Les devoirs à domicile : conclusions

Les devoirs à domicile : conclusions

1. Il y a des solutions

Évidemment, les solutions existent et il ne faut pas les chercher bien loin.

La première solution – et la meilleure – n’est pas de faire comme les prétendument « bonnes » écoles[1], mais comme les écoles qui ont un véritable projet pédagogique. Donc, celles qui font de la pédagogie active.

Notre société est sans doute condamnée à devoir supporter ces « bonnes » écoles longtemps encore tant est forte la demande des « bonnes » familles (mais c’est aussi la demande des fédérations d’employeurs) de pratiquer une sélection afin de préserver leurs « bons » enfants et de diriger les enfants des autres (les « mauvais ») vers des formations qui en feront les ouvriers, les serviteurs et les petites mains de leur propre progéniture. « Si on envoie tout le monde à l’université, qui m’apportera mon courrier ou réparera mon gros S.U.V. polluant quand il est en panne ? »

Les devoirs participent à la sélection. Mais il y a des écoles qui refusent ce système et cherchent à retarder ce tri injuste le plus longtemps possible. Du moins, tant que les élèves sont en leur sein. Pour cela, et afin de diminuer les inégalités sociales et d’apprentissage, elles mettent en place de véritables projets pédagogiques. « Véritables », parce que basés sur une pédagogie validée par de nombreuses recherches en sciences de l’éducation. Citons pêle-mêle à commencer par les plus connues, dans le désordre et sans être exhaustifs, les pédagogies Freinet, Montessori, Freire, Decroly, Steiner-Waldorf, l’Ecole nouvelle et active de Ferrière, en passant par l’apprentissage coopératif, la pédagogie universelle, la pédagogie différenciée, la pédagogie explicite et, enfin, celle qui doit accompagner toutes les autres, la pédagogie institutionnelle de Fernand Oury.

Il y a choix en la matière. Il est donc étonnant que nombre de nos écoles fassent de l’A-pédagogie frontale (notez le « A » privatif). Autrement dit, elles n’enseignent pas. On y donne cours, les professeurs y donnent leçons… et devoirs. Pourtant, cela reste encore celles que les bourgeois et ceux qui ne connaissent rien à la Pédagogie encensent. Fort heureusement, de nouvelles familles (de la middle-class non snobinarde), ayant eu la chance d’aller longtemps à l’école recherchent précisément les écoles à pédagogies active[2]. Dès que l’une de celles-ci s’ouvre dans un quartier populaire qui était précédemment fui par les populations plus aisées, ces familles font la file pour y inscrire leurs enfants, alors que les familles populaires, plus réticentes par rapport à ce qu’elles ne connaissent pas, s’y retrouvent finalement en minorité.

L’école des « devoirs », celle de la compétition, de la sélection, de la maltraitance n’est décidemment pas une bonne école, même si elle s’en revendique. Pour changer, elle n’a qu’une alternative, devenir active et donc respectueuse des rythmes des élèves.

C’était la première solution, loin d’être la plus simple car elle nécessite un investissement important pendant les premières années, mais certainement la solution la plus citoyenne. 

Seconde solution, celle que nous recommandons aux croyants du Darwinisme social, c’est-à-dire, à celles et ceux qui sont convaincus de l’utilité de la sélection d’enfants innocents pour satisfaire les classes sociales les plus aisées. Cette sélection à laquelle eux-mêmes ont échappé car inscrits dans une école qui a d’abord sélectionné leurs petits camarades de classe pour la « casse ».

A ces experts du « On ne peut pas faire réussir tout le monde, ma bonne dame », nous disons : « Quitte à donner des devoirs, autant de rester dans la légalité. C’est non seulement une question étique, mais aussi de crédibilité. Comment un professeur qui serait hors-la-loi pourrait-il exiger de ses élèves qu’ils respectent les règles de « son » cours, celles qu’il a édictées en maître divin (ou en dieu vivant, c’est selon…) ? »

Un professeru se doit de donner l’exemple. Si une loi est édictée, chaque citoyenne, chaque citoyen se doit de la respecter. Surtout si elle a été votée par celles et ceux qui nous représentent politiquement. Cela s’appelle la Démocratie, contrairement à ce qui se passe dans nombre de « bonnes » écoles où cette Démocratie n’a plus (ou jamais eu) cours.

Dès lors, si vous enseignez en primaire, en Belgique francophone (pour les autres pays ceci est parfaitement adaptable, ne mange pas de pain et vous gardera l’estime de vos collègues élitistes et des familles BCBG qui sont les prétendues « élites » de votre population scolaire), il suffit de ne donner des « travaux à domicile » tels que décrits plus haut : 0 minutes avant 6 ans, 10 minutes de moyenne de 6 à 8 ans, 20 minutes de moyenne de 8 à 10 ans et enfin 30 minutes maximum de 10 à 12 ans.

Mais, vous êtes en secondaire ? Cela ne change rien, sinon que si vous voulez devenir progressivement un enseignant respectueux de TOUS vos élèves, vous allez devoir vous concerter avec vos collègues, afin de vous mettre d’accord pour ne pas dépasser les règles suivantes. Dans le cas d’espèce ou vous tenez aux devoirs, évidemment :

  • 30 à 35 minutes de travaux à domicile à faire seul, maximum 4 fois par semaine, entre 12 et 14 ans ;
  • 35 à 40 minutes de travaux à domicile à faire seul, maximum 4 fois par semaine, entre 14 et 16 ans ;
  • 40 à 45 minutes de travaux à domicile à faire seul, maximum 4 fois par semaine, entre 16 ans et la fin du secondaire.     

Pourquoi quatre fois maximum ? Simplement pour respecter les droits fondamentaux de vos élèves et l’article 31 de la Convention Internationale des Droits de vos élèves (ONU 1989). Cette moyenne doit être estimée sur base des élèves ayant les plus grandes difficultés.

Au-delà de ces deux propositions, vous serez dans l’illégalité (sauf en secondaire ou tous les coups bas[3] et toutes les discriminations sont permis).

On l’a dit, des solutions existent : des écoles qui ont un véritable projet pédagogique (donc une pédagogie active) ne donnent que peu de travaux à domicile à faire à la maison. Les enseignants-pédagogues savent que le seul lieu des apprentissages est la classe. Dès lors, le travail à faire à la maison est restreint, les élèves savent exactement ce que l’on attend d’eux et le travail se fait sans l’aide des parents. Les écoles Freinet, par exemple, font le pari que les parents ne demandent des devoirs que parce que c’est souvent le seul lien qu’on leur propose avec ce qui se passe en classe. Si on leur propose d’autres modalités de communication avec les enseignants, d’autres façons d’accompagner la scolarité de leurs enfants, ils les adopteront bien vite ! Il faut que les enfants montrent à la maison ce qu’ils ont fait en classe, pas qu’ils montrent en classe ce qu’ils ont fait à la maison.

Et le message de Christian, enseignant Freinet aux parents de sa classe :

Aux parents :

Notre objectif, Parents et Enseignants, est d’aider au mieux vos Enfants à cultiver le goût, l’envie d’aller à l’Ecole pour apprendre et surtout pour comprendre et construire en confiance leurs savoirs.

A la maison, après l’Ecole, on goûte, on parle, on raconte, on discute, on lit, on joue

Vous pouvez goûter, parler, raconter, discuter, lire et jouer avec votre Enfant.

Christian.

2. Rappelons-nous que l’échec scolaire tue !

Au-delà du problème des devoirs, c’est du bien-être de tous les élèves qu’il s’agit. Est-il un enseignant celui qui donne des devoirs pour ne pas être traité de laxiste par ses collègues ou par des parents ? A-t-elle de l’empathie pour ses élèves celle qui, pour être bien vue de sa directrice, force leçons et révisions à faire à la maison ? Peut-on se trouver devant des jeunes dans l’espoir de les former à un esprit critique quand on refuse, soi-même, d’analyser une situation aussi élémentaire que celle des devoirs à domicile, qui impacte la vie de millions de jeunes et de leurs familles, génère la discrimination, l’échec scolaire et la haine, parmi les plus fragiles de notre société ?  

Les devoirs sont interdits mais les journaux de classe pré-imprimés comprennent toujours les trois rubriques : devoirs – leçons – notes. Tant que le politique ne veillera pas à ce que les écoles qu’il subsidie – et par là-même les éditeurs et imprimeurs – respectent les lois, les élèves continueront à passer leurs après-journées à se fatiguer plus encore et à voir leurs droits au repos, aux loisirs, à la découverte de l’art et d’une autre culture que celle enseignée à l’école, non respectés.

Et s’il est bien un pilier qui doit tenir cette société debout, en formant des citoyennes et des citoyens à co-construire le droit – et donc la Justice – et à le respecter, c’est l’institution scolaire. Celle-ci n’a jamais rempli son rôle, étant elle-même un lieu de non-droits. « Faites ce que je dis et non ce que je fais » est sa devise cachée.

Les devoirs ne sont que la pointe de l’iceberg de l’échec scolaire. Ils y participent mais font partie d’un tout élaboré pour pratiquer la sélection des élites et la relégation des enfants de milieux moins favorisés. Et donner des devoirs participe à ce système discriminant tout en se donnant le beau rôle : « Si tu es en échec, c’est parce que tu n’as pas étudié », sans remettre en cause l’incohérence du système et ses propres pratiques.

Contrairement à ce que pensent certains chercheurs, nous ne partageons pas l’idée que les devoirs à domicile représenteraient un compromis social entre l’école et les familles le moins mauvais possible, malgré la demande des familles. L’enseignement a beaucoup changé depuis que les parents ou grands-parents sont passés par l’école. Apprendre une leçon signifiait souvent apprendre par cœur un contenu encyclopédique plutôt que des notions étudiées en classe. Aujourd’hui, pour bien faire, apprendre une leçon devrait prendre un tout autre sens et représenter un travail bien plus exigeant et complexe que les familles ne sont plus capables d’assumer, pour les raisons que nous avons évoquées plus haut.

Or, si pour 82 % des professeurs, une des raisons pour lesquelles ils donnent des devoirs est de favoriser le lien école-famille, seulement 35 % des parents partagent cette idée.

Oui, l’échec scolaire tue. Les suicides d’adolescents sont la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route . Et les devoirs, comme tout le reste de l’iceberg, font partie de ce harcèlement psychologique mis en place par l’école pour culpabiliser les jeunes qui vivent l’échec au quotidien. L’école est un important lieu de risques psychosociaux pour les élèves. Les phobies scolaires touchent environ 5 % des élèves âgés de 12 à 19 ans (soit au moins un par classe). L’échec scolaire engendre le sentiment d’incompétence acquise qui fera boule de neige et mènera vers plus d’échecs encore. La compétition entre les élèves et la pression des professionnels de l’école et/ou des parents amène du stress et de la souffrance. Des élèves vivent mal leurs différences (handicap, difficultés d’apprentissage, préférences sexuelles, transsexualité, …) et leurs échecs.

Enfin, quelle est la part des problèmes vécus à l’école dans les tentatives (ou réussites) de suicides des adolescent·e·s ? Si, souvent il n’est pas le seul critère qui mène au désespoir et aux idées de suicide, il n’est pas innocent de penser que c’est la goutte de trop, celle qui mène au passage à l’acte. Dans toute tentative de suicide d’un enfant, l’échec scolaire doit être questionné. Les devoirs en font partie !



[1] Les prétendument « bonnes » écoles sont celles qui donnent devoirs et leçons, celles qui mettent les élèves en compétition en leur distribuant des notes au mérite, ce qui leur permet de pratiquer une sélection entre les soi-disant « bons élèves » et les prétendus « moyens » ou « mauvais » élèves. Ces derniers étant tous des Mozart qu’on assassine au nom de la méritocratie bourgeoise. En fait, les prétendument « bonnes » écoles, sont les plus mauvaises !

[2] Notez que le terme « pédagogie active » est un pléonasme. Par définition, une pédagogie est « active ». Ce sont les enseignements frontaux, ceux qui ne mettent pas les élèves en action qui ne sont pas des pédagogies actives. Ce ne sont, d’ailleurs, pas des pédagogies du tout !

[3] Synonyme : traîtrises

Les devoirs doivent être corrigés. Comment font les professeurs ?

Les devoirs doivent être corrigés. Comment font les professeurs ?

Si les devoirs volent du temps familial, ils en volent aussi à l’école et donc au temps d’apprentissage des élèves. Le maître doit vérifier que les devoirs ont été bien faits et les corriger. Cela se fait parfois dans la classe durant le cours, ou alors le professeur reprend la pile de devoirs à corriger chez lui.

Le temps de correction est généralement inefficace en termes d’apprentissages, ou est une charge de plus pour le maître. Ceci est sans doute la raison qui explique que plus de 50% des professeurs belges ne vérifient pas ou peu les devoirs faits à la maison. La Belgique est parmi les pays où les devoirs sont les moins corrigés et donc, parmi plus mauvais élèves de la classe avec la Suède et la Finlande[1].

Tout ça pour ça…. !!!

Et pour finir : Conclusions : Il y a des solutions, mais rappelons-nous que l’échec scolaire tue !



[1] Isac Maria Magdalena et al. Teaching practices in primary and secondary schools in Europe: Insights from large-scale assessments in education. Luxembourg : Commission européenne. 2015

Comme enseignant, ai-je le droit de donner des devoirs ou suis-je hors-la-loi ?

Comme enseignant, ai-je le droit de donner des devoirs ou suis-je hors-la-loi ?

Un enseignant ne donne pas de devoirs ou peu ! Par contre, un professeur, si ! Mais, est-il pour autant hors-la-loi ?

Si en France les devoirs sont interdits depuis 1956, dans l’enseignement francophone belge les « travaux à domicile » sont régulés depuis 2001[1] uniquement pour l’enseignement primaire[2]. Il s’agit donc d’une OBLIGATION que doit respecter chaque… professeur !

Les travaux à domicile sont ainsi définis : « activité dont la réalisation peut être demandée à l’élève, en dehors des heures de cours, par un membre du personnel enseignant. Cette définition englobe donc tous les travaux que selon les écoles, on nomme devoirs, leçons ou encore activités de recherche ou de préparation, …  Les dispositions prévues concernent donc bien toutes ces activités et pas uniquement ce qu’il est coutumier d’appeler « devoirs » [3]».

Les travaux à domicile sont une faculté laissée aux écoles, pas une obligation qui leur serait faite. Cela signifie que les équipes éducatives qui souhaiteraient fonctionner sans travaux à domicile peuvent bien entendu le faire. Certaines le font déjà. D’autres y réfléchissent.

Les travaux à domicile sont interdits à l’école maternelle. En première et deuxième années primaires, les travaux à domicile sont interdits, mais certaines activités sont autorisées (de courtes activités par lesquelles il est demandé à l’élève de lire ou de présenter à sa famille ou à son entourage ce qui a été réalisé ou construit en classe sont, par contre, autorisées).

Pour chaque élève, la durée journalière de ces travaux ne peut excéder 20 minutes en 3ème et 4ème primaires et 30 minutes en 5ème et 6ème. Il s’agit ici d’une référence que chaque enseignant doit avoir à l’esprit quand il définit les travaux à domicile. Il ne s’agit évidemment pas d’un strict minutage chronométré pour chaque enfant.

Les travaux à domicile doivent être adaptés au niveau d’enseignement et doivent toujours pouvoir être réalisés sans l’aide d’un adulte. Les travaux à domicile doivent être conçus comme le prolongement d’apprentissages déjà réalisés durant les périodes de cours. Les travaux à domicile doivent prendre en compte le niveau de maîtrise et le rythme de chaque élève. Ils ne peuvent jamais donner lieu à une cotation. Il doit être accordé un délai raisonnable à l’élève pour la réalisation.

Mais, soyons clair, pour tout enseignant un peu pédagogue qui se respecte, l’essentiel du travail se fait en classe. Les devoirs ne devraient être une exception qu’en fin de secondaire. En effet, une étude australienne a montré que les élèves étudiant dans un pays où le temps consacré aux devoirs est important, ont de moins bons résultats au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) effectué tous les trois ans depuis 2000, ainsi qu’aux examens mis en place par les écoles elles-mêmes. Selon l’étude, surcharger les enfants de travail en primaire n’améliore pas leurs résultats, ça paye un peu plus au collège si les élèves reçoivent une aide. C’est seulement à partir de l’âge de 15 ans, c’est-à-dire durant les années lycée, que les devoirs «renforcent les performances scolaires des élèves»[4].

Donc, comme professeur en section primaire, si je dépasse les prescrits, je suis par définition hors-la-loi. Dès lors, comment serai-je encore crédible auprès de mes élèves quand je leur demanderai de respecter le règlement de la classe ou de l’école. Un hors-la-loi peut-il être plausible quand il demande aux élèves de faire ce que lui-même se refuse de faire ?

En secondaire, les professeurs devraient se référer à l’étude ci-dessus qui en confirme d’autres, à savoir que les travaux à domicile ne sont efficaces qu’en fin de secondaire et à certaines conditions (relire « Des bénéfices pas toujours démontrés »). Avant cela, comme cela a été démontré, on sait combien les devoirs à domicile n’apportent rien.

A suivre… Les devoirs doivent être corriges. Comment font les professeurs ?



[1] Dans le décret Missions, l’article 78 §4 fut modifié par ce décret du 27 mars 2001.

[2] Durant la législature 1999-2004, nous avons eu deux ministres de l’enseignement. Un pour le fondamental et un autre pour le secondaire. C’est le premier qui a œuvré dans le sens de la défense des droits de l’enfant. L’école secondaire a eu moins de chance…

[3] Circulaire n° 57 : Régulation des travaux à domicile dans l’enseignement fondamental. Décret du 29 mars 2001

[4] Slate Live, 3 avril 2012 Trop de devoirs tue la réussite scolaire

Devoirs : des bénéfices pas toujours démontrés

Devoirs : des bénéfices pas toujours démontrés

L’efficacité des devoirs est une vieille question qui anime les acteurs de l’école et les familles depuis de nombreuses années.

Comme on l’a vu, nombre de parents et de professeurs tiennent aux devoirs parce qu’ils croient que ceux-ci influencent positivement les résultats scolaires. La question qu’il faut se poser maintenant est « Ces bienfaits ont-ils été démontrés ? »

Que dit la recherche scientifique concernant les effets des devoirs sur l’apprentissage des élèves ? La relation entre le travail à la maison et une meilleure réussite n’a toujours pas été clarifiée par la recherche. Cependant, la vaste majorité des études tend à montrer que le temps consacré aux devoirs influence positivement les résultats scolaires au secondaire[1].

Il en va autrement au primaire. Selon la méthode d’analyse retenue, l’effet des devoirs peut être soit :

– faible et donc négatif ;

– positif, mais si faible qu’il n’est pas significatif sur le plan statistique[2].

Autrement dit, il est au pire contre-productif et au mieux inefficace.

Certains chercheurs parlent même d’absence de corrélation entre le travail personnel et les performances scolaires[3]. Ils vont à l’encontre du discours de l’Ecole primaire qui encense le travail personnel, ce qui est  une manière de se disculper et de faire porter le poids de la réussite sur l’élève et sa famille. Cette vision (erronée) est très fortement liée au concept de méritocratie scolaire[4].

John Hattie[5] a réalisé une méta-analyse qui s’est notamment penchée sur les travaux à faire à la maison. Selon celle-ci, les devoirs n’ont qu’un impact limité sur les résultats scolaires en primaire. Ce sont les facteurs pédagogiques et relationnels entre élèves et enseignants qui sont les plus efficaces. Certains chercheurs font l’hypothèse que les enfants plus jeunes ont une capacité moindre de concentration, ou que leurs habitudes de travail sont moins efficaces, entraînant une utilisation moins optimale du temps consacré aux devoirs.

Cependant, les devoirs à la maison peuvent être efficaces au secondaire, mais sous certaines conditions :

− l’impact sur les résultats scolaires est plus important pour les niveaux les plus élevés (après 15 ans). Les devoirs semblent donc plus adaptés au niveau de l’école secondaire supérieure que primaire et secondaire inférieur (Bonasio & Veyrunes, 2014 ; Cooper et al., 2006). En effet, un apport positif des devoirs a pu être montré au collège pour… les mathématiques ;

− les directives données doivent être à la fois claires et explicites, et ne doivent pas contrevenir au rythme des élèves ;

− le type de devoirs influe sur leur efficacité : les devoirs de pratique sont les plus fréquents, mais leur efficacité est très limitée du fait de l’ennui qu’ils suscitent. Les devoirs de prolongement sont plus motivants, mais leurs effets sur l’apprentissage ne sont pas avérés. Les devoirs créatifs sont plus stimulants, mais ils risquent de creuser les inégalités sociales[6] ;

Un devoir démocratique, c’est une activité que l’élève peut mener de façon autonome, sans être dépendant du soutien de ses parents, qui sera à l’évidence très inégal selon leur disponibilité physique et mentale, mais aussi leur niveau d’instruction, leur rapport à l’école et aux savoirs scolaires[7].       

Enfin, pour terminer, il vaut mieux éviter des comportements familiaux qui imposent une multiplication des devoirs et leçons avec la conviction que c’est là la solution à tous les problèmes[8].

A suivre… Comme enseignant, ai-je le droit de donner des devoirs ou suis-je hors-la-loi ?



[1] Cooper, Harris, Jorgianne Civey Robinson and Erika A. Patall (2006). “Does Homework Improve Academic Achievement? A Synthesis of Research, 1987-2003”. Review of Educational Research, vol. 76, no. 1, p. 1-62.

[2] Cooper, Harris (2007).The Battle over Homework: Common Ground for Administrators, Teachers and Parents.

3rd ed. Thousand Oaks, Calif.: Corwin Press, 117 p.

[3] Meuret Denis & Bonnard Claire (2010). Travail des élèves et performance scolaire. Revue d’économie politique, vol. 120, n° 5, p. 793-821.

[4] Brown et al., 2010 ; Duru-Bellat, 2006.

[5] Hattie John: Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement. New York : Routledge 2008

[6] Glasmnan et Besson, ibid. cités par Rémi Thibert dans le Dossier de veille de l’IFÉ, Représentations et enjeux

du travail personnel de l’élève, juin 2016

[7] Philippe Perrenoud (2004).  » Est-ce que tu as fait tes devoirs ?  » : une question inégalement persécutante.  http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2004/2004_14.html

[8] Philippe Meirieu, Ibid.

Les dangers du travail à la maison, ou le déni des droits de l’enfant

Les dangers du travail à la maison, ou le déni des droits de l’enfant

On a vu que les familles n’étaient pas égales face aux devoirs. Selon qu’il soit né de parents qui ont fait de longues études ou non, un enfant bénéficie d’aide aux devoirs ou non. Dès lors, il est important que chaque professeur ait son attention attirée sur la nécessité d’éviter que la scolarité ne pénalise les enfants en fonction de leur environnement familial.

Si les familles ne sont pas égales face aux devoirs, il en va de même pour les professeurs. Selon qu’ils soient formés ou non à la pédagogie, la multiplication de leurs exigences se révèlera ou non inflationniste. Avec le risque de pénaliser les élèves jusqu’à provoquer des rejets scolaires et/ou à décourager et les démobiliser par des excès de travaux à domicile.

En continuant d’affirmer que le travail assure une réussite scolaire, l’Ecole légitimise sa propre incompétence et induit chez les élèves une course à la réussite et la croyance qu’à « travail égal, note égale »[1]. C’est évidemment faux, car nul n’est égal face aux apprentissages. Cette course à la réussite fait de nos enfants des compétiteurs prêts à sacrifier les autres – leurs pairs – sur l’autel de la réussite scolaire, du moment qu’eux aux moins passent à travers les mailles du filet. En ce sens, les professeurs qui donnent des devoirs ne forment pas leurs élèves à la citoyenneté. Tout au contraire !

Les devoirs vont à l’encontre des rythmes biologiques de l’enfant. Il est absurde de laisser des enfants assis 6 à 8 heures par jour derrière une table, puis de les obliger à se remettre aux apprentissages une fois rentrés à la maison pour étudier une leçon ou faire un devoir. La journée est trop lourde.

Une étude Pisa a établi que, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, un élève de 15 ans consacre 5 heures par semaine à faire des devoirs. L’Espagnol, en bas du classement, y passe 7 heures. Le Belge frôle les 6 heures. Finlande et Corée : 3 heures. Portant sur l’année 2012, publiée en 2014, cette étude a noté que, globalement, le temps consacré aux devoirs était en recul par rapport à une étude menée en 2002. Mais pour l’OCDE, ce temps reste « considérable ». Bref : excessif[2].

Les devoirs vont à l’encontre des rythmes scolaires. L’année scolaire, en Belgique, compte 182 jours ouvrables chaque année. Sur ces 37 semaines, deux aux moins sont perdues à Noël, puis en juin pour faire des révisions, des examens et pour occuper les élèves en attendant les vacances. Cela représente au moins 20 jours perdus sur l’année pour les apprentissages. Perdus, parce que les examens ne servent pas à évaluer mais à sélectionner les élèves au cours d’une compétition qui n’a rien de pédagogique. C’est tout le contraire d’enseigner : l’évaluation ne doit pas être sommative mais formative[3]. Le fait d’évaluer formativement, au quotidien, permettrait de gagner 4 à 5 semaines par an pour les apprentissages, pour les remédiations et donc aussi… pour faire les devoirs en classe. Dans une école où les professeurs courent constamment après le temps, il est étonnant qu’ils aiment tant en perdre. 

Les devoirs ne respectent pas les droits de l’Enfant. Notamment, ils l’empêchent de bénéficier des droits reconnus dans l’article 31 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant. Celui-ci reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique[4]. Il n’est pas normal que des élèves de primaire ou de secondaire soient obligés d’abandonner des activités sportives ou culturelles pour consacrer leur soirée, leur mercredi après-midi, ou leurs WE au travail scolaire. Outre le fait que cela nuise à leur repos, les devoirs empêchent d’autres apprentissages non scolaires, mais au moins tout aussi importants : pouvoir faire du sport, de la musique, d’accéder à l’art et de se cultiver dans d’autres registres que ceux imposés par l’école.

Les devoirs affectent également la santé de l’enfant. Non seulement, ils le privent d’un juste repos et d’une détente bien méritée, mais les devoirs pèsent physiquement lourds sur le dos de l’enfant. La charge moyenne d’un cartable est de 6,4 kg par enfant, ce qui représente entre 27 et 36 % de son poids, alors qu’il ne devrait pas dépasser les 10 %[5].

Enfin, d’autres droits de base sont mis à mal par les devoirs, notamment le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique[6]. Quel temps lui reste-t-il pour cela, une fois ses nombreux devoirs terminés ? Quantité d’enfants ne peuvent pas faire de scoutisme, s’inscrire dans un club sportif ou bénéficier des plaines de jeux, de par la charge du travail pour l’école, externalisé vers la famille.

A suivre… Des bénéfices pas toujours démontrés



[1] Barrère A., 1997, Les lycéens au travail, Puf

[2] LE SOIR 16 novembre 2016 – Pierre Bouillon « La Ligue des droits de l’enfant part en guerre contre les devoirs excessifs ». 

[3] Article 15 du Décret Missions – 1997

[4] CIDE – ONU 1989

[5] Dominique Glasman, Leslie Besson. Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Rapport établi à la demande du Haut conseil de l’évaluation de l’école, 2004

[6] Article 15 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant

DEVOIRS : LES EFFETS ESCOMPTÉS, SELON LES PROFESSEURS

DEVOIRS : LES EFFETS ESCOMPTÉS, SELON LES PROFESSEURS

Dans différentes recherches, Cooper (2007) a relevé que les professeurs américains attribuent des effets positifs, mais également négatifs aux devoirs. Les effets qu’ils estiment positifs sont invoqués pour justifier leurs pratiques en matière de devoirs[1] :

Effets positifs Effets négatifs
Résultats immédiats et apprentissage :
Meilleure rétention des savoirs
Augmentation de la compréhension
Meilleur sens critique, meilleure conceptualisation et meilleur traitement de l’information
Enrichissement du curriculum

Effets à long terme sur l’apprentissage:
Encourage l’apprentissage pendant les temps libres
Améliore l’attitude envers l’école
Développe de meilleures habitudes d’étude et de travail

Effets extrascolaire :
Plus grande capacité d’organisation
Plus grande discipline personnelle
Meilleure gestion du temps
Davantage de curiosité
Plus de compétence dans la résolution de problèmes
Plus grande satisfaction des parents envers l’école et plus grande implication à l’école  
Effet de saturation :
Perte d’intérêt envers le matériel utilisé
Fatigue physique et émotionnelle
Manque de temps libre et de temps destiné à d’autres activités dans la communauté (sports et autres)

Interférences de la part des parents :
Pression pour terminer les devoirs sans faute
Confusion dans les techniques d’apprentissage

Tricherie :
Copie sur d’autres travaux d’élèves
Aide qui va au-delà du tutorat
Augmentation de l’écart entre les élèves performants et les élèves en difficulté.  

Au regard de ces éléments, on se retrouve avec deux groupes. D’une part, les professeurs, ceux qui donnent des devoirs parce qu’ils estiment que les bénéfices sont supérieurs aux effets négatifs ; et d’autre part les enseignants, ceux qui estiment le contraire, à savoir que les effets négatifs sont supérieurs à des effets positifs non démontrés.

A suivre : Les parents en sont convaincus : les devoirs participent à la réussite de leurs enfants.



[1] Cooper (2007)