Évidemment, les solutions existent et il ne faut pas les chercher bien loin.
La première solution – et la meilleure – n’est pas de faire comme les prétendument « bonnes » écoles[1], mais comme les écoles qui ont un véritable projet pédagogique. Donc, celles qui font de la pédagogie active.
Notre société est sans
doute condamnée à devoir supporter ces « bonnes » écoles longtemps
encore tant est forte la demande des « bonnes » familles (mais c’est
aussi la demande des fédérations d’employeurs) de pratiquer une sélection afin
de préserver leurs « bons » enfants et de diriger les enfants des
autres (les « mauvais ») vers des formations qui en feront les
ouvriers, les serviteurs et les petites mains de leur propre progéniture. « Si on envoie tout le monde à l’université,
qui m’apportera mon courrier ou réparera mon gros S.U.V. polluant quand il est
en panne ? »
Les devoirs
participent à la sélection. Mais il y a des écoles qui refusent ce système et
cherchent à retarder ce tri injuste le plus longtemps possible. Du moins, tant
que les élèves sont en leur sein. Pour cela, et afin de diminuer les inégalités
sociales et d’apprentissage, elles mettent en place de véritables projets
pédagogiques. « Véritables », parce que basés sur une pédagogie
validée par de nombreuses recherches en sciences de l’éducation. Citons
pêle-mêle à commencer par les plus connues, dans le désordre et sans être
exhaustifs, les pédagogies Freinet, Montessori, Freire, Decroly,
Steiner-Waldorf, l’Ecole nouvelle et
active de Ferrière, en passant par l’apprentissage coopératif, la
pédagogie universelle, la pédagogie différenciée, la pédagogie explicite et,
enfin, celle qui doit accompagner toutes les autres, la pédagogie
institutionnelle de Fernand Oury.
Il y a choix en la matière. Il est donc étonnant que nombre de nos écoles fassent de l’A-pédagogie frontale (notez le « A » privatif). Autrement dit, elles n’enseignent pas. On y donne cours, les professeurs y donnent leçons… et devoirs. Pourtant, cela reste encore celles que les bourgeois et ceux qui ne connaissent rien à la Pédagogie encensent. Fort heureusement, de nouvelles familles (de la middle-class non snobinarde), ayant eu la chance d’aller longtemps à l’école recherchent précisément les écoles à pédagogies active[2]. Dès que l’une de celles-ci s’ouvre dans un quartier populaire qui était précédemment fui par les populations plus aisées, ces familles font la file pour y inscrire leurs enfants, alors que les familles populaires, plus réticentes par rapport à ce qu’elles ne connaissent pas, s’y retrouvent finalement en minorité.
L’école des « devoirs », celle de la compétition, de la sélection, de la maltraitance n’est décidemment pas une bonne école, même si elle s’en revendique. Pour changer, elle n’a qu’une alternative, devenir active et donc respectueuse des rythmes des élèves.
C’était la première
solution, loin d’être la plus simple car elle nécessite un investissement
important pendant les premières années, mais certainement la solution la plus
citoyenne.
Seconde solution,
celle que nous recommandons aux croyants du Darwinisme social, c’est-à-dire, à
celles et ceux qui sont convaincus de l’utilité de la sélection d’enfants
innocents pour satisfaire les classes sociales les plus aisées. Cette sélection
à laquelle eux-mêmes ont échappé car inscrits dans une école qui a d’abord
sélectionné leurs petits camarades de classe pour la « casse ».
A ces experts du « On ne peut pas faire réussir tout le monde,
ma bonne dame », nous disons : « Quitte à donner des devoirs,
autant de rester dans la légalité. C’est non seulement une question étique,
mais aussi de crédibilité. Comment un professeur qui serait hors-la-loi
pourrait-il exiger de ses élèves qu’ils respectent les règles de
« son » cours, celles qu’il a édictées en maître divin (ou en dieu
vivant, c’est selon…) ? »
Un professeru se doit de donner l’exemple. Si une loi est édictée, chaque citoyenne, chaque citoyen se doit de la respecter. Surtout si elle a été votée par celles et ceux qui nous représentent politiquement. Cela s’appelle la Démocratie, contrairement à ce qui se passe dans nombre de « bonnes » écoles où cette Démocratie n’a plus (ou jamais eu) cours.
Dès lors, si vous
enseignez en primaire, en Belgique francophone (pour les autres pays ceci est
parfaitement adaptable, ne mange pas de pain et vous gardera l’estime de vos
collègues élitistes et des familles BCBG qui sont les prétendues « élites »
de votre population scolaire), il suffit de ne donner des « travaux à
domicile » tels que décrits plus haut : 0 minutes avant 6 ans, 10
minutes de moyenne de 6 à 8 ans, 20 minutes de moyenne de 8 à 10 ans et enfin
30 minutes maximum de 10 à 12 ans.
Mais, vous êtes en secondaire ? Cela ne change rien, sinon que si vous voulez devenir progressivement un enseignant respectueux de TOUS vos élèves, vous allez devoir vous concerter avec vos collègues, afin de vous mettre d’accord pour ne pas dépasser les règles suivantes. Dans le cas d’espèce ou vous tenez aux devoirs, évidemment :
30 à 35 minutes de travaux à domicile à faire seul,
maximum 4 fois par semaine, entre 12 et 14 ans ;
35 à 40 minutes de travaux à domicile à faire seul,
maximum 4 fois par semaine, entre 14 et 16 ans ;
40 à 45 minutes de travaux à domicile à faire seul,
maximum 4 fois par semaine, entre 16 ans et la fin du secondaire.
Pourquoi quatre fois maximum ? Simplement pour respecter les droits fondamentaux de vos élèves et l’article 31 de la Convention Internationale des Droits de vos élèves (ONU 1989). Cette moyenne doit être estimée sur base des élèves ayant les plus grandes difficultés.
Au-delà de ces deux propositions, vous serez dans l’illégalité (sauf en secondaire ou tous les coups bas[3] et toutes les discriminations sont permis).
On l’a dit, des solutions existent : des écoles
qui ont un véritable projet pédagogique (donc une pédagogie active) ne donnent
que peu de travaux à domicile à faire à la maison. Les enseignants-pédagogues
savent que le seul lieu des apprentissages est la classe. Dès lors, le travail
à faire à la maison est restreint, les élèves savent exactement ce que l’on
attend d’eux et le travail se fait sans l’aide des parents. Les écoles Freinet,
par exemple, font le pari que les parents ne demandent des devoirs que parce
que c’est souvent le seul lien qu’on leur propose avec ce qui se passe en classe.
Si on leur propose d’autres modalités de communication avec les enseignants,
d’autres façons d’accompagner la scolarité de leurs enfants, ils les adopteront
bien vite ! Il faut que les enfants montrent à la maison ce qu’ils ont fait en
classe, pas qu’ils montrent en classe ce qu’ils ont fait à la maison.
Et le
message de Christian, enseignant Freinet aux parents de sa classe :
Aux parents :
Notre objectif, Parents et Enseignants, est d’aider au mieux vos Enfants à cultiver le goût, l’envie d’aller à l’Ecole pour apprendre et surtout pour comprendre et construire en confiance leurs savoirs.
A la maison, après l’Ecole, on goûte, on parle, on raconte, on discute, on lit, on joue…
Vous pouvez goûter, parler, raconter, discuter, lire et jouer avec votre Enfant.
Christian.
2. Rappelons-nous que l’échec scolaire tue !
Au-delà du problème des devoirs, c’est du bien-être de tous les élèves qu’il s’agit. Est-il un enseignant celui qui donne des devoirs pour ne pas être traité de laxiste par ses collègues ou par des parents ? A-t-elle de l’empathie pour ses élèves celle qui, pour être bien vue de sa directrice, force leçons et révisions à faire à la maison ? Peut-on se trouver devant des jeunes dans l’espoir de les former à un esprit critique quand on refuse, soi-même, d’analyser une situation aussi élémentaire que celle des devoirs à domicile, qui impacte la vie de millions de jeunes et de leurs familles, génère la discrimination, l’échec scolaire et la haine, parmi les plus fragiles de notre société ?
Les devoirs sont interdits mais les journaux de classe pré-imprimés comprennent toujours les trois rubriques : devoirs – leçons – notes. Tant que le politique ne veillera pas à ce que les écoles qu’il subsidie – et par là-même les éditeurs et imprimeurs – respectent les lois, les élèves continueront à passer leurs après-journées à se fatiguer plus encore et à voir leurs droits au repos, aux loisirs, à la découverte de l’art et d’une autre culture que celle enseignée à l’école, non respectés.
Et s’il est bien un pilier qui doit tenir cette
société debout, en formant des citoyennes et des citoyens à co-construire le
droit – et donc la Justice – et à le respecter, c’est l’institution scolaire.
Celle-ci n’a jamais rempli son rôle, étant elle-même un lieu de non-droits. «
Faites ce que je dis et non ce que je fais » est sa devise cachée.
Les devoirs ne sont que la pointe de l’iceberg de l’échec scolaire. Ils y participent mais font partie d’un tout élaboré pour pratiquer la sélection des élites et la relégation des enfants de milieux moins favorisés. Et donner des devoirs participe à ce système discriminant tout en se donnant le beau rôle : « Si tu es en échec, c’est parce que tu n’as pas étudié », sans remettre en cause l’incohérence du système et ses propres pratiques.
Contrairement à ce que pensent certains
chercheurs, nous ne partageons pas l’idée que les devoirs à domicile
représenteraient un compromis social entre l’école et les familles le moins
mauvais possible, malgré la demande des familles. L’enseignement a beaucoup
changé depuis que les parents ou grands-parents sont passés par l’école.
Apprendre une leçon signifiait souvent apprendre par cœur un contenu
encyclopédique plutôt que des notions étudiées en classe. Aujourd’hui, pour
bien faire, apprendre une leçon devrait prendre un tout autre sens et
représenter un travail bien plus exigeant et complexe que les familles ne sont
plus capables d’assumer, pour les raisons que nous avons évoquées plus haut.
Or, si pour 82 % des professeurs, une des
raisons pour lesquelles ils donnent des devoirs est de favoriser le lien
école-famille, seulement 35 % des parents partagent cette idée.
Oui, l’échec scolaire tue. Les suicides
d’adolescents sont la deuxième cause de mortalité après les accidents de la
route . Et les devoirs, comme tout le reste de l’iceberg, font partie de ce
harcèlement psychologique mis en place par l’école pour culpabiliser les jeunes
qui vivent l’échec au quotidien. L’école est un important lieu de risques
psychosociaux pour les élèves. Les phobies scolaires touchent environ 5 % des
élèves âgés de 12 à 19 ans (soit au moins un par classe). L’échec scolaire
engendre le sentiment d’incompétence acquise qui fera boule de neige et mènera
vers plus d’échecs encore. La compétition entre les élèves et la pression des
professionnels de l’école et/ou des parents amène du stress et de la
souffrance. Des élèves vivent mal leurs différences (handicap, difficultés
d’apprentissage, préférences sexuelles, transsexualité, …) et leurs échecs.
Enfin, quelle est la part des problèmes vécus à l’école dans les tentatives (ou réussites) de suicides des adolescent·e·s ? Si, souvent il n’est pas le seul critère qui mène au désespoir et aux idées de suicide, il n’est pas innocent de penser que c’est la goutte de trop, celle qui mène au passage à l’acte. Dans toute tentative de suicide d’un enfant, l’échec scolaire doit être questionné. Les devoirs en font partie !
[1] Les prétendument « bonnes » écoles
sont celles qui donnent devoirs et leçons, celles qui mettent les élèves en
compétition en leur distribuant des notes au mérite, ce qui leur permet de
pratiquer une sélection entre les soi-disant « bons élèves » et les prétendus «
moyens » ou « mauvais » élèves. Ces derniers étant tous des Mozart qu’on
assassine au nom de la méritocratie bourgeoise. En fait, les prétendument « bonnes
» écoles, sont les plus mauvaises !
[2] Notez que le terme « pédagogie
active » est un pléonasme. Par définition, une pédagogie est
« active ». Ce sont les enseignements frontaux, ceux qui ne mettent
pas les élèves en action qui ne sont pas des pédagogies actives. Ce ne sont,
d’ailleurs, pas des pédagogies du tout !
Si les devoirs volent
du temps familial, ils en volent aussi à l’école et donc au temps d’apprentissage
des élèves. Le maître doit vérifier que les devoirs ont été bien faits et les
corriger. Cela se fait parfois dans la classe durant le cours, ou alors le
professeur reprend la pile de devoirs à corriger chez lui.
Le temps de correction est généralement inefficace en termes d’apprentissages, ou est une charge de plus pour le maître. Ceci est sans doute la raison qui explique que plus de 50% des professeurs belges ne vérifient pas ou peu les devoirs faits à la maison. La Belgique est parmi les pays où les devoirs sont les moins corrigés et donc, parmi plus mauvais élèves de la classe avec la Suède et la Finlande[1].
[1] Isac Maria Magdalena et al. Teaching practices in primary and secondary schools in Europe: Insights
from large-scale assessments in education. Luxembourg : Commission européenne. 2015
Un enseignant ne donne pas de devoirs ou peu ! Par contre, un professeur, si ! Mais, est-il pour autant hors-la-loi ?
Si en France les devoirs sont interdits depuis
1956, dans l’enseignement francophone belge les « travaux à
domicile » sont régulés depuis 2001[1] uniquement
pour l’enseignement primaire[2].
Il s’agit donc d’une OBLIGATION que doit respecter chaque… professeur !
Les travaux à domicile
sont ainsi définis : « activité dont
la réalisation peut être demandée à l’élève, en dehors des heures de cours, par
un membre du personnel enseignant. Cette définition englobe donc tous les
travaux que selon les écoles, on nomme devoirs, leçons ou encore activités de
recherche ou de préparation, …Les
dispositions prévues concernent donc bien toutes ces activités et pas
uniquement ce qu’il est coutumier d’appeler « devoirs »[3]».
Les travaux à domicile
sont une faculté laissée aux écoles, pas une obligation qui leur serait faite. Cela
signifie que les équipes éducatives qui souhaiteraient fonctionner sans travaux
à domicile peuvent bien entendu le faire. Certaines le font déjà. D’autres y
réfléchissent.
Les travaux à domicile
sont interdits à l’école maternelle. En première et deuxième années primaires,
les travaux à domicile sont interdits, mais certaines activités sont autorisées
(de courtes activités par lesquelles il est demandé à l’élève de lire ou de
présenter à sa famille ou à son entourage ce qui a été réalisé ou construit en
classe sont, par contre, autorisées).
Pour chaque élève, la
durée journalière de ces travaux ne peut excéder 20 minutes en 3ème et 4ème
primaires et 30 minutes en 5ème et 6ème. Il s’agit ici d’une référence que
chaque enseignant doit avoir à l’esprit quand il définit les travaux à
domicile. Il ne s’agit évidemment pas d’un strict minutage chronométré pour
chaque enfant.
Les travaux à domicile
doivent être adaptés au niveau d’enseignement et doivent toujours pouvoir être
réalisés sans l’aide d’un adulte. Les travaux à domicile doivent être conçus
comme le prolongement d’apprentissages déjà réalisés durant les périodes de
cours. Les travaux à domicile doivent prendre en compte le niveau de maîtrise
et le rythme de chaque élève. Ils ne peuvent jamais donner lieu à une cotation.
Il doit être accordé un délai raisonnable à l’élève pour la réalisation.
Mais, soyons clair,
pour tout enseignant un peu pédagogue qui se respecte, l’essentiel du travail se fait en
classe. Les devoirs ne devraient être une exception qu’en fin de secondaire. En
effet, une étude australienne a montré que les
élèves étudiant dans un pays où le temps consacré aux devoirs est important,
ont de moins bons résultats au Programme international pour le suivi des acquis
des élèves (Pisa) effectué tous les trois ans depuis 2000, ainsi qu’aux examens
mis en place par les écoles elles-mêmes. Selon l’étude, surcharger les enfants
de travail en primaire n’améliore pas leurs résultats, ça paye un peu plus au
collège si les élèves reçoivent une aide. C’est seulement à partir de l’âge de
15 ans, c’est-à-dire durant les années lycée, que les devoirs «renforcent les
performances scolaires des élèves»[4].
Donc, comme professeur en section primaire, si je dépasse les prescrits, je suis par définition hors-la-loi. Dès lors, comment serai-je encore crédible auprès de mes élèves quand je leur demanderai de respecter le règlement de la classe ou de l’école. Un hors-la-loi peut-il être plausible quand il demande aux élèves de faire ce que lui-même se refuse de faire ?
En secondaire, les professeurs devraient se référer à l’étude ci-dessus qui en confirme d’autres, à savoir que les travaux à domicile ne sont efficaces qu’en fin de secondaire et à certaines conditions (relire « Des bénéfices pas toujours démontrés »). Avant cela, comme cela a été démontré, on sait combien les devoirs à domicile n’apportent rien.
[1] Dans le décret Missions, l’article
78 §4 fut modifié par ce décret du 27 mars 2001.
[2] Durant la législature 1999-2004, nous avons eu
deux ministres de l’enseignement. Un pour le fondamental et un autre pour le
secondaire. C’est le premier qui a œuvré dans le sens de la défense des droits
de l’enfant. L’école secondaire a eu moins de chance…
[3] Circulaire n° 57 : Régulation
des travaux à domicile dans l’enseignement fondamental. Décret du 29 mars 2001
[4] Slate Live, 3 avril 2012 Trop de devoirs tue la
réussite scolaire
L’efficacité des devoirs est une vieille question qui
anime les acteurs de l’école et les familles depuis de nombreuses années.
Comme on l’a vu, nombre de parents et de professeurs
tiennent aux devoirs parce qu’ils croient que ceux-ci influencent positivement
les résultats scolaires. La question qu’il faut se poser maintenant
est « Ces bienfaits ont-ils été démontrés ? »
Que dit la recherche scientifique concernant
les effets des devoirs sur l’apprentissage des élèves ? La
relation entre le travail à la maison et une meilleure réussite n’a toujours
pas été clarifiée par la recherche. Cependant, la vaste majorité des études
tend à montrer que le temps consacré aux devoirs influence positivement les
résultats scolaires au secondaire[1].
Il en va
autrement au primaire. Selon la méthode d’analyse retenue, l’effet des devoirs
peut être soit :
– faible et donc négatif ;
– positif,
mais si faible qu’il n’est pas significatif sur le plan statistique[2].
Autrement dit, il est au pire contre-productif et au
mieux inefficace.
Certains chercheurs parlent même d’absence de
corrélation entre le travail personnel et les performances scolaires[3].
Ils vont à l’encontre du discours de l’Ecole primaire qui encense le travail
personnel, ce qui est une manière de se
disculper et de faire porter le poids de la réussite sur l’élève et sa famille.
Cette vision (erronée) est très fortement liée au concept de méritocratie
scolaire[4].
John Hattie[5]
a réalisé une méta-analyse qui s’est notamment penchée sur les travaux à faire
à la maison. Selon celle-ci, les devoirs n’ont qu’un impact limité sur les
résultats scolaires en primaire. Ce sont les facteurs pédagogiques et
relationnels entre élèves et enseignants qui sont les plus efficaces. Certains
chercheurs font l’hypothèse que les enfants plus jeunes ont une capacité
moindre de concentration, ou que leurs habitudes de travail sont moins efficaces,
entraînant une utilisation moins optimale du temps consacré aux devoirs.
Cependant, les devoirs à la maison peuvent être
efficaces au secondaire, mais sous certaines conditions :
− l’impact sur les résultats scolaires est plus
important pour les niveaux les plus élevés (après 15 ans). Les devoirs semblent
donc plus adaptés au niveau de l’école secondaire supérieure que primaire et
secondaire inférieur (Bonasio & Veyrunes, 2014 ; Cooper et al.,
2006). En effet, un apport positif des devoirs a pu être montré au collège pour…
les mathématiques ;
− les directives données doivent être à la
fois claires et explicites, et ne doivent pas contrevenir au rythme des élèves
;
− le type de devoirs influe sur leur
efficacité : les devoirs de pratique sont les plus fréquents, mais leur
efficacité est très limitée du fait de l’ennui qu’ils suscitent. Les devoirs de
prolongement sont plus motivants, mais leurs effets sur l’apprentissage ne sont
pas avérés. Les devoirs créatifs sont plus stimulants, mais ils risquent de
creuser les inégalités sociales[6] ;
Un devoir démocratique, c’est une activité que l’élève peut mener de façon autonome, sans être
dépendant du soutien de ses parents, qui sera à l’évidence très inégal selon
leur disponibilité physique et mentale, mais aussi leur niveau d’instruction,
leur rapport à l’école et aux savoirs scolaires[7].
Enfin, pour terminer, il vaut mieux éviter des
comportements familiaux qui imposent une multiplication des devoirs et leçons
avec la conviction que c’est là la solution à tous les problèmes[8].
On a vu que les familles n’étaient pas égales face
aux devoirs. Selon qu’il soit né de parents qui ont fait de longues études ou
non, un enfant bénéficie d’aide aux devoirs ou non. Dès lors, il est important
que chaque professeur ait son attention attirée sur la nécessité d’éviter que
la scolarité ne pénalise les enfants en fonction de leur environnement familial.
Si les familles ne sont pas égales face aux
devoirs, il en va de même pour les professeurs. Selon qu’ils soient formés ou
non à la pédagogie, la multiplication de leurs exigences se révèlera ou non
inflationniste. Avec le risque de pénaliser les élèves jusqu’à provoquer des
rejets scolaires et/ou à décourager et les démobiliser par des excès de travaux
à domicile.
En continuant d’affirmer que le travail assure une réussite scolaire, l’Ecole légitimise sa propre incompétence et induit chez les élèves une course à la réussite et la croyance qu’à « travail égal, note égale »[1]. C’est évidemment faux, car nul n’est égal face aux apprentissages. Cette course à la réussite fait de nos enfants des compétiteurs prêts à sacrifier les autres – leurs pairs – sur l’autel de la réussite scolaire, du moment qu’eux aux moins passent à travers les mailles du filet. En ce sens, les professeurs qui donnent des devoirs ne forment pas leurs élèves à la citoyenneté. Tout au contraire !
Les devoirs vont à l’encontre des rythmes
biologiques de l’enfant. Il est absurde de laisser des enfants assis 6 à 8
heures par jour derrière une table, puis de les obliger à se remettre aux
apprentissages une fois rentrés à la maison pour étudier une leçon ou faire un
devoir. La journée est trop lourde.
Une étude Pisa a établi que, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, un élève de 15 ans consacre 5 heures par semaine à faire des devoirs. L’Espagnol, en bas du classement, y passe 7 heures. Le Belge frôle les 6 heures. Finlande et Corée : 3 heures. Portant sur l’année 2012, publiée en 2014, cette étude a noté que, globalement, le temps consacré aux devoirs était en recul par rapport à une étude menée en 2002. Mais pour l’OCDE, ce temps reste « considérable ». Bref : excessif[2].
Les devoirs vont à l’encontre des rythmes
scolaires. L’année scolaire, en Belgique, compte 182 jours ouvrables chaque
année. Sur ces 37 semaines, deux aux moins sont perdues à Noël, puis en juin
pour faire des révisions, des examens et pour occuper les élèves en attendant
les vacances. Cela représente au moins 20 jours perdus sur l’année pour les
apprentissages. Perdus, parce que les examens ne servent pas à évaluer mais à
sélectionner les élèves au cours d’une compétition qui n’a rien de pédagogique.
C’est tout le contraire d’enseigner : l’évaluation ne doit pas être
sommative mais formative[3].
Le fait d’évaluer formativement, au quotidien, permettrait de gagner 4 à 5
semaines par an pour les apprentissages, pour les remédiations et donc aussi…
pour faire les devoirs en classe. Dans une école où les professeurs courent
constamment après le temps, il est étonnant qu’ils aiment tant en perdre.
Les devoirs ne respectent pas les droits de l’Enfant. Notamment, ils l’empêchent de bénéficier des droits reconnus dans l’article 31 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant. Celui-ci reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique[4]. Il n’est pas normal que des élèves de primaire ou de secondaire soient obligés d’abandonner des activités sportives ou culturelles pour consacrer leur soirée, leur mercredi après-midi, ou leurs WE au travail scolaire. Outre le fait que cela nuise à leur repos, les devoirs empêchent d’autres apprentissages non scolaires, mais au moins tout aussi importants : pouvoir faire du sport, de la musique, d’accéder à l’art et de se cultiver dans d’autres registres que ceux imposés par l’école.
Les devoirs affectent également la santé de
l’enfant. Non seulement, ils le privent d’un juste repos et d’une détente bien
méritée, mais les devoirs pèsent physiquement lourds sur le dos de l’enfant. La
charge moyenne d’un cartable est de 6,4 kg par enfant, ce qui représente entre
27 et 36 % de son poids, alors qu’il ne devrait pas dépasser les 10 %[5].
Enfin, d’autres droits de base sont mis à mal par les devoirs, notamment le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique[6]. Quel temps lui reste-t-il pour cela, une fois ses nombreux devoirs terminés ? Quantité d’enfants ne peuvent pas faire de scoutisme, s’inscrire dans un club sportif ou bénéficier des plaines de jeux, de par la charge du travail pour l’école, externalisé vers la famille.
[5] Dominique Glasman, Leslie Besson. Le travail
des élèves pour l’école en dehors de l’école, Rapport établi à la demande du Haut
conseil de l’évaluation de l’école, 2004
[6] Article 15 de la Convention Internationale des
Droits de l’Enfant
Dans différentes
recherches, Cooper (2007) a relevé que les professeurs américains attribuent
des effets positifs, mais également négatifs aux devoirs. Les effets qu’ils
estiment positifs sont invoqués pour justifier leurs pratiques en matière de
devoirs[1] :
Effets positifs
Effets négatifs
Résultats immédiats et apprentissage : Meilleure rétention des savoirs Augmentation de la compréhension Meilleur sens critique, meilleure conceptualisation et meilleur traitement de l’information Enrichissement du curriculum
Effets à long terme sur l’apprentissage: Encourage l’apprentissage pendant les temps libres Améliore l’attitude envers l’école Développe de meilleures habitudes d’étude et de travail
Effets extrascolaire : Plus grande capacité d’organisation Plus grande discipline personnelle Meilleure gestion du temps Davantage de curiosité Plus de compétence dans la résolution de problèmes Plus grande satisfaction des parents envers l’école et plus grande implication à l’école
Effet de saturation : Perte d’intérêt envers le matériel utilisé Fatigue physique et émotionnelle Manque de temps libre et de temps destiné à d’autres activités dans la communauté (sports et autres)
Interférences de la part des parents : Pression pour terminer les devoirs sans faute Confusion dans les techniques d’apprentissage
Tricherie : Copie sur d’autres travaux d’élèves Aide qui va au-delà du tutorat Augmentation de l’écart entre les élèves performants et les élèves en difficulté.
Au regard de ces éléments, on se retrouve avec deux groupes. D’une part, les professeurs, ceux qui donnent des devoirs parce qu’ils estiment que les bénéfices sont supérieurs aux effets négatifs ; et d’autre part les enseignants, ceux qui estiment le contraire, à savoir que les effets négatifs sont supérieurs à des effets positifs non démontrés.
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