Une école inclusive : aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

Une école inclusive : aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

  1. Les défis posés par l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle dans l’enseignement ordinaire

Progresser dans le sens d’une éducation inclusive à l’école va demander

  • D’articuler les objectifs définis pour l’ensemble des élèves avec les objectifs plus particuliers de l’élève avec déficience intellectuelle
  • D’utiliser les outils et ressources existant dans chaque classe, dans chaque école pour mettre en place un programme répondant aux besoins de tous
  • Se référer aux compétences transversales (savoir écouter, savoir raconter en choisissant les bons supports, savoir poser des questions, etc.)  pour construire sa démarche méthodologique
  • Construire un bulletin axé sur la progression dans les compétences et élaborer un portfolio pouvant suivre l’élève tout au long de sa scolarité
  • Penser une progression de l’élève avec déficience intellectuelle sans viser nécessairement l’obtention d’une certification finale (CEB,…)
  • De se rappeler que tout enfant apprend mieux par plaisir et curiosité et que la sphère relationnelle et émotionnelle doit être prise en considération à tout moment
  • Croire dans les potentialités de tout enfant et proposer des défis d’apprentissage : les recherches scientifiques basées sur un suivi longitudinal de cohortes d’élèves, montrent que des apprentissages sont possibles au niveau de la littératie et de la numératie.
  • Penser en termes de parcours de vie en prenant en compte les besoins de l’enfant une fois celui-ci devenu adulte et ne le conduire pas à pas vers l’autodétermination
  • Modifier radicalement notre mode de partenariat avec les parents et ce, dès l’annonce de la déficience : en effet, la manière dont ceux-ci sont amenés à découvrir le handicap et à exercer leur parentalité face à cet enfant va les conduire ou non à aborder le monde scolaire de manière positive et dans une optique d’éducation inclusive. Se rappeler aussi que les structures précédant l’école (crèches, pré-gardiennats) doivent également concevoir une approche inclusive.
  • Sensibiliser les pairs de l’élève à ce qu’implique la déficience afin de développer des interactions positives entre élèves
  • Sensibiliser les autres parents et rencontrer leurs craintes quant à l’impact d’un enfant avec déficience intellectuelle sur le groupe-classe en montrer les effets bénéfiques pour tous les élèves
  • Permettre à l’élève avec déficience intellectuelle de rencontrer d’autres élèves ayant des caractéristiques de fonctionnement similaires
  • Veiller à assurer dès le départ de l’accueil de l’élève en enseignement ordinaire, un suivi tout au long de sa scolarité sans devoir se baser uniquement sur la bonne volonté d’un seul enseignant mais en impliquant toute l’équipe éducative
  • Arrêter de faire de l’intégration un privilège pour l’enfant et sa famille : l’accueil en enseignement ordinaire est un droit      
  • Rencontrer les peurs et questionnements des enseignants, les informer, leur donner des ressources adéquates et les aider de manière pragmatique (accompagnement sur site). A cet égard, il s’agit de mieux coordonner les ressources existantes et les rendre accessibles.
  • Réfléchir à la manière dont les ressources de l’enseignement spécialisé peuvent être mises à disposition de l’enseignement ordinaire et de manière plus générale, envisager l’avenir de la structure de l’enseignement spécialisé (soutien en enseignement ordinaire, accueil d’élèves en situation de handicap très sévère, intervention d’enseignants chevronnés dans la formation, etc.)
  • Avoir un engagement clair de la part des pouvoirs organisateurs dans le sens d’une évolution vers un enseignement inclusif
  • Associer tous les acteurs concernés dans la communauté scolaire et autour de celle-ci (services d’aide précoce, services d’aide à l’intégration, CRF mais aussi les médecins généralistes, neurologues pédiatres). Plusieurs de ces acteurs sont amenés à jouer un rôle de facilitateur, de médiateur dans le dispositif d’intégration.
  • Quels sont les apports du Pacte pour un enseignement d’excellence ?

Tout comme le rappelle l’avis d’UNIA du 15 mars 2017, le Pacte confond intégration et inclusion. De plus, la volonté est de limiter le nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé à ceux pour lesquels des aménagements raisonnables dans l’enseignement ordinaire ne s’avèrent pas suffisants (p 236 du Pacte).

Le Pacte ne propose pas une stratégie bien définie pour faire évoluer notre enseignement vers un enseignement plus inclusif.

Le Pacte fait la distinction entre aménagements imposables et aménagements conseillés, ce qui ne correspond pas à la Convention : les aménagements sont obligatoires dans tous les cas et doivent être mis en place dès qu’ils sont sollicités.

Ceci étant,  potentiellement positifs, à savoir

  • Le renforcement du partenariat parents-professionnels ;
  • L’idée d’un dossier unique qui suivrait l’enfant tout au long de sa scolarité
  • Le rôle d’une expertise en orthopédagogie qui viendrait de l’enseignement spécialisé
  • L’obligation d’accueil et de mise en place d’aménagements dans le cadre de pôles régionaux : l’idée serait donc de développer des écoles inclusives par pôles territoriaux. Cette formule risque évidemment de conduire au regroupement d’élèves dits à besoins spécifiques dans des écoles que l’on qualifierait d’inclusives !
  •  Stigmatisation de l’élève : les procédures d’évaluation et d’orientation

Sans nier la nécessité d’une évaluation correctement menée et de manière pluridisciplinaire, il importe de quitter un mode d’évaluation uniquement centré sur le relevé de déficiences et l’indication des écarts par rapport à une norme (vision très statique) pour adopter une évaluation plus qualitative et fonctionnelle des compétences de l’enfant en termes de profil des forces et faiblesses. L’évaluation ne doit pas contribuer à exclure l’enfant : nous observons encore beaucoup trop souvent que c’est sur la seule base du quotient intellectuel qu’un enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé.

Une telle démarche évaluative plus qualitative va permettre de réfléchir aux adaptations qu’il s’agira de mettre en place en classe.

Ce travail d’évaluation demande du temps et donc des moyens financiers.

Par ailleurs le développement d’un dossier unique de l’enfant, qui puisse le suivre et dans lequel sont consignés ses progrès, quel que soit le service fréquenté est nécessaire pour assurer une coordination et une cohérence des interventions dans le temps. Pour faciliter le partage entre les divers intervenants, on peut concevoir un dossier informatisé.

Il serait donc important que les formations données aux psychologues et aux neuropsychologues soient davantage axées sur une évaluation dynamique. En particulier les psychologues des CPMS et des centres agréés ne devrait plus pratiquer l’orientation sur la seule base d’un diagnostic s

Par ailleurs, l’ensemble des professionnels devraient mieux connaître les enjeux de l’intégration et ceux de l’inclusion. Ces professionnels doivent prendre conscience que toute stigmatisation de l’élève comme « incapable » va marquer la personne à vie.

  • Organiser le curriculum de l’élève : quels apprentissages faut-il privilégier et comment ?

Il s’agit d’approcher toute élève dans sa globalité avec un projet pense de manière personnalisée. Le PIA est vu comme un outil rassembleur (et obligatoire) avec consignation des attentes des parents et de l’élève, la reconnaissance des divers obstacles aux apprentissages ainsi que les moyens pour tenter de les surmonter. Ce PIA est aussi un outil de communication avec le C.PMS et les divers partenaires extérieurs. C’est un outil de formation réflexive. Il doit bien entendu reprendre les objectifs visés, les moyens que l’on va dégager, la répartition des rôles de chacun, des critères sur lesquels portera une évaluation ainsi qu’un échéancier. Idéalement ce PIA sera rédigé dans un langage accessible à tous, dont l’élève.

Les apprentissages sont à promouvoir tant sur le plan cognitif que socio-émotionnel et ils doivent permettre de maintenir une bonne qualité de vie tant pour l’élève que pour sa famille.

Les contenus vont concerner les domaines du lire, écrire et calculer, la communication, la socialisation, l’autonomie (capacité à faire des choix) et l’indépendance fonctionnelle, l’acquisition de repères spatio-temporels, l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires permettant d’amplifier les domaines de l’estime de soi, de l’autodétermination, du sentiment d’efficacité personnelle. La pédagogie devra s’adresser aux divers sens (ouïe, vue, tact, odorat et goût). Il faut laisser l’enfant avec déficience intellectuelle progresser à son rythme en s’appuyant sur ses capacités développementales, en pensant à la nécessité des répétitions pour consolider les acquis et en privilégiant les supports visuels.

Il faut encourager l’investissement des espaces extérieurs en continuité avec l’espace de la classe et comme support à divers apprentissages favorisant la mobilisation de différentes formes d’intelligence.

La pédagogie par projets, le travail coopératif (spontané et organisé) et le tutorat seront ainsi facilités.

L’apport d’une approche différenciée dans l’enseignement est aussi reconnu comme favorisant les apprentissages de tous.

Comme la littérature le recommande, il faut laisser l’enfant dans sa classe d’âge.

Enfin, il est important que l’élève soit correctement installé en classe : l’aide d’un ergothérapeute ou d’un kinésithérapeute peut s’avérer très utile.

  • Organiser l’école

Il parait nécessaire de penser les soutiens présents dans l’école et dans la classe comme non stigmatisant pour un élève en particulier. La personne ressource devrait donc travailler avec le groupeclasse. Par ailleurs il s’agit d’éviter de sortir l’élève de son groupe-classe pour des activités plus individuelles.

Il faut bien entendu disposer de moyens financiers adéquats pour mettre en place certaines adaptations et disposer du matériel nécessaire, sans que l’enseignant n’ait à payer du matériel de ses propres deniers.

L’idée de donner un pot aux écoles pour leur permettre d’en disposer et se donner les moyens humains et matériels nécessaires est évoquée. Le maître mot est la souplesse, par exemple au niveau de la répartition des heures de l’enseignant qui accueille des élèves avec déficience intellectuelle dans sa classe.

L’engagement d’orthopédagogues (niveau bachelier) et d’orthopédagogues cliniciens (niveau master)  réfléchir l’organisation de la classe et de l’école, apporter les ressources complémentaires utiles en fonction des besoins, coordonner les interventionsun partenariat avec les familles.

Parmi les ressources externes à l’école, les services d’aide précoce, les services d’aide à l’intégration, les CRF, et d’autres services (asbl, services hospitaliers) tentent d’apporter une aide. Les conseillers pédagogiques ont un rôle important à jouer. Les associations de parents devraient aussi contribuer à l’évolution de l’école vers une école inclusive.

En lien avec le projet autour de l’enfant et avec lui, il s’agit de dégager un temps de concertation entre les divers acteurs dans le fonctionnement de la classe et de l’école.

Le rôle de la direction est mis en avant : il faut que toute l’équipe se sente concernée par le projet d’évolution de l’école vers une école inclusive.

Contrairement à l’idée généralement répandue, l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle au niveau maternel n’est pas plus facile même si les contraintes de l’évaluation sont absentes. Les enseignants de ce niveau ont un programme.

Plusieurs enseignants signalent qu’ils doivent déjà faire face à une diversité de difficultés chez les jeunes enfants.

Enfin, nous avons vu qu’une vingtaine de projets de classes intégrées (appelées de manière erronées « classes inclusives ») se sont développées. Ces dispositifs ont chacun leur histoire et se présentent sous des formes différentes. On peut penser que l’existence même de ces classes contribue à une sensibilisation au sein de l’école. De plus, elles permettent à l’élève avec déficience intellectuelle de ne pas se sentir seul au sein de l’école et de ne pas être stigmatisé. Ces projets bénéficient d’une aide de la part de chargés de mission. Il est important de souligner que les activités communes entre les élèves de cette classe et les élèves des autres classes doivent être pensées et organisées. La question est donc posée de savoir si ces classes p constituer une démarche transitoire dans le cheminement d’une école vers une école inclusive au sens propre.

  • Sensibiliser à la différence au sein de la classe, de l’école et maintenir les interactions entre élèves avec déficience intellectuelle et ses pairs

Il s’agit de travailler à la cohésion du groupe-classe et comme déjà mentionné plus haut, les approches comme le tutorat, l’apprentissage coopératif y contribuent.

Il s’agit aussi de permettre à l’enfant avec déficience intellectuelle de se présenter.

Les activités d’information et de sensibilisation doivent s’adresser à l’ensemble de la communauté scolaire. Le conseil de participation peut être utilisé comme un espace d’échanges et de sensibilisation. Les parents de l’enfant avec déficience intellectuelle doivent, tout comme les parents des autres enfants, être impliqués dans une réflexion centrée sur l’intérêt de la démarche inclusive. La communauté scolaire devient ainsi une communauté apprenante et créative.

Dans le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive, les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables.

  • Partager des ressources et (re)penser la formation tant initiale que continuée des professionnels

L’idée du partage des expériences et des savoirs autour de la démarche inclusive apparaît comme essentiel :au sein de l’école, entre les écoles, il s’agit de mettre en place des forums d’échanges et de diffuser de petits documents informatifs sans que ceux-ci ne soient présentés comme des « recettes » toutes faites. La diffusion de brochures à la fois sur la connaissance des droits et des procédures et à la fois sur le quoi faire et comment, avec quels objectifs est perçue comme très utile. Des sites existent et méritent d’être consultés : UNIA, ONE, Aviq, Phare, Inclusion asbl, Prebs (Portail de référencement pour l’enfant à besoins spécifiques), sites de diverses associations.

Le concours de personnes adultes avec déficience intellectuelle (comme les membres du Mouvement Personne d’Abord) a un rôle important à jouer pour informer sur leur parcours propre et leur expérience et ainsi alimenter une réflexion.

Enfin, les campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi à organiser en se demandant quel est le message à faire passer et pour quel public prioritaire.

En conclusion

Trois phrases choc

  • Pourquoi pas un droit  au même titre que l’implant cochléaire, le port de lunettes, l’utilisation d’une voiturette. Et pourquoi doit-on encore négocier des aménagements qui de plus, sont dits dev être raisonnables ?
  • Ce n’est pas aux parents de défendre le droit à l’Education pour leur enfant déficient dans le cadre d’une école d’enseignement ordinaire. Il faut une démarche plus globale de notre société.
  • Pourquoi continue-t-on à confondre les concepts intégration et inclusion et pourquoi n’entrevoit-on pas les réels enjeux de la démarche inclusive ? Les initiés ne devraient-ils pas utiliser ces concepts de manière plus précise afin de ne pas promouvoir des représentations erronées au sein du monde de l’enseignement et plus largement au sein de la société.

21 novembre 2017, Synthèse du colloque par le Prof.ém. J.-J. Detraux, administrateur de la Ligue des Droits de l’Enfant. La présente synthèse est basée sur les notes prises au cours de la journée par Bénédicte Decleyre et JJ Detraux ainsi que sur les diverses notes qui nous ont été adressées par les intervenants et par des participants.

Analyse : L’intégration en enseignement inclusif : une question de droits. 2e partie

Analyse : L’intégration en enseignement inclusif : une question de droits. 2e partie

Lire le début de l’analyse

L’école inclusive, une obligation pour l’institution scolaire ?

La Belgique a signé la Convention et a ratifiée la Convention ONU. Celle-ci entrée en vigueur en 2009. Depuis, la Belgique s’est engagée à respecter l’ensemble des droits qui sont repris dans la Convention, tout comme elle s’est engagée à respecter toutes les obligations qui en découlent, dont le droit fondamental des enfants à bénéficier d’un enseignement inclusif. Il ne s’agit plus, ici, de petits arrangements internes à la Communauté française qui s’est mitonnée un Pacte a minima, mais d’engagements internationaux qu’elle doit respecter. Et ceux-ci ne sont pas a minima.

Cet article 24 s’applique-t-il immédiatement ? Evidemment que non. On ne peut pas mettre immédiatement un enseignement inclusif en place. Depuis 2009, 3000 élèves, seulement, ont pu bénéficier de l’intégration qui est un premier pas vers l’école inclusive.  Il faudra encore des années pour que l’école le devienne réellement (même si des initiatives se mettent en place). Il s’agit d’une réalisation progressive. Cependant, la Belgique a une « obligation spécifique et continue d’avancer aussi promptement et effectivement que possible vers la pleine réalisation de l’article 24[10] »

En attendant la réalisation d’un enseignement inclusif, la non-discrimination et les aménagements raisonnables sont une obligation immédiate au sein de chaque école, de chaque classe.

La Communauté française, une bonne élève ?

Le Comté ONU des Personnes handicapées, composé d’experts en matière de handicap, veille à l’application au niveau international de la Convention et donc au respect de l’engagement de chaque Etat. Le Comité ONU a dit être « préoccupé » parce que l’éducation inclusive n’était pas garantie en Belgique. Le Comité a constaté qu’il y avait un manque d’aménagements raisonnables au sein de l’école ordinaire, ce qui fait que de trop nombreux élèves sont orientés vers l’enseignement spécialisé. Le Comité recommande à la Belgique d’avoir une stratégie cohérente pour aller vers une école inclusive. Le Comité a relevé la « persistance de défis importants quant à l’application intégrale du droit à l’éducation inclusive pour les personnes handicapées ». Le Comité relève que l’enseignement spécialisé laisse les enfants en situation de handicap isolés des autres enfants et précise que c’est une obligation non « compatible avec le soutien de deux systèmes d’éducation : système d’éducation ordinaire et spécialisé/ségrégé ».

Et l’avenir de l’enseignement spécialisé, dans tout cela ?

L’avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence considère comme essentiel de favoriser l’inclusion[11] ou le maintien dans l’enseignement ordinaire d’élèves présentant des besoins spécifiques, moyennant des aménagements raisonnables, et d’encourager l’intégration totale ou partielle d’élèves de l’enseignement spécialisé dans l’enseignement ordinaire, moyennant un soutien spécifique de la part des acteurs de l’enseignement spécialisé, tout en « préconisant » de développer une approche évolutive propre à l’école inclusive (…), réduire le nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé au bénéfice de l’enseignement ordinaire (…), la réforme de l’ « orientation », la réforme du mécanisme de l’intégration ; la refonte de l’enseignement spécialisé de type 8, et la suppression progressive de l’envoi dans le spécialisé des enfants « Dys » (…) etc.

Il est clair que les travaux du Pacte ont intégré les recommandations de l’ONU et visent à faire collaborer les deux systèmes d’enseignement : ordinaire et spécialisé. Mais c’est un engagement a minima qui ne concerne en priorité que les élèves dirigés vers l’enseignement de type 8 et qui ne devraient pas s’y trouver. Pourtant, nous pouvons considérer que de moins en moins d’enfants en situation de handicap intègreront l’enseignement spécialisé. En effet, les familles de plus en plus nombreuses réclament les droits de leurs enfants et l’accès pour ceux-ci à une société inclusive et ce, quel que soit leur handicap. Cela commence, bien évidemment, par une école inclusive. Dès lors, nous n’avons pas trop le choix, nous devrons nous adapter et adapter nos pratiques pédagogiques. Soit en devenant une classe inclusive et donc en accueillant des enfants porteurs de handicaps physiques et/ou intellectuels, soit, comme enseignante spécialisée, en accompagnant ces enfants au sein de classes inclusives.

Il y a, fort heureusement, peu de chances que l’enseignement spécialisé ne disparaisse à court ou moyen terme. Il faudra des décennies pour que les enfants porteurs de handicaps plus importants aient accès à un enseignement inclusif. Ce seront, en priorité, les élèves avec difficultés d’apprentissage qui seront les premiers à bénéficier de ce type d’enseignement et d’enfants porteurs de handicaps physiques ou de déficiences intellectuelles légères.

La suppression de l’enseignement spécialisé serait, par ailleurs, une hérésie absolue. On sait combien l’enseignement « ordinaire » est peu spécialisé et combien les élèves à besoin spécifique y rencontrent des difficultés. Il suffit de voir le taux d’orientations vers l’enseignement spécialisé de type 8. Actuellement, de nombreux enseignants spécialisés sont déjà dans les classes ordinaires. Ils y accompagnent les élèves en intégration, en soutien des enseignants de l’ordinaire. Le mouvement ira en s’accélérant au fur et à mesure des intégrations. L’enseignement spécialisé ne disparaîtra probablement pas, mais il changera profondément avec l’intégration scolaire.

La question qui mérite le débat n’est pas de savoir si nous sommes formés pour cela ou non, pas plus de savoir si ce sera un nivellement par le bas ou non[12], mais bien de savoir si nous allons subir ce changement ou être les vecteurs de ce changement[13].

Ainsi que vous l’avez lu, l’école inclusive est en marche et ne fera pas marche arrière. On peut, évidemment, mener des combats d’arrière-garde qui, n’en doutons pas, feront traîner quelques années l’école pour tous. Mais ce ne sera ni au bénéfice de ces enfants, ni au bénéfice des enseignants. Il est donc important que nous réfléchissions à la manière de transformer nos classes en classes inclusives et nos écoles en écoles inclusives.

Nombre d’entre nous font de l’inclusion sans le savoir, mettant déjà des aménagements raisonnables en place, qui permettent à de nombreux élèves ayant des difficultés d’apprentissage et donc qui sont en situation de handicap, de progresser, d’avancer et d’acquérir des savoirs sans – surtout – passer par la case « échec » : remédiations, tutorat, temps additionnel, coopération, empathie, droit à l’erreur, cercles de lecture, pédagogies actives, conseils de coopération, etc…, toutes ces choses qui sont devenues habituelles au point qu’on ne les remarque plus mais qui font que nombreuses sont les classes où les aménagements raisonnables sont en place, sans que l’on nous l’ait jamais demandé.

Il est donc essentiel que nous n’attendions pas que le changement nous bouscule, mais de nous y préparer en faisant progressivement de nos classes, déjà, des classes inclusives.

Analyse : Les aménagements raisonnables

Analyse : Les aménagements raisonnables

Qu’est-ce qu’un aménagement « raisonnable » ?

La notion d’aménagement raisonnable est une notion de Droit qui vise à favoriser l’égalité et la non-discrimination pour les personnes en situation de handicap. Il s’agit de créer une exception au profit d’une personne afin qu’elle puisse bénéficier des mêmes droits et d’un accès aux mêmes services que les autres.

Selon l’ONU, on entend par « aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme (ou droits humains NDLR) et de toutes les libertés fondamentales[1].

Unia, l’ancien-Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme en donne la définition suivante : Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de réduire, autant que possible, les effets négatifs d’un environnement inadapté sur la participation d’une personne en situation de handicap à la vie en société[2].

Pourquoi parle-t-on d’aménagements raisonnables ? Il y a-t-il des aménagements non-raisonnables ?

Oui !

Le monde dans lequel nous vivons est, hélas, loin d’être parfait et certains aménagements nécessaires peuvent s’avérer trop coûteux, trop envahissants ou impossibles. La mise en place d’un ascenseur pour permettre à un·e élève à mobilité réduite d’aller dans une classe au 3e étage, s’avère par exemple, financièrement impossible pour de nombreuses écoles, voire impossible dans la structure d’un bâtiment donné.  Le terme « raisonnable » doit être évalué à l’aune de différents critères comme le coût, la fréquence et la durée prévue de l’aménagement, l’impact sur l’organisation, l’impact de l’aménagement sur l’environnement des autres élèves et l’absence ou non d’alternatives[3].

Les aménagements raisonnables à l’école

C’est le Décret du 7 décembre 2017, « relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques » qui impose la mise en place d’aménagements raisonnables pour les élèves à besoins spécifiques, depuis le 1er septembre 2018.

Pourquoi un Décret « Aménagements raisonnables », alors qu’il y avait déjà un Décret « Anti-discrimination » ?

Malheureusement, il a été constaté que des écoles contournaient le Décret antidiscrimination[4]. Celui-ci imposait déjà les aménagements raisonnables, mais n’était que trop peu appliqué. Il précisait pourtant que «  les  aménagements  raisonnables  sont  des  mesures  appropriées,  prises  en  fonction  des  besoins  dans  une  situation  concrète,  pour  permettre  à  une  personne  handicapée  d’accéder,  de  participer  et  de  progresser  dans  les  domaines  visés  à  l’article  4[5],  sauf  si  ces  mesures  imposent  à  l’égard  de  la  personne  qui  doit  les  adopter  une  charge  disproportionnée.  Cette  charge  n’est  pas  disproportionnée  lorsqu’elle  est  compensée  de  façon  suffisante  par  des  mesures  existant  dans  le  cadre  de  la  politique publique menée concernant les personnes handicapées[6] ». Enfin, il insistait en précisant que « toute  discrimination  fondée  sur  l’un  des  critères  protégés  est interdite.[7] ». Malgré cela, de nombreux enfants ne bénéficiaient pas d’aménagements raisonnables, malgré la demande insistante des parents et le rappel du Droit. Des écoles, des professeur·e·s prétextaient que « donner » des aménagements raisonnables à certains enfants aurait été discriminatoire par rapport à tous les autres ou que les enfants bénéficiant de certains aménagements raisonnables (ordinateurs, calculettes, …) pouvaient « tricher ».

Régulièrement, Unia a été contraint de rappeler à des écoles les droits de leurs élèves à besoins spécifiques. Dans un rapport de 2015, Unia précise que 20% des signalements introduits auprès du Centre en matière de handicap touchent à l’enseignement. Ces signalements augmentent d’année en année (31 signalements introduits en 2012, 62 en 2013, 87 en 2014) et 56,5% concernent un refus ou absence d’aménagements raisonnables[8].

Il fallait doc passer à la vitesse supérieure, d’autant que le Pacte pour un enseignement d’excellence prévoit «  le principe d’une démarche évolutive doit être à la base de l’organisation de l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de la scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque élève d’être inscrit dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus d’inscription au motif que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables ou que l’enfant ne serait pas capable d’assimiler la matière enseignée[9] ». L’école inclusive est définie comme « permettant à un élève à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel, pédagogique et/ou organisationnel ».

Mais tout n’est pas réglé pour autant. Un an après la mise en œuvre du Décret, l’Ufapec dénonçait le refus de certaines écoles d’appliquer le décret[10] : « Il n’y a pas une semaine qui passe sans que des parents (d’enfants à besoins spécifiques) nous appellent pour nous dire : on nous refuse un aménagement raisonnable! »

Qui peut bénéficier d’aménagements raisonnables ?

Tout élève de l’enseignement ordinaire, fondamental et secondaire, qui présente des « besoin(s) spécifique(s) », (…) est en droit de bénéficier d’aménagements raisonnables matériels, organisationnels ou pédagogiques appropriés (…)[11]. Cependant, le Décret ajoute un bémol qui empêche certains élèves de pouvoir en bénéficier, car il précise « pour autant que sa situation ne rende pas indispensable une prise en charge par l’enseignement spécialisé les dispositions du décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé. ». Selon nous, cette restriction va à l’encontre de l’article 24 de la CIDPH[12] de l’ONU qui précise que « Les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les  autres,  avoir  accès,  dans  les  communautés  où  elles  vivent,  à  un  enseignement  primaire  inclusif,  de  qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire » également inclusif.

L’enseignement ségrégué (un enseignement qui place ses élèves à part / à l’écart de la société et ne leur fait pas apprendre avec les enfants dits « ordinaires », comme cela se passe dans notre enseignement spécialisé) n’est pas, par définition, un enseignement inclusif.

Qu’entend-on par élève à besoins spécifiques ?

Lorsqu’on parle de « besoins spécifiques », on parle en général de troubles qui font qu’un·e enfant a plus de mal à apprendre que la majorité des enfants de son âge, lorsqu’il/elle est dans une situation spécifique[13] (lecture, calcul, rester assis·e, dessiner, se représenter dans l’espace, …) ou d’enfants ayant un handicap ou une maladie qui les empêche d’apprendre comme les autres ou les gêne dans leurs apprentissages.

Le Décret précise les besoins spécifiques comme étant des « besoins résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire, fondamental ou secondaire. »

Comment demander à l’école la mise en place d’aménagements raisonnables ?

Préalablement à la mise en place d’aménagements raisonnables, le Décret impose un diagnostic datant de moins d’un an[14]. C’est évidemment discriminatoire. Les parents d’un enfant dont un diagnostic daterait de plus d’un an – ce qui est fréquent – devront repasser par la case « Je dois payer » pour simplement voir confirmer que leur enfant a toujours une dyslexie (on a une dyslexie à vie), une dyscalculie (idem), une dyspraxie (re-idem), voire un autisme ou une surdité (re-re-re-idem). Il semble que Kafka soit passé dans ce Décret, histoire de ne surtout pas trop perturber les écoles. Rappelons que la détection d’un autisme prend… plus d’un an. Il est bien connu également, que les familles populaires ont de l’argent à dépenser à tire-larigot dans des tests répétitifs. Et dire que le Pacte pour un enseignement d’excellence a l’ambition de supprimer les orientations abusives d’enfants de familles populaires vers l’enseignement spécialisé. Pour cela, il faudra qu’elles aient les moyens de payer les diagnostics et que le Pacte ait la mesure de ses ambitions.

Une fois le diagnostic en main, Plusieurs actrices et acteurs peuvent demander la mise en places d’aménagements raisonnables :

  • Les représentants légaux de l’élève (s’il est mineur) ;
  • De l’élève (s’il est majeur) ;
  • Du CPMS ;
  • D’un·e enseignant·e membre du Conseil de classe ;
  • De la direction de l’établissement scolaire fréquenté par l’élève.

Les aménagements raisonnables sont alors obligatoirement mis en place. Il sont ensuite « élaborés et évalués, en fonction de la spécificité des besoins de l’apprenant et de leur évolution[15] ».

Cependant, rien n’interdit à un·e enseignant·e de mettre en place des aménagements raisonnables pour l’une ou l’un de ses élèves qu’elle/il estime porteuse/porteur d’un trouble spécifique des apprentissages, d’une maladie ou d’un handicap. Chacun·e peut (je dirais même… « doit ») se revendiquer de sa liberté pédagogique, dans l’intérêt supérieur d’un·e élève. Le mieux étant de mettre un/des aménagement·s raisonnable·s en place non pour un·e élève spécifique, mais d’en faire bénéficier toute la classe.

De nombreux·ses élèves n’ayant pas de « besoins spécifiques » éprouvent également des difficultés spécifiques d’apprentissages. L’un·e aura besoin de plus de temps pour comprendre, un·e autre aura besoin d’une aide individuelle dans un apprentissage spécifique (via le tutorat, par exemple), un·e dernière enfin aura besoin, pour apprendre, de se lever, de marcher, de s’asseoir par terre ou de silence total (qu’un casque anti-bruits peut permettre). Faire bénéficier tou·te·s les élèves de la mise en place des aménagements raisonnables fait que la classe/l’école « ordinaire » sera enfin en marche sur le chemin de la classe/école « inclusive ».

Comment les aménagements raisonnables sont-ils élaborés ?

Ceux-ci sont élaborés en fonction de la spécificité des besoins de l’enfant. Un enfant avec une dyslexie ou un autisme n’aura pas les mêmes besoins qu’un enfant mal-voyant, ou qu’un enfant hospitalisé devant suivre les cours par vidéo-conférence.

L’école doit organiser des réunions de concertation gérées par la direction, avec les différents partenaires impliqués dans la scolarité et les difficultés spécifiques de l’enfant, à savoir :

  • Les parents de l’élève (qui sont ceux qui le connaissent le mieux) ;
  • L’élève lui-même s’il/elle est majeur·e (obligation du Décret). Cependant, cela a du sens que l’enfant soit présent·e à ces réunions, même si elle/il est mineur·e. En effet, qui mieux qu’il/elle peut parler de ses difficultés ou facilités ? Malheureusement le Décret ne l’impose pas ;
  • La direction de l’école (ou sa/son délégué·e) ;
  • La/le tilulaire de la classe et les professeur·e·s concerné·e·s ;
  • Le CPMS de l’établissement ;
  • Un·e expert·e (membre du corps médical, paramédical, psychosocial ou d’un organisme public d’intégration des personnes en situation de handicap) peut être présent·e à la demande de l’élève si elle/il est majeur·e, ou par toute personne investie de l’autorité parentale ou qui assume la garde de fait de l’élève mineur. Cet·te expert·e « est susceptible d’éclairer les acteurs et partenaires sur la nature ou l’accompagnement des besoin(s) attesté(s) [16]».  Cette présence doit être acceptée par les autres partenaires institutionnels. Comme quoi, la mise en place d’aménagements raisonnables c’est bien, mais il ne faut pas trop bousculer l’école si elle ne le souhaite pas.

Sur base de ces réunions, la mise en place des aménagements raisonnables seront mis en place « dans les plus brefs délais[17] ».

Une fois que les aménagements raisonnables sont mis en place, on est tranquille ?

Heu…. Comment dire ???

Que nenni ! Ce Décret a été élaboré par des Parlementaires (ce qui est leur boulot), parce que la législation internationale va dans ce sens et que des écoles ne remplissaient pas leurs devoirs. Mais cela a surtout été rédigé dans l’objectif ne pas (trop) heurter les écoles (ce qui serait pourtant leur boulot). Ces dernières ont désormais priorité sur les enfants (en cela, les rédacteurs du Décret ont fait tout le contraire de leur boulot). On a lu que les enfants qui relèveraient de l’enseignement spécialisé sur la base d’un veux décret[18] (d’avant la Convention ONU) ne pouvaient pas bénéficier d’aménagements raisonnables. Il fallait surtout ne pas heurter…

Mais aussi et surtout, dorénavant « les aménagements matériels ou organisationnels ainsi les partenariats avec des acteurs externes relèvent » désormais « d’une décision du Pouvoir organisateur pour l’enseignement subventionné par la Communauté française ou du chef d’établissement pour l’enseignement organisé par la Communauté française. »

Autrement dit moi, Pouvoir Organisateur, je peux continuer ou arrêter la mise en place d’aménagements raisonnables selon mon bon vouloir ou celui de mon équipe éducative peu ou pas formée sur le plan pédagogique, voire encore, suite à une crise de déficience pédagogique d’un·e enseignant·e récalcitrant·e (et on sait que cela existe).

La preuve en est que « La nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques sont fixés par l’équipe éducative dans l’enseignement fondamental et par le conseil de classe, présidé par le chef d’établissement ou son représentant, dans l’enseignement secondaire ».

L’intérêt supérieur de l’enfant est ici bien secondaire.

Oups, on n’a pas de garantie, alors ???

Si, un peu quand même. Mais insuffisamment !

Les aménagements pédagogiques doivent être consignés dans un protocole. Ce dernier fixe les modalités et les limites des aménagements raisonnables. Il peut être conclu un partenariat avec des acteurs extra-scolaires (monde médical, paramédical, psychomédical ou organismes publics comme Phare ou l’Avic).  

Tous les aménagements et interventions prévus sur le plan pédagogique (à l’exclusion des autres aspects) font l’objet d’un P.I.A (plan individualisé d’apprentissage). Il s’agit d’un outil « co-construit  par  l’équipe  éducative  et  l’équipe  de  direction   en   vue   de   prendre   en   compte,   d’une   part,   des   difficultés   particulières  d’apprentissage  et,  d’autre  part,  des  besoins  spécifiques  des  élèves  issus  de  l’enseignement  spécialisé  ou  en  intégration  dans  le  cadre  décret   du   3   mars   2004   organisant   l’enseignement spécialisé.[19] »

« Le  PIA  énumère  des  objectifs  particuliers  à  atteindre  durant  une  période  que  fixe  le  Conseil  de  Classe.  Le  PIA  mentionne  cette  période.  Il  prévoit  des  activités  spécifiques  de  remédiation,  de  remise  à  niveau  ou  de  structuration  des  acquis,  de  construction  d’un  projet  scolaire  Il  précise  les  modalités organisationnelles instaurées, pour les atteindre (…)[20] »

Que faire si l’école ne veut pas mettre en place ou décide de son plein gré d’abandonner les aménagements raisonnables ?

L’élève majeur·e ou les représentant·e·s légales·aux de l’élève mineur·e peuvent adresser une demande de conciliation, par lettre recommandée ou par courrier électronique avec accusé de réception, auprès des services du Gouvernement qui tenteront une conciliation avec le Pouvoir organisateur ou le chef d’établissement.

En cas d’échec de la conciliation, les parents de l’élève mineur ou l’élève majeur ou toute personne investie de l’autorité parentale peuvent introduire un recours auprès de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif[21].

Que faire en cas de changement d’école ?

En cas de changement d’école, de cycle, de degré ou de niveau, à la demande des parents de l’élève mineur ou de l’élève lui-même s’il est majeur ou de toute personne investie de l’autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l’enfant mineur, le protocole visé ci-dessus sera transmis pour information à qui de droit par l’école qui l’a établi.

Plus sibyllin que cela, on ne trouve pas.

En théorie, l’école ayant établi le protocole fixant les aménagements raisonnables doit transmettre à l’école d’accueil copie de celui-ci. Dans les fait, fort heureusement, c’est l’école d’accueil qui accepte l’enfant en toute connaissance de cause, avec ses besoins spécifiques, qui en fait la demande.

Conclusion

L’école inclusive reste un beau rêve mais difficile de réaliser. L’accueil des enfants à besoins spécifiques demeure trop souvent un combat pour les familles qui doivent s’en remettre à la bonne volonté de directions et d’enseignant·e·s géniales·aux ou au contraire au refus de réactionnaires humainement et pédagogiquement incompétents.

On a vu que le Décret permettant la mise en place d’aménagements raisonnables n’a pas été confectionné pour les élèves à besoins spécifiques, ce que son titre aimerait à laisser penser, mais pour répondre à nos engagements internationaux, le tout dans le cadre d’un Pacte pour un enseignement d’excellence.

Les enfants qui ont un handicap « trop ou pas assez… quelque chose » ne peuvent pas en bénéficier, mais continuent à relever d’un enseignement ségrégué, contrairement à leurs droits fondamentaux. Quant à celles et ceux qui ont des difficultés d’apprentissages « moins grandes », ils/elles peuvent bénéficier d’aménagements raisonnables mais seulement selon le « bon ou mauvais » vouloir d’une équipe éducative qui peut les remettre en question à sa guise.

Tout aménagement raisonnable doit toujours être négocié, même une fois celui-ci mis en place. Il dépendra toujours (on l’a lu ci-dessus) du bon vouloir de quelques personnes, direction, enseignant·e·s, membres d’un PMS, etc. L’intégration d’un·e enfant à besoins spécifiques reste encore trop souvent un parcours du combattant, voire un vrai chemin de croix.

Cependant, et nous nous en réjouissons, il est de plus en plus d’écoles, de Pouvoirs organisateurs de chef·fe·s d’établissement qui se lancent corps et âmes sur le chemin d’une école inclusive et qui visent l’accueil de toutes les différences, malgré les difficultés. Simplement, parce qu’elles/ils sont humain·e·s et veulent l’assumer. 


[1] Convention internationale des Droits des Personnes handicapées, article 2 – ONU 2006

[2] UNIA – A l’école de ton choix avec un handicap

[3] UNIA – À l’école de ton choix avec un handicap – Les aménagements raisonnables dans l’enseignement, p 11.

[4] Décret relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination D. 12-12-2008 M.B. 13-01-2009

[5] L’art 4 précise le champ d’application du Décret, notamment à l’enseignement.

[6] Ibid. Article 3 § 9.

[7] Ibid. Article 5.

[8] Apporter une réponse cohérente aux plaintes des parents d’élèves à besoins spécifiques qui se voient refuser des aménagements raisonnables, Note de contexte, Direction de l’Egalité des Chances, 15/07/2015.

[9] Avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence OS 4.3 : Répondre aux besoins spécifiques des élèves dans l’enseignement ordinaire, p 244.

[10] Le VIF,  Ecole : enfants à besoins spécifiques, le droit aux aménagements raisonnables est bafoué, 27/08/2019.

[11] Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques, Article 4 § 1er.

[12] Convention Internationale relative aux Droits des Personnes Handicapées, ONU 13 décembre 2006

[13] Voir notre dossier sur les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS », 2019 – https://www.liguedroitsenfant.be/blog/2019/09/08/analyse-les-troubles-specifiques-des-apprentissages-ou-dys/

[14] Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques Article 4 § 1 « Le diagnostic justifiant la demande d’un ou plusieurs aménagement(s) raisonnable(s) date, dans tous les cas, de moins d’un an au moment où la demande est introduite pour la première fois auprès d’un établissement scolaire ».

[15] Ibid. Art 4 § 3

[16] Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques Art 4 § 3.

[17] Ibid. Art 4 § 4.

[18] Voir le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé

[19] Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement secondaire  D. 30-06-2006 M.B. 31-08-2006, Art 7 bis § 1.

[20] Ibid. Pour plus d’informations taper « Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement secondaire » sur un moteur de recherche citoyen.

[21] Lire l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux modalités de fonctionnement de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif, 04/09/2019

Vers une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles (suite)

Vers une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles (suite)

Pour une collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire[1]

Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**

*Professeur émérite (UMons) ** Directeur de l’école fondamentale Singelijn

Lire ici la première analyse

  • Une école inclusive, c’est …

Une école inclusive accueille tous les élèves (y compris ceux à besoins spécifiques), qui habitent dans un environnement proche dans le cadre d’une collaboration soutenue entre des équipes (celles d’une école ordinaire et d’une école spécialisée ainsi que des équipes AViQ et Phare) au bénéfice de tous les élèves, avec une transformation systémique des contenus, méthodes d’enseignement, approches, structures et stratégies en éducation.  

Si la réalisation d’une école inclusive s’inscrit donc dans une perspective systémique, nous n’aborderons ici que quelques modalités concrètes de mise en œuvre par les équipes éducatives d’une école inclusive, et particulièrement des enseignants, en nous limitant à l’enseignement fondamental. Ces modalités sont basées sur nombre de recherches internationales et de pratiques observées dans plusieurs pays. De plus, ces stratégies ne concernent pas les besoins spécifiques de certains groupes particuliers d’élèves, comme ceux qui ont des troubles sensoriels, ou encore un polyhandicap mais elles sont appropriées à l’ensemble des élèves ayant des besoins spécifiques. A titre d’illustration, vous trouverez dans l’ouvrage de Deprez (2010) « Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme » des exemples de certaines stratégies qui vont être présentées ci-dessous (disponible sur le site www.enseignement.be).

Enfin, la mise en place d’une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles s’appuie sur la Convention des droits des personnes handicapées et en particulier son article 24 (2005, approuvée par la Belgique en 2009) ainsi que sur la Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins spéciaux de l’UNESCO (1994).

  • Stratégies utilisées dans une école fondamentale inclusive

Etant donné le caractère systémique des propositions du Pacte pour un enseignement d’excellence, des changements s’imposent à tous les acteurs : le pouvoir politique, les pouvoirs organisateurs, les directions, les équipes des écoles, les parents des élèves et leurs associations, les élèves eux-mêmes, les centres PMS et autres services de diagnostic. Nous nous focaliserons dans ce texte uniquement sur les stratégies pédagogiques devant être utilisées dans une école fondamentale inclusive.

Ces stratégies sont multiples (pour davantage d’informations sur certaines d’entre elles, voir Magerotte et al., 2014). D’abord, les équipes éducatives de l’enseignement ordinaire ouvertes à une démarche inclusive et avec le soutien des équipes spécialisées, veillent en particulier à une organisation de la vie de la classe pour que chaque élève apprenne, via une démarche de co-enseignement. De plus, la collaboration de tous (professionnels, parents, élève) est renforcée dans une perspective d’individualisation via le P.I.A.. Ensuite, une attention particulière porte sur l’organisation du milieu de la classe et de l‘horaire de la journée de classe et des activités afin de répondre aux besoins de chaque élève, et notamment de l’élève à besoins spécifiques ; les stratégies pour améliorer la communication avec les élèves, notamment avec celui qui a des besoins importants ; la mise en place des activités d’apprentissage coopératif ; le travail avec le même matériel ou la même matière dans une classe/école inclusive ; le développement de la collaboration entre les élèves en organisant le tutorat au sein de la classe ; les aménagements raisonnables et en particulier des TIC et outils numériques ; une organisation systémique à trois niveaux pour les élèves ayant des comportements problématiques et orientée vers le développement de compétences sociales et socio-émotionnelles et enfin , l’organisation de relations entre les élèves hors de la classe (arrivées le matin, les récréations, les repas de midi, les « garderies » et les activités extrascolaires) afin que chacun en tire profit.

Dans ce texte, nous détaillerons davantage les deux premières stratégies de collaboration entre l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé mentionnées ci-dessus.

  • Que font les enseignants « ordinaires » et « spécialisés », dans une école fondamentale inclusive ?

La mise en place d’une école inclusive passe essentiellement par une collaboration de plus en plus étroite entre l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire. Actuellement, cette collaboration se limite à 4 h/semaine de soutien du personnel de l’enseignement spécialisé dans l’enseignement fondamental. Envisageons d’abord le rôle des enseignants, dans le cadre des dispositions actuelles.

L’enseignant ordinaire a la responsabilité de tous les élèves de sa classe et en particulier la responsabilité pédagogique des élèves « ordinaires ». De plus, il accueille les élèves ayant des besoins spécifiques ainsi que l’enseignant spécialisé et les autres professionnels concernés. Il gère des activités collectives et individuelles lorsque l’enseignant spécialisé n’est pas présent. Il collabore avec la structure de l’enseignement spécialisé, les parents et les autorités scolaires. Enfin, il collabore étroitement avec l’enseignement spécialisé pour les préparations et les discussions sur la gestion de la classe.

L’enseignant spécialisé a la responsabilité pédagogique des élèves ayant des besoins spécifiques. Il prépare et conduit le P.I.A. en collaboration avec le titulaire, les parents et les autres professionnels. Il coordonne les mesures prises dans le P.I.A.. Il prépare le matériel spécifique et les activités particulières pour l’élève. Il assure les tâches administratives (en relation avec l’école spécialisée). Il collabore avec le titulaire (préparation et discussion sur la gestion de la classe). De plus, il développe ses activités avec le titulaire dans le cadre d’un co-enseignement : il soutient l’élève à besoins spécifiques dans ses apprentissages pendant que l’enseignant ordinaire enseigne aux autres élèves ; Il soutient les autres élèves dans leurs apprentissages pendant que l’enseignant ordinaire enseigne ; il peut partager certains enseignements avec son collègue ordinaire, durant ses heures de présence dans la classe : ils enseignent donc tous deux et font un enseignement parallèle, chacun prenant en charge une partie de la classe. Une autre formule consiste à diviser la classe en trois groupes ; chaque professionnel travaille avec un groupe et le troisième groupe d’élèves travaille seul. Les élèves peuvent évidemment changer de groupe. De plus, dans la même perspective de collaboration, et en particulier de co-enseignement, il importe de préparer les leçons ensemble ainsi que l’évaluation formative, voire annuelle, tenant compte des P.I.A. « inclusifs » mis en place durant l’année. 

Attention ! Si l’enseignant spécialisé consacre la plupart du temps au suivi de l’élève à besoins spécifiques, cela mettra en évidence son statut d’élève « différent » et risquera de ne pas renforcer son autonomie, ni son estime de soi.

Cette formule d’enseignement en duo présente des avantages pour les deux professionnels : il permet un partage des tâches ainsi que des échanges entre eux. Le partage peut aussi être une solution temporaire en cas d’urgence (blessure d’un élève, bagarre, etc.).  Mais pour que cette collaboration se déroule dans les meilleures conditions, il importe d’être attentif aux besoins exprimés par les enseignants, d’abord besoin d’un soutien administratif (notamment pour disposer d’un temps de coordination). Ensuite, la compatibilité des tempéraments et des méthodologies utilisées, exigeant effort, flexibilité et compromis dans une perspective d’égalité, sera prise en compte avec le soutien de la direction.

D’autres professionnels peuvent également intervenir dans une école inclusive, soit appartenant à l’enseignement spécialisé (logopèdes, kinésithérapeutes, etc…) ou à un service d’accompagnement dépendant de l’AViQ ou de Phare (secteur handicap) ou d’un service de réadaptation ambulatoire ou encore de professionnels privés. Ce sera le rôle de l’enseignant spécialisé de gérer cette collaboration, en particulier dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du P.I.A.

Peut-on envisager une collaboration plus importante que 4h/semaine ? Cela semble possible lorsqu’une école accueille davantage d’élèves et peut répartir autrement les heures de collaboration, et privilégier une collaboration plus intensive dans une classe, au moins temporairement. La mise en place des pôles territoriaux devra faciliter ce développement.

  • Comment travailler tous ensemble (professionnels-élève-parents) autour de l’élève

Depuis le décret de 2004, le P.I.A. est l’outil principal pour la coordination des interventions auprès de l’élève à BS. Il est l’« outil méthodologique élaboré pour chaque élève et ajusté durant toute sa scolarité par le Conseil de classe, sur la base des observations fournies par ses différents membres et des données communiquées par l’organisme de guidance des élèves. Il énumère des objectifs particuliers à atteindre durant une période déterminée. C’est à partir des données du P.I.A. que chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire met en oeuvre le travail d’éducation, de rééducation et de formation » (art. 4, 19°). De plus, « L’élève et ses parents, à défaut leur délégué, sont invités à son élaboration » (art.32, §9 en date du 13 janvier 2011).

Etant donné que le P.I.A. est le fil rouge d’une vie scolaire de qualité de l’élève, sa mise au point et sa pratique se heurte à plusieurs difficultés. Nous mettrons ici l’accent sur l’information de l’élève et des parents – les premiers intéressés – et leur participation au P.I.A. tout au long du processus de sa mise en place, grâce à la mise en place d’un coordonnateur ? En effet, vu que le P.I.A. exige la collaboration de nombreux partenaires, il importe de désigner un coordonnateur du P.I.A., à charge pour lui de rassembler toute l’information auprès des différents partenaires de l’école (et hors école : parents, professionnels du centre de guidance, du secteur social et d’autres éventuels). Sa préoccupation principale est de penser à la globalité de l’élève et à la qualité de sa vie comme élève de cette école, d’identifier et de refléter l’accord entre tous les partenaires lors la rédaction du P.I.A. en fin ou après la réunion de décision. S’il est habituel dans l’enseignement d’accorder une grande importance au titulaire de la classe, il est légitime de s’interroger aussi sur le rôle des autres professionnels de l’école. Est-il raisonnable, dans certaines circonstances, de confier les tâches de coordination à un autre professionnel, apprécié évidemment par l’élève et ses parents ?

Cette mise au point du P.I.A. nécessite de bien préparer la réunion du conseil de classe qui devra décider du P.I.A. de chaque élève. Vu l’importance de l’équipe multidisciplinaire, l’équipe peut être contrainte, pour des raisons d’agenda, à fonctionner avec un groupe restreint de professionnels, à charge d’identifier, parmi ce petit groupe, les professionnels qui vont répercuter les décisions auprès des absents à cette réunion. D’abord, le coordonnateur recueille des informations auprès des premiers partenaires que sont l’élève et ses parents concernant leurs attentes et leurs projets via par exemple un questionnaire (éventuellement avec des indications visuelles pour ceux qui ont des difficultés à lire) ou une rencontre en famille ou à l’école. Il identifie particulièrement les forces et les besoins de soutien de l’élève et de sa famille, identifie les informations manquantes ou à rechercher, les évaluations à faire et au besoin, il reprend contact avec les professionnels concernés. Enfin, il prépare le document de synthèse reprenant notamment les finalités/buts et objectifs retenus par les différents participants. Il veille particulièrement à utiliser un langage positif pour refléter les préoccupations des parents et de l’élève, et aussi des professionnels concernés.

Ensuite, pendant la réunion de décision, confiée au Conseil de Classe, le coordonnateur présente le document de synthèse – complété éventuellement par des informations générales s’il s’agit d’un nouvel élève ou d’un élève dont le parcours familial, scolaire ou social a subi des changements importants. Il sollicite chacun pour identifier les éléments nouveaux depuis la précédente rencontre. C’est ensuite le rôle de l’équipe de prioriser – par consensus – les besoins de l’élève et de les traduire en buts et objectifs, ainsi que d’identifier les responsables de l’atteinte des divers objectifs. De plus, il importe de préciser aussi la période durant laquelle l’objectif sera travaillé et, en principe, atteint.

Cette réunion de décision n’est pas le lieu de discuter longuement des méthodologies à employer pour chacun des objectifs. Si le professionnel n’est pas à l’aise avec des décisions à prendre et s’interroge encore sur la méthodologie à employer, il sollicite l’appui d’un autre professionnel après la réunion, qu’il appartienne à l’école ou qu’il soit extérieur. Au besoin, en cas de difficultés pour un objectif important, l’équipe envisagera la possibilité de formations complémentaires ou d’appel à un collègue extérieur.

En fin de réunion, le coordonnateur, sur base du consensus,fait la synthèse et rédige le P.I.A. Il sera signé par chacun des partenaires et transmis à tous, y compris évidemment à l’élève et aux parents, si ces derniers n’ont pas participé à cette réunion de décision. Pour l’élève, et également pour certains parents ayant des difficultés de compréhension de la langue française, le coordonnateur prépare un P.I.A. adapté à leur niveau de compréhension. Dans tous les cas, l’accord de ces derniers est essentiel – sinon, comment assurer la collaboration de l’élève et la généralisation des acquis en famille ou l’apprentissage de compétences sans sa collaboration et/ou l’aide des parents ?

  Après cette réunion du Conseil de classe, les professionnels mettent les objectifs retenus au programme de l’élève et à leur programme d’intervenant, préparent le programme, l’appliquent et l’évaluent. Quant au coordonnateur, il assure un suivi avec les membres de l’équipe, via la mise en évidence des progrès réalisés par l’élève, les difficultés identifiées, éventuellement le renvoi vers d’autres professionnels, le tout dans une atmosphère encourageante et positive !

En conclusion, le P.I.A. constitue très certainement l’outil majeur pour assurer la coordination de toutes les interventions assurées dans la classe et dans l’école au bénéfice de chaque élève. Ill est le fil rouge de la scolarité de l’élève, avec la collaboration de l’élève, des professionnels et des parents !

Conclusion

L’éducation spécialisée en Wallonie et à Bruxelles entre donc dans une nouvelle perspective, associant au sein d’une école inclusive, les professionnels de l’enseignement spécialisé, sous l’appellation de « centres de ressources spécialisés en éducation inclusive », et de l’enseignement ordinaire. Une brève analyse de la législation concernant l’enseignement aux élèves à besoins spécifiques indique qu’après une phase de ségrégation, l’enseignement spécialisé est passé par des efforts significatifs d’intégration avant de déboucher sur une école inclusive dans le cadre du Pacte pour un Enseignement d’Excellence. Nous avons défini ce qu’est une école fondamentale inclusive et proposé une réflexion sur la méthodologie d’identification des besoins spécifiques. Enfin, nous avons rappelé un ensemble de stratégies, illustrées dans la littérature internationale, avant de développer deux stratégies focalisées sur la collaboration entre l’enseignement ordinaire et les équipes de l’enseignement spécialisé.  

Est-ce la mort de l’enseignement spécialisé ? Non, bien sûr ! Les équipes qui maîtrisent cette pédagogie adaptée ou différenciée en feront bénéficier tous les élèves à besoins spécifiques, sans les séparer six heures par jour et durant de longues années, de leurs camarades. En d’autres mots, les équipes spécialisées travailleront dans une école inclusive, au service du « vivre ensemble » de tous les élèves. Aller vers une école inclusive concerne donc tout le monde. L’élève à besoins spécifiques apprendra dans une situation habituelle en compagnie de ses condisciples ; confronté à la différence dans une atmosphère bienveillante, il développera l’estime de soi et il apprendra à vivre en groupe avec ses pairs. Quant à la dynamique de la classe, elle favorisera la différenciation méthodologique des pratiques des équipes éducatives et développera le « mieux vivre la différence » et le sens de l’empathie à l’égard des autres. Quant à la communauté scolaire toute entière, elle développera la solidarité entre tous les élèves, les équipes éducatives et les parents, préparant une société inclusive.

Enfin, si cet investissement vers une école inclusive suppose un investissement de tous les partenaires, chaque école inclusive est invitée à se construire comme une « Communauté d’Apprentissage Professionnelle » (CAP) définie comme ‘un réseau de soutien continu entre les membres d’une équipe-école où chacun contribue à la réussite de tous les élèves. La CAP se distingue par le questionnement continu qu’elle suscite sur les besoins des élèves et la formulation d’objectifs clairs, mesurables et orientés sur les apprentissages » (site www.CAP sur la réussite ; Leclerc et Labelle, 2013 ; Moreau et al., 2014).

[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.

Bibliographie :

Beaupré, P. (sous la direction de et avec la collaboration de Gabrielle Bouchard) (2014). Déficience intellectuelle et autisme. Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses universitaires du Québec.

Caraglio, M. & Gavini, Ch., (2018) L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie. Rapport au ministre de l’éducation nationale. Rapport numéro 2017-118. Paris : Inspection Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche (IGEAENR)

Communauté d’Apprentissage Professionnelle : www.CAP sur la réussite

Deprez, M. (2018). Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme. Disponible sur le site www.enseignement.be

Leclerc, M. & Labelle, J. (2013). Au cœur de la réussite scolaire : communauté d’apprentissage professionnelle et autres types de communautés. Education et francophonie, Vol XLI (2), 1-9.

Ligue des familles (2018). Retour sur l’après-midi E-MOBILE  7 mars 2018 Échanges sur le transport scolaire vers l’enseignement spécialisé organisés par le Délégué général aux droits de l’enfant, UNIA et la Ligue des familles. A consulter sur le site de la Ligue des familles.

Magerotte, G., Deprez, M. & Montreuil, N. (2014). Pratique de l’intervention individualisée tout au long de la vie. 2ème édition. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.

Moreau, C., Stanke, B. & Lafontaine, L. (2014). Ecoles inclusives fonctionnant en communauté d’apprentissage professionnelle comme intervention novatrice. Retombées sur les apprentissages en littératie. In Pauline Beaupré (sous la direction de et avec la collaboration de Gabrielle Bouchard). Déficience intellectuelle et autisme. Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses universitaires du Québec.

ONU (2005). Convention des droits des personnes handicapées. New-York : ONU.

UNESCO (1994). Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins spéciaux.

[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.

Pour une école inclusive : l’apprentissage coopératif – 2e partie

Pour une école inclusive : l’apprentissage coopératif – 2e partie

Lire le début de l’analyse en cliquant ici : Qu’est-ce que l’apprentissage coopératif ?

2. La classe coopérative

1.     Le climat

Une classe coopérative est un tout. Avant de faire partie d’une équipe, les élèves font partie d’un groupe-classe. Tous les élèves y sont considérés avec bienveillance et le climat y est propice à ce que chacun s’y sente bien à sa place. L’enseignante doit veiller à ce qu’il y règne un climat de confiance et d’ouverture entre les élèves mais également vis-à-vis d’elle-même. Chaque élève doit se sentir suffisamment à l’aise pour s’ouvrir aux autres et à l’enseignante.

Il est essentiel que des règles communes soient mises en place, via le Conseil de coopération. Les règles de la parole et des déplacements, les sanctions éventuelles doivent avoir été proposées, débattues et votées par les élèves. Cela prend du temps au début, mais au bout du compte, ce sera du temps gagné. Ces règles doivent susciter l’entraide. Dans la classe, les erreurs sont non seulement autorisées, mais souhaitées. L’erreur est source de savoirs nouveaux.

Les élèves doivent apprendre qu’ils peuvent demander de l’aide et qu’ils doivent en donner quand ils le peuvent. Sans ce climat d’entraide, la coopération en équipes sera peine perdue.

Le climat de la classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.

Le climat de la classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.

2.     Un lieu de droits

Une classe doit avant tout être un lieu de Droit. Seul le Droit permet les apprentissages. Lorsqu’un élève est victime d’injustices, de discrimination, de harcèlement, il n’est plus en capacité d’apprentissage. Si l’école ne peut influer sur le quotidien non scolaire des élèves, elle se doit, en son sein, d’être un lieu qui bannit les injustices sous toutes leurs formes et permet aux élèves de co-construire les règles du vivre ensemble au quotidien.

Pour Fernand Oury, fondateur de la pédagogie institutionnelle, c’est en prenant l’avis de toutes et tous que l’on progresse dans la vie quotidienne en groupe, en institution ; c’est en discutant des comportements, en les repérant et en les accompagnant, que l’insécurité devant l’agressivité se banalise et s’éduque[1].

Dans une classe coopérative, le Conseil de coopération est le lieu des décisions où s’élaborent les règles du vivre ensemble et les sanctions éventuelles. Le Conseil de coopération est différent du « Conseil de classe » : Le conseil de coopération « permet de faire de la classe le terrain d’entraînement de la vie citoyenne, en considérant les camarades comme les partenaires privilégiés de cette vie civique. C’est pour cela que l’on parle de mitoyenneté. Avoir d’abord le souci de la rencontre du voisin. [2]»

Les règles sont discutées, rappelées, remises en question, amendées, … au cours des années passées ensemble. Les enseignants ne sont plus à être juges et parties. Ils sont les garants des décisions du Conseil de coopération et doivent veiller à les faire respecter. Les élèves les respecteront d’autant plus qu’ils auront été partenaires de leur élaboration.

Les règles sont affichées en classe afin que tout le monde puisse s’en souvenir et s‘y référer.

Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble.

Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble. 

3.     Des élèves coopérateurs

Un climat positif favorise les habiletés coopératives : l’entraide, la solidarité, le partage, le souci des autres. Ils développent également des outils de communication en apprenant à participer à des apprentissages communs, à s’exprimer, à débattre, à écouter et respecter l’avis des autres. Il est important que l’enseignante mette en valeur ces habiletés au fur et à mesure qu’elles se construisent.

L’apprentissage coopératif ne va pas de soi. Les élèves n’y ont peut-être jamais été confrontés. Il est donc important, au début, de structurer fortement les interactions. L’apprentissage coopératif, on l’a vu, se différencie du travail d’équipe par la réalisation d’objectifs communs grâce à une interdépendance qui nécessite une pleine participation de chacun à l’activité. Cette participation n’est pas acquise au départ. Elle doit s’apprendre de manière progressive et doit donc être très cadrée au début.

Ce n’est qu’au fur et à mesure que les élèves maîtrisent progressivement les habiletés coopératives que l’enseignante leur laissera de plus en plus d’autonomie pour gérer eux-mêmes leur fonctionnement. C’est au début de cet apprentissage que les risques de conflit sont les plus élevés. L’apprentissage du rôle de maître de la parole ou de facilitateur, par tous les élèves, est une étape importante. Le fait que chaque élève doive se former à tour de rôle à cette mission fondamentale augmente évidement la période d’apprentissage.

Il y a une progression à respecter car celle-ci n’est pas la même pour tous les élèves. Selon la classe dans laquelle on enseigne, on tiendra compte de différents aspects : âge, formation coopérative préalable ou spécificités des élèves.

4.     Des habiletés coopératives

Se regrouper avec d’autres élèves, projeter d’apprendre ensemble n’est pas inné. Dans une classe « ordinaire », lors de « travaux d’équipes », des élèves sont exclus, mis sur le côté, rejetés parce que trop « faibles ». D’autres  se regroupent en « castes » pour avoir un meilleur résultat de groupe. Des conflits éclatent qui conduisent à l’abandon d’activités et au découragement des enseignantes.

Coopérer avec ses pairs est extrêmement exigeant. Il s’agit d’être efficace et de s’assurer que personne n’est laissé pour compte. Coopérer avec les autres dans des apprentissages communs vise des objectifs qui ne sont pas que sociaux et affectifs. Les objectifs sont surtout cognitifs et ils doivent être réalisés avec les autres. La qualité des interactions entre les membres de l’équipe est primordiale. Il y a une interrelation fondamentale entre la quantité et la qualité de l’apprentissage coopératif.

Il faut donc que les élèves acquièrent des comportements de base : se mettre en place rapidement, centraliser les outils, distribuer les rôles, parler bas, optimiser les déplacements nécessaires, rester centré sur l’apprentissage, ne pas déranger les autres équipes, gérer les désaccords internes, s’entraider tout en tenant compte des objectifs d’apprentissage, communiquer, demander la parole, s’exprimer clairement, reformuler sa pensée, encourager, etc.

5.     Des équipes coopératives : L’apprentissage en équipes de coopération

Contrairement au travail d’équipe traditionnel, l’apprentissage en équipes coopératives exploite une variété de pratiques favorisant les interactions entre les élèves pour la réalisation d’une tâche.

L’interdépendance des élèves est la caractéristique essentielle des équipes coopératives. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être remplies :

  • Atteindre un objectif commun

L’enseignant doit proposer un objectif, un défi stimulant que les élèves doivent atteindre ensemble. C’est l’objectif qui va stimuler l’équipe et créer l’interdépendance en son sein.

  • Encourager l’interdépendance

L’enseignant doit encourager l’interdépendance en profitant des moyens à sa disposition : partage d’outils, responsabilisation des acteurs (selon les choix : maître de la parole ou facilitateur ou encore maître de la parole, secrétaire ou scripteur, messager, chronométreur ou maître du temps, lecteur, responsable du matériel, etc …). Les rôles confiés aux élèves favorisent l’interdépendance. Il est important que ces rôles ne soient pas toujours confiés aux mêmes élèves mais que chacun se les voie confiés à tour de rôle. Une structuration de l’activité qui veille à ce que chacun participe à la tâche favorise également l’interdépendance.

  • Une exigence forte : l’entraide

La règle première d’une équipe coopérative est l’entraide et chaque élève doit s’y engager. Chacune et chacun doit pouvoir, sans crainte, demander de l’aide ou se tromper. De même chaque élèves doit encourager les autres, donner du temps pour expliquer et aider les autres.

  • L’acceptation de toutes les différences

Les équipes coopératives sont hétérogènes. Elles se composent d’élèves ayant des capacités et des compétences différentes, mais également des spécificités et des caractères différents. L’acceptation de toutes les différences est essentielle à la cohésion de l’équipe et donc l’interdépendance entre ses membres. La composition des équipes doit veiller à mettre ensemble des élèves qui peuvent collaborer ensemble.

L’enseignant doit veiller à ce que le partenariat entre les élèves soit favorisé. Sans stimulation, la coopération n’est jamais gagnée. Il y a lieu de valoriser au quotidien le respect mutuel et celui de toutes les différences, l’entraide, le sens du partage, la communication non violente et le partage de toutes les valeurs de la coopération.

  • Responsabiliser l’élève

Chaque membre doit se sentir responsable de la réussite de l’équipe, tant au niveau du fonctionnement que de l’accomplissement de l’apprentissage. Chaque élève est à la fois responsable de la réussite de l’équipe, mais également de la réussite des autres.

  • La coopération entre équipes

La coopération ne se résume pas à l’intérieur d’une équipe. Dans une classe coopérative qui a une bonne expérience du travail coopératif, celui-ci s’envisage également entre équipes.

Comme pour le fonctionnement à l’intérieur des équipes, des règles doivent être établies ensemble afin de structurer les interrelations.

Il s’agira de choisir des projets communs à la classe, où le rôle de chaque équipe sera clairement défini, les contributions de chacune s’ajoutant les unes aux autres. Dans ce cas précis, le rôle de l’enseignante nécessite une supervision plus importante. Des réunions des maîtres de la parole peuvent être opportunes durant toute l’élaboration du projet. 

6.     Un enseignant facilitateur

Dans une classe coopérative, le rôle de l’enseignant est différent. Il veille à ce que l’entraide soit constante par la pratique du tutorat et, lorsque les élèves sont en apprentissage collectif, ile observe et facilite les choses en intervenant non plus comme dans un enseignement de type « frontal », mais en facilitant la communication entre élèves, en les encourageant et en leur apportant des rétroactions.

La gestion de la classe coopérative suppose de laisser de l’autonomie aux élèves. La gestion de la classe et la gestion des équipes de coopération doivent aller de pair, en s’appuyant sur les mêmes principes de solidarité, d’entraide et de respects mutuels. Toutes les règles de la vie en commun, que ce soit en classe ou dans une équipe coopérative doivent être cohérentes et garantir les objectifs de participation et de coopération.

L’enseignant garantit l’accès de tous les élèves à tous les savoirs. Pour cela, il s’appuie sur la classe coopérative et sur les équipes collaboratives. Il veille à ce que le tutorat soit efficace et encourage les tuteurs à être proactifs. Il suit les élèves à besoins spécifiques avec une attention particulière et veille à la mise en place et au respect d’aménagements raisonnables ciblés et efficaces. Il étend ces mêmes aménagements raisonnables à l’ensemble du groupe-classe, ce qui évitera toute forme de stigmatisation de l’une ou l’autre élève, et bénéficiera à tous.

L’enseignant permet l’apprentissage coopératif en déterminant les objectifs communs et les moyens qui permettent l’interdépendance positive dans les équipes coopératives. Il veille à ce que les responsabilités soient clairement établies en respectant un tour de rôle équitable et précise le mode d’évaluation de chaque apprentissage.

7.     Un enseignant (auto-)formé

Mettre en place la pédagogie de la coopération ne s’improvise pas. Selon qu’il s’agisse d’un projet d’établissement ou d’un projet personnel de l’enseignante, l’idéal est d’y aller progressivement, en formant l’équipe ou en se formant (ou s’auto-formant) au fur et à mesure. Tabler sur deux, voire trois années pour que la pédagogie de la coopération soit pleinement fonctionnelle dans une école ou une classe n’est pas un renoncement. Au contraire, il est important d’établir des bases solides, tant chez les élèves que dans la formation ou l’auto-formation des enseignantes. Cette (auto)-formation a besoin de temps pour mûrir et être efficace.

La première étape pourrait être la mise en place de la pédagogie institutionnelle. Celle-ci permet aux élèves de coopérer sur le plan institutionnel et de devenir acteurs des lois et règles de la classe et/ou de l’école.

Ou alors, l’enseignante pourrait décider de mettre préalablement en place le tutorat. Cette pratique fondamentale nécessite une formation pointue de chaque élève à la manière d’aider le plus efficacement un ou une camarade qui éprouve des difficultés dans leurs apprentissages. Cette formation doit bénéficier à tous les élèves car ils sont tous susceptibles d’aider un jour un camarade qui fait appel à eux.

En apprenant à interagir positivement avec les autres, en découvrant les bénéfices de la discussion et de la confrontation de points de vues différents, les élèves seront naturellement ouverts à aller plus loin et à entrer dans plus de coopération sur le plan des apprentissages.

L’auto-formation a l’avantage d’être continue mais aussi d’être libre. Après s’être fixé des objectifs à court ou très moyen terme (2 ans, voire 3 ans maximum), l’enseignante peut adapter sa formation personnelle en fonction de ses contraintes quotidiennes et les mettre en pratique au fur et à mesure. Il est des formations qui se donnent durant les vacances ; de nombreux livres de pédagogie traitent de la coopération, etc.

L’idéal – mais ce n’est pas toujours possible, surtout quand on est seule à vouloir changer les choses – est de coopérer avec des collègues au sein de son établissement scolaire, en mettant sur pied une ou des équipes de réflexion coopératives. En vivant soi-même la coopération, on découvre un moyen efficace d’adaptation au changement.

Quand utiliser la coopération ?

On peut – on doit – recourir à la coopération dans tous les apprentissages scolaires. Cependant, le travail structuré en équipes de coopération n’est pas possible pour toutes les matières scolaires.

Les équipes coopératives sont formées pour un temps relativement long (souvent un trimestre). Elles ont leur territoire en classe (tables ou bancs rapprochés) et vivent en collaboration au quotidien. Si l’enseignant est et doit rester le premier « remédiateur », le tutorat doit être constant au sein de l’équipe, durant les apprentissages coopératifs ou explicites. Chaque élève doit pouvoir y recevoir l’aide dont il a besoin, au moment où il en a besoin. La compétition y est abolie. Chaque élève est responsable de ses pairs et doit veiller à apporter l’aide dont il est capable.

L’équipe coopérative est aussi le lieu d’apprentissages individuels. Il est important que chacun se retrouve face à lui-même de temps à autres, avec la possibilité d’évoluer à son propre rythme. Ces apprentissages individuels restent cependant corrélés à l’obligation de tutorat. En effet, un élève plus lent aura sans doute besoin d’aide le moment venu.

Sauf consigne contraire de l’enseignant, les élèves peuvent décider d’apprendre selon leurs envies ou leurs besoins : seuls ou par deux.

L’apprentissage structuré en équipe coopérative prend parfois plus de temps que les apprentissages individuels. Selon le cas, l’enseignant peut décider de n’employer l’apprentissage en équipe qu’à certaines étapes de l’apprentissage ou seulement pour une partie de la « matière », le reste du temps étant laissé libre aux choix des élèves ou conditionné par lui.

L’initiation des élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles, la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les matières ou pour certaines parties de matières.

L’initiation des élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles, la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les matières ou pour certaines parties de matières.

Rôles de l’enseignant et des élèves dans l’apprentissage structuré en équipe de coopération

Dans une activité coopérative, les rôles sont bien définis. L’enseignant n’est plus là pour donner cours, mais pour susciter les interactions qui vont permettre aux équipes de réaliser une tâche plus ou moins complexe, en autonomie. Cette autonomie varie selon l’âge et l’expérience des élèves en coopération, ainsi que des objectifs à atteindre.

1.     Rôles de l’enseignant

L’enseignant fixe les objectifs de l’apprentissage, fournit les outils nécessaires (matériel, livres, tablettes, …) et aide les élèves à trouver l’information nécessaire à la tâche. Il prévoit également les grandes étapes à suivre, en favorisant une structure qui facilite la coopération. Il veille à ce que les rôles de chacun aient été distribués (en respectant le tour de rôle habituel). Le cas échéant, il prépare l’apprentissage par un moment plus explicite.

Durant l’activité, l’enseignant exerce une supervision discrète. Il ne laisse pas les élèves à eux-mêmes. Il cherche à savoir si les équipes sont sur la bonne voie et si elles s’acquittent de leurs tâches.  Il vérifie également si chacun s’acquitte du rôle qui lui a été attribué, tout en les laissant gérer le déroulement de l’activité et des échanges. Il rappelle le temps qui reste s’il a l’impression que des équipes ne tiennent pas les délais.

L’enseignant veille à l’ordre de la classe. Un apprentissage coopératif ne peut se faire sans lois, sans règles communes, définies préalablement en conseil de coopération de classe ou d’école. Les élèves ne se déplacent pas sans raison objective, le bruit généré par les discussions doit être raisonnable et permettre à toutes les équipes de remplir leur tâche, toutes les équipes n’ont pas besoin de l’enseignant en même temps, …

Enfin, il reste à disposition des équipes qui ont besoin de lui. Il intervient auprès des équipes pour améliorer ou corriger les travaux. Il repère rapidement les difficultés rencontrées par les équipes pour les corriger en posant les questions appropriées (stimulante et non directives) qui permettront aux équipes de corriger leur tir et produire ainsi un apprentissage de qualité.

L’enseignant veille à ce qu’il n’y ait pas de compétition entre les équipes coopératives. Celles qui ont terminé avant les autres s’occupent à des tâches silencieuses, de manière à permettre aux autres équipes de terminer leurs apprentissages dans une ambiance propice à la coopération et à la réflexion.

L’enseignant précise à chaque fois, avant l’apprentissage collaboratif, le mode d’évaluation de celui-ci.

2.     Rôles des élèves

Les élèves, selon leur degré d’autonomie, suivent la méthode proposée par l’enseignant ou décident de la manière dont ils vont atteindre l’objectif, ainsi que de ce que chacun va faire. Ils règlent les problèmes internes (divergences, conflits, gestion du temps, …), ainsi que le calme (chuchotement, parler bas) et l’ordre au sein de leur équipe. Ils effectuent leurs apprentissages sous la direction du maître de la parole du jour, qui distribue la parole équitablement et stimule ceux qui ne seraient pas motivés. Une fois la tâche terminée, le maître de la parole veille à ce que l’équipe respecte le calme de manière à ne pas perturber les équipes qui sont encore en apprentissage.

Composition des équipes

Il y a de nombreuses manières d’organiser des équipes. Des groupes peuvent être formés par les élèves en fonction de leur maturité, ou fondés sur l’amitié, sur les intérêts, sur la proximité dans la classe, des groupes choisi au hasard ou formés par les enseignants.

1.     Les regroupements spontanés

Les regroupements spontanés permettent aux élèves de se consulter rapidement ou de corriger collectivement des exercices. Ces regroupements peuvent s’inscrire dans le cadre d’un groupe-classe, mais également au sein d’une équipe coopérative instituée. Ce sont des regroupements qui durent peu de temps et ne nécessitent pas d’infrastructure particulière pour les accueillir (un coin de classe leur suffit). Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes.

2.     Les regroupements d’intérêt

Ceux-ci regroupent les élèves en fonction de leurs centres d’intérêt. Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes. Ces regroupements sont souvent utilisés dans la pédagogie par projets.

3.     Les regroupements hétérogènes stables

Ce sont ceux que nous privilégions. Si l’objectif de l’Ecole est bien de former des citoyennes et des citoyens capables, plus tard, de vivre et de travailler avec des personnes différentes de par leur identité de genre, leurs préférences sexuelles, leur culture, leur religion, leurs spécificités physiques ou intellectuelles, il est important de les mettre en contact avec un milieu qui soit le plus multiculturel possible.

C’est dans un groupe hétérogène que les élèves peuvent apprendre le mieux, aussi bien sur le plan scolaire que sur le plan social. Il est donc important que ces groupes soient formés de manière à obtenir la plus grande diversité possible en leur sein.

Le regroupement doit tenir compte des compétences des élèves. La diversité des capacités permet aux élèves qui comprennent plus vite d’expliquer aux autres et d’ainsi progresser plus rapidement.   C’est d’autant plus important si on est dans un milieu multiculturel, ce qui permettra de comprendre et apprécier les valeurs et cultures des autres.

Il est important d’assurer la plus grande diversité de compétences possibles au sein de chaque équipe ainsi qu’un niveau de compétence à peu près égal entre les groupes. Le succès de l’apprentissage coopératif dépend précisément de cet éventail de capacités qu’on retrouve dans chaque équipe.

Une fois que les équipes sont formées, elles doivent le rester plusieurs mois. La confection des équipes est un travail d’orfèvre, tant est grande la difficulté de mettre des élèves tellement différents de par leurs origines, leur genre, leurs facilités ou leurs difficultés d’apprentissage, leurs handicaps et/ou besoins spécifiques, leurs cultures, leurs caractères, …, qu’il faut leur laisser du temps pour se connaître et savoir travailler ensemble.

Evaluation des apprentissages coopératifs (à compléter/adapter en fonction de ce que nous avons déjà dit de l’évaluation)

La formation initiale des enseignantes ne les a pas préparées à évaluer des apprentissages coopératifs. Il s’agit d’un changement de paradigme. Il s’agira que chaque enseignante modifie sa conception des évaluations-sanctions et se forme à l’évaluation formative, dont fait partie l’auto-évaluation des élèves. L’enseignante est la responsable de l’évaluation, mais elle doit faire appel au jugement des élèves.

Il est dont important que les tâches à effectuer soient conçues pour être évaluées formativement. Les consignes doivent être précises et elle doit veiller à ce que les élèves les suivent durant l’apprentissage commun.

Il y a lieu d’évaluer en fonction des objectifs fixés. Le regard critique des élèves sur leur apprentissage est fondamental car il leur permet d’acquérir les outils nécessaires pour évaluer leur progression dans leurs apprentissages ainsi que leurs habiletés en matière de coopération. 

On n’utilisera aucune note dans l’évaluation des apprentissages coopératifs.

Il est important que l’évaluation conscientise chaque élève qu’il est lié à son équipe par un sort commun. Il s’agit ici d’optimiser l’interdépendance positive entre les membres afin qu’ils soient encouragés à s’entraider au mieux.

  • Pour un travail coopératif dont le résultat est une « œuvre » commune, l’évaluation doit porter sur l’œuvre commune ;
  • Pour un travail coopératif dont le résultat est une « œuvre » individuelle, l’évaluation doit être individuelle ;
  • Pour un travail coopératif dont le résultat est une « œuvre » commune à laquelle chaque élève a apporté une contribution distincte, l’évaluation est une combinaison des apports individuels et du résultat commun.

L’évaluation des objectifs liés à la coopération comprend la rétroaction. Il s’agit de permettre à l’équipe de s’autoévaluer.



[1] La Pédagogie institutionnelle de Fernand Oury, sous la direction de Lucien Martin, Philippe Meirieu et Jacques Pain, Ed Matrice 2009.

[2] CONNAC Silvain (2013). Le conseil n’est pas un tribunal. Animation et Education, n°235-236, juillet-octobre, p.

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