L’intégration en enseignement inclusif : une question de droits.

L’intégration en enseignement inclusif : une question de droits.

Depuis 2004, et surtout 2009, de plus en plus d’enfants sont intégrés dans l’enseignement ordinaire, alors qu’auparavant ils étaient ‘automatiquement’ dirigés vers l’enseignement spécialisé. Il est utile de se questionner sur les raisons de cette dynamique et sur les motivations qui animent la Communauté française[1] en promouvant l’intégration d’enfants en situation de handicap dans un enseignement « ordinaire » qui n’est pas habitué à les accueillir.

Nous sommes tous concernés par le cheminement vers l’École inclusive. Cela commence par l’intégration et les aménagements raisonnables. Aujourd’hui, il n’est pas une classe, pas un·e enseignant·e qui n’ait, face à lui, au moins un enfant en situation de handicap. Il est donc important de comprendre ce que l’on entend par là et les obligations légales qui découlent du Décret anti-discrimination[2].

L’intégration scolaire

L’intégration scolaire n’est pas neuve. Depuis toujours, des écoles et des enseignant·e·s de l’«ordinaire[3] »  intègrent des enfants porteurs de handicaps physiques ou intellectuels sans que ceux-ci ne fréquentent (peu ou prou) l’enseignement spécialisé. Cela avec beaucoup de bienveillance, plus ou moins de bonheur et, surtout, énormément de difficultés. Au siècle passé, on parlait d’ « intégrations scolaires pirates », car il n’y avait pas de cadre légal pour les organiser. Cela a changé le 3 mars 2004 ; le Décret organisant l’enseignement spécialisé, modifié par le décret du 5 février 2009 contenant des dispositions relatives à l’intégration des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire, organise l’intégration scolaire en partenariat avec l’enseignement spécialisé.

Dès lors, depuis 2004, la question n’est plus de savoir si, de manière générale, l’intégration d’enfants à besoinsspécifiques dans l’ordinaire est ou non une bonne chose. Aujourd’hui, il s’agit, tout simplement, d’un droit fondamental[4]. Ce droit avait déjà été défini une première fois par la Convention internationale des Droits de l’Enfant (20 novembre 1989) qui, en plus du droit à l’éducation sur base de l’égalité des chances (art 28 de la CIDE), parlait de concevoir l’aide fournie (…) de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l’éducation, à la formation (…), à la préparation à l’emploi et aux activités récréatives, et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel (…) (article 23 de la CIDE). Depuis 2006, la Convention des Droits des Personnes handicapée (ONU) a renforcé ce droit.

La Convention ONU de 2006 : un changement de paradigme

Avant 2006, on parlait d’un modèle médical du handicap. Les adultes et les enfants handicapés étaient « objets » de droits et la société et ses institutions (dont l’école) trouvaient normal de décider pour eux. Cette notion a été remplacée dans la Convention par un modèle social du handicap. Les personnes en situation de handicap sont enfin devenues « sujets » de droits. Elles peuvent donc décider pour elles-mêmes et la société se doit de respecter ce droit fondamental, sans plus décider à leur place.

Le handicap n’est plus seulement un problème médical mais le résultat d’une interaction avec des barrières environnementales. Ainsi, la maladie ou le handicap ne sont plus des problèmes. Les problèmes se trouvent dans un environnement qui n’est pas toujours adapté aux spécificités de la personne handicapée. C’est donc parce que l’environnement (rues, bâtiments, écoles, professionnels, …) n’est pas suffisamment adapté que ces personnes ne peuvent participer, sur pied d’égalité, à la vie en société.

Prenons l’exemple d’un enfant en chaise roulante : au XXe siècle, le modèle médical était de considérer que cet enfant avait eu une maladie ou un accident qui l’empêchait de faire usage de ses jambes. Si, en conséquence, il n’avait plus accès à son école parce que celle-ci n’était pas équipée de rampes et/ou d’ascenseur, c’était bien triste, mais on pouvait lui trouver une place dans une école adaptée pour enfants avec handicap physique. On le privait évidemment de son milieu social, mais on répondait à son problème physique. Le modèle social aujourd’hui affirme que c’est parce qu’il n’y a pas de rampes d’accès dans tous les bâtiments scolaires, dans tous les transports, etc., que cet enfant ne sait pas participer à la vie en société. Il faut donc mettre en place des aménagements raisonnables[5] qui lui permettront de bénéficier d’un enseignement inclusif.

L’enseignement inclusif. Pour qui ?

Un enseignement inclusif est destiné aux enfants en situation de handicap, c’est-à-dire aux enfants qui présentent des incapacités durables. Ces incapacités peuvent être physiques, mentales, intellectuelles et sensorielles. Ces incapacités entrent en interaction avec diverses barrières qui font obstacle à leur pleine participation à la société sur base de l’égalité avec les autres. La notion de situation de handicap est vaste et complexe, et concerne un nombre très important d’enfants (et d’adultes). Il ne s’agit pas seulement de handicaps intellectuels ou physiques : il peut également s’agir de maladies chroniques ou graves, ou d’élèves avec trouble·s de l’apprentissage (« dys »). La Convention ONU s’applique pour tous ces enfants, de même que la législation anti-discrimination, et ceux-ci ont droit à la mise en place d’aménagements raisonnables.

Comprendre le principe d’inclusion

Il y a quatre manières de définir la place de personnes en situation de handicap dans la société et, par corollaire, de définir la place des enfants à l’école[6] :

  1. L’exclusion : concerne les enfants en situation de handicap qui ne sont pas scolarisés. Ils sont à charge de leurs familles ou sont placés en centres d’accueil non scolaires. L’exclusion concerne quelques centaines d’enfants en CF ;
  2. La ségrégation : les enfants en situation de handicap sont placés dans un environnement différent que les personnes sans handicap. C’est le cas de l’école spécialisée. Dans notre enseignement, il y a une école pour les enfants sans handicap et une école spécialisée pour les enfants avec handicap. L’enseignement spécialisé accueille environ 36 600 enfants en CF[7].
  3. L’intégration : ce sont les mesures qui sont prises dans certaines conditions par la Communauté française et qui permettent à certaines enfants en situation de handicap d’intégrer la vie en société. Dans ce système, on ne parle pas d’une réelle mixité : l’école ordinaire s’adapte à l’enfant et l’enfant doit s’adapter à l’école. L’intégration concerne un peu plus de 3 500 enfants en CF.
  4. L’inclusion : Dans un système inclusif, tout est réfléchi dès le départ pour avoir un environnement adapté à l’ensemble des diversités de la population quelles qu’elles soient, y compris les personnes en situation de handicap[8] physique et/ou intellectuel.

Pour respecter ses engagements vis-à-vis de l’ONU, la Communauté française doit mettre en place des écoles inclusives et donc :

  • interdire l’exclusion de l’enseignement général ordinaire,
  • imposer un enseignement (primaire + secondaire) inclusif de qualité et gratuit à tous les niveaux,
  • imposer des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun,
  • mettre en place un accompagnement nécessaire et individualisé[9],
  • le tout dans un environnement qui optimise le progrès scolaire et la socialisation.

L’école inclusive, une obligation pour l’institution scolaire ?

La Belgique a signé et ratifiée la Convention ONU. Celle-ci est entrée en vigueur en 2009. Depuis, la Belgique et ses entités fédérées se sont engagés à respecter l’ensemble des droits qui sont repris dans la Convention, tout comme elles se sont engagées à respecter toutes les obligations qui en découlent, dont le droit fondamental des enfants à bénéficier d’un enseignement inclusif. Il ne s’agit plus, ici, de petits arrangements internes à la Communauté française qui s’est mitonnée un Pacte a minima, mais d’engagements internationaux qu’elle doit respecter. Et ceux-ci ne sont pas a minima.

Cet article 24 s’applique-t-il immédiatement ? Évidemment que non. On ne peut pas mettre immédiatement un enseignement inclusif en place. Depuis 2009, 3500 élèves, seulement, ont pu bénéficier de l’intégration qui est un premier pas vers l’école inclusive.  Il faudra encore des années pour que l’école le devienne réellement (même si des initiatives se mettent en place). Il s’agit d’une réalisation progressive. Cependant, la Belgique a une « obligation spécifique et continue d’avancer aussi promptement et effectivement que possible vers la pleine réalisation de l’article 24[10] »

En attendant la réalisation d’un enseignement inclusif, la non-discrimination et les aménagements raisonnables sont une obligation immédiate au sein de chaque école, de chaque classe.

La Communauté française, une bonne élève ?

Le Comté ONU des Personnes handicapées, composé d’experts en matière de handicap, veille à l’application au niveau international de la Convention et donc au respect de l’engagement de chaque État. Le Comité ONU a dit être « préoccupé » parce que l’éducation inclusive n’était pas garantie en Belgique. Le Comité a constaté qu’il y avait un manque d’aménagements raisonnables au sein de l’école ordinaire, ce qui fait que de trop nombreux élèves sont orientés vers l’enseignement spécialisé. Le Comité recommande à la Belgique d’avoir une stratégie cohérente pour aller vers une école inclusive. Le Comité a relevé la « persistance de défis importants quant à l’application intégrale du droit à l’éducation inclusive pour les personnes handicapées ». Le Comité relève que l’enseignement spécialisé laisse les enfants en situation de handicap isolés des autres enfants et précise que c’est une obligation non « compatible avec le soutien de deux systèmes d’éducation : système d’éducation ordinaire et spécialisé/ségrégé ».

Et les écoles, dans tout cela ?

L’avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence considère comme essentiel de favoriser l’inclusion[11] ou le maintien dans l’enseignement ordinaire d’élèves présentant des besoins spécifiques, moyennant des aménagements raisonnables, et d’encourager l’intégration totale ou partielle d’élèves de l’enseignement spécialisé dans l’enseignement ordinaire, moyennant un soutien spécifique de la part des acteurs de l’enseignement spécialisé, tout en « préconisant » de développer une approche évolutive propre à l’école inclusive (…), réduire le nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé au bénéfice de l’enseignement ordinaire (…), la réforme de l’ « orientation », la réforme du mécanisme de l’intégration ; la refonte de l’enseignement spécialisé de type 8, et la suppression progressive de l’envoi dans le spécialisé des enfants « Dys » (…) etc.

Il est clair que les travaux du Pacte ont intégré les recommandations de l’ONU et visent à faire collaborer les deux systèmes d’enseignement : ordinaire et spécialisé. Mais c’est un engagement a minima qui ne concerne en priorité que les élèves dirigés vers l’enseignement de type 8 et qui ne devraient pas s’y trouver. Pourtant, nous pouvons considérer que de moins en moins d’enfants en situation de handicap intègreront l’enseignement spécialisé. En effet, les familles de plus en plus nombreuses réclament les droits de leurs enfants et l’accès pour ceux-ci à une société inclusive et ce, quel que soit leur handicap. Cela commence, bien évidemment, par une école inclusive. Dès lors, les écoles n’ont pas trop le choix, elles devront s’adapter et adapter leurs pratiques pédagogiques. Ou, pour les enseignements « frontaux », mettre enfin des pratiques pédagogiques validées en place.

Ainsi que vous l’avez lu, l’école inclusive est en marche et ne fera pas marche arrière. On peut, évidemment, mener des combats d’arrière-garde qui, n’en doutons pas, feront traîner quelques années l’École Pour Tous. Mais ce ne sera ni au bénéfice de ces enfants, ni au bénéfice des enseignant·e·s. Il est donc important de réfléchir à la manière de transformer les classes en classes inclusives et nos écoles en écoles inclusives.

Nombre d’enseignant·e·s font de l’inclusion sans le savoir, mettant déjà des aménagements raisonnables en place, qui permettent à de nombreux élèves ayant des difficultés d’apprentissage et donc qui sont en situation de handicap, de progresser, d’avancer et d’acquérir des savoirs sans – surtout – passer par la case « échec » : évaluations formatives (en abandonnant les évaluations-sanctions de la compétition et de la sélection), remédiations, tutorat, temps additionnel, coopération, empathie, droit à l’erreur, cercles de lecture, pédagogies actives, conseils de coopération, etc…, toutes ces choses qui sont devenues habituelles au point qu’on ne les remarque plus mais qui font que nombreuses sont les classes où les aménagements raisonnables sont en place, sans que l’on ne l’ait jamais demandé aux enseignant·e·s.

Il est donc essentiel que les écoles n’attendent pas que le changement les bouscule, mais s’y préparer en faisant progressivement de leurs classes, déjà, des classes inclusives.

[1] Cette dynamique concerne également les autres Communautés de Belgique, mais également la plupart des pays qui ont un système démocratique.

[2] Décret de la C.F., relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination du 12-12-2008 (M.B. 13-01-2009)

[3] On parle, en général, d’enseignement « ordinaire » pour le différencier de l’enseignement « spécialisé ». De même, on parle d’enfants « ordinaires » pour les différencier des enfants « en situation de handicap ».

[4] Cela ne veut pas dire que tous les enfants « doivent » être intégrés, mais qu’ils en ont le droit, en fonction de leur intérêt supérieur (article 3 de la CIDE) : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. ».

[5] Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de réduire, autant que possible, les effets négatifs d’un environnement inadapté sur la participation d’une personne à la vie en société (in A l’école de ton choix avec un handicap – Unia).

[6] Mais également toute personne en situation de handicap dans la société.

[7] 36 609 enfants en 2015 – Source Indicateurs de l’enseignement 2016, p23.

[8] Dans un système inclusif, les deux types d’enseignement (ordinaire et spécialisé) collaborent étroitement et se complètement mutuellement : ils sont intégrés.

[9] Où l’enseignement spécialisé a un rôle à jouer.

[10] Observations finales du Comité ONU à la Belgique

[11] Selon l’avis °3 du Pacte, L’école inclusive est définie comme « permettant à un élève à besoins spécifiques de poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel, pédagogique et/ou organisationnel ».

Le Décret inscriptions

Le Décret inscriptions

1 Pourquoi un décret inscription ?

1.1 Les objectifs politiques

L’Ecole est un droit de tous les enfants et nul ne peut pratiquer de discrimination à leur encontre[1]. Ce principe élémentaire était bafoué par certaines[2] écoles au moment de l’inscription. En effet, plusieurs écoles, parmi les plus demandées, pratiquaient allègrement la discrimination à l’inscription. Quoi de plus facile quand on a trop de demandes ? Elles triaient principalement leurs futurs élèves sur base de critères sociaux (les enfants issus de milieux moins favorisés étaient trop souvent refusés), mais également sur base de critères aléatoires (les résultats scolaires antérieurs) ou comportementaux (dossiers de l’élève à l’école primaire). D’autres encore acceptaient des inscriptions prématurées, parfois trois ans à l’avance, afin de réserver les places à leur public privilégié.

Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, estimant à juste titre que ce sont principalement les personnes les moins favorisées qui avaient des difficultés à s’inscrire dans l’école de leur choix, a voulu promouvoir davantage de mixité sociale dans les écoles qu’elle subsidiait et a tenu à lutter contre cette forme de discrimination.

L’inscription n’est, d’ailleurs, pas la seule illégalité pratiquée par les directions de certaines écoles. D’autres dysfonctionnements ont entraîné l’apparition d’une logique de marché scolaire dont les parents sont les clients, et qui ont pour conséquence l’inefficacité de notre système scolaire pointé par toutes les études internationales. Citons, par exemple, Le minerval ou les frais à l’inscription ; la ségrégation durant la scolarité (de manière à éliminer les moins « scolaires », de préférence s’ils sont issus de milieux sociaux défavorisés et ce, via l’échec scolaire) ou le caractère homogène de l’offre d’enseignement (peu de choix d’options ou choix d’options « fortes » comme, par exemple le latin, car on sait que certains milieux sociaux ne choisissent pas cette option), etc.

Il fallait commencer à détricoter cet écheveau en commençant par un bout : le Politique a choisi le moment de l’inscription dans l’enseignement secondaire[3]. Il est à porter au crédit de la Ministre Marie Arena d’avoir été la première à oser s’en prendre à ce système.

Comme le rappelle Benoît Galand[4] (CGé, 2007), « on peut s’interroger sur les effets en termes de cohésion sociale du degré de mixité sociale que l’on rencontre dans les écoles d’un système scolaire (Meirieu & Giraud, 1997). Quel message transmet-on aux jeunes en les scolarisant dans des écoles où ils rencontrent une grande diversité sociale ou au contraire dans des écoles très ségrégées socialement ? Comment cette mixité sociale affecte-t-elle les représentations des différents groupes et rôles sociaux, les préjugés, les perceptions de la justice sociale, … des élèves et des enseignants ? L’école n’a-telle pas là un rôle à jouer ? Les enjeux de la mixité sociale ne sont donc pas minces. D’autant que les effets en termes d’apprentissage sont socialement déséquilibrés : ce sont généralement les élèves les moins bien préparés à la scolarité (souvent ceux d’origine populaire) qui sont le plus affectés par la qualité de l’enseignement qui leur est proposé. »

Il est évident que l’objectif politique est noble, puisqu’il vise, à terme, une société plus hétérogène et plus inclusive. Il ne peut qu’avoir le soutien de tous les démocrates, même si l’objectif de mixité sociale est loin d’être atteint. Si on veut arriver à une véritable mixité sociale cela imposera, qu’à Bruxelles, le pourcentage d’enfants prioritaires issus de quartiers moins favorisés, passe à 50 %[5].

1.2 Les objectifs pédagogiques

Le concept de mixité sociale n’est pas en lui-même porteur en termes pédagogiques. Il est plus parlant de parler de gestion de l’hétérogénéité scolaire, càd du « Comment faire face aux différents niveaux d’acquis présents au sein d’un groupe-classe? [Rudy Wattiez, Cgé].

En effet, sur le plan pédagogique, ce n’est pas de mixité sociale que l’on parle. Pour faire progresser un groupe-classe, il est important d’hétérogénéiser le public, plutôt que de tenter de l’homogénéiser. Au plus les différences d’apprentissages sont grandes, au plus il est nécessaire de mettre des pratiques pédagogiques en place. Pratiques pédagogiques qui vont bénéficier à tous les élèves, quelles que soient leurs facilités ou difficultés scolaires. L’hétérogénéité permet un véritable « nivellement » vers le haut, tandis que l’homogénéité, recherchée actuellement par les redoublements et orientations diverses, est un nivellement catastrophique vers le bas !

Les études internationales ont démontré que, de tous les peuples de l’OCDE, les belges étaient les plus inégalitaires ! Notre enseignement est l’un de ceux où l’hétérogénéité sociale est la plus faible et, par corollaire, qui est l’un des plus inefficaces. Le niveau des élèves dépendant de l’école qu’ils fréquentent.

Selon que vous soyez puissant ou misérable… les jugements d’Ecole vous garantiront la réussite ou l’échec. En choisissant leur population scolaire, certaines écoles décident aussi de l’avenir des élèves qu’elles rejettent. En effet, l’école que fréquente un enfant influence son niveau scolaire. Les élèves issus de milieux moins favorisés, et se trouvant inscrit dans une école défavorisée, réussissent moins bien que les enfants issus de milieux favorisés, scolarisés dans des écoles favorisées.

Pourquoi ?

Parce qu’on n’apprend pas tout seul ! L’effet des pairs (élèves du même âge) est fondamental : on apprend moins vite dans un environnement où les acquis scolaires sont faibles que dans un environnement où les acquis scolaires sont élevés. Et cela, même si on a soi-même, des acquis scolaires faibles !

Cela s’explique. Dans son étude, Benoît Galand[6] relève trois raisons :

  • On apprend plus vite quand on est entouré d’élèves de bon niveau scolaire. Le niveau scolaire étant en partie liée à l’origine sociale, c’est dans les écoles « privilégiées » que l’on a le plus de chances de fréquenter des élèves au niveau scolaire élevé ;
  • Les ressources financières et humaines des écoles sont influencées par son public. Sur le plan financier, les familles favorisées peuvent contribuer aisément à l’équipement et aux frais scolaires de leur enfant. Sur le plan humain, les équipes pédagogiques (les enseignants) sont plus expérimentées et moins soumises à des rotations du personnel dans les écoles privilégiées. La qualité de l’enseignement varie donc, parfois, selon le public de l’école ;
  • Selon le public de l’école, l’élève sera plus ou moins exposé à la violence et à la (dé-)motivation scolaire. Le risque d’être confronté à des violences verbales et/ou physiques est plus important dans les écoles « défavorisées », contrairement aux écoles « favorisées » ou les élèves ont une attitude plus positive vis-à-vis de leur scolarité. Ces élèves, en outre, souhaitent suivre une scolarité plus longue et ont une ambition forte pour leur avenir. Rassembler les publics les moins favorisés au sein des mêmes écoles, ne fait qu’accroître les difficultés (scolaires et comportementales).

Le niveau de mixité sociale des écoles a des conséquences sur le cursus scolaire des élèves ainsi que sur le travail des équipes éducatives.

Et Benoît Galand de conclure « Les faits rappelés ci-dessus montrent que la mixité sociale apparaît comme un des éléments importants si l’on veut éviter de voir se creuser les inégalités scolaires et de voir augmenter le nombre d’élèves n’atteignant pas le niveau d’apprentissage attendu au terme de la scolarité obligatoire. »

Les effets « école » sur les élèves

Selon qu’ils sont intégrés dans une école favorisée ou non, les élèves ont une vision différente de leur scolarité (C. Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :

  • Les élèves des classes les plus défavorisées portent sur leur école des jugements moins favorables que les élèves des autres écoles ;
  • Certaines normes sociales sont moins intégrées par les enfants de milieux défavorisés (confusion des normes scolaires) ;
  • Dans les classes primaires défavorisées, l0 % des élèves envisagent un métier d’ouvrier;
  • Les élèves favorisés ont des ambitions moins élevées lorsqu’ils fréquentent des classes défavorisées ;
  • Il n’y a pas de différences d’attitudes selon que les enfants sont scolarisés dans des classes favorisées ou défavorisées ;
  • les élèves ont de meilleures ambitions lorsqu’ils sont scolarisés dans une école favorisée ;
  • Dans les classes favorisées, les élèves modestes n’envisagent jamais un métier ouvrier ;
  • Les élèves ont l’impression que le climat est meilleur dans les écoles favorisées.

Il va donc de l’intérêt de tous les enfants issus de milieux défavorisés d’être intégrés au sein d’un établissement scolaire favorisé. 20 % des places leur sont réservées en priorité, mais dans les faits, le nombre de familles qui choisissent de bénéficier de cet avantage est faible. Il est dans l’intérêt de tous que ce pourcentage augmente.

Tous les élèves sont-ils faits pour toutes les écoles ?

Absolument ! Croire ou faire croire que certains enfants[7] ne seraient pas capables de suivre un enseignement dans les écoles favorisées tient, ou de l’affabulation, ou de l’incompétence ! En effet, tous les élèves sont doués pour l’étude. Croire que certains élèves seraient des intellectuels tandis que d’autres seraient plutôt artistes ou manuels est absolument faux (des gens « bien mal pensants » parlent même d’ « intelligence de la main », une autre manière – ségrégationniste – de désigner les enfants défavorisés). En fait, chacun de nous a, à la fois, de grandes capacités intellectuelles et manuelles !

Cette idée archaïque, qui date du début du XXe siècle est à ranger au musée de l’histoire de la pédagogie. Jean Piaget[8] a démontré, au début des années 60, que l’intelligence se construit. Il a prouvé que TOUS les enfants devaient reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent évidentes aux adultes. Bref, grâce à la théorie de PIAGET, on est convaincu aujourd’hui que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit[9]. Ce qui distingue les élèves c’est leur vitesse d’apprentissage. Bref, la qualité de l’apprentissage réalisé n’a aucun rapport avec le temps mis pour y arriver. Depuis 50 ans, on peut affirmer que TOUS les élèves sont doués pour l’étude (cela s’appelle le « postulat d’éducabilité »).

Il n’y a donc pas d’école plus adaptée à un certain public scolaire qu’à un autre. Tous les enfants, quelles que soient leurs origines, sont capables de suivre un enseignement de qualité[10], quelle que soit l’école. Dès lors, il est fondamental que les familles les moins favorisées inscrivent massivement leurs enfants dans les écoles favorisées, afin de leur donner un maximum de chances d’atteindre un niveau scolaire de meilleure qualité.

Les effets « école » sur les enseignants

Selon qu’ils enseignent dans une école favorisée ou défavorisée, les enseignants ont une vision différente de leur métier (C.Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :

  • Tous déclarent des priorités identiques (méthodes de travail efficaces, apprendre à mobiliser et réutiliser des connaissances, …) mais dans la pratique, les différences apparaissent ;
  • Les pronostics de réussite sont nettement plus forts dans les classes favorisées ;
  • Dans les classes défavorisées, les enseignants reconnaissent le plus souvent ne pas terminer le programme ;
  • Les problèmes de discipline sont plus fréquents dans les classes défavorisées ;
  • L’exercice du métier est jugé plus agréable dans les écoles favorisées que dans les écoles défavorisées.

L’objectif de viser à une véritable mixité sociale et donc à une véritable hétérogénéité pédagogique est également de l’intérêt de tout le corps enseignant. Avec leur slogan « Toutes les écoles doivent être bonnes », les détracteurs[11] du décret inscriptions vont dans le même sens que nous. A la différence que pour nous, démocrates progressistes, une bonne école est, par définition une école socio-culturellement et pédagogiquement mixte et qui vise la réussite de tous, sans la moindre exception, loin du « chacun chez soi » que masque cette revendication « politiquement correcte ».

3.  « Comment tester les limites du politiquement correct ? »

Lors de l’élaboration du Décret inscriptions, les résistances ont été virulentes. Si celles-ci sont, aujourd’hui, moins violentes, elles ne sont toujours pas éteintes. Les arguments évoqués par les « anti-décret » sont navrants, tant ils sentent la mauvaise foi. Leur objectif inavoué est de mettre des barrières aux populations les moins favorisées et garder leur « pré carré », ces écoles « forteresses » où nul ne pourrait entrer s’il n’est « bien né ». Autrement dit, s’il est d’un milieu social par trop éloigné de la clientèle privilégiée souhaitée.

Citons-en quelques-uns pêle-mêle :

  1. « Les familles doivent pouvoir inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. » Cette revendication est inutile, car c’est précisément l’objectif du Décret : permettre à chaque famille d’accéder à l’école de son choix. pour autant qu’il y ait assez de place, bien évidemment. C’est le principe de la baignoire. Une fois remplie, l’eau s’écoule et doit trouver un autre endroit pour se loger. Les écoles les plus demandées ne peuvent accueillir plus de places qu’elles n’ont, et les familles non satisfaites doivent – c’est mathématique – chercher une autre école où inscrire leur enfant. Le Décret n’a donc jamais supprimé ce droit à qui que ce soit. Au contraire, il l’a étendu à tous. Et c’est précisément ce qui gène les adversaires du Décret : que celui-ci donne les mêmes droits à toutes les familles !
  2. Ces parents revendiquent notamment « l’essentielle adhésion de l’élève et de ses parents au projet d’établissement ainsi que le partenariat famille-école nécessaire pour l’obtention d’un cadre optimal favorisant la réussite scolaire. » Sous-entendraient-ils que certaines familles n’adhèreraient pas au projet d’établissement et ne seraient pas des partenaires responsables sur lesquels l’école pourrait compter ? Voire que la réussite de leurs enfants ne les intéresse pas ? D’abord, il n’existe pas de famille qui se désintéresse de la réussite de ses enfants ! Le mythe des « Parents démissionnaires » est un fantasme qu’il est temps d’enterrer. Celui-ci s’entend, malheureusement, trop souvent dans la bouche de professionnels qui ne connaissent pas la réalité de ce que vivent les familles. Il est honteux de définir ainsi les familles défavorisées qui, tout autant et si pas plus que les autres, sont soucieuses des études et du devenir de leurs enfants.Ensuite, supposer que des élèves ou des familles n’adhèreraient pas au projet d’établissement, serait une ineptie totale. Le Décret Missions précise que Par l’inscription dans un établissement, tout élève majeur, tout élève mineur et ses parents ou la personne investie de l’autorité parentale en acceptent le projet éducatif, le projet pédagogique, le projet d’établissement, le règlement des études et le règlement d’ordre intérieur (Art 76 du Décret Mission – MB du 23/09/1997). Par définition, tous parents, en inscrivant leur(s) enfant(s) dans un établissement secondaire, acceptent les différents projets et règlements de l’école, qu’ils signent. L’argument ne tient donc pas la route !Quant au « partenariat famille-école », ne rêvons pas. Le partenariat se définissant comme « une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun[12] », celui-ci n’existe que dans de rares écoles, essentiellement celles qui pratiquent une pédagogie active. En général, le seul partenariat que l’Ecole attend des parents est qu’ils veillent à ce que leur descendance soit bien sage et obéissante et ne pose ni problèmes d’études, ni problèmes disciplinaires. On a entendu des enseignants réclamer à des familles qu’ils mettent leurs enfants un peu trop « vivants » sous Rilatine (ou Ritaline en France) ou paient des cours particuliers chaque fois qu’eux ou l’école faillissent à leur mission.Sur ce dernier point, il est exact que les familles socialement les moins favorisées ne peuvent payer des cours particuliers dispendieux et prohibitifs. Rappelons cependant que chaque école a mission de faire parvenir TOUS les élèves aux savoirs et ce, sans discrimination aucune et donc, que si elle remplit enfin correctement sa mission, les cours particuliers – qui sont un vrai scandale – deviennent totalement inutiles.
  3. « La mixité ne se décrète pas ! ». Argument récurrent, cette revendication est purement doctrinale. Bien sûr que la mixité se décrète ! C’est un choix politique fort. C’est toute la différence idéologique qui existe entre les idéaux « progressistes » et les revendications « réactionnaires[13] ». Les premiers visent un progrès social qui bénéficiera en priorité aux moins nantis et aux plus fragiles, les seconds visent le retour en arrière, autrement dit, la protection de privilèges d’un autre âge.Une gestion humaniste de la société dans son ensemble repose précisément sur des liens de solidarité. Ces liens ont toujours existé et les sociétés les plus solidaires sont celles qui permettent précisément au plus grand nombre d’être intégrés activement dans tous les pans de la société. Refuser la mixité et donc la solidarité, pousse certains milieux à se communautariser, à se replier sur eux-mêmes et à se mettre en marge de notre société. Aujourd’hui, nous vivons dans une société du chacun pour soi que nul ne peut cautionner. Et certainement pas les politiques qui nous gouvernent !Les porteurs de cette revendication oublient de préciser que la « non-mixité » a, quant à elle, été décrétée par certains établissements scolaires. Si on est arrivé à un point où le Politique a dû mettre de l’ordre dans la gestion des inscriptions, c’est précisément parce que les directions et Pouvoirs Organisateurs de certaines écoles avaient unilatéralement imposé cette « non-mixité » à toute la population scolaire
  4. « Favoriser les performances scolaires en misant tout sur la mixité sociale, c’est un leurre. » Ici, on est purement dans la désinformation. Faire croire que le Politique n’aurait eu que cette idée-là pour « favoriser les performances scolaires » travestit la vérité. Les politiques sont loin d’avoir « tout » misé sur la mixité sociale. Citons pêle-mêle et sans être exhaustif[14] : le renforcement de l’encadrement dans le maternel et dans les deux premières années du primaire ; le renforcement de l’encadrement dans les écoles de petite taille ; un CEB commun à toutes les écoles primaires, suivi d’un CE1D[15] commun ; l’amélioration de la scolarisation des primo-­arrivants, un financement pour les manuels scolaires, la refonte du 3e degré de l’enseignement qualifiant, le décret intégration scolaire, le projet Décôlage afin d’éviter les redoublements en maternelle, les enseignants-relais « dyslexie » dans les écoles, etc. On peut être d’accord ou non avec les pistes explorées et les moyens proposés, mais nul ne peut nier que le Politique a mis des choses en place pour tenter de « favoriser les performances scolaires ». Dire qu’il aurait tout misé sur la mixité sociale est absolument faux !
  5. Réclamer, lors de l’inscription « une entrevue parents – enfants – direction -école afin d’établir un contact direct et une communication réelle entre les différentes parties. » cela revient à réclamer purement et simplement le retour à la politique du « fait du prince », certaines directions se permettant de choisir leur public privilégié, comme avant le Décret inscriptions. Sous des motifs pseudo­pédagogiques, cela permettrait aux directions et Pouvoirs Organisateurs peu scrupuleux d’inciter les parents à chercher d’autres écoles pour leurs enfants et, de ce fait, à réserver le droit d’entrée aux plus nantis. « Notre école n’est pas faite pour votre enfant », « Ses résultats scolaires ne conviennent pas à notre niveau scolaire », Ces arguments sont vieux comme les écoles élitistes et n’ont aucune base pédagogique.
  6. « Permettre à chaque enfant et parent de choisir l’enseignement le plus adapté à sa situation, sans tenir compte de critères comme la distance domicile/école ou même école primaire/école secondaire. » « Sous-titré …Chaque enfant est différent et a besoin d’une école qui lui convienne ». S’il devait il y avoir une école moins adaptée à un enfant qu’à un autre, celle-ci devrait perdre ses subsides pour non respect du Décret Mission. Une école est, par définition, adaptée à tous les enfants, sans la moindre distinction. Cette revendication vise à exclure certains publics : celui des communes les moins favorisées (distance domicile/école). Et surtout en refusant tous mélanges sociaux ! D’autant plus si ces enfants proviennent d’écoles moins favorisées (critère école primaire/école secondaire). Cette revendication est clairement celle qui prône le plus ouvertement la ségrégation et flirte dangereusement avec la ligne rouge du politiquement incorrect.

Ne nous faisons pas d’illusions, aucune de ces revendications n’est portée par une idéologie humaniste !Rappelons que, par définition, toutes les écoles sont faites pour tous les enfants et donc, DOIVENT convenir à tous. C’est le Décret Missions qui, en son article 6, fixe la mission de TOUTES les écoles :

La Communauté française, pour l’enseignement qu’elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants :

1 ° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de CHACUN des élèves;

2° amener TOUS les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle;

3° préparer TOUS les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire pluraliste et ouverte aux autres cultures;

4° assurer à TOUS les élèves des chances égales d’émancipation sociale

[1] Voir Article 28 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (ONU 1989)

[2] II s'agisait d'une minorité d'écoles. Il ne faut, en aucune manière, jeter l'opprobre sur l'immense majorité des directions qui ne pratiquaient nullement cette forme de discrimination. Malheureusement, c'est par la faute de cette infime minorité, que des règles d'accueil de tous ont dû être mises en place sous la forme d'un Décret.

[3] Nous noterons que les écoles fondamentales ont toujours le loisir de pratiquer la discrimination des élèves à l'inscription. Il est, aujourd'hui, impératif de penser rapidement à un futur décret inscription à l'école primaire, afin de tenter d'atteindre l'équité et de lutter contre l'injustice à tous les niveaux de l'enseignement obligatoire.

[4] Benoît Galand est actuellement assistant de recherche post-doctorat à la Chaire de pédagogie universitaire à l'UCL, Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education (PSED).

[5] Il est actuellement de 20 %

[6] Benoît Galand, CGé 2007, déjà cité.

[7] Nous parlons d'enfants non porteurs de handicaps mentaux. Quoique... dans le cadre de l'intégration scolaire, l'accueil de la différence - même intellectuelle, donc pas uniquement ceux qui peuvent « réussir » - fait partie de la mission de toutes les écoles !

[8] Jean Piaget (1896-1980) psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse

[9] Marcel Crahay - in Actes du Congrès de l'enseignement catholique 2002 - p 32

[10] Nous entendons par « enseignement de qualité », des pratiques pédagogiques qui visent l'acquisition, par TOUS les élèves, des savoirs et compétences fixées par les programmes (socles de compétences).

[11] Encore faudrait-il qu'ils nous disent en quoi certaines écoles seraient plus « mauvaises » que d'autres !

[12] Wikipédia - 5 janvier 2013

[13] « Réactionnaire » est utilisé ici dans son sens originel « prônant et mettant en œuvre un retour à une situation passée réelle ou fictive, révoquant une série de changements sociaux, moraux, économiques et politiques » - voir Wikipédia même date.

[14] Pour plus d'informations voir sur www.enseignement.be
[15] Certificat d'études du premier degré de l'enseignement secondaire (CE1D)
L’école : Encore trop productrice d’inégalités ?

L’école : Encore trop productrice d’inégalités ?

Beaucoup de personnes ont cette idée reçue que l’Ecole est accessible à tous, et même mieux, qu’elle permettrait une ascension sociale si l’élève travaillait suffisamment. Si nous réfléchissons dans ce sens, un élève de parents ouvriers aurait donc autant de chances de réussir à l’école qu’un élève issu d’un milieu plus favorisé. Mais cet exemple reflète-t’il la réalité du terrain ? L’Ecole offre-t-elle les mêmes chances à tous les élèves ?

Le 5 février dernier, Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances), a présenté son «  baromètre de la diversité de l’enseignement ». Il s’agit du résultat d’une étude, menée sur trois années par des chercheurs universitaires belges, et qui a pour objectif d’une part, de mettre en avant les processus structurels qui produisent, renforcent et maintiennent les inégalités scolaires entres les élèves, et d’autre part, de créer un instrument scientifique capable de mesurer ces inégalités. Cet outil a pour mission de pouvoir outiller les enseignants mais aussi les différents acteurs de l’enseignement afin de diminuer ces inégalités et soutenir une politique d’égalité des chances pour tous les élèves.

La recherche a été faite dans les trois communautés belges et recouvre l’enseignement obligatoire ordinaire et spécialisé. UNIA s’est focalisé sur cinq critères de discriminations :

  • l’origine ethnique,
  • le genre,
  • l’origine sociale,
  • le handicap
  • et l’orientation sexuelle.

Les questions soulevées durant cette étude sont les suivantes :

  • Comment l’école gère t’elle la diversité? Que met-elle en place?
  • Comment l’école s’y prend-elle pour orienter les élèves dans telle ou telle filière?
  • Comment un élève originaire d’un milieu défavorisé et socio-économique faible ou ayant un handicap, est-il orienté vers une filière moins favorable?

A cette dernière question, le directeur d’UNIA, Patrick Charlier répond ceci : « De manière inconsciente, souvent, de la part du personnel enseignant, l’origine sociale ou ethnique peut jouer un rôle déterminant quant aux décisions prises. » l’Ecole reste donc encore trop productive d’inégalité selon l’origine sociale, économique et ethnique des élèves.

Le centre interfédéral met l’accent sur les formes indirectes de discriminations auxquelles sont soumis les élèves issus de l’immigration (primo-arrivants) ou de familles socio-économiquement faibles.

Mais qu’entendons-nous par “formes de discriminations indirectes” ?

Cela comprend le manque d’informations du système éducatif (méconnaissance du public cible sur le décret inscription et des droits à la scolarité) et de son mode de fonctionnement mais aussi, de sa “fausse gratuité”, un terme utilisé par les experts pour expliquer qu’il faut tenir compte de frais financiers supplémentaires, comme les surveillances du temps de midi, les garderies, les voyages scolaires, etc.

Quelles sont les solutions proposées ?

Les experts proposent différentes actions que les organisations peuvent mettre en œuvre :

Tout d’abord, un travail de sensibilisation et d’informations auprès des familles de milieux populaires où on ne trouve pas de mixité sociale. Des flyers, des tracts sont distribués dans l’espace public afin d’informer ce public à connaître et défendre ses droits en matière de scolarisation. Des projections de films sur les frais scolaires font aussi parti du programme.

Ensuite, Les primo-arrivants et MENA sont accompagnés dans la procédure de leur inscription scolaire. Malheureusement et malgré les efforts en vains des experts, une réalité les rattrapent. En effet, même si une volonté d’inscrire ces élèves dans des écoles bien positionnées dans la hiérarchie scolaire existe, les mineurs étrangers non accompagnés finissent par atterrir dans des écoles à faible indice socio-économique. D’une part, parce que les écoles haut placées dans la hiérarchie ont une certaine hésitation à accueillir ce public, et d’autre part, les écoles moins bien placées bénéficient d’un encadrement différencié et sont donc plus à même de répondre aux besoins d’élèves de familles socio économiquement faibles ou de familles immigrées (exemple : le Dispositif d’Accueil et de la Scolarisation des élèves Primo-Arrivants – DASPA).

Pour terminer, contrairement à ce qu’on pourrait penser pour les familles d’enfant porteur d’un handicap, l’intégration scolaire demande un investissement humain assez important et toutes les familles ne sont égales face à cette question.  Les familles de milieux défavorisés auraient plus de mal d’un point de vue financier, mais aussi culturel, à mobiliser le « dispositif d’apprentissage de l’intégration » qu’une famille plus aisée.

En ce qui concerne les élèves porteurs d’un handicap, les experts en matière scolaire recommandent un travail de sensibilisation concernant les bases légales en matière d’intégration auprès des professionnels du corps enseignant, des parents, des directeurs d’écoles et des CPMS. L’objectif est de mettre en avant les capacités des élèves plutôt que leurs lacunes.

Un autre point tout aussi important, est de pouvoir mettre en place des aménagements raisonnables. Ils apporteraient des pratiques méthodologiques positives et une vision nouvelle de l’apprentissage.

Unia met l’accent sur un système scolaire ségrégatif qui empêche une ascension sociale pour tous les élèves. Nous sommes dans un système de quasi-marché scolaire où nous appliquons des réorientations précoces en cascade. Et ce, au détriment des élèves de milieux précarisés, des enfants porteurs d’un handicap, de mineurs étrangers non accompagnés ou de famille d’enfants immigrés.

L’objectif de cette nouvelle étude est d’inspirer le corps enseignants et les autres acteurs sociaux pour pouvoir gérer la diversité dans un futur proche. Elle est à télécharger et lire à https://www.unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/barometre-de-la-diversite-enseignement

Colloque : Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le Tronc Commun

Colloque : Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le Tronc Commun

Colloque (Plateforme du lutte contre l’échec scolaire)

Namur – 24 mars 2018

La littérature et les recherches le montrent : le Tronc Commun est une condition indispensable pour un enseignement moins reproducteur d’inégalités.
C’est la raison pour laquelle cette mesure a été retenue dans le train de réformes dont le Pacte devra accoucher.
Mais c’est aussi la mesure du Pacte qui a probablement fait couler le plus d’encre et a suscité le plus d’émotions chez certains parents et chez des enseignants.
Parce que mettre en œuvre ce Tronc Commun dans toutes les écoles de la CFWB est un défi politique, pédagogique, organisationnel et culturel de taille :
Un défi et un choix politique qui consiste à opter clairement pour la fonction intégratrice de l’école : à parier sur l’éducabilité de tous et à tourner le dos – en tous cas le temps du TC – à la fonction différenciatrice qui s’appuie sur la théorie des dons et sur une conception essentialiste de l’intelligence et des aptitudes ;
Un défi pédagogique, car faire entrer autant les enfants de milieux populaires que les enfants de milieux favorisés dans les apprentissages est possible à condition de tenir compte des rapports aux savoirs des enfants provenant des différents milieux sociaux et donc, de repenser en profondeur la façon dont on enseigne ;
Un défi organisationnel, car le temps et l’espace scolaire devront être profondément revisités ; et c’est aussi un défi culturel : ça renvoie à « quel type de modèle porte-t-on et partage-t-on sur la place, le rôle de l’école vis-à-vis de chacun de nos élèves et vis-à-vis de la société en général ? ».
Puisqu’une décision telle que celle-là a été prise, il est indispensable de construire sa légitimité non seulement auprès des acteurs scolaires, mais aussi auprès de l’ensemble de la société.

Mettre en œuvre le TC oblige à repenser collectivement ce qu’on apprend et comment on l’apprend. Et donc, nécessite de sortir du cloisonnement qui laissait jusqu’à présent la sphère pédagogique aux mains des réseaux : il faudra se frotter et même se mettre d’accord pour faire « école commune », sans quoi le TC risque fort d’être une coquille vide ou d’être mort-né.

Organisé par la Plateforme de Lutte contre l’Échec Scolaire
Une toute autre école est possible !, La ligue des familles, Lire et Écrire, Infor Jeunes Laeken, ChanGements pour l’égalité, CSC enseignement, MOC, Ligue des droits de l’enfant, FGTB – CGSP enseignement, APED, FAPEO, SEL -SETCA – FGTB, RWLP, FFEDD

Programme

08.30 : Accueil

09.00 : Introduction au colloque : Jean-Pierre Coenen
Enseignant, Président de la Ligue des Droits de l’Enfant et de la Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire

09.10 : Jacques Cornet
Enseignant, Président de CGé (ChanGements pour l’égalité, mouvement socio-pédagogique)

Notre école est parmi les plus inégalitaires, c’est un fait acquis : elle transforme les inégalités sociales en inégalités scolaires. Comment et pourquoi cette transformation s’opère-t-elle et que faudrait-il faire pour que notre système scolaire fonctionne autrement ? Le Pacte peut-il aider ? C’est ce que cette intervention tentera d’éclairer brièvement en plantant le décor.

09.45 : Jean-Pierre Kerckhofs
Enseignant, Président de l’APED (Appel Pour une Ecole Démocratique)

Jean-Pierre Kerckhofs nous expliquera pourquoi un tronc commun est nécessaire pour lutter contre les inégalités sociales à l’école. Il abordera les craintes que celui-ci a fait naître parmi les professionnels de l’école ainsi que chez les citoyen·e·s. Entraînera-t-il nécessairement du nivellement par le bas ? Quels devraient être ses objectifs ? Quel devrait être son contenu ? La formation commune doit-elle s’arrêter à la fin du tronc commun ? Quelles sont les conditions de réussite de ce tronc commun ?

10.20 : Roger Godet
Enseignant E.R., ancien inspecteur général.

Roger Godet rappellera d’abord deux des objectifs essentiels poursuivis à travers l’instauration d’un tronc commun, à l’aune desquels il tentera d’apporter des éléments de réponses à des questions portant sur sa mise en œuvre et plus particulièrement sur les méthodes à développer. Ces questions s’attacheront notamment aux problématiques suivantes : Quels modes de répartition et d’affectation des élèves pour un apprentissage en commun ? Que choisir comme objet d’apprentissage ? Quel rapport et quel équilibre entre savoirs et compétences ? ; Convient-il d’insérer les apprentissages dans les activités de vie des élèves ; Quelle relation établir entre les activités d’apprentissage et la complexité ? Convient-il de s’attacher à des « cultures » ou à une « culture » ?

10.55 -11.20 Pause.

11.20 : Parole des syndicats sur le TC 
Eugène Ernst
Enseignant, secrétaire général de la CSC-enseignement
Joan Lismont
Enseignant, Président du SEL-SETCA
Joseph Thonon
Enseignant, Président de la CGSP-enseignement

Dès le Fondamental, certains enfants issus des milieux défavorisés sont orientés vers l’enseignement spécialisé à cause de leurs difficultés scolaires. Les échecs sont anormalement liés à l’origine socio-économique des élèves. Le Tronc commun nous semble donc indispensable. Mais celui-ci n’est pas une formule magique et pour qu’il soit efficace, il faut créer les conditions pour que les enseignants puissent y trouver du sens et faire évoluer leurs pratiques. Nous devons donc être vigilants dans la mise en œuvre du TC.

A préciser
11.55 : Vincent Dupriez
Professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Louvain, membre du GIRSEF

Entre enjeux politiques et pratiques pédagogiques, la porte étroite d’une école commune : Si la décision de construire un tronc commun de longue durée est un choix fondamentalement politique, la mise en œuvre de ce choix est surtout un défi pédagogique. Et il est de taille ! Vincent Dupriez tentera de souligner les implications du tronc commun sur cette double dimension, politique et pédagogique. Il plaidant pour une clarification du choix politique sous-jacent et pour un engagement massif dans la recherche de réponses pédagogiques adaptées aux ambitions d’un tronc commun.

12.30 : Questions-réponses avec la salle

13.30 : Sandwiches et rencontres informelles

14.15 : Fin du colloque

Informations

Colloque
« Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le tronc commun »

Quand ?
Le samedi 24 mars 2018

Où ?
CGSP-Namur, Rue de l’Armée Grouchy 41, 5000 Namur
A 500 m de la gare de Namur

Inscription en ligne sur le site :

http://www.changement-egalite.be/spip.php?article3848

Participation aux frais
10 € en prévente / 15 € sur place (sandwiche et pauses café compris)
Les 10 € sont à verser sur le compte BE76 9795 8553 0195 de la Ligue des Droits de l’Enfant
avec mention « colloque 24 mars 2018 » + Nom.s et prénom.s du/des participant.e.s

Date limite d’inscriptions

Le lundi 19 mars 2018

27 septembre : Ce n’est pas la fête pour l’école

27 septembre : Ce n’est pas la fête pour l’école

Texte de la conférence de presse de la Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire

en Communauté française – 27 septembre 2017

Introduction

C’est la fête pour la Communauté française, mais ce n’est pas la fête pour l’Ecole.

Aujourd’hui, la Fédération Wallonie-Bruxelles fait la fête. Pour nous, associations membres de la plate-forme de lutte contre l’échec scolaire[1], il n’y a pas de raison de faire la fête. La situation politique de la Communauté française est loin de nous tranquilliser. Nous craignons que les acquis du Pacte ne soient détricotés au profit d’idéologies politiques conservatrices.

Et tant qu’à profiter de ce jour de fête, nous commémorons également cette année les 20 ans du Décret mission. Mais une commémoration est rarement un moment de joie intense. En effet, le Décret Missions n’a jamais été mis en œuvre. Il a cependant donné des lueurs d’espoir aux enseignants et aux associations progressistes qui luttaient pour une école plus juste. Il nous parlait de pédagogie du projet, de remédiation, de lutte contre l’échec scolaire. Il visait notamment l’émancipation de tous et promettait de lutter contre les inégalités. Il est aujourd’hui une coquille vide. A peine voté, il a été oublié. De temps en temps, certains d’entre nous tentent de rappeler ses objectifs, mais qui s’en souvient ?

Nous craignons que le Pacte pour une Ecole d’excellence ne subisse le même sort. Celui-ci n’a pas encore été mis en œuvre qu’il est remis en question par certains acteurs politiques. On a vu le président du MR remettre le Tronc commun en cause. Or ce dernier est le fondement même du Pacte et l’axe fondamental qui permettra – avec des aides spécifiques aux difficultés d’apprentissages et des pratiques pédagogiques adaptées – de diminuer les inégalités au sein de notre système scolaire. De même, le Décret inscriptions est sur la corde raide. Défi propose tout simplement son abrogation et la Ministre de l’enseignement a récemment proposé au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de réfléchir à sa « révision ». Nous craignons donc son détricotage. Rappelons que le nouveau partenaire du Cdh, le MR, n’a jamais été un opposant progressiste par rapport aux versions  successives du Décret.

Pour un nombre important de familles, l’école n’est plus accessible tant les frais liés à la scolarité sont peu abordables, le Décret inscription se prend une volée de missiles nord-coréens dans la figure et les moyens financiers de la Communauté française nous font craindre que le Pacte ne doive voir le jour qu’avec des emplâtres sur ses jambes de bois.

En ce jour où nous n’avons pas le cœur à la fête, nous voulons lancer un appel à tous les acteurs politiques et aux acteurs du Pacte : il est plus qu’urgent de diminuer les inégalités et la sélection sociale. Le Pacte est loin d’être parfait mais 20 ans après le Décret Missions, il redonne de l’espoir à celles et ceux qui, dans l’école et en dehors de celle-ci, luttent contre ces inégalités.

Nous demandons à tous les acteurs politiques qu’ils clarifient le brouhaha qui règne depuis des mois autour de l’Ecole et répondent clairement à la question : Alors, ce Pacte, avec tout ce qui en est ressorti de positif, on y va ? Ou on rejoue le Décret Missions, 20 ans après ? ».

Pas de réduction significative des inégalités sans tronc commun

La littérature et les recherches le montrent : le Tronc Commun est une condition indispensable pour un enseignement moins reproducteur d’inégalités[2].

C’est la raison pour laquelle cette mesure a été retenue dans le train de réformes dont le Pacte devra accoucher.

Mais c’est aussi la mesure du Pacte qui a probablement fait couler le plus d’encre et a suscité le plus d’émotions chez certains parents et chez des enseignants.

Parce que mettre en œuvre ce Tronc Commun dans toutes les écoles de la CFWB est un défi politique, pédagogique, organisationnel et culturel de taille :

Un défi et un choix politique qui consiste à opter clairement pour la fonction intégratrice de l’école :  à parier sur l’éducabilité de tous et à tourner le dos – en tous cas le temps du TC – à la fonction différenciatrice qui s’appuie sur la théorie des dons et sur une conception essentialiste de l’intelligence et des aptitudes ;

Un défi pédagogique car faire entrer autant les enfants de milieux populaires que les enfants de milieux favorisés dans les apprentissages est possible à condition de tenir compte des rapports aux savoirs des enfants provenant des différents milieux sociaux et donc, de repenser en profondeur la façon dont on enseigne ;

Un défi organisationnel car le temps et l’espace scolaire devront être profondément revisités ;

et

C’est aussi un défi culturel :  ça renvoie à « quel type de modèle porte-t-on et partage-t-on sur la place, le rôle de l’école vis à vis de chacun de nos élèves et vis-à-vis de la société en général ? ».

Puisqu’une décision telle que celle-là a été prise, il est indispensable de construire sa légitimité non seulement auprès des acteurs scolaires mais aussi auprès de l’ensemble de la société.

Mettre en œuvre le TC oblige à repenser collectivement ce qu’on apprend et comment on l’apprend. Et donc, nécessite de sortir du cloisonnement qui laissait jusqu’à présent la sphère pédagogique aux mains des réseaux : il faudra se frotter et même se mettre d’accord pour faire « école commune », sans quoi le TC risque fort d’être une coquille vide ou d’être mort-né.

Ce n’était déjà pas gagné avec les réseaux, ce l’est encore moins depuis la crise politique provoquée par Benoit Lutgen : elle ramène au-devant de la scène un parti – le MR – qui semble en profond désaccord avec l’implémentation d’un TC.

Les acteurs de la plateforme de Lutte contre l’échec scolaire attendent de la part de l’ensemble du monde politique francophone de la cohérence, de la cohésion autour des engagements pris en matière de réduction des inégalités scolaires et seront très attentifs à ce qu’une mesure comme le tronc commun ne soit pas pervertie ou vidée de sa substance.

Note complémentaire :

Comme l’indiquait Vincent Dupriez dans son intervention au colloque sur le TC organisé par le CEF en 2015, les débats sur le TC dans beaucoup de pays révèlent une tension majeure entre 2 fonctions de l’école :

  • Une fonction différenciatrice = répond à l’attente de préparer à des rôles différents dans la société et sur le marché du travail. Ce « projet de société-là » s’appuie sur la théorie des dons et sur une conception essentialiste de l’intelligence et des aptitudes. : sur l’idée qu’ayant des capacités différentes, il est logique que les parcours pédagogiques se séparent.
  • Une fonction intégratrice = l’Ecole doit faire partager une culture commune pour préparer à l’appartenance à une collectivité => tous doivent s’y côtoyer.

Cet autre projet de société s’appuie sur une conception plus universaliste et sur le postulat d’éducabilité de tous.

Et c’est évidemment un défi d’une complexité redoutable d’être ambitieux pour tous les enfants jusqu’à 15 ou 16 ans mais c’est possible SI on outille les éducateurs et les systèmes éducatifs.

Décret inscriptions : on avance ou on recule ?

On entend ces derniers temps une volonté de l’ensemble des formations politiques de revoir plus ou moins drastiquement le décret inscription. Certaines déclarations nous interpellent et nous font craindre un retour à des pratiques discriminantes. Sommes-nous contre toute révision du décret ? Certainement pas. Mais il faut s’entendre sur le sens de cette révision.

La régulation des inscriptions a été mise en place afin de répondre, entre autres, à un véritable défi : diminuer les inégalités dans l’enseignement en FWB. Nous sommes en effet, hélas, champions toutes catégories dans ce domaine. C’est chez nous que les écarts de performance entre les jeunes des classes populaires et ceux des milieux socialement favorisés sont les plus grands de toute l’Europe (la Flandre et la France nous disputant néanmoins le leadership …). Tant en termes de redoublement que de réorientations non souhaitées ou encore de niveaux mesurés lors de tests internationaux comme le célèbre PISA.

Or, des études ont pu démontrer que la ségrégation sociale des établissements et l’inéquité d’un système éducatif vont de pair. D’où l’importance de favoriser la mixité sociale. C’est un des objectifs que dit vouloir atteindre le décret inscriptions. Est-il atteint ? Les données dont on dispose indiquent que si amélioration il y a, elle est de très faible amplitude et certainement insuffisante pour rencontrer l’objectif de mixité annoncé. Ce n’est pas étonnant quand on sait que le décret n’agit que sur un des mécanismes du marché scolaire, lui-même source de ségrégation. Néanmoins, c’est toujours ça de pris ! Mais quel sens aurait sa disparition ?  Ca reviendrait à affirmer que le marché scolaire ne serait plus soumis à la moindre forme de régulation. Ce qui serait catastrophique.

La révision du décret ne répondra pas à la problématique récurrente du manque de places à Bruxelles et, bientôt ailleurs. La solution est bien sûr dans la création de nouvelles places. La révision du décret ne résoudra pas non plus le fait qu’une école ne puisse pas satisfaire le nombre de demandes par rapport aux places disponibles.

Car si une école est trop demandée, il faut bien d’une manière ou d’une autre départager les candidats. C’est ce que fait le décret sur base de critères objectifs. Sans doute trop compliqués. Peut-être pas assez judicieux. Mais en tout cas objectifs. Que se passait-il auparavant ? La connaissance du système de certains parents les poussait à réserver des places jusqu’à trois ans à l’avance. Quand ce n’était pas le copinage pur et simple avec certaines directions ou encore la sélection par ces mêmes directeurs sur des critères peu avouables comme, par exemple, la méritocratie. En quoi ce système était-il meilleur ? Certes, les « victimes » n’étaient pas forcément les mêmes car seules les classes les plus favorisées avaient une connaissance du système suffisante pour en sortir à leur avantage.

Maintenant c’est autre chose. Quoi qu’il en soit, il restait toujours des jeunes qui n’avaient pas leur premier choix. Revenir à ce système serait donc, à nos yeux, inacceptable.

Si révision du décret il devait y avoir, elle ne pourrait, selon nous, se faire qu’en regard des objectifs énoncés qui ne seraient pas rencontrés : à savoir celui de mixité sociale.

Pour nous, afin d’avancer sur cet objectif, il ne faut pas supprimer toute régulation mais bien réguler mieux !

L’enseignement réellement gratuit, une urgence pour un enseignement de la réussite pour tous !

Si la gratuité scolaire n’endiguera pas à elle seule les inégalités scolaires, elle constitue un des obstacles majeurs à lever pour s’engager de façon déterminante dans ce sens.

Malgré des engagements répétés à atteindre une réelle gratuite scolaire, actuellement seul l’accès à l’Ecole est gratuit en Fédération Wallonie-Bruxelles comme l’affirme l’article 24 de la Constitution belge. Il est donc plus qu’urgent de se montrer ambitieux en la matière en Fédération Wallonie-Bruxelles en mettant immédiatement en place un processus concret conduisant à la gratuité scolaire. Un « pacte d’excellence » qui renâclerait à se saisir de ce chantier essentiel ne fera que renforcer « l’excellence » pour les mêmes.

Faut-il encore dire et redire que si l’argent seul  ne suffit pas à endiguer l’appauvrissement, la pauvreté, la pauvreté durable, penser que cela n’en constitue pas un levier essentiel serait malhonnête. Et lorsque l’argent devient la préoccupation principale de parents dans leur relation à l’Ecole, c’est irresponsable et violent que des décideurs en restent au constat.

 Bien trop souvent à l’origine de fortes tensions et de stress, les frais scolaires et périphériques, détournent l’attention des parents, du corps enseignant et des enfants de l’objet principal de l’école : l’école doit se vivre autour de l’accès à la connaissance, la confiance, l’ouverture, la curiosité, le sens du vivre ensemble et de la solidarité. La non-gratuité scolaire pollue cette relation triangulaire « parent/enfant/professionnels de l’école », détourne des objectifs principaux, use toutes les parties, participe à l’échec.

Dans le cadre du Pacte pour un Enseignement d’Excellence, un groupe de travail a spécifiquement débattu de l’enjeu crucial de cette nécessaire gratuité scolaire.

Le 3e avis du groupe central[3] de mars 2017 apporte quelques réponses qui vont dans le bon sens : explorer les coûts réels de l’école, évaluer et faire respecter la règlementation actuelle, supprimer les frais facultatifs, et plafonner le prix des voyages et sorties scolaires. La mesure principale du Pacte serait d’atteindre progressivement la gratuité scolaire en commençant par la suppression des dépenses strictement scolaires demandées dans l’enseignement maternel, puis dans l’enseignement primaire et secondaire.

Si l’on peut comprendre la nécessité de progressivité et l’importance d’éliminer tous frais en maternelle, l’ambition affichée est dès le départ très limitée, trop limitée, l’enseignement maternel étant le moins onéreux pour les familles. Outre le fait d’arriver au même résultat dans des délais rapides dans l’enseignement fondamental, il faudrait au minimum que cette

mesure s’applique rapidement dans les enseignements techniques et professionnels qui sont particulièrement coûteux pour les familles (couteaux, tenues de cuisine, outils, chaussures de travail, appareil photo, matériel d’art, etc.).

Si l’opérationnalisation d’une gratuité scolaire totale prendra du temps, il est nécessaire de fixer des délais raisonnables et ambitieux. Il y a trop longtemps que la question est sur la table sans être concrètement à l’agenda.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels engageant la Belgique à atteindre la gratuité scolaire, a plus de 40 ans. En 40 ans, les Gouvernements successifs n’ont développé aucun programme dans ce sens … quels échecs successifs sans remédiation aucune ! Il faut donc s’y mettre tout de suite, sans plus aucune tergiversation.

Le Pacte sous l’angle budgétaire

En vitesse de croisière, le Pacte constitue un investissement annuel de plus de 50 millions d’euros lorsque les investissements auront généré les effets escomptés.

Lorsque l’avis 3 a été renégocie suite au « NON sauf si » des organisations syndicales, nous avons obtenu des précisions sur l’échéancier des mesures.  Celui-ci prévoit que les investissements précèdent les économies.  Citons à titre d’exemples :

  • L’encadrement en maternel
  • L’aide aux directions
  • Le recrutement de conseillers pédagogiques
  • Les moyens pour soutenir le processus RCD tout au long du tronc commun
  • La suppression des plages horaires
  • La réduction des prestations des professeurs de pratique professionnelle
  • L’investissement en formation de cours de carrière notamment par l’augmentation de jours de formation compensée par une « prime formation »

Ainsi en 2022, 2023, au terme de la prochaine législature, l’investissement devrait être de 220 -203 millions par an.

Avant la crise de juin, le Gouvernement s’est accordé sur l’aspect budgétaire du pacte. Depuis la crise et la mise en place du gouvernement wallon dans lequel siège le Cdh et la Ministre Greoli, vice-présidente du Gouvernement FWB,  nous voulons que la majorité reconstituée confirme cet engagement car la déclaration de politique régionale wallonne s’inscrit dans une trajectoire explicitement différente: « La Wallonie s’inscrira dans la lettre et l’esprit de l’accord de coopération de 2013 relatif à la coordination et à l’évaluation des politiques budgétaires des différentes entités belges. A ce titre, une attention particulière sera accordée à l’évolution du solde structurel. Le Gouvernement établira sa trajectoire budgétaire en se fondant sur les recommandations du Conseil Supérieur des Finances. »

Le non-respect de la trajectoire budgétaire constituerait une rupture de l’équilibre construit entre les partenaires de l’école au sein du Pacte et menacerait de facto, sa concrétisation.

[1] Plateforme que coordonne la Ligue des Droits de l’Enfant depuis 14 ans.

[2] Les résultats des recherches confirment que les pays qui organisent une séparation précoce des élèves sont des pays qui accroissent les différences de performance entre élèves et les inégalités sociales de résultats dans les systèmes éducatifs.

Ce résultat n’est plus contesté aujourd’hui. Il est clair et logique : si l’école commune dure plus longtemps  et si l’orientation se fait plus tardivement, elle sera moins dépendante du capital culturel  que  les élèves ont reçu dans leur famille.

[3] http://www.pactedexcellence.be/wp-content/uploads/2017/04/PACTE-Avis3_versionfinale.pdf  p.305 à 307.

Forum : Une école inclusive, aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

Forum : Une école inclusive, aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

 

21 novembre 2017 : Forum

 

Une école inclusive, aussi pour les élèves avec une déficience intellectuelle ?

Journée organisée par la Ligue des Droits de l’Enfant et la Plate-forme pour l’accueil de l’enfant malade ou handicapé à l’école en collaboration avec le Centre d’Etude et de Formation pour l’Education Spécialisée et Inclusive – Université Libre de Bruxelles

On estime que 1 à 2% de la population générale est concernée par la déficience intellectuelle. Dans notre enseignement, la toute grande majorité des élèves pour lesquels un diagnostic de déficience intellectuelle a été émis sont scolarisés dans l’enseignement spécialisé de type 1 ou 2. Les données statistiques de 2016 révèlent ainsi qu’au niveau maternel, 33% des élèves sont dans le type 2 ; au niveau primaire, 25% des élèves fréquentent le type 1 et 14% le type 2 ; au niveau secondaire, 52% des élèves relèvent du type 1 et 20% du type 2. Les élèves présentant une déficience légère sont à peine 7% à bénéficier d’un enseignement spécialisé intégré. Quant aux élèves relevant du type 2, ils sont moins de 1% à fréquenter un enseignement ordinaire.

Alors que l’on réfléchit à comment faire évoluer l’école vers une école inclusive, ces enfants avec déficience intellectuelle semblent être oubliés des initiatives prises en la matière. D’aucuns estiment que leur place ne peut être dans un enseignement ordinaire primaire ou secondaire qui a des exigences trop élevées et dont les programmes et l’organisation ne permettraient pas une individualisation des parcours scolaires. Dès lors, il paraît « naturel » que ces élèves soient systématiquement orientés vers l’enseignement spécialisé. Pour les élèves présentant une déficience légère, on argue du fait que le projet pédagogique de l’enseignement spécialisé de type 1 est clair : il s’agit de mener les élèves vers une formation professionnelle qualifiante, leur permettant à l’âge adulte, de tenter leur chance dans le monde du travail ouvert. Il n’existe malheureusement aucune évaluation d’ensemble de l’effectivité de ce projet pédagogique. L’accès, à l’âge adulte, à une vie socio-professionnelle ne semble pas aussi évidente qu’on pourrait le croire. Par ailleurs, la littérature scientifique s’accorde sur le fait que des parcours en enseignement ordinaire augmente de beaucoup les possibilités d’une insertion socio-professionnelle. Par ailleurs, des parents, soutenus par des professionnels et s’appuyant sur des expériences étrangères ainsi que sur l’expérience actuelle de leur enfant, souhaitent que les élèves fréquentant le type 2 d’enseignement puissent bénéficier aussi d’une classe et d’une école inclusive.

Poursuivant notre mission de réflexion et de propositions concrètes pour favoriser la meilleure intégration possible des tous les élèves dans l’enseignement ordinaire, tel que le demande la Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées, nous souhaitons cette année aborder, sans tabou, la question de la place des élèves avec déficience intellectuelle parmi leurs pairs typiques

Ce Forum se veut un moment d’échanges autour de quatre grandes thématiques, débattues par un panel d’acteurs en collaboration avec les participants et devant déboucher sur des propositions concrètes à soumettre aux divers responsables et ce, au moment où le Pacte d’Excellence se met peu à peu en place et veut promouvoir une école ouverte à la différence.

Quand ? Le mardi 21 novembre 2017

Où ?A l’ULB, Auditoire E. Dupréel, Avenue Jeanne,44 – 1er étage à 1050 Bruxelles

Date limite d’inscriptions 15 novembre 2017,

Inscriptions auprès du Cefes :

par mail : secretariat@cefes.be

ou par téléphone 02/650 32 81

Programme et informations dans le dépliant téléchargeable ici : Colloque 21 novembre 2017

 

 

 

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