Les coûts et les avantages de l’intégration

Les coûts et les avantages de l’intégration

On n’inclut pas un élève, on l’intègre[1]. C’est la classe, c’est l’école qui doivent être inclusives. Intégrer un élève porteur ou porteuse d’une déficience intellectuelle ou physique, ou ayant de grandes difficultés d’apprentissages (notamment un ou des ‘dys’), au-delà d’être une obligation légale[2], est un acte citoyen. Et, comme tous les actes citoyens, il apporte de (parfois) grandes satisfactions, mais présente également de (parfois) grandes difficultés. Le métier d’enseignant[3] est un métier difficile mais quand il est bien fait, il apporte d’immenses satisfactions.

L’intégration mobilise de nombreux acteurs

Une intégration (voire plusieurs intégrations dans une même classe) a des coûts. Ceux-ci peuvent être soit financiers (aménagement de rampes, déménagement d’une classe au rez-de-chaussée, investissements pédagogiques ou matériels, …), psychologiques (charge supplémentaire pour l’enseignant, pour les élèves accueillants qui apporteront leur aide au projet d’intégration, difficultés relationnelles, découverte de la différence, naissance de nouvelles amitiés, satisfaction d’avoir pu porter un enfant différent jusqu’au bout, …) et sociaux. Mais ce sera, plus probablement, un mix des trois.

Dans une intégration, les acteurs sont multiples. S’il y a l’enfant intégré et l’enseignant qui sont au centre du projet, il est de nombreux autres partenaires :

  • les parents et la direction pour commencer ;
  • L’école d’enseignement spécialisé partenaire ;
  • les CPMS[4] des deux écoles ;
  • tous les élèves de la classe, mais aussi ceux des autres classes qui, s’ils fréquentent moins l’enfant intégré, auront cette chance durant les moments communs (repas, récréations, garderies, activités sportives extérieures, fêtes d’école, …) ;
  • tous les adultes de l’école qui croiseront l’enfant au quotidien (enseignants, personnel administratif, personnel ouvrier, personnel des garderies, la/le bénévole qui fait traverser les élèves devant l’école le matin et à la fin des cours, …) ;
  • parents des élèves de la classe où est intégré l’enfant, voire encore les parents d’autres classes ;
  • mais il est aussi des professionnels extrascolaires qui aident l’école à accueillir un enfant en intégration : services d’aides à l’intégration, logopèdes, professionnels de la santé,  services ou associations apportant des aides à l’intégration (services régionaux ou nationaux d’aide pour les personnes avec handicap, services de traducteurs en langue des signes, associations de soutien, …) ;
  • etc…

Il faut garantir la qualité de vie de tous les acteurs

Si l’on veut donner des chances à un projet d’intégration scolaire, la qualité de vie de tous les acteurs et actrices doit être préservée. Il est donc fondamental de rechercher un équilibre dynamique entre les différentes composantes de l’intégration. Celles-ci sont au nombre de quatre : ce sont les coûts de l’intégration, les bénéfices de celle-ci, les contraintes inhérentes à toute entreprise (à fortiori humaine) et, enfin, le projet en lui-même.

On estime à plus de 50.000 les situations de présence d’enfants réputés « à besoins éducatifs spécifiques » dans les écoles ordinaires subsidiées par la Région Wallonie-Bruxelles[5]. Au vu du nombre d’actrices et d’acteurs impliqués dans un projet d’intégration, on peut considérer qu’il n’est pas une école qui, avec ses partenaires, ne soit confrontée à la nécessité de veiller à garantir le bien-être de toutes les parties.

L’intégration influence la qualité de vie de chacun

Quand commence une intégration, l’enseignant s’investit pleinement dans l’intégration. Il a pour principal souci de viser l’intérêt de l’enfant concerné. L’accueil d’un enfant avec maladie ou handicap pose forcément de multiples préoccupations qui concernent à la fois la qualité de vie de l’enfant intégré mais également des autres enfants du groupe, et partant, la qualité des apprentissages de tous. Et ce, même si tout le monde n’apprendra pas la même chose ou n’apprendra pas au même rythme.

Les parents, quant à eux, ont l’espoir que leur enfant se sente bien dans son école, tant avec son enseignant ou son enseignante qu’avec ses pairs. Ils espèrent qu’il pourra y faire les meilleurs apprentissages possibles en fonction de ses capacités, tant sociaux que scolaires.

Devant les difficultés auxquelles l’intégration confronte, il y a une tendance naturelle à attribuer à tel ou tel professionnel, tel décideur, telle équipe, tel élève, telle association ou tel parent les raisons des échecs et des incompréhensions mutuelles, mais également des réussites et de la qualité des collaborations qui se sont établies. Les équilibres qui se mettent en place sont en effet des partenariats délicats par définition, liés à une implication plus ou moins forte des différents acteurs.

Dans une intégration, de nombreux facteurs entrent en jeu. Ils sont multiples et diversifiés.

  1. L’intégration renvoie aux représentations culturelles ainsi qu’à la manière de les gérer.

Une intégration est un questionnement quotidien, tout au long de la scolarité. Les enseignants s’interrogent fort normalement au moment des premiers jours de classe.  Ils se demandent comment ils vont pouvoir gérer la classe avec un enfant à besoins spécifiques. Mais on peut compter sur eux car l’intégration est un engagement qu’on ne laisse pas au bord de la route dès qu’apparaissent les difficultés inhérentes au projet et aux difficultés de l’enfant. L’intégration renvoie ainsi aux valeurs de société (tolérance, humanisme, solidarité, empathie, …). On sort de la doxa scolaire qui mine notre enseignement : l’école n’est plus faite pour mettre en compétition et sélectionner, elle est là pour former des citoyens solidaires et qui seront un jour (on peut l’espérer) désireux de se battre pour plus de justice.

  • L’intégration renvoie à la dynamique relationnelle entre les acteurs : Parents-enfants, enfants-enfants, enseignants-élèves, enseignants-parents, enseignants-enseignants.

L’intégration c’est tout d’abord une négociation et une collaboration entre de nombreux intervenants. Le rôle des tiers est important. On n’intègre pas un enfant dans une école, dans une classe, sans qu’il n’y ait un projet bien ficelé avec toutes les parties. Une relation ouverte et positive entre ces dernières est fondamentale et tout le monde doit se sentir intégré dans le projet. La qualité du dialogue est un élément important pour affronter les difficultés liées à l’intégration. Il est donc nécessaire que les parties se rencontrent plusieurs fois par an et, si besoin, à la demande de l’une d’elle. Pour les enseignantes, les enseignants, les directions d’école, cela implique d’être disponible même en dehors de l’horaire scolaire, que ce soit par téléphone, mail ou sur rendez-vous. Les périodes de travail collaboratif doivent pouvoir être utilisées à cette fin.

Il est important que la coordination se fasse notamment sous la forme d’un document écrit afin que tout le monde soit clair sur les objectifs du projet d’intégration et sur son évolution. Le coordinateur ou la coordinatrice du projet (en général, la direction de l’école ordinaire) se charge de transmettre une copie de ce document à toutes les parties, sans oublier les parents qui sont les premiers partenaires.

  1. L’intégration renvoie au contrôle perçu des acteurs sur ce qu’on leur demande.

Une intégration, c’est de la fine dentelle. Les enjeux sont grands pour l’enfant et c’est bien son avenir qui est en jeu. Du moins en partie. En outre, lorsqu’un handicap est associé à la demande d’intégration, de nombreux questionnements se posent. Pour l’enseignant, cela a un coût émotionnel. Il se demandera s’il sera en mesure d’aider l’enfant et, surtout, s’il sera capable de gérer sa classe (et la présence de l’enfant) malgré son investissement. Parfois, certaines directions ou certains professeurs préfèrent assumer le coût d’un refus d’inscription pour s’assurer un meilleur contrôle sur leurs conditions de travail à venir. Pour les parents, l’intégration a aussi un coût émotionnel. Ils rêvent que leur enfant puisse aller à l’école du quartier et ainsi pouvoir créer des liens sociaux avec des pairs. Parfois cela se passe bien. D’autres fois c’est l’incompréhension. Nombreux sont ceux qui doivent affronter des situations qui leur semblent inadaptées, voire injustes. L’intégration est encore trop souvent un parcours du combattant, au point que les parents sont amenés à ressentir un sentiment de perte de contrôle. Les familles « ordinaires » parviennent à inscrire leurs enfants dans une école ordinaire sans difficultés, mais pas eux. Parfois on leur demande d’investir dans des outils onéreux (tablette, ordinateur, matériel ergonomique, …), ce qu’ils n’ont pas toujours les moyens de faire. L’école n’est-elle pas « gratuite » ? A l’injustice de la vie s’ajoute l’injustice institutionnelle. On demande à ces parents de subir ces injustices avec bonne grâce. Ils doivent être tous les jours des Super-Parents.

  1. L’intégration renvoie à la motivation mutuelle.

Il est important de ne pas sous-estimer l’impact de l’expérience préalable et personnelle des acteurs qui influence leur motivation.

Les enseignants émettent d’avantage de réserves lorsqu’ils gardent un mauvais souvenir de leur expérience passée. Par contre, ils sont d’autant plus motivés à s’investir dans l’accueil de l’enfant avec handicap qu’ils souhaitent que quelqu’un s’investisse de la même manière pour un jeune qu’ils connaissent. Pour les enseignants qui ont exercé en enseignement spécialisé, l’intégration d’un enfant à besoins spécifiques est plus souvent un moteur qu’un frein dans leur motivation à s’investir.

L’enseignant, face à une situation de manque de contrôle (problèmes de discipline, sentiment de décrochage motivationnel de l’élève voire constat d’un décrochage scolaire et/ou social) risque de perdre une part de sa motivation. Il peut alors demander des moyens pour réaliser cet accueil, via l’aide de l’enseignement spécialisé (si ce n’est pas déjà le cas) ou de professionnels du handicap ou du trouble de l’apprentissage (‘dys’).

Une intégration permet à l’enseignant de remettre en question ses méthodes et ses pratiques. Il bénéficie d’un partage de ressources et de compétences avec un collègue de l’enseignement spécialisé, ce qui est un enrichissement à la fois personnel et professionnel.

Les jeunes, parfois, sont cassés par des expériences précédentes négatives. D’autres sont motivés par l’intégration sociale, le fait d’être avec leurs pairs, dans l’école du quartier, et de pouvoir enfin se créer un tissu social. Leur motivation à apprendre dépend de nombreux facteurs, comme pour l’ensemble des autres élèves de la classe :  leurs conditions de vie, l’estime de soi, l’importance de se sentir concerné par les apprentissages qu’on propose, de leur ambition plus ou moins importante, etc. Mais pour un enfant à besoins spécifiques, il faut ajouter à cela l’accessibilité des activités proposées, la valorisation de ses compétences et l’aide complémentaire adaptée à ses difficultés.

Dans le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive, les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables. Pour eux, l’intégration d’un élève à besoins spécifiques permet de s’ouvrir au monde du handicap et de connaître et d’apprendre à accepter la différence. Ils peuvent profiter des remédiations et des aménagements raisonnables qui sont mis en place pour l’enfant en intégration. La mise en place de tutorat, par exemple, permet à toutes et tous d’apprendre l’entraide et la coopération, tout en bénéficiant d’explications complémentaires entre pairs lorsqu’une difficulté se présente.

Les parents doivent s’investir dans le projet d’intégration de leur enfant et ce, même s’ils n’ont pas les codes, voire la langue de l’école. L’attitude des personnes dont dépend l’enfant est déterminante. Une intégration est un sacrifice, celui de la facilité de l’inscription dans l’enseignement spécialisé. Une intégration n’est jamais de tout repos pour les parents. L’intégration pendant les temps scolaires fait partie d’une préoccupation globale des parents pour l’évolution sociale et intellectuelle de leurs enfants, elle représente un moyen et non une finalité. Ils ont souvent le souci de ne pas « imposer » leur enfant. Ils ont tendance à s’identifier à l’enseignant, présumant que ce qui est perçu comme une charge par eux, voire ce qui leur est problématique, le sera aussi pour l’enseignant.

  1. L’intégration renvoie au temps.

L’intégration nécessite une disponibilité en temps et en énergie. Elle amène les enseignants à consacrer du temps :

  • pour la gestion des liens sociaux entre les jeunes ;
  • pour être disponible vis-à-vis des parents afin de prendre connaissance de ce qui se passe en-dehors de l’école (autrement dit, aborder l’enfant, et non seulement l’élève) ;
  • pour la gestion de la dynamique de classe ;
  • pour rester à côté de l’élève pour favoriser ses apprentissages, à le réconforter, à entretenir une relation privilégiée par le dialogue ;
  • consacré aux besoins physiques (soins) ;
  • d’observation ;
  • pour les démarches visant à s’informer ;
  • de dialogue avec les services spécialisés ;
  • de préparation de supports pour cet unique élève, parfois ;
  • où l’on doit avoir en tête qu’il faut s’adapter à l’enfant en question en modifiant sa manière de donner cours et se former dans une pédagogie active et coopérative ;
  • de doutes et de remises en question.

Les parents souhaitent généralement être impliqués davantage dans le projet d’intégration. Ils éprouvent la nécessité de s’investir en temps et en énergie. Ils ressentent, par l’investissement plus important, une complicité accrue et un rapprochement à l’égard de leur enfant. Cela comporte des risques. Parfois, un investissement en temps et en énergie devient trop lourd. Cela peut les amener à réorienter leur enfant dans les structures spécialisées dans un souci de soulagement personnel. Ce n’est, malheureusement, pas toujours l’intérêt même de l’enfant qui est en jeu.

Chaque étape d’évolution de l’enfant est valorisante aux yeux de ceux qui s’investissent, et contribue à motiver cet investissement. C’est aussi grâce au temps que les liens peuvent se nouer entre les jeunes, par exemple. L’influence de l’intervention du réseau social peut être performante.

  1. L’intégration renvoie aux moyens disponibles et à la bonne volonté des acteurs :
  • Problème d’accessibilité des moyens matériels. Les collaborations sont à établir avec les organismes qui en disposent.

En fonction des déficiences ou difficultés d’apprentissage, il existe des aides spécifiques qui peuvent être allouées par les services régionaux ou locaux d’aides aux personnes à besoins spécifiques. De même, des associations spécifiquement dédiées à l’un ou l’autre handicap ont du matériel qu’elles prêtent (ou donnent) afin de permettre la poursuite de la scolarité d’un enfant dans les meilleures conditions matérielles.

  • L’organisation de certains établissements secondaires ne plaide pas pour l’intégration. Ces écoles doivent s’adapter aux élèves à besoins spécifiques.

Des élèves avec une infirmité motrice cérébrale se sont retrouvés sans école par le simple manque de volonté d’un pouvoir organisateur[6]. D’autres, une fois intégrés ont été ballotés d’un coin à l’autre de l’école alors que leur mobilité était réduite et alors que la disposition des locaux de l’école permettait de les intégrer sans qu’ils n’aient à subir des allées-venues incessantes.

On a vu des établissements scolaires réserver leurs classes du rez-de-chaussée pour installer des bureaux administratifs (une personne pour 50 m², soit une suite « royale » pour une direction d’école, par exemple) et empêchaient ainsi l’utilisation de ces locaux pour des classes avec élèves à besoins spécifiques. Les rez-de-chaussées doivent être inclusifs, c’est-à-dire flexibles. Le local du RDC accueillant un élève à mobilité réduite restera ‘son’ local jusqu’à la fin de ses études. Il changera d’appellation d’année en année passant progressivement de la 1ère à la 6e . Ensuite, il bénéficiera à un/d’ autre(s) élève(s) à besoins spécifiques.

Ce n’est pas parce qu’il y a un ascenseur qu’un enfant à mobilité réduite doit être envoyé au deuxième étage. Les pannes, les (alertes) incendie(s) qui interdisent l’usage de l’ascenseur, les livraisons qui monopolisent l’outil pendant un quart d’heure, précisément quand il faut passer d’un étage à l’autre, …, tout cela impose que ce soient les locaux du rez-de-chaussée qui soient destinés à l’accueil de ces élèves prioritaires.

Dans une école qui se place sur le chemin de l’inclusion, une large réflexion est posées avec l’équipe enseignante, sur l’organisation et  l’occupation des espaces en fonction de la structure physique des lieux. Ou comment rendre l’école inclusive une fois pour toute. Il faut repenser les accès, notamment les marches d’entrées de chaque bâtiment, créer des toilettes dégenrées[7], pour toutes et pour tous, veiller à ce que les cours de gymnastique, par exemple, soient également dégenrés, de même que les cours de récréations (l’espace terrain de foot est, en général occupé essentiellement par des garçons et il vaut mieux ne pas traverser cet espace en fauteuil roulant ou avec des béquilles, au risque de devenir une cible involontaire) et qu’elles soient pleinement accessibles. Les classes doivent être repensées pour tous les handicaps, elles doivent également être accessibles, tout comme le réfectoire, les salles de gym, …. De nombreux bâtiments scolaires ont été pensés il y a un près d’un siècle, voire plus, alors que l’on ne parlait pas d’intégration et encore moins d’école inclusive.

  • Attribution de ressources financières spécifiques

Toutes les intégrations ne nécessitent pas de moyens financiers. Intégrer un enfant avec une dyslexie implique peu de frais supplémentaires. Un enfant avec un IMC aura besoin d’une rampe pour lui permettre (ou à sa chaise) de passer la marche. Mais, en général, les écoles s’en tirent sans grands frais supplémentaires. Le terme aménagement « raisonnable » n’a malheureusement pas été conçu pour les élèves à besoins spécifiques mais pour protéger les écoles (notamment) de manière à ce qu’elles ne soient pas obligées de s’engager  financièrement dans des frais trop onéreux pour leurs subsides.

La plupart des intégrations n’engendrent que peu de frais supplémentaires, voire aucun dans la plupart des cas.

  • Définir les besoins en termes de personnel supplémentaire pour réaliser l’intégration.

Il est évident que peu d’enseignants ont reçu, dans leur formation initiale, le mode d’emploi de l’accueil d’un enfant sourd en classe, même si celui-ci est appareillé. Les troubles du comportement sont parfois difficiles à gérer. Une dyscalculie laisse souvent le professionnel devant de grandes questions pour lesquelles il n’a pas de réponses. Et ainsi pour de nombreux handicaps et de nombreux « dys ». Il est donc important que celle ou celui qui se trouve face à de telles difficultés puisse bénéficier d’aide et de soutien.

D’où l’intérêt même de l’intégration : travailler en partenariat avec une école d’enseignement spécialisé. Ce partenariat, loin d’être monté pour accompagner l’enfant intégré, l’est surtout pour accompagner l’enseignant accueillant. Il permet de mettre en place les outils pédagogiques adaptés aux difficultés de l’élève mais aussi de l’enseignant.

De même, les services d’accompagnement (Bruxelles) et les services d’aide à l’intégration (Wallonie) ont cette mission d’accompagnement dans leurs gênes.

  • Plus grande implication du personnel de l’enseignement spécialisé au sein même de l’école ordinaire.

Nous venons d’en toucher un mot. La collaboration entre les deux structures, le spécialisé et l’ordinaire est constitutif de l’idée même de l’école inclusive. La charte de Luxembourg[8] décrit l’Ecole pour tous et pour chacun, c’est-à-dire une école qui comprend tout le monde, comme :

  • Une structure administrative commune pour l’enseignement spécifique et ordinaire ;
  • La formation des enseignants en vue de l’enseignement inclusif ;
  • La collaboration entre les enseignants ordinaires et spécifiques ;
  • La flexibilité et l’adaptation des cursus ;
  • Le partenariat avec les parents ;
  • La prise de conscience et l’information.
  • L’école ordinaire regorge de moyens humains non spécialisés mais qui peuvent/doivent se spécialiser.

L’école inclusive de demain devrait être une école qui ressemblera à un hôpital. Il y a bien des infirmiers et doctoresses généralistes mais ils ne sont pas légion. Il y a surtout des infirmières et médecins spécialisés dans des domaines différents. Ces spécialisations sont complémentaires. Le patient qui a été opéré d’une tumeur à l’estomac a besoin de nombreux spécialistes : un ou une gastro-entérologue , une équipe de chirurgiens spécialisés dans les tumeurs digestives, d’un ou d’une oncologue, d’un ou d’une diététicienne, d’infirmiers et d’infirmières spécialisées, etc.

L’école inclusive, cela doit être cela : des professionnels spécialisés dans les difficultés d’apprentissages. Quand on rencontre un enfant avec un autisme (ou un autisme supposé), il y a un ou une collègue qui, même si elle ou il n’est pas pointu dans le domaine, s’est formé avec l’aide d’une association spécialisée (qui peut venir à la rescousse) et peut donner les premiers conseils. Ces premiers conseils peuvent être la bouée de sauvetage de l’intégration. En attendant, éventuellement, si besoin s’en fait ressentir, l’intervention de spécialistes.

  • Mobilisation des moyens organisationnels

L’école ordinaire a été pensée pour les élèves ordinaires. En fait, pour des élèves qui n’existent pas. Car il n’existe aucune liste de critères pour définir ce qu’est un élève ‘ordinaire’. En général, on utilise le terme ‘ordinaire’ pour différencier les élèves. Ce sont ceux qui n’ont pas de handicap. Le problème est qu’il ne faut pas ne pas avoir de handicap pour ne pas avoir de grosses difficultés d’apprentissages. On parle aujourd’hui d’élèves à besoins spécifiques ou non. Le terme ‘ordinaire’ renvoie trop à ce qui n’a rien d’exceptionnel. Or, tous les élèves sont exceptionnels. De même que l’élève ‘médian’ ou l’élève ‘moyen’, l’élève ‘ordinaire’ fait défaut dans toutes les écoles.

Dès lors, l’organisation de l’école telle, qu’on la connaît, a été pensée pour des élèves qui n’existent pas. Son organisation est telle qu’elle ne peut répondre aux besoins des élèves qu’elle accueille en temps ordinaires. Que dire, lorsqu’elle accueille des élèves à besoins spécifiques ?

Il faut donc repenser la structure même de l’école. Travailler par classes de 25, est-ce vraiment efficace ? Programmer des heures de 50 minutes qui mobilisent toutes les ressources professionnelles permet-il de venir en aide à des élèves à besoins spécifiques ? Il est d’autres alternatives : les groupes de besoin, passer à des heures de 40 minutes pour permettre la remédiation, voire laisser tomber les heures minutées et passer à autre chose de plus coopératif. Il faut donner des moyens à l’intégration. Des enseignants formés dans l’une ou l’autre difficulté d’apprentissage doivent pouvoir trouver du temps pour aider leurs collègues. Si ce soutien est intensif au départ, il se révèle très peu nécessaire par après.

Sur le terme ordinaire, on peut se faire la même réflexion pour les écoles que l’on différencie d’ordinaires ou spécialisées. Or, il y a des écoles qui n’ont absolument rien d’ordinaire et qui sont exceptionnelles et qui accueillent déjà de nombreux élèves à besoins spécifiques. Sans doute pourraient-elles même prétendre être également spécialisées, car leurs enseignants se sont formés et continuent année après année. Elles ne sont pas ordinaires, ni spécialisées tout en ayant des spécialistes des difficultés d’apprentissages. Ce sont des écoles inclusives.

  • Absence de personnel qualifié pour les soins

L’école inclusive a besoin de moyens humains. Notamment en termes de professionnels (nous venons d’en parler). Puéricultrices, logopèdes, … doivent être intégré(e)s à toutes les équipes pédagogiques qui travaillent dans une école à vocation inclusive. De même, un ou une infirmièr(e), un(e) kiné, traducteur en langue des signes, ou spécialiste en fonction des nécessités, doivent pouvoir venir en aide aux équipes éducatives.


[1] Actuellement nous sommes dans une logique intégrative qui suppose une négociation pour que soit accueilli l’élève dit “à besoins spécifiques” au sein d’une classe d’enseignement ordinaire. L’école inclusive, quant à elle, est une école qui se pense et s’organise de telle façon à pouvoir accueillir tout élève, quelles que soient ses caractéristiques.On s’écarte donc d’une vision « intégrative » dans laquelle l’élève différent doit se faire accepter au sein d’un système régulier. Développer une école inclusive suppose de trouver un équilibre entre un enseignement de type académique et une éducation à la vie en société et à la citoyenneté. On s’écarte donc de pratiques d’enseignement « traditionnelles » ce qui nécessite un nouveau positionnement face à la différence; une évolution du rôle de l’enseignant et une autre conception de l’organisation de l’école. In fine, l’enseignement inclusif est vu comme un moyen de faire participer la personne handicapée à la vie de la société.

[2] Convention des Droits des Personnes handicapées – ONU 2006

[3] Nous partons du principe que l’enseignant inclusif s’est progressivement formé à l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences et difficultés. Il est capable de transmettre tous les savoirs à tous les élèves. Il ne pratique pas la sélection et donc, n’a pas d’échecs scolaires.  

[4] Centre Psycho-MédicoSocial. En Belgique, il s’agit d’un lieu d’accueil, d’écoute et de dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder les questions qui les préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire et professionnelle, …. Le Centre PMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Il développe également des activités au bénéfice des élèves fréquentant les Centres d’Education et de Formation en Alternance (CEFA), ainsi que de leur famille. Le Centre PMS est composé de psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d’assistants sociaux (auxiliaires sociaux) et d’infirmiers (auxiliaires paramédicaux) qui travaillent en équipe. Un médecin est également attaché à chaque Centre PMS (www.enseignement.be).

[5] Il s’agit d’un chiffre noir, tant il est difficile de les répertorier, tous les enfants n’étant pas diagnostiqués. Le dispositif actuel ne permet d’en identifier qu’une partie (via les écoles spécialisées, les services d’aide précoce, services d’aide à l’intégration, centres PMS…).

[6] Le pouvoir organisateur d’un établissement d’enseignement est l’autorité, la ou les personne(s) physique(s) ou morale(s), publique(s) ou privée(s), qui en assume(nt) la responsabilité.

[7] Ôter le genre ou toute notion de genre d’un lieu, d’une activité, etc.

[8] 1996

Une école inclusive : aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

Une école inclusive : aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

  1. Les défis posés par l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle dans l’enseignement ordinaire

Progresser dans le sens d’une éducation inclusive à l’école va demander

  • D’articuler les objectifs définis pour l’ensemble des élèves avec les objectifs plus particuliers de l’élève avec déficience intellectuelle
  • D’utiliser les outils et ressources existant dans chaque classe, dans chaque école pour mettre en place un programme répondant aux besoins de tous
  • Se référer aux compétences transversales (savoir écouter, savoir raconter en choisissant les bons supports, savoir poser des questions, etc.)  pour construire sa démarche méthodologique
  • Construire un bulletin axé sur la progression dans les compétences et élaborer un portfolio pouvant suivre l’élève tout au long de sa scolarité
  • Penser une progression de l’élève avec déficience intellectuelle sans viser nécessairement l’obtention d’une certification finale (CEB,…)
  • De se rappeler que tout enfant apprend mieux par plaisir et curiosité et que la sphère relationnelle et émotionnelle doit être prise en considération à tout moment
  • Croire dans les potentialités de tout enfant et proposer des défis d’apprentissage : les recherches scientifiques basées sur un suivi longitudinal de cohortes d’élèves, montrent que des apprentissages sont possibles au niveau de la littératie et de la numératie.
  • Penser en termes de parcours de vie en prenant en compte les besoins de l’enfant une fois celui-ci devenu adulte et ne le conduire pas à pas vers l’autodétermination
  • Modifier radicalement notre mode de partenariat avec les parents et ce, dès l’annonce de la déficience : en effet, la manière dont ceux-ci sont amenés à découvrir le handicap et à exercer leur parentalité face à cet enfant va les conduire ou non à aborder le monde scolaire de manière positive et dans une optique d’éducation inclusive. Se rappeler aussi que les structures précédant l’école (crèches, pré-gardiennats) doivent également concevoir une approche inclusive.
  • Sensibiliser les pairs de l’élève à ce qu’implique la déficience afin de développer des interactions positives entre élèves
  • Sensibiliser les autres parents et rencontrer leurs craintes quant à l’impact d’un enfant avec déficience intellectuelle sur le groupe-classe en montrer les effets bénéfiques pour tous les élèves
  • Permettre à l’élève avec déficience intellectuelle de rencontrer d’autres élèves ayant des caractéristiques de fonctionnement similaires
  • Veiller à assurer dès le départ de l’accueil de l’élève en enseignement ordinaire, un suivi tout au long de sa scolarité sans devoir se baser uniquement sur la bonne volonté d’un seul enseignant mais en impliquant toute l’équipe éducative
  • Arrêter de faire de l’intégration un privilège pour l’enfant et sa famille : l’accueil en enseignement ordinaire est un droit      
  • Rencontrer les peurs et questionnements des enseignants, les informer, leur donner des ressources adéquates et les aider de manière pragmatique (accompagnement sur site). A cet égard, il s’agit de mieux coordonner les ressources existantes et les rendre accessibles.
  • Réfléchir à la manière dont les ressources de l’enseignement spécialisé peuvent être mises à disposition de l’enseignement ordinaire et de manière plus générale, envisager l’avenir de la structure de l’enseignement spécialisé (soutien en enseignement ordinaire, accueil d’élèves en situation de handicap très sévère, intervention d’enseignants chevronnés dans la formation, etc.)
  • Avoir un engagement clair de la part des pouvoirs organisateurs dans le sens d’une évolution vers un enseignement inclusif
  • Associer tous les acteurs concernés dans la communauté scolaire et autour de celle-ci (services d’aide précoce, services d’aide à l’intégration, CRF mais aussi les médecins généralistes, neurologues pédiatres). Plusieurs de ces acteurs sont amenés à jouer un rôle de facilitateur, de médiateur dans le dispositif d’intégration.
  • Quels sont les apports du Pacte pour un enseignement d’excellence ?

Tout comme le rappelle l’avis d’UNIA du 15 mars 2017, le Pacte confond intégration et inclusion. De plus, la volonté est de limiter le nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé à ceux pour lesquels des aménagements raisonnables dans l’enseignement ordinaire ne s’avèrent pas suffisants (p 236 du Pacte).

Le Pacte ne propose pas une stratégie bien définie pour faire évoluer notre enseignement vers un enseignement plus inclusif.

Le Pacte fait la distinction entre aménagements imposables et aménagements conseillés, ce qui ne correspond pas à la Convention : les aménagements sont obligatoires dans tous les cas et doivent être mis en place dès qu’ils sont sollicités.

Ceci étant,  potentiellement positifs, à savoir

  • Le renforcement du partenariat parents-professionnels ;
  • L’idée d’un dossier unique qui suivrait l’enfant tout au long de sa scolarité
  • Le rôle d’une expertise en orthopédagogie qui viendrait de l’enseignement spécialisé
  • L’obligation d’accueil et de mise en place d’aménagements dans le cadre de pôles régionaux : l’idée serait donc de développer des écoles inclusives par pôles territoriaux. Cette formule risque évidemment de conduire au regroupement d’élèves dits à besoins spécifiques dans des écoles que l’on qualifierait d’inclusives !
  •  Stigmatisation de l’élève : les procédures d’évaluation et d’orientation

Sans nier la nécessité d’une évaluation correctement menée et de manière pluridisciplinaire, il importe de quitter un mode d’évaluation uniquement centré sur le relevé de déficiences et l’indication des écarts par rapport à une norme (vision très statique) pour adopter une évaluation plus qualitative et fonctionnelle des compétences de l’enfant en termes de profil des forces et faiblesses. L’évaluation ne doit pas contribuer à exclure l’enfant : nous observons encore beaucoup trop souvent que c’est sur la seule base du quotient intellectuel qu’un enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé.

Une telle démarche évaluative plus qualitative va permettre de réfléchir aux adaptations qu’il s’agira de mettre en place en classe.

Ce travail d’évaluation demande du temps et donc des moyens financiers.

Par ailleurs le développement d’un dossier unique de l’enfant, qui puisse le suivre et dans lequel sont consignés ses progrès, quel que soit le service fréquenté est nécessaire pour assurer une coordination et une cohérence des interventions dans le temps. Pour faciliter le partage entre les divers intervenants, on peut concevoir un dossier informatisé.

Il serait donc important que les formations données aux psychologues et aux neuropsychologues soient davantage axées sur une évaluation dynamique. En particulier les psychologues des CPMS et des centres agréés ne devrait plus pratiquer l’orientation sur la seule base d’un diagnostic s

Par ailleurs, l’ensemble des professionnels devraient mieux connaître les enjeux de l’intégration et ceux de l’inclusion. Ces professionnels doivent prendre conscience que toute stigmatisation de l’élève comme « incapable » va marquer la personne à vie.

  • Organiser le curriculum de l’élève : quels apprentissages faut-il privilégier et comment ?

Il s’agit d’approcher toute élève dans sa globalité avec un projet pense de manière personnalisée. Le PIA est vu comme un outil rassembleur (et obligatoire) avec consignation des attentes des parents et de l’élève, la reconnaissance des divers obstacles aux apprentissages ainsi que les moyens pour tenter de les surmonter. Ce PIA est aussi un outil de communication avec le C.PMS et les divers partenaires extérieurs. C’est un outil de formation réflexive. Il doit bien entendu reprendre les objectifs visés, les moyens que l’on va dégager, la répartition des rôles de chacun, des critères sur lesquels portera une évaluation ainsi qu’un échéancier. Idéalement ce PIA sera rédigé dans un langage accessible à tous, dont l’élève.

Les apprentissages sont à promouvoir tant sur le plan cognitif que socio-émotionnel et ils doivent permettre de maintenir une bonne qualité de vie tant pour l’élève que pour sa famille.

Les contenus vont concerner les domaines du lire, écrire et calculer, la communication, la socialisation, l’autonomie (capacité à faire des choix) et l’indépendance fonctionnelle, l’acquisition de repères spatio-temporels, l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires permettant d’amplifier les domaines de l’estime de soi, de l’autodétermination, du sentiment d’efficacité personnelle. La pédagogie devra s’adresser aux divers sens (ouïe, vue, tact, odorat et goût). Il faut laisser l’enfant avec déficience intellectuelle progresser à son rythme en s’appuyant sur ses capacités développementales, en pensant à la nécessité des répétitions pour consolider les acquis et en privilégiant les supports visuels.

Il faut encourager l’investissement des espaces extérieurs en continuité avec l’espace de la classe et comme support à divers apprentissages favorisant la mobilisation de différentes formes d’intelligence.

La pédagogie par projets, le travail coopératif (spontané et organisé) et le tutorat seront ainsi facilités.

L’apport d’une approche différenciée dans l’enseignement est aussi reconnu comme favorisant les apprentissages de tous.

Comme la littérature le recommande, il faut laisser l’enfant dans sa classe d’âge.

Enfin, il est important que l’élève soit correctement installé en classe : l’aide d’un ergothérapeute ou d’un kinésithérapeute peut s’avérer très utile.

  • Organiser l’école

Il parait nécessaire de penser les soutiens présents dans l’école et dans la classe comme non stigmatisant pour un élève en particulier. La personne ressource devrait donc travailler avec le groupeclasse. Par ailleurs il s’agit d’éviter de sortir l’élève de son groupe-classe pour des activités plus individuelles.

Il faut bien entendu disposer de moyens financiers adéquats pour mettre en place certaines adaptations et disposer du matériel nécessaire, sans que l’enseignant n’ait à payer du matériel de ses propres deniers.

L’idée de donner un pot aux écoles pour leur permettre d’en disposer et se donner les moyens humains et matériels nécessaires est évoquée. Le maître mot est la souplesse, par exemple au niveau de la répartition des heures de l’enseignant qui accueille des élèves avec déficience intellectuelle dans sa classe.

L’engagement d’orthopédagogues (niveau bachelier) et d’orthopédagogues cliniciens (niveau master)  réfléchir l’organisation de la classe et de l’école, apporter les ressources complémentaires utiles en fonction des besoins, coordonner les interventionsun partenariat avec les familles.

Parmi les ressources externes à l’école, les services d’aide précoce, les services d’aide à l’intégration, les CRF, et d’autres services (asbl, services hospitaliers) tentent d’apporter une aide. Les conseillers pédagogiques ont un rôle important à jouer. Les associations de parents devraient aussi contribuer à l’évolution de l’école vers une école inclusive.

En lien avec le projet autour de l’enfant et avec lui, il s’agit de dégager un temps de concertation entre les divers acteurs dans le fonctionnement de la classe et de l’école.

Le rôle de la direction est mis en avant : il faut que toute l’équipe se sente concernée par le projet d’évolution de l’école vers une école inclusive.

Contrairement à l’idée généralement répandue, l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle au niveau maternel n’est pas plus facile même si les contraintes de l’évaluation sont absentes. Les enseignants de ce niveau ont un programme.

Plusieurs enseignants signalent qu’ils doivent déjà faire face à une diversité de difficultés chez les jeunes enfants.

Enfin, nous avons vu qu’une vingtaine de projets de classes intégrées (appelées de manière erronées « classes inclusives ») se sont développées. Ces dispositifs ont chacun leur histoire et se présentent sous des formes différentes. On peut penser que l’existence même de ces classes contribue à une sensibilisation au sein de l’école. De plus, elles permettent à l’élève avec déficience intellectuelle de ne pas se sentir seul au sein de l’école et de ne pas être stigmatisé. Ces projets bénéficient d’une aide de la part de chargés de mission. Il est important de souligner que les activités communes entre les élèves de cette classe et les élèves des autres classes doivent être pensées et organisées. La question est donc posée de savoir si ces classes p constituer une démarche transitoire dans le cheminement d’une école vers une école inclusive au sens propre.

  • Sensibiliser à la différence au sein de la classe, de l’école et maintenir les interactions entre élèves avec déficience intellectuelle et ses pairs

Il s’agit de travailler à la cohésion du groupe-classe et comme déjà mentionné plus haut, les approches comme le tutorat, l’apprentissage coopératif y contribuent.

Il s’agit aussi de permettre à l’enfant avec déficience intellectuelle de se présenter.

Les activités d’information et de sensibilisation doivent s’adresser à l’ensemble de la communauté scolaire. Le conseil de participation peut être utilisé comme un espace d’échanges et de sensibilisation. Les parents de l’enfant avec déficience intellectuelle doivent, tout comme les parents des autres enfants, être impliqués dans une réflexion centrée sur l’intérêt de la démarche inclusive. La communauté scolaire devient ainsi une communauté apprenante et créative.

Dans le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive, les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables.

  • Partager des ressources et (re)penser la formation tant initiale que continuée des professionnels

L’idée du partage des expériences et des savoirs autour de la démarche inclusive apparaît comme essentiel :au sein de l’école, entre les écoles, il s’agit de mettre en place des forums d’échanges et de diffuser de petits documents informatifs sans que ceux-ci ne soient présentés comme des « recettes » toutes faites. La diffusion de brochures à la fois sur la connaissance des droits et des procédures et à la fois sur le quoi faire et comment, avec quels objectifs est perçue comme très utile. Des sites existent et méritent d’être consultés : UNIA, ONE, Aviq, Phare, Inclusion asbl, Prebs (Portail de référencement pour l’enfant à besoins spécifiques), sites de diverses associations.

Le concours de personnes adultes avec déficience intellectuelle (comme les membres du Mouvement Personne d’Abord) a un rôle important à jouer pour informer sur leur parcours propre et leur expérience et ainsi alimenter une réflexion.

Enfin, les campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi à organiser en se demandant quel est le message à faire passer et pour quel public prioritaire.

En conclusion

Trois phrases choc

  • Pourquoi pas un droit  au même titre que l’implant cochléaire, le port de lunettes, l’utilisation d’une voiturette. Et pourquoi doit-on encore négocier des aménagements qui de plus, sont dits dev être raisonnables ?
  • Ce n’est pas aux parents de défendre le droit à l’Education pour leur enfant déficient dans le cadre d’une école d’enseignement ordinaire. Il faut une démarche plus globale de notre société.
  • Pourquoi continue-t-on à confondre les concepts intégration et inclusion et pourquoi n’entrevoit-on pas les réels enjeux de la démarche inclusive ? Les initiés ne devraient-ils pas utiliser ces concepts de manière plus précise afin de ne pas promouvoir des représentations erronées au sein du monde de l’enseignement et plus largement au sein de la société.

21 novembre 2017, Synthèse du colloque par le Prof.ém. J.-J. Detraux, administrateur de la Ligue des Droits de l’Enfant. La présente synthèse est basée sur les notes prises au cours de la journée par Bénédicte Decleyre et JJ Detraux ainsi que sur les diverses notes qui nous ont été adressées par les intervenants et par des participants.

Pour une école ouverte aux différences de genres

Pour une école ouverte aux différences de genres

L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle doit aussi lutter contre les stéréotypes de genre et re­latifs à l’orientation sexuelle

Introduction

Depuis près de 10 ans, la Ligue des Droits de l’Enfant défend les droits des élèves LGBT et de leurs familles. La lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie font parties pleinement de nos missions, comme la défense de tous les Droits de l’Enfant. Nous militons pour que l’Ecole remplisse sa mission éducatrice, mais c’est difficile. Elles ne sont pas formées (ou plus exactement, ne se sont pas formées) à cet aspect de l’éducation et se reposent principalement sur l’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), alors que chaque enseignant doit être capable d’y former leurs élèves, depuis le plus jeune âge. Or, nous sommes loin du but, comme va vous le montrer cette analyse. Après cela, il ne restera plus aux enseignant.e.s, éducateurs et éducatrices, animateurs et animatrices, qu’à se former et remplir leur mission éducative, avec un esprit critique de qualité.

Selon le rapport de SOS-homophobie (France) datant de 2012[1], la moitié des élèves interrogé·e·s affirme ne pas connaître de personnes homosexuelles (68% pour les garçons), et 58 % n’ont jamais abordé le sujet de l’homosexualité en famille (70% pour les garçons). Dans chaque cas, les réactions de rejet sont en proportion inversée : 36 % de réaction négatives à l’idée de rencontrer une personne homosexuelle pour les élèves qui n’en connaissent pas (contre 10% pour ceux qui en connaissent) et 30% de réactions hostiles (contre 8%) pour ceux qui n’en parlent jamais en famille.

Pourquoi en serait-il autrement en Belgique ? Ces dernières semaines, au moins trois agressions homophobes ont eu lieu à Bruxelles. Cela montre que le cœur de l’Europe est loin d’être épargné par l’homophobie. Le fait que ce soient cinq mineurs d’âge qui aient agressé un couple dans le centre de Bruxelles, démontre que l’éducation au respect de toutes les différences est défaillante dans certaines familles. Pire, les révélations sur la formation des imams, suite à l’enquête sur la Grande Mosquée, nous font craindre le pire[2]. L’Eglise catholique n’est pas en reste avec des représentants ouvertement homophobes[3]. On ne sait rien de la formation des religieux d’autres cultes, mais aucune confession n’est à l’abri de dérives visant celles et ceux qu’elles considèrent comme étant en dehors de leurs « normes » : personnes LGBTQI, divorcé·e·s, remarié·e·s, militant·e·s pour l’IVG, etc. Si des jeunes ne sont pas confronté·e·s à un discours progressiste, porteur de valeurs humanistes, des faits graves d’agressions homophobes seront toujours à craindre.

L’EVRAS, une des missions de l’Ecole

L’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) est obligatoire depuis 2012. L’objectif est d’augmenter la connaissance des jeunes en matière de vie relationnelle, affective et sexuelle et s’approprier ces connaissances. Trois séries d’acteurs sont répertoriées : les CPMS, les Centres de planning familial et, enfin, le secteur associatif.

Les missions de l’Evras portent sur la citoyenneté, le lien à l’autre, les problématiques liées au genre, les différences sexuelles, les MST, etc. Il s’agit aussi de déconstruire les stéréotypes et de lutter contre l’homophobie, ainsi que d’informer sur la diversité et de favoriser l’intégration au sein de l’école.

Au niveau primaire, ce sont les P.S.E. et C.P.M.S. qui interviennent, mais aussi et surtout les enseignant·e·s. Les plannings familiaux, quant à eux, interviennent plutôt au niveau du secondaire, tout comme les associations LGBT.

Malheureusement, selon certain·e·s de ces intervenant·e·s, leur formation est déficitaire. Il n’y a pas d’obligation d’être formé·e·s auprès d’acteurs ou d’actrices spécialisé·e·s, que ce soit au niveau de l’identité de genre ou sur quelque diversité de genre que ce soit. Il ne leur est donc pas possible d’aborder ces sujets dans les classes. On constate également que dans des grandes villes comme Bruxelles, la question est parfois mise de côté, par peur de réactions négatives des élèves. Pourtant, la circulaire Neutralité précise que l’école ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir. Quand des enseignant·e·s décrètent qu’il y aurait des thématiques qui sont taboues à l’école, c’est contraire au Décret neutralité. Ils/elles doivent pouvoir parler de tout et ont pour devoir de transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes qui lui permettent d’exercer librement des choix.

Il y a clairement un manque de formation initiale des enseignant·e·s. Les Hautes Ecoles ne proposent qu’un cours « fourre-tout » sur la diversité culturelle et les orientations de genre. Les formateurs et formatrices d’enseignant·e·s ne sont pas formé·e·s, ce qui est un comble. A leur corps défendant, la communauté française n’estime pas cette formation importante. En effet, elle prévoit tellement peu d’heures (30h) que les formatrices et formateurs ne s’impliquent pas réellement.

Il y a un réel déficit de connaissances de la part des acteurs et actrices scolaires et des intervenant·e·s en EVRAS, notamment sur la manière d’aborder ces thématiques avec des publics divers et diversifiés. Une école n’est pas l’autre et les difficultés auxquelles doivent faire face les enseignant·e·s sont très variées.

La plupart des appels d’écoles aux associations sont liés à des incidents critiques. L’appel peut émaner de l’agent d’un CPMS, d’un·e enseignant·e, d’un·e éducateur·trice parfois. C’est quand un problème se pose qu’on commence à y penser. De l’importance donc, de pouvoir faire un travail, non seulement avec les élèves mais aussi avec les équipes pédagogiques. Lors d’une demande d’interventions, les associations LGBT proposent une demi-journée de formation en préalable avec l’équipe pédagogique, avant de commencer le travail avec les jeunes. Les écoles sont, en général, prêtes à mettre en place toute une série de choses pour pouvoir accueillir ces formations. Les demandes sont supérieures aux moyens des associations.

Comment se former et où s’informer ?

Dans les écoles, il n’y a pas que l’EVRAS en matière d’orientation sexuelle. Chaque enseignant·e doit attacher de l’importance aux références et aux représentations qu’elle/il apporte aux enfants et aux jeunes. L’étude des CEMEA sur les questions de genre dans les manuels scolaires présente une série de recommandations pour permettre d’aborder des thématiques qui traitent d’identités de genre[4]. Cela revient à la question « Moi, enseignant, qu’est-ce que je fais ? Comment est-ce que j’intègre, dans mes pratiques quotidiennes, notamment, la thématique de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle ? Comment est-ce que j’inclus les diversités ? »

Au niveau de la formation en cours de carrière, la première porte d’entrée institutionnelle est l’IFC (Institut de formation en cours de carrière). L’IFC permet à un large panel d’enseignant·e·s d’être touché·e·s… s’ils/elles le souhaitent. Fort heureusement, être enseignant·e·s, c’est aussi et surtout avoir la capacité de se former soi-même. Par des recherches, par des lectures, en assistant à des conférences, en se documentant sur Internet ou en bibliothèque. C’est, d’ailleurs, ce que font les enseignant·e·s consciencieu·x·ses.

Il y a des outils. Dans les bibliothèques, il y a des ressources sur les questions d’identités de genre et d’orientation sexuelle. Il y a des catalogues de livres hétéro-centrés. Tous les enseignants ne vont pas chercher dans les bibliothèques mais c’est la mission des C.P.M.S. que de leur venir en aide et les conseiller. S’il y a une priorité à donner en matière de formation, c’est vis-à-vis des agents de CPMS. Dans les centres de promotion de la santé, il y a également des outils de sensibilisation.

Pipsa.be, est un site Internet assez complet d’outils pédagogiques en promotion de la santé.

Il faut éduquer aux différences de genre le plus tôt possible

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a beaucoup de demandes qui viennent des écoles primaires. Malheureusement, la plupart des moyens sont centrés sur le secondaire, mais il est important de pouvoir commencer le plus jeune possible. Mais c’est un combat de chaque moment. Ce n’est pas lié à l’EVRAS ? C’est lié à l’enseignant·e dans son quotidien face aux élèves : « Qu’est-ce que je lis comme histoire, comment est-ce que j’organise ma classe, comme et est-ce que je m’exprime auprès des élèves, comment est-ce que … » L’Evras n’est qu’un outil. L’important est le respect des droits fondamentaux des élèves en évitant toute forme de discrimination, même symbolique, que ce soit dans le quotidien de la classe et de l’école (cours de gymnastique/natation ségrégés, cours de récréation dédiées au football, …), mais aussi dans les cours : Maman ne s’achète plus un lave-vaisselle et papa une nouvelle voiture.

Ecole et « neutralité »

Quand on parle de neutralité à l’école, cela vise d’abord et avant tout la question des convictions religieuses, des convictions philosophiques, des convictions politiques et, éventuellement, même si ce n’est pas dit explicitement, les convictions syndicales. Certaines écoles refusent erronément d’éduquer à la différence de genre par volonté de « neutralité ».

L’orientation sexuelle n’est pas une conviction. Dès lors, le concept de neutralité n’a pas à s’appliquer. Ce qui peut être demandé, c’est de ne pas être un militant. Cela vaut pour n’importe qui d’autre et pour n’importe quel autre sujet de société. Est-ce que l’identité se réduit à sa religion ou son orientation sexuelle ? Nous avons des identités multiples. On peut être à la fois religieux et à la fois homosexuel. Réduire l’identité des élèves à une seule caractéristique poserait la question des ghettos.

En conclusion

L’école est avant tout un lieu d’éducation et, en priorité, à l’éducation au vivre ensemble. On doit y apprendre aux élèves – au travers de « matières » plus ou moins utiles – à faire société, à être capables une fois adultes à œuvrer pour une société plus juste, plus tolérante et plus respectueuse de tou·te·s. Nous militons pour que toutes les écoles deviennent des ECOLES POUR TOU·TE·S.

Toute personne intéressée par la mise sur pied d’un projet d’ECOLES POUR TOU·TE·S est la/le bienvenu·e pour nous aider. Nous vous invitons à nous rejoindre. Que l’on soit LGBTQI ou hétéros, nous sommes tou·te·s concerné·e·s par les différences de genres.


[1] https://www.sos-homophobie.org/sites/default/files/rapport_annuel_2012.pdf

[2] Le Centre islamique et culturel de Belgique enseignait une vision sans discernement du droit islamique et doctrine du IXe au XIIe siècle. Ce qui veut dire, notamment, une exaltation du djihad armé, mais aussi des méthodes pour exécuter par exemple les homosexuels. Dans un autre manuel dont disposent les imams formés au centre, on retrouve même des appels à l’antisémitisme. Source RTBF : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_l-ocam-inquiet-de-la-formation-des-imams-en-belgique?id=9913436

[3] France Culture rappelle à l’ordre l’Église après une homélie anti-mariage pour tous et anti-avortement diffusée en direct https://www.huffingtonpost.fr/2018/07/24/france-culture-rappelle-a-lordre-leglise-apres-une-homelie-anti-mariage-pour-tous-et-anti-avortement-diffusee-en-direct_a_23488288/

[4] http://www.cemea.be/IMG/pdf/Manuels_scolaires_et_stereotypes_sexues_eclairages_sur_la_situation_en_2012.pdf

Pandémie : pourquoi des écoles ont-elles continué à pratiquer la sélection ?

Pandémie : pourquoi des écoles ont-elles continué à pratiquer la sélection ?

Analyse

Pourquoi de nombreuses orientations et redoublements ont-ils eu lieu en cette période de pandémie, alors que la consigne était de rendre le redoublement exceptionnel ? Pour les enseignants qui ont connu les grandes grèves des années 1990, cette consigne était logique et leur rappelait pas mal de souvenirs. 1996-1997 a vu le taux de redoublement diminuer drastiquement parce que l’année avait été écourtée (voir ci-dessous).


Source Indicateurs de l’enseignement 2011 p 37, montrant la chute significative des taux de redoublement en 1996‑1997, qui résulte vraisemblablement des grèves qui se sont déroulées durant le premier semestre 1996.

On pouvait espérer le même dénouement en 2020. Mais la situation n’est plus la même. En 1996, Les élèves se battaient avec leurs profs pour défendre l’école. Aujourd’hui, l’ennemi est un virus. L’école n’a plus de raison de leur être reconnaissante.

Aussi, dès l’annonce de la Ministre limitant le redoublement pour cause de covid-19, il ne faisait pas l’ombre d’un doute pour les associations qui défendent les droits fondamentaux et les droits des élèves et des familles, que ce ne serait jamais qu’un vœu pieux.

Depuis le Décret Missions, toujours pas respecté depuis 1997, on sait que quand le Gouvernement décide, les écoles disposent. Le Politique l’a bien compris puisqu’il commence la circulaire par ces mots « Il convient tout d’abord de rappeler que c’est le Conseil de classe qui reste compétent pour décider de la réussite ou non d’une année d’études ou de l’ajournement d’un élève ».

Tout est dit : le redoublement doit être limité mais c’est l’école qui, in fine, décide. Autrement dit, ne changeons pas des pratiques qui perdent.

Et qui perdent qui ? Les élèves !

Il est clair que le Gouvernement ne se faisait guère d’illusion, malgré sa demande, un peu plus bas dans la circulaire : « Il conviendra de faire preuve de bienveillance dans l’appréciation des acquis des élèves, particulièrement lorsque les difficultés éprouvées par ceux-ci sont de toute évidence liées au contexte sanitaire. »

Car, toute décision prise, quelle qu’elle soit : passage dans la classe supérieure, examens de passage, redoublement, orientations, a été inévitablement liée au contexte sanitaire. Qu’ont-elles jugé, ces écoles ? Seulement un petit 2/3 d’année ! Plus précisément 118 jours sur 182. Et si on retire les jours blancs inutilement perdus en décembre[1], on tombe à une toute petite centaine de jours sur 182, soit une grosse demi-année.

Qui donc est capable de juger de la capacité à passer dans la classe supérieure sur si peu d’apprentissages ? Personne ! Déjà que les recherches en docimologie ont démontré que personne n’était capable de juger un·e élève avec des points. Alors sur une bonne demi-année, c’est tout simplement du mépris, de la discrimination des élèves à l’état pur. Et pas n’importe lesquels et pas pour n’importe quelle raison. Car ici, il ne s’agira pas de juger de la capacité d’un·e élève à passer dans la classe supérieure – ce qui est impossible – mais de pratiquer une sélection sociale. Bref, de continuer des pratiques de sélection bien ancrées dans nos écoles et qui existent depuis le XVIe siècle.

La question qui mérite d’être posée est « Pourquoi certaines écoles gardent-elles cet objectif de tri et de sélection, malgré la crise qui a frappé toute notre société ? » 

Nous allons vous expliquer pourquoi ces écoles ne vont pas changer. Mieux encore, pourquoi elles ne peuvent pas changer…

Rappelez-vous quand Ignace de Loyola fit de l’école l’instrument de la reconquête catholique (la Contre-Réforme) afin de contrecarrer l’expansion protestante sur l’un de ses terrains de prédilection : l’accès aux savoirs religieux et laïques. Les écoles deviennent élitistes. Il s’agit de privilégier les plus méritants et d’éliminer les autres. Il a donc élaboré un système sélectif qui perdure encore aujourd’hui dans certains pays arriérés sur le plan pédagogique. En FWB nous sommes encore dans l’école du 16e siècle. Et c’est bien de cela que nous parlons aujourd’hui.

Revenons à la question du jour. Pourquoi des écoles vont-elles, envers et contre tout, continuer leurs pratiques de sélection ?

On vient de voir que monsieur de Loyola et les écoles jésuites n’y étaient pas pour rien. L’objectif était de pratiquer une sélection sociale et cet objectif reste prioritaire dans le chef de nombreuses directions d’écoles. Pas sous ces termes-là, bien sûr. Ils ont évolué et se sont transformés en doxa. Autrement dit, en un ensemble plus ou moins homogène d’opinions, de préjugés populaires ou singuliers, et de présuppositions non vérifiées, qui règnent en maître dans les salles de profs (et dans certaines familles). Et la doxa de l’école est puissante. Nous ne citerons que quelques-uns des présupposés qui nous concernent aujourd’hui :

  • « Notre école prépare à l’université, nous ne savons pas faire réussir tout le monde ! » C’est faux, tout le monde est capable[2] ! En outre, aucune école n’a pour mission de préparer à l’université[3] ;
  • « Le redoublement permet aux élèves de reprendre pied ! » C’est faux ! Les études ont démontré que c’était tout le contraire[4] ;
  • « Certains enfants – principalement de milieux populaires – ne sont pas faits pour l’école. Ils ont l’intelligence de la main et doivent être orientés vers le professionnel ou le technique ! » C’est faux ! Tout le monde peut apprendre tous les savoirs. Cela aussi est démontré ;

Et donc, nous nous retrouvons face à des écoles qui pratiquent la sélection sociale depuis des décennies sur aucune base valide, et qui n’imaginent pas qu’il soit possible de faire autrement. Il n’est un secret pour personne que la sélection va continuer à être pratiquée, non pas sur les capacités scolaires des élèves, mais sur des présupposés archaïques, qui ont été invalidés depuis des décennies par les sciences de l’éducation. Bref, ils vont casser des élèves simplement parce qu’ils sont mus par une idéologie archaïque, une idéologie née au XVIe siècle et portée à travers les âges par les écoles jésuites et celles qui voulaient leur ressembler : nos écoles élitistes !

En outre, ces écoles se sont structurées physiquement de manière à ne plus savoir faire autre chose que de pratiquer cette sélection. Elles sont devenues pyramidales.

Exemple d’école pyramidale (chiffres de 2012) : Dans cet exemple, s’il y a 6 classes au premier degré du secondaire, il n’y a plus que
–         5 classes en 3e (-35 élèves)
–          4 classes en 4e (- 6 élèves)
–       et 3 classes au troisième degré (- 42 élèves)
soit une perte de 83 élèves entre 14 et 16 ans (- 53 % de ceux qui avaient commencé en 1ère)

Depuis des années, cette structuration les empêche physiquement de faire passer tou·te·s les élèves, crise sanitaire ou non, simplement parce qu’il n’y a plus de locaux de libres pour créer de nouvelles classes (les rares locaux qui auraient pu servir ont rapidement été affectés à d’autres usages, moins pédagogiques, afin de monopoliser tout l’espace). Autrement dit, elles sont « obligées » d’éliminer progressivement plus de la moitié de la population d’une tranche d’âge, car année après année, il y a de moins en moins de locaux pour les accueillir. Et cela, même si ce sont autant d’Einstein.

C’est profondément ancré dans l’esprit de ces « bonnes » écoles : « On ne peut pas faire réussir tout le monde. C’est rendre service aux élèves que de les orienter vers des métiers de la main ».

Dès lors, il s’agit de pratiquer progressivement la sélection en commençant par les classes sociales les plus fragiles. Car la sélection scolaire se fait prioritairement sur des bases sociales[5]. L’école primaire aura déjà tracé la route en mettant plus de 17% des élèves en retard[6], principalement issus de familles pauvres et qui se tourneront vers des écoles secondaires professionnalisantes. Dès lors, il ne leur restera plus qu’à remonter progressivement de décile social en décile social, en évitant de toucher aux enfants des familles les plus favorisées qui – et c’est la doxa qui le dit – « sont faits pour faire de hautes études ». Ces privilégiés (à leur corps défendant) auraient-ils reçu ce don par un coup de baguette magique dans leur berceau ?

Ce qui est plus certain, c’est que ces élèves – celles et ceux qui réussiront – ressemblent étonnamment aux enfants des professeur·e·s du secondaire général supérieur. Ils sont pour la plupart enfants d’universitaires, comme le sont les mêmes professeur·e·s du secondaire supérieur. Les loups ne se mangent pas entre eux. Et puis, « si tout le monde réussissait, qui viendrait apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? »

La crise sanitaire va montrer au grand jour que les redoublement et les orientations que pratiquent les écoles depuis des décennies ne reposent pas sur des arguments pédagogiques mais sont simplement idéologiques et structurels. Pour être une « bonne » école, et être bien positionnée par rapport aux établissements alentour, il faut sélectionner. Ces écoles n’enseignent pas, elles se positionnent sur le marché scolaire en pratiquant la sélection ; en pratiquant simplement l’injustice.

Il est temps que le politique se questionne sur sa responsabilité, lui qui n’a jamais cherché à faire appliquer le Décret Missions. Évidemment, cela arrange tout le monde : écoles et partis politiques. S’il n’y avait plus de sélection, que feraient les écoles techniques et professionnelles ? Faudrait-il mettre au chômage des milliers de professeur·e·s (qui bénéficient de la garantie d’emploi, donc d’un salaire que la FWB se doit de leur verser, avec ou sans élèves) ? Et puis revenons à la question posée par ces « bon·ne·s » professeur·e·s élitistes, mais aussi par des milliers de familles socialement favorisées : « Si tout le monde réussissait, qui viendrait apporter mon courrier ou faire l’entretien de mon SUV très polluant ? ».La crise sanitaire aurait été l’occasion de repenser l’école au profit des plus discriminés. Mais les établissements ne l’entendent pas de cette oreille. L’école n’est pas faite pour les élèves. Elle est faite par des adultes, pour leurs seuls intérêts, que ce soient celui des professeur·e·s (il est plus facile de sélectionner que d’enseigner), des directions d’écoles (un directeur de « bonne » école vaut plus dans leur esprit qu’un directeur d’école professionnelle, pourtant souvent plus efficace) ou des PO (notre établissement doit attirer les publics les plus favorisés, ce qui fera de nous la « meilleure » école, versus nous avons besoin d’élèves pour faire fonctionner nos écoles techniques et professionnelles).

Si la crise sanitaire n’aura pas – ou très peu – fait changer les pratiques de ces « bonnes » écoles, elle permet à tout le moins de mettre en lumière et de dénoncer – c’est ce que nous faisons aujourd’hui – ces pratiques idéologiques archaïques, injustes et indignes d’une société du XXIe siècle. Une école qui n’est pas un lieu qui respecte le Droit n’est pas digne d’exister.

Nous en profitons pour rappeler que la FWB a signé et ratifié la Convention internationale des Droits de l’Enfant et donc que celle-ci s’impose aux écoles, et s’applique à tout·e enfant, quel·le qu’il-elle soit et quelle que soit son origine. Toute école a, dès lors l’obligation – et elle est subsidiée pour cela – de transmettre tous les savoirs à tou·te·s les élèves sans pratiquer la moindre sélection sur base sociale, physique, intellectuelle, de genre, de leur origine ou de leurs préférences sexuelles.

Il faut changer l’école et la crise sanitaire est une opportunité. Bien sûr, elle ne débouchera pas sur « LE » grand soir, mais elle a le mérite de montrer au grand jour les dysfonctionnements internes à ces écoles que sont le tri et la sélection sur base de la classe sociale.

Nous verrons si le Conseil de recours fera respecter l’esprit de la circulaire ; que les parents soient (enfin) de vrais partenaires et que le redoublement soit effectivement exceptionnel tout comme les attestations d’orientations. Il est impossible d’évaluer la capacité ou non d’un·e élève à passer dans la classe supérieure sur un peu plus d’une demi-année. En Droit, le doute doit toujours bénéficier au/à la citoyen·ne, donc à l’élève ! Le contraire ne serait qu’injustice.

C’est au pouvoir subsidiant à imposer les balises de la prochaine reprise de l’école en septembre. Des écoles refusent d’appliquer le Droit et de respecter ceux des élèves. Il est nécessaire qu’un Décret impose à ces écoles les règles pédagogiques à respecter durant l’année 2020-2021, règles qui baliseront également les années suivantes dans l’esprit du Pacte pour un enseignement d’excellence. Ce Décret doit prévoir les moyens de vérifier que ces règles seront respectées et les sanctions financières qui seront appliquées aux PO qui ne les respectent pas. L’expérience du Décret Missions doit servir de guide.

Les écoles ne sont pas au-dessus du Droit. Il serait temps que le Politique prenne les mesures qui s’imposent pour sanctionner ces prétendument « bonnes » écoles qui n’en ont que le nom mais qui, dans les faits, sont vraiment bien mauvaises.


[1] Les seules évaluations légales sont les évaluations formatives (voir l’article 15 du Décret Missions). Le examens sont de prétendues évaluations incapables de juger des connaissances d’un·e élève. Tout au plus de sa capacité à les restituer à un moment donné et dans des conditions défavorables (pression, stress, évaluations construites pour pratiquer une sélection, …). Les examens et les révisions font perdre du temps au profit des apprentissages.

[2] Voir le concept d’éducabilité : https://www.liguedroitsenfant.be/blog/2019/10/09/en-marche-vers-une-ecole-inclusive-le-principe-deducabilite/

[3] Décret Missions : article 6

[4] Le redoublement engendre, chez les élèves qui le subissent, ce que les psychologues appellent le sentiment d’incompétence acquis (Learned helplessness aussi appelée théorie de la résignation apprise – Seligman, Maier & Solomon 1969). L’élève se résigne à ne pas être compétent. Ses expériences ainsi que les messages envoyés par l’école lui ont démontré qu’il « ne savait pas », qu’il était incompétent et que rien ne pouvait modifier cet état. Le sentiment d’incompétence acquis est difficilement modifiable chez l’enfant qui le ressent. Il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle des causes qui l’ont amené à cet échec et qu’elles ne pourront jamais changer. Il est persuadé d’être bête et incapable, une fois pour toute (lire le concept d’éducabilité, ci-dessus).

[5] Indicateurs de l’enseignement 2019 , pages 27 et 27 : « Il existe une disparité socioéconomique importante entre les formes de l’enseignement secondaire ordinaire. Elle commence dès l’entrée dans le secondaire avec un écart important (de 0,52) entre l’indice moyen du premier degré différencié et celui du premier degré commun. Cet écart s’accentue dans le deuxième degré où l’ISE des secteurs de résidences des élèves fréquentant la forme professionnelle est de -0,32 alors que dans la forme technique de l’enseignement de qualification, il est de -0,07. Dans ce degré, l’ISE moyen est de +0,19 pour la forme technique de transition et de +0,23 pour la forme générale. Des disparités similaires sont observables au 3e degré où l’ISE moyen s’élève respectivement à –0,18, +0,01, +0,27 et +0,32. Ces valeurs sont toutefois supérieures à celles observées dans la même forme au 2e degré, ce qui peut s’expliquer par une orientation vers les formes de l’enseignement secondaire les moins réputées ou vers l’enseignement en alternance et par les sorties prématurées qui touchent les élèves issus des secteurs les moins favorisés. Il existe également une disparité socioéconomique entre les formes de l’enseignement secondaire spécialisé. La forme 4, seule forme qui délivre des certificats et diplômes équivalant à ceux délivrés dans l’enseignement secondaire ordinaire, accueille un public dont l’indice est légèrement inférieur à la moyenne (–0,07). Les autres formes accueillent par contre un public moins favorisé, avec un ISE moyen qui s’élève respectivement à –0,21, –0,31, –0,38 dans les formes 1, 2 et 3. » 

[6] Indicateurs de l’enseignement 2019



Le danger des sodas sur la santé de nos enfants

Le danger des sodas sur la santé de nos enfants

En 2012 déjà, on estimait que les enfants belges consommaient près d’un demi-litre de sodas par jour. Actuellement, plus de la moitié des 4-18 ans ont un apport quotidien excessif en sucre. Et il ne s’agit pas de n’importe quel sucre. Celui qu’on retrouve dans les sodas étant liquide, il est plus facilement assimilé par l’organisme et par conséquent bien plus dangereux.

Il y a une augmentation constante du nombre de malades de diabète et d’obésité chez nos enfants. Pire encore, on a découvert qu’une ingestion quotidienne de soda peut mener à une maladie propre à la consommation de ces boissons qu’on nomme NASH (acronyme anglais désignant une stéato-hépatite non alcoolique)  ou « maladie du soda ». Une maladie qui peut évoluer jusqu’au cancer du foie !

L’urgence de protéger les enfants et jeunes de ces bombes à calories a conduit à une première interdiction de leur vente dans les écoles en 2004. Interdiction jamais totalement suivie et qui a même été levée par la suite.

Mais interdire ces boissons suffit-il à enrayer le problème d’obésité des enfants ? Le problème des sodas et de leurs conséquences sur la santé des mineurs n’est-il pas le symptôme d’un problème plus profond et plus global de notre société de consommation ?

Qu’est-ce qu’un soda ?

Un soda est une boisson gazeuse, sucrée aromatisée. Ce type de boisson est très populaires dans tous les pays. Il n’existe pas une mais plusieurs sortes de sodas : les plus connus sont les colas, les limonades, les sodas fruités, les sodas classiques, les boissons énergisantes, etc.

C’est au 18 siècle et depuis « l’invention » de l’eau gazeuse que les sodas sont apparus. Cette boisson est principalement composée d’eau, d’une grande quantité de sucre ou d’édulcorants comme l’aspartame utilisés dans les sodas « lights », d’antioxydants, d’acidifiants (acide phosphorique et citrique), de différents types d’extraits de plantes et de bien d’autres additifs chimiques. Elle est sursaturée en dioxyde de carbone pour être effervescente quand la bouteille ou la cannette est ouverte (d’où la provenance des bulles). On peut remarquer qu’une fois les bulles parties, le sucre devient trop fort au goût, au point d’être quasi-imbuvable.

Ces boissons sont préparées à l’aide de différents procédés chimiques. A aucun moment les fabricants n’utilisent de produits naturels, à part l’eau.

Les recettes de certains sodas demeurent un mystère, comme celles de Coca-Cola qui refuse strictement de la dévoiler au public… C’est à se demander pourquoi. Qu’est-ce qu’il pourrait bien avoir d’autres à cacher dans ces boissons ?

Les sodas et les enfants

Si les plus grands consommateurs des sodas sont les jeunes ados, c’est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur chez les enfants, alertent les spécialistes.[1] 

En 2019 des recherches sur les dangers des sodas ont été menées par l’Inserm en France. Les résultats de ces recherches sont sans appel : il faut protéger la population de ces boissons et en particulier les enfants. Les résultats de ces recherches ont révélé que boire plus de 33 cl de soda, soit une cannette par jour comporte de nombreux dangers pour l’organisme et abîme en premier lieu le foie. Une cannette de coca contient l’équivalent de 8 morceaux de sucre. C’est beaucoup trop, surtout quand ce dernier se trouve à l’état liquide car facilement assimilé par l’intestin qui le transforme en graisse dans le foie. « La maladie du foie gras » est justement l’autre surnom de la maladie du soda (ou NASH).

Cette maladie se caractérise par une accumulation trop importante de graisses dans les cellules du foie avec des complications hépatiques pouvant mener à une inflammation. D’abord diagnostiquée aux États-Unis où ils sont bien moins chers qu’ailleurs, la maladie du soda est de plus en plus fréquente dans notre pays et touche 5% des belges, sachant que les gros consommateurs de ces boissons sont les adolescents. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que les cirrhoses, les cancers et les transplantations du foie sont en nette augmentation ces dernières années, en lien direct avec l’augmentation du nombre de personnes atteintes du NASH.[2]

Ces apports excessifs en sucre sont d’autant plus préoccupants pour nos enfants que c’est dans l’enfance et l’adolescence que s’acquièrent les bonnes ou les mauvaises habitudes alimentaires qui risquent d’être conservées à l’âge adulte et de favoriser d’autres maladies comme le diabète. Avec une augmentation de 3,7% par an du nombre de nouveaux cas de diabète chez les enfants belges, il y a urgence de sensibiliser sur les dangers de cette boisson et des aliments sucrés en général chez nos enfants. Une maladie qui se présente de plus en plus à un âge plus jeune chez ceux en dessous de 15 ans.[3]

L’autre problème est celui du surpoids et de l’obésité. Comme le diabète, ils n’ont fait qu’augmenter ces vingt dernières années. Un enfant belge sur cinq présente du surpoids et près de 6% [1] d’entre eux sont obèses (contre 33% de la population dans l’ensemble, c’est-à-dire avec un Indice de Masse Corporelle supérieur ou égal à 30, soit le tiers de la population !)[2]

Les effets du sucre sur les enfants sont encore plus graves que sur les adultes, la prise de poids s’installant plus profondément. Le sucre étant un perturbateur métabolique, il devient bien plus difficile pour eux de perdre du poids et de brûler les graisses.

En plus de provoquer une hyperglycémie, il cause aussi une hyperlipidémie avec des taux de cholestérol élevés alors que le bon cholestérol est anormalement bas. Ces syndromes sont un terrain fertile non seulement au développement du diabète mais aussi aux maladies cardio-vasculaires.

Sa consommation affecte aussi le cerveau : le sucre est considéré comme ayant des effets addictifs aussi puissants que la cocaïne.

Par ailleurs, des chercheurs américains ont démontré que les sodas sont des leviers forts des troubles de la nervosité  et qu’il y a un lien entre agressivité et violence chez des enfants consommant des boissons sucrées. [3]

Dans ces boissons, le sucre n’est pas le seul problème. Les listes d’ingrédients renferment d’autres dangers pour nos enfants bien moins connus et peut-être tout aussi graves.

Les sodas doivent avoir une couleur et un goût qui plaisent aux gens et être conservées longtemps, c’est pourquoi on y ajoute de nombreux conservateurs, acidifiants et autres additifs chimiques dont on découvre de plus en plus la dangerosité. L’un des ingrédients, le phosphate, est un perturbateur osseux, qui court-circuite le métabolisme du calcium. Les os sont alors affectés et la décalcification est en marche! Plus tard, c’est à l’âge adulte que les effets désastreux se feront sentir.

L’acide qui se trouve en grande quantité dans les sodas permet notamment de décaper le métal et s’avère être un excellent nettoyant. Les dents sont les premières victimes de cette attaque acide, dont l’émail qui est la couche superficielle et protectrice, s’effrite.

Un mal qui cache un autre bien plus grand ?

On estime aujourd’hui à plus de 25.000 les distributeurs de sodas installés dans les écoles, soit 14% de l’ensemble des distributeurs présents dans le pays ![1]  Si ces derniers ont été retirés des écoles primaires, 65% des écoles secondaires en possèdent encore[2]. Pourquoi ? Parce que derrière cette offre alimentaire, il y a des enjeux financiers et donc une logique marchande. Ces distributeurs apportent une importante source de revenus aux écoles qui leur permet de pallier le manque de ressources structurelles. C’est, quelque part, une manière de faire participer les élèves aux frais de leurs études[3].

Du côté de l’Etat, c’est la même chose. La Belgique a instauré il y a 5 ans la Taxe soda, théoriquement pour lutter contre la consommation de ces boissons et contre l’obésité, pour encourager aussi un modèle d’alimentation plus sain ainsi que pour faire faire des économies à notre système de santé. Si ces accises n’ont pas fait diminuer la consommation de sodas, cette opération a été juteuse pour le Trésor public. En réalité, l’objectif officiel de cette taxe un leurre !

La Fédération belge des Eaux et Boissons rafraîchissantes reproche justement à l’Etat de servir à financer le Tax shift et à équilibrer le budget de l’État plutôt que de lutter contre l’obésité comme il le prétend. L’Etat fait ainsi de gros bénéfices, au détriment du porte-monnaie et de la santé de la population. Tout le mal est là : on fait passer le profit au détriment de la santé, toujours en prétendant lutter pour la bonne cause afin de mieux faire passer la pilule à la population. Cet argent gagné grâce à la Taxe soda aurait pu être investi dans les écoles qui ne seraient alors plus obligées de garder leurs distributeurs de sodas.

On aurait pu l’investir dans la formation des professeurs qui, après avoir eu une formation solide, seraient mieux outillés et rempliraient mieux leur mission d’éducation aux bonnes habitudes alimentaires envers des élèves qui en ont bien besoin.

On aurait pu aussi l’investir dans la distribution gratuite de fruits et légumes, de soupes et d’autres boissons et aliments sains dans les cantines scolaires.

Conclusion

Mettre en garde sur les dangers des sodas comme sur la malbouffe en général, concerne autant les enfants que leurs parents. Etant les premiers éducateurs de leurs enfants, le comportement des parents joue un rôle primordial dans l’éducation à l’alimentation. C’est eux aussi qui achètent les aliments sains ou moins sains et qui préparent les repas à la maison.

S’ils veulent que leur enfant mange bien, nombreux de ces parents s’y prennent mal. Inconscients du danger, « des parents prennent de plus en plus l’habitude de mettre du coca ou des jus dans le biberon des bébés ! Ils carburent au soda et ne veulent plus boire de l’eau. Les plus petits sont plus facilement addicts au sucre, une appétence innée. » ![1] rapporte un médecin français.

Vient ensuite l’école qui doit assurer sa mission éducative, en multipliant par exemple des missions d’information et de prévention avec des journées sans sodas. Organiser ensuite une semaine pour les fruits, puis pour les légumes, puis encore une journée sportive, etc. Si des écoles organisent de telles actions avec les moyens du bord, les systématiser permettraient à tous les enfants d’en bénéficier.

Mais la consommation de sodas est d’abord fortement liée à la précarité sociale et économique : les conditions de vie, les appartenances sociales, l’éducation, les représentations de l’alimentation, la culture familiale et les liens sociaux sont des paramètres qui influencent fort les comportements alimentaires. Ensuite, la publicité, le marketing et les prix généralement bas de la malbouffe orientent les choix des consommateurs, surtout des plus pauvres.

La lutte contre la consommation de sodas, contre l’obésité et la mauvaise alimentation en général passe inévitablement par la réduction des inégalités sociales. Cette lutte ne peut se faire que via une politique alimentaire intégrée favorisant l’accès à une alimentation de qualité pour tous et qui reste à construire.

Le gouvernement a les moyens de le faire : les Taxes soda ont triplé en 3 ans, ce qui permet à l’Etat de se sucrer sur le dos des consommateurs, au lieu d’investir les énormes sommes engrangées dans la santé et l’éducation à la santé de la population.  Il a, au moins, les moyens de financer le repas de midi, le seul véritable repas de la journée qui pourraient bénéficier aux nombreux enfants et jeunes issus de familles précarisés.

[1] https://www.fieb-viwf.be/fr/boissons-rafraichissantes/chiffres-et-tendances/

[2]  http://www.leparisien.fr/societe/sante/une-seule-canette-de-soda-par-jour-c-est-deja-trop-pour-votre-foie-09-07-2019-8113320.php

[3] https://www.rtl.be/info/magazine/sante/maladie-du-soda-un-belge-sur-trois-est-considere-comme-a-risque-voici-comment-savoir-si-on-en-souffre-1132400.aspx et https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-maladies/2070237-maladie-du-soda-nash-definition-symptomes/

[4 et 5] http://www.bdronline.be/index.php?n=118&id=119&sid=119&taal=F&mnav=1

[6] https://his.wiv-isp.be/fr/Documents%20partages/NS_FR_2018.pdf

[7] https://www.e-sante.be/surpoids-chez-enfants-belges/breve/1173

[8] http://injuryprevention.bmj.com/content/early/2011/10/14/injuryprev-2011-040117.abstract

[9] https://www.info-pharma.org/dangers-soda-infographie/

[10 et 11] https://ligue-enseignement.be/les-canettes-a-lecole-saga-politique-marche-juteux/

[12] Pour rappel, l’école est gratuite et doit le rester

[13]  http://www.leparisien.fr/societe/sante/une-seule-canette-de-soda-par-jour-c-est-deja-trop-pour-votre-foie-09-07-2019-8113320.php

SOURCES

1. http://www.cbsnews.com/news/soda-a-day-may-lead-to-heart-attacks-in-men/


2.http://www.topsante.com/medecine/troubles-cardiovasculaires/infarctus/prevenir/les-sodas-augmenteraient-le-risque-d-arret-cardiaque-253006


3. http://www.ohmymag.com/coca-cola/cet-homme-a-bu-10-canettes-de-coca-par-jour-pendant-un-mois-le-resultat-est-juste-hallucinant_art82952.html

4.http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1440-1843.2011.02115.x/abstract

7.http://injuryprevention.bmj.com/content/early/2011/10/14/injuryprev-2011-040117.abstract

8.http://www.ens-lyon.eu/recherche/bisphenol-a-d-autres-mecanismes-d-action-reveles-in-vivo–228835.kjsp?RH=ENS-LYON-FR

9.http://www.inserm.fr/espace-journalistes/l-effet-nefaste-du-bisphenol-a-prouve-experimentalement

10. http://ehp.niehs.nih.gov/1307728/

11.http://www.termlifeinsurance.org/

12. http://www.leparisien.fr/societe/sante/une-seule-canette-de-soda-par-jour-c-est-deja-trop-pour-votre-foie-09-07-2019-8113320.php

13.https://ligue-enseignement.be/les-canettes-a-lecole-saga-politique-marche-juteux/

14. http://www.bdronline.be/index.php?n=118&id=119&sid=119&taal=F&mnav=1

15.https://his.wiv-isp.be/fr/Documents%20partages/NS_FR_2018.pdf

16.https://www.e-sante.be/surpoids-chez-enfants-belges/breve/1173

18. http: // www.leparisien.fr/societe/sante/une-seule-canette-de-soda-par-jour-c-est-deja-trop-pour-votre-foie-09-07-2019-8113320.php

19. https://www.rtl.be/info/magazine/sante/maladie-du-soda-un-belge-sur-trois-est-considere-comme-a-risque-voici-comment-savoir-si-on-en-souffre-1132400.aspx

20.https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-maladies/2070237-maladie-du-soda-nash-definition-symptomes/

21. http://www.bdronline.be/index.php?n=118&id=119&sid=119&taal=F&mnav=1

22. https: //www.fieb-viwf.be/fr/boissons-rafraichissantes/chiffres-et-tendances/