Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Qu’est-ce qu’un aménagement « raisonnable » ?
La notion d’aménagement raisonnable est une notion de Droit qui vise à
favoriser l’égalité et la non-discrimination pour les personnes en situation de
handicap. Il s’agit de créer une exception au profit d’une personne afin
qu’elle puisse bénéficier des mêmes droits et d’un accès aux mêmes services que
les autres.
Selon
l’ONU, on entend par «
aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés
n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des
besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la
jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les
droits de l’homme (ou droits humains NDLR) et de toutes les libertés fondamentales[1].
Unia, l’ancien-Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme en donne la définition suivante : Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de réduire, autant que possible, les effets négatifs d’un environnement inadapté sur la participation d’une personne en situation de handicap à la vie en société[2].
Pourquoi parle-t-on d’aménagements raisonnables ? Il y a-t-il des aménagements non-raisonnables ?
Oui !
Le monde dans lequel nous vivons est, hélas, loin d’être parfait et certains aménagements nécessaires peuvent s’avérer trop coûteux, trop envahissants ou impossibles. La mise en place d’un ascenseur pour permettre à un·e élève à mobilité réduite d’aller dans une classe au 3e étage, s’avère par exemple, financièrement impossible pour de nombreuses écoles, voire impossible dans la structure d’un bâtiment donné. Le terme « raisonnable » doit être évalué à l’aune de différents critères comme le coût, la fréquence et la durée prévue de l’aménagement, l’impact sur l’organisation, l’impact de l’aménagement sur l’environnement des autres élèves et l’absence ou non d’alternatives[3].
Les aménagements raisonnables à l’école
C’est le Décret du 7 décembre 2017, « relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques » qui impose la mise en place d’aménagements raisonnables pour les élèves à besoins spécifiques, depuis le 1er septembre 2018.
Pourquoi un Décret « Aménagements raisonnables », alors qu’il y avait déjà un Décret « Anti-discrimination » ?
Malheureusement, il a été constaté que des écoles contournaient le Décret
antidiscrimination[4].
Celui-ci imposait déjà les aménagements raisonnables, mais n’était que trop peu
appliqué. Il précisait pourtant que « les aménagements
raisonnables sont des
mesures appropriées, prises
en fonction des
besoins dans une
situation concrète, pour
permettre à une
personne handicapée d’accéder,
de participer et de progresser
dans les domaines
visés à l’article
4[5], sauf
si ces mesures
imposent à l’égard
de la personne
qui doit les
adopter une charge
disproportionnée. Cette charge
n’est pas disproportionnée lorsqu’elle
est compensée de
façon suffisante par
des mesures existant
dans le cadre
de la politique publique menée concernant les
personnes handicapées[6] ».
Enfin, il insistait en précisant que « toute discrimination fondée
sur l’un des
critères protégés est interdite.[7] ».
Malgré cela, de nombreux enfants ne bénéficiaient pas d’aménagements
raisonnables, malgré la demande insistante des parents et le rappel du Droit.
Des écoles, des professeur·e·s prétextaient que « donner » des
aménagements raisonnables à certains enfants aurait été discriminatoire par
rapport à tous les autres ou que les enfants bénéficiant de certains
aménagements raisonnables (ordinateurs, calculettes, …) pouvaient
« tricher ».
Régulièrement, Unia a été contraint de rappeler à des écoles les droits de
leurs élèves à besoins spécifiques. Dans un rapport de 2015, Unia précise que 20% des signalements introduits auprès
du Centre en matière de
handicap touchent à l’enseignement. Ces signalements augmentent d’année en
année (31 signalements introduits en 2012, 62 en 2013, 87 en 2014) et 56,5%
concernent un refus ou absence d’aménagements raisonnables[8].
Il fallait doc passer à la vitesse supérieure, d’autant que le Pacte pour
un enseignement d’excellence prévoit « le principe d’une démarche évolutive doit être à la base de
l’organisation de l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et
jusqu’à la fin de la scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque
élève d’être inscrit dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus
d’inscription au motif que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables
ou que l’enfant ne serait pas capable d’assimiler la matière enseignée[9] ». L’école inclusive
est définie comme « permettant à un élève
à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire
moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel,
pédagogique et/ou organisationnel ».
Mais tout n’est pas réglé pour autant. Un an après la mise en œuvre du Décret, l’Ufapec dénonçait le refus de certaines écoles d’appliquer le décret[10] : « Il n’y a pas une semaine qui passe sans que des parents (d’enfants à besoins spécifiques) nous appellent pour nous dire : on nous refuse un aménagement raisonnable! »
Qui peut bénéficier d’aménagements raisonnables ?
Tout élève de l’enseignement ordinaire, fondamental et secondaire, qui
présente des « besoin(s) spécifique(s) », (…) est en droit de bénéficier
d’aménagements raisonnables matériels, organisationnels ou pédagogiques
appropriés (…)[11].
Cependant, le Décret ajoute un bémol qui empêche certains élèves de pouvoir en
bénéficier, car il précise « pour
autant que sa situation ne rende pas indispensable une prise en charge par
l’enseignement spécialisé les dispositions du décret
du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé. ». Selon nous, cette restriction va à
l’encontre de l’article 24 de la CIDPH[12]
de l’ONU qui précise que « Les
personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres,
avoir accès, dans
les communautés où
elles vivent, à
un enseignement primaire
inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement
secondaire » également inclusif.
L’enseignement ségrégué (un enseignement qui place ses élèves à part / à l’écart de la société et ne leur fait pas apprendre avec les enfants dits « ordinaires », comme cela se passe dans notre enseignement spécialisé) n’est pas, par définition, un enseignement inclusif.
Qu’entend-on par élève à besoins spécifiques ?
Lorsqu’on parle de « besoins spécifiques », on parle en général
de troubles qui font qu’un·e enfant a plus de mal à apprendre que la majorité
des enfants de son âge, lorsqu’il/elle est dans une situation spécifique[13]
(lecture, calcul, rester assis·e, dessiner, se représenter dans l’espace, …) ou
d’enfants ayant un handicap ou une maladie qui les empêche d’apprendre comme
les autres ou les gêne dans leurs apprentissages.
Le Décret précise les besoins spécifiques comme étant des « besoins résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire, fondamental ou secondaire. »
Comment demander à l’école la mise en place d’aménagements raisonnables ?
Préalablement à la mise en place d’aménagements raisonnables, le Décret
impose un diagnostic datant de moins d’un an[14].
C’est évidemment discriminatoire. Les parents d’un enfant dont un diagnostic
daterait de plus d’un an – ce qui est fréquent – devront repasser par la case
« Je dois payer » pour simplement voir confirmer que leur enfant a
toujours une dyslexie (on a une dyslexie à vie), une dyscalculie (idem), une
dyspraxie (re-idem), voire un autisme ou une surdité (re-re-re-idem). Il semble
que Kafka soit passé dans ce Décret, histoire de ne surtout pas trop perturber
les écoles. Rappelons que la détection d’un autisme prend… plus d’un an. Il est
bien connu également, que les familles populaires ont de l’argent à dépenser à
tire-larigot dans des tests répétitifs. Et dire que le Pacte pour un
enseignement d’excellence a l’ambition de supprimer les orientations abusives
d’enfants de familles populaires vers l’enseignement spécialisé. Pour cela, il
faudra qu’elles aient les moyens de payer les diagnostics et que le Pacte ait
la mesure de ses ambitions.
Une fois le diagnostic en main, Plusieurs actrices et acteurs peuvent demander
la mise en places d’aménagements raisonnables :
- Les
représentants légaux de l’élève (s’il est mineur) ;
- De
l’élève (s’il est majeur) ;
- Du
CPMS ;
- D’un·e
enseignant·e membre du Conseil de classe ;
- De la
direction de l’établissement scolaire fréquenté par l’élève.
Les aménagements raisonnables sont alors obligatoirement mis en place. Il
sont ensuite « élaborés et évalués, en
fonction de la spécificité des besoins de l’apprenant et de leur évolution[15] ».
Cependant, rien n’interdit à un·e enseignant·e de mettre en place des
aménagements raisonnables pour l’une ou l’un de ses élèves qu’elle/il estime
porteuse/porteur d’un trouble spécifique des apprentissages, d’une maladie ou
d’un handicap. Chacun·e peut (je dirais même… « doit ») se revendiquer
de sa liberté pédagogique, dans l’intérêt supérieur d’un·e élève. Le mieux
étant de mettre un/des aménagement·s raisonnable·s en place non pour un·e élève
spécifique, mais d’en faire bénéficier toute la classe.
De nombreux·ses élèves n’ayant pas de « besoins spécifiques » éprouvent également des difficultés spécifiques d’apprentissages. L’un·e aura besoin de plus de temps pour comprendre, un·e autre aura besoin d’une aide individuelle dans un apprentissage spécifique (via le tutorat, par exemple), un·e dernière enfin aura besoin, pour apprendre, de se lever, de marcher, de s’asseoir par terre ou de silence total (qu’un casque anti-bruits peut permettre). Faire bénéficier tou·te·s les élèves de la mise en place des aménagements raisonnables fait que la classe/l’école « ordinaire » sera enfin en marche sur le chemin de la classe/école « inclusive ».
Comment les aménagements raisonnables sont-ils élaborés ?
Ceux-ci sont élaborés en fonction de la spécificité des besoins de
l’enfant. Un enfant avec une dyslexie ou un autisme n’aura pas les mêmes
besoins qu’un enfant mal-voyant, ou qu’un enfant hospitalisé devant suivre les
cours par vidéo-conférence.
L’école doit organiser des réunions de concertation gérées par la
direction, avec les différents partenaires impliqués dans la scolarité et les
difficultés spécifiques de l’enfant, à savoir :
- Les
parents de l’élève (qui sont ceux qui le connaissent le mieux) ;
- L’élève
lui-même s’il/elle est majeur·e (obligation du Décret). Cependant, cela a du
sens que l’enfant soit présent·e à ces réunions, même si elle/il est mineur·e.
En effet, qui mieux qu’il/elle peut parler de ses difficultés ou
facilités ? Malheureusement le Décret ne l’impose pas ;
- La
direction de l’école (ou sa/son délégué·e) ;
- La/le
tilulaire de la classe et les professeur·e·s concerné·e·s ;
- Le
CPMS de l’établissement ;
- Un·e
expert·e (membre du corps médical, paramédical, psychosocial ou d’un organisme
public d’intégration des personnes en situation de handicap) peut être
présent·e à la demande de l’élève si elle/il est majeur·e, ou par toute
personne investie de l’autorité parentale ou qui assume la garde de fait de
l’élève mineur. Cet·te expert·e « est
susceptible d’éclairer les acteurs et partenaires sur la nature ou
l’accompagnement des besoin(s) attesté(s) [16]». Cette présence doit être acceptée par les
autres partenaires institutionnels. Comme quoi, la mise en place d’aménagements
raisonnables c’est bien, mais il ne faut pas trop bousculer l’école si elle ne
le souhaite pas.
Sur base de ces réunions, la mise en place des aménagements raisonnables seront mis en place « dans les plus brefs délais[17] ».
Une fois que les aménagements raisonnables sont mis en place, on est tranquille ?
Heu…. Comment dire ???
Que nenni ! Ce Décret a été élaboré par des Parlementaires (ce qui est
leur boulot), parce que la législation internationale va dans ce sens et que
des écoles ne remplissaient pas leurs devoirs. Mais cela a surtout été rédigé dans
l’objectif ne pas (trop) heurter les écoles (ce qui serait pourtant leur
boulot). Ces dernières ont désormais priorité sur les enfants (en cela, les
rédacteurs du Décret ont fait tout le contraire de leur boulot). On a lu que
les enfants qui relèveraient de l’enseignement spécialisé sur la base d’un veux
décret[18]
(d’avant la Convention ONU) ne pouvaient pas bénéficier d’aménagements
raisonnables. Il fallait surtout ne pas heurter…
Mais aussi et surtout, dorénavant « les aménagements matériels ou organisationnels ainsi les partenariats
avec des acteurs externes relèvent » désormais « d’une décision du Pouvoir organisateur pour
l’enseignement subventionné par la Communauté française ou du chef
d’établissement pour l’enseignement organisé par la Communauté française. »
Autrement dit moi, Pouvoir Organisateur, je peux continuer ou arrêter la
mise en place d’aménagements raisonnables selon mon bon vouloir ou celui de mon
équipe éducative peu ou pas formée sur le plan pédagogique, voire encore, suite
à une crise de déficience pédagogique d’un·e enseignant·e récalcitrant·e (et on
sait que cela existe).
La preuve en est que « La
nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques sont fixés par
l’équipe éducative dans l’enseignement fondamental et par le conseil de classe,
présidé par le chef d’établissement ou son représentant, dans l’enseignement
secondaire ».
L’intérêt supérieur de l’enfant est ici bien secondaire.
Oups, on n’a pas de garantie, alors ???
Si, un peu quand même. Mais
insuffisamment !
Les aménagements pédagogiques
doivent être consignés dans un protocole. Ce dernier fixe les modalités et les
limites des aménagements raisonnables. Il peut être conclu un partenariat avec
des acteurs extra-scolaires (monde médical, paramédical, psychomédical ou
organismes publics comme Phare ou l’Avic).
Tous les aménagements et
interventions prévus sur le plan pédagogique (à l’exclusion des autres aspects)
font l’objet d’un P.I.A (plan individualisé d’apprentissage). Il s’agit d’un outil « co-construit par
l’équipe éducative et
l’équipe de direction
en vue de
prendre en compte,
d’une part, des
difficultés particulières d’apprentissage et,
d’autre part, des
besoins spécifiques des
élèves issus de
l’enseignement spécialisé ou en intégration
dans le cadre
décret du 3
mars 2004 organisant
l’enseignement spécialisé.[19] »
« Le PIA énumère des objectifs particuliers à atteindre durant une période que fixe le Conseil de Classe. Le PIA mentionne cette période. Il prévoit des activités spécifiques de remédiation, de remise à niveau ou de structuration des acquis, de construction d’un projet scolaire Il précise les modalités organisationnelles instaurées, pour les atteindre (…)[20] »
Que faire si l’école ne veut pas mettre en place ou décide de son plein gré d’abandonner les aménagements raisonnables ?
L’élève majeur·e ou les
représentant·e·s légales·aux de l’élève mineur·e peuvent adresser une demande
de conciliation, par lettre recommandée ou par courrier électronique avec
accusé de réception, auprès des services du Gouvernement qui tenteront une
conciliation avec le Pouvoir organisateur ou le chef d’établissement.
En cas d’échec de la conciliation, les parents de l’élève mineur ou l’élève majeur ou toute personne investie de l’autorité parentale peuvent introduire un recours auprès de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif[21].
Que faire en cas de changement d’école ?
En cas de changement
d’école, de cycle, de degré ou de niveau, à la demande des parents de l’élève
mineur ou de l’élève lui-même s’il est majeur ou de toute personne investie de
l’autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l’enfant mineur, le
protocole visé ci-dessus sera transmis pour information à qui de droit par
l’école qui l’a établi.
Plus sibyllin que cela, on ne trouve pas.
En théorie, l’école ayant établi le protocole fixant les aménagements raisonnables doit transmettre à l’école d’accueil copie de celui-ci. Dans les fait, fort heureusement, c’est l’école d’accueil qui accepte l’enfant en toute connaissance de cause, avec ses besoins spécifiques, qui en fait la demande.
Conclusion
L’école inclusive reste un beau rêve mais difficile de réaliser. L’accueil
des enfants à besoins spécifiques demeure trop souvent un combat pour les
familles qui doivent s’en remettre à la bonne volonté de directions et
d’enseignant·e·s géniales·aux ou au contraire au refus de réactionnaires
humainement et pédagogiquement incompétents.
On a vu que le Décret permettant la mise en place d’aménagements
raisonnables n’a pas été confectionné pour les élèves à besoins spécifiques, ce
que son titre aimerait à laisser penser, mais pour répondre à nos engagements
internationaux, le tout dans le cadre d’un Pacte pour un enseignement
d’excellence.
Les enfants qui ont un handicap « trop ou pas assez… quelque
chose » ne peuvent pas en bénéficier, mais continuent à relever d’un
enseignement ségrégué, contrairement à leurs droits fondamentaux. Quant à
celles et ceux qui ont des difficultés d’apprentissages « moins grandes »,
ils/elles peuvent bénéficier d’aménagements raisonnables mais seulement selon
le « bon ou mauvais » vouloir d’une équipe éducative qui peut les
remettre en question à sa guise.
Tout aménagement raisonnable doit toujours être négocié, même une fois
celui-ci mis en place. Il dépendra toujours (on l’a lu ci-dessus) du bon
vouloir de quelques personnes, direction, enseignant·e·s, membres d’un PMS,
etc. L’intégration d’un·e enfant à besoins spécifiques reste encore trop
souvent un parcours du combattant, voire un vrai chemin de croix.
Cependant, et nous nous en réjouissons, il est de plus en plus d’écoles, de
Pouvoirs organisateurs de chef·fe·s d’établissement qui se lancent corps et
âmes sur le chemin d’une école inclusive et qui visent l’accueil de toutes les
différences, malgré les difficultés. Simplement, parce qu’elles/ils sont
humain·e·s et veulent l’assumer.
[1] Convention internationale des Droits des
Personnes handicapées, article 2 – ONU 2006
[2]
UNIA – A l’école de ton choix avec
un handicap
[3]
UNIA – À l’école de ton choix avec un handicap – Les aménagements raisonnables
dans l’enseignement, p 11.
[4] Décret relatif à la lutte contre certaines
formes de discrimination D. 12-12-2008 M.B. 13-01-2009
[5] L’art
4 précise le champ d’application du Décret, notamment à l’enseignement.
[6] Ibid. Article 3 § 9.
[7] Ibid. Article 5.
[8]
Apporter une réponse cohérente aux plaintes des parents d’élèves à besoins
spécifiques qui se voient refuser des aménagements raisonnables, Note de
contexte, Direction de l’Egalité des Chances, 15/07/2015.
[9]
Avis n°3 du Pacte pour un
enseignement d’excellence OS 4.3 : Répondre aux besoins spécifiques des
élèves dans l’enseignement ordinaire, p 244.
[10]
Le VIF, Ecole : enfants à besoins spécifiques, le
droit aux aménagements raisonnables est bafoué, 27/08/2019.
[11]
Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans
l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des
besoins spécifiques, Article 4 § 1er.
[12] Convention Internationale relative aux
Droits des Personnes Handicapées, ONU 13 décembre 2006
[13]
Voir notre dossier sur les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »,
2019 – https://www.liguedroitsenfant.be/blog/2019/09/08/analyse-les-troubles-specifiques-des-apprentissages-ou-dys/
[14]
Décret relatif à
l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire
fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques Article
4 § 1 « Le diagnostic justifiant la
demande d’un ou plusieurs aménagement(s) raisonnable(s) date, dans tous les
cas, de moins d’un an au moment où la demande est introduite pour la première
fois auprès d’un établissement scolaire ».
[15]
Ibid. Art 4 § 3
[16] Décret
relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement
ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins
spécifiques Art 4 § 3.
[17]
Ibid. Art 4 § 4.
[18]
Voir le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé
[19]
Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement
secondaire D. 30-06-2006 M.B. 31-08-2006,
Art 7 bis § 1.
[20]
Ibid. Pour plus d’informations taper
« Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de
l’enseignement secondaire » sur un moteur de recherche citoyen.
[21]
Lire l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux modalités
de fonctionnement de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif,
04/09/2019
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Pour une
collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de
l’enseignement ordinaire[1]
Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**
*Professeur émérite (UMons) **
Directeur de l’école fondamentale Singelijn
Lire ici la première analyse
- Une école inclusive, c’est …
Une école
inclusive accueille tous les élèves (y compris ceux à besoins spécifiques), qui
habitent dans un environnement proche dans le cadre d’une collaboration soutenue
entre des équipes (celles d’une école ordinaire et d’une école spécialisée ainsi
que des équipes AViQ et Phare) au bénéfice de tous les élèves, avec une transformation
systémique des contenus, méthodes d’enseignement, approches, structures et stratégies
en éducation.
Si la réalisation d’une école inclusive
s’inscrit donc dans une perspective systémique, nous n’aborderons ici que quelques
modalités concrètes de mise en œuvre par les équipes éducatives d’une école
inclusive, et particulièrement des enseignants, en nous limitant à
l’enseignement fondamental. Ces modalités sont basées sur nombre de recherches
internationales et de pratiques observées dans plusieurs pays. De plus, ces
stratégies ne concernent pas les besoins spécifiques de certains groupes
particuliers d’élèves, comme ceux qui ont des troubles sensoriels, ou encore un
polyhandicap mais elles sont appropriées à l’ensemble des élèves ayant des besoins
spécifiques. A titre d’illustration, vous trouverez dans l’ouvrage de Deprez
(2010) « Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme » des exemples
de certaines stratégies qui vont être présentées ci-dessous (disponible sur le
site www.enseignement.be).
Enfin,
la mise en place d’une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles s’appuie
sur la Convention des droits des personnes handicapées et en particulier
son article 24 (2005, approuvée par la Belgique en 2009) ainsi que sur la Déclaration
de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins spéciaux de
l’UNESCO (1994).
- Stratégies utilisées dans une école fondamentale
inclusive
Etant donné le
caractère systémique des propositions du Pacte pour un enseignement
d’excellence, des changements s’imposent à tous les acteurs : le pouvoir
politique, les pouvoirs organisateurs, les directions, les équipes des écoles,
les parents des élèves et leurs associations, les élèves eux-mêmes, les centres
PMS et autres services de diagnostic. Nous nous focaliserons dans ce
texte uniquement sur les stratégies pédagogiques devant être utilisées dans une
école fondamentale inclusive.
Ces stratégies sont multiples
(pour davantage d’informations sur certaines d’entre elles, voir Magerotte et
al., 2014). D’abord, les équipes éducatives de l’enseignement ordinaire ouvertes
à une démarche inclusive et avec le soutien des équipes spécialisées, veillent
en particulier à une organisation de la vie de la classe pour que chaque élève
apprenne, via une démarche de co-enseignement. De plus, la collaboration de
tous (professionnels, parents, élève) est renforcée dans une perspective
d’individualisation via le P.I.A.. Ensuite, une attention particulière porte
sur l’organisation du milieu de la classe et de l‘horaire de la journée de
classe et des activités afin de répondre aux besoins de chaque élève, et
notamment de l’élève à besoins spécifiques ; les stratégies pour améliorer
la communication avec les élèves, notamment avec celui qui a des besoins
importants ; la mise en place des activités d’apprentissage coopératif ; le
travail avec le même matériel ou la même matière dans une classe/école
inclusive ; le développement de la collaboration entre les élèves en organisant
le tutorat au sein de la classe ; les aménagements raisonnables et en
particulier des TIC et outils numériques ; une organisation systémique à
trois niveaux pour les élèves ayant des comportements problématiques et
orientée vers le développement de compétences sociales et socio-émotionnelles et
enfin , l’organisation de relations entre les élèves hors de la classe
(arrivées le matin, les récréations, les repas de midi, les
« garderies » et les activités extrascolaires) afin que chacun en
tire profit.
Dans ce texte, nous détaillerons
davantage les deux premières stratégies de collaboration entre l’enseignement
ordinaire et l’enseignement spécialisé mentionnées ci-dessus.
- Que font les enseignants
« ordinaires » et « spécialisés », dans une école fondamentale
inclusive ?
La mise en place d’une école inclusive passe essentiellement par une
collaboration de plus en plus étroite entre l’enseignement spécialisé et
l’enseignement ordinaire. Actuellement, cette collaboration se limite à 4
h/semaine de soutien du personnel de l’enseignement spécialisé dans
l’enseignement fondamental. Envisageons d’abord le rôle des enseignants, dans
le cadre des dispositions actuelles.
L’enseignant ordinaire a la responsabilité de tous les élèves de sa
classe et en particulier la
responsabilité pédagogique des élèves « ordinaires ». De plus, il
accueille les élèves ayant
des besoins spécifiques ainsi que l’enseignant spécialisé et les autres
professionnels concernés. Il gère des activités collectives et individuelles
lorsque l’enseignant spécialisé n’est pas présent. Il collabore avec la
structure de l’enseignement spécialisé, les parents et les autorités scolaires.
Enfin, il collabore étroitement avec l’enseignement spécialisé pour les
préparations et les discussions sur la gestion de la classe.
L’enseignant spécialisé a
la responsabilité pédagogique des élèves ayant des besoins spécifiques. Il prépare et conduit le P.I.A. en
collaboration avec le titulaire, les parents et les autres professionnels. Il coordonne
les mesures prises dans le P.I.A.. Il prépare le matériel spécifique et les
activités particulières pour l’élève. Il assure les tâches
administratives (en relation avec l’école spécialisée). Il collabore avec le
titulaire (préparation et
discussion sur la gestion de la classe). De plus, il développe ses activités
avec le titulaire dans le cadre d’un co-enseignement : il soutient
l’élève à besoins spécifiques dans ses apprentissages pendant que l’enseignant
ordinaire enseigne aux autres élèves ; Il soutient les autres élèves dans
leurs apprentissages pendant que l’enseignant ordinaire enseigne ; il peut
partager certains enseignements avec son collègue ordinaire, durant ses heures
de présence dans la classe : ils enseignent donc tous deux et font un
enseignement parallèle, chacun prenant en charge une partie de la classe. Une
autre formule consiste à diviser la classe en trois groupes ; chaque
professionnel travaille avec un groupe et le troisième groupe d’élèves travaille
seul. Les élèves peuvent évidemment changer de groupe. De plus, dans la même
perspective de collaboration, et en particulier de co-enseignement, il importe
de préparer les leçons ensemble ainsi que l’évaluation formative, voire
annuelle, tenant compte des P.I.A. « inclusifs » mis en place durant
l’année.
Attention ! Si l’enseignant
spécialisé consacre la plupart du temps au suivi de l’élève à besoins
spécifiques, cela mettra en évidence son statut d’élève « différent »
et risquera de ne pas renforcer son autonomie, ni son estime de soi.
Cette formule d’enseignement en duo présente des avantages pour les deux
professionnels : il permet un partage des tâches ainsi que des échanges entre
eux. Le partage peut aussi être une solution temporaire en cas d’urgence
(blessure d’un élève, bagarre, etc.).
Mais pour que cette collaboration se déroule dans les meilleures
conditions, il importe d’être attentif aux besoins exprimés par les
enseignants, d’abord besoin d’un soutien administratif (notamment pour disposer
d’un temps de coordination). Ensuite, la compatibilité des tempéraments et des
méthodologies utilisées, exigeant effort, flexibilité et compromis dans une
perspective d’égalité, sera prise en compte avec le soutien de la direction.
D’autres professionnels peuvent également intervenir dans une école
inclusive, soit appartenant à l’enseignement spécialisé (logopèdes,
kinésithérapeutes, etc…) ou à un service d’accompagnement dépendant de l’AViQ
ou de Phare (secteur handicap) ou d’un service de réadaptation ambulatoire ou
encore de professionnels privés. Ce sera le rôle de l’enseignant spécialisé de
gérer cette collaboration, en particulier dans le cadre de l’élaboration et de
la mise en œuvre du P.I.A.
Peut-on envisager une collaboration plus importante que 4h/semaine ?
Cela semble possible lorsqu’une école accueille davantage d’élèves et peut
répartir autrement les heures de collaboration, et privilégier une
collaboration plus intensive dans une classe, au moins temporairement. La mise
en place des pôles territoriaux devra faciliter ce développement.
- Comment travailler tous ensemble
(professionnels-élève-parents) autour de l’élève
Depuis le décret de 2004, le P.I.A. est l’outil principal pour la
coordination des interventions auprès de l’élève à BS. Il est l’« outil méthodologique élaboré pour
chaque élève et ajusté durant toute sa scolarité par le Conseil de classe, sur
la base des observations fournies par ses différents membres et des données
communiquées par l’organisme de guidance des élèves. Il énumère des objectifs
particuliers à atteindre durant une période déterminée. C’est à partir des
données du P.I.A. que chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire met en
oeuvre le travail d’éducation, de rééducation et de formation » (art. 4,
19°). De plus, « L’élève et ses
parents, à défaut leur délégué, sont invités à son élaboration » (art.32,
§9 en date du 13 janvier 2011).
Etant donné
que le P.I.A. est le fil rouge d’une vie scolaire de qualité de l’élève, sa
mise au point et sa pratique se heurte à plusieurs difficultés. Nous mettrons ici
l’accent sur l’information de l’élève et des parents – les premiers intéressés
– et leur participation au P.I.A. tout au long du processus de sa mise en place,
grâce à la mise en place d’un coordonnateur ? En effet, vu que le P.I.A.
exige la collaboration de nombreux partenaires, il importe de désigner un
coordonnateur du P.I.A., à charge pour lui de rassembler toute l’information
auprès des différents partenaires de l’école (et hors école : parents,
professionnels du centre de guidance, du secteur social et d’autres éventuels).
Sa préoccupation principale est de penser à la globalité de l’élève et à la
qualité de sa vie comme élève de cette école, d’identifier et de refléter
l’accord entre tous les partenaires lors la rédaction du P.I.A. en fin ou après
la réunion de décision. S’il est habituel dans l’enseignement d’accorder une
grande importance au titulaire de la classe, il est légitime de s’interroger
aussi sur le rôle des autres professionnels de l’école. Est-il raisonnable,
dans certaines circonstances, de confier les tâches de coordination à un autre
professionnel, apprécié évidemment par l’élève et ses parents ?
Cette mise
au point du P.I.A. nécessite de bien préparer la réunion du conseil de classe
qui devra décider du P.I.A. de chaque élève. Vu l’importance de l’équipe
multidisciplinaire, l’équipe peut être contrainte, pour des raisons d’agenda, à
fonctionner avec un groupe restreint de professionnels, à charge d’identifier,
parmi ce petit groupe, les professionnels qui vont répercuter les décisions auprès
des absents à cette réunion. D’abord, le coordonnateur recueille des
informations auprès des premiers partenaires que sont l’élève et ses parents
concernant leurs attentes et leurs projets via par exemple un
questionnaire (éventuellement avec des indications visuelles pour ceux qui ont
des difficultés à lire) ou une rencontre en famille ou à l’école. Il identifie
particulièrement les forces et les besoins de soutien de l’élève et de sa
famille, identifie les informations manquantes ou à rechercher, les évaluations
à faire et au besoin, il reprend contact avec les professionnels concernés.
Enfin, il prépare le document de synthèse reprenant notamment les
finalités/buts et objectifs retenus par les différents participants. Il veille
particulièrement à utiliser un langage positif pour refléter les préoccupations
des parents et de l’élève, et aussi des professionnels concernés.
Ensuite,
pendant la réunion de décision, confiée au Conseil de Classe, le coordonnateur
présente le document de synthèse – complété éventuellement par des informations
générales s’il s’agit d’un nouvel élève ou d’un élève dont le parcours
familial, scolaire ou social a subi des changements importants. Il sollicite
chacun pour identifier les éléments nouveaux depuis la précédente rencontre.
C’est ensuite le rôle de l’équipe de prioriser – par consensus – les besoins de
l’élève et de les traduire en buts et objectifs, ainsi que d’identifier les
responsables de l’atteinte des divers objectifs. De plus, il importe de
préciser aussi la période durant laquelle l’objectif sera travaillé et, en
principe, atteint.
Cette réunion
de décision n’est pas le lieu de discuter longuement des méthodologies à
employer pour chacun des objectifs. Si le professionnel n’est pas à l’aise avec
des décisions à prendre et s’interroge encore sur la méthodologie à employer,
il sollicite l’appui d’un autre professionnel après la réunion, qu’il
appartienne à l’école ou qu’il soit extérieur. Au besoin, en cas de difficultés
pour un objectif important, l’équipe envisagera la possibilité de formations
complémentaires ou d’appel à un collègue extérieur.
En fin de
réunion, le coordonnateur, sur base du consensus,fait la synthèse et
rédige le P.I.A. Il sera signé par chacun des partenaires et transmis à tous, y
compris évidemment à l’élève et aux parents, si ces derniers n’ont pas
participé à cette réunion de décision. Pour l’élève, et également pour certains
parents ayant des difficultés de compréhension de la langue française, le coordonnateur
prépare un P.I.A. adapté à leur niveau de compréhension. Dans tous les cas,
l’accord de ces derniers est essentiel – sinon, comment assurer la
collaboration de l’élève et la généralisation des acquis en famille ou
l’apprentissage de compétences sans sa collaboration et/ou l’aide des
parents ?
Après cette réunion du Conseil de classe, les
professionnels mettent les objectifs retenus au programme de l’élève et à leur
programme d’intervenant, préparent le programme, l’appliquent et l’évaluent. Quant
au coordonnateur, il assure un suivi avec les membres de l’équipe, via la mise
en évidence des progrès réalisés par l’élève, les difficultés identifiées,
éventuellement le renvoi vers d’autres professionnels, le tout dans une
atmosphère encourageante et positive !
En conclusion, le P.I.A. constitue très certainement l’outil majeur pour assurer la coordination de toutes les interventions assurées dans la classe et dans l’école au bénéfice de chaque élève. Ill est le fil rouge de la scolarité de l’élève, avec la collaboration de l’élève, des professionnels et des parents !
Conclusion
L’éducation spécialisée en Wallonie et à Bruxelles entre donc dans une
nouvelle perspective, associant au sein d’une école inclusive, les
professionnels de l’enseignement spécialisé, sous l’appellation de
« centres de ressources spécialisés en éducation inclusive », et de
l’enseignement ordinaire. Une brève analyse de la législation concernant l’enseignement
aux élèves à besoins spécifiques indique qu’après une phase de ségrégation, l’enseignement
spécialisé est passé par des efforts significatifs d’intégration avant de
déboucher sur une école inclusive dans le cadre du Pacte pour un Enseignement
d’Excellence. Nous avons défini ce qu’est une école fondamentale inclusive et
proposé une réflexion sur la méthodologie d’identification des besoins spécifiques.
Enfin, nous avons rappelé un ensemble de stratégies, illustrées dans la
littérature internationale, avant de développer deux stratégies focalisées sur
la collaboration entre l’enseignement ordinaire et les équipes de l’enseignement
spécialisé.
Est-ce la mort de l’enseignement spécialisé ? Non, bien sûr !
Les équipes qui maîtrisent cette pédagogie adaptée ou différenciée en feront
bénéficier tous les élèves à besoins spécifiques, sans les séparer six heures
par jour et durant de longues années, de leurs camarades. En d’autres mots, les
équipes spécialisées travailleront dans une école inclusive, au service du
« vivre ensemble » de tous les élèves. Aller vers une école inclusive
concerne donc tout le monde. L’élève à besoins spécifiques apprendra dans une
situation habituelle en compagnie de ses condisciples ; confronté à la
différence dans une atmosphère bienveillante, il développera l’estime de soi et
il apprendra à vivre en groupe avec ses pairs. Quant à la dynamique de la
classe, elle favorisera la différenciation méthodologique des pratiques des
équipes éducatives et développera le « mieux vivre la différence » et
le sens de l’empathie à l’égard des autres. Quant à la communauté scolaire toute
entière, elle développera la solidarité entre tous les élèves, les équipes
éducatives et les parents, préparant une société inclusive.
Enfin, si cet investissement vers une école inclusive suppose un investissement de tous les partenaires, chaque école inclusive est invitée à se construire comme une « Communauté d’Apprentissage Professionnelle » (CAP) définie comme ‘un réseau de soutien continu entre les membres d’une équipe-école où chacun contribue à la réussite de tous les élèves. La CAP se distingue par le questionnement continu qu’elle suscite sur les besoins des élèves et la formulation d’objectifs clairs, mesurables et orientés sur les apprentissages » (site www.CAP sur la réussite ; Leclerc et Labelle, 2013 ; Moreau et al., 2014).
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Bibliographie :
Beaupré, P. (sous la direction de et avec la collaboration
de Gabrielle Bouchard) (2014). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
Caraglio, M. & Gavini, Ch., (2018)
L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie. Rapport au ministre
de l’éducation nationale. Rapport numéro 2017-118. Paris : Inspection
Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche
(IGEAENR)
Communauté
d’Apprentissage Professionnelle : www.CAP sur la réussite
Deprez, M. (2018). Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme. Disponible sur le site www.enseignement.be
Leclerc, M.
& Labelle, J. (2013). Au cœur de la réussite scolaire : communauté
d’apprentissage professionnelle et autres types de communautés. Education et
francophonie, Vol XLI (2), 1-9.
Ligue des
familles (2018). Retour sur l’après-midi E-MOBILE 7 mars 2018 Échanges sur le transport scolaire
vers l’enseignement spécialisé organisés par le Délégué général aux droits de
l’enfant, UNIA et la Ligue des familles. A consulter sur le site de la Ligue
des familles.
Magerotte, G.,
Deprez, M. & Montreuil, N. (2014). Pratique
de l’intervention individualisée tout au long de la vie. 2ème édition.
Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Moreau, C., Stanke, B. &
Lafontaine, L. (2014). Ecoles inclusives fonctionnant en communauté d’apprentissage
professionnelle comme intervention novatrice. Retombées sur les apprentissages
en littératie. In Pauline Beaupré (sous la direction de et avec la
collaboration de Gabrielle Bouchard). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
ONU (2005). Convention
des droits des personnes handicapées. New-York : ONU.
UNESCO (1994).
Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins
spéciaux.
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Déc 4, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Pour une collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire[1]
Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**
*Professeur émérite (UMons) **
Directeur de l’école fondamentale Singelijn
« La pierre n’a point d’espoir d’être autre
chose que pierre
Mais de collaborer, elle s’assemble et devient
temple »
Antoine de Saint-Exupéry [1]
[1] Message transmis à l’occasion du décès du Professeur Jean-Jacques Detraux (ULB et ULiège) avec qui nous avons collaboré durant des années dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant.
Le
thème d’une école inclusive fait partie des préoccupations de beaucoup de
parents d’un élève en situation de handicap, ainsi que des associations de
parents et de professionnels concernés. Ils réalisent en effet que le handicap
fait et fera toujours partie de l’expérience de tous les hommes et que la
situation de handicap ne sera pas facile à vivre par les personnes concernées.
Aussi, se pose la question qui hante parents, professionnels, politiques et
autres responsables qui se mobilisent pour une école inclusive : les adultes
en situation de handicap vivront-ils
mieux au sein de la cité si durant leurs années de scolarité, ils ont appris à « vivre bien avec leurs
condisciples » dans une école inclusive ? Cette question renvoie à
une autre : les condisciples des élèves à besoins spécifiques ont-ils eux
aussi appris à « vivre bien avec la différence » ?
Rappelons
d’abord que ce mouvement « vers une école inclusive » dépasse le
cadre de la Fédération Wallonie-Bruxelles et s’appuie sur un mouvement
international qui a questionné l’enseignement spécialisé et sa place
concernant l’accueil des élèves à besoins éducatifs spécifiques dans le système
scolaire ordinaire (Déclaration de Salamanque, 1994). De plus, la Convention
des droits des personnes handicapées (2006, et ratifiée par la Belgique en
2009) a rappelé dans son article 24 le droit d’un enfant en situation de handicap
à devenir élève d’une école inclusive. D’ailleurs de nombreux pays ont mis en place un système
scolaire inclusif comme l’Italie, mais se heurtent encore à des résistances de
la part des écoles spécialisées existantes, des systèmes scolaires et également
de certains parents et/ou associations de parents (voir par exemple le rapport
de Caraglio
& Gavini, 2018, sur l’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie).
Enfin, de nombreuses recherches internationales en éducation spécialisée ont
analysé les pratiques éducatives au sein d’une école inclusive.
Rappelons
d’abord ce que dit l’avis n° 3 sur le droit de l’enfant : « le
principe d’une démarche évolutive doit être à la base de l’organisation de
l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de la
scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque élève d’être inscrit
dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus d’inscription au motif
que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables ou que l’enfant ne
serait pas capable d’assimiler la matière enseignée ».
Afin
de bien cerner l’impact de ce mouvement « vers une école inclusive »
en Wallonie et à Bruxelles et le défi qu’il constitue pour les élèves et
leurs parents, les professionnels, les responsables politiques, il importe
d’abord de présenter succinctement l’histoire de l’enseignement spécialisé,
ensuite de définir l’école inclusive, et enfin de proposer quelques stratégies
que devrait implanter l’école inclusive dans l’enseignement fondamental[1].
- Brève
histoire de l’enseignement spécialisé en Wallonie et à Bruxelles
Si les enfants ayant des déficiences sensorielles ou mentales ont été
« éduqués » dès le 19ème siècle par quelques pionniers français
de l’éducation (comme Itard, Seguin, Bourneville, Valentin Haüy, L’Abbé de
l’Epée) et par des associations caritatives, plusieurs écoles s’ouvrent aussi
en Belgique : l’Institut Royal pour Handicapés de l’Ouïe et de la Vue-IRHOV
à Liège en 1819 et l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles-IRSA à Bruxelles en
1835. Au début du XXème siècle, en 1905, Decroly organise une école à Bruxelles
pour les enfants « irréguliers » qui à l’époque n’étaient pas
scolarisés.Cependant, il a fallu
attendre la fin des années 50 et les années 60 pour assister à un développement
considérable de l’enseignement spécial, grâce à la mobilisation de certaines
associations de parents, la richesse des « golden sixties » et
la croissance de la population scolaire. Cette évolution a été couronnée par le
vote la loi du 6 juillet 1970 sur l’enseignement spécial, loi-cadre devant
assurer, grâce aux arrêtés d’application successifs, la mise en place d’un
enseignement spécial autonome pour les élèves « aptes à suivre un
enseignement mais inaptes à le suivre dans une école ordinaire ». L’enfant avec un handicap est devenue un élève
« spécial » !
Si cette loi de 1970 a entraîné la suppression des « classes
spéciales annexées » aux établissements d’enseignement ordinaire, elle
a néanmoins permis à des élèves handicapés d’être scolarisés dans
l’enseignement maternel et primaire ordinaire, grâce à la générosité et au
dynamisme de certains directeurs et enseignants et à la demande de parents,
dans le cadre de ce qu’on a appelé une « intégration sauvage ».
D’ailleurs, dès le départ, l’arrêté d’organisation de l’enseignement spécial
prévoyait des possibilités d’intégration sur une base individuelle. Ces
possibilités se sont développées ensuite, concernant surtout les élèves
relevant des types d’enseignement 4 (handicap physique), 6 (handicap visuel) et
7 (handicap auditif) en 1995.
De plus, cette loi de 1970 est devenue en 1986 la « loi sur
l’enseignement spécial et intégré », puis elle a été remplacée par le « décret
sur l’enseignement spécialisé » en 2004, revu aussi à plusieurs
reprises. Ce décret a progressivement pris plusieurs dispositions concernant la
scolarisation et l’intégration scolaire. Les dispositions les plus
importantes concernent les modalités d’intégration (permanente totale et
permanente partielle, temporaire totale et temporaire partielle) et l’accès à
l’intégration des élèves relevant de tous les types d’enseignement. De plus, il
a prévu le développement d’une collaboration importante entre l’enseignement
spécialisé et l’enseignement ordinaire assurant le suivi des élèves bénéficiant
d’une intégration totale (permanente ou temporaire) par des professionnels de
l’enseignement spécialisé durant un certain nombre d’heures par semaine. Par
contre, le décret a mis en place un processus d’intégration relativement lourd
impliquant un respect contraignant de dates, l’accord de tous les partenaires
et le subventionnement des écoles ordinaires seulement après une année
d’intégration réussie.
D’autre part, depuis une quinzaine d’années, quelques classes
spécialisées sont accueillies dans des écoles ordinaires, dans le cadre de
l’intégration partielle, les élèves suivant certaines activités dans les
classes ordinaires. Ce système connaît un développement récent, via la mise en
place de classes dites inclusives. De plus, la référence au
handicap a été supprimée et remplacée par celle de « besoins spécifiques ».
Enfin, la Fédération
Wallonie-Bruxelles a lancé une réflexion systémique sur tout le système
d’enseignement, y compris de l’enseignement spécialisé, dans le cadre du Pacte
pour un Enseignement d’Excellence. Ce Pacte est à présent entré dans sa phase
de réalisationet plusieurs points sont essentiels pour l’avenir de
l’enseignement spécialisé. Les documents actuels, et notamment l’avis n° 3, évoquent
à plusieurs reprises l’engagement vers une « école inclusive », sans
toutefois la définir. Aussi, nous proposerons
une définition de l’école inclusive.
De plus, le Pacte
envisage la constitution de pôles territoriaux qui, dans son projet d’avis n°
3, « assureront la
mutualisation par bassins géographiques des moyens dédiés à l’accompagnement
des élèves en intégration permanente totale dans l’enseignement ordinaire. »
Son rôle et sa mission sera « de
garantir la qualité de l’encadrement et de l’accompagnement que les
établissements du pôle territorial pourront proposer pour tenir compte des
besoins spécifiques des élèves ». Il est également prévu « la possibilité de créer, sur une base
volontaire, de tels pôles en inter-réseaux, en particulier dans les zones dans
lesquelles le nombre d’élèves concernés et, par voie de conséquence, les moyens
alloués n’atteignent pas le niveau critique minimum ».
Si l’on se place dans l’optique d’une école inclusive,
réclamée à plusieurs reprises dans le projet d’avis, le pôle territorial pourrait
regrouper tous les personnels des écoles spécialisées d’un territoire déterminé
(défini en fonction de la population, des moyens de transport public, de
l’attraction de certaines villes…) en vue de mettre ce personnel
spécialisé à disposition de toutes les écoles ordinaires d’un bassin
géographique déterminé; ces écoles spécialisées deviendraient en quelque sorte un
« centre de ressources spécialisées » (terme à la mode, mais
approprié !). Il est à remarquer que le décret de 2004, revu en 2013,
prévoyait d’ailleurs l’existence de « zones », essentiellement au
niveau de la gestion de l’enseignement spécialisé et de ses personnels ainsi
que les entités géographiques qui les composent.
Le développement des pôles
territoriaux permettrait aussi de faire face à une difficulté pratique majeure
qui tient au fait que des professionnels venant de plusieurs écoles d’enseignement
spécialisé travaillent au sein d’une même école inclusive. Comment organiser
leur horaire, en respectant les besoins des élèves et les contraintes des
écoles ? Une solution pratique consisterait à procéder en octroyant un
temps plein pour 5–6 élèves – à condition que les exigences de
compétences soient bien prises en compte.
De plus, cela permettrait de revoir le fonctionnement du
transport scolaire vers des écoles plus proches du domicile de l’élève, prônant
davantage l’utilisation, accompagnée notamment au début, des transports en
commun et évitant de faire perdre progressivement à l’élève ayant des besoins
spécifiques ses relations dans son quartier et son inclusion sociale. Cette
évolution faciliterait la proximité géographique des élèves de leur école. (Retour
sur l’après-midi E-MOBILE du 7 mars 2018 « Échanges sur le transport
scolaire vers l’enseignement spécialisé » organisés par le Délégué général
aux droits de l’enfant, UNIA et la Ligue des familles).
Enfin, le Pacte pour un enseignement d’excellence constate aussi une évolution
très importante de la population scolaire, au point que celle-ci a crû
considérablement au cours des dernières années, passant de quelques 3,5 % dans
les années 70 à environ 5% en 2018. En effet, si l’enseignement spécialisé a
accueilli au début des élèves ayant des déficiences importantes, notamment ceux
ayant une déficience intellectuelle modérée ou sévère, il a aussi accueilli davantage
d’autres populations en échec scolaire. C’est le cas en particulier des élèves
ayant des troubles d’apprentissage ou issus de milieux défavorisés. Cela
nécessite aussi une analyse attentive des pratiques d’orientation vers l’enseignement
spécialisé par les centres PMS.
Brièvement esquissée ci-dessous, l’évolution de l’enseignement en
Wallonie et à Bruxelles se révèle assez différente de celle d’autres pays
européens. Sans faire ici oeuvre d’histoire comparative des systèmes scolaires,
rappelons quelques éléments qui caractérisent notre enseignement. D’abord, la
coexistence de trois réseaux d’enseignement répond au critère constitutionnel
de la liberté d’enseignement et est parfois perçue comme marquée par une
perspective de compétition. Elle permet aussi le respect de la liberté de choix
des parents, fondamental lui aussi. De plus, depuis les années 60, les
personnes en situation de handicap ont d’abord été prises en compte dans le
système médico-social (via le Fonds National de Reclassement Social des
Handicapés dès 1963 et le Fonds de soins médico-socio-pédagogiques en 1997),
avant de relever en 1970 – enfin ! – du Ministère de l’Education, en
particulier via l’obligation scolaire : les enfants et adolescents « handicapés »
accédaient enfin au statut social d’élèves et étudiants.
- Qui sont ces élèves à besoins
spécifiques accueillis dans une école inclusive : les démarches du diagnostic
Le décret de 2004 concerne l’accueil des enfants et adolescents « à besoins spécifiques », qui
doivent « bénéficier d’un
enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs
possibilités pédagogiques » ; il ne
parle plus de handicap, sauf à l’article 6 relatif à la définition des types
d’enseignement spécialisé : « Chacun de
ces types comporte l’enseignement adapté aux besoins éducatifs généraux et
particuliers des élèves relevant de l’enseignement spécialisé appartenant à un
même groupe, besoins qui sont déterminés en fonction du handicap principal
commun à ce groupe ».
Quant à l’Article 1 du Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques adopté le 7 décembre 2018, il définit le besoin comme « résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire fondamental ou secondaire ». Il n’est plus ici question de handicap, mais de particularité, de trouble ou d’une situation « d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif » mais sans évoquer les aspects sensoriels ! S’il est sans doute difficile de se passer d’un diagnostic comme une déficience intellectuelle, un autisme, une dyslexie, etc., encore faut-il ne pas se limiter à ce diagnostic et envisager une évaluation davantage fonctionnelle de l’élève (attention, perception, mémoire de travail, etc.), tout en ne se focalisant pas sur les points faibles (« il y en a chez tout le monde ! ») mais aussi sur les forces. De plus, il faut adopter une démarche davantage interactive avec les barrières auxquelles se heurte l’enfant avec un handicap, telle que les envisage l’ONU : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières comportementales et environnementales peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. ». Le handicap doit donc être défini comme une participation limitée à la vie en société de personnes qui ont certes des incapacités durables mais qui rencontrent en même temps diverses barrières comportementales et environnementales à cette participation sur la base de l’égalité avec les autres. En d’autres mots, il faudra aussi investiguer ces barrières actuelles (aussi bien tenant aux personnes, à leurs comportements, leurs attitudes qu’aux environnements), envisager les obstacles à diminuer ou supprimer et enfin à proposer les situations éducatives les plus favorables au développement de ces élèves dans une école inclusive. Ce sera le rôle des Centres PMS ainsi que des services de diagnostic de mettre en pratique des méthodologies pour identifier ces besoins spécifiques, tenant compte de toutes les évaluations réalisées de l’élève ainsi que des barrières qui ont un impact sur sa scolarité.
Lire ici la suite : Une école inclusive, c’est …
[1] Ce texte ne concerne pas l’école
secondaire inclusive, en raison du fait que la mise en place du tronc commun dans
l’enseignement secondaire ne sera pas opérationnelle avant plusieurs années.
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de
longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de
professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par
Jean-Pierre Coenen.
Oct 9, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
L’éducabilité est d’abord le
principe « logique » de toute activité éducative: si l’on ne postule
pas que les êtres que l’on veut éduquer sont éducables, il vaut mieux changer
de métier.
Philippe Meirieu[1]
Introduction
Aujourd’hui
encore, beaucoup d’enseignants mais aussi de parents, pensent que certains de
nos élèves, de nos enfants, sont doués pour l’étude et d’autres pas. Il y
aurait des « intellectuels » et des « manuels », ou encore des artistes
disposants, dès la naissance, des aptitudes correspondantes. Cette conception
archaïque a, depuis longtemps, été battue en brèche.
A l’aube de
l’ouverture d’un nouveau chapitre de l’Ecole en Communauté française de
Belgique[1],
qui va voir l’instauration d’un tronc commun de 3 à 15 ans avec une visée plus
inclusive, il nous paraît intéressant de réfléchir à tout ce qui fonde
réellement le concept d’inclusion. Le « postulat d’éducabilité »,
comme l’a appelée Philippe Meirieu, est indubitablement un concept fondateur de
l’idée même d’inclusion. Si l’on en est encore à penser que certains élèves,
parce qu’ils proviennent de milieux aisés sont doués pour l’étude, tandis que
d’autres, parce qu’ils viennent de milieux populaires seraient plutôt
« doués de la main » et ne pourraient accéder à des études
intellectuelles, l’école inclusive ne verra jamais le jour. Outre le fait que
cette idée est fausse, ses conséquences sont lourdes pour les élèves provenant
des familles les moins favorisées.
Au contraire,
tous les élèves étant doués pour l’étude, il est important que chaque
enseignant s’en convainque et adhère pleinement à ce postulat. Oui, tous[2]
les élèves peuvent acquérir tous les savoirs tels que décrits dans les
programmes de l’enseignement obligatoire général de transition. Le défi se
trouve dans la manière de les leur transmettre. La charge de l’apprentissage,
de la transmission à tous de tous les savoirs revient donc à l’enseignant.
L’échec d’un seul élève est l’échec de l’enseignant ou, le cas échéant, du
système scolaire mis en place dans l’école ou les écoles par lesquelles l’élève
est précédemment passé.
Tel est le
postulat d’éducabilité. Mais voyons cela plus en détails…
Rôle de l’Ecole
Il est important
de se mettre préalablement d’accord sur le rôle de l’Ecole. Notre position, comme
tous les mouvements citoyens et progressistes, est clairement égalitariste.
L’Ecole ne peut en aucune manière favoriser ou défavoriser un enfant sous
prétexte qu’il est né dans une famille populaire ou une famille bourgeoise. Il
est, par ailleurs, très choquant, de voir des princes inscrits dans des écoles
privées[3],
loin de la société des êtres « humains[4] »
qu’ils devront peut-être, un jour, représenter dans des instances
internationales, en vertu de leur… naissance.
S’il y a bien
une pierre angulaire dans notre société occidentale, un élément fondamental qui
la tient debout et qui se doit de veiller à traiter toutes les citoyennes, tous
les citoyens de manière équitable, c’est l’Ecole. Celle-ci a mission de
corriger les inégalités de naissance autant que faire se peut et transmettre
équitablement à chacune et chacun le bagage de connaissances nécessaires pour
appréhender le monde et pouvoir le transformer vers plus de justice.
Un peu d’histoire
pour comprendre
Mais, est-ce
vraiment pour cela qu’a été bâti le système scolaire ? Si on remonte le
temps, on verra que si jusque durant l’ancien régime[5],
les enfants de milieux populaires n’allaient pas à l’école, ils étaient loin
d’être ignorants. Ils devaient apprendre un savoir-faire de grande qualité.
N’étant pas mécanisés, les métiers de la terre et de ses ressources,
nécessitaient la capacité d’utiliser et d’entretenir de nombreux outils et
d’utiliser des techniques sophistiquées. A la campagne, la formation se faisait
en famille, les métiers s’apprenaient de père en fils, de mère en fille. Plus
rarement, un enfant était placé comme apprenti chez un artisan.
A la ville, la
formation des enfants se faisait essentiellement par l’apprentissage. Il
arrivait que le maître exige que son apprenti sache compter, lire et écrire et
donc qu’il ait été à l’école. Mais cela ne concernait que les métiers les plus
nobles comme l’imprimerie ou l’orfèvrerie[6].
Le plus souvent, c’était le maître qui apprenait les rudiments du calcul, de la
lecture et de l’écriture à ses apprentis.
Le capitalisme
industriel va bouleverser à la fois la nature du travail et la formation des
travailleurs. Les nouveaux outils de production, les « machines »,
vont remplacer le travail complexe de l’artisan par des tâches simples et
répétitives. Cela va engendrer une déqualification des travailleurs enchaînés à
leur nouvel outil de production. En aliénant les travailleurs et leur faisant
perdre leurs repères traditionnels qu’étaient leurs lieux d’éducation et de
socialisation, la révolution industrielle a provoqué un abrutissement des
masses populaires, les entraînant dans le « vice », l’alcoolisme, la
violence, la criminalité et la prostitution.
Afin de sauver
« sa » société et « ses » intérêts, la bourgeoisie du XIXe
siècle imagina de solutionner le problème en éduquant les enfants des masses
populaires, considérant que «L’éducation est la meilleure branche de la police
sociale[7]».
Il fallait donc
éduquer les enfants des classes populaires pour les socialiser, pour former des
ouvriers compétents et dociles. L’objectif était donc loin de vouloir en faire
des citoyens réflexifs. Dans cette école, on n’apprenait que la morale et la
religion, le calcul (dont le système des poids et mesures), la lecture et
l’écriture. «Lire, écrire, compter, voilà ce qu’il faut apprendre», déclarait
Adolphe Thiers, «quant au reste, cela est superflu. Il faut bien se garder
surtout d’aborder à l’école les doctrines sociales, qui doivent être imposées
aux masses[8].
»
A la fin du XIXe
siècle, la montée du socialisme donna des sueurs froides à une bourgeoisie qui
craignit pour ses privilèges. La classe ouvrière était nombreuse et
s’organisait de mieux en mieux. Depuis septembre 1864, il existe une
Internationale ouvrière et la période insurrectionnelle qu’a constituée la
« Commune de Paris [9]»
a constitué un coup de tonnerre, démontrant ainsi la capacité des masses
populaires à se révolter et à porter des revendications démocratiques[10].
Jules Ferry fonda alors l’école républicaine pour « maintenir une certaine
morale d’État, certaines doctrines d’État qui importent à sa conservation »[11].
L’école devait donc enseigner « l’instruction civique » et l’amour de
la patrie. L’histoire et la géographie entraient au programme des études.
L’école devenait ainsi un appareil idéologique d’Etat[12].
Après la guerre
14-18, l’industrialisation croissante réclama des travailleurs qualifiés. Il
s’agissait que ceux-ci sachent utiliser des machines plus complexes et des
instruments de mesure précis, qu’ils sachent lire des plans et appliquer des
modes d’emploi compliqués. L’école intégra alors les formations
professionnalisantes (techniques et professionnelles) et pratiqua la sélection des
élèves sur base méritocratique (ou plus généralement sur base des origines
sociales) : les enfants des familles bourgeoises étaient dirigés vers une
section « moderne » qui les préparait à devenir des dirigeants ou des
fonctionnaires, quant aux autres, ils étaient orientés vers les formations de
travailleurs qualifiés.
Après la seconde
guerre mondiale, le succès économique des 30 glorieuses imposa à l’école
d’élever la formation des travailleurs. L’enseignement général, jusque-là
réservé aux enfants de l’ « élite » ouvrit ses portes aux filles et aux fils du
peuple. On parla de « démocratisation de l’enseignement ». Malgré le
discours qui se voulait progressiste, la sélection ne cessa jamais. Elle ne se
fit plus en primaire, mais durant le cursus de l’enseignement secondaire. C’est
toujours l’école libérale, l’école bourgeoise d’aujourd’hui qui protège les
intérêts des familles nanties et forme (mais pas trop) les enfants des classes
populaires afin de maintenir l’esclavage moderne au profit des premiers..
Quelles missions
pour l’école du XXIe siècle ?
Contrairement à
ce qu’entonnent les chantres de l’école néolibérale, l’Ecole obligatoire n’a
plus pour vocation de former à un métier. Elle ne peut pas être utilitariste,
former les nouveaux esclaves du XXIe siècle provenant des milieux défavorisés
pour continuer à servir les nouveaux maîtres nés, quant à eux, dans les draps
de soie des quartiers bourgeois. En cela les enseignements techniques
professionnalisants sont une hérésie. L’Ecole est là pour former des citoyens
et leur apprendre à savoir créer les outils de la citoyenneté dont ils auront
besoin une fois adultes. Elle a aussi pour mission de former les jeunes à
« apprendre à apprendre ». A 18 ans, une fois le Certificat
d’Enseignement Secondaire Supérieur acquis, les étudiantes et les étudiants de
secondaire devront avoir acquis des savoirs qui leur permettront de poursuivre
les études de leur choix.
L’Ecole doit
viser à faire acquérir à chaque élève, l’acquisition transversale d’une
citoyenneté critique, responsable, active et solidaire[13].
Une vision de l’Ecole adéquationniste n’a plus sa place au XXIe siècle, n’en
déplaise aux conservateurs de droite. Les missions fondamentales de l’Ecole doivent
aujourd‘hui être profondément
progressistes[14] !
Dès lors,
l’école se trouve devant une contradiction : on lui demande de faire
réussir tous les élèves et d’un autre côté, d’empêcher une grande partie de
ceux-ci de faire des études supérieures. Si tout le monde allait à
l’université, cela poserait de sacrés problèmes. Qui ramasserait les poubelles[15] ?
L’Ecole fait croire qu’elle est un système égalitaire, alors qu’elle doit
veiller à ce qu’il reste un pourcentage important de pauvres dans la société,
pour assurer aux enfants de riches de pouvoir, plus tard, continuer à bénéficier
d’une main d’œuvre à très bon compte. Tout enseignant doté d’Humanité a le
devoir de faire basculer cette fatalité.
Si nous voulons
que le système scolaire devienne égalitaire, cela ne peut se faire sans que
nous ne voulions aussi que la société, elle-même, devienne égalitaire. Pour la
rendre égalitaire, le plus simple est de commencer par l’Ecole, ou du moins par
les écoles citoyennes, celles qui refusent l’injustice et les inégalités. Et il
y en a. Elles sont, pour la plupart, à pédagogie active. La mission que se sont
assignées ces écoles, c’est de « faire
mentir toutes les formes de fatalités ; c’est de faire mentir toutes les
formes de reproduction ; c’est de faire mentir toutes les formes de
déterminismes. C’est de postuler que tout le monde, même celui qui a été
identifié comme le plus handicapé ou le plus en difficulté peut s’en sortir,
peut apprendre, peut grandir.[16] »
Aucune
enseignante, aucun enseignant n’est astreint à devoir respecter cette règle qui
consiste à sélectionner les plus fragiles pour en faire les futurs esclaves des
autres. Nombre d’entre eux s’y refusent et parient sur l’éducabilité de tous
leurs élèves. Dès lors, chacune de ces enseignantes, chacun de ces enseignants s’engage
moralement à faire réussir[17]
tous les élèves qui lui sont confiés.
Le rôle de l’école et donc la mission de ces enseignants est de rendre
accessible à chacun le bagage de connaissances et de compétences nécessaires
pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation
vers plus de justice. Il faut apprendre aux élèves à construire
des outils. Les outils qui leur permettront de rendre notre société plus juste,
plus équitable pour les plus fragiles ; une société inclusive dans
laquelle chacune et chacun aura sa place.
Cela commence, forcément, par une adhésion totale et inconditionnelle au « Postulat d’éducabilité ».
Le concept de l’éducabilité
cognitive
L’idée qu’on n’a
jamais fini de faire des apprentissages et que tout être humain, quel que
soient ses capacités intellectuelles, peut augmenter sa capacité d’actions sur
son environnement a vu le jour après la Révolution française (Jean Itard 1774-1838 et Victor, l’enfant sauvage de
l’Aveyron[18]).
Chaque être humain est éducable et peut apprendre et renforcer ses
connaissances tout au long de son existence. Seulement, on ne forme pas un être
humain comme on fabrique un objet. Les apprentissages cognitifs, affectifs,
sociaux et comportementaux ne fonctionnent pas de manière séparées, mais sont
interdépendants. Rousseau employait le
terme de « perfectibilité », « il y a une autre qualité spécifique qui les (l’homme
et l’animal) distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation,
c’est la faculté de se perfectionner. »
Piaget[19],
dans sa théorie du constructivisme, a démontré que le jeune enfant vient au
monde avec quelques outils intellectuels rudimentaires qu’il va enrichir en
s’adaptant au monde et en essayant de le comprendre. Il va devoir reconstruire
les lentes conquêtes intellectuelles de l’Humanité. C’est grâce à l’aide de ses
parents mais également de ses enseignants et de ses pairs qu’il va réinventer
le concept de nombre, explorer le langage pour découvrir que celui-ci est
composé de mots distincts, redécouvrir les notions de surface, de volume et
ainsi de suite. Grâce à Jean Piaget, on est aujourd’hui convaincu que tout
s’apprend ou mieux, que tout se construit.
Le postulat
d’éducabilité, c’est quoi ?
Il s’agit d’un
néologisme utilisé en pédagogie au XXème siècle. Les éducateurs adeptes de
l’éducabilité cognitive sont attachés aux capacités qu’ont chaque être humain
d’apprendre à apprendre, bref ce qu’on appelle la métacognition.
La «
métacognition » est malheureusement trop peu connu dans le monde de
l’éducation. Ce terme veut dire la « cognition[20]
sur la cognition ». Autrement dit, la métacognition consiste à avoir une
activité mentale sur ses propres processus mentaux, c’est-à-dire « penser sur
ses propres pensées ». En somme, la métacognition permet à l’élève de réfléchir
sur la manière dont il apprend, sur le cheminement parcouru afin de découvrir
ses erreurs et de les surmonter. Il s’agit donc pour lui de pouvoir prendre du
recul sur ses processus d’apprentissage et de se poser les bonnes questions
afin de progresser.
Emettre un
postulat, c’est émettre une proposition qui ne peut être démontrée, mais qui
est nécessaire pour établir une démonstration. Autrement dit, l’enseignant qui
postule sur l’éducabilité de tous ses élèves est foncièrement convaincu que
toutes et tous peuvent apprendre tous les savoirs qu’il doit leur transmettre.
De manière différente, sans doute, mais suffisante pour que ces apprentissages
leur servent de base à l’acquisition d’autres matières ou savoir-faire, par la
suite. Il ne peut pas le démontrer (et cela lui importe peu) car sa volonté est
d’amener tous ses élèves à une acquisition de qualité de tous ces savoirs.
L’éducabilité
constitue LE postulat de base de l’éducation : « Il s’agit là d’une postulation
fondatrice de la possibilité même d’éduquer, et cela simplement d’abord du
point de vue logique. Sans cette postulation, l’entreprise serait totalement
dérisoire, complètement vaine et, plus radicalement, impossible[21]. »
L’éducabilité
est un pari, celui de renverser les vieilles croyances élitistes dans la
fatalité sociale ou génétique. Un postulat n’est pas nécessairement la vérité.
Croire que tout le monde peut apprendre, en fait, personne ne sait si c’est
scientifiquement vrai. Mais personne non plus ne sait si c’est scientifiquement
faux. Ce que personne n’a le droit de le postuler.
Nous avons, au
contraire le devoir de postuler que tous les enfants – et tous les adultes –
peuvent apprendre les savoirs que nous enseignons, et que nous devons tout
mettre en place pour que ce soit vrai. « On doit faire comme si, en
faisant le pari qu’ils peuvent quand même y arriver. Pourquoi ? Parce qu’on ne
sait jamais à quoi attribuer un échec et avoir la certitude que cet échec est
imputable exclusivement au déficit d’une personne et non pas aux conditions
éducatives de l’accompagnement qui lui a été proposé[22] ».
Parier que tous
les élèves sont capables d’apprendre est simplement une posture juste. Il est
donc nécessaire d’y croire et d’y croire fermement. C’est à ce pari que l’on
reconnaît l’enseignant doté d’humanité. Il est d’ailleurs impossible
d’enseigner si l’on n’est pas persuadé de son bien-fondé. Au mieux sera-t-on un
petit donneur de leçons ; au pire un salaud qui prend plaisir à briser un élève
et à casser son avenir.
L’idée que tous
les élèves sont capables d’apprendre est une idée juste qui fait progresser la
société et les pratiques pédagogiques mises en place dans les écoles. Nous
devons avoir confiance dans les capacités cognitives de tous nos élèves.
Educabilité et
principe de non-réciprocité
L’éducation est
tout le contraire du dressage. Nous ne sommes pas là pour former des êtres
humains mais pour leur donner les outils qui leur permettront de se former
eux-mêmes. A partir du moment où nous sommes conscients que tous les élèves
peuvent apprendre, notre mission est de les accompagner sans vouloir les
formater et en les laissant progressivement construire leur individualité.
Nous ne pouvons
pas apprendre à leur place. Nous devons, au contraire créer des situations, des
dispositifs qui vont leur permettre de
s’engager pleinement dans leurs apprentissages. Nous devons leur apprendre à
faire et, surtout, nous ne devons rien faire que l’autre ne puisse faire.
Nous devons tout
faire pour que tous nos élèves réussissent, sans exception. Les dispositifs que
nous mettons en place veillent précisément à ce qu’ils soient acteurs de leurs
apprentissages : pédagogie active[23]
dans l’école ou dans la classe, tutorat, dispositifs spécifiques pour les
élèves ayant des troubles spécifiques des apprentissages, droit à l’erreur,
aménagements raisonnables mis à la disposition de tous, conseil de coopération,
évaluations exclusivement formatives, …
Ce que nous
mettons en place ne demande pas de remerciements. Nous faisons simplement notre
travail, rien de plus. Mais aussi et surtout rien de moins. Tout est
co-construit avec les élèves qui doivent en être partie prenante. Mais si nous
mettons en place un espace favorable d’apprentissages, espace exigeant car nous
voulons qu’ils acquièrent les savoirs au mieux de leurs possibilités, rien ne
nous garantit que nous y arriverons.
Comme nous le
rappelle Philippe Meirieu, nous devons « Admettre que le principe d’éducabilité soit constamment mis en échec
sans, pour autant, y renoncer. Assumer la négativité de l’éducabilité, sans,
pour autant, basculer dans le dépit et la suffisance, sans sombrer dans le
fatalisme. Le principe d’éducabilité et son corollaire, le principe de
non-réciprocité, sont donc au coeur de la dynamique pédagogique, ils en
constitue, en quelque sorte, le pari fondateur… Choix éthique et politique à
la fois, ils sont, en réalité, la véritable « pierre de touche » de
bien des débats qui auraient intérêt, pour la clarté de la discussion actuelle,
à faire ressortir systématiquement cette dimension des choses. [24]»
L’éducabilité,
si elle est postulée de façon universelle et inconditionnelle, ne présuppose ni
n’attend de résultat ni de progrès obligatoire ; elle repose au contraire, pour
pouvoir s’exercer, sur un renoncement vis-à-vis de l’attente personnelle démesurée
de la réussite de l’autre, donc sur un certain décentrement de l’éducateur par
rapport à son ego[25].
Le concept
d’éducabilité et la recherche
De nombreux
auteurs ont fait avancer nos connaissances pédagogiques depuis le début des
années 1960[26]. Loin
être exhaustifs, en voici quelques-uns qui ont marqué les recherches en
sciences de l’éducation, en lien avec le concept d’éducabilité.
Jean Piaget et le
constructivisme
Le
constructivisme est une théorie de l’apprentissage fondée sur l’idée que la
connaissance est élaborée par l’apprenant sur la base d’une activité mentale.
Cette théorie repose sur l’hypothèse selon laquelle, en réfléchissant sur nos
expériences, nous nous construisons et construisons notre propre vision du
monde dans lequel nous vivons.
Jean Piaget a
décrit le développement de l’intelligence chez les enfants comme un succession
de « stades » (allant des
actions pratiques aux représentations abstraites). Il y a quatre
« stades » et chacun doit être acquis pour pouvoir accéder au
suivant. Les quatre stades du développement cognitif,
que tous les
individus accomplissent dans le même ordre sont : stade sensorimoteur (de la
naissance à 2 ans), stade préopératoire (2 à 7 ans), stade des opérations
concrètes (7 à 11 ans) et stade des opérations formelles (11 à 14 ans).
Selon Piaget,
l’intelligence se construit ! Les connaissances des enfants ne sont pas
une simple copie de la réalité externe ; au contraire, les enfants construisent
eux-mêmes leurs connaissances en agissant sur des objets physiques, sociaux et
conceptuels[27].
Selon le
constructivisme, les connaissances acquises par un enfant ne sont pas une
simple « copie » de la réalité. Au contraire, ces connaissances ont demandé à
l’enfant de reconstruire celles-ci afin de les appréhender. Les enfants doivent
reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent
évidentes aux adultes. Piaget nous a aidé à nous convaincre que tout s’apprend
ou mieux, que tout se construit.
Tous les élèves
sont-ils fait pour les études ?
Caroll et Bloom[28]
ont prouvé qu’il était faux de penser que certains individus sont faits pour
les études et d’autres pas. Ils ont démontré que ce qui différenciait
principalement les enfants étaient, non leurs compétences intellectuelles, mais
leur vitesse d’apprentissage. Certains acquièrent des compétences en peu de
temps, alors que d’autres ont besoin de plus de temps pour arriver au même
résultat. En résumé, la qualité de l’apprentissage n’a aucun rapport avec le
temps mis pour y arriver. Pourtant, nous continuons de demander à tous nos
élèves d’acquérir la même compétence au même moment.
On peut donc
affirmer aujourd’hui que TOUS nos élèves, sans exception aucune – sauf s’ils
sont atteints d’un grave handicap intellectuel, sont doués pour l’étude. Nous
avons donc le devoir de leur donner leur chance, en leur permettant d’acquérir
les compétences à leur rythme propre, sans en laisser en chemin et encore moins
en les orientant précocement vers des filières dites « de relégation ».
Pour démontrer
que tous les élèves étaient capables de réussir, les pédagogues collaborant
avec Bloom ont mené une expérience intéressante. Ils ont constitué 3 groupes
d’étudiants hétérogènes équivalents qui reproduisaient chacun la trop célèbre
courbe de GAUSS, fort prisée dans certaines écoles élitistes, composés à savoir
d’un petit nombre d’élèves « forts », d’une grosse majorité d’élèves dits «
moyens » et de quelques élèves prétendument « faibles ».
Le premier
groupe a reçu un apprentissage « classique » tel celui que l’on connaît dans la
majorité de nos classes. Le second groupe a également reçu un apprentissage
collectif mais, à la différence du premier groupe, les matières à assimiler
étaient divisées en unités d’apprentissage et, à la fin de chaque unité, les
élèves étaient soumis à un test formatif qui permettait à ceux qui n’avaient
pas compris de bénéficier d’une remédiation immédiate. C’est ce que l’on
appelle la Pédagogie de Maîtrise.
Enfin, les
élèves du troisième groupe ont chacun bénéficié d’un précepteur choisi pour ses
compétences et capable d’ajuster directement sa façon d’enseigner en fonction
de la compréhension de l’élève. Les trois groupes ont ensuite été soumis au
même test final, destiné à évaluer leurs apprentissages respectifs.
On a pu constater
dans le premier groupe que les élèves ont progressé de manières différentes et
les résultats reproduisaient la courbe de gaussienne initiale. Exactement comme
dans la majorité de nos classes, avec un lot d’échecs inévitables dans ce type
d’enseignement particulièrement inéquitable.
Dans le second
groupe, la courbe épousait la forme d’un J. La majorité des enfants était
proche du maximum. Le troisième groupe obtenait, évidemment, les meilleurs
résultats. Ceux-ci épousaient la forme d’un J au point que les prétendus « plus
faibles » obtenaient des résultats équivalents à ceux des « plus forts » du
premier groupe. Il serait, évidemment, utopique de rêver généraliser ce système
à notre enseignement. Non seulement il serait hors de prix mais nous ne pourrions
– malheureusement – trouver suffisamment de précepteurs de qualité pour
entourer tous nos élèves. L’intérêt de ce troisième groupe réside ailleurs : il
a permis de démontrer scientifiquement l’éducabilité de TOUS les élèves, même
de ceux qui étaient considérés comme les plus « limités ». Un élève « faible »
– nous dirons « plus lent » – qui bénéficie de conditions d’enseignement
optimales peut arriver au même niveau que les élèves les plus rapides, placés
dans des conditions normales d’enseignement.
Enfin, la
Pédagogie de Maîtrise a démontré ici toute son efficacité. Appliquée au sein de
nos classes, de la première maternelle à la rhétorique (et pourquoi pas au
supérieur et à l’université ? – les processus d’apprentissage étant les mêmes),
elle bénéficierait à tous, principalement à ceux qui ont besoin de plus de
temps qui progresseraient beaucoup, mais également et c’est important, aux plus
rapides dont les résultats étaient supérieurs à ceux des « plus rapides » du
premier groupe.
Lev Vygotski[29] et la
zone proximale de développement
Lev Vygotsky
s’est intéressé à la manière dont l’enfant apprend. Il s’opposait à deux courants
théoriques de son époque. D’une part le béhaviorisme[30],
alors que selon lui, tout apprentissage implique «un véritable et complexe acte
de la pensée». Et d’autre part, la conception de Jean Piaget pour qui on ne
peut enseigner quelque chose à un enfant que s’il a atteint le stade requis
pour cet apprentissage. Or, Vygotski a constaté que de nombreux élèves
acquièrent très bien les disciplines scolaires, tant en mathématique, qu’en
lecture et écriture ou en sciences naturelles, alors qu’ils n’ont pas encore le
stade défini par Piaget. Si Piaget considère que le développement doit toujours
précéder l’apprentissage, Vygotski affirme de son côté que
« l’apprentissage devance toujours le développement. »
Vygotsky va
alors émettre la théorie de la « zone proximale[31]
de développement ». Admettons, écrit-il, que nous ayons déterminé chez
deux enfants un âge mental équivalant à huit ans. Avec l’aide d’un adulte, l’un
résout des problèmes correspondant à l’âge de 12 ans, tandis que l’autre ne
peut résoudre que des problèmes correspondant à l’âge de 9 ans. C’est
précisément cette différence qui définit la zone prochaine de développement. Elle
est de 4 pour le premier enfant et de 1 pour le second. Ainsi, la zone
prochaine de développement d’un élève est pour Vygotski « l’élément le plus
déterminant pour l’apprentissage et le développement ». Car « ce que l’enfant
sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain »[32].
En somme, la
zone proximale de développement se situe entre la zone d’autonomie (je peux le
faire seul) et la zone de rupture (je suis incapable de le faire sans aide). La
zone proximale de développement est définie comme la zone où l’élève, avec
l’aide de ressources extérieures, est capable d’exécuter une tâche. L’élève
considère le défi comme réaliste et la tâche à réaliser devient mobilisatrice.
L’enseignant
doit donc veiller à proposer des situations d’apprentissage qui évitent soit de
se retrouver en zone de rupture (trop difficile), soir en zone d’autonomie
(trop facile). Il lui faudra différencier les contenus, les structures et
proposer des situations d’apprentissage diversifiées visant la zone proximale
de développement de chaque élève.
Respecter la
zone proximale de développement des élèves est donc fondamental pour permettre
à chacun de progresser et donc, d’être capable d’apprendre. Cela nécessite,
évidemment, de pratiquer une pédagogie différenciée, et de mettre en place des
pratiques pédagogiques telles que, par exemple, celles décrites plus haut dans
le texte.
Conclusion
Le chemin vers
l’école inclusive implique avant tout de croire en les capacités de tous ses
élèves. Il n’en est aucun qui ne soit capable d’apprendre et ce, même les plus
fragiles (enfants de milieux défavorisés, enfants malades, enfants avec un
‘dys’ ou encore enfants ayant une déficience intellectuelle).
C’est donc bien à
nous, enseignants, à tout mettre en œuvre pour leur permettre d’apprendre et
d’apprendre avec les autres. Pas nécessairement au même rythme, mais bien avec
la même qualité d’apprentissage. Bloom l’a démontré, ce qui différencie les
élèves, ce n’est pas leurs capacités d’apprendre, mais leur vitesse
d’apprentissage.
Piaget éclaire le
chemin de l’éducabilité : Les enfants doivent reconstruire les idées, les
concepts ou encore les théories qui paraissent évidentes aux adultes. Piaget
nous a aidé à nous convaincre que tout s’apprend ou mieux, que tout se
construit. Bloom, a démontré à son tour, grâce à la pédagogie de maîtrise, que
ce qui différenciait principalement les enfants étaient, non leurs compétences
intellectuelles, mais leur vitesse d’apprentissage. Tous peuvent donc bien
apprendre et apprendre les mêmes choses, mais à des vitesses différentes.
Enfin, Vygotski
nous montre le chemin pour y arriver. C’est en respectant la « zone
proximale de développement » de chaque enfant, qu’un enseignant adhérant
au postulat d’éducabilité, parviendra à les faire acquérir les savoirs qu’il
doit leur transmettre.
C’est aussi parce
que nous postulons que tous les enfants peuvent apprendre, que nous pourrons
accueillir tous les élèves, même ceux que la vie a privé d’une partie de leurs
capacités intellectuelles. Car une école n’est inclusive que si elle accueille tout
le monde et que tout le monde apprend ensemble, au-delà de ses
différences.
[1] Communauté française de Belgique est l’appellation constitutionnelle
de la « Fédération Wallonie-Bruxelles » qui regroupe les francophones
vivant à Bruxelles et en Wallonie.
[2] Ceci concerne les élèves ‘ordinaires’, c’est-à-dire n’ayant aucune
déficience intellectuelle. Pour ces derniers, le Postulat d’éducabilité reste
de mise : ils sont tous capables d’apprendre, mais sans doute pas autant
que les autres. Pour ces enfants, les objectifs seront modifiés et adaptés à
leurs compétences au travers d’un Plan Individuel d’Apprentissage et le but ne
sera plus nécessairement d’arriver à une certification. L’importance sera mise
sur l’apprendre ensemble (enfants ‘ordinaires’ ET enfants ‘avec
une déficience intellectuelle’).
[3] https://soirmag.lesoir.be/244435/article/2019-08-28/le-prince-gabriel-change-decole
[4] = dotés d’humanité.
[5] Régime
politique de l’histoire de France qui prévalait durant les deux siècles
antérieurs à la Révolution française
[6] Nico Hirtt. L’Ecole et le
Capital: deux cents ans de bouleversements et de contradictions. L’école démocratique,
Aped, 2013.
[7] Wade, John. History of the Middle and Working Classes. Wilson, 1835
[8] Terral, Hervé. Les Savoirs Du Maître. Editions L’Harmattan, 1998, cité
par Hirtt, ibid.
[9] Du 18 mars 1871 au 28 mai 1871
[10] En 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l’accès au crédit et la solidarité. La loi sur la liberté de la presse de 1868 a permis l’émergence publique de revendications économiques anticapitalistes (« nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer…). Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Commune_de_Paris_(1871)
[11] Cité par Edwy Pénel dans Le Monde du 14 septembre 1980, lui-même cité
par Hirtt, Les trois axes de la marchandisation scolaire, 2001
[12] Un appareil idéologique d’État apparait comme une superstructure, une formation que l’on pourrait qualifier de « psycho-sociale » du fait qu’elle a pour but d’inculquer des « façons de voir », d’évaluer les choses, évènements et relations des classes sociales entre elles (institution scolaire, religion, famille, syndicats, sport, mass media, etc.). Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Appareil_id%C3%A9ologique_d%27%C3%89tat
[13] Philippe Meirieu, https://www.youtube.com/watch?v=ugocCSf74r4
[14] Le progressisme est une tendance politique favorable aux réformes
sociales et économiques, en opposition au conservatisme. En tant que
philosophie, le progressisme se fonde sur le progrès social et l’idée que les
avancées en matière de science, technologie, développement économique et
l’organisation sociale sont vitaux à l’amélioration de la condition humaine
(Wikipedia).
[15] La solution est
simple : il suffit de supprimer les poubelles en créant une société zéro
déchets. Des mouvements citoyens s’y emploient déjà. Mais il resterait le
problème de tous ces boulots de « pauvres » : facteur, ouvrier,
agent de quartier, chauffeur, machiniste, … I
[16] Meirieu Philippe 2104, https://www.youtube.com/watch?v=ugocCSf74r4
[17] Quand je parle de
« faire réussir », je ne parle pas de « donner des
points », mais de transmettre tous les savoirs, toutes les connaissances
de « base » à tou.te.s les élèves. Et cette « base » doit
être la plus élevée possible. Nous devons avoir des exigences élevées pour tout
ce que nous transmettons aux élèves. Notons que pour les enfants ayant une
déficience intellectuelle et qui seraient présents dans nos classes (où c’est
pleinement leur place), les connaissances de bases seront les plus élevées
possible, mais en fonction de leurs capacités d’apprentissage. Pour ces
élèves-là, la certification n’est pas toujours une priorité. Mais, si nous y
arrivons, alors tant mieux.
[18] Victor était un enfant trouvé dans les bois près de Rodez (France). Il
était nu, vivait comme un animal en mangeant des baies sauvages. Itard a décidé
de l’éduquer, alors que tout le monde pensait que Victor était débile de
nature. Itard va postuler que ce n’est pas le cas et va passer plusieurs années
de sa vie à tenter d’éduquer Victor. Victor ne parlera jamais mais va
progresser considérablement, se socialiser et même entrer en communication avec
les autres alors que cela lui était radicalement impossible. Jean Itar a
démontré qu’un enfant considéré comme débile, sans éducation, peut apprendre,
progresser et se socialiser. Pour comprendre cette belle aventure, on peut
aussi voir ou revoir le film de François Truffaut « L’enfant
sauvage ».
[19] Jean William Fritz Piaget, 1896-1980 à Genève, biologiste, psychologue,
logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du
développement et en épistémologie.
[20] Cognition : Ensemble des structures et activités psychologiques
dont la fonction est la connaissance, par opposition aux domaines de
l’affectivité. Larousse 2019
[21] Philippe MEIRIEU., Le choix d’éduquer : éthique et pédagogie. Paris :
E.S.F., 1991, p. 25.
[22] Philippe Meirieu, 2008, Le pari de l’éducabilité
[23] Le terme « pédagogie active » est un pléonasme. La pédagogie
inactive n’existe pas. Cependant, le terme « pédagogie » est galvaudé
dans les écoles méritocratiques qui prétendant en faire, alors qu’elles sont
essentiellement dans le frontal et donc la mise en compétition qui, plutôt que
de faire apprendre les élèves ensemble, les met en concurrence. Voilà pourquoi,
on en est à devoir toujours préciser « pédagogie…. active », chaque
fois que l’on parle, simplement, de pédagogie.
[24] https://www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/educabilite.htm
[25] Tommy Terraz et Amandine Denimal, « Construire la relation éducative :
postulat d’éducabilité, bienveillance et altruisme », Questions Vives [En
ligne], N° 29 | 2018, http://journals.openedition.org/questionsvives/3409
[26] Crahay Marcel 1997
« Une école de qualité pour tous », Bruxelles, Labor.
[27] De Ribaupierre, A. et L. Rieben (1996), « Piaget’s Theory of Human
Development », E. De Corte et F.E. Weinert (éd.), International Encyclopaedia
of Developmental and Instructional Psychology, Elsevier Science, Oxford, RU,
pp. 97-101.
[28] Marcel Crahay, 1997, Une école de qualité pour tous, Bruxelles, Labor.
[29] Lev Vygotski (1896-1934) est un pédagogue psychologue biélorusse puis
soviétique, connu pour ses recherches en psychologie du développement et sa
théorie historico-culturelle du psychisme.
[30] Le béhaviorisme, behaviorisme ou comportementalisme est un paradigme
de la psychologie scientifique selon lequel le comportement observable est
essentiellement conditionné par des réflexes conditionnés.
[31] Ou « zone de proche développement »
[32] Jacques Lecomte, 1998, Lev Vygotski (1896-1934). Pensée et langage,
Sciences Humaines Mars 1998
[1] https://www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/educabilite.htm
Oct 7, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Vers une Ecole inclusive
Des pistes pour amener les élèves à apprendre ensemble
vendredi 29 novembre 2019
Journée organisée par la Ligue des Droits de l’Enfant et la Plate-forme pour une école inclusive, en collaboration avec le Centre d’Etude et de Formation pour l’Education Spécialisée et Inclusive – Université Libre de Bruxelles
Aujourd’hui, les élèves avec une déficience auditive ou visuelle sont les plus nombreux·ses à être intégré·e·s en enseignement ordinaire. La part des enfants inscrit·e·s dans l’enseignement de type 8 progresse pour atteindre 19,8% (1 580 élèves). Ce sont essentiellement les enfants ayant une déficience physique (T4), intellectuelle (T1 et T2) et comportementale qui sont les grand·e·s oublié·e·s de l’enseignement ordinaire. Cependant, l’intégration progresse dans tous les « types » d’enseignement, à des vitesses variables, notamment pour le type 2 qui ne parvient toujours pas à décoller. A son sujet et pour rappel, la déficience intellectuelle légère pourrait concerner entre 10 et 20 personnes pour 1 000, la déficience intellectuelle sévère est retrouvée chez 3 à 4 personnes pour 1 000 (Inserm).
Des écoles deviennent progressivement inclusives. L’axe 4 du Pacte pour un enseignement d’excellence a précisément pour objectif de développer l’école inclusive et précise que « La lutte contre la ségrégation scolaire au sein de notre enseignement est un enjeu majeur. Pour ce faire, le Pacte développe une école inclusive, basée sur le respect des rythmes de chacun et sur un accompagnement personnalisé. Il s’agit de viser la réussite pour tous les enfants, quels que soient leurs profils scolaires, leur origine sociale ou leurs types d’intelligence (…). »
Réfléchir à une école plus inclusive doit se faire avec toutes les actrices et tous les acteurs, à commencer par les premièr·e·s concerné·e·s, les élèves. L’école a, depuis trop longtemps, oublié d’inclure les élèves dans toutes les réflexions sur son évolution. Si on veut que l’école soit inclusive, il est impératif de la construire avec les élèves et les étudiant·e·s, quelles que soient leurs spécificités et les difficultés qu’ils rencontrent.
Poursuivant notre mission de réflexion et de propositions concrètes pour favoriser la meilleure intégration possible des tou·te·s les élèves dans l’enseignement ordinaire, telle que le demande la Convention des Nations Unies des Droits des Personnes Handicapées, nous souhaitons cette année considérer l’école inclusive sous l’angle des élèves et des étudiant·e·s. Ce forum, s’il s’adresse aux professionnel·le·s et futur·e·s professionnel·le·s, donnera la parole à des jeunes grâce à de petites vidéos (en effet, le 29 novembre, les enfants seront à l’école). Des professionnel·le·s de l’école et de l’intégration, ainsi que des parents, mais aussi d’ancien·ne·s élèves nous éclaireront sur les pratiques pédagogiques mises en place dans des écoles qui sont en marche vers l’inclusion. Ce sera l’occasion de débattre avec eux/elles.
Une école inclusive est une école non seulement faite pour accueillir toutes les différences, mais aussi une école qui forme de futur·e·s citoyen·ne·s à la construction d’une société plus juste, donc plus inclusive.
Ce Forum se veut un moment d’échanges autour de la thématique : « comment amener élèves à besoins spécifiques et élèves ‘ordinaires’ à coopérer et apprendre ensemble » tant dans l’enseignement fondamental que dans l’enseignement secondaire. Le Forum présentera aussi les travaux scientifiques sur les bienfaits et limites (s’il y en a ?) de l’école inclusive ainsi que la méthodologie du tutorat. Enfin, des adultes ayant passé par l’enseignement ‘ordinaire’ et spécialisé nous feront part de leurs expériences. Ces thématiques seront débattues par un panel d’actrices et d’acteurs en collaboration avec les participant·e·s au forum, et devront déboucher sur des propositions concrètes à soumettre aux divers·e·s responsables et ce, au moment où le Pacte pour un enseignement d’Excellence se met peu à peu en place et veut promouvoir une école inclusive ouverte à la différence.
Date : vendredi 29 novembre 2019
Lieu : ULB, Auditoire E. Dupréel, Avenue Jeanne,44 – 1er étage à 1050 Bruxelles
Public attendu : enseignant·e·s, directions des établissements scolaires, parents, étudiant·e·s, particulièrement ceux et celles des Hautes Ecoles, conseiller·e·s pédagogiques, CPMS, inspection, Délégué·e·s aux Contrats d’Objectifs, Directeurs·rices de Zone, personnel paramédical, psychologique et social, responsables administratif·ve·s et politiques et tou·te·s citoyen·ne·s intéressé·e·s.
Inscription par mail à
contact@liguedroitsenfant.be
P.A.F. : 35 € (25 € pour les étudiant·e·s et les familles d’enfants à besoin spécifique). A verser sur le compte compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant, avec la communication « Inscription colloque du 29 novembre + nom de l’institution/association + nom·s du/des participant·e·s ». Afin de faciliter la gestion de ce forum, les paiements doivent parvenir au plus tard le lundi 25 novembre 2019.
La pause, le repas et les documents du colloque sont compris dans la participation aux frais.
Programme
8h30 : Accueil
9h15 : Introduction de la journée
Jean-Pierre Coenen,
Président de la ligue des Droits de l’Enfant
et de la Plate-forme pour une Ecole inclusive.
Durant toute cette journée nous donnerons la parole aux élèves,
au travers de petites vidéos introductives.
9h35 : Plans de pilotage et école inclusive.
Dominique Paquot,
Directeur de l’école Singelijn.
10h00 : Table ronde 1
« Comment amener élèves à besoins spécifiques et élèves ‘ordinaires’ à coopérer et apprendre ensemble à l’école fondamentale ? »
Différent·e·s professionnel·le·s de l’école, et des parents partageront leurs expériences dans le domaine de l’intégration et de la manière de faire progresser une école ou une classe sur le chemin de l’école inclusive. Notamment, sur ce qui est mis en place pour amener les élèves à coopérer, quelles que soient leurs différences, pour faire société, sur ce qu’apportent les aménagements raisonnables aux enfants à besoins spécifiques mais aussi à tous les autres élèves, sur la manière d’accueillir la déficience intellectuelle, etc.
La table-ronde sera suivie par un débat avec le public.
10h50 : Pause-café
11h20 : Table ronde 2
« Comment amener élèves à besoins spécifiques et élèves ‘ordinaires’ à coopérer et apprendre ensemble à l’école secondaire ? »
Ici encore, des professionnel·le·s de l’école et des parents partageront leurs expériences de l’intégration. L’enseignement secondaire est moins inclusif que l’école fondamentale. Cependant, des écoles se lancent sur le chemin de l’école inclusive. Comment font-elles ? Quelle est leur philosophie ? Que mettent-elles en place pour favoriser la collaboration entre pairs tout en évitant les orientations vers le spécialisé ? Quels sont les écueils qu’elles rencontrent et comment les surmontent-elles ? Quels bénéfices en retirent les élèves et les professionnel·le·s ?
La table-ronde sera suivie par un débat avec le public.
12h10 : Pause repas
13h10 : Bienfaits et limites de l’intégration des élèves à besoins spécifiques en écoles inclusives : qu’en disent les recherches.
Ghislain Magerotte,
Dr en Psychologie, Professeur émérite de l’UMons.
13h30 : Quelle méthodologie pour que les élèves à besoins spécifiques et les élèves ’ordinaires’ apprennent ensemble ? Le tutorat.
Gaëtan Briet,
Dr en Psychologie, Laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement et Communication (LP3C – EA 1285, Université Rennes 2 Haute Bretagne.
14h00 : Table ronde 3
« Partages d’expériences et parcours de vie. Quels bilans d’ancien·ne·s élèves à besoins spécifiques tirent-ils·elles de leur scolarité, que ce soit en intégration ou non ? »
Depuis des décennies, l’école ordinaire a intégré des élèves à besoins spécifiques, souvent de manière « pirate » ; d’autres n’ont connu que l’enseignement spécialisé. Ces élèves, devenu·e·s des adultes, sont aujourd’hui intégré·e·s dans la société. Leur expérience, alors que le Pacte pense à rendre l’école enfin plus inclusive, nous semble essentielle. Qu’ont-ils·elles envie de nous dire à la lumière de leur vécu ? Comment leurs expériences de l’école peu inclusive d’hier peuvent-elle éclairer le chemin de l’école plus inclusive de demain ?
La table-ronde sera suivie par un débat avec le public.
14h50 : Table ronde 4
« Formation initiale des enseignants et inclusion »
Comment former les étudiants à l’école inclusive, alors que sans doute peu d’entre eux/elles ont connu une telle école durant leur cursus scolaire ? Quelles compétences les enseignant·e·s inclusif·ve·s devraient-ils·elles maîtriser pour accompagner tous les élèves vers l’accès aux savoirs et en faire des citoyen·ne·s actrices et acteurs d’une société, elle-même, plus inclusive ? Des professionnel·le·s de la formation des enseignant·e·s nous feront part de leur expérience. Enfin, quelle place est laissée à l’orthopédagogie dans la future formation initiale des enseignant·e·s ?
La table-ronde sera suivie par un débat avec le public.
15h40 : Conclusions et perspectives
Jean-Pierre Coenen
Président de la Ligue des Droits de l’Enfant
et de la Plate-forme pour une Ecole inclusive