Rappelons-nous que l’échec scolaire tue !

« Si le redoublement est une maladie, le système (…) de notation, lui, peut tuer. C’est une véritable plaie qui exerce des effets nuisibles sur le moral, la confiance en soi et les performances des élèves.[1] »

La note est un jugement de valeur : l’élève est « bon » ou « mauvais ». Elle évalue l’être humain en tant que tel et n’évalue pas les compétences qu’il a acquises.

Au-delà du problème des points, c’est du bien-être de tous les élèves qu’il s’agit. Est-il un enseignant celui qui est incapable de gérer une classe sans système de sanction ? Est-elle humaine, celle qui, pour ne pas être traité de laxiste par ses collègues ou par des parents, met en compétition des élèves et en échec les plus faibles ? Peut-on se trouver devant des jeunes dans l’espoir de les former à un esprit critique quand on est, soi-même incapable d’analyser une problématique aussi fondamentale que celle de la cotation, de la mise en compétition et de la sélection d’êtres humains ? Une sélection qui impacte et détruit la vie de millions de jeunes et de leurs familles, génère la discrimination, l’échec scolaire et la haine, chez les plus fragiles de notre société ?  

Est-il juste ce système scolaire où, pour maintenir la réputation d’une école, il y a des quotas d’échecs à maintenir d’années en années ? Où systématiquement, il y a 6 classes de deuxième secondaire, mais seulement 5 de troisième et 4 de quatrième et donc où, chaque année, il faut casser 25 élèves, systématiquement, parce qu’il n’y a plus de classe pour eux l’année suivante ? 

Et ces parents demandeurs d’écoles « exigeantes » ? Issus de familles nanties, grâce auxquelles ils ont pu bénéficier d’un système scolaire qui les a épargnés en mettant les autres en échec, ils se permettent d’exiger que ces privilèges bénéficient maintenant à leurs enfants. Donc, au détriment des enfants de leurs anciens condisciples cassés par le système ! Ils veulent que l’on perpétue le système de l’échec scolaire au seul profit de leur milieu social !

Voilà le plus grand échec de l’école : elle forme une minorité de citoyens égoïstes et compétiteurs, de petits bourgeois qui seront prêts à voler la société pour acquérir plus de biens encore car ils refuseront de partager le bien commun qu’est notre planète. Et elle laisse sur le côté une majorité d’adultes qu’elle a cassé sur fond d’idéologie élitiste et d’une conception naturaliste de l’intelligence. Ce sera pourtant à ces derniers à tenter de se construire ce que l’école a été incapable de faire, une citoyenneté. Car eux seuls, au vu de l’échec des premiers, seront à même de construire une société plus juste et forcer l’école à se transformer de la cave au plafond.

Pire, les professeurs qui affectionnent tant cette école et ce système injuste ont été formés par ce système scolaire et sont les meilleurs exemples de ce grand échec. En les faisant réussir scolairement, l’école les a mis en échec dans leur humanité.

Et s’il est bien un pilier qui doit tenir cette société debout, en formant des citoyennes et des citoyens à co-construire le droit – et donc la Justice – et à le respecter, c’est l’institution scolaire. Celle-ci n’a jamais rempli son rôle, étant elle-même un lieu de non-droits.

Oui, l’échec scolaire tue. Les suicides d’adolescents sont la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route. Et les notes, comme tout le reste de l’iceberg, font partie de ce harcèlement psychologique mis en place par l’école pour culpabiliser les jeunes qui vivent l’échec au quotidien. L’école est un important lieu de risques psychosociaux pour les élèves. Les phobies scolaires touchent environ 5 % des élèves âgés de 12 à 19 ans (soit au moins un par classe). L’échec scolaire engendre le sentiment d’incompétence acquise qui fera boule de neige et mènera vers plus d’échecs encore. La compétition entre les élèves et la pression des professionnels de l’école et/ou des parents amène du stress et de la souffrance. Des élèves vivent mal leurs différences (handicap, difficultés d’apprentissage, préférences sexuelles, transsexualité, …) et leurs échecs.

Enfin, quelle est la part des problèmes vécus à l’école dans les tentatives (ou réussites) de suicides des adolescent·e·s ? Si, souvent il n’est pas le seul critère qui mène au désespoir et aux idées de suicide, il n’est pas innocent de penser que c’est la goutte de trop, celle qui mène au passage à l’acte. Dans toute tentative de suicide d’un enfant, l’échec scolaire doit être questionné. Les points en sont l’outil !


[1] Peter Gumbel, On achève bien les écoliers, Grasset 2010

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