précoce, les services
d’aide à l’intégration, les CRF, et d’autres services (asbl, services
hospitaliers) tentent d’apporter une aide. Les conseillers pédagogiques ont un
rôle important à jouer. Les associations de parents devraient aussi contribuer
à l’évolution de l’école vers une école inclusive.
En
lien avec le projet autour de l’enfant et avec lui, il s’agit de dégager un
temps de concertation entre les divers acteurs dans le fonctionnement de la
classe et de l’école.
Le
rôle de la direction est mis en avant : il faut que toute l’équipe se
sente concernée par le projet d’évolution de l’école vers une école inclusive.
Contrairement
à l’idée généralement répandue, l’accueil d’un élève avec déficience
intellectuelle au niveau maternel n’est pas plus facile même si les contraintes
de l’évaluation sont absentes. Les enseignants de ce niveau ont un programme.
Plusieurs
enseignants signalent qu’ils doivent déjà faire face à une diversité de
difficultés chez les jeunes enfants.
Enfin,
nous avons vu qu’une vingtaine de projets de classes intégrées (appelées de
manière erronées « classes inclusives ») se sont développées. Ces
dispositifs ont chacun leur histoire et se présentent sous des formes
différentes. On peut penser que l’existence même de ces classes contribue à une
sensibilisation au sein de l’école. De plus, elles permettent à l’élève avec
déficience intellectuelle de ne pas se sentir seul au sein de l’école et de ne
pas être stigmatisé. Ces projets bénéficient d’une aide de la part de chargés
de mission. Il est important de souligner que les activités communes entre les
élèves de cette classe et les élèves des autres classes doivent être pensées et
organisées. La question est donc posée de savoir si ces classes p constituer
une démarche transitoire dans le cheminement d’une école vers une école
inclusive au sens propre.
Sensibiliser à la différence
au sein de la classe, de l’école et maintenir les interactions entre élèves
avec déficience intellectuelle et ses pairs
Il
s’agit de travailler à la cohésion du groupe-classe et comme déjà mentionné
plus haut, les approches comme le tutorat, l’apprentissage coopératif y
contribuent.
Il
s’agit aussi de permettre à l’enfant avec déficience intellectuelle de se
présenter.
Les
activités d’information et de sensibilisation doivent s’adresser à l’ensemble
de la communauté scolaire. Le conseil de participation peut être utilisé comme
un espace d’échanges et de sensibilisation. Les parents de l’enfant avec
déficience intellectuelle doivent, tout comme les parents des autres enfants,
être impliqués dans une réflexion centrée sur l’intérêt de la démarche inclusive.
La communauté scolaire devient ainsi une communauté apprenante et créative.
Dans
le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive,
les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables.
Partager des ressources et
(re)penser la formation tant initiale que continuée des professionnels
L’idée
du partage des expériences et des savoirs autour de la démarche inclusive
apparaît comme essentiel :au sein de l’école, entre les écoles, il s’agit
de mettre en place des forums d’échanges et de diffuser de petits documents
informatifs sans que ceux-ci ne soient présentés comme des
« recettes » toutes faites. La diffusion de brochures à la fois sur
la connaissance des droits et des procédures et à la fois sur le quoi faire et
comment, avec quels objectifs est perçue comme très utile. Des sites existent
et méritent d’être consultés : UNIA, ONE, Aviq, Phare, Inclusion asbl,
Prebs (Portail de référencement pour l’enfant à besoins spécifiques), sites de
diverses associations.
Le
concours de personnes adultes avec déficience intellectuelle (comme les membres
du Mouvement Personne d’Abord) a un rôle important à jouer pour informer sur
leur parcours propre et leur expérience et ainsi alimenter une réflexion.
Enfin,
les campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi à organiser en
se demandant quel est le message à faire passer et pour quel public
prioritaire.
En conclusion
Trois
phrases choc
Pourquoi pas un droit au même titre que l’implant cochléaire, le port de lunettes, l’utilisation d’une voiturette. Et pourquoi doit-on encore négocier des aménagements qui de plus, sont dits dev être raisonnables ?
Ce n’est pas aux parents de défendre le droit à l’Education pour leur enfant déficient dans le cadre d’une école d’enseignement ordinaire. Il faut une démarche plus globale de notre société.
Pourquoi continue-t-on à confondre les concepts intégration et inclusion et pourquoi n’entrevoit-on pas les réels enjeux de la démarche inclusive ? Les initiés ne devraient-ils pas utiliser ces concepts de manière plus précise afin de ne pas promouvoir des représentations erronées au sein du monde de l’enseignement et plus largement au sein de la société.
21 novembre
2017, Synthèse du colloque par le Prof.ém. J.-J. Detraux, administrateur de la
Ligue des Droits de l’Enfant. La présente synthèse est basée sur les notes
prises au cours de la journée par Bénédicte Decleyre et JJ Detraux ainsi que
sur les diverses notes qui nous ont été adressées par les intervenants et par
des participants.
L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle doit aussi lutter contre les stéréotypes de genre et relatifs à l’orientation sexuelle
Introduction
Depuis près de 10 ans, la Ligue des Droits de l’Enfant défend les droits des élèves LGBT et de leurs familles. La lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie font parties pleinement de nos missions, comme la défense de tous les Droits de l’Enfant. Nous militons pour que l’Ecole remplisse sa mission éducatrice, mais c’est difficile. Elles ne sont pas formées (ou plus exactement, ne se sont pas formées) à cet aspect de l’éducation et se reposent principalement sur l’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), alors que chaque enseignant doit être capable d’y former leurs élèves, depuis le plus jeune âge. Or, nous sommes loin du but, comme va vous le montrer cette analyse. Après cela, il ne restera plus aux enseignant.e.s, éducateurs et éducatrices, animateurs et animatrices, qu’à se former et remplir leur mission éducative, avec un esprit critique de qualité.
Selon le rapport de SOS-homophobie (France) datant de 2012[1], la moitié des élèves interrogé·e·s affirme ne pas connaître de personnes homosexuelles (68% pour les garçons), et 58 % n’ont jamais abordé le sujet de l’homosexualité en famille (70% pour les garçons). Dans chaque cas, les réactions de rejet sont en proportion inversée : 36 % de réaction négatives à l’idée de rencontrer une personne homosexuelle pour les élèves qui n’en connaissent pas (contre 10% pour ceux qui en connaissent) et 30% de réactions hostiles (contre 8%) pour ceux qui n’en parlent jamais en famille.
Pourquoi en serait-il autrement en Belgique ? Ces dernières semaines, au moins trois agressions homophobes ont eu lieu à Bruxelles. Cela montre que le cœur de l’Europe est loin d’être épargné par l’homophobie. Le fait que ce soient cinq mineurs d’âge qui aient agressé un couple dans le centre de Bruxelles, démontre que l’éducation au respect de toutes les différences est défaillante dans certaines familles. Pire, les révélations sur la formation des imams, suite à l’enquête sur la Grande Mosquée, nous font craindre le pire[2]. L’Eglise catholique n’est pas en reste avec des représentants ouvertement homophobes[3]. On ne sait rien de la formation des religieux d’autres cultes, mais aucune confession n’est à l’abri de dérives visant celles et ceux qu’elles considèrent comme étant en dehors de leurs « normes » : personnes LGBTQI, divorcé·e·s, remarié·e·s, militant·e·s pour l’IVG, etc. Si des jeunes ne sont pas confronté·e·s à un discours progressiste, porteur de valeurs humanistes, des faits graves d’agressions homophobes seront toujours à craindre.
L’EVRAS, une des missions de l’Ecole
L’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) est obligatoire depuis 2012. L’objectif est d’augmenter la connaissance des jeunes en matière de vie relationnelle, affective et sexuelle et s’approprier ces connaissances. Trois séries d’acteurs sont répertoriées : les CPMS, les Centres de planning familial et, enfin, le secteur associatif.
Les missions de l’Evras portent sur la citoyenneté, le lien à l’autre, les problématiques liées au genre, les différences sexuelles, les MST, etc. Il s’agit aussi de déconstruire les stéréotypes et de lutter contre l’homophobie, ainsi que d’informer sur la diversité et de favoriser l’intégration au sein de l’école.
Au niveau primaire, ce sont les P.S.E. et C.P.M.S. qui interviennent, mais aussi et surtout les enseignant·e·s. Les plannings familiaux, quant à eux, interviennent plutôt au niveau du secondaire, tout comme les associations LGBT.
Malheureusement, selon certain·e·s de ces intervenant·e·s, leur formation est déficitaire. Il n’y a pas d’obligation d’être formé·e·s auprès d’acteurs ou d’actrices spécialisé·e·s, que ce soit au niveau de l’identité de genre ou sur quelque diversité de genre que ce soit. Il ne leur est donc pas possible d’aborder ces sujets dans les classes. On constate également que dans des grandes villes comme Bruxelles, la question est parfois mise de côté, par peur de réactions négatives des élèves. Pourtant, la circulaire Neutralité précise que l’école ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir. Quand des enseignant·e·s décrètent qu’il y aurait des thématiques qui sont taboues à l’école, c’est contraire au Décret neutralité. Ils/elles doivent pouvoir parler de tout et ont pour devoir de transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes qui lui permettent d’exercer librement des choix.
Il y a clairement un manque de formation initiale des enseignant·e·s. Les Hautes Ecoles ne proposent qu’un cours « fourre-tout » sur la diversité culturelle et les orientations de genre. Les formateurs et formatrices d’enseignant·e·s ne sont pas formé·e·s, ce qui est un comble. A leur corps défendant, la communauté française n’estime pas cette formation importante. En effet, elle prévoit tellement peu d’heures (30h) que les formatrices et formateurs ne s’impliquent pas réellement.
Il y a un réel déficit de connaissances de la part des acteurs et actrices scolaires et des intervenant·e·s en EVRAS, notamment sur la manière d’aborder ces thématiques avec des publics divers et diversifiés. Une école n’est pas l’autre et les difficultés auxquelles doivent faire face les enseignant·e·s sont très variées.
La plupart des appels d’écoles aux associations sont liés à des incidents critiques. L’appel peut émaner de l’agent d’un CPMS, d’un·e enseignant·e, d’un·e éducateur·trice parfois. C’est quand un problème se pose qu’on commence à y penser. De l’importance donc, de pouvoir faire un travail, non seulement avec les élèves mais aussi avec les équipes pédagogiques. Lors d’une demande d’interventions, les associations LGBT proposent une demi-journée de formation en préalable avec l’équipe pédagogique, avant de commencer le travail avec les jeunes. Les écoles sont, en général, prêtes à mettre en place toute une série de choses pour pouvoir accueillir ces formations. Les demandes sont supérieures aux moyens des associations.
Comment se former et où s’informer ?
Dans les écoles, il n’y a pas que l’EVRAS en matière d’orientation sexuelle. Chaque enseignant·e doit attacher de l’importance aux références et aux représentations qu’elle/il apporte aux enfants et aux jeunes. L’étude des CEMEA sur les questions de genre dans les manuels scolaires présente une série de recommandations pour permettre d’aborder des thématiques qui traitent d’identités de genre[4]. Cela revient à la question « Moi, enseignant, qu’est-ce que je fais ? Comment est-ce que j’intègre, dans mes pratiques quotidiennes, notamment, la thématique de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle ? Comment est-ce que j’inclus les diversités ? »
Au niveau de la formation en cours de carrière, la première porte d’entrée institutionnelle est l’IFC (Institut de formation en cours de carrière). L’IFC permet à un large panel d’enseignant·e·s d’être touché·e·s… s’ils/elles le souhaitent. Fort heureusement, être enseignant·e·s, c’est aussi et surtout avoir la capacité de se former soi-même. Par des recherches, par des lectures, en assistant à des conférences, en se documentant sur Internet ou en bibliothèque. C’est, d’ailleurs, ce que font les enseignant·e·s consciencieu·x·ses.
Il y a des outils. Dans les bibliothèques, il y a des ressources sur les questions d’identités de genre et d’orientation sexuelle. Il y a des catalogues de livres hétéro-centrés. Tous les enseignants ne vont pas chercher dans les bibliothèques mais c’est la mission des C.P.M.S. que de leur venir en aide et les conseiller. S’il y a une priorité à donner en matière de formation, c’est vis-à-vis des agents de CPMS. Dans les centres de promotion de la santé, il y a également des outils de sensibilisation.
Pipsa.be, est un site Internet assez complet d’outils pédagogiques en promotion de la santé.
Il faut éduquer aux différences de genre le plus tôt possible
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a beaucoup de demandes qui viennent des écoles primaires. Malheureusement, la plupart des moyens sont centrés sur le secondaire, mais il est important de pouvoir commencer le plus jeune possible. Mais c’est un combat de chaque moment. Ce n’est pas lié à l’EVRAS ? C’est lié à l’enseignant·e dans son quotidien face aux élèves : « Qu’est-ce que je lis comme histoire, comment est-ce que j’organise ma classe, comme et est-ce que je m’exprime auprès des élèves, comment est-ce que … » L’Evras n’est qu’un outil. L’important est le respect des droits fondamentaux des élèves en évitant toute forme de discrimination, même symbolique, que ce soit dans le quotidien de la classe et de l’école (cours de gymnastique/natation ségrégés, cours de récréation dédiées au football, …), mais aussi dans les cours : Maman ne s’achète plus un lave-vaisselle et papa une nouvelle voiture.
Ecole et « neutralité »
Quand on parle de neutralité à l’école, cela vise d’abord et avant tout la question des convictions religieuses, des convictions philosophiques, des convictions politiques et, éventuellement, même si ce n’est pas dit explicitement, les convictions syndicales. Certaines écoles refusent erronément d’éduquer à la différence de genre par volonté de « neutralité ».
L’orientation sexuelle n’est pas une conviction. Dès lors, le concept de neutralité n’a pas à s’appliquer. Ce qui peut être demandé, c’est de ne pas être un militant. Cela vaut pour n’importe qui d’autre et pour n’importe quel autre sujet de société. Est-ce que l’identité se réduit à sa religion ou son orientation sexuelle ? Nous avons des identités multiples. On peut être à la fois religieux et à la fois homosexuel. Réduire l’identité des élèves à une seule caractéristique poserait la question des ghettos.
En conclusion
L’école est avant tout un lieu d’éducation et, en priorité, à l’éducation au vivre ensemble. On doit y apprendre aux élèves – au travers de « matières » plus ou moins utiles – à faire société, à être capables une fois adultes à œuvrer pour une société plus juste, plus tolérante et plus respectueuse de tou·te·s. Nous militons pour que toutes les écoles deviennent des ECOLES POUR TOU·TE·S.
Toute personne intéressée par la mise sur pied d’un projet d’ECOLES POUR TOU·TE·S est la/le bienvenu·e pour nous aider. Nous vous invitons à nous rejoindre. Que l’on soit LGBTQI ou hétéros, nous sommes tou·te·s concerné·e·s par les différences de genres.
[2] Le Centre islamique et culturel de Belgique enseignait une vision sans discernement du droit islamique et doctrine du IXe au XIIe siècle. Ce qui veut dire, notamment, une exaltation du djihad armé, mais aussi des méthodes pour exécuter par exemple les homosexuels. Dans un autre manuel dont disposent les imams formés au centre, on retrouve même des appels à l’antisémitisme. Source RTBF : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_l-ocam-inquiet-de-la-formation-des-imams-en-belgique?id=9913436
Ce site internet peut utiliser des cookies pour votre confort de navigation. AccepterLire plusRejeter
Confidentialité & Cookies
Privacy Overview
This website uses cookies to improve your experience while you navigate through the website. Out of these, the cookies that are categorized as necessary are stored on your browser as they are essential for the working of basic functionalities of the website. We also use third-party cookies that help us analyze and understand how you use this website. These cookies will be stored in your browser only with your consent. You also have the option to opt-out of these cookies. But opting out of some of these cookies may affect your browsing experience.
Necessary cookies are absolutely essential for the website to function properly. These cookies ensure basic functionalities and security features of the website, anonymously.
Cookie
Durée
Description
cookielawinfo-checkbox-analytics
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Analytics".
cookielawinfo-checkbox-functional
11 months
The cookie is set by GDPR cookie consent to record the user consent for the cookies in the category "Functional".
cookielawinfo-checkbox-necessary
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookies is used to store the user consent for the cookies in the category "Necessary".
cookielawinfo-checkbox-others
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Other.
cookielawinfo-checkbox-performance
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Performance".
viewed_cookie_policy
11 months
The cookie is set by the GDPR Cookie Consent plugin and is used to store whether or not user has consented to the use of cookies. It does not store any personal data.
Functional cookies help to perform certain functionalities like sharing the content of the website on social media platforms, collect feedbacks, and other third-party features.
Performance cookies are used to understand and analyze the key performance indexes of the website which helps in delivering a better user experience for the visitors.
Analytical cookies are used to understand how visitors interact with the website. These cookies help provide information on metrics the number of visitors, bounce rate, traffic source, etc.
Advertisement cookies are used to provide visitors with relevant ads and marketing campaigns. These cookies track visitors across websites and collect information to provide customized ads.