Août 16, 2020 | Ecole - Education - Inclusion
- Les défis posés par l’accueil d’un élève avec déficience intellectuelle
dans l’enseignement ordinaire
Progresser dans le
sens d’une éducation inclusive à l’école va demander
- D’articuler les objectifs définis pour
l’ensemble des élèves avec les objectifs plus particuliers de l’élève avec
déficience intellectuelle
- D’utiliser les outils et
ressources existant dans chaque classe, dans chaque école pour mettre en place
un programme répondant aux besoins de tous
- Se référer aux compétences
transversales (savoir écouter, savoir raconter en choisissant les bons
supports, savoir poser des questions, etc.) pour construire sa démarche méthodologique
- Construire un bulletin axé sur la
progression dans les compétences et élaborer un portfolio pouvant suivre
l’élève tout au long de sa scolarité
- Penser une progression de l’élève
avec déficience intellectuelle sans viser nécessairement l’obtention d’une
certification finale (CEB,…)
- De se rappeler que tout enfant
apprend mieux par plaisir et curiosité et que la sphère relationnelle et
émotionnelle doit être prise en considération à tout moment
- Croire dans les potentialités de
tout enfant et proposer des défis d’apprentissage : les recherches
scientifiques basées sur un suivi longitudinal de cohortes d’élèves, montrent
que des apprentissages sont possibles au niveau de la littératie et de la
numératie.
- Penser en termes de parcours de
vie en prenant en compte les besoins de l’enfant une fois celui-ci devenu
adulte et ne le conduire pas à pas vers l’autodétermination
- Modifier radicalement notre mode
de partenariat avec les parents et ce, dès l’annonce de la déficience : en
effet, la manière dont ceux-ci sont amenés à découvrir le handicap et à exercer
leur parentalité face à cet enfant va les conduire ou non à aborder le monde
scolaire de manière positive et dans une optique d’éducation inclusive. Se
rappeler aussi que les structures précédant l’école (crèches, pré-gardiennats)
doivent également concevoir une approche inclusive.
- Sensibiliser les pairs de l’élève
à ce qu’implique la déficience afin de développer des interactions positives
entre élèves
- Sensibiliser les autres parents et
rencontrer leurs craintes quant à l’impact d’un enfant avec déficience
intellectuelle sur le groupe-classe en montrer les effets bénéfiques pour tous
les élèves
- Permettre à l’élève avec
déficience intellectuelle de rencontrer d’autres élèves ayant des
caractéristiques de fonctionnement similaires
- Veiller à assurer dès le départ de
l’accueil de l’élève en enseignement ordinaire, un suivi tout au long de sa
scolarité sans devoir se baser uniquement sur la bonne volonté d’un seul
enseignant mais en impliquant toute l’équipe éducative
- Arrêter de faire de l’intégration
un privilège pour l’enfant et sa famille : l’accueil en enseignement
ordinaire est un droit
- Rencontrer les peurs et
questionnements des enseignants, les informer, leur donner des ressources
adéquates et les aider de manière pragmatique (accompagnement sur site). A cet
égard, il s’agit de mieux coordonner les ressources existantes et les rendre
accessibles.
- Réfléchir à la manière dont les
ressources de l’enseignement spécialisé peuvent être mises à disposition de
l’enseignement ordinaire et de manière plus générale, envisager l’avenir de la
structure de l’enseignement spécialisé (soutien en enseignement ordinaire,
accueil d’élèves en situation de handicap très sévère, intervention
d’enseignants chevronnés dans la formation, etc.)
- Avoir un engagement clair de la
part des pouvoirs organisateurs dans le sens d’une évolution vers un
enseignement inclusif
- Associer tous les acteurs
concernés dans la communauté scolaire et autour de celle-ci (services d’aide
précoce, services d’aide à l’intégration, CRF mais aussi les médecins
généralistes, neurologues pédiatres). Plusieurs de ces acteurs sont amenés à
jouer un rôle de facilitateur, de médiateur dans le dispositif d’intégration.
- Quels sont les apports du
Pacte pour un enseignement d’excellence ?
Tout
comme le rappelle l’avis d’UNIA du 15 mars 2017, le Pacte confond intégration
et inclusion. De plus, la volonté est de limiter le nombre d’élèves dans
l’enseignement spécialisé à ceux pour lesquels des aménagements raisonnables
dans l’enseignement ordinaire ne s’avèrent pas suffisants (p 236 du Pacte).
Le
Pacte ne propose pas une stratégie bien définie pour faire évoluer notre
enseignement vers un enseignement plus inclusif.
Le
Pacte fait la distinction entre aménagements imposables et aménagements
conseillés, ce qui ne correspond pas à la Convention : les aménagements
sont obligatoires dans tous les cas et doivent être mis en place dès qu’ils
sont sollicités.
Ceci
étant, potentiellement positifs, à
savoir
- Le renforcement du partenariat parents-professionnels ;
- L’idée d’un dossier unique qui
suivrait l’enfant tout au long de sa scolarité
- Le rôle d’une expertise en
orthopédagogie qui viendrait de l’enseignement spécialisé
- L’obligation d’accueil et de mise
en place d’aménagements dans le cadre de pôles régionaux : l’idée serait
donc de développer des écoles inclusives par pôles territoriaux. Cette formule
risque évidemment de conduire au regroupement d’élèves dits à besoins
spécifiques dans des écoles que l’on qualifierait d’inclusives !
- Stigmatisation de l’élève : les procédures d’évaluation et
d’orientation
Sans nier la nécessité d’une évaluation correctement menée et de manière pluridisciplinaire, il importe de quitter un mode d’évaluation uniquement centré sur le relevé de déficiences et l’indication des écarts par rapport à une norme (vision très statique) pour adopter une évaluation plus qualitative et fonctionnelle des compétences de l’enfant en termes de profil des forces et faiblesses. L’évaluation ne doit pas contribuer à exclure l’enfant : nous observons encore beaucoup trop souvent que c’est sur la seule base du quotient intellectuel qu’un enfant est orienté vers l’enseignement spécialisé.
Une
telle démarche évaluative plus qualitative va permettre de réfléchir aux
adaptations qu’il s’agira de mettre en place en classe.
Ce
travail d’évaluation demande du temps et donc des moyens financiers.
Par
ailleurs le développement d’un dossier unique de l’enfant, qui puisse le suivre
et dans lequel sont consignés ses progrès, quel que soit le service fréquenté
est nécessaire pour assurer une coordination et une cohérence des interventions
dans le temps. Pour faciliter le partage entre les divers intervenants, on peut
concevoir un dossier informatisé.
Il
serait donc important que les formations données aux psychologues et aux
neuropsychologues soient davantage axées sur une évaluation dynamique. En
particulier les psychologues des CPMS et des centres agréés ne devrait plus
pratiquer l’orientation sur la seule base d’un diagnostic s
Par
ailleurs, l’ensemble des professionnels devraient mieux connaître les enjeux de
l’intégration et ceux de l’inclusion. Ces professionnels doivent prendre
conscience que toute stigmatisation de l’élève comme « incapable » va
marquer la personne à vie.
- Organiser le curriculum de
l’élève : quels apprentissages faut-il privilégier et comment ?
Il
s’agit d’approcher toute élève dans sa globalité avec un projet pense de
manière personnalisée. Le PIA est vu comme un outil rassembleur (et
obligatoire) avec consignation des attentes des parents et de l’élève, la
reconnaissance des divers obstacles aux apprentissages ainsi que les moyens
pour tenter de les surmonter. Ce PIA est aussi un outil de communication avec
le C.PMS et les divers partenaires extérieurs. C’est un outil de formation
réflexive. Il doit bien entendu reprendre les objectifs visés, les moyens que
l’on va dégager, la répartition des rôles de chacun, des critères sur lesquels
portera une évaluation ainsi qu’un échéancier. Idéalement ce PIA sera rédigé
dans un langage accessible à tous, dont l’élève.
Les
apprentissages sont à promouvoir tant sur le plan cognitif que socio-émotionnel
et ils doivent permettre de maintenir une bonne qualité de vie tant pour l’élève
que pour sa famille.
Les
contenus vont concerner les domaines du lire, écrire et calculer, la
communication, la socialisation, l’autonomie (capacité à faire des choix) et
l’indépendance fonctionnelle, l’acquisition de repères spatio-temporels,
l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires permettant
d’amplifier les domaines de l’estime de soi, de l’autodétermination, du
sentiment d’efficacité personnelle. La pédagogie devra s’adresser aux divers
sens (ouïe, vue, tact, odorat et goût). Il faut laisser l’enfant avec
déficience intellectuelle progresser à son rythme en s’appuyant sur ses
capacités développementales, en pensant à la nécessité des répétitions pour
consolider les acquis et en privilégiant les supports visuels.
Il
faut encourager l’investissement des espaces extérieurs en continuité avec
l’espace de la classe et comme support à divers apprentissages favorisant la
mobilisation de différentes formes d’intelligence.
La
pédagogie par projets, le travail coopératif (spontané et organisé) et le tutorat
seront ainsi facilités.
L’apport
d’une approche différenciée dans l’enseignement est aussi reconnu comme
favorisant les apprentissages de tous.
Comme
la littérature le recommande, il faut laisser l’enfant dans sa classe d’âge.
Enfin,
il est important que l’élève soit correctement installé en classe : l’aide
d’un ergothérapeute ou d’un kinésithérapeute peut s’avérer très utile.
Il
parait nécessaire de penser les soutiens présents dans l’école et dans la
classe comme non stigmatisant pour un élève en particulier. La personne
ressource devrait donc travailler avec le groupeclasse. Par ailleurs il s’agit
d’éviter de sortir l’élève de son groupe-classe pour des activités plus
individuelles.
Il
faut bien entendu disposer de moyens financiers adéquats pour mettre en place
certaines adaptations et disposer du matériel nécessaire, sans que l’enseignant
n’ait à payer du matériel de ses propres deniers.
L’idée
de donner un pot aux écoles pour leur permettre d’en disposer et se donner les
moyens humains et matériels nécessaires est évoquée. Le maître mot est la
souplesse, par exemple au niveau de la répartition des heures de l’enseignant qui
accueille des élèves avec déficience intellectuelle dans sa classe.
L’engagement
d’orthopédagogues (niveau bachelier) et d’orthopédagogues cliniciens (niveau
master) réfléchir l’organisation de la
classe et de l’école, apporter les ressources complémentaires utiles en
fonction des besoins, coordonner les interventionsun partenariat avec les
familles.
Parmi
les ressources externes à l’école, les services d’aide précoce, les services
d’aide à l’intégration, les CRF, et d’autres services (asbl, services
hospitaliers) tentent d’apporter une aide. Les conseillers pédagogiques ont un
rôle important à jouer. Les associations de parents devraient aussi contribuer
à l’évolution de l’école vers une école inclusive.
En
lien avec le projet autour de l’enfant et avec lui, il s’agit de dégager un
temps de concertation entre les divers acteurs dans le fonctionnement de la
classe et de l’école.
Le
rôle de la direction est mis en avant : il faut que toute l’équipe se
sente concernée par le projet d’évolution de l’école vers une école inclusive.
Contrairement
à l’idée généralement répandue, l’accueil d’un élève avec déficience
intellectuelle au niveau maternel n’est pas plus facile même si les contraintes
de l’évaluation sont absentes. Les enseignants de ce niveau ont un programme.
Plusieurs
enseignants signalent qu’ils doivent déjà faire face à une diversité de
difficultés chez les jeunes enfants.
Enfin,
nous avons vu qu’une vingtaine de projets de classes intégrées (appelées de
manière erronées « classes inclusives ») se sont développées. Ces
dispositifs ont chacun leur histoire et se présentent sous des formes
différentes. On peut penser que l’existence même de ces classes contribue à une
sensibilisation au sein de l’école. De plus, elles permettent à l’élève avec
déficience intellectuelle de ne pas se sentir seul au sein de l’école et de ne
pas être stigmatisé. Ces projets bénéficient d’une aide de la part de chargés
de mission. Il est important de souligner que les activités communes entre les
élèves de cette classe et les élèves des autres classes doivent être pensées et
organisées. La question est donc posée de savoir si ces classes p constituer
une démarche transitoire dans le cheminement d’une école vers une école
inclusive au sens propre.
- Sensibiliser à la différence
au sein de la classe, de l’école et maintenir les interactions entre élèves
avec déficience intellectuelle et ses pairs
Il
s’agit de travailler à la cohésion du groupe-classe et comme déjà mentionné
plus haut, les approches comme le tutorat, l’apprentissage coopératif y
contribuent.
Il
s’agit aussi de permettre à l’enfant avec déficience intellectuelle de se
présenter.
Les
activités d’information et de sensibilisation doivent s’adresser à l’ensemble
de la communauté scolaire. Le conseil de participation peut être utilisé comme
un espace d’échanges et de sensibilisation. Les parents de l’enfant avec
déficience intellectuelle doivent, tout comme les parents des autres enfants,
être impliqués dans une réflexion centrée sur l’intérêt de la démarche inclusive.
La communauté scolaire devient ainsi une communauté apprenante et créative.
Dans
le cadre de l’évolution de la classe, de l’école vers une structure inclusive,
les pairs doivent être considérés comme des partenaires incontournables.
- Partager des ressources et
(re)penser la formation tant initiale que continuée des professionnels
L’idée
du partage des expériences et des savoirs autour de la démarche inclusive
apparaît comme essentiel :au sein de l’école, entre les écoles, il s’agit
de mettre en place des forums d’échanges et de diffuser de petits documents
informatifs sans que ceux-ci ne soient présentés comme des
« recettes » toutes faites. La diffusion de brochures à la fois sur
la connaissance des droits et des procédures et à la fois sur le quoi faire et
comment, avec quels objectifs est perçue comme très utile. Des sites existent
et méritent d’être consultés : UNIA, ONE, Aviq, Phare, Inclusion asbl,
Prebs (Portail de référencement pour l’enfant à besoins spécifiques), sites de
diverses associations.
Le
concours de personnes adultes avec déficience intellectuelle (comme les membres
du Mouvement Personne d’Abord) a un rôle important à jouer pour informer sur
leur parcours propre et leur expérience et ainsi alimenter une réflexion.
Enfin,
les campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi à organiser en
se demandant quel est le message à faire passer et pour quel public
prioritaire.
En conclusion
Trois
phrases choc
- Pourquoi pas un droit au même titre que l’implant cochléaire, le port de lunettes, l’utilisation d’une voiturette. Et pourquoi doit-on encore négocier des aménagements qui de plus, sont dits dev être raisonnables ?
- Ce n’est pas aux parents de défendre le droit à l’Education pour leur enfant déficient dans le cadre d’une école d’enseignement ordinaire. Il faut une démarche plus globale de notre société.
- Pourquoi continue-t-on à confondre les concepts intégration et inclusion et pourquoi n’entrevoit-on pas les réels enjeux de la démarche inclusive ? Les initiés ne devraient-ils pas utiliser ces concepts de manière plus précise afin de ne pas promouvoir des représentations erronées au sein du monde de l’enseignement et plus largement au sein de la société.
21 novembre
2017, Synthèse du colloque par le Prof.ém. J.-J. Detraux, administrateur de la
Ligue des Droits de l’Enfant. La présente synthèse est basée sur les notes
prises au cours de la journée par Bénédicte Decleyre et JJ Detraux ainsi que
sur les diverses notes qui nous ont été adressées par les intervenants et par
des participants.
Jan 21, 2020 | Ecole - Education - Inclusion
Lire le début de l’analyse
L’école inclusive, une obligation pour l’institution scolaire ?
La Belgique a signé la Convention
et a ratifiée la Convention ONU. Celle-ci entrée en vigueur en 2009. Depuis, la
Belgique s’est engagée à respecter l’ensemble des droits qui sont repris dans
la Convention, tout comme elle s’est engagée à respecter toutes les obligations
qui en découlent, dont le droit fondamental des enfants à bénéficier d’un
enseignement inclusif. Il ne s’agit plus, ici, de petits arrangements internes
à la Communauté française qui s’est mitonnée un Pacte a minima, mais d’engagements internationaux qu’elle doit respecter.
Et ceux-ci ne sont pas a minima.
Cet article 24 s’applique-t-il
immédiatement ? Evidemment que non. On ne peut pas mettre immédiatement un
enseignement inclusif en place. Depuis 2009, 3000 élèves, seulement, ont pu
bénéficier de l’intégration qui est un premier pas vers l’école inclusive. Il faudra encore des années pour que l’école
le devienne réellement (même si des initiatives se mettent en place). Il s’agit
d’une réalisation progressive. Cependant, la Belgique a une « obligation spécifique et continue d’avancer
aussi promptement et effectivement que possible vers la pleine réalisation de
l’article 24[10] »
En attendant la réalisation d’un
enseignement inclusif, la
non-discrimination et les aménagements raisonnables sont une obligation
immédiate au sein de chaque école, de chaque classe.
La Communauté française, une bonne élève ?
Le Comté ONU des Personnes
handicapées, composé d’experts en matière de handicap, veille à l’application
au niveau international de la Convention et donc au respect de l’engagement de
chaque Etat. Le Comité ONU a dit être « préoccupé » parce que l’éducation
inclusive n’était pas garantie en Belgique. Le Comité a constaté qu’il y avait
un manque d’aménagements raisonnables au sein de l’école ordinaire, ce qui fait
que de trop nombreux élèves sont orientés vers l’enseignement spécialisé. Le
Comité recommande à la Belgique d’avoir une stratégie cohérente pour aller vers
une école inclusive. Le Comité a
relevé la « persistance de défis
importants quant à l’application intégrale du droit à l’éducation inclusive pour
les personnes handicapées ». Le Comité relève que l’enseignement spécialisé laisse les
enfants en situation de handicap isolés des autres enfants et précise que c’est une obligation non « compatible
avec le soutien de deux systèmes d’éducation : système d’éducation
ordinaire et spécialisé/ségrégé ».
Et l’avenir de l’enseignement spécialisé, dans tout
cela ?
L’avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence considère comme essentiel de favoriser
l’inclusion[11] ou le maintien dans l’enseignement ordinaire d’élèves
présentant des besoins spécifiques, moyennant des aménagements raisonnables, et
d’encourager l’intégration totale ou partielle d’élèves de l’enseignement
spécialisé dans l’enseignement ordinaire, moyennant un soutien spécifique de la
part des acteurs de l’enseignement spécialisé, tout en
« préconisant » de développer
une approche évolutive propre à l’école inclusive (…), réduire le nombre
d’élèves dans l’enseignement spécialisé au bénéfice de l’enseignement ordinaire
(…), la réforme de l’ « orientation », la réforme du mécanisme de l’intégration
; la refonte de l’enseignement spécialisé de type 8, et la suppression
progressive de l’envoi dans le spécialisé des enfants « Dys » (…) etc.
Il est clair que les travaux du Pacte ont intégré les recommandations de
l’ONU et visent à faire collaborer les deux systèmes d’enseignement :
ordinaire et spécialisé. Mais c’est un engagement a minima qui ne concerne en priorité que les élèves dirigés vers
l’enseignement de type 8 et qui ne devraient pas s’y trouver. Pourtant, nous
pouvons considérer que de moins en moins d’enfants en situation de handicap
intègreront l’enseignement spécialisé. En effet, les familles de plus en plus
nombreuses réclament les droits de leurs enfants et l’accès pour ceux-ci à une
société inclusive et ce, quel que soit leur handicap. Cela commence, bien
évidemment, par une école inclusive. Dès lors, nous n’avons pas trop le choix, nous
devrons nous adapter et adapter nos pratiques pédagogiques. Soit en devenant
une classe inclusive et donc en accueillant des enfants porteurs de handicaps
physiques et/ou intellectuels, soit, comme enseignante spécialisée, en
accompagnant ces enfants au sein de classes inclusives.
Il y a, fort heureusement, peu de chances que l’enseignement spécialisé ne
disparaisse à court ou moyen terme. Il faudra des décennies pour que les
enfants porteurs de handicaps plus importants aient accès à un enseignement
inclusif. Ce seront, en priorité, les élèves avec difficultés d’apprentissage
qui seront les premiers à bénéficier de ce type d’enseignement et d’enfants
porteurs de handicaps physiques ou de déficiences intellectuelles légères.
La suppression de l’enseignement spécialisé serait, par ailleurs, une
hérésie absolue. On sait combien l’enseignement « ordinaire » est peu
spécialisé et combien les élèves à besoin spécifique y rencontrent des
difficultés. Il suffit de voir le taux d’orientations vers l’enseignement
spécialisé de type 8. Actuellement, de nombreux enseignants spécialisés sont
déjà dans les classes ordinaires. Ils y accompagnent les élèves en intégration,
en soutien des enseignants de l’ordinaire. Le mouvement ira en s’accélérant au
fur et à mesure des intégrations. L’enseignement spécialisé ne disparaîtra
probablement pas, mais il changera profondément avec l’intégration scolaire.
La question qui mérite le débat n’est pas de savoir si nous sommes formés
pour cela ou non, pas plus de savoir si ce sera un nivellement par le bas ou
non[12],
mais bien de savoir si nous allons subir ce changement ou être les vecteurs de
ce changement[13].
Ainsi que vous l’avez lu, l’école inclusive est en marche et ne fera pas
marche arrière. On peut, évidemment, mener des combats d’arrière-garde qui,
n’en doutons pas, feront traîner quelques années l’école pour tous. Mais ce ne
sera ni au bénéfice de ces enfants, ni au bénéfice des enseignants. Il est donc
important que nous réfléchissions à la manière de transformer nos classes en
classes inclusives et nos écoles en écoles inclusives.
Nombre d’entre nous font de l’inclusion sans le savoir, mettant déjà des
aménagements raisonnables en place, qui permettent à de nombreux élèves ayant
des difficultés d’apprentissage et donc qui sont en situation de handicap, de
progresser, d’avancer et d’acquérir des savoirs sans – surtout – passer par la
case « échec » : remédiations, tutorat, temps additionnel, coopération,
empathie, droit à l’erreur, cercles de lecture, pédagogies actives, conseils de
coopération, etc…, toutes ces choses qui sont devenues habituelles au point
qu’on ne les remarque plus mais qui font que nombreuses sont les classes où les
aménagements raisonnables sont en place, sans que l’on nous l’ait jamais
demandé.
Il est donc essentiel que nous n’attendions pas que le changement nous
bouscule, mais de nous y préparer en faisant progressivement de nos classes,
déjà, des classes inclusives.
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Qu’est-ce qu’un aménagement « raisonnable » ?
La notion d’aménagement raisonnable est une notion de Droit qui vise à
favoriser l’égalité et la non-discrimination pour les personnes en situation de
handicap. Il s’agit de créer une exception au profit d’une personne afin
qu’elle puisse bénéficier des mêmes droits et d’un accès aux mêmes services que
les autres.
Selon
l’ONU, on entend par «
aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés
n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des
besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la
jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les
droits de l’homme (ou droits humains NDLR) et de toutes les libertés fondamentales[1].
Unia, l’ancien-Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme en donne la définition suivante : Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de réduire, autant que possible, les effets négatifs d’un environnement inadapté sur la participation d’une personne en situation de handicap à la vie en société[2].
Pourquoi parle-t-on d’aménagements raisonnables ? Il y a-t-il des aménagements non-raisonnables ?
Oui !
Le monde dans lequel nous vivons est, hélas, loin d’être parfait et certains aménagements nécessaires peuvent s’avérer trop coûteux, trop envahissants ou impossibles. La mise en place d’un ascenseur pour permettre à un·e élève à mobilité réduite d’aller dans une classe au 3e étage, s’avère par exemple, financièrement impossible pour de nombreuses écoles, voire impossible dans la structure d’un bâtiment donné. Le terme « raisonnable » doit être évalué à l’aune de différents critères comme le coût, la fréquence et la durée prévue de l’aménagement, l’impact sur l’organisation, l’impact de l’aménagement sur l’environnement des autres élèves et l’absence ou non d’alternatives[3].
Les aménagements raisonnables à l’école
C’est le Décret du 7 décembre 2017, « relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques » qui impose la mise en place d’aménagements raisonnables pour les élèves à besoins spécifiques, depuis le 1er septembre 2018.
Pourquoi un Décret « Aménagements raisonnables », alors qu’il y avait déjà un Décret « Anti-discrimination » ?
Malheureusement, il a été constaté que des écoles contournaient le Décret
antidiscrimination[4].
Celui-ci imposait déjà les aménagements raisonnables, mais n’était que trop peu
appliqué. Il précisait pourtant que « les aménagements
raisonnables sont des
mesures appropriées, prises
en fonction des
besoins dans une
situation concrète, pour
permettre à une
personne handicapée d’accéder,
de participer et de progresser
dans les domaines
visés à l’article
4[5], sauf
si ces mesures
imposent à l’égard
de la personne
qui doit les
adopter une charge
disproportionnée. Cette charge
n’est pas disproportionnée lorsqu’elle
est compensée de
façon suffisante par
des mesures existant
dans le cadre
de la politique publique menée concernant les
personnes handicapées[6] ».
Enfin, il insistait en précisant que « toute discrimination fondée
sur l’un des
critères protégés est interdite.[7] ».
Malgré cela, de nombreux enfants ne bénéficiaient pas d’aménagements
raisonnables, malgré la demande insistante des parents et le rappel du Droit.
Des écoles, des professeur·e·s prétextaient que « donner » des
aménagements raisonnables à certains enfants aurait été discriminatoire par
rapport à tous les autres ou que les enfants bénéficiant de certains
aménagements raisonnables (ordinateurs, calculettes, …) pouvaient
« tricher ».
Régulièrement, Unia a été contraint de rappeler à des écoles les droits de
leurs élèves à besoins spécifiques. Dans un rapport de 2015, Unia précise que 20% des signalements introduits auprès
du Centre en matière de
handicap touchent à l’enseignement. Ces signalements augmentent d’année en
année (31 signalements introduits en 2012, 62 en 2013, 87 en 2014) et 56,5%
concernent un refus ou absence d’aménagements raisonnables[8].
Il fallait doc passer à la vitesse supérieure, d’autant que le Pacte pour
un enseignement d’excellence prévoit « le principe d’une démarche évolutive doit être à la base de
l’organisation de l’école inclusive en FWB depuis l’enseignement maternel et
jusqu’à la fin de la scolarité de l’enfant, en confirmant le droit de chaque
élève d’être inscrit dans l’enseignement ordinaire, sans possibilité de refus
d’inscription au motif que l’école nécessiterait des aménagements raisonnables
ou que l’enfant ne serait pas capable d’assimiler la matière enseignée[9] ». L’école inclusive
est définie comme « permettant à un élève
à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire
moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel,
pédagogique et/ou organisationnel ».
Mais tout n’est pas réglé pour autant. Un an après la mise en œuvre du Décret, l’Ufapec dénonçait le refus de certaines écoles d’appliquer le décret[10] : « Il n’y a pas une semaine qui passe sans que des parents (d’enfants à besoins spécifiques) nous appellent pour nous dire : on nous refuse un aménagement raisonnable! »
Qui peut bénéficier d’aménagements raisonnables ?
Tout élève de l’enseignement ordinaire, fondamental et secondaire, qui
présente des « besoin(s) spécifique(s) », (…) est en droit de bénéficier
d’aménagements raisonnables matériels, organisationnels ou pédagogiques
appropriés (…)[11].
Cependant, le Décret ajoute un bémol qui empêche certains élèves de pouvoir en
bénéficier, car il précise « pour
autant que sa situation ne rende pas indispensable une prise en charge par
l’enseignement spécialisé les dispositions du décret
du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé. ». Selon nous, cette restriction va à
l’encontre de l’article 24 de la CIDPH[12]
de l’ONU qui précise que « Les
personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres,
avoir accès, dans
les communautés où
elles vivent, à
un enseignement primaire
inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement
secondaire » également inclusif.
L’enseignement ségrégué (un enseignement qui place ses élèves à part / à l’écart de la société et ne leur fait pas apprendre avec les enfants dits « ordinaires », comme cela se passe dans notre enseignement spécialisé) n’est pas, par définition, un enseignement inclusif.
Qu’entend-on par élève à besoins spécifiques ?
Lorsqu’on parle de « besoins spécifiques », on parle en général
de troubles qui font qu’un·e enfant a plus de mal à apprendre que la majorité
des enfants de son âge, lorsqu’il/elle est dans une situation spécifique[13]
(lecture, calcul, rester assis·e, dessiner, se représenter dans l’espace, …) ou
d’enfants ayant un handicap ou une maladie qui les empêche d’apprendre comme
les autres ou les gêne dans leurs apprentissages.
Le Décret précise les besoins spécifiques comme étant des « besoins résultant d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanents ou semi-permanents d’ordre psychologique, mental, physique, psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire, fondamental ou secondaire. »
Comment demander à l’école la mise en place d’aménagements raisonnables ?
Préalablement à la mise en place d’aménagements raisonnables, le Décret
impose un diagnostic datant de moins d’un an[14].
C’est évidemment discriminatoire. Les parents d’un enfant dont un diagnostic
daterait de plus d’un an – ce qui est fréquent – devront repasser par la case
« Je dois payer » pour simplement voir confirmer que leur enfant a
toujours une dyslexie (on a une dyslexie à vie), une dyscalculie (idem), une
dyspraxie (re-idem), voire un autisme ou une surdité (re-re-re-idem). Il semble
que Kafka soit passé dans ce Décret, histoire de ne surtout pas trop perturber
les écoles. Rappelons que la détection d’un autisme prend… plus d’un an. Il est
bien connu également, que les familles populaires ont de l’argent à dépenser à
tire-larigot dans des tests répétitifs. Et dire que le Pacte pour un
enseignement d’excellence a l’ambition de supprimer les orientations abusives
d’enfants de familles populaires vers l’enseignement spécialisé. Pour cela, il
faudra qu’elles aient les moyens de payer les diagnostics et que le Pacte ait
la mesure de ses ambitions.
Une fois le diagnostic en main, Plusieurs actrices et acteurs peuvent demander
la mise en places d’aménagements raisonnables :
- Les
représentants légaux de l’élève (s’il est mineur) ;
- De
l’élève (s’il est majeur) ;
- Du
CPMS ;
- D’un·e
enseignant·e membre du Conseil de classe ;
- De la
direction de l’établissement scolaire fréquenté par l’élève.
Les aménagements raisonnables sont alors obligatoirement mis en place. Il
sont ensuite « élaborés et évalués, en
fonction de la spécificité des besoins de l’apprenant et de leur évolution[15] ».
Cependant, rien n’interdit à un·e enseignant·e de mettre en place des
aménagements raisonnables pour l’une ou l’un de ses élèves qu’elle/il estime
porteuse/porteur d’un trouble spécifique des apprentissages, d’une maladie ou
d’un handicap. Chacun·e peut (je dirais même… « doit ») se revendiquer
de sa liberté pédagogique, dans l’intérêt supérieur d’un·e élève. Le mieux
étant de mettre un/des aménagement·s raisonnable·s en place non pour un·e élève
spécifique, mais d’en faire bénéficier toute la classe.
De nombreux·ses élèves n’ayant pas de « besoins spécifiques » éprouvent également des difficultés spécifiques d’apprentissages. L’un·e aura besoin de plus de temps pour comprendre, un·e autre aura besoin d’une aide individuelle dans un apprentissage spécifique (via le tutorat, par exemple), un·e dernière enfin aura besoin, pour apprendre, de se lever, de marcher, de s’asseoir par terre ou de silence total (qu’un casque anti-bruits peut permettre). Faire bénéficier tou·te·s les élèves de la mise en place des aménagements raisonnables fait que la classe/l’école « ordinaire » sera enfin en marche sur le chemin de la classe/école « inclusive ».
Comment les aménagements raisonnables sont-ils élaborés ?
Ceux-ci sont élaborés en fonction de la spécificité des besoins de
l’enfant. Un enfant avec une dyslexie ou un autisme n’aura pas les mêmes
besoins qu’un enfant mal-voyant, ou qu’un enfant hospitalisé devant suivre les
cours par vidéo-conférence.
L’école doit organiser des réunions de concertation gérées par la
direction, avec les différents partenaires impliqués dans la scolarité et les
difficultés spécifiques de l’enfant, à savoir :
- Les
parents de l’élève (qui sont ceux qui le connaissent le mieux) ;
- L’élève
lui-même s’il/elle est majeur·e (obligation du Décret). Cependant, cela a du
sens que l’enfant soit présent·e à ces réunions, même si elle/il est mineur·e.
En effet, qui mieux qu’il/elle peut parler de ses difficultés ou
facilités ? Malheureusement le Décret ne l’impose pas ;
- La
direction de l’école (ou sa/son délégué·e) ;
- La/le
tilulaire de la classe et les professeur·e·s concerné·e·s ;
- Le
CPMS de l’établissement ;
- Un·e
expert·e (membre du corps médical, paramédical, psychosocial ou d’un organisme
public d’intégration des personnes en situation de handicap) peut être
présent·e à la demande de l’élève si elle/il est majeur·e, ou par toute
personne investie de l’autorité parentale ou qui assume la garde de fait de
l’élève mineur. Cet·te expert·e « est
susceptible d’éclairer les acteurs et partenaires sur la nature ou
l’accompagnement des besoin(s) attesté(s) [16]». Cette présence doit être acceptée par les
autres partenaires institutionnels. Comme quoi, la mise en place d’aménagements
raisonnables c’est bien, mais il ne faut pas trop bousculer l’école si elle ne
le souhaite pas.
Sur base de ces réunions, la mise en place des aménagements raisonnables seront mis en place « dans les plus brefs délais[17] ».
Une fois que les aménagements raisonnables sont mis en place, on est tranquille ?
Heu…. Comment dire ???
Que nenni ! Ce Décret a été élaboré par des Parlementaires (ce qui est
leur boulot), parce que la législation internationale va dans ce sens et que
des écoles ne remplissaient pas leurs devoirs. Mais cela a surtout été rédigé dans
l’objectif ne pas (trop) heurter les écoles (ce qui serait pourtant leur
boulot). Ces dernières ont désormais priorité sur les enfants (en cela, les
rédacteurs du Décret ont fait tout le contraire de leur boulot). On a lu que
les enfants qui relèveraient de l’enseignement spécialisé sur la base d’un veux
décret[18]
(d’avant la Convention ONU) ne pouvaient pas bénéficier d’aménagements
raisonnables. Il fallait surtout ne pas heurter…
Mais aussi et surtout, dorénavant « les aménagements matériels ou organisationnels ainsi les partenariats
avec des acteurs externes relèvent » désormais « d’une décision du Pouvoir organisateur pour
l’enseignement subventionné par la Communauté française ou du chef
d’établissement pour l’enseignement organisé par la Communauté française. »
Autrement dit moi, Pouvoir Organisateur, je peux continuer ou arrêter la
mise en place d’aménagements raisonnables selon mon bon vouloir ou celui de mon
équipe éducative peu ou pas formée sur le plan pédagogique, voire encore, suite
à une crise de déficience pédagogique d’un·e enseignant·e récalcitrant·e (et on
sait que cela existe).
La preuve en est que « La
nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques sont fixés par
l’équipe éducative dans l’enseignement fondamental et par le conseil de classe,
présidé par le chef d’établissement ou son représentant, dans l’enseignement
secondaire ».
L’intérêt supérieur de l’enfant est ici bien secondaire.
Oups, on n’a pas de garantie, alors ???
Si, un peu quand même. Mais
insuffisamment !
Les aménagements pédagogiques
doivent être consignés dans un protocole. Ce dernier fixe les modalités et les
limites des aménagements raisonnables. Il peut être conclu un partenariat avec
des acteurs extra-scolaires (monde médical, paramédical, psychomédical ou
organismes publics comme Phare ou l’Avic).
Tous les aménagements et
interventions prévus sur le plan pédagogique (à l’exclusion des autres aspects)
font l’objet d’un P.I.A (plan individualisé d’apprentissage). Il s’agit d’un outil « co-construit par
l’équipe éducative et
l’équipe de direction
en vue de
prendre en compte,
d’une part, des
difficultés particulières d’apprentissage et,
d’autre part, des
besoins spécifiques des
élèves issus de
l’enseignement spécialisé ou en intégration
dans le cadre
décret du 3
mars 2004 organisant
l’enseignement spécialisé.[19] »
« Le PIA énumère des objectifs particuliers à atteindre durant une période que fixe le Conseil de Classe. Le PIA mentionne cette période. Il prévoit des activités spécifiques de remédiation, de remise à niveau ou de structuration des acquis, de construction d’un projet scolaire Il précise les modalités organisationnelles instaurées, pour les atteindre (…)[20] »
Que faire si l’école ne veut pas mettre en place ou décide de son plein gré d’abandonner les aménagements raisonnables ?
L’élève majeur·e ou les
représentant·e·s légales·aux de l’élève mineur·e peuvent adresser une demande
de conciliation, par lettre recommandée ou par courrier électronique avec
accusé de réception, auprès des services du Gouvernement qui tenteront une
conciliation avec le Pouvoir organisateur ou le chef d’établissement.
En cas d’échec de la conciliation, les parents de l’élève mineur ou l’élève majeur ou toute personne investie de l’autorité parentale peuvent introduire un recours auprès de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif[21].
Que faire en cas de changement d’école ?
En cas de changement
d’école, de cycle, de degré ou de niveau, à la demande des parents de l’élève
mineur ou de l’élève lui-même s’il est majeur ou de toute personne investie de
l’autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l’enfant mineur, le
protocole visé ci-dessus sera transmis pour information à qui de droit par
l’école qui l’a établi.
Plus sibyllin que cela, on ne trouve pas.
En théorie, l’école ayant établi le protocole fixant les aménagements raisonnables doit transmettre à l’école d’accueil copie de celui-ci. Dans les fait, fort heureusement, c’est l’école d’accueil qui accepte l’enfant en toute connaissance de cause, avec ses besoins spécifiques, qui en fait la demande.
Conclusion
L’école inclusive reste un beau rêve mais difficile de réaliser. L’accueil
des enfants à besoins spécifiques demeure trop souvent un combat pour les
familles qui doivent s’en remettre à la bonne volonté de directions et
d’enseignant·e·s géniales·aux ou au contraire au refus de réactionnaires
humainement et pédagogiquement incompétents.
On a vu que le Décret permettant la mise en place d’aménagements
raisonnables n’a pas été confectionné pour les élèves à besoins spécifiques, ce
que son titre aimerait à laisser penser, mais pour répondre à nos engagements
internationaux, le tout dans le cadre d’un Pacte pour un enseignement
d’excellence.
Les enfants qui ont un handicap « trop ou pas assez… quelque
chose » ne peuvent pas en bénéficier, mais continuent à relever d’un
enseignement ségrégué, contrairement à leurs droits fondamentaux. Quant à
celles et ceux qui ont des difficultés d’apprentissages « moins grandes »,
ils/elles peuvent bénéficier d’aménagements raisonnables mais seulement selon
le « bon ou mauvais » vouloir d’une équipe éducative qui peut les
remettre en question à sa guise.
Tout aménagement raisonnable doit toujours être négocié, même une fois
celui-ci mis en place. Il dépendra toujours (on l’a lu ci-dessus) du bon
vouloir de quelques personnes, direction, enseignant·e·s, membres d’un PMS,
etc. L’intégration d’un·e enfant à besoins spécifiques reste encore trop
souvent un parcours du combattant, voire un vrai chemin de croix.
Cependant, et nous nous en réjouissons, il est de plus en plus d’écoles, de
Pouvoirs organisateurs de chef·fe·s d’établissement qui se lancent corps et
âmes sur le chemin d’une école inclusive et qui visent l’accueil de toutes les
différences, malgré les difficultés. Simplement, parce qu’elles/ils sont
humain·e·s et veulent l’assumer.
[1] Convention internationale des Droits des
Personnes handicapées, article 2 – ONU 2006
[2]
UNIA – A l’école de ton choix avec
un handicap
[3]
UNIA – À l’école de ton choix avec un handicap – Les aménagements raisonnables
dans l’enseignement, p 11.
[4] Décret relatif à la lutte contre certaines
formes de discrimination D. 12-12-2008 M.B. 13-01-2009
[5] L’art
4 précise le champ d’application du Décret, notamment à l’enseignement.
[6] Ibid. Article 3 § 9.
[7] Ibid. Article 5.
[8]
Apporter une réponse cohérente aux plaintes des parents d’élèves à besoins
spécifiques qui se voient refuser des aménagements raisonnables, Note de
contexte, Direction de l’Egalité des Chances, 15/07/2015.
[9]
Avis n°3 du Pacte pour un
enseignement d’excellence OS 4.3 : Répondre aux besoins spécifiques des
élèves dans l’enseignement ordinaire, p 244.
[10]
Le VIF, Ecole : enfants à besoins spécifiques, le
droit aux aménagements raisonnables est bafoué, 27/08/2019.
[11]
Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans
l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des
besoins spécifiques, Article 4 § 1er.
[12] Convention Internationale relative aux
Droits des Personnes Handicapées, ONU 13 décembre 2006
[13]
Voir notre dossier sur les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »,
2019 – https://www.liguedroitsenfant.be/blog/2019/09/08/analyse-les-troubles-specifiques-des-apprentissages-ou-dys/
[14]
Décret relatif à
l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire
fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques Article
4 § 1 « Le diagnostic justifiant la
demande d’un ou plusieurs aménagement(s) raisonnable(s) date, dans tous les
cas, de moins d’un an au moment où la demande est introduite pour la première
fois auprès d’un établissement scolaire ».
[15]
Ibid. Art 4 § 3
[16] Décret
relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement
ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins
spécifiques Art 4 § 3.
[17]
Ibid. Art 4 § 4.
[18]
Voir le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé
[19]
Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement
secondaire D. 30-06-2006 M.B. 31-08-2006,
Art 7 bis § 1.
[20]
Ibid. Pour plus d’informations taper
« Décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de
l’enseignement secondaire » sur un moteur de recherche citoyen.
[21]
Lire l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux modalités
de fonctionnement de la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif,
04/09/2019
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
Pour une
collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de
l’enseignement ordinaire[1]
Ghislain Magerotte* et Dominique Paquot**
*Professeur émérite (UMons) **
Directeur de l’école fondamentale Singelijn
Lire ici la première analyse
- Une école inclusive, c’est …
Une école
inclusive accueille tous les élèves (y compris ceux à besoins spécifiques), qui
habitent dans un environnement proche dans le cadre d’une collaboration soutenue
entre des équipes (celles d’une école ordinaire et d’une école spécialisée ainsi
que des équipes AViQ et Phare) au bénéfice de tous les élèves, avec une transformation
systémique des contenus, méthodes d’enseignement, approches, structures et stratégies
en éducation.
Si la réalisation d’une école inclusive
s’inscrit donc dans une perspective systémique, nous n’aborderons ici que quelques
modalités concrètes de mise en œuvre par les équipes éducatives d’une école
inclusive, et particulièrement des enseignants, en nous limitant à
l’enseignement fondamental. Ces modalités sont basées sur nombre de recherches
internationales et de pratiques observées dans plusieurs pays. De plus, ces
stratégies ne concernent pas les besoins spécifiques de certains groupes
particuliers d’élèves, comme ceux qui ont des troubles sensoriels, ou encore un
polyhandicap mais elles sont appropriées à l’ensemble des élèves ayant des besoins
spécifiques. A titre d’illustration, vous trouverez dans l’ouvrage de Deprez
(2010) « Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme » des exemples
de certaines stratégies qui vont être présentées ci-dessous (disponible sur le
site www.enseignement.be).
Enfin,
la mise en place d’une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles s’appuie
sur la Convention des droits des personnes handicapées et en particulier
son article 24 (2005, approuvée par la Belgique en 2009) ainsi que sur la Déclaration
de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins spéciaux de
l’UNESCO (1994).
- Stratégies utilisées dans une école fondamentale
inclusive
Etant donné le
caractère systémique des propositions du Pacte pour un enseignement
d’excellence, des changements s’imposent à tous les acteurs : le pouvoir
politique, les pouvoirs organisateurs, les directions, les équipes des écoles,
les parents des élèves et leurs associations, les élèves eux-mêmes, les centres
PMS et autres services de diagnostic. Nous nous focaliserons dans ce
texte uniquement sur les stratégies pédagogiques devant être utilisées dans une
école fondamentale inclusive.
Ces stratégies sont multiples
(pour davantage d’informations sur certaines d’entre elles, voir Magerotte et
al., 2014). D’abord, les équipes éducatives de l’enseignement ordinaire ouvertes
à une démarche inclusive et avec le soutien des équipes spécialisées, veillent
en particulier à une organisation de la vie de la classe pour que chaque élève
apprenne, via une démarche de co-enseignement. De plus, la collaboration de
tous (professionnels, parents, élève) est renforcée dans une perspective
d’individualisation via le P.I.A.. Ensuite, une attention particulière porte
sur l’organisation du milieu de la classe et de l‘horaire de la journée de
classe et des activités afin de répondre aux besoins de chaque élève, et
notamment de l’élève à besoins spécifiques ; les stratégies pour améliorer
la communication avec les élèves, notamment avec celui qui a des besoins
importants ; la mise en place des activités d’apprentissage coopératif ; le
travail avec le même matériel ou la même matière dans une classe/école
inclusive ; le développement de la collaboration entre les élèves en organisant
le tutorat au sein de la classe ; les aménagements raisonnables et en
particulier des TIC et outils numériques ; une organisation systémique à
trois niveaux pour les élèves ayant des comportements problématiques et
orientée vers le développement de compétences sociales et socio-émotionnelles et
enfin , l’organisation de relations entre les élèves hors de la classe
(arrivées le matin, les récréations, les repas de midi, les
« garderies » et les activités extrascolaires) afin que chacun en
tire profit.
Dans ce texte, nous détaillerons
davantage les deux premières stratégies de collaboration entre l’enseignement
ordinaire et l’enseignement spécialisé mentionnées ci-dessus.
- Que font les enseignants
« ordinaires » et « spécialisés », dans une école fondamentale
inclusive ?
La mise en place d’une école inclusive passe essentiellement par une
collaboration de plus en plus étroite entre l’enseignement spécialisé et
l’enseignement ordinaire. Actuellement, cette collaboration se limite à 4
h/semaine de soutien du personnel de l’enseignement spécialisé dans
l’enseignement fondamental. Envisageons d’abord le rôle des enseignants, dans
le cadre des dispositions actuelles.
L’enseignant ordinaire a la responsabilité de tous les élèves de sa
classe et en particulier la
responsabilité pédagogique des élèves « ordinaires ». De plus, il
accueille les élèves ayant
des besoins spécifiques ainsi que l’enseignant spécialisé et les autres
professionnels concernés. Il gère des activités collectives et individuelles
lorsque l’enseignant spécialisé n’est pas présent. Il collabore avec la
structure de l’enseignement spécialisé, les parents et les autorités scolaires.
Enfin, il collabore étroitement avec l’enseignement spécialisé pour les
préparations et les discussions sur la gestion de la classe.
L’enseignant spécialisé a
la responsabilité pédagogique des élèves ayant des besoins spécifiques. Il prépare et conduit le P.I.A. en
collaboration avec le titulaire, les parents et les autres professionnels. Il coordonne
les mesures prises dans le P.I.A.. Il prépare le matériel spécifique et les
activités particulières pour l’élève. Il assure les tâches
administratives (en relation avec l’école spécialisée). Il collabore avec le
titulaire (préparation et
discussion sur la gestion de la classe). De plus, il développe ses activités
avec le titulaire dans le cadre d’un co-enseignement : il soutient
l’élève à besoins spécifiques dans ses apprentissages pendant que l’enseignant
ordinaire enseigne aux autres élèves ; Il soutient les autres élèves dans
leurs apprentissages pendant que l’enseignant ordinaire enseigne ; il peut
partager certains enseignements avec son collègue ordinaire, durant ses heures
de présence dans la classe : ils enseignent donc tous deux et font un
enseignement parallèle, chacun prenant en charge une partie de la classe. Une
autre formule consiste à diviser la classe en trois groupes ; chaque
professionnel travaille avec un groupe et le troisième groupe d’élèves travaille
seul. Les élèves peuvent évidemment changer de groupe. De plus, dans la même
perspective de collaboration, et en particulier de co-enseignement, il importe
de préparer les leçons ensemble ainsi que l’évaluation formative, voire
annuelle, tenant compte des P.I.A. « inclusifs » mis en place durant
l’année.
Attention ! Si l’enseignant
spécialisé consacre la plupart du temps au suivi de l’élève à besoins
spécifiques, cela mettra en évidence son statut d’élève « différent »
et risquera de ne pas renforcer son autonomie, ni son estime de soi.
Cette formule d’enseignement en duo présente des avantages pour les deux
professionnels : il permet un partage des tâches ainsi que des échanges entre
eux. Le partage peut aussi être une solution temporaire en cas d’urgence
(blessure d’un élève, bagarre, etc.).
Mais pour que cette collaboration se déroule dans les meilleures
conditions, il importe d’être attentif aux besoins exprimés par les
enseignants, d’abord besoin d’un soutien administratif (notamment pour disposer
d’un temps de coordination). Ensuite, la compatibilité des tempéraments et des
méthodologies utilisées, exigeant effort, flexibilité et compromis dans une
perspective d’égalité, sera prise en compte avec le soutien de la direction.
D’autres professionnels peuvent également intervenir dans une école
inclusive, soit appartenant à l’enseignement spécialisé (logopèdes,
kinésithérapeutes, etc…) ou à un service d’accompagnement dépendant de l’AViQ
ou de Phare (secteur handicap) ou d’un service de réadaptation ambulatoire ou
encore de professionnels privés. Ce sera le rôle de l’enseignant spécialisé de
gérer cette collaboration, en particulier dans le cadre de l’élaboration et de
la mise en œuvre du P.I.A.
Peut-on envisager une collaboration plus importante que 4h/semaine ?
Cela semble possible lorsqu’une école accueille davantage d’élèves et peut
répartir autrement les heures de collaboration, et privilégier une
collaboration plus intensive dans une classe, au moins temporairement. La mise
en place des pôles territoriaux devra faciliter ce développement.
- Comment travailler tous ensemble
(professionnels-élève-parents) autour de l’élève
Depuis le décret de 2004, le P.I.A. est l’outil principal pour la
coordination des interventions auprès de l’élève à BS. Il est l’« outil méthodologique élaboré pour
chaque élève et ajusté durant toute sa scolarité par le Conseil de classe, sur
la base des observations fournies par ses différents membres et des données
communiquées par l’organisme de guidance des élèves. Il énumère des objectifs
particuliers à atteindre durant une période déterminée. C’est à partir des
données du P.I.A. que chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire met en
oeuvre le travail d’éducation, de rééducation et de formation » (art. 4,
19°). De plus, « L’élève et ses
parents, à défaut leur délégué, sont invités à son élaboration » (art.32,
§9 en date du 13 janvier 2011).
Etant donné
que le P.I.A. est le fil rouge d’une vie scolaire de qualité de l’élève, sa
mise au point et sa pratique se heurte à plusieurs difficultés. Nous mettrons ici
l’accent sur l’information de l’élève et des parents – les premiers intéressés
– et leur participation au P.I.A. tout au long du processus de sa mise en place,
grâce à la mise en place d’un coordonnateur ? En effet, vu que le P.I.A.
exige la collaboration de nombreux partenaires, il importe de désigner un
coordonnateur du P.I.A., à charge pour lui de rassembler toute l’information
auprès des différents partenaires de l’école (et hors école : parents,
professionnels du centre de guidance, du secteur social et d’autres éventuels).
Sa préoccupation principale est de penser à la globalité de l’élève et à la
qualité de sa vie comme élève de cette école, d’identifier et de refléter
l’accord entre tous les partenaires lors la rédaction du P.I.A. en fin ou après
la réunion de décision. S’il est habituel dans l’enseignement d’accorder une
grande importance au titulaire de la classe, il est légitime de s’interroger
aussi sur le rôle des autres professionnels de l’école. Est-il raisonnable,
dans certaines circonstances, de confier les tâches de coordination à un autre
professionnel, apprécié évidemment par l’élève et ses parents ?
Cette mise
au point du P.I.A. nécessite de bien préparer la réunion du conseil de classe
qui devra décider du P.I.A. de chaque élève. Vu l’importance de l’équipe
multidisciplinaire, l’équipe peut être contrainte, pour des raisons d’agenda, à
fonctionner avec un groupe restreint de professionnels, à charge d’identifier,
parmi ce petit groupe, les professionnels qui vont répercuter les décisions auprès
des absents à cette réunion. D’abord, le coordonnateur recueille des
informations auprès des premiers partenaires que sont l’élève et ses parents
concernant leurs attentes et leurs projets via par exemple un
questionnaire (éventuellement avec des indications visuelles pour ceux qui ont
des difficultés à lire) ou une rencontre en famille ou à l’école. Il identifie
particulièrement les forces et les besoins de soutien de l’élève et de sa
famille, identifie les informations manquantes ou à rechercher, les évaluations
à faire et au besoin, il reprend contact avec les professionnels concernés.
Enfin, il prépare le document de synthèse reprenant notamment les
finalités/buts et objectifs retenus par les différents participants. Il veille
particulièrement à utiliser un langage positif pour refléter les préoccupations
des parents et de l’élève, et aussi des professionnels concernés.
Ensuite,
pendant la réunion de décision, confiée au Conseil de Classe, le coordonnateur
présente le document de synthèse – complété éventuellement par des informations
générales s’il s’agit d’un nouvel élève ou d’un élève dont le parcours
familial, scolaire ou social a subi des changements importants. Il sollicite
chacun pour identifier les éléments nouveaux depuis la précédente rencontre.
C’est ensuite le rôle de l’équipe de prioriser – par consensus – les besoins de
l’élève et de les traduire en buts et objectifs, ainsi que d’identifier les
responsables de l’atteinte des divers objectifs. De plus, il importe de
préciser aussi la période durant laquelle l’objectif sera travaillé et, en
principe, atteint.
Cette réunion
de décision n’est pas le lieu de discuter longuement des méthodologies à
employer pour chacun des objectifs. Si le professionnel n’est pas à l’aise avec
des décisions à prendre et s’interroge encore sur la méthodologie à employer,
il sollicite l’appui d’un autre professionnel après la réunion, qu’il
appartienne à l’école ou qu’il soit extérieur. Au besoin, en cas de difficultés
pour un objectif important, l’équipe envisagera la possibilité de formations
complémentaires ou d’appel à un collègue extérieur.
En fin de
réunion, le coordonnateur, sur base du consensus,fait la synthèse et
rédige le P.I.A. Il sera signé par chacun des partenaires et transmis à tous, y
compris évidemment à l’élève et aux parents, si ces derniers n’ont pas
participé à cette réunion de décision. Pour l’élève, et également pour certains
parents ayant des difficultés de compréhension de la langue française, le coordonnateur
prépare un P.I.A. adapté à leur niveau de compréhension. Dans tous les cas,
l’accord de ces derniers est essentiel – sinon, comment assurer la
collaboration de l’élève et la généralisation des acquis en famille ou
l’apprentissage de compétences sans sa collaboration et/ou l’aide des
parents ?
Après cette réunion du Conseil de classe, les
professionnels mettent les objectifs retenus au programme de l’élève et à leur
programme d’intervenant, préparent le programme, l’appliquent et l’évaluent. Quant
au coordonnateur, il assure un suivi avec les membres de l’équipe, via la mise
en évidence des progrès réalisés par l’élève, les difficultés identifiées,
éventuellement le renvoi vers d’autres professionnels, le tout dans une
atmosphère encourageante et positive !
En conclusion, le P.I.A. constitue très certainement l’outil majeur pour assurer la coordination de toutes les interventions assurées dans la classe et dans l’école au bénéfice de chaque élève. Ill est le fil rouge de la scolarité de l’élève, avec la collaboration de l’élève, des professionnels et des parents !
Conclusion
L’éducation spécialisée en Wallonie et à Bruxelles entre donc dans une
nouvelle perspective, associant au sein d’une école inclusive, les
professionnels de l’enseignement spécialisé, sous l’appellation de
« centres de ressources spécialisés en éducation inclusive », et de
l’enseignement ordinaire. Une brève analyse de la législation concernant l’enseignement
aux élèves à besoins spécifiques indique qu’après une phase de ségrégation, l’enseignement
spécialisé est passé par des efforts significatifs d’intégration avant de
déboucher sur une école inclusive dans le cadre du Pacte pour un Enseignement
d’Excellence. Nous avons défini ce qu’est une école fondamentale inclusive et
proposé une réflexion sur la méthodologie d’identification des besoins spécifiques.
Enfin, nous avons rappelé un ensemble de stratégies, illustrées dans la
littérature internationale, avant de développer deux stratégies focalisées sur
la collaboration entre l’enseignement ordinaire et les équipes de l’enseignement
spécialisé.
Est-ce la mort de l’enseignement spécialisé ? Non, bien sûr !
Les équipes qui maîtrisent cette pédagogie adaptée ou différenciée en feront
bénéficier tous les élèves à besoins spécifiques, sans les séparer six heures
par jour et durant de longues années, de leurs camarades. En d’autres mots, les
équipes spécialisées travailleront dans une école inclusive, au service du
« vivre ensemble » de tous les élèves. Aller vers une école inclusive
concerne donc tout le monde. L’élève à besoins spécifiques apprendra dans une
situation habituelle en compagnie de ses condisciples ; confronté à la
différence dans une atmosphère bienveillante, il développera l’estime de soi et
il apprendra à vivre en groupe avec ses pairs. Quant à la dynamique de la
classe, elle favorisera la différenciation méthodologique des pratiques des
équipes éducatives et développera le « mieux vivre la différence » et
le sens de l’empathie à l’égard des autres. Quant à la communauté scolaire toute
entière, elle développera la solidarité entre tous les élèves, les équipes
éducatives et les parents, préparant une société inclusive.
Enfin, si cet investissement vers une école inclusive suppose un investissement de tous les partenaires, chaque école inclusive est invitée à se construire comme une « Communauté d’Apprentissage Professionnelle » (CAP) définie comme ‘un réseau de soutien continu entre les membres d’une équipe-école où chacun contribue à la réussite de tous les élèves. La CAP se distingue par le questionnement continu qu’elle suscite sur les besoins des élèves et la formulation d’objectifs clairs, mesurables et orientés sur les apprentissages » (site www.CAP sur la réussite ; Leclerc et Labelle, 2013 ; Moreau et al., 2014).
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Bibliographie :
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de Gabrielle Bouchard) (2014). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
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de l’éducation nationale. Rapport numéro 2017-118. Paris : Inspection
Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche
(IGEAENR)
Communauté
d’Apprentissage Professionnelle : www.CAP sur la réussite
Deprez, M. (2018). Pour une pédagogie adaptée aux élèves avec autisme. Disponible sur le site www.enseignement.be
Leclerc, M.
& Labelle, J. (2013). Au cœur de la réussite scolaire : communauté
d’apprentissage professionnelle et autres types de communautés. Education et
francophonie, Vol XLI (2), 1-9.
Ligue des
familles (2018). Retour sur l’après-midi E-MOBILE 7 mars 2018 Échanges sur le transport scolaire
vers l’enseignement spécialisé organisés par le Délégué général aux droits de
l’enfant, UNIA et la Ligue des familles. A consulter sur le site de la Ligue
des familles.
Magerotte, G.,
Deprez, M. & Montreuil, N. (2014). Pratique
de l’intervention individualisée tout au long de la vie. 2ème édition.
Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Moreau, C., Stanke, B. &
Lafontaine, L. (2014). Ecoles inclusives fonctionnant en communauté d’apprentissage
professionnelle comme intervention novatrice. Retombées sur les apprentissages
en littératie. In Pauline Beaupré (sous la direction de et avec la
collaboration de Gabrielle Bouchard). Déficience intellectuelle et autisme.
Pratiques d’inclusion scolaire (pp. 7-44). Québec : Presses
universitaires du Québec.
ONU (2005). Convention
des droits des personnes handicapées. New-York : ONU.
UNESCO (1994).
Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour l’éducation et les besoins
spéciaux.
[1] Ce texte s’appuie sur une collaboration de longue date avec des parents d’un élève en situation de handicap et de professionnels dans le cadre de la Ligue des droits de l’enfant, animée par Jean-Pierre Coenen.
Déc 31, 2019 | Ecole - Education - Inclusion
2. La classe coopérative
1. Le climat
Une classe
coopérative est un tout. Avant de faire partie d’une équipe, les élèves font
partie d’un groupe-classe. Tous les élèves y sont considérés avec bienveillance
et le climat y est propice à ce que chacun s’y sente bien à sa place.
L’enseignante doit veiller à ce qu’il y règne un climat de confiance et
d’ouverture entre les élèves mais également vis-à-vis d’elle-même. Chaque élève
doit se sentir suffisamment à l’aise pour s’ouvrir aux autres et à
l’enseignante.
Il est essentiel
que des règles communes soient mises en place, via le Conseil de coopération.
Les règles de la parole et des déplacements, les sanctions éventuelles doivent
avoir été proposées, débattues et votées par les élèves. Cela prend du temps au
début, mais au bout du compte, ce sera du temps gagné. Ces règles doivent
susciter l’entraide. Dans la classe, les erreurs sont non seulement autorisées,
mais souhaitées. L’erreur est source de savoirs nouveaux.
Les élèves doivent
apprendre qu’ils peuvent demander de l’aide et qu’ils doivent en donner quand
ils le peuvent. Sans ce climat d’entraide, la coopération en équipes sera peine
perdue.
Le climat de la
classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau
du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.
Le climat de la classe doit être une préoccupation de tous les instants, que ce soit au niveau du groupe-classe ou au sein des équipes de coopération.
2. Un lieu de droits
Une classe doit avant tout être un lieu de Droit. Seul le Droit permet
les apprentissages. Lorsqu’un élève est victime d’injustices, de
discrimination, de harcèlement, il n’est plus en capacité d’apprentissage. Si
l’école ne peut influer sur le quotidien non scolaire des élèves, elle se doit,
en son sein, d’être un lieu qui bannit les injustices sous toutes leurs formes
et permet aux élèves de co-construire les règles du vivre ensemble au
quotidien.
Pour Fernand Oury, fondateur de la pédagogie institutionnelle, c’est en prenant l’avis de toutes et tous que
l’on progresse dans la vie quotidienne en groupe, en institution ; c’est en
discutant des comportements, en les repérant et en les accompagnant, que
l’insécurité devant l’agressivité se banalise et s’éduque[1].
Dans une classe coopérative, le Conseil de
coopération est le lieu des décisions où s’élaborent les règles du vivre
ensemble et les sanctions éventuelles. Le Conseil de coopération est différent
du « Conseil de classe » : Le
conseil de coopération « permet de faire de la classe le terrain d’entraînement
de la vie citoyenne, en considérant les camarades comme les partenaires
privilégiés de cette vie civique. C’est pour cela que l’on parle de
mitoyenneté. Avoir d’abord le souci de la rencontre du voisin. [2]»
Les règles sont
discutées, rappelées, remises en question, amendées, … au cours des années
passées ensemble. Les enseignants ne sont plus à être juges et parties. Ils
sont les garants des décisions du Conseil de coopération et doivent veiller à
les faire respecter. Les élèves les respecteront d’autant plus qu’ils auront
été partenaires de leur élaboration.
Les règles sont
affichées en classe afin que tout le monde puisse s’en souvenir et s‘y référer.
Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble.
Chaque élève peut faire appel au Conseil de coopération en cas de désaccord ou lorsqu’il désire faire une proposition visant à améliorer le vivre ensemble.
3. Des élèves coopérateurs
Un climat positif
favorise les habiletés coopératives : l’entraide, la solidarité, le
partage, le souci des autres. Ils développent également des outils de
communication en apprenant à participer à des apprentissages communs, à
s’exprimer, à débattre, à écouter et respecter l’avis des autres. Il est
important que l’enseignante mette en valeur ces habiletés au fur et à mesure
qu’elles se construisent.
L’apprentissage
coopératif ne va pas de soi. Les élèves n’y ont peut-être jamais été
confrontés. Il est donc important, au début, de structurer fortement les
interactions. L’apprentissage coopératif, on l’a vu, se différencie du travail
d’équipe par la réalisation d’objectifs communs grâce à une interdépendance qui
nécessite une pleine participation de chacun à l’activité. Cette participation
n’est pas acquise au départ. Elle doit s’apprendre de manière progressive et
doit donc être très cadrée au début.
Ce n’est qu’au fur
et à mesure que les élèves maîtrisent progressivement les habiletés
coopératives que l’enseignante leur laissera de plus en plus d’autonomie pour
gérer eux-mêmes leur fonctionnement. C’est au début de cet apprentissage que
les risques de conflit sont les plus élevés. L’apprentissage du rôle de maître
de la parole ou de facilitateur, par tous les élèves, est une étape importante.
Le fait que chaque élève doive se former à tour de rôle à cette mission
fondamentale augmente évidement la période d’apprentissage.
Il y a une
progression à respecter car celle-ci n’est pas la même pour tous les élèves.
Selon la classe dans laquelle on enseigne, on tiendra compte de différents
aspects : âge, formation coopérative préalable ou spécificités des élèves.
4. Des habiletés coopératives
Se regrouper avec
d’autres élèves, projeter d’apprendre ensemble n’est pas inné. Dans une classe
« ordinaire », lors de « travaux d’équipes », des élèves
sont exclus, mis sur le côté, rejetés parce que trop « faibles ».
D’autres se regroupent en
« castes » pour avoir un meilleur résultat de groupe. Des conflits
éclatent qui conduisent à l’abandon d’activités et au découragement des
enseignantes.
Coopérer avec ses
pairs est extrêmement exigeant. Il s’agit d’être efficace et de s’assurer que
personne n’est laissé pour compte. Coopérer avec les autres dans des
apprentissages communs vise des objectifs qui ne sont pas que sociaux et
affectifs. Les objectifs sont surtout cognitifs et ils doivent être réalisés
avec les autres. La qualité des interactions entre les membres de l’équipe est
primordiale. Il y a une interrelation fondamentale entre la quantité et la
qualité de l’apprentissage coopératif.
Il faut donc que les élèves acquièrent des comportements de base : se mettre en place rapidement, centraliser les outils, distribuer les rôles, parler bas, optimiser les déplacements nécessaires, rester centré sur l’apprentissage, ne pas déranger les autres équipes, gérer les désaccords internes, s’entraider tout en tenant compte des objectifs d’apprentissage, communiquer, demander la parole, s’exprimer clairement, reformuler sa pensée, encourager, etc.
5. Des équipes coopératives : L’apprentissage en équipes de coopération
Contrairement au
travail d’équipe traditionnel, l’apprentissage en équipes coopératives exploite
une variété de pratiques favorisant les interactions entre les élèves pour la
réalisation d’une tâche.
L’interdépendance
des élèves est la caractéristique essentielle des équipes coopératives. Pour ce
faire, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Atteindre un objectif commun
L’enseignant doit
proposer un objectif, un défi stimulant que les élèves doivent atteindre
ensemble. C’est l’objectif qui va stimuler l’équipe et créer l’interdépendance
en son sein.
- Encourager l’interdépendance
L’enseignant doit encourager l’interdépendance en profitant des moyens à sa disposition : partage d’outils, responsabilisation des acteurs (selon les choix : maître de la parole ou facilitateur ou encore maître de la parole, secrétaire ou scripteur, messager, chronométreur ou maître du temps, lecteur, responsable du matériel, etc …). Les rôles confiés aux élèves favorisent l’interdépendance. Il est important que ces rôles ne soient pas toujours confiés aux mêmes élèves mais que chacun se les voie confiés à tour de rôle. Une structuration de l’activité qui veille à ce que chacun participe à la tâche favorise également l’interdépendance.
- Une exigence forte : l’entraide
La règle première
d’une équipe coopérative est l’entraide et chaque élève doit s’y engager.
Chacune et chacun doit pouvoir, sans crainte, demander de l’aide ou se tromper.
De même chaque élèves doit encourager les autres, donner du temps pour
expliquer et aider les autres.
- L’acceptation de toutes les différences
Les équipes
coopératives sont hétérogènes. Elles se composent d’élèves ayant des capacités
et des compétences différentes, mais également des spécificités et des
caractères différents. L’acceptation de toutes les différences est essentielle
à la cohésion de l’équipe et donc l’interdépendance entre ses membres. La
composition des équipes doit veiller à mettre ensemble des élèves qui peuvent collaborer
ensemble.
L’enseignant doit
veiller à ce que le partenariat entre les élèves soit favorisé. Sans
stimulation, la coopération n’est jamais gagnée. Il y a lieu de valoriser au
quotidien le respect mutuel et celui de toutes les différences, l’entraide, le
sens du partage, la communication non violente et le partage de toutes les
valeurs de la coopération.
Chaque membre doit
se sentir responsable de la réussite de l’équipe, tant au niveau du
fonctionnement que de l’accomplissement de l’apprentissage. Chaque élève est à
la fois responsable de la réussite de l’équipe, mais également de la réussite
des autres.
- La coopération entre équipes
La coopération ne
se résume pas à l’intérieur d’une équipe. Dans une classe coopérative qui a une
bonne expérience du travail coopératif, celui-ci s’envisage également entre
équipes.
Comme pour le
fonctionnement à l’intérieur des équipes, des règles doivent être établies
ensemble afin de structurer les interrelations.
Il s’agira de choisir des projets communs à la classe, où le rôle de chaque équipe sera clairement défini, les contributions de chacune s’ajoutant les unes aux autres. Dans ce cas précis, le rôle de l’enseignante nécessite une supervision plus importante. Des réunions des maîtres de la parole peuvent être opportunes durant toute l’élaboration du projet.
6. Un enseignant facilitateur
Dans une classe
coopérative, le rôle de l’enseignant est différent. Il veille à ce que
l’entraide soit constante par la pratique du tutorat et, lorsque les élèves
sont en apprentissage collectif, ile observe et facilite les choses en
intervenant non plus comme dans un enseignement de type « frontal »,
mais en facilitant la communication entre élèves, en les encourageant et en
leur apportant des rétroactions.
La gestion de la
classe coopérative suppose de laisser de l’autonomie aux élèves. La gestion de
la classe et la gestion des équipes de coopération doivent aller de pair, en
s’appuyant sur les mêmes principes de solidarité, d’entraide et de respects
mutuels. Toutes les règles de la vie en commun, que ce soit en classe ou dans
une équipe coopérative doivent être cohérentes et garantir les objectifs de
participation et de coopération.
L’enseignant
garantit l’accès de tous les élèves à tous les savoirs. Pour cela, il s’appuie
sur la classe coopérative et sur les équipes collaboratives. Il veille à ce que
le tutorat soit efficace et encourage les tuteurs à être proactifs. Il suit les
élèves à besoins spécifiques avec une attention particulière et veille à la
mise en place et au respect d’aménagements raisonnables ciblés et efficaces. Il
étend ces mêmes aménagements raisonnables à l’ensemble du groupe-classe, ce qui
évitera toute forme de stigmatisation de l’une ou l’autre élève, et bénéficiera
à tous.
L’enseignant permet l’apprentissage coopératif en déterminant les objectifs communs et les moyens qui permettent l’interdépendance positive dans les équipes coopératives. Il veille à ce que les responsabilités soient clairement établies en respectant un tour de rôle équitable et précise le mode d’évaluation de chaque apprentissage.
Mettre en place la
pédagogie de la coopération ne s’improvise pas. Selon qu’il s’agisse d’un
projet d’établissement ou d’un projet personnel de l’enseignante, l’idéal est
d’y aller progressivement, en formant l’équipe ou en se formant (ou
s’auto-formant) au fur et à mesure. Tabler sur deux, voire trois années pour
que la pédagogie de la coopération soit pleinement fonctionnelle dans une école
ou une classe n’est pas un renoncement. Au contraire, il est important
d’établir des bases solides, tant chez les élèves que dans la formation ou
l’auto-formation des enseignantes. Cette (auto)-formation a besoin de temps
pour mûrir et être efficace.
La première étape
pourrait être la mise en place de la pédagogie institutionnelle. Celle-ci
permet aux élèves de coopérer sur le plan institutionnel et de devenir acteurs
des lois et règles de la classe et/ou de l’école.
Ou alors,
l’enseignante pourrait décider de mettre préalablement en place le tutorat.
Cette pratique fondamentale nécessite une formation pointue de chaque élève à
la manière d’aider le plus efficacement un ou une camarade qui éprouve des
difficultés dans leurs apprentissages. Cette formation doit bénéficier à tous
les élèves car ils sont tous susceptibles d’aider un jour un camarade qui fait
appel à eux.
En apprenant à interagir
positivement avec les autres, en découvrant les bénéfices de la discussion et
de la confrontation de points de vues différents, les élèves seront
naturellement ouverts à aller plus loin et à entrer dans plus de coopération
sur le plan des apprentissages.
L’auto-formation a
l’avantage d’être continue mais aussi d’être libre. Après s’être fixé des
objectifs à court ou très moyen terme (2 ans, voire 3 ans maximum),
l’enseignante peut adapter sa formation personnelle en fonction de ses
contraintes quotidiennes et les mettre en pratique au fur et à mesure. Il est
des formations qui se donnent durant les vacances ; de nombreux livres de
pédagogie traitent de la coopération, etc.
L’idéal – mais ce
n’est pas toujours possible, surtout quand on est seule à vouloir changer les
choses – est de coopérer avec des collègues au sein de son établissement
scolaire, en mettant sur pied une ou des équipes de réflexion coopératives. En
vivant soi-même la coopération, on découvre un moyen efficace d’adaptation au
changement.
Quand utiliser la coopération ?
On peut – on doit –
recourir à la coopération dans tous les apprentissages scolaires. Cependant, le
travail structuré en équipes de coopération n’est pas possible pour toutes les
matières scolaires.
Les équipes
coopératives sont formées pour un temps relativement long (souvent un
trimestre). Elles ont leur territoire en classe (tables ou bancs rapprochés) et
vivent en collaboration au quotidien. Si l’enseignant est et doit rester le
premier « remédiateur », le tutorat doit être constant au sein de
l’équipe, durant les apprentissages coopératifs ou explicites. Chaque élève
doit pouvoir y recevoir l’aide dont il a besoin, au moment où il en a besoin. La
compétition y est abolie. Chaque élève est responsable de ses pairs et doit
veiller à apporter l’aide dont il est capable.
L’équipe
coopérative est aussi le lieu d’apprentissages individuels. Il est important
que chacun se retrouve face à lui-même de temps à autres, avec la possibilité
d’évoluer à son propre rythme. Ces apprentissages individuels restent cependant
corrélés à l’obligation de tutorat. En effet, un élève plus lent aura sans
doute besoin d’aide le moment venu.
Sauf consigne
contraire de l’enseignant, les élèves peuvent décider d’apprendre selon leurs
envies ou leurs besoins : seuls ou par deux.
L’apprentissage
structuré en équipe coopérative prend parfois plus de temps que les
apprentissages individuels. Selon le cas, l’enseignant peut décider de
n’employer l’apprentissage en équipe qu’à certaines étapes de l’apprentissage
ou seulement pour une partie de la « matière », le reste du temps
étant laissé libre aux choix des élèves ou conditionné par lui.
L’initiation des
élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de
prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles,
la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période
d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à
l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon
l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de
manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les
matières ou pour certaines parties de matières.
L’initiation des élèves à la coopération ne se fait pas en quinze jours. Il est important de prendre le temps nécessaire. L’autonomie, l’apprentissage des différents rôles, la collaboration, …, tout cela prend plusieurs mois. Durant cette période d’apprentissage, les résultats des équipes vont progresser et le temps mis à l’exécution d’une tâche sera de plus en plus efficacement utilisé. Selon l’expérience des élèves, on peut utiliser le travail structuré en équipes de manière de plus en plus régulière, plusieurs fois par semaine, dans toutes les matières ou pour certaines parties de matières.
Rôles de l’enseignant et des élèves dans l’apprentissage structuré en équipe de coopération
Dans une activité coopérative, les rôles sont bien définis. L’enseignant n’est plus là pour donner cours, mais pour susciter les interactions qui vont permettre aux équipes de réaliser une tâche plus ou moins complexe, en autonomie. Cette autonomie varie selon l’âge et l’expérience des élèves en coopération, ainsi que des objectifs à atteindre.
1. Rôles de l’enseignant
L’enseignant fixe
les objectifs de l’apprentissage, fournit les outils nécessaires (matériel,
livres, tablettes, …) et aide les élèves à trouver l’information nécessaire à
la tâche. Il prévoit également les grandes étapes à suivre, en favorisant une
structure qui facilite la coopération. Il veille à ce que les rôles de chacun
aient été distribués (en respectant le tour de rôle habituel). Le cas échéant,
il prépare l’apprentissage par un moment plus explicite.
Durant l’activité,
l’enseignant exerce une supervision discrète. Il ne laisse pas les élèves à
eux-mêmes. Il cherche à savoir si les équipes sont sur la bonne voie et si
elles s’acquittent de leurs tâches. Il
vérifie également si chacun s’acquitte du rôle qui lui a été attribué, tout en
les laissant gérer le déroulement de l’activité et des échanges. Il rappelle le
temps qui reste s’il a l’impression que des équipes ne tiennent pas les délais.
L’enseignant veille
à l’ordre de la classe. Un apprentissage coopératif ne peut se faire sans lois,
sans règles communes, définies préalablement en conseil de coopération de
classe ou d’école. Les élèves ne se déplacent pas sans raison objective, le
bruit généré par les discussions doit être raisonnable et permettre à toutes
les équipes de remplir leur tâche, toutes les équipes n’ont pas besoin de
l’enseignant en même temps, …
Enfin, il reste à
disposition des équipes qui ont besoin de lui. Il intervient auprès des équipes
pour améliorer ou corriger les travaux. Il repère rapidement les difficultés
rencontrées par les équipes pour les corriger en posant les questions
appropriées (stimulante et non directives) qui permettront aux équipes de
corriger leur tir et produire ainsi un apprentissage de qualité.
L’enseignant veille
à ce qu’il n’y ait pas de compétition entre les équipes coopératives. Celles
qui ont terminé avant les autres s’occupent à des tâches silencieuses, de
manière à permettre aux autres équipes de terminer leurs apprentissages dans
une ambiance propice à la coopération et à la réflexion.
L’enseignant précise à chaque fois, avant l’apprentissage collaboratif, le mode d’évaluation de celui-ci.
2. Rôles des élèves
Les élèves, selon leur degré d’autonomie, suivent la méthode proposée par l’enseignant ou décident de la manière dont ils vont atteindre l’objectif, ainsi que de ce que chacun va faire. Ils règlent les problèmes internes (divergences, conflits, gestion du temps, …), ainsi que le calme (chuchotement, parler bas) et l’ordre au sein de leur équipe. Ils effectuent leurs apprentissages sous la direction du maître de la parole du jour, qui distribue la parole équitablement et stimule ceux qui ne seraient pas motivés. Une fois la tâche terminée, le maître de la parole veille à ce que l’équipe respecte le calme de manière à ne pas perturber les équipes qui sont encore en apprentissage.
Composition des équipes
Il y a de nombreuses manières d’organiser des équipes. Des groupes peuvent être formés par les élèves en fonction de leur maturité, ou fondés sur l’amitié, sur les intérêts, sur la proximité dans la classe, des groupes choisi au hasard ou formés par les enseignants.
1. Les regroupements spontanés
Les regroupements spontanés permettent aux élèves de se consulter rapidement ou de corriger collectivement des exercices. Ces regroupements peuvent s’inscrire dans le cadre d’un groupe-classe, mais également au sein d’une équipe coopérative instituée. Ce sont des regroupements qui durent peu de temps et ne nécessitent pas d’infrastructure particulière pour les accueillir (un coin de classe leur suffit). Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes.
2. Les regroupements d’intérêt
Ceux-ci regroupent les élèves en fonction de leurs centres d’intérêt. Ils ne sont pas nécessairement hétérogènes. Ces regroupements sont souvent utilisés dans la pédagogie par projets.
3. Les regroupements hétérogènes stables
Ce sont ceux que
nous privilégions. Si l’objectif de l’Ecole est bien de former des citoyennes
et des citoyens capables, plus tard, de vivre et de travailler avec des
personnes différentes de par leur identité de genre, leurs préférences
sexuelles, leur culture, leur religion, leurs spécificités physiques ou
intellectuelles, il est important de les mettre en contact avec un milieu qui
soit le plus multiculturel possible.
C’est dans un
groupe hétérogène que les élèves peuvent apprendre le mieux, aussi bien sur le
plan scolaire que sur le plan social. Il est donc important que ces groupes
soient formés de manière à obtenir la plus grande diversité possible en leur
sein.
Le regroupement
doit tenir compte des compétences des élèves. La diversité des capacités permet
aux élèves qui comprennent plus vite d’expliquer aux autres et d’ainsi
progresser plus rapidement. C’est
d’autant plus important si on est dans un milieu multiculturel, ce qui
permettra de comprendre et apprécier les valeurs et cultures des autres.
Il est important
d’assurer la plus grande diversité de compétences possibles au sein de chaque
équipe ainsi qu’un niveau de compétence à peu près égal entre les groupes. Le
succès de l’apprentissage coopératif dépend précisément de cet éventail de
capacités qu’on retrouve dans chaque équipe.
Une fois que les
équipes sont formées, elles doivent le rester plusieurs mois. La confection des
équipes est un travail d’orfèvre, tant est grande la difficulté de mettre des
élèves tellement différents de par leurs origines, leur genre, leurs facilités
ou leurs difficultés d’apprentissage, leurs handicaps et/ou besoins
spécifiques, leurs cultures, leurs caractères, …, qu’il faut leur laisser du
temps pour se connaître et savoir travailler ensemble.
Evaluation des apprentissages
coopératifs (à compléter/adapter en fonction
de ce que nous avons déjà dit de l’évaluation)
La formation
initiale des enseignantes ne les a pas préparées à évaluer des apprentissages
coopératifs. Il s’agit d’un changement de paradigme. Il s’agira que chaque
enseignante modifie sa conception des évaluations-sanctions et se forme à
l’évaluation formative, dont fait partie l’auto-évaluation des élèves. L’enseignante
est la responsable de l’évaluation, mais elle doit faire appel au jugement des
élèves.
Il est dont
important que les tâches à effectuer soient conçues pour être évaluées
formativement. Les consignes doivent être précises et elle doit veiller à ce
que les élèves les suivent durant l’apprentissage commun.
Il y a lieu
d’évaluer en fonction des objectifs fixés. Le regard critique des élèves sur
leur apprentissage est fondamental car il leur permet d’acquérir les outils
nécessaires pour évaluer leur progression dans leurs apprentissages ainsi que
leurs habiletés en matière de coopération.
On n’utilisera
aucune note dans l’évaluation des apprentissages coopératifs.
Il est important
que l’évaluation conscientise chaque élève qu’il est lié à son équipe par un
sort commun. Il s’agit ici d’optimiser l’interdépendance positive entre les
membres afin qu’ils soient encouragés à s’entraider au mieux.
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » commune, l’évaluation doit porter sur
l’œuvre commune ;
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » individuelle, l’évaluation doit être
individuelle ;
- Pour un travail coopératif dont le
résultat est une « œuvre » commune à laquelle chaque élève a apporté
une contribution distincte, l’évaluation est une combinaison des apports
individuels et du résultat commun.
L’évaluation des
objectifs liés à la coopération comprend la rétroaction. Il s’agit de permettre
à l’équipe de s’autoévaluer.
[1] La Pédagogie institutionnelle de Fernand Oury, sous la direction de
Lucien Martin, Philippe Meirieu et Jacques Pain, Ed Matrice 2009.
[2] CONNAC Silvain (2013). Le conseil n’est pas un tribunal. Animation et
Education, n°235-236, juillet-octobre, p.
55.