La notation est-elle une maltraitance ?

La notation est-elle une maltraitance ?

Rappelons-nous que l’échec scolaire tue !

« Si le redoublement est une maladie, le système (…) de notation, lui, peut tuer. C’est une véritable plaie qui exerce des effets nuisibles sur le moral, la confiance en soi et les performances des élèves.[1] »

La note est un jugement de valeur : l’élève est « bon » ou « mauvais ». Elle évalue l’être humain en tant que tel et n’évalue pas les compétences qu’il a acquises.

Au-delà du problème des points, c’est du bien-être de tous les élèves qu’il s’agit. Est-il un enseignant celui qui est incapable de gérer une classe sans système de sanction ? Est-elle humaine, celle qui, pour ne pas être traité de laxiste par ses collègues ou par des parents, met en compétition des élèves et en échec les plus faibles ? Peut-on se trouver devant des jeunes dans l’espoir de les former à un esprit critique quand on est, soi-même incapable d’analyser une problématique aussi fondamentale que celle de la cotation, de la mise en compétition et de la sélection d’êtres humains ? Une sélection qui impacte et détruit la vie de millions de jeunes et de leurs familles, génère la discrimination, l’échec scolaire et la haine, chez les plus fragiles de notre société ?  

Est-il juste ce système scolaire où, pour maintenir la réputation d’une école, il y a des quotas d’échecs à maintenir d’années en années ? Où systématiquement, il y a 6 classes de deuxième secondaire, mais seulement 5 de troisième et 4 de quatrième et donc où, chaque année, il faut casser 25 élèves, systématiquement, parce qu’il n’y a plus de classe pour eux l’année suivante ? 

Et ces parents demandeurs d’écoles « exigeantes » ? Issus de familles nanties, grâce auxquelles ils ont pu bénéficier d’un système scolaire qui les a épargnés en mettant les autres en échec, ils se permettent d’exiger que ces privilèges bénéficient maintenant à leurs enfants. Donc, au détriment des enfants de leurs anciens condisciples cassés par le système ! Ils veulent que l’on perpétue le système de l’échec scolaire au seul profit de leur milieu social !

Voilà le plus grand échec de l’école : elle forme une minorité de citoyens égoïstes et compétiteurs, de petits bourgeois qui seront prêts à voler la société pour acquérir plus de biens encore car ils refuseront de partager le bien commun qu’est notre planète. Et elle laisse sur le côté une majorité d’adultes qu’elle a cassé sur fond d’idéologie élitiste et d’une conception naturaliste de l’intelligence. Ce sera pourtant à ces derniers à tenter de se construire ce que l’école a été incapable de faire, une citoyenneté. Car eux seuls, au vu de l’échec des premiers, seront à même de construire une société plus juste et forcer l’école à se transformer de la cave au plafond.

Pire, les professeurs qui affectionnent tant cette école et ce système injuste ont été formés par ce système scolaire et sont les meilleurs exemples de ce grand échec. En les faisant réussir scolairement, l’école les a mis en échec dans leur humanité.

Et s’il est bien un pilier qui doit tenir cette société debout, en formant des citoyennes et des citoyens à co-construire le droit – et donc la Justice – et à le respecter, c’est l’institution scolaire. Celle-ci n’a jamais rempli son rôle, étant elle-même un lieu de non-droits.

Oui, l’échec scolaire tue. Les suicides d’adolescents sont la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route. Et les notes, comme tout le reste de l’iceberg, font partie de ce harcèlement psychologique mis en place par l’école pour culpabiliser les jeunes qui vivent l’échec au quotidien. L’école est un important lieu de risques psychosociaux pour les élèves. Les phobies scolaires touchent environ 5 % des élèves âgés de 12 à 19 ans (soit au moins un par classe). L’échec scolaire engendre le sentiment d’incompétence acquise qui fera boule de neige et mènera vers plus d’échecs encore. La compétition entre les élèves et la pression des professionnels de l’école et/ou des parents amène du stress et de la souffrance. Des élèves vivent mal leurs différences (handicap, difficultés d’apprentissage, préférences sexuelles, transsexualité, …) et leurs échecs.

Enfin, quelle est la part des problèmes vécus à l’école dans les tentatives (ou réussites) de suicides des adolescent·e·s ? Si, souvent il n’est pas le seul critère qui mène au désespoir et aux idées de suicide, il n’est pas innocent de penser que c’est la goutte de trop, celle qui mène au passage à l’acte. Dans toute tentative de suicide d’un enfant, l’échec scolaire doit être questionné. Les points en sont l’outil !


[1] Peter Gumbel, On achève bien les écoliers, Grasset 2010

Evaluations : Quelles sont les alternatives à la note ?

Evaluations : Quelles sont les alternatives à la note ?

Supprimer les notes pour supprimer les notes et les remplacer par une autre forme de cotation sans réflexion préalable ne va pas changer grand-chose. Il faut d’abord se demander pourquoi supprimer les notes et se donner des objectifs de réussite pour tous les élèves. On peut, en effet, reproduire la sélection et hiérarchiser sa classe avec des couleurs ou des smileys, plutôt qu’avec des notes.

C’est l’esprit que l’on veut insuffler dans sa classe ou dans son école qui sera le plus important et non le dispositif que l’on choisira. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Abandonner l’« évaluation sanction», au profit d’une « évaluation bienveillante » est un projet qui doit mûrir et être accompagné d’une vaste réflexion, de lectures et de recherches personnelles ou en équipe.

Quel que soit le dispositif choisi, celui-ci nécessitera un investissement plus important de la part de celle ou celui qui se prépare à devenir enseignante ou enseignant. Mettre des notes, écrire un nombre sur une feuille, pratiquer la sélection d’élèves, tout le monde sait le faire, à commencer par les professeurs qui n’enseignent pas. Les notes, permettent précisément de ne pas enseigner (transmettre les savoirs à tous les élèves). Le nouveau dispositif, au contraire, ne visera plus cette sélection et aura pour but d’aider l’élève, individuellement, à progresser, par l’évaluation formative.

Il faudra travailler sur les conditions d’évaluation. L’enseignant sera plus attentif à chacun des élèves, devra observer leurs difficultés, les accompagner dans un climat serein afin de ne pas les stresser et leur permettre de faire émerger leurs aptitudes réelles.

L’évaluation bienveillante est incompatible avec un climat de classe compétitif. La relation entre enseignant et élève doit être basée sur la confiance réciproque. Un enseignant est, par définition, convaincu du « concept d’éducabilité » : tous les élèves sont doués pour l’étude. Il laisse s’exprimer toutes les formes d’intelligences et exploite tous les talents. Il leur apprend à être critiques et exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes, les encourage à dire leurs difficultés, mais aussi, à se dépasser, à faire profiter les autres de leurs acquis.

Il faudra imaginer des évaluations plus intelligentes. En effet, on sait que les professeurs construisent ces évaluations non pas pour aider les élèves, mais pour faire leur courbe de Gauss, en mettant intentionnellement en échec les élèves les plus « faibles ». Il faudra se donner du temps pour faire les corrections et indiquer aux élèves ce qu’ils doivent faire pour progresser. Pour cela il faut identifier rapidement les difficultés de chaque élève afin de lui permettre de les surmonter.

Ensuite, les « bulletins » seront à repenser. Ne plus mettre de notes implique d’évaluer sur base des savoirs et compétences acquis, les uns après les autres. Cela nécessite aussi de donner le droit à l’erreur, c’est-à-dire de n’évaluer que positivement, et permettre à chaque élève de réessayer, même plusieurs fois afin de se corriger. Tout cela avec bienveillance, sans ne plus émettre de jugement sur la personne. Eviter la mise en échec, s’entourer d’aides car on n’a que deux mains (de tuteurs, par exemple) pour remédier et réexpliquer si c’est nécessaire.

Modifier le bulletin doit impérativement s’accompagner de pédagogie avec les parents. N’étant pas enseignants, ils seront perdus de ne plus avoir de points, car leurs repères vont changer : « Comment savoir si mon enfant a compris, s’il est premier de classe ou dans la moyenne ? » Changer de dispositif d’évaluation nécessite le soutien des parents. Il faut les convaincre que c’est mieux pour leur enfant. Les plus difficiles à convaincre seront les parents de « bons » élèves qui tiennent à la compétition, puisque leur enfant s’en sort.

L’évaluation par compétences vaut mieux que l’évaluation par notes. L’enseignant peut, par exemple, apprécier avec un code couleurs (vert pour « acquis », orange pour « satisfaisant » et rouge pour « pas encore acquis »). Cette manière de faire permet de donner à chaque élève une indication sur ses apprentissages, beaucoup plus précise que les points. La note ne dit jamais si l’élève a acquis ou non ses apprentissages. Il peut avoir 20 sur 20 et avoir de grosses lacunes. Et, que représente un 13 sur 20 par rapport à un 15 ? Un 9, par rapport à un 11 ? La note est synthétique mais imprécise. L’objectif de l’évaluation formative est de guider l’élève et non plus de chercher à le classer par rapport aux autres élèves de la classe.

L’avantage de l’évaluation formative c’est que l’élève (mais aussi les profs et les parents) ne se focalise plus sur celle-ci, mais sur les commentaires éventuels de l’enseignant et sur le fait que le savoir est acquis ou non.

En évaluation formative, le rôle de l’erreur est essentiel. Elle n’est plus vue comme une « faute », quelque chose de « mauvais », un « échec ». Elle change de statut devenant une aide à l’apprentissage et source de savoirs nouveaux, tout comme dans la vie quotidienne. On n’apprend jamais sans erreurs. Il faut apprendre à les surmonter pour pouvoir avancer.

L’évaluation formative réduit fortement les comparaisons sociales. On ne peut se comparer avec des couleurs. Si tu n’as pas acquis l’apprentissage contrairement à moi, je vais t’aider à y arriver. L’objectif de tous les élèves est la réussite du plus grand nombre et non plus la compétition et c’est donc aussi, la fin de l’individualisme.

Les apprentissages deviennent « communs ». Le tutorat va de pair avec eux et la triche disparaît au profit d’une envie d’apprendre. Il n’y a plus de notes faibles qui réduisent ou cassent la motivation des élèves[1]. Dès lors, diminution du stress et de l’anxiété face aux cotations, qui sont défavorables aux apprentissages. Finie la peur du mauvais résultat, des quolibets des « camarades » de classe, des reproches parentaux.


[1] Philippe Guimart a montré que 75% des élèves ont « peur d’avoir de mauvaises notes » – Guimart Philippe et al. (2015), « Le bien-être des élèves à l’école et au collège », Éducation

et formations, n° 88-89, p. 163-184.

De plus en plus d’écoles suppriment les notes. N’est-ce pas tromper les élèves ?

De plus en plus d’écoles suppriment les notes. N’est-ce pas tromper les élèves ?

Toutes les recherches en docimologie ont démontré le contraire. Résumons-nous :

On a vu que les notes évaluent très imparfaitement les savoirs des élèves. Elles servent surtout à les classer et à pratiquer une sélection, les plus « forts » pouvant passer en classe supérieure et les plus « faibles » devant redoubler ou être orientés vers des filières professionnelles (en secondaire) ou vers l’enseignement spécialisé (essentiellement en primaire). La note n’est donc pas un thermomètre[1] qui indiquerait la température (le niveau de savoir) de l’élève. Pour la majorité des notes entre 7 et 13 sur 20, la différence réelle de compétences est imprécise et variable selon le correcteur[2], ceux-ci évaluant différemment les copies selon l’ordre de celles-ci.

On a vu aussi que les biais sociaux de notation liés aux information extrascolaires relatives aux élèves influencent largement les professeurs, notamment l’âge, le sexe, l’origine sociale, …, de l’élève. L’existence de ces biais est avérée par toutes les études psychologiques et sociologiques sur la notation.

La note ne sert certainement pas de motivation. Les 20 000 élèves qui, en moyenne, quittent chaque année notre système scolaire sans diplôme n’ont certainement pas été motivés par les notations qu’ils ont reçues de leurs professeurs. Au contraire, ceux-ci, par une notation sélective, les ont cassés parfois pour la vie entière. Chacun le sait sans avoir lu les études en question : la bonne note motive, tandis que la mauvaise note crée une image négative de soi et handicape les futurs apprentissages. Les résultats ne sont pas plus favorables aux « bons » élèves puisque la notation favorise la compétition et l’individualisme égoïste, tout comme les comportements antisociaux[3].

Parmi ces comportements antisociaux, on trouve le besoin de savoir où on se situe par rapport aux autres, afin de s’assurer qu’on fait partie des « meilleurs ». La notation est un système d’évaluation qui incite à la tricherie[4]. Pour assurer ces premières places, ces mêmes « bons » élèves sont parfois amenés à tricher. Cela pose un problème à la société toute entière puisque ces jeunes seront sans doute ceux qui occuperont les places à responsabilité dans le futur. De leur côté, les élèves en difficulté ne cherchent en aucune manière à savoir où ils se situent par rapport à leurs pairs. Ils craignent les dernières places comme la peste. La notation fait détester l’école et crée l’anxiété et la phobie scolaire.

Enfin, contrairement aux discours de certains professeurs qui savent tout et peu soucieux des résultats des recherches en docimologie, travailler pour des « points » ne permet pas aux élèves d’apprendre. Dès qu’ils savent qu’un travail sera noté, ils vont travailler uniquement pour la note, en espérant avoir la meilleure ou la moins mauvaise qui soit.  Ils sont focalisés sur les notes et non sur les connaissances. Une fois le travail rendu, ou le contrôle passé, le cerveau fait son travail d’oubli. Seule la mémoire à très court terme a été employée par les élèves et, en somme, ils n’ont rien appris, ou si peu. 

La seule manière d’apprendre, à quelqu’âge de notre vie – et à fortiori quand on est enfant ou étudiant – sont l’envie, l’intérêt, la curiosité, la passion et le plaisir. La note empêche ces sentiments d’émerger.

Pour toutes ces raisons, il est impérieux de choisir d’autres formes d’évaluations sans notations, même par appréciation (les fameux ‘Très bien’, ‘bien’, ‘satisfaisant’, etc.). La meilleure manière d’évaluer est l’évaluation des compétences et des savoirs progressivement, sur base d’évaluations formatives. Cette évaluation est beaucoup plus précise. Elle favorise les progrès scolaires mais nécessite de ne plus « donner cours », mais d’ « enseigner ». Ne plus mettre en compétition dans un objectif de sélection, mais avoir la volonté de transmettre à tous les élèves, sans distinction aucune, tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui leur permettront de maîtriser toutes les compétences à acquérir.


[1] «« Ce n’est pas une bonne idée de supprimer les notes. C’est absolument indispensable d’avoir des points de repère (…). Casser le thermomètre ne sert absolument à rien. » Luc Ferry, RTL, 9 octobre 2012. Luc Ferry était opposé à la suppression de la notation comme l’avait envisagé un temps Najat Vallaud-Belkacem.

[2] Jean Aymes, « Une expérience de multicorrection », Bulletin de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, n° 321, 1979 ; Pierre Merle, Les notes. Secrets de fabrication, PUF, 2007 ; Bruno Suchaut, La loterie des notes au bac. Un réexamen de l’arbitraire des notes au bac, IREDU, 2008.

[3] Fabrizio Butera, Céline Buchs, Céline Darnon, L’évaluation, une menace ? PUF, 2011.

[4] Pascal Guibert, Christophe Michaut, « Les facteurs individuels et contextuels de la fraude aux examens universitaires », Revue française de pédagogie, n°169, 2009.

Comment font les pédagogies actives, qui ne mettent pas de points ?

Comment font les pédagogies actives, qui ne mettent pas de points ?

De nombreuses écoles n’utilisent pas les notes.

Des enseignants-citoyens, au sein de leur classe, et des écoles-citoyennes ont arrêté les notes depuis parfois des années. Les choses ne se sont pas faites du jour au lendemain. Il faut y aller progressivement, sauf si c’est un choix d’équipe pédagogique très volontariste, mais même dans ce cas, réflexion vaut mieux que précipitation.

L’important est de permettre à tous les élèves de s’inscrire dans leurs apprentissages afin d’y trouver du sens et surtout du plaisir. La compétition est un mauvais choix, il faut donc les former à la coopération. La pédagogie du même nom est validée depuis des décennies, initialement dans les pays anglo-saxons, mais elle trouve de plus en plus sa place dans nos systèmes éducatifs. Pour changer l’école, il est impératif de changer de méthode d’enseignement et de faire de la pédagogie[1].

En pédagogie coopérative, on utilise généralement un système d’évaluation simple : Parfaitement acquis (vert), correctement acquis (orange), en voie d’acquisition (rouge). Les deux premiers degrés pouvant être fusionnés. Une fois qu’un savoir est acquis, peu importe si c’est avec brio ou si cela été acquis en suant toutes les gouttes de son corps. L’important étant le fait que l’apprentissage soit intégré, point !

Evaluer prend du temps. Ce n’est pas souligner quelques fautes et inscrire une note peu réfléchie à la va-vite. Evaluer c’est chercher à comprendre le cheminement de chaque élève, voir où il « accroche » afin de lui expliquer comment éviter les écueils et progresser. C’est aussi réfléchir à la remédiation immédiate que l’on va mettre en place avec lui, avec son aide et celle des autres, dans un tutorat qui fera progresser tout le monde : tutoré et tuteur.

Evaluer c’est aussi faire des bulletins autrement. Des bulletins sans points, mais qui reprennent l’état des lieux : chaque apprentissage avec son évaluation, le tout, accompagné de commentaires les plus pointus possibles. Chaque élève est évalué dans chacune des disciplines. Un instituteur rédigera entre 8 et 20 lignes pour chaque banche. Un professeur en fera autant pour chaque élève dans la ou les disciplines qu’il enseigne. Par exemple, un instituteur évaluera le comportement dans les apprentissages, les apprentissages en mathématique, en français, en éveil, dans les apprentissages coopératifs et au niveau du développement personnel. Il laissera les cours philosophiques, la seconde langue et l’éducation physique aux professeurs spécialisés. A raison de 5 à 15 lignes par discipline, il rédigera, entre 1500 et 2000 lignes pour ses 25 élèves, lors des « grands » bulletins. Moitié moins pour les bulletins intermédiaires. Cela représente une cinquantaine de pages, soit 2 par élève.

Mais c’est important. Mieux que les points, ces évaluations permettront aux élèves (et à leurs parents) de savoir où ils en sont par rapport à chaque apprentissage et ce qu’il y a lieu de mettre en place en termes de remédiation immédiate (en classe), par la suite. Dans ce système d’évaluation, il n’y a plus de « mauvais » élèves. Par définition, tout le monde est « bon », mais tout le monde n’a pas nécessairement facile à apprendre. Ensemble, et avec l’aide de tous, « on » va y arriver.

Concernant les diverses approches pédagogiques, il est difficile d’être exhaustif, tant les évaluations se font de manières différentes selon les écoles, même parmi celles adhérant à un même courant pédagogique. Voici quelques exemples de ce qui se fait dans certaines de ces écoles :

  1. Pédagogie Freinet

Dans les écoles à pédagogie Freinet, l’objectif n’est pas la performance de l’élève mais plutôt son épanouissement. Ce dernier apprend à avoir confiance en lui et à être en pleine possession de ses qualités.

Les élèves reçoivent des brevets de compétences et des ceintures de comportement. Les brevets jalonnent la scolarité de l’enfant. L’évaluation devient ainsi naturelle et s’inscrit dans un travail coopératif. En pédagogie Freinet, l’évaluation revêt trois aspects importants[2] :

  • l’évaluation de l’enfant par lui-même ou autoévaluation ;
  • l’évaluation de l’enfant par le groupe ;
  • l’évaluation de l’enfant par le maître.

Les bulletins se terminent toujours par la rubrique « Conseils pour progresser ».

  • Pédagogie Decroly

Dans les écoles Decroly, pour motiver les élèves, les professeurs comptent sur le plaisir de progresser, de comprendre, de faire soi-même, d’être dans « l’élan ». « On travaille pour avoir de bonnes appréciations, pour ne pas être à la ramasse ». Et s’il n’y a pas cet « élan » ? Qu’à cela ne tienne, les adultes patientent. « Tu as décidé de ne rien faire, c’est ton problème, mais ne distrais pas les autres ».

Les mots remplacent les notes. Ils sont bienveillants, par principe. L’école Decroly pratique depuis 60 ans une forme d’évaluation par compétences. Les appréciations des professeurs sur les bulletins sont de vrais romans feuilletons[3].

  • Pédagogie Montessori

Dans les écoles Montessori, l’évaluation a lieu au fur et à mesure du déroulement des ateliers. L’enseignant prend le temps d’observer chacun de manière individuelle …la régularité sur l’année de ces ateliers permet aux élèves de prendre le temps de faire leurs apprentissages et aux enseignants de se poser pour observer chacun d’eux.

Dans les petites classes, l’évaluation est davantage gérée par l’adulte même s’il invite progressivement l’enfant à identifier et verbaliser les critères de réussite et à avoir ainsi un regard sur ses apprentissages. Le cahier de réussite permet à l’enfant de prendre conscience de ses apprentissages.

En moyenne section, l’élève est de plus en plus associé à l’évaluation grâce aux tableaux d’autoévaluation ; en fin d’année il évalue « seul » ses compétences concernant les ateliers Montessori.

En grande section, l’élève s’autoévalue, il perçoit les étapes successives à dépasser pour atteindre un objectif final. Il se met en projet.

Le cahier individuel de suivi permet au maître de suivre les activités menées par l’élève qui coche les activités qu’il réalise. Il permet à l’élève de se repérer.


[1] A contrario de ce qui se fait « traditionnellement » dans nos écoles, c’est-à-dire de l’A-pédagogie (avec alpha privatif) : de l’enseignement frontal, de la compétition et de la sélection. Bref, du cassage d’élèves.

[2] Pour l’évaluation en pédagogie Freinet, lire le Nouvel Educateur n° 189 – Evaluer, s’évaluer en pédagogie Freinet consultable sur https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-nouvel-educateur-189

[3] https://www.nouvelobs.com/education/20141210.OBS7432/decroly-l-ecole-qui-a-renonce-aux-notes-il-y-a-60-ans.html

Il est urgent de supprimer les notes

Il est urgent de supprimer les notes

La position de la Ligue des Droits de l’Enfant est claire :

  1. Dans les écoles qui disent respecter les droits des élèves, il est urgent de supprimer les notes !

Pour Claude Lelièvre[1], supprimer les notes est le contraire du laxisme : Il s’agit de définir l’ensemble des connaissances qu’il n’est pas permis d’ignorer. Si ces connaissances sont jugées indispensables, il ne devrait pas être permis de pouvoir compenser. Car ce que permettent les notes, ce sont les moyennes. Avec une moyenne, vous pouvez passer d’une classe à l’autre si vous êtes capable de compenser vos lacunes avec vos atouts. Ce n’est pas être laxiste que de supprimer les notes, c’est le contraire, c’est exiger une réelle connaissance dans toutes les matières que l’on juge essentielles. Les autres arguments, autour de la motivation ou de la crispation engendrées par la note, viennent polluer le débat. La vraie question est là: accepte-t-on de valider des compétences jugées indispensables puisqu’elles font partie du socle commun tout en permettant de ne pas les connaître puisqu’elles se compensent?

  • Il est urgent de réduire les inégalités sociales et scolaire

Selon une étude du CNRS au cours de l’année 2014-2015, dans l’académie d’Orléans-Tours, la suppression partielle de la notation à l’école permet de réduire de moitié les inégalités des performances scolaires entre les élèves des différentes classes sociales. Supprimer partiellement les notes a des résultats positifs. Les apprentissages passent mieux, et les inégalités liées aux origines sociales se réduiraient significativement.

  • Il est urgent que l’école devienne un lieu de droits

Nous avons vu que la notation traditionnelle est aléatoire, dépendant d’un professeur et d’un établissement à l’autre. Elle comporte de nombreux « biais », qui sont autant d’erreurs systématiques d’appréciations liées aux stéréotypes inconscients de chaque professeur. Rappelons-nous que les redoublants, par exemple, sont notés plus sévèrement, les enfants de milieux modestes sont systématiquement notés de manière plus stricte que ceux provenant d’un milieu aisé, le genre de l’élève influera sur la cotation, les filles étant plus « sages » que les garçons, elles seront notées de manière plus indulgente. Par contre, en mathématique, ce sont les garçons qui seront surcotés.

  • Il faut l’école cesse d’être un lieu de souffrances.

La note est profondément injuste. Elle démotive les élèves en difficulté scolaire. Les notes faibles provoquent le processus psychologique d’« incompétence acquise » : les élèves ont acquis le sentiment qu’ils sont incompétents, sont découragés, laissent tomber les bras, ce qui bloque le processus d’apprentissage. La comparaison systématique à des élèves plus « forts », provoque l’apathie chronique, le burn out et des phobies scolaires, le décrochage d’abord interne, puis progressivement de l’absentéisme, ou encore de la violence résultant d’un profond sentiment de révolte. 

  • Il faut une école de la réussite pour toutes et tous.

Selon que l’on est issu d’un milieu défavorisé ou non, on ressentira la note comme injuste ou non et on sera en échec ou non. Cette reproduction des inégalités sociales qui touche les enfants des milieux populaires et qui est causée par les pratiques de sélection des professeurs et les écoles, est inacceptable dans un Etat de droit, même libéral. Que les enfants de milieux populaires finissent dans les filières de relégation alors que ceux des familles plus aisées ont droit de faire des études supérieures, est une ignominie sans nom. Les droits de l’enfant sont clairs, chaque enfant bénéficie des mêmes droits que les autres. A l’école donc à veiller à ce que les droits des enfants entre 3 et 18[2] ans soient respectés.


[1] Claude Lelièvre, l’historien de l’éducation in Supprimer les notes, « c’est le contraire du laxisme » – Le Figaro, 11/12/2014.

[2] Voire même au-delà de 18 ans, si le système scolaire a fait perdre injustement une ou plusieurs années à un élève, par un ou plusieurs redoublements.

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