Les devoirs, sources de tensions familiales

Les devoirs, sources de tensions familiales

La réalité des devoirs à la maison n’est pas souvent radieuse : énervement des enfants et des parents, stratégies d’évitement, problèmes relationnels entre enfants et parents – voire des parents entre eux – temps passé à réexpliquer des notions qui n’ont pas été comprises en classe, malentendus voire incompréhensions autour de ce qu’attend le professeur, etc.

L’externalisation des apprentissages de l’école vers la famille pourrait sembler être un bon compromis entre familles en demande et école heureuse de se décharger de certaines de ses missions. En réalité, elle l’est surtout pour l’école, celle-ci se déchargeant d’une partie des tâches pédagogiques qu’elle a mission d’accomplir et pour lesquelles elle est financée, et les professeurs payés.

D’un autre côté, la famille s’y retrouve, recevant enfin la possibilité d’influer sur les apprentissages de leur enfant. Mais la réalité est-elle aussi enchanteresse ?

Au XXIe siècle, l’institution familiale ne ressemble plus guère à celle qui prévalait un siècle plus tôt, lors de la mise en place des devoirs et autres travaux à faire à domicile. Elle revêt des formes diverses et variées : mono ou biparentales, décomposées et/ou recomposées ; enfants adoptés, sous garde alternée, voire en institution. Les mères sont actives sur le marché du travail et ont moins de temps pour accompagner les devoirs de leur progéniture. Les enfants sont de plus en plus pris en charge à l’extérieur du cocon familial, ce qui a une incidence non négligeable sur l’organisation et l’emploi des familles.

Concilier travail et temps familial est devenu plus difficile. Les temps partiels, les horaires décalés ou les distances de plus en plus longues entre la maison et le lieu de travail restreint le temps passé à s’occuper de ses enfants. D’autant qu’une fois rentré à la maison, les devoirs sont dans le chemin. Priorité au souper, aux douches, à l’entretien de la maison, à s’occuper des plus jeunes et on verra le temps qu’il reste pour les devoirs. C’est ce que l’école appelle « la démission parentale ». Cependant, beaucoup de familles sont devenues des championnes de l’organisation et de la gestion du temps que l’école et ses devoirs s’ingénient à perturber, en ajoutant une surcharge à leurs charges hebdomadaires.

Les devoirs sont source de stress et sont au cœur des tensions entre l’école et la famille, mais aussi au sein même de la famille[1]. Ne se contentant pas de leur « bouffer » leur temps disponible, les devoirs engendrent des difficultés résultant de leur manque de compétence pédagogique et de l’imprécision de leur rôle en matière de soutien aux devoirs.  Pour les parents, cela amène au sein de l’espace domestique toute une série de tensions qui traversent tous les milieux sociaux, même si ces tensions se manifestent plus tôt et de façon plus vive dans les milieux défavorisés.

Dans les familles dont un enfant a des difficultés d’apprentissage, les défis sont plus grands encore. Plus celui-ci a des difficultés, plus le temps consacré aux devoirs est allongé, moins l’enfant est autonome et plus les problèmes sont grands. Et plus l’énervement gagne toutes les parties. Pour les élèves en difficultés d’apprentissage, les devoirs sont une souffrance. Ce qui est la définition même de la maltraitance !

Les études montrent un réel paradoxe : si pour 82 % des professeurs, un des intérêts du travail à la maison est de favoriser le lien famille-école, seuls 35 % des familles partagent cette idée[2]. Ce lien est remis en cause par de nombreux chercheurs car, si l’école et les méthodes d’enseignement ont beaucoup changé ces dernières décennies, les devoirs donnés à la maison restent de classiques activités de mémorisation et de répétition. En cela, ils n’illustrent en rien ce qui a été fait en classe et donnent une idée fausse des activités scolaires. On peut donc légitimement s’interroger sur la pertinence de ce lien.

A suivreL’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs… mais pas sur les apprentissages



[1] Cooper, Harris, Jorgianne Civey Robinson and Erika A. Patall (2006), ibid.

[2] Begoc F., 2001-2002, « Les devoirs à la maison », http://florent.begoc.pagesperso-orange.fr/

Toutes les familles n’ont pas les mêmes ressources pour accompagner les enfants

Toutes les familles n’ont pas les mêmes ressources pour accompagner les enfants

Les études le démontrent, le niveau de diplôme de la mère est un des meilleurs prédicteurs de la réussite des enfants[1]. En effet, ce sont essentiellement les mamans[2] qui investissent le plus dans l’accompagnement du travail scolaire à la maison et ce, quel que soit le milieu social. Au passage, cela déconstruit la doxa des parents démissionnaires, chère à de nombreux professionnels peu avertis et qui se dédouanent de leurs responsabilités en invoquant cet argument erroné.

Nombreuses sont les familles qui s’impliquent fortement dans les devoirs de leurs enfants. Même dans les milieux populaires. Comme les autres familles, celles-ci souhaitent avoir le contrôle sur le parcours scolaire de leur enfant. La réussite scolaire est devenue importante pour s’insérer socialement et professionnellement[3]. Cependant, au vu de la diversité des familles, la mobilisation peut être très inégale, selon le milieu social : plus de 90 % des parents bacheliers aident leurs enfants, tandis qu’ils ne sont que 65 % chez les non bacheliers[4]. Dans les familles aisées, une partie de la vie familiale est tournée vers la scolarité et s’organise par rapport à elle, même en surinvestissant parfois l’enfant avec des activités périphériques à l’école. Cela ne veut pas dire que les familles d’autres milieux démissionnent puisque, quel que soit le milieu social, le suivi scolaire est fort.

La sous-traitance du travail scolaire a des limites. Les élèves qui fréquentent les mêmes écoles n’ont pas tous les mêmes accès et les mêmes opportunités[5]. Toutes les familles n’ont pas les outils pour aider leur enfant. Soit à cause de leur faible niveau scolaire qui les empêche de comprendre les tâches demandées, soit parce que les savoirs et compétences enseignés à l’école ont fortement évolué depuis leur propre scolarité. Les parents ayant fait peu d’études sont de plus en plus rapidement confrontés à l’impuissance. Ils ne comprennent plus ce qu’attend le professeur. Ils se contentent donc faire le travail au mieux, selon leurs valeurs : un travail propre et une leçon apprise par cœur, sans que celle-ci ne soit nécessairement comprise. Parfois même, le devoir est détourné au profit de nouveaux objectifs qui semblent plus importants à leurs yeux, comme savoir lire un texte avec expression, alors que celui-ci devrait être compris, ou encore inculquer une autre méthode de résolution d’exercices, telle celle qu’ils ont apprise durant leur scolarité.

De nombreux parents disent ne pas comprendre les devoirs de leur enfant, même s’ils passent malgré tout plus de deux heures par semaine à tenter de les aider. 54% des parents interrogés sont en difficulté. Les sujets des devoirs ne leur sont pas familiers, devenant source d’embarras, de frustration et d’une fort sentiment d’incompétence[6].

A suivre… Les devoirs, sources de tensions familiales



[1] Séverine Kakpo – Les devoirs à la maison, mobilisation et désorientation des familles populaires – PUF 2012

[2] La mère interviendrait dans 69% des cas (Ufapec, 2000).

[3] Voir aussi Thibert, 2013, 2014

[4] Géry C., 2004, Les représentations des enseignants de l’élémentaire par rapport au travail scolaire à la maison, Mémoire de Maîtrise, Sc. de l’éducation, dir. M. Derycke, Univ. Jean Monnet, St-Etienne

[5] Hancock J., avril 2001, “Homework : a literature review”, Center for Research and Evaluation

[6] Etude de la BBC (publiée en mai 2000 dans Independant)

La maison, un lieu de scolarisation « secondaire »

La maison, un lieu de scolarisation « secondaire »

Les devoirs relèvent du « paradoxe de la clôture scolaire[1] ». Alors que l’école a pour mission de décharger les familles de la tâche d’instruction, elle la leur renvoie à travers les devoirs à la maison. De ce fait, l’école brouille la distinction entre « chargés d’instruction » (les professionnels de l’enseignement) et « chargés d’éducation[2] » (les familles).

La majorité des parents se transforment ainsi en professeur d’école pendant les devoirs. 95 % des familles disent consacrer du temps au devoirs de leurs enfants[3], notamment par le guidage scolaire et les activités parascolaires. Ils disent consacrer entre 1 à 3 heures par semaine à aider d’une façon ou d’une autre leurs enfants à faire leur travail à la maison[4].  Les enjeux qui tournent autour de la réussite des enfants créent, chez les parents, de l’anxiété pour leur avenir. Pour tenter de sauver leur épingle du jeu, les familles adaptent leur environnement afin qu’il devienne un lieu de scolarisation « secondaire ». Le temps et l’espace sont adaptés aux devoirs, voire aux apprentissages complémentaires. Les leçons, les devoirs, les stages « pédagogiques » rythment la vie familiale. Les chambres, si elles le permettent, accueillent des bureaux, sinon c’est la cuisine ou la salle à manger qui sont transformées en salles d’études. Quand c’est possible !

On y instaure des rituels (goûter – devoirs – télé) et des procédures de contrôle, sans oublier les punitions (ou les récompenses : télé, console, ordinateur, jouer avec des amis, les inviter pour su anniversaire, …).

Loin d’un monde idéal, ces aménagements perturbent la vie familiale plus souvent qu’il ne faut. On est loin des apprentissages sereins, les parents se contentant de poser le cadre dans lesquels leurs enfants pourraient travailler. Énervements des enfants et des parents, stratégies d’évitement pour ne pas faire les devoirs, pertes de temps à tenter de réexpliquer des notions non comprises, malentendus sur ce qu’attend le professeur qui n’a pas été clair dans ses attentes, etc.

A suivre… Toutes les familles n’ont pas les mêmes ressources pour accompagner les enfants



[1] Maulini O., 2000, « Entre l’école et la maison, un seul devoir : la circulation des savoirs », Bulletin du Groupement Cantonal genevois des Parents d’élèves des écoles Primaires et enfantines (GAPP), n°80 – 2000, p 24 – 26

[2] Art 18 de la CIDE : « La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. » Cela implique évidemment que les parents instruisent aussi leur enfant mais dans d’autres domaines que le fait l’école et que, d’autre part, les enseignants s’ils instruisent sont aussi des éducateurs sur la base de l’article 28 de la CIDE « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous; Ils encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l’offre d’une

aide financière en cas de besoin; (…) »

[3] Goupil, Comeau, Dore, 1997, « Les devoirs et leçons : perceptions d’élèves recevant les services orthopédagogiques », Education et Francophonie, revue scientifique virtuelle, n°25 (2) – 1997

[4] Scott Jones (1995), (rapporté par Van Hooris, 2003)

Les parents en sont convaincus : les devoirs participent à la réussite de leurs enfants.

Les parents en sont convaincus : les devoirs participent à la réussite de leurs enfants.

Toutes les études concordent. De manière générale, les familles ne remettent pas en cause devoirs et leçons à faire à la maison. Elles estiment que cela participe à la réussite de leurs enfants. La plupart des parents apprécient les devoirs[1], mais c’est sans compter sur l’avis de leurs enfants qui affirment ne faire leurs devoirs que pour faire plaisir aux adultes (parents ou professeurs), ou encore pour leur prouver qu’ils ont bien écouté en classe. Les élèves ne comprennent pas l’utilité des devoirs dans leurs apprentissages ou pour l’acquisition d’une autonomie. Pour eux, les devoirs ne sont pas utiles pour développer leur autonomie ou de « bonnes » habitudes de « travail »[2].

La conséquence en est que de nombreux parents demandent encore plus de travail à la maison aux professeurs. Pour eux, le maître est bon s’il donne des devoirs régulièrement, voire en quantité. Quant aux autres, ils seraient, dès lors, au mieux inefficaces, au pire incompétents. Le problème est que les parents n’ont pas connaissance de ce qui a été donné en classe, et ce n’est pas une masse de leçons et de devoirs qui les en informera. Les études le prouvent, les devoirs ne montrent jamais la réalité de la classe qui a bien évolué depuis qu’ils ont quitté les bancs de l’école. Comment peuvent-ils dès lors imaginer que les travaux à domicile sont le reflet de ce qu’a appris leur enfant en classe[3] ? S’ils pouvaient regarder mieux, ils sauraient que les apprentissages ont bien été donnés aux élèves en classe, durant les cours ! Pourtant, 66% des personnes interrogées estiment encore et toujours qu’il faut pouvoir donner des devoirs aux élèves de 1ère et 2ème primaire (alors que c’est interdit)[4].

Finalement, peu leur importe et il faut les entendre. L’école est avant tout un lieu de compétition où les parents sont, soit découragés par les échecs successifs, soit encouragés par la réussite de leurs enfants sur les autres élèves. Il ne leur reste pas d’autres prises pour espérer les sauver ou creuser plus encore l’écart, que ces satanés devoirs. La question est de savoir si une augmentation de la pression permettra de résoudre les problèmes ou de booster leur enfant. Cela ne risque-t-il pas, au contraire, de le décourager plus encore, et de le démobiliser ?

A suivre… La maison, un lieu de scolarisation « secondaire »



[1] Deslandes et autres (2008)

[2] Corno (2000)

[3] Glasman & Besson, ibid.

[4] RTL INFO : Langues anciennes, religion, devoirs… le Belge conservateur à l’école? Publié le 28 mars 2019

QUELS TYPES DE DEVOIRS DEMANDE-T-ON RÉELLEMENT DANS LES ÉCOLES ?

QUELS TYPES DE DEVOIRS DEMANDE-T-ON RÉELLEMENT DANS LES ÉCOLES ?

Pour répondre à cette question, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse a consulté les règlements d’études, projets d’établissement et règlements d’ordre intérieur d’une vingtaine d’écoles primaires[1]. Ils ont agi par coup de sonde. L’échantillonnage n’est donc pas représentatif de toutes les écoles mais donne une idée de la manière dont les écoles considèrent les devoirs en Fédération Wallonie-Bruxelles (et sans aucun doute ailleurs aussi). Les écoles sont référencées en fonction de leur indice socioéconomique[2].

1 6 12 13 16 18 19 20
Référence explicite au décret dans le projet d’établissement + quelques suggestions de devoirs à proposer aux élèves : exercices de mémorisation, finir un travail commencé en classe pour acquérir un rythme de travail, une autonomie, travaux personnels d’intégration et de créativité pour  renforcer l’esprit d’analyse et de synthèse… L’école a pour fonction de faire apprendre. Dans ce sens, le travail doit se faire en classe. Les leçons ne doivent servir qu’à une révision, un entraînement de la matière. Puisqu’il y a de la place pour un travail intelligent en classe, plus besoin de le faire à la maison. (dans le règlement des études) Le travail à domicile est conçu comme un appui aux tâches essentielles effectuées en classe (règlement des études) L’école stimulera l’autonomie… en proposant des travaux de recherche, en leur apprenant à utiliser un centre de documentation et à consulter des ouvrages de référence (projet d’établissement Réaffirme l’utilité des devoirs en primaire : ils permettent aux enfants de faire des exercices de systématisation et d’exercer leur mémoire. Travaux à domicile : recherche, applications et mémorisation / trois types d’activités : les devoirs écrits, la recherche et l’étude des leçons N’aborde pas de compétences ou de matières n’ayant pas fait l’objet d’un apprentissage Travaux : prolongement des exigences développées en classe Entraînement essentiel à la fixation des savoirs. Les élèves exerceront leur mémoire, leur concentration et leur capacité d’investigation Exclut l’avancement dans une matière non travaillée en classe, l’achèvement d’exercices non terminés, la correction d’exercices faisant appel à la compréhension d’une matière complexe L’étude des leçons est prioritaire

Première conclusion, les travaux repris sont conformes au Décret. Il ne s’agit pas de faire appel « à la compréhension d’une matière complexe » (école 19), à « des matières n’ayant pas fait l’objet d’un apprentissage » (école 18).

Secundo, les divergences entre écoles sont importantes. L’école 1 parle de « finir un travail commencé en classe pour acquérir un rythme de travail », tandis que l’école 19 exclut « l’achèvement d’exercices non terminés ».

Enfin, ils attirent l’attention, sur la suggestion des « travaux personnels d’intégration et de créativité pour renforcer l’esprit d’analyse et de synthèse » de l’école 1 qui a l’indice socioéconomique le plus faible et se demandent s’il est bien légitime et utile de proposer ce type de travail, à domicile, sans encadrement…

A suivre… Les effets escomptés, selon les professeurs



[1] La place des travaux à domicile dans la vie des enfants de l’enseignement primaire, France Neuberg aSPe, Université de Liège,2012

[2] L’indice socioéconomique 1 est le plus bas. L’indice socioéconomique 20 désigne les écoles où le public provient des milieux sociaux les plus favorisés.

POURQUOI DONNE-T-ON DES DEVOIRS ?

POURQUOI DONNE-T-ON DES DEVOIRS ?

La question mérite d’être posée car les professeurs, dans leur immense majorité, ne savent rien des devoirs à la maison[1]. En cela, ils ignorent complètement une partie du processus des apprentissages qu’ils donnent en classe, ce qui est un comble pour des professionnels. Il s’agit d’un « trou noir » dont ils ne se soucient guère, alors qu’il dit beaucoup sur la manière dont les apprentissages sont faits à la maison. De même que sur le temps passé aux activités exigées, ainsi que sur les difficultés résultantes des explications qu’ils ont données durant leurs cours.

Pour les professeurs, les devoirs permettraient à l’élève de revoir et mémoriser ce qui a été appris en journée, dans un contexte plus détendu que celui de la classe. Les devoirs favoriseraient la réussite scolaire en permettant aux élèves d’avoir de meilleures notes ou les aideraient à élaborer des méthodes de travail et à développer leur autonomie. Cette position serinée et répétée aux parents, depuis qu’ils sont enfants, est forcément partagée par nombre d’entre eux.

Les objectifs des devoirs écrits peuvent répondre à plusieurs finalités[2] :

  • les devoirs de pratique : pour renforcer les acquisitions ;
  • les devoirs de préparation : pour donner aux élèves une connaissance du sujet prochainement étudié en classe ;
  • les devoirs de poursuite : pour faire utiliser aux élèves des concepts dans d’autres situations ;
  • les devoirs de créativité : qui relèvent davantage de l’analyse.

Fort heureusement, certains enseignants ne sont pas favorables aux devoirs. Ils n’entrent pas ou peu dans la dynamique des travaux à faire à domicile. Lorsque c’est une politique d’école, l’engagement leur est facile à prendre. C’est déjà plus difficile quand on enseigne dans une école où les devoirs sont une habitude venue de la « nuit des temps » et qui n’est jamais requestionnée. Dans ce cas, seuls ceux qui ont, non seulement de la bouteille, mais aussi du caractère et de précieux arguments pédagogiques, peuvent se lancer dans des apprentissages qui ne sortent pas ou sortent peu de la classe. Les jeunes professeures et professeurs n’osent généralement pas aller à contre-courant et n’ont pas le cran de devoir se justifier devant des collègues ou une direction conservatrice et peu pédagogue. Ce dossier devrait les outiller, leur fournir assez d’arguments pour refuser d’encore bombarder leurs élèves de travaux à domicile.

Pourtant Dominique Glasman et Leslie Besson de préciser que « les devoirs ne s’inscrivent que rarement dans une politique d’établissement. Ce sont en effet essentiellement les choix individuels qui guident les pratiques de travail dans chaque classe. (…) les professeurs donnent des devoirs davantage pour se conformer à la règle et répondre aux attentes des parents que pour leur utilité pédagogique. Le travail à la maison actuel n’est pas représentatif de l’évolution de l’institution scolaire mais correspond davantage au vécu et aux attentes des parents. De plus, outre le regard des familles, c’est celui des pairs qui justifie a priori le comportement de certains professeurs. En effet, le ‘sérieux’ du professeur semble être associé au fait de donner ou non des devoirs aux élèves.[4] »

Si le fait de ne pas donner de devoirs est une politique dans la plupart des écoles à pédagogie active et/ou soucieuses du bien des enfants et des familles, le fait d’en donner ne s’inscrit que rarement dans une politique d’établissement. Plusieurs choses motivent les professeurs à en donner. D’abord, le désir d’affirmer leur indépendance par rapport à des pressions de l’extérieur[5] réelles ou fantasmées. Ensuite, s’ils donnent des devoirs, c’est le plus souvent pour se conformer à la règle et répondre aux attentes des parents (du moins de ceux qui sont demandeurs). Enfin, outre le regard des parents, c’est celui des collègues qui justifie le comportement de certains professeurs, craignant que leur « sérieux » ne soit remis en cause. A ce titre, la position de la direction semble importante dans le fait de donner ou non des devoirs aux élèves[6].

Ajoutons à ces trois raisons plus qu’étonnantes[7], l’individualisme des pratiques et le manque de communication – et donc de réflexion – entre les professeurs. Si en primaire, les maîtres sont seuls à gérer une classe, en secondaire ils sont parfois une dizaine à devoir gérer le même groupe-classe. Cela génère un casse-tête pour les élèves qui doivent gérer les agendas de plus de dix profs et leurs exigences en termes de travail à la maison. La coordination interne entre disciplines est rarement efficiente[8]. Seuls 6% des lycéens reconnaissent ne jamais être débordés pendant l’année scolaire[9]. Les élèves et leurs familles doivent donc s’adapter et comprendre le rôle et le contenu de chaque devoir en fonction de chaque professeur.


[1] Kravolec E., Buell J., 2001, “End homework now”, Educational leadership, n°58 ( 7) – 2001, p 39 – 42

[2] Glasman Dominique & Besson Leslie : Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école. Rapport public. Paris: Haut conseil de l’évaluation de l’école (2004).

A suivre : Quels types de devoirs demande-t-on réellement dans les écoles ?

[4] Glasman Dominique et Besson Leslie, Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Haut Conseil de l’Evaluation de l’Ecole, Paris, décembre 2004, pp. 34-35 dans Les écoles de devoirs : au-delà du soutien scolaire, op. cit., page 9.

[5] Tedesco E., 1985, Les attitudes et comportements des maîtres à l’égard du travail scolaire à la maison dans l’enseignement élémentaire, INRP

[6] Tedesco (1982) citée par Glasman Dominique & Besson Leslie : Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école. Rapport public. Paris: Haut conseil de l’évaluation de l’école (2004).

[7] On peut, en effet, s’interroger sur les compétences pédagogiques de ces professeurs qui ont pour mission de faire de leurs élèves des citoyens réflexifs, progressistes et soucieux des autres, aptes à construire une société plus équitable, alors qu’eux-mêmes démontrent leur incapacité de le faire dans leurs propres pratiques professionnelles.

[8] Glasman D. et al, 1992, L’école hors l’école : soutien scolaire et quartiers, Paris ESF

[9] Barrère A., 1997, Les lycéens au travail, Puf