Le décrochage scolaire chez l’ado

Le décrochage scolaire chez l’ado

Le pourcentage de personnes âgées de 18 à 24 ans qui n’ont pas de diplôme du secondaire supérieur et qui ne suivent plus aucune forme d’enseignement ou formation. Ils sont 14,8% à Bruxelles, 6,8% en Région flamande, 10,3% en Région wallonne. Ils sont en moyenne 8,8% au niveau belge [1].

Un adolescent sur dix est en décrochage scolaire en Belgique dont 14,4% à Bruxelles. Cette problématique retient de plus en plus l’attention des pouvoirs publics. A cet effet, l’axe 4 du Pacte pour un enseignement d’excellence prévoit de lutter activement contre « l’échec scolaire, le décrochage et le redoublement »  en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Les exclus du système scolaire ont de plus grandes chances de devenir des exclus de la société. Lutter contre le phénomène devient donc urgent et nécessaire tant ses conséquences sont négatives pour l’individu et la société : les charges sociales, la délinquance, les difficultés d’insertion socio-professionnelle, les problèmes de santé, la faible estime de soi, la dépression et autre maux qu’il entraine provoquent des coûts sociaux et économiques importants.

Les exclus du système scolaire ont de plus grandes chances de devenir des exclus de la société. Lutter contre le phénomène devient donc urgent et nécessaire tant ses conséquences sont négatives pour l’individu et la société : les charges sociales, la délinquance, les difficultés d’insertion socio-professionnelle, les problèmes de santé, la faible estime de soi, la dépression et autre maux qu’il entraine provoquent des coûts sociaux et économiques importants.

Mais avant tout, le décrochage scolaire touche profondément et avant tout l’individu. L’enfant, l’ado victime tend à s’intérioriser et vit un profond sentiment de mal-être, de détresse qu’il va subir tant qu’il n’en sort pas.

Mais d’abord, qu’est-ce que le décrochage scolaire ?

Certains parlent de décrochage pour parler d’élèves qui ne s’investissent plus dans leur travail scolaire. Mais la définition la plus communément admise du décrochage scolaire est celle qui désigne des enfants, des ados, des jeunes en âge d’obligation scolaire, qui ont abandonné l’école et qui ne suivent aucun autre type d’enseignement ou de formation. On estime qu’un élève est considéré en décrochage quand il dépasse les 20 demi-jours d’absence non justifiés. Le taux de sorties prématurées des 3èmes, 4èmes et 5èmes années secondaires est de 6,3 % en 2016-2017 en Région de Bruxelles-Capitale[1]. Il constitue le taux le plus élevé en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Quel est leur profil?

Il existe une multitude de profils différents. D’abord, les garçons sont plus touchés que les filles, les jeunes d’origine sociale précarisée ainsi que les jeunes d’origine étrangère dont la probabilité de décrochage et d’abandon scolaire est cinq fois plus élevée.

De nombreux facteurs comme la relation avec les professeurs, les autres élèves, la pédagogie, la situation familiale ont tendance à provoquer un fort impact sur l’ado et sa scolarité.

Justement quelles en sont les causes?

 C’est d’abord notre système scolaire qui en est la cause. Un système particulièrement et profondément injuste qui se caractérise par la séparation des élèves en fonction de leur profil socio-économique et/ou socio-cognitif, par son système d’évaluation, ses redoublements, la relégation vers l’enseignement qualifiant ou l’orientation vers l’enseignement spécialisé. Il contribue grandement à accroître à moyen et à long terme les risques de décrochage scolaire.

 À 16 ans, 7 % des élèves qui appartiennent à l’indice socio-économique le plus faible sont orientés vers le spécialisé contre seulement 2 % des élèves de 16 ans faisant partie de la population plus favorisée.

On constate pourtant que certains enfants scolarisés dans le spécialisé ne souffrent d’aucun trouble d’apprentissage ou d’un handicap avéré ; le seul «handicap» de ces enfants est leur milieu social. Ils se retrouvent alors orientés vers le spécialisé et quasi-définitivement condamné comme élève à y rester parce qu’on estime chez eux une certaine forme de « démission ». Par conséquent, les enseignements spécialisés de type 8 et 1 deviennent les instruments de relégation pour les jeunes en obligation scolaire.

Cette problématique de décrochage relève d’une série d’autres facteurs déterminants et multiples tel que le degré d’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, leur rapport au savoir, leur relation avec l’école et les enseignants, leur niveau d’études, de connaissances de la langue parlée à l’école, de moyens de subsistance ainsi que leur propre intégration socioprofessionnelle.

Les causes peuvent aussi et tout simplement être dues à un retard trop important dans une ou des matières, à un manque de confiance en soi, à des problèmes relationnels, d’apprentissage, à un encadrement insuffisant. L’ado a un besoin énorme d’appartenance à un groupe, besoin d’être reconnu par ses pairs pour se sentir exister et confirmé dans son statut. S’il est laissé de côté, il perd à ses propres yeux toute légitimité et estime de soi.

Quelles sont les conséquences ?

D’abord, le décrochage sur l’ado se manifeste par l’ennui, un comportement contestataire et rebelle, par une intériorisation et une passivité totale pour les cours, par l’absentéisme, de l’irritabilité, des phobies, par un état dépressif, …

L’ado qui ne se préoccupe plus de l’école, perturbe bien souvent le bon déroulement de la classe parce qu’il est lui-même perturbé et subit généralement un état de mal-être profond. Ayant décroché, il change fréquemment d’options, voire d’école.10,2 % des élèves ayant changé d’établissement scolaire dans le 1er degré en secondaire redoublent, contre 6,2 % qui sont restés dans le même établissement[1]. Les enseignants et la direction proposent alors rapidement des filières moins valorisées. Il est reconnu que l’enseignement à horaire réduit est une sorte de filet de repêchage pour l’ado suivant un enseignement à temps plein et ne possédant pas de diplôme ou d’attestation. Dans ce système, on retrouve hélas beaucoup d’ados à problèmes.

Il existe de nombreuses autres conséquences du décrochage scolaire, tel que l’alcoolémie, la toxicomanie, la délinquance et bien d’autres situations tout aussi graves. Fréquemment, l’ado en décrochage entretient un lien familial faible. De ce fait, il se réfugie alors auprès d’amis ayant le même vécu. Et s’il ne rencontre personne avec le même parcours que lui, il tombe en dépression et s’isole.

Une dernière conséquence à évoquer et qui est de taille, c’est sa vulnérabilité sur le marché de l’emploi. Un ado ayant connu un décrochage précoce dans l’enseignement se voit contraint de trouver un emploi. S’il en trouve, c’est généralement un travail précaire dans lequel il stagnera toute sa vie au même niveau de qualification parce que son employeur investira peu dans sa formation, et sa situation restera bien souvent incertaine.

Que faire et ne pas faire en tant que parent face à un ado en décrochage scolaire ?

Une chose à éviter et qui est pourtant assez courante, c’est de comparer l’ado en décrochage avec ses frères et sœurs. Cette comparaison ne l’aidera pas à se motiver. Bien au contraire, il en sera encore plus frustré.

Lui supprimer des loisirs utiles tels que le sport ou des activités artistiques par exemple n’est pas la solution. Bien au contraire, ce sera une source supplémentaire de frustration et de déception pour lui. A défaut de trouver la motivation pour l’école, il trouve au moins une source de motivation dans d’autres activités qu’il aime! En revanche, on pourra supprimer les écrans tels que les jeux vidéo qui ne sont pas utiles pour son développement.

Ne faut-il pas mieux privilégier une enquête approfondie pour comprendre les causes réelles du décrochage que mettre tout sur le compte de la paresse ? Peut-être vit-il mal une déception sentimentale, réagit-il à un conflit dans le couple et il est inquiet à l’idée que ses parents vont se séparer ; peut-être que quelque chose se passe à l’école, que quelqu’un l’importune, qu’il est en conflit avec un professeur et qu’il est même en train de traverser une phase de dépression ?

Dans une telle situation, adopter en tant que parent une attitude d’écoute et de dialogue, même si parfois c’est très difficile, est sans doute l’approche la plus constructive. Il vaut mieux chercher à limiter « la casse » car son problème peut encore s’accentuer, si ce n’est déjà pas le cas, par des troubles du sommeil par exemple, par la rumination mentale, par des problèmes de fatigue chronique, par l’épuisement.

Dans l’imaginaire collectif, le décrochage est souvent associé aux cancres de la classe ; pourtant il concerne des élèves au parcours fluide et même brillant mais qui tout à coup de mettent à angoisser et à paniquer. On parle alors de burn-out scolaire.

L’hyperparentalité est source de grand stress aussi pour les ados qui s’investissent alors de trop, terrifiés à l’idée de rater et de décevoir. Pour la majorité des parents, l’école a toujours été un ascenseur social ; or, c’est loin d’être le cas : 80 % de leurs enfants auront des postes inférieurs à ceux qu’ils occupent eux-mêmes.

 Et pourtant, la pression exercée sur l’ado est énorme et génère une anxiété profonde. Dans ce contexte, certains parents ont tendance à diagnostiquer et à voir un décrochage de manière précoce, suite à des résultats en baisse. Et ils vont jusqu’à en convaincre leur enfant.

Qu’un ado se désintéresse pour une matière est tout à fait normal ! Il faut donc cesser de viser l’hyperperformance. Le soumettre à un niveau d’exigence extrême exerce une pression qui l’empêche d’apprendre. Il est tout aussi erroné de lui faire croire qu’une fois devenu adulte, la réussite à l’école est synonyme de bonheur. On ne cesse de lui rabâcher que sa réussite scolaire va lui ouvrir toutes les portes, mais en réalité avec un tel discours, on l’enferme dans une spirale infernale.

Si cette réussite est essentielle, il ne faut pas exclure le reste. Un ado qui réussit, c’est celui qui est capable d’utiliser ses échecs comme une rampe pour progresser, et non celui qui performe d’office.

Pour bien cerner le problème si votre ado est vraiment victime de décrochage scolaire, il vaut mieux privilégier la rencontre avec l’équipe pédagogique, les professeurs, le directeur de l’école pour essayer de comprendre ce qui se passe, pour avoir leur avis et ainsi pouvoir mener une action commune et collective.

C’est important aussi de veiller à l’autonomiser. En tant que parent, vous êtes la seule personne qui se préoccupe de lui et de sa scolarité ; peut-être de trop ! Il se peut alors qu’il cherche de son côté à « décoller » de vous et du même coup de l’école. Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux fixer avec lui un objectif atteignable pour chaque matière, sur deux mois plutôt que sur un mois par exemple ?

Mais surtout, il s’agit de donner du sens à l’école. Peut-être que jusque-là, il allait à l’école pour vous faire plaisir, pour vous rendre heureux en tant que parent. Maintenant il a grandi, il y a des remaniements intérieurs, et la motivation, il la cherche. Il ne veut plus travailler pour vous faire plaisir et ne sait plus pourquoi étudier. Il vaut mieux alors lui parler comme à un grand, de l’avenir, du métier qu’il veut faire, pourquoi on va à l’école ; bref  de trouver un sens à sa scolarité.

 Il ne faut pas hésiter à changer de regard sur lui et à ne plus le considérer comme un enfant. C’est peut-être le moment et l’occasion de changer sa chambre, de lui proposer des activités nouvelles et de marquer ainsi le coup en opérant un véritable changement dans le regard que vous portez sur lui.

Comment aider concrètement son enfant à accrocher scolairement et à reprendre goût à l’école?

Si en tant que parent vous souhaitez augmenter les chances d’aider votre ado à sortir d’un décrochage scolaire, il existe des pistes de solutions concrètes pouvant contribuer à l’aider.

D’abord et comme évoqué plus haut, pourquoi ne pas commencer à changer son espace de travail, à installer un lieu agréable et calme pour que votre ado ait un espace destiné à l’étude et à la réalisation de ses devoirs ? Cette initiative nécessite un minimum de ressources financières et de débrouillardise pour préparer cet espace.

Ne serait-il pas temps de vous impliquer autant dans l’écoute que dans l’accompagnement de ses études et devoirs, indépendamment de la capacité de suivre les matières apprises par votre enfant ?

 Bien sûr que cela demande de pouvoir dégager du temps pour lui mais c’est important qu’il voie son parent s’intéresser à ce qu’il apprend à l’école. Cette attitude suscite implicitement son intérêt pour ses cours.

Et si en tant que parent ou couple de parents vous n’avez pas le « bagage » nécessaire pour comprendre ou même pour partager l’expérience scolaire avec votre ado, pourquoi ne pas penser à vous tourner alors vers un autre membre ou ami de la famille ou encore vers les parents d’un ami de votre enfant, qui eux, ont ce bagage. Cette personne pourra éventuellement apporter son soutien de manière ponctuelle ou régulière car il aura peut-être plus le temps, l’espace et les connaissances nécessaires pour mieux le faire. Il s’agit non pas de vous remplacer en tant que parent mais de permettre à votre ado de vivre d’autres expériences et ainsi se confronter à d’autres rapports au monde et à la scolarité.

 Il ne faut pas non plus négliger l’aide que peut lui apporter un camarade de classe. Plus un ado partage et vit des expériences différentes plus il a de chance de pouvoir rattacher ce qu’il apprend à l’école avec ce qu’il a déjà vécu. Ces expériences permettront de renforcer potentiellement son accrochage scolaire.

Justement, un des facteurs les plus déterminants dans l’accrochage scolaire, est le rapport ludique au savoir que communiquent les parents à leur enfant. En effet, un parent qui réussit à communiquer le plaisir d’apprendre, le fait qu’on peut s’amuser en apprenant, augmente les chances d’éveiller l’intérêt de l’ado pour ce qu’il apprend à l’école. Des moments réguliers dédiés spécialement à ce partage de savoir de manière ludique est l’une des pistes pour renforcer l’accrochage scolaire de votre enfant.

Si vous vous sentez capable, pourquoi ne pas envisager alors, une fois par semaine par exemple, avec votre ado et toute la famille, de dédier du temps à jouer, à organiser des championnats du savoir, des expériences scientifiques faites à domicile, des batailles de culture générale, etc. Les possibilités de ces jeux cognitifs sont nombreuses

Quels sont les moyens et les dispositifs existants en faveur de l’accrochage scolaire ?

Le Pacte d’excellence qui va progressivement être mis en œuvre cette année va tenter de parer aux problèmes existants dans notre système scolaire en centrant l’enseignement sur l’humain. Cette réforme va mettre les écoles en Fédération Wallonie-Bruxelles en chantier jusqu’en 2030 et devrait en principe aboutir à un enseignement de meilleure qualité, plus moderne, tout en privilégiant une approche personnalisée sur les acteurs de l’enseignement en général, et sur les élèves en particulier. Le pacte prévoit de lutter activement, entre autres, contre le redoublement et le décrochage scolaire.

Depuis de nombreuses années, il existe des dispositifs internes d’accrochage scolaire tel que le D(I)AS au sein des établissements scolaires bruxellois, qui qui prennent diverses formes dont des cours de remédiations, donnés le plus souvent le mercredi après- midi, parfois après les cours ou sur les temps de midi le reste de la semaine ou la participation à d’activités citoyennes, culturelles, créatives et qui proposent parfois aussi aux élèves concernés d’être extraits de leur classe durant plusieurs jours/semaines et d’être pris en charge au sein de l’école par des membres de l’équipe éducative. Ils permettent aussi de favoriser et de collaborer à l’accrochage scolaire des élèves, par la lutte contre l’absentéisme, la violence et les incivilités.

Ces dispositifs apportent un réel travail de prévention. Leur objectif est aussi de créer une dynamique autour de l’école en rassemblant les divers acteurs sociaux et scolaires pour agir efficacement ensemble contre le décrochage scolaire.

Il existe aussi le service de médiation scolaire en Région bruxelloise qui met à disposition des écoles une cinquantaine de médiateurs scolaires avec pour objectif de prévenir la violence et le décrochage scolaires dans les établissements d’enseignement secondaire. Ce sont généralement les premiers interlocuteurs vers lesquels on peut se tourner.


A Bruxelles, les médiateurs sont présents dans les établissements tout au long de l’année ; et bien qu’ils soient présents dans l’école même, ils ne font pas partie du personnel de l’école et ne dépendent donc pas de la direction.

Le Centre PMS ou Psycho Medico Social ou le CPMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. C’est un lieu d’accueil, d’écoute et de dialogue où l’élève et/ou la famille peuvent aborder les questions qui les préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire, professionnelle, etc.

Le Centre PMS est composé de psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d’assistants sociaux (auxiliaires sociaux) et d’infirmiers (auxiliaires paramédicaux) qui travaillent en équipe. Un médecin est également attaché à chaque Centre PMS.

On peut donc les contacter à tout moment.

Chaque commune dispose d’un service scolaire communal qui vise l’intégration sociale des jeunes en favorisant l’accrochage scolaire.

Ces services sont des relais qu’on peut contacter en cas de difficultés en lien avec la scolarité. Ce sont des lieux d’accueil, d’écoute et d’accompagnement.
On peut contacter aussi bien le service scolaire communal de sa propre commune que de celle dans laquelle l’ado est scolarisé.

Les services d’accrochage scolaire ou S.A.S (S.S.A.S. dans l’enseignement spécialisé) qui sont des services permettant d’accueillir et d’aider temporairement des élèves mineurs rencontrant des difficultés scolaires.

Cette aide concerne par exemple des élèves exclus d’une école et ne pouvant être réinscrits dans un autre établissement scolaire ou encore ceux qui sont inscrits dans un établissement mais qui sont en situation de crise, qui ne fréquentent pas l’école sans pour autant en avoir été exclus.

Ils apportent une aide sociale, éducative et pédagogique par l’accueil en journée et, le cas échéant, une aide et un accompagnement dans le milieu familial.

Concrètement, l’objectif de ces services est que l’enfant ou l’ado puisse être réintégré dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions possibles, dans une structure scolaire ou une structure de formation agréée dans le cadre de l’obligation scolaire.

Le tissu associatif

Si certains parents offrent des cours particuliers à leurs enfants, bien d’autres ne le peuvent pas, surtout en faveur de ceux qui, pourtant, ont le plus grand besoin. Hélas, loin d’assurer la réussite de tous, l’école produit massivement de l’échec et même du décrochage scolaire et tout spécialement dans les milieux défavorisés qui n’ont ni les compétences ni les codes nécessaires pour y faire face.

Fort heureusement, il existe d’autres solutions beaucoup moins onéreuses pour tenter de pallier à ce problème. Il y a les associations, notamment les AMO (Aide en Milieu Ouvert) qui sont un serviced’accueil, d’écoute, d’information, de soutien et d’accompagnement aux jeunes et les EDD (écoles de devoirs) plus connues par le grand public et qui visent l’épanouissement global de l’enfant et du jeune jusqu’à ses 26 ans, en plus du soutien scolaire. Elles mènent des projets qui contribuent à faire des enfants, ados et jeunes adultes accueillis de futurs citoyens actifs, réactifs et responsables, capables de poser un regard critique sur le monde et d’en comprendre le fonctionnement.

Malheureusement, le secteur des EDD manque cruellement de moyens : manque de places, de subsides, d’animateurs formés, alors qu’elles jouent un rôle de cohésion sociale fondamental. Les EDD permettent à leur jeune public de garder le contact avec le milieu scolaire, de les accompagner dans leur processus éducatif à travers leçons et devoirs, mais aussi, de manière plus globale, de redonner du sens à leur parcours scolaire, de les réconcilier avec l’école, voire même avec leur avenir scolaire.

Enfin, il existe également un certain nombre d’écoles d’enseignement spécialisé de type 5, organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui accueillent des élèves à l’arrêt sur le plan scolaire et qui proposent un suivi psychopédagogique qui vise à remobiliser le désir d’apprendre et à renouer avec ses pairs dans un cadre sécurisant en :

•  prenant en considération l’arrêt du jeune et en accueillant cet arrêt ;

•  proposant un temps et un espace pour découvrir de nouvelles manières d’apprendre ;

•  visant à faire émerger un projet pédagogique et à le rendre possible.

Cf : www.enseignement.be – circulaire 6853 du 05 19 2018

Conclusion

C’est d’abord aux pouvoirs publics de saisir et de remédier à la problématique du décrochage scolaire en s’y attaquant de manière multilatérale et en dégageant les moyens nécessaires. Des moyens certainement très importants pour permettre de repenser et de reconstruire un système éducatif défaillant en Fédération Wallonie-Bruxelles : il est actuellement source d’élitisme, d’un déficit de mixité et d’égalités sociales qui aboutit à plus d’exclusion scolaire et sociale, à des compétitions entre élèves et entre écoles. Cette refonte ne peut aboutir que par une réforme de la formation et par la revalorisation du métier d’enseignant, en prônant la culture de la bienveillance et de la coopération et en renforçant l’ouverture et l’inclusion à l’école.

Le Pacte d’excellence a été justement réfléchi et réalisé dans l’objectif d’apporter ces réformes nécessaires et indispensables au système scolaire actuel. On peut espérer que ces améliorations qui vont bientôt être entreprises pendant une durée de neuf ans ne seront pas vaines, qu’un réel travail en profondeur sera réalisé. Il ne faudrait pas juste modifier le cadre, mais surtout revaloriser l’enseignement en mettant réellement l’accent sur la dimension humaine à tous les niveaux (élèves, enseignants, parents, éducateurs, etc.).

Une autre piste d’action pourrait aussi se situer au niveau de la communication et du rapprochement entre toute la communauté scolaire, en privilégiant le partenariat entre les familles, l’école et sans oublier le monde associatif (AMO, Maisons de Jeunes, EDD). La clé étant d’être complémentaires, chacun avec sa spécificité pour viser ensemble l’épanouissement global des enfants et ados.

Mais avant tout, il est essentiel que nos enfants et ados grandissent dans un environnement familial positif. La famille joue un rôle très important car ce sont les valeurs et les modèles qu’elle véhicule qui contribuent au développement de ses enfants. La participation des familles à leur vie scolaire est en outre essentielle pour les aider à mieux comprendre l’implication qu’ils devraient avoir vis-à-vis de leur travail scolaire. Une participation qui privilégie l‘écoute, suscite l’estime de soi, stimule la motivation et la concentration, permet de créer un état d’esprit et des habitudes de travail sains. Parallèlement, leur fournir un endroit calme et approprié pour réaliser leur travail scolaire à des moments réguliers les sécurise et les mets dans une dynamique de confiance.

Une telle implication des parents permet d’agir dès les premiers signes d’échecs scolaires ; elle permet en même temps de prévenir et de les prémunir du décrochage scolaire.


[1] http://accrochagescolaire.brussels/le-ba-ba-de-laccrochage/indicateurs

[2] Les indicateurs de l’enseignement 2018, page 37.



Tous les élèves sont doués pour l’étude

Tous les élèves sont doués pour l’étude

L’époque où l’on pouvait penser que certains élèves étaient doués pour l’étude et d’autres pour faire des métiers manuels voire artistiques est révolue depuis plus d’un demi siècle. Bien sûr, les croyances traditionnelles sont dures à éradiquer.

Les croyances en matière de psychologie ont profondément influencé l’Ecole au début du XXe siècle. Des pédagogues français comme BINET et WALLON, suisse comme CLAPAREDE et, dans une moindre mesure belge comme DECROLY postulaient que les êtres humains naissaient doués d’aptitudes diverses qui prédestinaient leur avenir.

Ces théories sont aujourd’hui à ranger au musée de l’histoire de la pédagogie depuis le début des années 60 (cela fait quand même un demi-siècle). C’est le suisse PIAGET qui a posé les balises d’une nouvelle approche psychologique du développement intellectuel de l’être humain. Grâce à lui, on sait aujourd’hui que l’intelligence n’est pas quelque chose d’innée mais qu’elle se construit. Le jeune enfant vient au monde avec un capital d’outils intellectuels rudimentaires. Durant son évolution il devra s’adapter au monde qui l’entoure et chercher à le comprendre. Cela lui permettra d’enrichir ses compétences et d’approfondir ses connaissances. Son entourage (parents, éducateurs, enseignants et condisciples) vont lui permettre de reconstruire les conquêtes intellectuelles de l’humanité. Il va réinventer le concept de nombre, les notions de surface, de volume, etc ; les concepts et théories qui, pour nous, paraissent évidents.

BLOOM, comme de nombreux scientifiques, a mené des expériences appuyant les principes de PIAGET prouvant que tous les élèves sont doués pour l’étude. Celui-ci a constitué trois groupes d’élèves au hasard. Ceux-ci étaient composés de manière équivalente d’élèves prétendument « forts », d’autres « moyens » et enfin de « faibles ». Aux trois groupes on a enseigné les mêmes matières mais de manière différente.

Le premier groupe a reçu un enseignement « traditionnel ». Les élèves étaient regroupés dans une classe comme nous les connaissons tous, avec des enseignants donnant des cours frontaux sans remédiation immédiate ni aide particulière.

Pour le second groupe, la matière à enseigner à été découpée par unités d’apprentissage. Chacune d’elles était enseignée collectivement, mais, à la fin de chaque unité, les élèves étaient soumis à une évaluation formative et bénéficiaient de remédiations s’il n’avait pas compris. On nomme cette façon de procéder Pédagogie de maîtrise.

Chaque élève du troisième groupe bénéficiait d’un précepteur choisi pour ses compétences et soigneusement formé.

Les trois groupes ont été soumis aux mêmes tests finaux. On a constaté que les élèves du premier groupe ont progressé selon des proportions variables, tout comme nos élèves dans la majorité de nos classes qui enseignent en « frontal ». On a donc ainsi obtenu une distribution gaussienne des résultats avec quelques « très bons » élèves, un ventre mou d’élèves « moyens » et quelques en échec.

Dans le second groupe, la distribution des résultats s’approchait d’une courbe en J. La majorité des élèves ont un score proche du maximum.

Le troisième groupe obtient, bien évidemment, les meilleurs résultats, au point que les plus faibles de ce groupe atteignent des résultats équivalents à ceux des plus forts du premier groupe.

On ne peut, évidemment, généraliser le préceptorat. C’est impayable et peu intéressant en terme d’apprentissages sociaux. Mais il a le mérite de démontrer que tous les élèves sont doués pour l’étude si on les met dans les conditions d’apprendre. Le préceptorat a également pu démontrer la puissance de l’enseignement : des enseignants compétents peuvent faire réussir tous les élèves.

L’efficacité de la pédagogie de maîtrise a été démontrée. Appliquée dans des classes normales (comme celles que nous avons dans nos écoles) ce dispositif permet d’atteindre des résultats nettement supérieurs à ceux que nous atteignons aujourd’hui avec la « pédagogie inactive », càd frontale et sans remédiations. Un élève peut réussir lorsqu’il est placé dans des conditions normales d’enseignement.

Les systèmes à tronc commun jusqu’à la fin de la quatrième secondaire ont démontré cette réalité : tous les élèves sont doués pour l’étude. Non seulement le redoublement n’existe pas dans ces systèmes mais les résultats de leurs élèves sont parmi les meilleurs des pays de l’OCDE.

Conclusion

 Tous les élèves[1] sont capables de réussir un enseignement général.

C’est une simple question de choix de l’école.

Lorsqu’on veut faire réussir les élèves et leur donner les savoirs et savoir-faire auxquels ils ont droit pour acquérir les compétences définies par les programmes, c’est tout à fait possible. Il suffit de mettre en place une pédagogie adaptée, càd une pédagogie active, une pédagogie de la réussite.

[1] Les seuls à ne pas pouvoir y arriver sont les jeunes porteurs d’un handicap mental. Même s’ils n’auront jamais leur diplôme, ils sont, quant à eux, capables d’apprendre à vivre avec les autres jeunes, dans une structure scolaire commune jusqu’à 18 ans. Pour plus d’information : https://www.liguedroitsenfant.be/category/integration-scolaire/

L’échec scolaire ne sert que l’école

L’échec scolaire ne sert que l’école

Prost (1989) a postulé que la menace de l’échec serait le moteur du travail des élèves. Et pour que la menace soit crédible, il faut qu’elle soit appliquée sur un certain nombre d’élèves. Bref, le redoublement ne sert pas tant aux élèves qui en sont victimes mais à tous les autres et les enseignants auraient besoin de pouvoir brandir cette menace pour les « faire travailler ».

Pour Prost « l’orientation par l’échec ne constitue pas une anomalie, mais au contraire un trait constitutif de notre système, celui-ci s’en accommode. Mieux, il en tire parti pour faciliter son propre fonctionnement, et peut-être même cesserait-il de fonctionner s’il cessait d’orienter par l’échec, c’est-à-dire s’il perdait le droit de pouvoir refuser aux élèves les sanctions qu’ils demandent.

Cette crainte est présente chez les enseignants. L’enquête menée par Stegen (1994) auprès de 263 enseignants de la CFWB, 62 % d’entre eux estiment que la suppression du redoublement en début de secondaire, préconisée par le -Ministre de l’Education de l’époque, entraînera un nivellement vers le bas.

Selon Draelants (2006[1]) l’attachement au redoublement en Belgique francophone satisfait des fonctions latentes essentielles : gestion de l’hétérogénéité et tri des élèves au sein des établissements ; positionnement stratégique et symbolique par rapport à des établissements environnants ; régulation de l’ordre scolaire au sein des classes ; maintien de l’autonomie professionnelle des enseignants.

Paul et Troncin (2004) se demandant comment aseptiser, en profondeur et dans les meilleurs délais le redoublement en France en ont conclu que les changements d’organisation, voire l’accroissement des moyens, ne sont rien face au comportement de l’acteur essentiel à l’école qu’est l’enseignant. Si l’enseignant n’adhère pas au changement, nos procédures sont telles que peu de choses évolueront au sein de la classe.

Précisons à la décharge des enseignants adeptes du redoublement, qu’une large fraction des parents – en particulier ceux qui tirent parti de la sélectivité scolaire – manifeste un grand attachement au redoublement. Bourdieu et Passeron (1970) précisent que  pour certaines familles, généralement celles issues des milieux sociaux les plus privilégiées, l’échec scolaire d’une partie des élèves, l’inégalité des formations n’est pas l’échec du système d’enseignement mais au contraire le signe de sa réussite par rapport à ce qu’[ils] en attendent, c-à-d. maximiser maintenir leur position sociale au détriment des classes les plus modestes. Draelants précise que [cette] demande parentale de sélectivité,…, stimule l’offre et participe au maintien de pratiques élitistes dans certaines classes et établissements préoccupés d’attirer le public le plus ajusté aux attentes de l’école.

Pour Dubet (2002), l’enseignant aurait de « bonnes raisons » de croire dans les vertus du redoublement quand bien même les études démontrent largement le contraire. Dans le meilleur des cas (une minorité d’élèves), l’élève redoublant sera un peu « meilleur » dans son année de redoublement. Il s’agirait donc d’observation et de bon sens. En fait, l’enseignant compare le même élève dans la même classe alors que le chercheur procède tout autrement en comparant deux élèves dont les niveaux ont été testés et qui sont considérés comme « identiques », dont l’un a redoublé et l’autre pas. Il démontre ainsi que le second réussit mieux. Le chercheur a incontestablement raison puisqu’il établit une comparaison scientifique mais l’enseignant n’a pas tout-à-fait tort de penser le contraire puisqu’il voit que « son » élève a progressé. Seulement, il ne peut le comparer à rien et de ce fait ne peut se rendre compte que le non-redoublement lui aurait été bénéfique.

Pour Dubet (2002) il y aurait une seconde famille de raisons qui fondent la croyance des enseignants. [Les enseignants] sauvent des croyances essentielles que l’expérience la plus banale ne confirme pas, mais qu’il est indispensable de maintenir pour continuer à vivre dans l’école. Ce sont des fictions nécessaires que la connaissance ne peut franchir facilement. Le système des fictions nécessaires de l’école démocratique repose sur deux piliers, sur deux principes considérés comme indiscutables et non démontrables : un principe d’égalité, tous les élèves sont fondamentalement égaux et peuvent prétendre aux mêmes choses ; un principe de mérite, fondant des inégalités justes. Le problème tient évidemment au caractère contradictoire de ces deux principes car, pratiquement, il convient de classer les élèves et d’affirmer leur égalité, ce qui oblige à expliquer leurs inégalités de performances comme les conséquences de leur liberté. Professeurs et élèves s’accordent sur cette fiction grâce aux vertus du travail, considérant que les différences scolaires tiennent à la quantité de travail que les élèves engagent librement dans les exercices scolaires : tous les élèves sont égaux et les meilleurs sont ceux qui travaillent le plus. » Malheureusement, la science a largement démontré l’inexactitude de cette fiction. Les élèves sont loin d’être égaux et le travail n’est guère un gage de réussite. Dubet conclus que les enseignants ont de « bonnes raisons » de croire dans les vertus du redoublement mais qu’ils n’ont pas raison. Ceux-ci demeurent responsables.

Pour Draelants (2006), les grandes fonctions latentes du redoublement sont au nombre de quatre :

  1. Fonction de gestion de l’hétérogénéité et de tri des élèves au sein des établissements

Delvaux (2000) a montré que dans le système éducatif belge francophone, le redoublement et l’orientation forment deux outils de gestion de la grande hétérogénéité des publics scolaires. Il contribue à l’homogénéité des classes. La suppression du redoublement en première secondaire a forcé les enseignants à devoir gérer des classes plus hétérogènes. Ce changement a compliqué le travail des enseignants qui étaient auparavant habitués à travailler avec des publics sélectionnés. La sélection des meilleurs élèves peut s’expliquer par une lutte contre les dégradations des conditions de travail des enseignants. Au détriment de ceux qui, se situant dans les enseignements technique et professionnels, auront à gérer des élèves broyés, cassés par leurs collègues « des bonnes écoles ». Ce que les uns ne veulent pas assumer, les autres n’auront qu’à faire avec.

  1. Fonction de positionnement stratégique et symbolique par rapport à des établissements environnants

Selon Draelants, le redoublement peut servir de ressource stratégique à un établissement scolaire pour se construire une place et une réputation dans le champ des organisations scolaires locales. La production de hiérarchies d’excellence est recherchée par certains établissements scolaires afin d’asseoir leur positionnement et leur image au sein de l’espace d’interdépendance qui les relie aux établissements environnants. (…) Lorsqu’un établissement utilise le mécanisme du redoublement afin de se positionner dans un espace local, le recours (ou non) au redoublement s’inscrit dans une double logique : instrumentale d’une part, lorsque l’établissement vise « simplement » à occuper une place déterminée dans une hiérarchie instituée, symbolique d’autre part, dans la mesure où se construire une place passe aussi par le fait de se définir une image, une réputation, dans un processus de construction d’une identité d’établissement. A cet égard, on peut dire que le redoublement fonctionne comme un marqueur, un signal au sens des économistes, qui en l’occurrence renvoie à l’idée de qualité.

  1. Fonction de régulation de l’ordre scolaire au sein de la classe

Nous avons vu que Prost (1989) a postulé que, selon les enseignants, la menace de l’échec serait le moteur du travail des élèves. Dans les faits, les enseignants se sont appuyés sur la pratique du redoublement afin d’asseoir leur autorité auprès des élèves. La croyance selon laquelle l’interdiction du redoublement en première secondaire allait niveler vers le bas et permettrait aux élèves de réussir sans travailler traduit une vraie tradition basée sur le principe de la menace. La remise en cause du redoublement bouleverse donc les rôles jusque là établis et soutenus par ce dispositif, et redistribue les cartes du pouvoir. Les élèves contribuent à maintenir le système. Ceux-ci ont été formatés par les pratiques traditionnelles d’évaluation et de sélection un rapport essentiellement instrumental aux savoirs et à la scolarité (Charlot 2002). Bref, les élèves fonctionnent « à la note » et non aux apprentissages. Les notes sont la manière dont la plupart des enseignants évaluent le – non les savoirs et les savoir-faire – mais le travail et le comportement de leurs élèves. Les élèves sont donc formatés pour ne pas apprendre mais pour « gagner des notes ». Draelants conclus que (…) on peut que l’attachement au redoublement est d’ordre pragmatique : dans les conditions actuelles des rapports entre enseignants et élèves et dans un système qui valorise la note, il est difficile de s’en passer, de fonctionner autrement.

Nous faisons le pari que l’évaluation sans notations est plus performante et permet à plus d’élèves d’acquérir les savoirs, les savoir-faire et les compétences[2].

  1. Fonction de maintien de l’autonomie professionnelle des enseignants

Pour Draelants (2006), si l’enseignants ressent une perte de pouvoir en classe dans sa relation aux élèves, collectivement les enseignants se sentent également de plus en plus dépossédés de leur métier compte tenu d’une pression plus forte que par le passé émanant d’une part des autorités politiques (Maroy & Cattonar, 2002) et d’autre part des parents, des élèves et de la société en général (Dauphin & Verhoeven, 2002).(…) Face à (…) l’abolition des anciens repères, certains enseignants résistent afin de conserver la maîtrise de leur profession. Ainsi l’attachement manifesté par les enseignants vis-à-vis du redoublement peut aussi se comprendre comme l’expression d’un groupe professionnel qui revendique le maintien de son autonomie et une certaine vision de ce que l’Ecole doit être. Le redoublement apparaît comme un des instruments de la sélection méritocratique qui, elle-même, symbolise un certain pouvoir enseignant et modèle de fonctionnement du système scolaire aujourd’hui en crise.

Conclusion

 Le redoublement ne sert, en réalité, que des acteurs qui ne bénéficient pas du droit à l’éducation : P.O, directions, voire certains enseignants ou encore des familles socialement favorisées qui ne voient leur réussite sociale qu’au travers du prisme de l’échec des enfants des familles moins favorisées.

 Le redoublement est donc mis en place exclusivement pour permettre à l’institution scolaire de ne pas remplir correctement sa mission tout en reportant les responsabilités sur les élèves redoublants et leurs familles

[1] Hugues Draelants Le redoublement est moins un problème qu’une solution – Comprendre l’attachement social au redoublement en Belgique francophone Les Cahiers de Recherche en Education et Formation GIRSEF.

[2] Philippe Perrenoud – La fabrication de l’excellence scolaire :du curriculum aux pratiques d’évaluation.
Vers une analyse de la réussite, de l’échec et des inégalités comme réalités construites par le système scolaire
Genève, Droz, 1984, 2e édition augmentée 1995.

Les élèves issus des milieux les plus populaires sont les premières victimes de l’échec scolaire

Les élèves issus des milieux les plus populaires sont les premières victimes de l’échec scolaire

C’est connu depuis longtemps, l’Ecole reproduit – et amplifie – les inégalités sociales. Que vous soyez riche ou misérable, l’Ecole fera de vous un (encore plus) riche ou (encore plus) un misérable.

Le premier tableau, ci-dessous indique la proportion d’élèves en retard et les performances des écoles en fonction des indices sociaux de leur population. Les écoles les plus « faibles » étant celles qui ont une population scolaire extrêmement précaire, tandis que ces (trop) fameuses « bonnes écoles » concentrent la population la plus favorisée socio-économiquement.

Le tableau 17 montre combien la discrimination touche les couches les plus défavorisées. On remarque que 18,1 % des enfants issus des quartiers les plus défavorisés sont à l’heure, tandis que la moitié des enfants issus des quartiers les plus favorisés le sont quant à eux.

L’échec scolaire touche toutes les classes de la société, mais en majorité les classes sociales les plus modestes.

Les élèves non-redoublants ont une image négative des élèves qui subissent le redoublement.

Les élèves non-redoublants ont une image négative des élèves qui subissent le redoublement.

Pierre humbert (1992) a démontré que le redoublement créait un processus de stigmatisation des redoublants par les non-redoublants. L’élève ayant vécu cet échec est habillé de particularités psychologiques connotées négativement.

Le redoublement est conçu comme un problème lié à l’effort et à l’implication dans les tâches scolaires. Pour les élèves non-redoublants, l’élève qui redouble n’est pas proprement décrit comme ayant des difficultés d’apprentissage mais comme ne faisant pas d’efforts. Il est distrait, mal poli, désobéissant, mauvais, fainéant, bête, méchant, lent, honteux, etc[1]. C’est aussi un garçon, alors que les élèves non-redoublants se qualifient de sages, à l’écoute, intelligents, normaux, travailleurs, aimant l’école, attentifs, bien habillés, ne se bagarrant pas, … », bref, d’un ensemble de qualités valorisées par l’école.

En pratiquant le redoublement, l’enseignant structure son groupe-classe en deux entités opposées. Il opère un marquage social de certains élèves – les mauvais élèves – qui ont toutes les chances d’être alors victime de stigmatisation de la part de leurs pairs. Comme si le fait de redoubler était de sa faute. Or, le rejet social est d’autant plus fort que la personne est tenue pour responsable de sa stigmatisation (Weiner, Perry & Magnusson, 1988 ; Crandall & Moriarty, 1995).

Conclusion

 La pratique du redoublement est un mauvais signe pour les élèves non-redoublants. Cela leur donne une image négative de leurs condisciples. Ceux-ci sont déconsidérés à leurs yeux alors qu’ils ne le seraient nullement dans un milieu « neutre ».

 C’est contraire aux principes de l’article 6 du Décret du 24 juillet 1997 préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures. Comment peut-on être solidaire lorsque l’Ecole nous a appris à être compétitifs ?

[1] Crahay 2003 – Peut-on lutter contre l’échec scolaire – p 222 et suivantes

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