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Alors, pourquoi les professeurs tiennent-ils aux notes ?
Fabrizio Butera[1] constate que, si la note peut être utilisée de manière formative, c’est loin d’être le cas aujourd’hui, car elle est essentiellement normative, « basée sur la comparaison des élèves, qui se manifeste sous forme d’un jugement et permet de mettre en évidence la performance relative des élèves et des étudiants. »
Que pensent les parents des notes ?
Les parents tiennent aux notes parce qu’il s’agit d’une course. Les premiers arrivés seront les mieux servis, ils auront les meilleurs diplômes. Ils ont été formés ainsi. Leurs propres parents leur ont mis la pression durant toute leur scolarité et cette dernière n’a tourné qu’autour de la note. Ensuite, ce ne sont pas des professionnels de l’éducation et ils n’imaginent pas qu’il est possible d’évaluer autrement (la plupart des professeurs non plus, d’ailleurs). Et, quand par hasard, ils sont confrontés à un système qui ne donne pas de notes, ils perdent pieds « Comment vais-je savoir si mon enfant connaît ses matières ? ». La note est tellement facile à comprendre : on a réussi plus ou moins brillamment ou on est en échec. Du moins, le croient-ils.
Les notes antérieures des élèves influencent-elles les professeurs ?
Il est vrai que certains professeurs cherchent à connaitre les notes reçues par leurs élèves les années précédentes. En général, ils invoquent l’importance d’anticiper l’échec ou la réussite de leurs élèves. Or, toutes les recherches ont démontré que cette information favorise des « biais de notation[1] », c’est-à-dire des erreurs systématiques d’évaluation du niveau de la copie en raison des attentes négatives ou positives créées par ces informations. Et rappelons-nous l’effet Pygmalion[2]. L’expérience a été faite dans les années 60 à l’école primaire d’Oak School dans la région de San Francisco, durant toute une année. Le psychologue Robert Rosenthal, qui cherchait comment on pouvait aider à progresser des élèves d’origines socioculturelles défavorisées et en difficulté d’apprentissage a eu l’idée de faire admettre aux professeurs que certains de leurs élèves, choisis au hasard, étaient surdoués.
Le redoublement a-t-il un effet sur l’évaluation professorale ?
De manière générale, l’image du redoublant est particulièrement négative auprès du corps professoral. Avant même le début de l’année chacun s’enquière de savoir combien il y a de redoublants dans chaque classe qu’il a en charge et les commentaires désabusés du genre « encore une classe qu’il va falloir tirer » sont fréquents en salle des profs.
Comment se passe la relation professeur/élève dans ce contexte ?
Pierre Merle[1] a pu démontrer que la note est, non pas l’évaluation d’une compétence menée par une personne dont la légitimité est assurée par un diplôme, mais qu’elle ne répond que formellement à la définition usuelle d’application d’un barème.
Evaluations et notations : Tous les élèves sont-ils logés à la même enseigne ?
L’arrangement des notes dépend aussi de l’histoire du correcteur. Si, au cours de la correction d’une pile de copies, il en vient à se rendre compte que les notes sont particulièrement basses et qu’il ne peut souffrir une moyenne aussi basse, il peut, pour ses dernières copies avoir tendance à noter plus large, afin d’avoir une moyenne de 65 ou 70 %. Une telle manière d’évaluer est liée à l’histoire personnelle des professeurs, à un engagement politique progressiste (conservateur vs réactionnaire), voire à leur origine sociale. Pour sauver le niveau global de la classe, un professeur peut modifier son barème de notation en cours de correction, voire recommencer la pile de corrections afin de s’assurer d’être plus juste vis-à-vis de tous.
Les notes sont imprécises et productrices, mais sont-elles productrices d’inégalités scolaires ?
Le « jugement scolaire » que constituent les notes et appréciations est entaché de nombreux éléments qui empêchent l’objectivité du professeur. La notation, qui compare plus qu’elle n’est objective, biaise la réalité et produit de l’inégalité scolaire.[4]
Les profs disent que les notes ont un « effet stimulant ». Est-ce prouvé ?
Selon Pierre Merle[1], « Cette idée est diffusée surtout par les anciens bons élèves. Les plus de 100 000 élèves sortis sans diplôme du système éducatif n’ont pas du tout été motivés par la suite continue de mauvaises notes recueillies au cours de leur brève scolarité.» Il en est, évidemment, de même pour les 20 000 élèves qui, chaque année abandonnent l’enseignement de la Communauté française de Belgique sans le moindre diplôme.
Evaluations : la note est inefficace. Comment faire, alors ?
En Finlande, pays en tête des classements PISA, les élèves sont appréciés une première fois par une évaluation à l’âge de 9 ans, mais de manière non chiffrée. Ils ne sont donc pas « notés ». L’enseignant se limite à dire si l’apprentissage est acquis ou en voie d’acquisition. Cette évaluation est accompagnée par une remédiation destinée à aider les élèves en difficulté. Les premières notes arrivent à l’âge de 11 ans, la note la plus basse étant 4/10. L’objectif est de ne pas décourager l’élève. La différence entre un 4 et un 0 est fondamentale. Avec un 4, il n’a pas compris et peut être remédié, tandis qu’avec un 0, il est tout simplement… nul !











