Les devoirs relèvent du « paradoxe de la clôture scolaire[1] ». Alors que l’école a pour mission de décharger les familles de la tâche d’instruction, elle la leur renvoie à travers les devoirs à la maison. De ce fait, l’école brouille la distinction entre « chargés d’instruction » (les professionnels de l’enseignement) et « chargés d’éducation[2] » (les familles).
La majorité des parents se transforment ainsi en professeur d’école pendant les devoirs. 95 % des familles disent consacrer du temps au devoirs de leurs enfants[3], notamment par le guidage scolaire et les activités parascolaires. Ils disent consacrer entre 1 à 3 heures par semaine à aider d’une façon ou d’une autre leurs enfants à faire leur travail à la maison[4]. Les enjeux qui tournent autour de la réussite des enfants créent, chez les parents, de l’anxiété pour leur avenir. Pour tenter de sauver leur épingle du jeu, les familles adaptent leur environnement afin qu’il devienne un lieu de scolarisation « secondaire ». Le temps et l’espace sont adaptés aux devoirs, voire aux apprentissages complémentaires. Les leçons, les devoirs, les stages « pédagogiques » rythment la vie familiale. Les chambres, si elles le permettent, accueillent des bureaux, sinon c’est la cuisine ou la salle à manger qui sont transformées en salles d’études. Quand c’est possible !
On y instaure des rituels (goûter – devoirs – télé) et des procédures de contrôle, sans oublier les punitions (ou les récompenses : télé, console, ordinateur, jouer avec des amis, les inviter pour su anniversaire, …).
Loin d’un monde idéal, ces aménagements perturbent la vie familiale plus souvent qu’il ne faut. On est loin des apprentissages sereins, les parents se contentant de poser le cadre dans lesquels leurs enfants pourraient travailler. Énervements des enfants et des parents, stratégies d’évitement pour ne pas faire les devoirs, pertes de temps à tenter de réexpliquer des notions non comprises, malentendus sur ce qu’attend le professeur qui n’a pas été clair dans ses attentes, etc.
A suivre… Toutes les familles n’ont pas les mêmes ressources pour accompagner les enfants
[1] Maulini O., 2000, « Entre l’école et la maison, un seul devoir : la circulation des savoirs », Bulletin du Groupement Cantonal genevois des Parents d’élèves des écoles Primaires et enfantines (GAPP), n°80 – 2000, p 24 – 26
[2] Art 18 de la CIDE : « La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. » Cela implique évidemment que les parents instruisent aussi leur enfant mais dans d’autres domaines que le fait l’école et que, d’autre part, les enseignants s’ils instruisent sont aussi des éducateurs sur la base de l’article 28 de la CIDE « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous; Ils encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l’offre d’une
aide financière en cas de besoin; (…) »
[3] Goupil, Comeau, Dore, 1997, « Les devoirs et leçons : perceptions d’élèves recevant les services orthopédagogiques », Education et Francophonie, revue scientifique virtuelle, n°25 (2) – 1997
[4] Scott Jones (1995), (rapporté par Van Hooris, 2003)