Le DAccE[1] (Dossier d’Accompagnement de l’Élève)[2]
Pourquoi parler du Dacce ?
La Ligue des Droits de l’Enfant et sa plate-forme de lutte contre l’échec scolaire ont été à la base de la mise en place du Pacte pour un enseignement d’excellence. En effet, nous avions lancé un « Appel à refondation de l’Ecole » en vue des élections de 2014. Si Madame Milquet, nouvelle ministre de l’éducation a répondu présente, ce qu’elle a mis en place a été une réponse tiède, calibrée par McKinsey, de triste renom. Ceci avec le soutien des réseaux qui protégeaient leurs intérêts et ont bloqué des réformes nécessaires et importante, notamment dans la lutte contre le marché scolaire, ou la réduction du tronc commun à 15 ans au lieu de 16. Ceci, afin de protéger les enseignements de relégation (technique et professionnel). Ce Pacte est construit dans l’intérêt des réseaux et de leurs écoles, et non des élèves. Aussi, nous sommes attentifs à tout ce qui est mis en place progressivement. Il y a de bonnes choses, comme le tronc commun (un peu réduit). Depuis le début de cette année, le DAccE a été introduit. Il s’agit d’un Dossier d’Accompagnement de l’Elève. Nous l’avons à l’œil…. Il peut présenter de bonne choses, mais également de bien mauvaises.
Le DAccE (prononcer DAC), c’est quoi en fait ?
De nombreuses familles n’ont toujours pas compris ce dont il s’agissait. Elles doivent avoir accès au DAccE de leur.e enfant.s. Pourtant, nous avons été contactés par des familles qui ne parvenaient pas à s’y connecter. La fracture numérique ne touche pas que la population des aînés. Nous allons tout vous dévoiler :
Dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, ce nouvel outil a été mis en place pour informer les parents des élèves pour lesquels des « difficultés d’apprentissage persistantes » ont été constatées. On ne parle pas ici d’élèves à besoins spécifiques (les « Dys »), donc d’élèves en situation de handicap face aux apprentissages, mais également d’élèves avec handicaps physiques ou mentaux. Si ces élèves bénéficient d’aménagements raisonnables, « ils ne connaissent pas nécessairement de difficultés d’apprentissage persistantes pouvant conduire à une décision exceptionnelle de maintien[1] ». « Pas nécessairement… » ! Visiblement les concepteurs du Dacce ont des soucis avec la connaissance de certains handicaps.
Rappelons en passant, que nous déconseillons toujours aux parents d’accepter les propositions faites par l’école de maintenir l’enfant dans la même année, l’année suivante (appelées autrefois redoublements). Chaque enfant a 6… et bientôt 9 années pour obtenir son CEB, et donc autant de temps pour évoluer à son rythme.
Comme nous l’explique le site enseignement.be, le DAccE est un outil-clé du nouveau tronc commun (TC), au service de la réussite de l’élève. Le TC fait de la différenciation et de l’accompagnement personnalisé une des clés de voute du soutien à la réussite des élèves. Le DAccE est un dossier individuel et unique pour chaque élève et le suivra tout au long de sa scolarité. Son objectif est de favoriser le dialogue entre les équipes éducatives ou les CPMS, et les parents. Pour l’année 2023-2024, le DAccE ne concerne que les enfants de 1ère maternelle à la 4e primaire.
Il a été conçu sous un format numérique à l’échelle du système éducatif de la FWB et respecte le RGPD. Cela permet aux équipes éducatives de prendre connaissance des informations relatives au parcours de l’élève, y compris en cas de changement d’école. Les professionnels en charge de l’élève devront y consigner les observations et les actions d’accompagnement qui seront mises en place, lorsque les difficultés de l’élève seront plus importantes (dites « persistantes »).
Le DAccE est accessible aux parents. Ceux-ci pourront ainsi avoir accès à une information synthétique qui retrace les actions mises en place au cours de l’année, et les ajustements qui y sont apportés si nécessaire. Via le DAccE, les parents peuvent aussi transmettre les informations qu’ils jugent utiles aux professionnels de l’enseignement, telle par exemple qu’une prise en charge externe par un logopède. Le DAccE facilite dès lors la communication avec les parents en axant le dialogue sur l’information utile au suivi des apprentissages.
L’utilisation de « l’application » DAccE ne sera pas rendue obligatoire dès la rentrée 2023-24, comme initialement prévue. Pour cette année scolaire et les deux suivantes (2024-2025 et 2025-2026), les écoles qui ne souhaiteraient pas utiliser l’application Internet DAccE tout de suite, pourront faire le choix de réaliser les deux premiers bilans de synthèse de l’année scolaire en dehors de l’application DAccE, par le biais du « DAccE format école » (format papier ou format numérique alternatif). Pour plus d’informations visiter le site www.enseignement.be/dacce.
Seul le DAccE a un caractère obligatoire. Le DAccE, en tant qu’outil numérique, comporte 3 volets. Les enseignants ne doivent pas remplir les deux premiers, ceux-ci l’étant par l’administration (données administratives et parcours scolaire). Le troisième volet concerne le suivi pédagogique et doit être complété par les enseignants, mais uniquement pour les élèves pour lesquels des difficultés d’apprentissages persistantes ont été constatées. Il s’agit de bilans de synthèse (difficulté persistante constatée, actions de soutien mises en place, compétences de l’élève, ainsi que les suivis mis en place par les parents. Par exemple suivi logopédique). Il ne comprend pas les résultats des évaluations, les mesures disciplinaires ou les bulletins.
Quels élèves sont concernés par le DAccE ?
Le DAccE est ouvert à tous les élèves mais, comme dit plus haut, il ne doit être complété que pour les élèves qui présentent des difficultés persistantes.
Qu’appelle-t-on des difficultés persistantes ?
La circulaire 9032 du 13-09-2023, relative à la mise en œuvre du TC durant l’année 2023-2024 précise que « Les difficultés d’apprentissage persistantes doivent être comprises comme des difficultés persistantes dans l’acquisition des contenus d’apprentissage et des attendus tels que déclinés dans les référentiels du tronc commun. Si la difficulté «persistante» est observée par l’enseignant, elle fera l’objet de discussions collégiales avec des membres de l’équipe éducative (par exemple un co-intervenant), et si nécessaire avec le membre de l’équipe du Centre PMS. Il revient en effet aux membres de l’équipe éducative de juger de l’aspect potentiellement problématique du caractère persistant de la difficulté observée, dans la perspective d’éviter aussi précocement que possible qu’un retard d’apprentissage ne s’installe durablement et mette en péril la suite des apprentissages. Il ne faut pas confondre les difficultés d’apprentissage et les troubles d’apprentissage. Les premières sont passagères tandis que les seconds sont permanents ou semi-permanents. Les élèves bénéficiant d’aménagements raisonnables en cas de trouble d’apprentissage ne connaissent pas nécessairement de difficultés d’apprentissage persistantes pouvant conduire à une décision exceptionnelle de maintien ».
Enfin pour l’encodage, la fiche signalétique du DAccE[2] est très claire : «L’emploi du DAccE par les équipes éducatives se concentre sur le strict minimum. D’une part, l’encodage des dossiers ne concerne que certains élèves dont les difficultés sont «persistantes», à savoir ceux pour lesquels l’équipe éducative aura jugé nécessaire de mettre en place des actions spécifiques de différenciation et d’accompagnement personnalisé telles que, par exemple, des séances hebdomadaires de remédiation».
Qui et comment décider de la mise en place d’un dispositif spécifique et complémentaire pour l’élève présentant des « difficultés d’apprentissage persistantes » ?
Lorsqu’un enseignant observe une difficulté persistante, il devra mettre en place le plus rapidement possible les actions spécifiques aptes à permettre à l’élève de surmonter sa difficulté.
Mais l’enseignant ne peut pas rester seul face à cette difficulté persistante. Il en parlera collégialement avec les autres membres de l’équipe éducative (titulaire.s, co-intervenant.e.s, …), et si nécessaire en y associant l’équipe du centre PMS. Le regard collégial porté sur l’élève et sa difficulté sera ensuite synthétisé à travers un suivi à réaliser tout au plus trois fois sur l’année scolaire, aux trois dates prévues dans la circulaire. Il s’agit donc de réaliser un « bilan de synthèse », court afin d’être avec l’équipe, le CPMS ou avec les parents. Le bilan de synthèse est intégré dans le Dossier d’accompagnement de l’élève (DAccE). Le dispositif spécifique complémentaire destiné à soutenir l’élève dont les difficultés sont prononcées est également concerté avec les parents de l’élève.
Une concertation avec les parents des élèves concernés doit être organisée pour les informer de la mise en place des dispositifs spécifiques complémentaires. De même, lorsqu’il s’agit d’évaluer ou d’adapter le dispositif spécifique complémentaire, les parents de l’élève concerné doivent être impliqués dans le cadre d’une concertation.
Contestations
Si des parents estiment qu’un commentaire contenu dans le bilan de synthèse peut nuire à leur enfant, ils peuvent adresser une demande de conciliation à l’école, selon les modalités prévues par le Pouvoir Organisateur. Cette procédure vise à favoriser la conciliation des points de vue et associe le CPMS en tant que partie prenante à l’élaboration du bilan de synthèse. Un rapport de conciliation rédigé par l’école, et remis aux parents, formalise sa conclusion.
Si la conciliation aboutit à un accord impliquant une modification du commentaire, la Direction de l’école ou le Pouvoir Organisateur corrige le commentaire, sur base du rapport de conciliation, avant la fin du délai de 20 jours ouvrables prévu pour la conciliation en novembre et mars et 5 jours au plus tard après à la rentrée scolaire pour le rapport de juin. Passé ce délai, ces profils ne peuvent plus modifier le commentaire.
Si la conciliation n’aboutit pas à un accord, les parents peuvent introduire un recours auprès des services de l’Administration, pour demander la suppression du commentaire. Ils doivent adresse leur recours à l’adresse dacce.support@cfwb.be ou par courrier recommandé auprès de la Direction générale de l’enseignement obligatoire (rue Lavallée, 1 à 1080 Bruxelles). Le rapport de conciliation doit être joint à la demande.
Le recours doit être introduit :
– concernant les bilans de synthèse de novembre et mars : endéans les 10 jours ouvrables qui suivent la réception par les parents du rapport de conciliation ;
– concernant le bilan de synthèse de juillet : endéans les 10 jours ouvrables scolaires qui suivent la rentrée scolaire.
En cas de changement d’école, les parents peuvent introduire leur recours sans avoir mené la conciliation. Dans ce cas, le recours doit être introduit :
– concernant les bilans de synthèse de novembre et mars : endéans les 20 jours ouvrables qui suivent le délai prévu pour la communication du bilan de synthèse ;
– concernant le bilan de synthèse de juillet : au plus tard le 10e jour ouvrable scolaire qui suit la rentrée scolaire.
Conclusion
Les parents avertis auront plus de chances de pouvoir défendre leur.s enfant.s s’ils éprouvent des difficultés persistantes. C’est le but de cette analyse. Car le risque du maintien (redoublement) ou de la proposition d’orientation vers l’enseignement spécialisé demeure. En fait, une école ne pourra plus demander un maintien ou une orientation si le DAccE ne mentionne pas de troubles persistants et la liste des aménagements, des aides mises en place. Dès lors, si elles ont cette mauvaise habitude, elles s’efforceront de tenter progressivement, via les bilans trimestriels de démontrer que l’enfant n’a pas sa place dans la classe suivante et devraient ou recommencer leur année, ou aller dans le spécialisé.
Rappelons, enfin que seuls les parents peuvent décider d’une orientation vers l’enseignement spécialisé. Ce ne sont ni l’école, ni le PMS. Pour en savoir plus, sur ces orientations, voir notre étude sur les orientations abusives vers l’enseignement spécialisé.
[1] Circulaire 9032, p 34.
[2] https://pactepourunenseignementdexcellence.cfwb.be/wp-content/uploads/2023/06/230425_DACCE-Fiche.pdf
[1] Prononcer « DAC »