Les devoirs à la maison jouent de manière déterminante dans la production des inégalités scolaires.

Les devoirs à la maison jouent de manière déterminante dans la production des inégalités scolaires.

Tous les élèves n’ont pas les mêmes espaces de socialisation familiale. Selon leurs formes de socialisation qui sont fortement corrélées au milieu social, les familles seront avantagées ou désavantagées par rapport aux devoirs. Selon l’espace de socialisation, les questions qui touchent aux devoirs n’ont pas le même statut.

Différents critères différencient ces socialisations familiales, à commencer par le rapport à l’écrit[1] et l’importance que lui accorde la famille. Les relations entre parents et enfants constituent également des critères de différenciation : jouent-ils ensemble, ont-ils des activités culturelles collectives ? Enfin, la manière de se questionner constitue un élément déterminant. On sait que l’on pose différemment les questions à l’école et à la maison. A l’école, le maître pose des questions dont il connaît les réponses, tandis qu’à la maison, on pose plutôt des questions dont la famille ne connaît pas nécessairement les réponses mais qui sont utiles à la vie familiale. 

L’école prend rarement en charge ces différences de socialisation, faisant des devoirs un élément qui intervient de manière déterminante dans la production des inégalités scolaires. Pire, ces différences de socialisation permettent à l’école de renvoyer aux parents (et accessoirement à l’élève) la responsabilité de la réussite ou de l’échec scolaire. Ils entretiennent la croyance dans « l’équivalent travail »[2], dont on connaît l’absence de fondement mais qui permet au système de trouver une justification sociale[3].

Les malentendus sociocognitifs se retrouvent dans les effets qu’induisent les devoirs à la maison. Les inégalités, sont liées à la mobilisation d’attitudes cognitives, de « rapports au savoir », qui ne sont pas ceux qui permettent de s’approprier les savoirs scolaires, contrairement aux enfants issus de milieux plus favorisés. Ces derniers savent, parce qu’ils l’ont appris auparavant (probablement hors de l’école), que la réalisation des tâches scolaires, l’application des consignes et l’obtention du bon résultat, s’ils sont importants, ne le sont que parce que cela constitue un moyen de construire un savoir, de consolider ou d’évaluer son acquisition. Leur confrontation à l’école sur le registre cognitif engage une attitude beaucoup plus réflexive, une attitude d’appropriation, car ils ont conscience du lien entre les tâches et leurs finalités. Cette attitude d’appropriation est beaucoup plus conforme aux exigences spécifiques de la transmission scolaire et à l’apprentissage de savoirs modelés par les logiques de la culture écrite. Mais les dispositifs pédagogiques observés prévoient peu ce que nous appellerons la mise en travail des élèves, de façon qu’ils construisent les postures cognitives adéquates à l’appropriation des savoirs. De ce fait, ces postures apparaissent comme des prérequis, exigés implicitement de tous les élèves sans être enseignés. En ne prenant pas en charge la transformation des dispositions construites dans l’éducation familiale en attitudes requises pour apprendre, l’école fait ici preuve d’une «indifférence aux différences» propice à la production d’inégalités scolaires[4].

Selon une étude[5], la majorité des parents auraient des difficultés pour aider un enfant de primaire à faire ses devoirs. Seulement un tiers se sentiraient à l’aise. L’étude a questionné 1 000 parents qui ont reçu trois questions-types rédigées par une enseignante de niveau primaire et tirées des programmes d’anglais, de mathématiques et de sciences. Seul 1/16 des participants a pu répondre aux 3 questions.

Un quart des parents a reconnu se sentir « sous pression » lorsqu’il doit aider son enfant à faire ses devoirs et les trois quarts admettent chercher les réponses sur Internet.

En mathématique, seulement 38 % des parents ont pu convertir la fraction 23/6 en nombre fractionnaire, 22 % ont correctement identifié « and » (« et » en français) comme une conjonction subordonnée et seulement 40 % savaient qu’un « élément clé » du cycle de la vie d’un amphibien est le moment où les « têtards éclosent ». Enfin, 39 % des pères disent se sentir confiants face aux devoirs, contre 28 % des mères.

Les professeurs donneurs de leçons et de devoirs, qui attendent des familles qu’elles supervisent les travaux à domicile, ne se rendent pas compte à quel point ils les mettent mal à l’aise. Ils ne se rendent pas compte non plus que le message qu’ils transmettent aux élèves disqualifie symboliquement leurs parents à cause de leur faible niveau scolaire, ou parce qu’ils ne comprennent pas les tâches demandées et les notions qui les traversent. Non, l’école n’est pas hors du temps et de l’espace. L’Ecole est pleinement au cœur des familles et peut les détruire, comme elle peut tisser du lien et les aider à construire ensemble les apprentissages et donc l’avenir de leurs enfants.

A suivre… Posons-nous la question de l’équité des devoirs



[1] « Ensemble diversi­é de relations dynamiques d’un sujet-lecteur avec la lecture littéraire ». Judith Émery-Bruneau, Le rapport à la lecture littéraire. Des pratiques et des conceptions de sujets-lecteurs en formation à l’enseignement du français à des intentions didactiques, Thèse de doctorat en éducation, Québec, Université Laval, 2010, 432 p.

[2] Anne Barrère, Travailler à l’école. Que font les élèves populaires, PUF et Les enseignants du secondaire ? PUR 2003

[3] L’équivalent travail : La procédure de justification mise en œuvre fait appel à l’insuffisance du travail fourni. La catégorie du travail, ou plutôt du manque de travail, se constitue donc comme catégorie justificative d’échecs scolaires répétés, et permet de donner sens à ces échecs.

[4] Stéphane Bonnery « Un cadrage inadéquat des activités qui facilite les malentendus », Comprendre la difficulté scolaire, extraits pour le Parcours magistère sur le décrochage.

[5] Citée sur Breizh-Info : https://www.breizh-info.com/2019/02/25/112808/education-devoirs-primaire-parents

L’externalisation des devoirs et de la remédiation

L’externalisation des devoirs et de la remédiation

L’école demande de plus en plus aux enfants de réaliser à la maison la partie la plus délicate de l’apprentissage qui n’a pas été saisie en classe : ils doivent comprendre la matière et l’assimiler sans plus aucune aide, complètement privés de leur professeur, ce qui augmente encore les inégalités scolaires. Car tous les enfants n’ont pas la possibilité de recevoir une aide pédagogique compétente en dehors de la classe.

Selon la Ligue des familles[1], « De plus en plus, les établissements du primaire au secondaire (et le supérieur n’est pas épargné non plus) externalisent la question de la remédiation des difficultés et de l’échec scolaire. Les maîtres se disent impuissants à les résoudre en interne, dans les conditions et contraintes inhérentes à leur métier. »

Les devoirs sont considérés par trop de professeurs comme de la remédiation. Un enfant qui n’a pas fini un exercice doit le terminer à la maison, éventuellement sans aide. Quel intérêt ?

Nous assistons de plus en plus  à l’externalisation vers le secteur privé de la remédiation scolaire[2], ce qui renforce encore plus les inégalités sociales, puisque certaines familles peuvent se le « payer », tandis que d’autres en sont incapables. Et l’UFAPEC de préciser que « le soutien scolaire a un coût ! Pas seulement un coût financier pour les familles si ce soutien est payant, mais aussi un coût relationnel (pression des parents sur l’enfant, organisation difficile, stigmatisation de l’enfant, tensions familiales si ce soutien est effectué par les parents) et un coût psychologique pour l’enfant et ses parents (découragement, culpabilisation, baisse de l’estime de soi, etc.) »

  1. Les écoles de devoirs

Face à l’incapacité de l’école d’aider leurs enfants, les familles de milieux populaires n’ont pour seule possibilité que de se tourner vers les structures périscolaires, essentiellement les écoles de devoirs. Or, si leur mission est, notamment, de favoriser le développement intellectuel de l’enfant, notamment par l’accompagnement aux apprentissages, à sa scolarité et par l’aide aux devoirs et travaux à domicile[3],  elles doivent également favoriser trois axes supplémentaires qui sont :

– le développement et l’émancipation sociale de l’enfant, notamment par un suivi actif et personnalisé, dans le respect des différences, dans un esprit de solidarité et dans une approche interculturelle;

–  la créativité de l’enfant, son accès et son initiation aux cultures dans leurs différentes dimensions, par des activités ludiques, d’animation, d’expression, de création et de communication;

–  l’apprentissage de la citoyenneté et de la participation.

On remarquera que l’aide aux devoirs et aux travaux à domicile ne représentent qu’une des quatre missions délivrées aux écoles de devoirs. Pourtant, c’est souvent ce qu’elles sont essentiellement amenées à faire. Le temps qu’il leur reste pour assurer les trois derniers axes est mis à mal par des devoirs chronophages. Ces trois missions sont, en fait, les plus importantes. Elles doivent aider les enfants de milieux populaires à devenir des citoyens désireux de construire une société plus juste. L’école, là encore, empêche les enfants et les jeunes de voir leurs droits à l’éducation, telle que définie par la Convention des Droits de l’Enfant, simplement respectés[4].

Pour le système scolaire, les écoles de devoirs relèvent souvent d’une politique de compensation. L’aide est essentiellement proposée aux familles qui sont supposées n’avoir pas les outils nécessaires pour aider leur enfant. Le rapport Glasman[5] (sociologue à l’Université de Savoie) a montré une efficacité limitée de l’accompagnement des élèves dans les lieux périscolaires d’aide aux devoirs : « en termes stricts de résultats scolaires, c’est-à-dire d’amélioration des performances telles qu’elles ont été mesurées, la fréquentation de l’accompagnement scolaire ne se traduit pas par des progrès notables. Les progrès concernent une minorité d’élèves, sauf dans certains cas bien précis ».

Le soutien scolaire semble être plus efficace pour les élèves qui en ont le moins besoin. « De même, les dispositifs obtenant les résultats les moins contestables sont ceux qui sont très directement en prise sur le travail scolaire. Cela tient en partie, bien entendu, au fait que les évaluations mesurent d’abord les résultats scolaires, qu’elles ne saisissent rien ou presque des changements visés par les activités plus culturelles, d’expression, etc. Est-ce à dire que celles-ci sont sans pertinence voire sans effets ? (…) Rien n’a sur ce point été démontré, peut-être simplement parce que ces activités n’ont d’impact que dans un contexte où elles prennent sens, reliées à un ensemble d’autres sollicitations, d’autres inculcations, et qu’il s’avère en conséquence impraticable de démêler ce qui revient, en l’affaire, à tel ou tel « facteur ».

Il en reste que le nombre d’enfants à accompagner ou à aider est trop important. Cela se confirme sur le terrain, la plupart des écoles de devoirs des grandes villes sont sursaturées et les familles doivent patienter sur une liste d’attente. Même quand l’encadrement est de qualité (personnes formées, enseignants, …), le ratio de temps consacré à chaque élève lors d’une « étude du soir », est en moyenne inférieur à 4 minutes. Cela ne permet pas de réaborder des notions non comprises mais tout au plus d’expliquer les consignes et d’aider l’élève à remplir la tâche demandée.

Les lieux périscolaires ne peuvent remplir qu’imparfaitement les attentes des familles qui espèrent que leur enfant en difficultés d’apprentissage y trouvera l’aide dont il a besoin. Tout au plus les intervenants peuvent-ils mettre l’élève en conformité avec le travail demandé par le maître.

La présence des écoles de devoirs est plus qu’importante dans le parcours d’un enfant, et pas seulement au niveau de sa scolarité. Son épanouissement personnel et son ouverture d’esprit en dépendent grandement.

Enfin la recherche a permis de constater que ces lieux représentent un observatoire exceptionnel des difficultés scolaires des élèves, si bien que les professionnels qui y exercent ont souvent une connaissance fine de ces difficultés. Des temps d’échange enseignants et intervenants extrascolaires autour de ces difficultés permettraient certainement d’analyser au plus près la nature des difficultés des élèves concernés.

  • Les officines privées

Le nombre d’officines privées surfant sur l’angoisse des familles en proposant des tarifs prohibitifs pour des sessions de rattrapage intensifs durant les vacances ou en dehors, ne cesse d’augmenter. De même, des « profs au noir », toujours plus nombreux, arrondissent leurs fins de mois grâce aux échecs qu’eux ou leurs confrères génèrent au quotidien. L’échec scolaire est un juteux business. Evidemment, ces « services » ne sont accessibles qu’à une catégorie de familles, précisément celles qui en ont le moins besoin car leurs enfants sont nés dans des familles aisées et que, quoiqu’il leur arrive, ils réussiront toujours à s’en sortir, avec la bénédiction de l’institution scolaire. Tandis que les familles des milieux sociaux les plus exposés à l’échec scolaire n’auront pas, ou auront peu, les moyens de financer l’aide dont auraient vraiment besoin leurs enfants.

L’aide scolaire n’a de sens que pour l’élève qui voit clairement ses lacunes et reconnaît ainsi que ses problèmes sont liés à un déficit qu’il est capable de combler (excluant ainsi les enfants qui ont des « dys »). Quand cela arrive, l’aide scolaire est à analyser car il est alors possible qu’elle ne soit pas vraiment nécessaire. L’élève, s’il en a la détermination, pourra toujours remédier à ses difficultés l’année suivante avec l’aide de la remédiation mise en place dans toutes les vraies « bonnes » écoles. Quant aux autres, celles qui pratiquent l’échec scolaire de manière industrielle, il n’y aura guère d’autres choix que d’enrichir ces officines et intervenants privés. 

  • Alors, externalisation ou internalisation de l’aide aux devoirs ?

Philippe Meirieu est clair sur le rôle des devoirs et le lieu où ils doivent être réalisés :  « Il est indispensable que les élèves aient un travail personnel à accomplir. Il doit être progressivement de plus en plus complexe, pour passer de la restitution au travail d’élaboration. Le travail individuel est un objet de formation tellement important qu’il ne faut pas l’abandonner à des gens qui ne sont pas des professionnels de l’apprentissage, ni le laisser à la diversité des situations familiales individuelles et des soutiens payants que les parents peuvent ou non fournir à leurs enfants. Cet apprentissage doit se faire dans la classe. L’enseignant ne peut plus être un distributeur d’informations qui laisse ses élèves travailler seuls. Il accompagne et aide l’élève à se prendre en charge, à accéder à l’autonomie documentaire. Il faut pour cela que l’enfant apprenne à utiliser toutes les sources d’informations à sa disposition: la télé, la presse, Internet. Les nouveaux outils sont une double source d’inégalités sociales car tout le monde n’a pas Internet, tout le monde n’a pas la possibilité de regarder intelligemment la télévision. D’autre part, il y a une grande disparité dans la capacité d’accéder à la bonne information. On peut avoir l’ordinateur, mais ne pas être capable de se poser la bonne question. Cela s’apprend à l’école. C’est ce que j’appelle la pédagogie du coude à coude[6] ».

Les devoirs sont un outil parmi d’autres à la disposition du personnel enseignant. Il n’y a aucune obligation à en donner et, si on y recourt, ils doivent être pertinents compte tenu des objectifs poursuivis. Ils doivent également être cohérents avec le projet pédagogique de l’école. Pour peu que ce dernier n’ait pas, comme dans tant de prétendument « bonnes » écoles, de « pédagogique » que le nom[7].

Il est fondamental d’internaliser les dispositifs de soutien aux apprentissages personnels[8]. En effet, seuls des professionnels sont capables de voir comment les élèves travaillent réellement et suivre le cheminement qu’ils empruntent. Le fait d’externaliser cette observation creuse plus encore les inégalités engendrées par les devoirs à la maison : « Le travail hors la classe des élèves, parce qu’il est relativement peu cadré par l’institution scolaire, parce qu’il suppose de la part des élèves une autonomie que tous n’ont pas nécessairement acquise ou encore parce qu’il fait intervenir une pluralité d’acteurs aux intérêts divergents nous semble, de ce point de vue, un analyseur particulièrement pertinent de leur construction au quotidien [9]»

L’école doit repenser le lien à établir entre elle et les dispositifs externes d’aide aux devoirs, ainsi qu’avec les tiers intervenants (familles, intervenants psychosociaux, …) afin d’en faire de réels collaborateurs avec une formation adéquate. « Or le partage de la responsabilité éducative est exigeant. Il ne s’agit pas d’avoir une approche cloisonnée du travail éducatif (aux uns les missions “nobles” de l’enseignement, aux autres les actions “vulgaires” de l’animation), mais d’en faire un objet de “travail conjoint” [10]». Autrement, les discriminations engendrées par le « travail de l’école fait hors de l’école » continueront à détruire des élèves et à oppresser leurs familles.

On sait que l’aide aux devoirs n’est efficace que si les acteurs collaborent étroitement et interviennent ensemble, en classe, pour aider les élèves dans les difficultés qu’ils rencontrent. Et en pensant les remédiations en conséquence.

Mais ne rêvons pas, l’externalisation des devoirs et de la remédiation vers la famille ne s’arrêtera pas du jour au lendemain, tant elle fait partie de l’inconscient collectif des parents, pédagogiquement peu informés mais aussi – et cela reste étonnant – chez les professionnels. Dès lors, « Les effets positifs mais aussi négatifs que peuvent produire les dispositifs d’aide aux devoirs dépendent intrinsèquement de ce qui circule entre classe et dispositifs hors la classe[11] ».

Si un enseignant veut que les élèves aient compris ce qu’il attend d’eux, il est nécessaire qu’il termine le cours par un moment durant lequel les élèves pourront s’approprier ce qui a été vu en classe afin de préparer le travail à faire à la maison.

Pour les élèves qui éprouvent le plus de difficultés, les devoirs devraient se faire au sein même de l’établissement avec des professeurs compétents. Par exemple lors d’une étude dirigée (non payante, puisque l’école est gratuite). Une étude qui se limitera à 5-6 élèves, afin que chacun ait au moins 10-12 minutes qui lui sont consacrées. Temps minimal si la « difficulté » est… simple.

Enfin, il est nécessaire que l’école et les parents agissent en partenaires. Pour cela, l’école devrait :

  • Sensibiliser les parents au fait que leur rôle est aussi de participer au vécu scolaire de leur enfant ;
  • Amener les parents à se sentir compétents dans l’aide qu’ils peuvent lui apporter, ne pas faire des demandes trop difficiles que les parents ne pourraient pas comprendre ;
  • Clarifier les rôles des professionnels et des parents afin qu’ils soient complémentaires ;
  • Former les professeurs à être des enseignants et donc à l’importance de permettre aux parents de participer au vécu scolaire et sur les stratégies qui favorisent la participation des parents ;
  • Faire de la collaboration avec la famille sur le plan pédagogique, une priorité pour l’école.

A suivre… Les devoirs à la maison jouent de manière déterminante dans la production des inégalités scolaires.


[1] Remédier – Une mission de l’école, pas un marché, analyse de la Ligue des familles. Cité par Les écoles de devoirs : au-delà du soutien scolaire, page 11.

[2] Van Honsté C., L’enfant doit-il aller deux fois à l’école pour éviter l’échec scolaire, Analyse UFAPEC 2011 n°28.11, page 2.

[3] Décret relatif à la reconnaissance et au soutien des écoles de devoirs 28 avril 2004

[4] En outre, l’article 7 du décret décrit les critères de reconnaissance [des écoles de devoirs]. Pour obtenir sa reconnaissance par l’ONE, […] le pouvoir organisateur doit [notamment] répondre à des critères pédagogiques […] :

– organiser des activités de soutien scolaire ainsi que des animations éducatives ludiques, culturelles ou sportives ;

– respecter le Code de qualité de l’accueil de l’enfant, quel que soit l’âge des enfants ou des jeunes accueillis ;

– élaborer, en collaboration active et effective avec l’équipe pédagogique, et mettre en œuvre un projet pédagogique qui tient compte des caractéristiques socioculturelles et des besoins des enfants que le pouvoir organisateur accueille, ainsi que de l’environnement social et culturel dans lequel il évolue ;

– élaborer, mettre en oeuvre et évaluer un plan d’action annuel, qui constitue la traduction concrète des objectifs déterminés par le projet pédagogique et comprend notamment un calendrier et un descriptif d’activités ainsi que les moyens humains et matériels envisagés pour les mettre en oeuvre ;

– veiller à la coordination de son travail avec les autres acteurs sociaux et éducatifs de l’accueil de l’enfant et du jeune dans son environnement direct, en collaborant notamment avec les établissements scolaires d’où proviennent les enfants qui la fréquentent et leurs familles ;

– respecter et défendre en son sein les droits de l’homme et les droits de l’enfant. »

[5] Glasman Dominique et Besson Leslie : Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Haut conseil de l’évaluation de l’école, France 2005

[6] Philippe Meirieu, in LE SOIR du 17 mars 2000, ibid.

[7] Autrement dit, s’appuyant sur une pédagogie et/ou des pratiques pédagogiques validées par la recherche scientifique.

[8] Kakpo Séverine & Rayou Patrick (2010). Contrats didactiques et contrats sociaux du travail hors la classe. Éducation et didactique, vol. 4, n° 2, p. 41-55.

[9] Kakpo Séverine & Rayou Patrick (2010). Ibid.

[10] Federini, in Kus & Martin-Dametto, 2015

[11] Kakpo Séverine & Netter Julien (2013). L’aide aux devoirs. Dispositif de lutte contre l’échec scolaire ou caisse de résonance des difficultés non résolues au sein de la classe ? Revue française de pédagogie, n° 182, p. 55-70.

Les élèves ne savent pas ce que signifie « apprendre une leçon ». Au fait, comment fait-on des devoirs ?

Les élèves ne savent pas ce que signifie « apprendre une leçon ». Au fait, comment fait-on des devoirs ?

Les élèves ne savent pas ce que signifie « apprendre une leçon ».

Les devoirs représentent, en principe, toujours une tâche liée à une ou plusieurs notions vues en classe. Il y doit donc toujours il y avoir un lien avec ce qui a été appris en classe, lien qui n’est que trop rarement perçu par les élèves.

Trop souvent, des devoirs à priori ordinaires posent de gros problèmes aux étudiants. Dans l’immense majorité des cas, c’est que le travail donné n’est pas adapté, pas suffisamment expliqué, ou qu’il ne fait pas sens pour l’élève : ce sont des exercices formels dont on ne voit pas ce qu’ils permettent d’acquérir, dont on ne sait pas quels problèmes intellectuels ou concrets ils permettent de résoudre[1].

On constate donc un malentendu entre l’attente du maître qui demande d’« apprendre une leçon » et la compréhension de l’élève. En effet, cette notion d’« apprendre une leçon » est vaste et regroupe de nombreuses notions. Cela peut être d’apprendre par cœur, ou au contraire de s’approprier un savoir pour pouvoir l’utiliser dans d’autres situations, voire encore de comprendre une notion vue en classe et de savoir la redire avec ses propres mots. Souvent, il s’agit d’un mélange de ces exigences, qui ne sont pour ainsi dire jamais balisées par les professeurs.

Tout cela fait que les élèves comprennent mal les enjeux de leurs devoirs qui, la plupart du temps ne font pas sens avec ce qui a été fait en classe. Les cours consistent à transmettre des notions que l’enseignant assied avec des exercices, faisant constamment des aller-retour entre ces deux aspects de l’apprentissage. Alors qu’en général, à la maison, les élèves se contentent d’atteindre la tâche demandée sans se rendre compte qu’une notion y est liée et donc, sans l’assimiler. 

Les devoirs cachent un véritable paradoxe. Afin de ne pas surcharger les parents par des travaux trop compliqués à faire à la maison, les professeurs ont tendance à proposer des devoirs suffisamment simples pour que l’enfant puisse les faire seul. De ce fait, les tâches exigées sont principalement de la mémorisation et de la répétition. Ces activités sont peu mobilisatrices et peu efficaces en termes d’apprentissages, mais ne demandent ni réflexion, ni aide extérieure. Ce travail n’est pas mobilisateur et encore moins efficace. Les exercices proposés sont « uniformes, répétitifs et monotones », disait déjà Prost en 1983. Et il ajoutait « Sous l’influence d’idéologies technicistes qui réduisent l’apprentissage intellectuel à un processus linéaire de transmission de connaissances, suivi d’exercices d’application, nous sommes en train d’appauvrir les études »[2].

Le paradoxe questionne d’autant plus que la majorité des élèves estime qu’ils ne peuvent pas se débrouiller seuls pour faire leurs devoirs après l’école, sans la présence d’une tierce personne[3]. Notons, en passant que le paradoxe s’autoalimente, car si les maîtres souhaitent que les enfants fassent seuls leurs devoirs pour ne pas surcharger les parents, ils attendent néanmoins de la part de ces derniers qu’ils surveillent et vérifient les devoirs. Lorsque les familles interviennent, les professeurs considèrent qu’elles interagissent dans le « contrat » négocié entre eux et l’élève, mais si elles le laissent sans soutien, ils les taxent de démission parentale. C’est ce que Dubois appelle le « paradoxe lié à la responsabilité » ; qui ressemble fort à une injonction contradictoire[4].

On l’a vu, les devoirs ne font pas sens pour les élèves, car les professeurs proposent généralement des devoirs qui sont essentiellement des activités de répétition et de mémorisation, qui ne nécessitent aucune réflexion. Ce sont des travaux peu, voire pas mobilisateurs et qui n’ont d’efficacité que le nom[5].

Les devoirs ont un aspect négatif pour les élèves, surtout en termes de quantité de travail et de mauvaise répartition. Ils ne comprennent pas le sens de ceux-ci. En primaire, seuls 16 % des élèves sont capables de donner du sens à leurs devoirs[6]. Il faut donc se questionner sur l’opportunité de donner des travaux à domicile aux élèves alors qu’on sait que la motivation de tout travail intellectuel ne vient que du sens qu’on lui donne.

Quant aux leçons, c’est l’exercice pour lequel les élèves éprouvent le plus de difficultés. Cette tâche manque généralement de support[7]. Il s’agit généralement d’apprendre des bilans ou de préparer un contrôle, donc en vue d’être interrogé. D’ailleurs, pour les élèves, « Les leçons, si on n’est pas interrogé, ça ne sert à rien »[8]. Le fait de donner des leçons à la maison, sans en expliquer le sens et les objectifs fait perdre pied aux étudiants. Il y a donc un véritable « flou » autour de l’expression « apprendre une leçon ». Les élèves n’en comprennent pas le sens et n’en perçoivent pas la méthodologie. Il s’agit, pour eux, d’une activité sans finalité qui ne sert qu’à leur faire perdre du temps.

Si les leçons n’ont pas de sens, c’est généralement parce que les consignes n’ont pas été éclaircies. Le langage scolaire, celui des professeurs, est composé de présupposés, ce qu’on appelle le « curriculum caché[9] », c’est-à-dire la part des apprentissages qui n’apparaît pas programmée par l’institution scolaire, du moins pas explicitement et qui peuvent poser des problèmes aux élèves, surtout ceux qui sont en difficulté et qui ne parviennent pas à établir les liens entre le cours et le travail à la maison.

Cette difficulté s’accentue lorsque les consignes sont données au dernier moment et que le professeur ne s’assure pas que tous les élèves présents en classe ont compris. Ceux-ci ont besoin que le contenu des devoirs soit lisible, tout comme la méthodologie qu’on leur demande d’adopter et la manière dont ils  doivent s’organiser[10].

Au fait, comment fait-on des devoirs ?

On n’apprend pas, sans d’abord apprendre à apprendre ! Et cela, c’est l’affaire de professionnels. Apprendre, ce n’est pas seulement avoir reçu des informations en classe. Celles-ci doivent être travaillées, ce qui nécessite la mise en place de toute une série d’activités qui permettront de traiter les informations. Il faudra savoir quelles activités mette en place en fonction de celles-ci. C’est une difficulté considérable que peu de parents sont capables d’apprendre à leurs enfants.

Que faut-il faire précisément ? Faut-il « la lire ? Comment ? Combien de fois ? Avec quels documents à côté de soi ? En les utilisant de quelle manière ? Avec quels outils (crayon, cahier de brouillon, surligneur, compas, etc) ? En sollicitant l’aide de qui ? A quel moment ? Et quand sait-on que l’on « sait » sa leçon ? Quand on sait définir les mots ? Dire les mêmes choses dans un autre contexte ou savoir dire la même chose avec d’autres mots ? Faut-il retrouver le plan ? Traduire le texte en schémas ? Faire un résumé ? Et, pour tout cela, comment s’y prendre pour être efficace ? (…) Ces questions sont trop importantes, trop difficiles, pour être laissées à la bonne volonté et à la compétence aléatoire des familles[11]       

A suivre… L’externalisation des devoirs et de la remédiation



[1] Philippe Meirieu : Les devoirs à la maison. La Découverte 2004.

[2] Prost, 1983, Les lycéens et leurs études au seuil du 21ème siècle, CNPD

[3] Forestier M., Khan S., 1999, Devoirs d’enfants, devoirs de parents ? L’opinion des enfants sur l’implication des parents dans les devoirs à domicile, Mémoire de Licence, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation

[4] Dubois L., Dubois G., « Les devoirs à domicile. Des tâches sans taches ? », http://lesoufflecestmavie.unblog.fr/2012/10/23/les-devoirs-a-la-maison-des-taches-sans-taches-laurent-dubois-charge-denseignement-a-luniversite-de-geneve/

[5] Glasman : Les devoirs à la maison. http://www.cndp.fr/bienlire/04-media/documents/glasman01.pdf

[6] Begoc, 2002, citée par Glasman & Besson, 2004 Ibid.

[7] REP Echirolles, 2001, « Les devoirs  » à la maison  » en question », le bulletin du REP Echirolles, novembre 2001

[8] REP Echirolles, 2001, « Les devoirs  » à la maison  » en question », ibid.

[9] Barrère A., 1997, Les lycéens au travail, Puf

[10] REP Echirolles, 2001, Ibid.

[11] Philippe Meirieu : ibid.

Quel est le temps passé à faire des devoirs ?

Quel est le temps passé à faire des devoirs ?

Evaluer le temps passé aux devoirs est extrêmement compliqué. Les attitudes des élèves et les exigences des maîtres sont variables. Tous les professeurs, par exemple, n’ont pas les mêmes exigences en ce qui concerne le travail à la maison. Selon Tedesco[1], la fréquence des devoirs est corrélée avec la quantité de travail demandé. Certains profs donnent peu de devoirs, tandis que d’autres en donnent beaucoup plus. Ceux qui donnent rarement de devoirs sont logiquement ceux qui en donnent peu. Dès lors, les professeurs qui donnent souvent des devoirs sont aussi ceux qui en donnent le plus. La charge de travail peut donc varier du simple au triple en fin d’école primaire. Mais, de leur côté, les élèves présentent également des rythmes différents. 

L’enquête PIRLS[2] menée en 2006 permet de se faire une idée de ce qui est demandé aux enfants de 4e primaire en Belgique. 3294 familles d’élèves de quatrième primaire ont été interrogées. 97 % d’entre elles ont répondu à la question du temps que passait leur enfant à faire ses devoirs à la maison. 38 % déclaraient que leur enfant avait plus de devoirs que toléré légalement (plus de 31 minutes, contre 20 autorisées) et seulement 2 % des familles disaient que leur enfant n’avait pas de devoirs à faire à la maison. 

« Faire correctement son travail semble nécessiter plus de temps que les professeurs ne le prévoient [3]». Le temps consacré aux devoirs à la maison tel qu’imaginé par les maîtres est largement inférieur à celui évoqué par les enfants et leurs parents, lorsque ceux-ci sont interrogés. Par exemple, dans une même étude[4], un professeur a évalué le travail quotidien en CM1 (4e primaire, en Belgique) à une demi-heure pour les « élèves les plus lents », tandis qu’un de ses élèves « dégourdi »  dit avoir passé une heure sur des exercices de mathématique.

Autre contradiction liée au temps des travaux à domicile est celui de la « contradiction sur la gestion du temps »[5]. Les devoirs demandent aux enfants un temps non négligeable en dehors des heures d’écoles. Mais, ceux-ci en demandent autant aux professeurs. La préparation, l’explication des consignes, la correction, voire la récitation demanderaient, selon certains maîtres jusqu’à un cinquième de leur travail hebdomadaire pendant ou après les cours. On lira plus bas que certains professeurs ont trouvé la parade (lire « Comment sont corrigés les devoirs ? »).

La contradiction réside dans la plainte quotidienne des professeurs de manquer de temps pour les apprentissages. Aussi, en fin d’année scolaire, ils se rabattent sur les devoirs pour récupérer le temps perdu. Or, ceux-ci ne sont pas intéressants pour des activités de découverte des apprentissages. La question que se posent les auteurs de l’étude concerne l’utilité à vouloir consacrer autant de temps à une activité dont le sens est critiqué.

Nous nous interrogeons, quant à nous sur l’utilité de cette perte de temps tant pour les élèves que pour les professeurs, qui impacte le temps de nouveaux apprentissages.

Pour le secondaire, une fois encore, il est difficile d’avoir une évaluation chiffrée précise du temps consacré par les élèves à faire leurs devoirs. La moyenne s’étale de 6 à 11 heures par semaine en début de secondaire, et peut aller de 10 à 20 heures en terminale. Ici encore, les différents acteurs n’évaluent pas de la même manière le temps nécessaire à cette tâche et, tout comme en primaire, l’écart entre les estimations des professeurs et la réalité des familles est énorme.

Les maîtres estimeront le temps de travail en fonction de l’opinion qu’ils ont de leurs élèves. Il y aura donc de grandes différences entre les classes d’un même établissement[6]. Plus de 40 minutes peuvent être demandées par des professeurs de chaque discipline si la classe est cataloguée comme « bonne », tandis que dans des classes supposées plus « faibles », beaucoup plus d’exercices sont réalisés durant la classe. Mais, dans les deux cas, les professeurs ne pensent pas à l’élève « moyen » lorsqu’ils donnent des devoirs. Uniquement à ceux qui se sentent le plus à l’aise. Leur exigence est donc en décalage avec les possibilités de tous les élèves qui sont loin d’être uniformes. Ceci explique le temps plus élevé consacré aux devoirs que ne l’estiment les professeurs.

A suivre… Les élèves ne savent pas ce que signifie « apprendre une leçon ». Au fait, comment fait-on des devoirs ?



[1] Tedesco E., 1985, Les attitudes et comportements des maîtres à l’égard du travail scolaire à la maison dans l’enseignement élémentaire, INRP

[2] PIRLS 2006, Questionnaire sur l’apprentissage de la lecture, 4e primaire. 

[3] 2001REP Echirolles, 2001, « Les devoirs  » à la maison  » en question », le bulletin du REP Echirolles, novembre 2001

[4] Bobasch M., 1994, « Devoirs ou leçons, telle est la question », Le monde de l’éducation, n°218 – septembre 1994, p 14 – 16

[5] Dubois L., Dubois G., « Les devoirs à domicile. Des tâches sans taches ? », www.edunet.ch/classes/c9/didact/

devoirs.htm

[6] Guillaume FR., Maresca B., 1995, « Le temps de travail en dehors de la classe, vu par les enseignants », Education et Formation, n°44 – 1995

L’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs… mais pas sur les apprentissages

L’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs… mais pas sur les apprentissages

L’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs…

Selon une méta-analyse américaine[1], l’influence des parents sur les devoirs à la maison varie selon l’âge des enfants et leur implication. Plus les parents sont impliqués dans l’aide aux devoirs, plus les devoirs sont rendus complets et corrects. Ce n’est plus vrai en début de secondaire (collège ou middle school) mais le redevient en fin de secondaire (lycée ou high school).

… Mais pas sur les apprentissages

Ces études ne disent rien de la qualité des apprentissages réellement faits par les élèves pendant les devoirs à la maison. D’autres études ont mis en évidence les effets négatifs de l’aide des parents sur les apprentissages, notamment les difficultés rencontrées par les familles de milieux populaires vis-à-vis des devoirs[2].

L’implication des parents dans les études de leur enfant n’a pas d’incidence sur sa réussite. Au contraire, révèle une méta-étude américaine menée par les professeurs de sociologie Keith Robinson et Angel Harris et publiée dans un livre intitulé « La boussole cassée »[3]. La plupart des formes mesurables de la participation des parents (aider les enfants à faire leur devoir, parler avec eux, faire du bénévolat à l’école…) ne semble pas apporter les résultats escomptés. Pire, à partir du collège (12 ans), l’aide apportée aux enfants semble tirer les résultats scolaires vers le bas, et ce quelle que soit la classe sociale, l’origine ethnique ou le niveau d’éducation des parents. Les ingérences des parents ont surtout pour résultat de rendre les enfants plus anxieux qu’enthousiastes à propos de l’école.

L’aide parentale n’est pas toujours gage d’efficacité et n’aboutit pas forcément à un effet positif. Celle-ci peut même s’avérer être inappropriée. Par exemple par l’apprentissage de méthodes différentes de celles de l’école, telles que les parents les ont apprises en leur temps[4]. Si l’engagement des parents semble positif aux enfants, plus de la moitié d’entre eux déclarent n’aimer travailler avec leurs parents que « parfois » ou « pas du tout ». Les raisons invoquées sont liées aux décalages des méthodes, aux décalages de langage et aux tensions qu’engendrent parfois les devoirs au sein de la famille[5].

Il semble, en effet qu’environ 2/3 des parents apportent une aide parfois inappropriée. Soit parce que celle-ci vise à terminer au plus vite les devoirs, soit en tentant d’expliquer les concepts et méthodes avec des termes différents de ceux utilisés en classe ou, enfin, parce que certains exercices mériteraient d’être faits seul pour assurer une certaine efficacité[6].

Si certains parents sont trop effacés par manque de confiance ou de compétence, d’autres sont trop intrusifs[7]. Trop aider les enfants à la maison peut avoir des effets contre-productifs en entravant l’acquisition des savoirs, en développant chez l’enfant le sentiment qu’il est incompétent (papa ou maman sait tout, je ne serai jamais comme lui/elle) et qu’il ne pourra jamais rien faire seul, sans ses parents[8]. Mais, cela peut aussi, engendrer un sentiment d’obligation de réussite et créer des tensions au sein de la famille. Les effets néfastes du phénomène de « surparentalité » (overparenting) sur les résultats des enfants sont connus. Les devoirs sont l’occasion pour certains parents de réparer leurs propres échecs scolaires, ce qui génère des dysfonctionnements familiaux, corrélés à une communication intrafamiliale de mauvaise qualité.

N’oublions pas les risques psychologiques de cette surparentalité : niveaux d’aide inappropriés de la part des parents, stress et anxiété tant chez les parents que chez les enfants, manque de confiance et de persévérance chez l’élève, incapacité à gérer ses devoirs, à être autonome et responsable[9], …  

Philippe Meirieu précise que « Si on veut que les parents soient efficaces pour aider leurs enfants à l’école, il vaut mieux qu’ils s’intéressent moins directement au travail scolaire qu’à la vie de l’enfant dans la famille. Les recherches que nous avons menées en Belgique, en Suisse, en France ou au Canada montrent que le temps passé par les parents à faire travailler leurs enfants sur les devoirs scolaires n’a pas d’incidence directe sur la réussite scolaire.  Cela ne veut pas dire que les parents ne sont pas importants pour la réussite scolaire: ce qui est déterminant, c’est moins le fait de contrôler le travail que d’avoir, en famille, des attitudes qui contribuent à la construction de l’intelligence. Saisir dans la vie familiale le prétexte de l’organisation d’un voyage, d’un goûter d’anniversaire, de la rénovation d’une chambre, ou d’une émission de télé que l’on regarde ensemble, pour échanger avec l’enfant, pour le faire anticiper, le faire réfléchir, c’est cette réalité-là qui est déterminante. Elle forme chez l’enfant des capacités d’écoute, de dialogue, d’anticipation qu’il transférera dans ses activités scolaires[10]. »

A suivre… Quel est le temps passé à faire des devoirs ?



[1] Patall et al., 2008

[2] Kakpo Séverine : Les devoirs à la maison : Mobilisation et désorientation des familles populaires. PUF 2012

[3] Keith Robinson, Angel L. Harris. The Broken Compass, Parental Involvement with Children’s Education. Harvard University press. 2014

[4] Van Hooris, 2003, citée par Glasman Dominique & Besson Leslie (2004). Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école. Rapport public. Paris: Haut conseil de l’évaluation de l’école. France

[5] Balli, 1998, “When mom and dad help : student reflexions on parent involvement with homework”, Journal of research and development in education, n°31 (3) – 1998, p 142 – 146

[6] Van Voorhis, 2003, “Interactive homework in middle school : effects on family involvement and science achievement”, The Journal of Educational Research, n°96 (6) – 2003

[7] Caille, 1993, cité par Glasman & Besson,2004 – ibid.

[8] Pomerantz Eva & Eaton Missa (2000). Developmental differences in children’s conceptions of parental control: “They love me, but they make me feel incompetent”. Merrill-Palmer Quarterly, vol. 46, n° 1.

[9] Segrin Chris et al. (2013). Parent and child traits associated with overparenting. Journal of Social and Clinical Psychology, vol. 32, n° 6, p. 569-595.

[10] Bas du formulaire

Philippe Meirieu : sur le rôle des devoirs et celui des parents dans le développement de l’autonomie de enfants, Interview dans LE SOIR du 17 mars 2000                        

Les devoirs, sources de tensions familiales

Les devoirs, sources de tensions familiales

La réalité des devoirs à la maison n’est pas souvent radieuse : énervement des enfants et des parents, stratégies d’évitement, problèmes relationnels entre enfants et parents – voire des parents entre eux – temps passé à réexpliquer des notions qui n’ont pas été comprises en classe, malentendus voire incompréhensions autour de ce qu’attend le professeur, etc.

L’externalisation des apprentissages de l’école vers la famille pourrait sembler être un bon compromis entre familles en demande et école heureuse de se décharger de certaines de ses missions. En réalité, elle l’est surtout pour l’école, celle-ci se déchargeant d’une partie des tâches pédagogiques qu’elle a mission d’accomplir et pour lesquelles elle est financée, et les professeurs payés.

D’un autre côté, la famille s’y retrouve, recevant enfin la possibilité d’influer sur les apprentissages de leur enfant. Mais la réalité est-elle aussi enchanteresse ?

Au XXIe siècle, l’institution familiale ne ressemble plus guère à celle qui prévalait un siècle plus tôt, lors de la mise en place des devoirs et autres travaux à faire à domicile. Elle revêt des formes diverses et variées : mono ou biparentales, décomposées et/ou recomposées ; enfants adoptés, sous garde alternée, voire en institution. Les mères sont actives sur le marché du travail et ont moins de temps pour accompagner les devoirs de leur progéniture. Les enfants sont de plus en plus pris en charge à l’extérieur du cocon familial, ce qui a une incidence non négligeable sur l’organisation et l’emploi des familles.

Concilier travail et temps familial est devenu plus difficile. Les temps partiels, les horaires décalés ou les distances de plus en plus longues entre la maison et le lieu de travail restreint le temps passé à s’occuper de ses enfants. D’autant qu’une fois rentré à la maison, les devoirs sont dans le chemin. Priorité au souper, aux douches, à l’entretien de la maison, à s’occuper des plus jeunes et on verra le temps qu’il reste pour les devoirs. C’est ce que l’école appelle « la démission parentale ». Cependant, beaucoup de familles sont devenues des championnes de l’organisation et de la gestion du temps que l’école et ses devoirs s’ingénient à perturber, en ajoutant une surcharge à leurs charges hebdomadaires.

Les devoirs sont source de stress et sont au cœur des tensions entre l’école et la famille, mais aussi au sein même de la famille[1]. Ne se contentant pas de leur « bouffer » leur temps disponible, les devoirs engendrent des difficultés résultant de leur manque de compétence pédagogique et de l’imprécision de leur rôle en matière de soutien aux devoirs.  Pour les parents, cela amène au sein de l’espace domestique toute une série de tensions qui traversent tous les milieux sociaux, même si ces tensions se manifestent plus tôt et de façon plus vive dans les milieux défavorisés.

Dans les familles dont un enfant a des difficultés d’apprentissage, les défis sont plus grands encore. Plus celui-ci a des difficultés, plus le temps consacré aux devoirs est allongé, moins l’enfant est autonome et plus les problèmes sont grands. Et plus l’énervement gagne toutes les parties. Pour les élèves en difficultés d’apprentissage, les devoirs sont une souffrance. Ce qui est la définition même de la maltraitance !

Les études montrent un réel paradoxe : si pour 82 % des professeurs, un des intérêts du travail à la maison est de favoriser le lien famille-école, seuls 35 % des familles partagent cette idée[2]. Ce lien est remis en cause par de nombreux chercheurs car, si l’école et les méthodes d’enseignement ont beaucoup changé ces dernières décennies, les devoirs donnés à la maison restent de classiques activités de mémorisation et de répétition. En cela, ils n’illustrent en rien ce qui a été fait en classe et donnent une idée fausse des activités scolaires. On peut donc légitimement s’interroger sur la pertinence de ce lien.

A suivreL’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs… mais pas sur les apprentissages



[1] Cooper, Harris, Jorgianne Civey Robinson and Erika A. Patall (2006), ibid.

[2] Begoc F., 2001-2002, « Les devoirs à la maison », http://florent.begoc.pagesperso-orange.fr/

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