Analyse pour comprendre le Mémorandum remis ce

2 décembre 2022 sans devoir tout lire

  • L’introduction éclaire les raisons qui nous ont conduits à écrire nos revendications sous forme de mémorandum.

Le Droit international impose aux États à la fois un enseignement basé sur l’égalité des chances et une École inclusive. Ces deux exigences sont d’ailleurs indissociables. En effet, donner des chances égales d’émancipation sociale à tous les élèves ne peut se faire que dans une École qui accueille tout le monde, sans distinction d’origines, de genres, de capacités intellectuelles, physiques, sensorielles, etc.

Pourtant, nous sommes encore loin du compte. Notre système scolaire demeure profondément discriminant : il reproduit les inégalités sociales, mais en plus, il les amplifie ! Les écoles doivent devenir inclusives, mais le Pacte pour un enseignement d’excellence confond encore « intégration » et « inclusion ». Pourtant, nous sommes déjà bien engagés dans le XXIe siècle. Il y a un cap – pire, une péninsule – qu’ils n’ont pas dû voir passer.

Ces combats, les militants de la Ligue des Droits de l’Enfant et ses partenaires associatifs, les portent depuis plus de 20 ans et déplorent le manque d’ambition du Pacte pour un enseignement d’excellence. Comme la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas capable de penser une Ecole inclusive, nous l’avons fait pour elle. Nous ne proposons rien de moins qu’une… révolution.

Fort heureusement, nous ne sommes pas seuls. Des écoles de plus en plus nombreuses deviennent inclusives ou tentent de l’être. Les Pôles territoriaux seront là pour les y aider. Mais où seront les accompagnements pour les plus faibles ? Ceux qui trouvent dans un enseignement ségrégué et devraient être assis avec leurs pairs au sein de classes ordinaires.

Ce mémorandum, fruit de 21 années de lutte pour que l’École accueille tous les élèves quelles que soient leurs particularités, a pour objectif de définir clairement ce que doit être l’École inclusive, non seulement pour les enfants et les familles d’enfants à besoins spécifiques, mais également pour tous les élèves, quelles que soient leurs réalités. Une École inclusive est, par définition, une École des Droits de l’Enfant, une École Pour Tous !

  1. L’Ecole inclusive, c’est quoi ?

L’École inclusive concerne tous les élèves avec leurs diversités, qu’elles soient intellectuelles, physiques, culturelles, sociales, de genre, de langue, d’orientation sexuelle, … tout au long de leur scolarité et non uniquement les élèves en situation de handicap, qualifiés actuellement « à besoins spécifiques ». Cette diversité fait la richesse de nos classes, de nos écoles et de notre société.

L’Ecole inclusive c’est aussi :

  • L’école de proximité, l’école du quartier, du village où les élèves avec handicap ne doivent pas passer des heures dans des bus chaque jour pour s’y rendre ;
  • Une Ecole où, on ne redouble pas, du préscolaire à la fin du secondaire ;
  • Une Ecole où les enseignants de l’ordinaire travaillent en co-enseignement, avec les enseignants de l’enseignement spécialisé, au sein des mêmes classes.
  • C’est une Ecole à pédagogie active, où chaque élève est acteur de ses apprentissages

2. Il faut adapter le cadre légal

L’Ecole inclusive concerne tous les niveaux de pouvoirs. Le Droit à l’inclusion doit modifier rapidement tous les textes qui contreviennent à l’instauration d’une Ecole inclusive en tenant compte des exigences et recommandations des textes internationaux.

Par exemple :

  • L’article 22 ter de la Constitution n’est pas pleinement contraignant : « Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables ». Il y a lieu de le rendre pleinement contraignant.
  • Interdire aux écoles le refus d’inscription, l’orientation précoce et l’exclusion d’élèves en raison de troubles ou de déficiences ;
  • Faire disparaître les structures ségrégatives et, de ce fait, fusionner les classes et écoles spécialisées avec celles de l’enseignement ordinaire ;
  • Dans un souci d’accompagnement précoce, investir des moyens supplémentaires dès l’École maternelle afin de permettre aux enseignants et aux paramédicaux de détecter au plus tôt l’émergence de troubles ou de déficiences, de faciliter la collaboration entre équipe éducative, CPMS et services d’accompagnement ;
  • Etc.

3. Valeurs et attitudes

Il s’agit d’un changement de paradigme : construire une nouvelle culture scolaire inclusive et la mettre en œuvre concrètement sur le terrain en se basant sur des valeurs de solidarité, de coopération, d’égalité et d’entraide. L’École inclusive repose sur des valeurs humaines et sociales, comme le respect des enfants et des familles ainsi que l’ouverture à la différence et la valorisation de la diversité. 

4. Ecole inclusive = enseignement de qualité

Dans une école inclusive, on ne donne pas cours. On enseigne en s’aidant d’une pédagogie active basée notamment sur le Conception Universelle des Apprentissages, les aménagements non pas raisonnables, mais universalisés !

L’Ecole inclusive ou le chemin de l’inclusion rencontre tous les élèves dans leurs spécificités et leurs difficultés. Il est démontré que l’inclusion scolaire est plus efficace que la scolarisation en enseignement spécialisé.

Une École inclusive met en place des aménagements universels qui bénéficient à tous les élèves. Les pratiques visent la participation et la collaboration de chaque élève, afin de favoriser la réussite de tous. Il est démontré que les pratiques enseignantes efficaces pour les élèves à besoins spécifiques sont tout aussi pertinentes pour les élèves qui n’ont pas de besoins spécifiques.

5. Disparition des structures ségrégatives et la redistribution de leurs besoins humains, matériels et budgétaires

Une Ecole inclusive fusionne enseignement spécialisé et ordinaire, au sein d’ écoles et de classes inclusives.

Nous appelons à fusionner enseignement spécialisé et ordinaire et à rediriger des ressources allouées à la séparation institutionnelle des publics vers la différenciation pédagogique des pratiques : les moyens humains des écoles spécialisées peuvent alors être intégrés au sein des écoles inclusives de façon à mettre en place un co-enseignement structurel permanent.

Les écoles d’enseignement spécialisé seront transformées en centres de ressources et de soutien à l’inclusion : ces structures ne seront plus responsables de l’accueil de jour de ces enfants et ne participeront à leur scolarisation que comme partenaires dans un enseignement fusionné « ordinaire/spécialisé ».

La fusion de ces deux structures de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire passe par le développement de pôles territoriaux pleinement inclusifs.

6. Accessibilité et différenciation

L’Ecole inclusive, si elle est le lieu de travail d’adultes, elle est avant tout un droit de l’enfant. De tous les enfants et est construite pour eux tous.

L’Ecole inclusive met tout en œuvre pour que chaque élève à besoins spécifiques accède physiquement à tous les lieux de l’établissement scolaire qui lui sont dédiés, ainsi qu’à ses pairs : rampes d’accès et d’escaliers, d’ascenseurs, de toilettes adaptées et non-genrées, etc., locaux du rez-de-chaussée attribués aux classes accueillant des élèves avec troubles moteurs. Indications des couloirs, bâtiments, affichées sous formes de pictogrammes et en braille, protocoles élaborés pour accueillir les chiens d’accompagnement, …

L’accessibilité concerne aussi les contenus et processus d’apprentissage. Adaptation de l’enseignement à tous les élèves (traces, résumés, explications, plateformes en ligne, etc.).

7. Evaluation et certification externe

Dans une Ecole inclusive, on ne pratique pas la compétition entre élèves en faisant des évaluations cotées et sélectives.

Il ne peut y avoir que deux types d’évaluation dans une école inclusive : l’évaluation formative (sans « points ») et l’évaluation certificative (le diplôme).

L’évaluation formative fournit le meilleur compte-rendu possible des connaissances et compétences des élèves, et la description claire de ce qui est ou de ce qui n’est pas acquis, seule manière de guider la façon d’enseigner et de permettre de faire évoluer la démarche si besoin.

L’École inclusive adapte les contenus ou les critères de réussite. Pour les élèves qui ne peuvent poursuivre les mêmes objectifs – et donc obtenir les mêmes diplômes – que les autres, elle adapte la tâche ou l’épreuve, modifie le programme scolaire de l’élève à besoins spécifiques afin qu’il puisse poursuivre ses apprentissages à son rythme et participer pleinement à la vie de sa classe et de l’école.

À la fin de son cursus scolaire, chaque élève en situation de handicap est certifié en fonction de ses compétences. La FWB doit mettre en place une « Certification des acquis » : un passeport de compétences pour tous les élèves qui ne peuvent poursuivre les mêmes objectifs terminaux que les autres.

La Certification des acquis ou Passeport de compétences doit permettre à tous les élèves ne pouvant poursuivre les mêmes objectifs terminaux que les autres de poursuivre des études valorisantes en enseignement ordinaire inclusif, adaptées aux compétences qu’ils maîtrisent et à leurs projets personnels. Cela doit également leur permettre au terme de leurs études, s’ils le souhaitent, de trouver un travail ajusté à leurs compétences.

8. Rôle de la direction pédagogique

Dans une Ecole inclusive, il y a lieu d’avoir une direction bicéphale : Un ou une responsable de l’administratif et un ou une responsable du pédagogique. Ces gens sont élus par leurs pairs en fonction de leurs compétences.

Rôle primordial : garante du projet éducatif et du respect des valeurs de l’École inclusive et déchargée de l’administratif. Elle assure le partage des compétences au sein des écoles, met en contact l’école avec tous les intervenants extérieurs en lien direct avec l’école (familles) ou ayant des compétences qui peuvent aider l’école à devenir encore plus inclusive (formateurs, chercheurs, associations).

« Leadership partagé » : la direction élue par ses pairs en fonction de ses compétences pédagogiques et humaines. De manière à se ressourcer, une direction d’école ne peut dépasser deux mandats électifs successifs de 5 années. Il est essentiel qu’elle puisse revenir sur le terrain par la suite.

9. Formation des enseignants

Dans une Ecole inclusive, les enseignants sont avant tout des orthopédagogues. L’orthopédagogie doit être au programme de la formation initiale, étalée entre les 4 années du cursus.

Qui doit comprendre entre autres des formations :

  • à l’inclusion ; qui portent sur les pratiques qui favorisent la réussite, ainsi que la participation et la collaboration de tous.
  • à la communication avec les parents comme partenaires de l’éducation, et donc la co-éducation ;
  • aux nouvelles technologies afin de maîtriser les outils numériques dont ont besoin les élèves à besoins spécifiques pour réaliser leurs tâches et activités scolaires.
  • à l’évaluation : les évaluations-sanctions sont remplacées par des évaluations formatives. Les bulletins “chiffrés” seront remplacés par des bulletins formatifs basés sur les forces et les progrès de l’élève dans tous les apprentissages.
  • à éviter les travaux à domicile en apprenant à faire « sans », afin de soulager élèves, parents et enseignants.

10. Le soutien à l’élève

Dans une Ecole inclusive, les besoins de l’élève sont au cœur des préoccupations des professionnels.

Une des conditions clé de l’École inclusive est la mise en place de mesures de soutien aux élèves à besoins spécifiques. Aller au-delà des « simples » adaptations matérielles, mettre à leur disposition les moyens qui vont leur permettre de participer pleinement à la vie sociale et aux apprentissages. Ces moyens ont également pour objectif d’assurer au mieux leur réussite scolaire et éducative.

11. Coop&ration avec les parents

Dans une Ecole inclusive, la place des parents n’est plus sur le trottoir. Il est dans l’école et des temps sont spécialement prévus pour la collaboration école-familles.

L’École inclusive valorise la place et le rôle de tous les parents dans la construction de l’inclusion scolaire.

Les parents se situent à l’intersection des différents mondes qui gravitent autour de l’enfant. À ce titre, ils rencontrent les différents professionnels. Le lieu de vie en famille constitue en outre un milieu écologique d’apprentissages concrets, connus et insuffisamment exploités. Les parents d’un élève à besoins spécifiques le connaissent mieux que quiconque et mettent souvent en place, à la maison, des pratiques adaptées aux spécificités de leur enfant, dont l’école pourrait s’inspirer. Et vice-versa.

12. Le travail avec la communauté locale

Une Ecole inclusive n’est pas seule sur une île déserte. Elle est au cœur du quartier et doit tisser des liens avec l’ensemble de la communauté locale.

L’École inclusive implique la communauté locale dans la scolarisation des élèves à besoins spécifiques : les employeurs locaux, les services publics, les associations locales comme les services d’accompagnement, les écoles de devoirs, les mouvements de jeunesse, les associations de loisirs, les fédérations sportives, les associations culturelles, les activités extrascolaires, etc., qui sont les outils d’une société plus inclusive.

13. Et maintenant

Ce n’est que le début d’un très long combat. Ce mémorandum fera l’objet de rencontres, de débats, d’analyses avec les différents partenaires concernés afin que nos revendications se traduisent en actions concrètes.

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