De plus en plus d’écoles suppriment les notes. N’est-ce pas tromper les élèves ?

De plus en plus d’écoles suppriment les notes. N’est-ce pas tromper les élèves ?

Toutes les recherches en docimologie ont démontré le contraire. Résumons-nous :

On a vu que les notes évaluent très imparfaitement les savoirs des élèves. Elles servent surtout à les classer et à pratiquer une sélection, les plus « forts » pouvant passer en classe supérieure et les plus « faibles » devant redoubler ou être orientés vers des filières professionnelles (en secondaire) ou vers l’enseignement spécialisé (essentiellement en primaire). La note n’est donc pas un thermomètre[1] qui indiquerait la température (le niveau de savoir) de l’élève. Pour la majorité des notes entre 7 et 13 sur 20, la différence réelle de compétences est imprécise et variable selon le correcteur[2], ceux-ci évaluant différemment les copies selon l’ordre de celles-ci.

On a vu aussi que les biais sociaux de notation liés aux information extrascolaires relatives aux élèves influencent largement les professeurs, notamment l’âge, le sexe, l’origine sociale, …, de l’élève. L’existence de ces biais est avérée par toutes les études psychologiques et sociologiques sur la notation.

La note ne sert certainement pas de motivation. Les 20 000 élèves qui, en moyenne, quittent chaque année notre système scolaire sans diplôme n’ont certainement pas été motivés par les notations qu’ils ont reçues de leurs professeurs. Au contraire, ceux-ci, par une notation sélective, les ont cassés parfois pour la vie entière. Chacun le sait sans avoir lu les études en question : la bonne note motive, tandis que la mauvaise note crée une image négative de soi et handicape les futurs apprentissages. Les résultats ne sont pas plus favorables aux « bons » élèves puisque la notation favorise la compétition et l’individualisme égoïste, tout comme les comportements antisociaux[3].

Parmi ces comportements antisociaux, on trouve le besoin de savoir où on se situe par rapport aux autres, afin de s’assurer qu’on fait partie des « meilleurs ». La notation est un système d’évaluation qui incite à la tricherie[4]. Pour assurer ces premières places, ces mêmes « bons » élèves sont parfois amenés à tricher. Cela pose un problème à la société toute entière puisque ces jeunes seront sans doute ceux qui occuperont les places à responsabilité dans le futur. De leur côté, les élèves en difficulté ne cherchent en aucune manière à savoir où ils se situent par rapport à leurs pairs. Ils craignent les dernières places comme la peste. La notation fait détester l’école et crée l’anxiété et la phobie scolaire.

Enfin, contrairement aux discours de certains professeurs qui savent tout et peu soucieux des résultats des recherches en docimologie, travailler pour des « points » ne permet pas aux élèves d’apprendre. Dès qu’ils savent qu’un travail sera noté, ils vont travailler uniquement pour la note, en espérant avoir la meilleure ou la moins mauvaise qui soit.  Ils sont focalisés sur les notes et non sur les connaissances. Une fois le travail rendu, ou le contrôle passé, le cerveau fait son travail d’oubli. Seule la mémoire à très court terme a été employée par les élèves et, en somme, ils n’ont rien appris, ou si peu. 

La seule manière d’apprendre, à quelqu’âge de notre vie – et à fortiori quand on est enfant ou étudiant – sont l’envie, l’intérêt, la curiosité, la passion et le plaisir. La note empêche ces sentiments d’émerger.

Pour toutes ces raisons, il est impérieux de choisir d’autres formes d’évaluations sans notations, même par appréciation (les fameux ‘Très bien’, ‘bien’, ‘satisfaisant’, etc.). La meilleure manière d’évaluer est l’évaluation des compétences et des savoirs progressivement, sur base d’évaluations formatives. Cette évaluation est beaucoup plus précise. Elle favorise les progrès scolaires mais nécessite de ne plus « donner cours », mais d’ « enseigner ». Ne plus mettre en compétition dans un objectif de sélection, mais avoir la volonté de transmettre à tous les élèves, sans distinction aucune, tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui leur permettront de maîtriser toutes les compétences à acquérir.


[1] «« Ce n’est pas une bonne idée de supprimer les notes. C’est absolument indispensable d’avoir des points de repère (…). Casser le thermomètre ne sert absolument à rien. » Luc Ferry, RTL, 9 octobre 2012. Luc Ferry était opposé à la suppression de la notation comme l’avait envisagé un temps Najat Vallaud-Belkacem.

[2] Jean Aymes, « Une expérience de multicorrection », Bulletin de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, n° 321, 1979 ; Pierre Merle, Les notes. Secrets de fabrication, PUF, 2007 ; Bruno Suchaut, La loterie des notes au bac. Un réexamen de l’arbitraire des notes au bac, IREDU, 2008.

[3] Fabrizio Butera, Céline Buchs, Céline Darnon, L’évaluation, une menace ? PUF, 2011.

[4] Pascal Guibert, Christophe Michaut, « Les facteurs individuels et contextuels de la fraude aux examens universitaires », Revue française de pédagogie, n°169, 2009.

Comment font les pédagogies actives, qui ne mettent pas de points ?

Comment font les pédagogies actives, qui ne mettent pas de points ?

De nombreuses écoles n’utilisent pas les notes.

Des enseignants-citoyens, au sein de leur classe, et des écoles-citoyennes ont arrêté les notes depuis parfois des années. Les choses ne se sont pas faites du jour au lendemain. Il faut y aller progressivement, sauf si c’est un choix d’équipe pédagogique très volontariste, mais même dans ce cas, réflexion vaut mieux que précipitation.

L’important est de permettre à tous les élèves de s’inscrire dans leurs apprentissages afin d’y trouver du sens et surtout du plaisir. La compétition est un mauvais choix, il faut donc les former à la coopération. La pédagogie du même nom est validée depuis des décennies, initialement dans les pays anglo-saxons, mais elle trouve de plus en plus sa place dans nos systèmes éducatifs. Pour changer l’école, il est impératif de changer de méthode d’enseignement et de faire de la pédagogie[1].

En pédagogie coopérative, on utilise généralement un système d’évaluation simple : Parfaitement acquis (vert), correctement acquis (orange), en voie d’acquisition (rouge). Les deux premiers degrés pouvant être fusionnés. Une fois qu’un savoir est acquis, peu importe si c’est avec brio ou si cela été acquis en suant toutes les gouttes de son corps. L’important étant le fait que l’apprentissage soit intégré, point !

Evaluer prend du temps. Ce n’est pas souligner quelques fautes et inscrire une note peu réfléchie à la va-vite. Evaluer c’est chercher à comprendre le cheminement de chaque élève, voir où il « accroche » afin de lui expliquer comment éviter les écueils et progresser. C’est aussi réfléchir à la remédiation immédiate que l’on va mettre en place avec lui, avec son aide et celle des autres, dans un tutorat qui fera progresser tout le monde : tutoré et tuteur.

Evaluer c’est aussi faire des bulletins autrement. Des bulletins sans points, mais qui reprennent l’état des lieux : chaque apprentissage avec son évaluation, le tout, accompagné de commentaires les plus pointus possibles. Chaque élève est évalué dans chacune des disciplines. Un instituteur rédigera entre 8 et 20 lignes pour chaque banche. Un professeur en fera autant pour chaque élève dans la ou les disciplines qu’il enseigne. Par exemple, un instituteur évaluera le comportement dans les apprentissages, les apprentissages en mathématique, en français, en éveil, dans les apprentissages coopératifs et au niveau du développement personnel. Il laissera les cours philosophiques, la seconde langue et l’éducation physique aux professeurs spécialisés. A raison de 5 à 15 lignes par discipline, il rédigera, entre 1500 et 2000 lignes pour ses 25 élèves, lors des « grands » bulletins. Moitié moins pour les bulletins intermédiaires. Cela représente une cinquantaine de pages, soit 2 par élève.

Mais c’est important. Mieux que les points, ces évaluations permettront aux élèves (et à leurs parents) de savoir où ils en sont par rapport à chaque apprentissage et ce qu’il y a lieu de mettre en place en termes de remédiation immédiate (en classe), par la suite. Dans ce système d’évaluation, il n’y a plus de « mauvais » élèves. Par définition, tout le monde est « bon », mais tout le monde n’a pas nécessairement facile à apprendre. Ensemble, et avec l’aide de tous, « on » va y arriver.

Concernant les diverses approches pédagogiques, il est difficile d’être exhaustif, tant les évaluations se font de manières différentes selon les écoles, même parmi celles adhérant à un même courant pédagogique. Voici quelques exemples de ce qui se fait dans certaines de ces écoles :

  1. Pédagogie Freinet

Dans les écoles à pédagogie Freinet, l’objectif n’est pas la performance de l’élève mais plutôt son épanouissement. Ce dernier apprend à avoir confiance en lui et à être en pleine possession de ses qualités.

Les élèves reçoivent des brevets de compétences et des ceintures de comportement. Les brevets jalonnent la scolarité de l’enfant. L’évaluation devient ainsi naturelle et s’inscrit dans un travail coopératif. En pédagogie Freinet, l’évaluation revêt trois aspects importants[2] :

  • l’évaluation de l’enfant par lui-même ou autoévaluation ;
  • l’évaluation de l’enfant par le groupe ;
  • l’évaluation de l’enfant par le maître.

Les bulletins se terminent toujours par la rubrique « Conseils pour progresser ».

  • Pédagogie Decroly

Dans les écoles Decroly, pour motiver les élèves, les professeurs comptent sur le plaisir de progresser, de comprendre, de faire soi-même, d’être dans « l’élan ». « On travaille pour avoir de bonnes appréciations, pour ne pas être à la ramasse ». Et s’il n’y a pas cet « élan » ? Qu’à cela ne tienne, les adultes patientent. « Tu as décidé de ne rien faire, c’est ton problème, mais ne distrais pas les autres ».

Les mots remplacent les notes. Ils sont bienveillants, par principe. L’école Decroly pratique depuis 60 ans une forme d’évaluation par compétences. Les appréciations des professeurs sur les bulletins sont de vrais romans feuilletons[3].

  • Pédagogie Montessori

Dans les écoles Montessori, l’évaluation a lieu au fur et à mesure du déroulement des ateliers. L’enseignant prend le temps d’observer chacun de manière individuelle …la régularité sur l’année de ces ateliers permet aux élèves de prendre le temps de faire leurs apprentissages et aux enseignants de se poser pour observer chacun d’eux.

Dans les petites classes, l’évaluation est davantage gérée par l’adulte même s’il invite progressivement l’enfant à identifier et verbaliser les critères de réussite et à avoir ainsi un regard sur ses apprentissages. Le cahier de réussite permet à l’enfant de prendre conscience de ses apprentissages.

En moyenne section, l’élève est de plus en plus associé à l’évaluation grâce aux tableaux d’autoévaluation ; en fin d’année il évalue « seul » ses compétences concernant les ateliers Montessori.

En grande section, l’élève s’autoévalue, il perçoit les étapes successives à dépasser pour atteindre un objectif final. Il se met en projet.

Le cahier individuel de suivi permet au maître de suivre les activités menées par l’élève qui coche les activités qu’il réalise. Il permet à l’élève de se repérer.


[1] A contrario de ce qui se fait « traditionnellement » dans nos écoles, c’est-à-dire de l’A-pédagogie (avec alpha privatif) : de l’enseignement frontal, de la compétition et de la sélection. Bref, du cassage d’élèves.

[2] Pour l’évaluation en pédagogie Freinet, lire le Nouvel Educateur n° 189 – Evaluer, s’évaluer en pédagogie Freinet consultable sur https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-nouvel-educateur-189

[3] https://www.nouvelobs.com/education/20141210.OBS7432/decroly-l-ecole-qui-a-renonce-aux-notes-il-y-a-60-ans.html

Il est urgent de supprimer les notes

Il est urgent de supprimer les notes

La position de la Ligue des Droits de l’Enfant est claire :

  1. Dans les écoles qui disent respecter les droits des élèves, il est urgent de supprimer les notes !

Pour Claude Lelièvre[1], supprimer les notes est le contraire du laxisme : Il s’agit de définir l’ensemble des connaissances qu’il n’est pas permis d’ignorer. Si ces connaissances sont jugées indispensables, il ne devrait pas être permis de pouvoir compenser. Car ce que permettent les notes, ce sont les moyennes. Avec une moyenne, vous pouvez passer d’une classe à l’autre si vous êtes capable de compenser vos lacunes avec vos atouts. Ce n’est pas être laxiste que de supprimer les notes, c’est le contraire, c’est exiger une réelle connaissance dans toutes les matières que l’on juge essentielles. Les autres arguments, autour de la motivation ou de la crispation engendrées par la note, viennent polluer le débat. La vraie question est là: accepte-t-on de valider des compétences jugées indispensables puisqu’elles font partie du socle commun tout en permettant de ne pas les connaître puisqu’elles se compensent?

  • Il est urgent de réduire les inégalités sociales et scolaire

Selon une étude du CNRS au cours de l’année 2014-2015, dans l’académie d’Orléans-Tours, la suppression partielle de la notation à l’école permet de réduire de moitié les inégalités des performances scolaires entre les élèves des différentes classes sociales. Supprimer partiellement les notes a des résultats positifs. Les apprentissages passent mieux, et les inégalités liées aux origines sociales se réduiraient significativement.

  • Il est urgent que l’école devienne un lieu de droits

Nous avons vu que la notation traditionnelle est aléatoire, dépendant d’un professeur et d’un établissement à l’autre. Elle comporte de nombreux « biais », qui sont autant d’erreurs systématiques d’appréciations liées aux stéréotypes inconscients de chaque professeur. Rappelons-nous que les redoublants, par exemple, sont notés plus sévèrement, les enfants de milieux modestes sont systématiquement notés de manière plus stricte que ceux provenant d’un milieu aisé, le genre de l’élève influera sur la cotation, les filles étant plus « sages » que les garçons, elles seront notées de manière plus indulgente. Par contre, en mathématique, ce sont les garçons qui seront surcotés.

  • Il faut l’école cesse d’être un lieu de souffrances.

La note est profondément injuste. Elle démotive les élèves en difficulté scolaire. Les notes faibles provoquent le processus psychologique d’« incompétence acquise » : les élèves ont acquis le sentiment qu’ils sont incompétents, sont découragés, laissent tomber les bras, ce qui bloque le processus d’apprentissage. La comparaison systématique à des élèves plus « forts », provoque l’apathie chronique, le burn out et des phobies scolaires, le décrochage d’abord interne, puis progressivement de l’absentéisme, ou encore de la violence résultant d’un profond sentiment de révolte. 

  • Il faut une école de la réussite pour toutes et tous.

Selon que l’on est issu d’un milieu défavorisé ou non, on ressentira la note comme injuste ou non et on sera en échec ou non. Cette reproduction des inégalités sociales qui touche les enfants des milieux populaires et qui est causée par les pratiques de sélection des professeurs et les écoles, est inacceptable dans un Etat de droit, même libéral. Que les enfants de milieux populaires finissent dans les filières de relégation alors que ceux des familles plus aisées ont droit de faire des études supérieures, est une ignominie sans nom. Les droits de l’enfant sont clairs, chaque enfant bénéficie des mêmes droits que les autres. A l’école donc à veiller à ce que les droits des enfants entre 3 et 18[2] ans soient respectés.


[1] Claude Lelièvre, l’historien de l’éducation in Supprimer les notes, « c’est le contraire du laxisme » – Le Figaro, 11/12/2014.

[2] Voire même au-delà de 18 ans, si le système scolaire a fait perdre injustement une ou plusieurs années à un élève, par un ou plusieurs redoublements.

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS » 3. La Dyscalculie

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS » 3. La Dyscalculie

La dyscalculie est un trouble spécifique des apprentissages, durable. En effet, il persiste tout au long de la vie. Le terme « dyscalculie » est utilisé par le courant neuropsychologique pour désigner un déficit dans les acquisitions numériques et/ou du calcul. L’enfant (et l’adulte) porteur d’une dyscalculie a des difficultés pour acquérir et maîtriser les connaissances et les compétences nécessaires aux mathématiques La notion des nombres est difficile à acquérir, de même que l’apprentissage des opérations mathématiques telles que l’addition, la soustraction, la multiplication et la division, tout comme la résolution de problèmes ou la géométrie.

La dyscalculie est un trouble d’origine cognitive qui est rarement isolé. Elle est régulièrement associée à une dyslexie/dysorthographie (dans environ 60% des cas) ou une dyspraxie (trouble du geste et de l’orientation spatiale). D’autres troubles spécifiques des apprentissages peuvent plus rarement être associés à une dyscalculie, comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ou une dysphasie (trouble du langage).

Il y a diverses formes de dyscalculie :

  • La dyscalculie dite « des faits arithmétiques », est la plus courante. Elle est souvent rencontrée chez les enfants dyslexiques et dysphasiques.  L’enfant éprouve des difficultés pour apprendre et retenir les tables d’additions ou de multiplications. Il éprouve des difficultés dans la résolution d’additions et de soustractions simples. L’enfant compte souvent sur ses doigts, d’où une grande lenteur. 
  • La dyscalculie de type numérale est un trouble du transcodage numérique (difficulté pour passer du code verbal numérique au chiffre et inversement). L’enfant éprouve des difficultés pour lire des nombres : 356 = trois cinq six, ainsi que pour écrire des nombres : cinq mille trois cent quatre-vingt-trois = 5100031004203.
  • La dyscalculie de type procédurale. L’enfant éprouve des difficultés dans les procédures de calcul. Par exemple, pour résoudre une opération écrite. Il se trompe dans le sens des opérations et ne maîtrise pas les priorités dans une chaîne de calcul :       

Exemples : le calcul 897 – 665 = 232 ne lui pose pas de problème.     

le calcul 865 – 697 = 232 lui pose problème : il soustrait toujours le plus petit chiffre au plus grand, quelle que soit sa position.

  • La dyscalculie de type visuo-spatiale, souvent retrouvée chez les enfants avec une dyspraxie. L’enfant éprouve des difficultés pour reconnaître les signes mathématiques. Il prendra, par exemple le « x » pour un « + » ou les signes « < » et « > ». Il éprouve des difficultés à disposer des opérations (erreurs d’alignements des chiffres), a difficile à dénombrer. Il compte deux fois un même objet ou en oublie. Il confond des chiffres visuellement proches comme 8 et 3, ce qui l’amène à faire des erreurs dans la séquence des chiffres dans un nombre : 340 lu 304. L’enfant éprouve également des difficultés d’orientation gauche-droite.,

La dyscalculie touche autant les garçons que les filles. Les personnes qui sont atteintes d’une dyscalculie n’ont aucun retard intellectuel ou déficit neurologique. Les enfants ne manquent pas d’attention et encore moins de volonté. C’est le raisonnement logico‐mathématique qui est touché, entraînant un retard ou une absence des structures logiques nécessaires au raisonnement et à l’apprentissage du nombre. On estime que la dyscalculie touche en moyenne 5 à 7% de la population d’âge scolaire[1] avec des variations de 1% à 11% de la population, selon les études et les critères de diagnostic[2]. De ce fait, il est relativement peu connu des professionnels de l’éducation. Les personnes atteintes de dyscalculie n’ont pas de déficit cognitif. Grâce à la rééducation, elles sont capables de développer des stratégies de travail pour compenser leurs lacunes, souvent dans la sphère langagière.

Les jeunes avec une dyscalculie voient souvent leurs difficultés amplifier durant leur cursus scolaire. Nombreux sont ceux qui sont orientés en cours de route vers des filières techniques ou professionnalisantes. Les professeurs de mathématique ne connaissant pas ce trouble spécifique des apprentissages qui, pourtant, les touche directement dans leur quotidien professionnel, et ont tendance à les mettre en échec, sans tenter de comprendre la cause, ni ce qu’ils peuvent mettre en place pour aider ces élèves.

La nature persistante de ce trouble des apprentissages ne doit pas empêcher la mise en place d’une rééducation. Celle-ci est fondamentale pour offrir à l’enfant ou le jeune qui en souffre d’évoluer dans ses apprentissages. Il a besoin de s’outiller afin de pouvoir pallier autant que possible à ses difficultés durant toute sa scolarité.

Le diagnostic de dyscalculie est généralement fait par une équipe pluridisciplinaire (neuropsychologue, psychologue, orthophoniste) suite à la réalisation de plusieurs bilans. La rééducation de la dyscalculie repose sur une rééducation orthophonique, mais on peut également mettre en place de la psychomotricité. En classe, la prise en charge nécessite la mise ne place d’aménagements raisonnables.

La rééducation est effectuée par un orthophoniste spécialisé. L’orthophoniste est spécialisé dans les troubles du langage écrit et oral ainsi que dans les troubles logicomathématiques. Il part du niveau de raisonnement actuel de l’enfant et l’aide à construire progressivement ses connaissances par le jeu et la manipulation d’objets concrets ; ceci, pour l’amener à franchir les étapes nécessaires pour accéder à un mode de raisonnement plus complexe et plus abstrait.

D’autres professionnels peuvent être amenés à intervenir selon les nécessités établies par le bilan pluridisciplinaire (ergothérapeutes, psychoéducateurs, …).

Signes qui doivent alerter

Tous les enfants qui se trompent en calculant ne sont pas porteurs d’une dyscalculie. C’est la fréquence et la persistance de difficultés qui doivent nous alerter. La liste ci-dessous est purement indicative et loin d’être exhaustive :

  • L’enfant ne parvient pas à acquérir la chaîne numérique orale et a des difficultés à manier la numération en base 10 (en maternelle : la comptine des nombres). Il fait des erreurs persistantes dans un comptage (dénombrement : il se trompe en montrant un certain nombre d’éléments, en les comptant un par un, par exemple) ;
  • L’enfant a des difficultés (ou n’arrive pas ) pour compter sur ses doigts ;
  •  L’enfant ne parvient pas à lire des nombre (1 067 lu « 167 ») ou à en écrire des nombres (13 pour 31, 603 pour 63… ou 63 pour 603) ;
  • L’enfant a des difficultés à reconnaître les chiffres arabes ;
  • L‘enfant éprouve des difficultés à comparer deux nombres (« plus que », « moins que », « deux fois plus que », lequel est le plus grand « > », le plus petit « < » ?) ;
  • On constate des troubles du langage oral sur certains concepts mathématiques (la somme, la différence, la quantité, le produit, le « tout » ou « en partie »,  la condition (si… alors), il a difficile à émettre des hypothèses ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à manipuler des sommes d’argent (pour faire les courses par exemple) ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à estimer la réponse d’un calcul ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à acquérir des notions telles que la durée, la quantité, la distance, … ;
  • L’enfant est lent en calcul mental et commet beaucoup d’erreurs. Il utilise ses doigts ou d’autres objets pour compter ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à apprendre les faits numériques (tables de multiplications, tables d’additions et de soustractions, par exemple) ;
  • L’enfant a des difficultés pour poser une opération (calcul écrit, par exemple) ;
  • L’enfant prend du retard dans l’acquisition des opérations mentales (ex : conservation du nombre, sériation…) ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à résoudre des problèmes. Les formulations contenues dans les énoncés sont difficilement compréhensibles pour lui ;
  • L’enfant éprouve des difficultés dans la planification d’une tâche. Il parvient difficilement à se créer des images mentales ;
  • L’enfant a des problème d’orientation spatio-temporelle. Il éprouve des difficultés à s’orienter dans l’espace. Celle-ci gène la mise en place de la numération et des opérations mathématiques ou la géométrie (tracé, différenciation des figures géométriques) ;
  •  L’enfant a des difficultés à lire l’heure ;

Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)

De nombreux aménagements raisonnables sont possibles. La liste ci-dessous n’est qu’informative. Les aménagements raisonnables doivent être réfléchis avec les différents intervenants spécialisés dans les troubles logicomathématiques qui suivent l’enfant. De même, les parents sont des partenaires incontournables ; ce sont eux qui connaissent le mieux l’enfant. Rappelons que les aménagements mis en place pour un élève peuvent (devraient) bénéficier à ses pairs, s’ils éprouvent des difficultés en mathématique, selon leurs profils particuliers.

Il est important de cerner avec précision les difficultés de l’enfant afin de lui éviter des aides qui se révèleraient finalement des entraves. Il est important d’avoir un contact avec le professionnel troubles logicomathématiques qui s’occupe de l’enfant.

Il est à noter que de nombreux aménagements raisonnables sont déjà mis naturellement en place par les enseignants (donner plus de temps, diminuer le nombre d’exercices à faire, adapter les évaluations, tutorat entre pairs, supprimer les devoirs à la maison, …).

  • En conseil de coopération[3], expliquer à la classe la raison et l’importance des aménagements raisonnables qui seront mis en place. Leur expliquer que, grâce à l’enfant qui a une dyscalculie, ces aménagement raisonnables bénéficieront à tous ceux qui ont des difficultés en mathématique. Il est important d’éviter toute stigmatisation.
  • Avoir de l’empathie avec tout enfant ayant une dyscalculie (comme pour tout enfant avec un ‘Dys’ ou un handicap), accepter sa lenteur dans la construction mathématique, lui donner du temps, limiter les travaux (préférer la qualité à la quantité) ;
  • Le placer à un endroit « stratégique » de la classe, proche de l’enseignant et des documents de référence qui sont affichés dans la classe. De même, le tenir loin des zones d’inattention (fenêtres, lieux de passage, …) ;
  • Ne pas donner de devoirs à faire à la maison ou les limiter drastiquement, la classe étant le seul lieu des apprentissages scolaires ;
  • Lire, relire et reformuler les consignes, surligner les éléments importants ;
  • Ne pas dévaloriser l’utilisation des doigts pour compter[4] ;
  • Limiter le nombre d’exercices en tenant compte de la lenteur due aux difficultés habituelles ;
  • Donner du temps supplémentaire ;
  • En cas de difficultés avec les nombres, prioriser la comptine numérique à l’oral ;
  • En cas de difficultés avec les tables de multiplication, donner une fiche avec les tables ;
  • Permettre l’utilisation de la calculatrice pour la résolution de problèmes ou de situations complexes ;
  • En résolution de problèmes, viser prioritairement la compréhension de la situation-problème sans insister sur le calcul de l’opération de côté, à moins de lui fournir une calculette (ou des tables de comptages, par exemple). Illustrer le plus possible les situations problèmes et dDiviser les consignes complexes en sous-étapes pour faciliter le raisonnement ;
  • Faire attention à l’inversion possible des chiffres, aux signes mathématiques ;
  • Vérifier la lecture, la copie et l’utilisation des nombres pouvant s’inverser ou complexes et des signes (>,<)
  • Utiliser un abaque avec des colonnes de couleurs pour poser les calculs. Utiliser des couleurs pour différencier centaines, dizaines et unités ;
  • En cas de troubles visuo-spaciaux, éviter les manipulations complexes

De manière générale, les aménagements raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous les élèves de bénéficier des mêmes facilités en cas de difficulté d’apprentissage, on évite non seulement la stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques, d’en bénéficier. Cela permet également d’introduire un peu de justice et d’égalité dans les apprentissages.


[1] Shalev, 2007; von Aster & Shalev, 2007

[2] Butterworth, 2005

[3] Le Conseil de coopération est un des éléments fondamental de la pédagogie institutionnelle (cfr Fernand Oury). A ne pas confondre avec le simple conseil de classe « traditionnel ».

[4] Les études les plus récentes sur la question semblent confirmer un lien entre l’utilisation des doigts et les performances en arithmétique.

En marche vers une école inclusive : Le postulat d’éducabilité

En marche vers une école inclusive : Le postulat d’éducabilité

L’éducabilité est d’abord le principe « logique » de toute activité éducative: si l’on ne postule pas que les êtres que l’on veut éduquer sont éducables, il vaut mieux changer de métier.

Philippe Meirieu[1]

Introduction

Aujourd’hui encore, beaucoup d’enseignants mais aussi de parents, pensent que certains de nos élèves, de nos enfants, sont doués pour l’étude et d’autres pas. Il y aurait des « intellectuels » et des « manuels », ou encore des artistes disposants, dès la naissance, des aptitudes correspondantes. Cette conception archaïque a, depuis longtemps, été battue en brèche.

A l’aube de l’ouverture d’un nouveau chapitre de l’Ecole en Communauté française de Belgique[1], qui va voir l’instauration d’un tronc commun de 3 à 15 ans avec une visée plus inclusive, il nous paraît intéressant de réfléchir à tout ce qui fonde réellement le concept d’inclusion. Le « postulat  d’éducabilité », comme l’a appelée Philippe Meirieu, est indubitablement un concept fondateur de l’idée même d’inclusion. Si l’on en est encore à penser que certains élèves, parce qu’ils proviennent de milieux aisés sont doués pour l’étude, tandis que d’autres, parce qu’ils viennent de milieux populaires seraient plutôt « doués de la main » et ne pourraient accéder à des études intellectuelles, l’école inclusive ne verra jamais le jour. Outre le fait que cette idée est fausse, ses conséquences sont lourdes pour les élèves provenant des familles les moins favorisées.

Au contraire, tous les élèves étant doués pour l’étude, il est important que chaque enseignant s’en convainque et adhère pleinement à ce postulat. Oui, tous[2] les élèves peuvent acquérir tous les savoirs tels que décrits dans les programmes de l’enseignement obligatoire général de transition. Le défi se trouve dans la manière de les leur transmettre. La charge de l’apprentissage, de la transmission à tous de tous les savoirs revient donc à l’enseignant. L’échec d’un seul élève est l’échec de l’enseignant ou, le cas échéant, du système scolaire mis en place dans l’école ou les écoles par lesquelles l’élève est précédemment passé.

Tel est le postulat d’éducabilité. Mais voyons cela plus en détails…

Rôle de l’Ecole

Il est important de se mettre préalablement d’accord sur le rôle de l’Ecole. Notre position, comme tous les mouvements citoyens et progressistes, est clairement égalitariste. L’Ecole ne peut en aucune manière favoriser ou défavoriser un enfant sous prétexte qu’il est né dans une famille populaire ou une famille bourgeoise. Il est, par ailleurs, très choquant, de voir des princes inscrits dans des écoles privées[3], loin de la société des êtres « humains[4] » qu’ils devront peut-être, un jour, représenter dans des instances internationales, en vertu de leur… naissance.

S’il y a bien une pierre angulaire dans notre société occidentale, un élément fondamental qui la tient debout et qui se doit de veiller à traiter toutes les citoyennes, tous les citoyens de manière équitable, c’est l’Ecole. Celle-ci a mission de corriger les inégalités de naissance autant que faire se peut et transmettre équitablement à chacune et chacun le bagage de connaissances nécessaires pour appréhender le monde et pouvoir le transformer vers plus de justice.

Un peu d’histoire pour comprendre

Mais, est-ce vraiment pour cela qu’a été bâti le système scolaire ? Si on remonte le temps, on verra que si jusque durant l’ancien régime[5], les enfants de milieux populaires n’allaient pas à l’école, ils étaient loin d’être ignorants. Ils devaient apprendre un savoir-faire de grande qualité. N’étant pas mécanisés, les métiers de la terre et de ses ressources, nécessitaient la capacité d’utiliser et d’entretenir de nombreux outils et d’utiliser des techniques sophistiquées. A la campagne, la formation se faisait en famille, les métiers s’apprenaient de père en fils, de mère en fille. Plus rarement, un enfant était placé comme apprenti chez un artisan.

A la ville, la formation des enfants se faisait essentiellement par l’apprentissage. Il arrivait que le maître exige que son apprenti sache compter, lire et écrire et donc qu’il ait été à l’école. Mais cela ne concernait que les métiers les plus nobles comme l’imprimerie ou l’orfèvrerie[6]. Le plus souvent, c’était le maître qui apprenait les rudiments du calcul, de la lecture et de l’écriture à ses apprentis.

Le capitalisme industriel va bouleverser à la fois la nature du travail et la formation des travailleurs. Les nouveaux outils de production, les « machines », vont remplacer le travail complexe de l’artisan par des tâches simples et répétitives. Cela va engendrer une déqualification des travailleurs enchaînés à leur nouvel outil de production. En aliénant les travailleurs et leur faisant perdre leurs repères traditionnels qu’étaient leurs lieux d’éducation et de socialisation, la révolution industrielle a provoqué un abrutissement des masses populaires, les entraînant dans le « vice », l’alcoolisme, la violence, la criminalité et la prostitution.

Afin de sauver « sa » société et « ses » intérêts, la bourgeoisie du XIXe siècle imagina de solutionner le problème en éduquant les enfants des masses populaires, considérant que «L’éducation est la meilleure branche de la police sociale[7]».

Il fallait donc éduquer les enfants des classes populaires pour les socialiser, pour former des ouvriers compétents et dociles. L’objectif était donc loin de vouloir en faire des citoyens réflexifs. Dans cette école, on n’apprenait que la morale et la religion, le calcul (dont le système des poids et mesures), la lecture et l’écriture. «Lire, écrire, compter, voilà ce qu’il faut apprendre», déclarait Adolphe Thiers, «quant au reste, cela est superflu. Il faut bien se garder surtout d’aborder à l’école les doctrines sociales, qui doivent être imposées aux masses[8]. »

A la fin du XIXe siècle, la montée du socialisme donna des sueurs froides à une bourgeoisie qui craignit pour ses privilèges. La classe ouvrière était nombreuse et s’organisait de mieux en mieux. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière et la période insurrectionnelle qu’a constituée la « Commune de Paris [9]» a constitué un coup de tonnerre, démontrant ainsi la capacité des masses populaires à se révolter et à porter des revendications démocratiques[10]. Jules Ferry fonda alors l’école républicaine pour « maintenir une certaine morale d’État, certaines doctrines d’État qui importent à sa conservation »[11]. L’école devait donc enseigner « l’instruction civique » et l’amour de la patrie. L’histoire et la géographie entraient au programme des études. L’école devenait ainsi un appareil idéologique d’Etat[12].

Après la guerre 14-18, l’industrialisation croissante réclama des travailleurs qualifiés. Il s’agissait que ceux-ci sachent utiliser des machines plus complexes et des instruments de mesure précis, qu’ils sachent lire des plans et appliquer des modes d’emploi compliqués. L’école intégra alors les formations professionnalisantes (techniques et professionnelles) et pratiqua la sélection des élèves sur base méritocratique (ou plus généralement sur base des origines sociales) : les enfants des familles bourgeoises étaient dirigés vers une section « moderne » qui les préparait à devenir des dirigeants ou des fonctionnaires, quant aux autres, ils étaient orientés vers les formations de travailleurs qualifiés.  

Après la seconde guerre mondiale, le succès économique des 30 glorieuses imposa à l’école d’élever la formation des travailleurs. L’enseignement général, jusque-là réservé aux enfants de l’ « élite »  ouvrit ses portes aux filles et aux fils du peuple. On parla de « démocratisation de l’enseignement ». Malgré le discours qui se voulait progressiste, la sélection ne cessa jamais. Elle ne se fit plus en primaire, mais durant le cursus de l’enseignement secondaire. C’est toujours l’école libérale, l’école bourgeoise d’aujourd’hui qui protège les intérêts des familles nanties et forme (mais pas trop) les enfants des classes populaires afin de maintenir l’esclavage moderne au profit des premiers..

Quelles missions pour l’école du XXIe siècle ?

Contrairement à ce qu’entonnent les chantres de l’école néolibérale, l’Ecole obligatoire n’a plus pour vocation de former à un métier. Elle ne peut pas être utilitariste, former les nouveaux esclaves du XXIe siècle provenant des milieux défavorisés pour continuer à servir les nouveaux maîtres nés, quant à eux, dans les draps de soie des quartiers bourgeois. En cela les enseignements techniques professionnalisants sont une hérésie. L’Ecole est là pour former des citoyens et leur apprendre à savoir créer les outils de la citoyenneté dont ils auront besoin une fois adultes. Elle a aussi pour mission de former les jeunes à « apprendre à apprendre ». A 18 ans, une fois le Certificat d’Enseignement Secondaire Supérieur acquis, les étudiantes et les étudiants de secondaire devront avoir acquis des savoirs qui leur permettront de poursuivre les études de leur choix.

L’Ecole doit viser à faire acquérir à chaque élève, l’acquisition transversale d’une citoyenneté critique, responsable, active et solidaire[13]. Une vision de l’Ecole adéquationniste n’a plus sa place au XXIe siècle, n’en déplaise aux conservateurs de droite. Les missions fondamentales de l’Ecole doivent aujourd‘hui être  profondément progressistes[14] !

Dès lors, l’école se trouve devant une contradiction : on lui demande de faire réussir tous les élèves et d’un autre côté, d’empêcher une grande partie de ceux-ci de faire des études supérieures. Si tout le monde allait à l’université, cela poserait de sacrés problèmes. Qui ramasserait les poubelles[15] ? L’Ecole fait croire qu’elle est un système égalitaire, alors qu’elle doit veiller à ce qu’il reste un pourcentage important de pauvres dans la société, pour assurer aux enfants de riches de pouvoir, plus tard, continuer à bénéficier d’une main d’œuvre à très bon compte. Tout enseignant doté d’Humanité a le devoir de faire basculer cette fatalité.

Si nous voulons que le système scolaire devienne égalitaire, cela ne peut se faire sans que nous ne voulions aussi que la société, elle-même, devienne égalitaire. Pour la rendre égalitaire, le plus simple est de commencer par l’Ecole, ou du moins par les écoles citoyennes, celles qui refusent l’injustice et les inégalités. Et il y en a. Elles sont, pour la plupart, à pédagogie active. La mission que se sont assignées ces écoles, c’est de « faire mentir toutes les formes de fatalités ; c’est de faire mentir toutes les formes de reproduction ; c’est de faire mentir toutes les formes de déterminismes. C’est de postuler que tout le monde, même celui qui a été identifié comme le plus handicapé ou le plus en difficulté peut s’en sortir, peut apprendre, peut grandir.[16] »

Aucune enseignante, aucun enseignant n’est astreint à devoir respecter cette règle qui consiste à sélectionner les plus fragiles pour en faire les futurs esclaves des autres. Nombre d’entre eux s’y refusent et parient sur l’éducabilité de tous leurs élèves. Dès lors, chacune de ces enseignantes, chacun de ces enseignants s’engage moralement à faire réussir[17] tous les élèves qui lui sont confiés.

Le rôle de l’école et donc la mission de ces enseignants est de rendre accessible à chacun le bagage de connaissances et de compétences nécessaires pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice. Il faut apprendre aux élèves à construire des outils. Les outils qui leur permettront de rendre notre société plus juste, plus équitable pour les plus fragiles ; une société inclusive dans laquelle chacune et chacun aura sa place. 

Cela commence, forcément, par une adhésion totale et inconditionnelle au « Postulat d’éducabilité ».

Le concept de l’éducabilité cognitive

L’idée qu’on n’a jamais fini de faire des apprentissages et que tout être humain, quel que soient ses capacités intellectuelles, peut augmenter sa capacité d’actions sur son environnement a vu le jour après la Révolution française (Jean Itard  1774-1838 et Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron[18]). Chaque être humain est éducable et peut apprendre et renforcer ses connaissances tout au long de son existence. Seulement, on ne forme pas un être humain comme on fabrique un objet. Les apprentissages cognitifs, affectifs, sociaux et comportementaux ne fonctionnent pas de manière séparées, mais sont interdépendants. Rousseau  employait le terme de « perfectibilité », « il y a une autre qualité spécifique qui les (l’homme et l’animal) distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner. »

Piaget[19], dans sa théorie du constructivisme, a démontré que le jeune enfant vient au monde avec quelques outils intellectuels rudimentaires qu’il va enrichir en s’adaptant au monde et en essayant de le comprendre. Il va devoir reconstruire les lentes conquêtes intellectuelles de l’Humanité. C’est grâce à l’aide de ses parents mais également de ses enseignants et de ses pairs qu’il va réinventer le concept de nombre, explorer le langage pour découvrir que celui-ci est composé de mots distincts, redécouvrir les notions de surface, de volume et ainsi de suite. Grâce à Jean Piaget, on est aujourd’hui convaincu que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit.

Le postulat d’éducabilité, c’est quoi ?

Il s’agit d’un néologisme utilisé en pédagogie au XXème siècle. Les éducateurs adeptes de l’éducabilité cognitive sont attachés aux capacités qu’ont chaque être humain d’apprendre à apprendre, bref ce qu’on appelle la métacognition.

La « métacognition » est malheureusement trop peu connu dans le monde de l’éducation. Ce terme veut dire la « cognition[20] sur la cognition ». Autrement dit, la métacognition consiste à avoir une activité mentale sur ses propres processus mentaux, c’est-à-dire « penser sur ses propres pensées ». En somme, la métacognition permet à l’élève de réfléchir sur la manière dont il apprend, sur le cheminement parcouru afin de découvrir ses erreurs et de les surmonter. Il s’agit donc pour lui de pouvoir prendre du recul sur ses processus d’apprentissage et de se poser les bonnes questions afin de progresser. 

Emettre un postulat, c’est émettre une proposition qui ne peut être démontrée, mais qui est nécessaire pour établir une démonstration. Autrement dit, l’enseignant qui postule sur l’éducabilité de tous ses élèves est foncièrement convaincu que toutes et tous peuvent apprendre tous les savoirs qu’il doit leur transmettre. De manière différente, sans doute, mais suffisante pour que ces apprentissages leur servent de base à l’acquisition d’autres matières ou savoir-faire, par la suite. Il ne peut pas le démontrer (et cela lui importe peu) car sa volonté est d’amener tous ses élèves à une acquisition de qualité de tous ces savoirs. 

L’éducabilité constitue LE postulat de base de l’éducation : « Il s’agit là d’une postulation fondatrice de la possibilité même d’éduquer, et cela simplement d’abord du point de vue logique. Sans cette postulation, l’entreprise serait totalement dérisoire, complètement vaine et, plus radicalement, impossible[21]. »

L’éducabilité est un pari, celui de renverser les vieilles croyances élitistes dans la fatalité sociale ou génétique. Un postulat n’est pas nécessairement la vérité. Croire que tout le monde peut apprendre, en fait, personne ne sait si c’est scientifiquement vrai. Mais personne non plus ne sait si c’est scientifiquement faux. Ce que personne n’a le droit de le postuler.

Nous avons, au contraire le devoir de postuler que tous les enfants – et tous les adultes – peuvent apprendre les savoirs que nous enseignons, et que nous devons tout mettre en place pour que ce soit vrai. « On doit faire comme si, en faisant le pari qu’ils peuvent quand même y arriver. Pourquoi ? Parce qu’on ne sait jamais à quoi attribuer un échec et avoir la certitude que cet échec est imputable exclusivement au déficit d’une personne et non pas aux conditions éducatives de l’accompagnement qui lui a été proposé[22] ».

Parier que tous les élèves sont capables d’apprendre est simplement une posture juste. Il est donc nécessaire d’y croire et d’y croire fermement. C’est à ce pari que l’on reconnaît l’enseignant doté d’humanité. Il est d’ailleurs impossible d’enseigner si l’on n’est pas persuadé de son bien-fondé. Au mieux sera-t-on un petit donneur de leçons ; au pire un salaud qui prend plaisir à briser un élève et à casser son avenir.

L’idée que tous les élèves sont capables d’apprendre est une idée juste qui fait progresser la société et les pratiques pédagogiques mises en place dans les écoles. Nous devons avoir confiance dans les capacités cognitives de tous nos élèves.

Educabilité et principe de non-réciprocité

L’éducation est tout le contraire du dressage. Nous ne sommes pas là pour former des êtres humains mais pour leur donner les outils qui leur permettront de se former eux-mêmes. A partir du moment où nous sommes conscients que tous les élèves peuvent apprendre, notre mission est de les accompagner sans vouloir les formater et en les laissant progressivement construire leur individualité.

Nous ne pouvons pas apprendre à leur place. Nous devons, au contraire créer des situations, des dispositifs  qui vont leur permettre de s’engager pleinement dans leurs apprentissages. Nous devons leur apprendre à faire et, surtout, nous ne devons rien faire que l’autre ne puisse faire. 

Nous devons tout faire pour que tous nos élèves réussissent, sans exception. Les dispositifs que nous mettons en place veillent précisément à ce qu’ils soient acteurs de leurs apprentissages : pédagogie active[23] dans l’école ou dans la classe, tutorat, dispositifs spécifiques pour les élèves ayant des troubles spécifiques des apprentissages, droit à l’erreur, aménagements raisonnables mis à la disposition de tous, conseil de coopération, évaluations exclusivement formatives, …

Ce que nous mettons en place ne demande pas de remerciements. Nous faisons simplement notre travail, rien de plus. Mais aussi et surtout rien de moins. Tout est co-construit avec les élèves qui doivent en être partie prenante. Mais si nous mettons en place un espace favorable d’apprentissages, espace exigeant car nous voulons qu’ils acquièrent les savoirs au mieux de leurs possibilités, rien ne nous garantit que nous y arriverons.

Comme nous le rappelle Philippe Meirieu, nous devons « Admettre que le principe d’éducabilité soit constamment mis en échec sans, pour autant, y renoncer. Assumer la négativité de l’éducabilité, sans, pour autant, basculer dans le dépit et la suffisance, sans sombrer dans le fatalisme. Le principe d’éducabilité et son corollaire, le principe de non-réciprocité, sont donc au coeur de la dynamique pédagogique, ils en constitue, en quelque sorte, le pari fondateur… Choix éthique et politique à la fois, ils sont, en réalité, la véritable « pierre de touche » de bien des débats qui auraient intérêt, pour la clarté de la discussion actuelle, à faire ressortir systématiquement cette dimension des choses. [24]»

L’éducabilité, si elle est postulée de façon universelle et inconditionnelle, ne présuppose ni n’attend de résultat ni de progrès obligatoire ; elle repose au contraire, pour pouvoir s’exercer, sur un renoncement vis-à-vis de l’attente personnelle démesurée de la réussite de l’autre, donc sur un certain décentrement de l’éducateur par rapport à son ego[25].

Le concept d’éducabilité et la recherche

De nombreux auteurs ont fait avancer nos connaissances pédagogiques depuis le début des années 1960[26]. Loin être exhaustifs, en voici quelques-uns qui ont marqué les recherches en sciences de l’éducation, en lien avec le concept d’éducabilité.

Jean Piaget et le constructivisme

Le constructivisme est une théorie de l’apprentissage fondée sur l’idée que la connaissance est élaborée par l’apprenant sur la base d’une activité mentale. Cette théorie repose sur l’hypothèse selon laquelle, en réfléchissant sur nos expériences, nous nous construisons et construisons notre propre vision du monde dans lequel nous vivons.

Jean Piaget a décrit le développement de l’intelligence chez les enfants comme un succession de « stades »  (allant des actions pratiques aux représentations abstraites). Il y a quatre « stades » et chacun doit être acquis pour pouvoir accéder au suivant. Les quatre stades du développement cognitif,

que tous les individus accomplissent dans le même ordre sont : stade sensorimoteur (de la naissance à 2 ans), stade préopératoire (2 à 7 ans), stade des opérations concrètes (7 à 11 ans) et stade des opérations formelles (11 à 14 ans).

Selon Piaget, l’intelligence se construit ! Les connaissances des enfants ne sont pas une simple copie de la réalité externe ; au contraire, les enfants construisent eux-mêmes leurs connaissances en agissant sur des objets physiques, sociaux et conceptuels[27].

Selon le constructivisme, les connaissances acquises par un enfant ne sont pas une simple « copie » de la réalité. Au contraire, ces connaissances ont demandé à l’enfant de reconstruire celles-ci afin de les appréhender. Les enfants doivent reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent évidentes aux adultes. Piaget nous a aidé à nous convaincre que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit.

Tous les élèves sont-ils fait pour les études ?

Caroll et Bloom[28] ont prouvé qu’il était faux de penser que certains individus sont faits pour les études et d’autres pas. Ils ont démontré que ce qui différenciait principalement les enfants étaient, non leurs compétences intellectuelles, mais leur vitesse d’apprentissage. Certains acquièrent des compétences en peu de temps, alors que d’autres ont besoin de plus de temps pour arriver au même résultat. En résumé, la qualité de l’apprentissage n’a aucun rapport avec le temps mis pour y arriver. Pourtant, nous continuons de demander à tous nos élèves d’acquérir la même compétence au même moment.

On peut donc affirmer aujourd’hui que TOUS nos élèves, sans exception aucune – sauf s’ils sont atteints d’un grave handicap intellectuel, sont doués pour l’étude. Nous avons donc le devoir de leur donner leur chance, en leur permettant d’acquérir les compétences à leur rythme propre, sans en laisser en chemin et encore moins en les orientant précocement vers des filières dites « de relégation ».

Pour démontrer que tous les élèves étaient capables de réussir, les pédagogues collaborant avec Bloom ont mené une expérience intéressante. Ils ont constitué 3 groupes d’étudiants hétérogènes équivalents qui reproduisaient chacun la trop célèbre courbe de GAUSS, fort prisée dans certaines écoles élitistes, composés à savoir d’un petit nombre d’élèves « forts », d’une grosse majorité d’élèves dits « moyens » et de quelques élèves prétendument « faibles ».

Le premier groupe a reçu un apprentissage « classique » tel celui que l’on connaît dans la majorité de nos classes. Le second groupe a également reçu un apprentissage collectif mais, à la différence du premier groupe, les matières à assimiler étaient divisées en unités d’apprentissage et, à la fin de chaque unité, les élèves étaient soumis à un test formatif qui permettait à ceux qui n’avaient pas compris de bénéficier d’une remédiation immédiate. C’est ce que l’on appelle la Pédagogie de Maîtrise.

Enfin, les élèves du troisième groupe ont chacun bénéficié d’un précepteur choisi pour ses compétences et capable d’ajuster directement sa façon d’enseigner en fonction de la compréhension de l’élève. Les trois groupes ont ensuite été soumis au même test final, destiné à évaluer leurs apprentissages respectifs.

On a pu constater dans le premier groupe que les élèves ont progressé de manières différentes et les résultats reproduisaient la courbe de gaussienne initiale. Exactement comme dans la majorité de nos classes, avec un lot d’échecs inévitables dans ce type d’enseignement particulièrement inéquitable.

Dans le second groupe, la courbe épousait la forme d’un J. La majorité des enfants était proche du maximum. Le troisième groupe obtenait, évidemment, les meilleurs résultats. Ceux-ci épousaient la forme d’un J au point que les prétendus « plus faibles » obtenaient des résultats équivalents à ceux des « plus forts » du premier groupe. Il serait, évidemment, utopique de rêver généraliser ce système à notre enseignement. Non seulement il serait hors de prix mais nous ne pourrions – malheureusement – trouver suffisamment de précepteurs de qualité pour entourer tous nos élèves. L’intérêt de ce troisième groupe réside ailleurs : il a permis de démontrer scientifiquement l’éducabilité de TOUS les élèves, même de ceux qui étaient considérés comme les plus « limités ». Un élève « faible » – nous dirons « plus lent » – qui bénéficie de conditions d’enseignement optimales peut arriver au même niveau que les élèves les plus rapides, placés dans des conditions normales d’enseignement.

Enfin, la Pédagogie de Maîtrise a démontré ici toute son efficacité. Appliquée au sein de nos classes, de la première maternelle à la rhétorique (et pourquoi pas au supérieur et à l’université ? – les processus d’apprentissage étant les mêmes), elle bénéficierait à tous, principalement à ceux qui ont besoin de plus de temps qui progresseraient beaucoup, mais également et c’est important, aux plus rapides dont les résultats étaient supérieurs à ceux des « plus rapides » du premier groupe.

Lev Vygotski[29] et la zone proximale de développement

Lev Vygotsky s’est intéressé à la manière dont l’enfant apprend. Il s’opposait à deux courants théoriques de son époque. D’une part le béhaviorisme[30], alors que selon lui, tout apprentissage implique «un véritable et complexe acte de la pensée». Et d’autre part, la conception de Jean Piaget pour qui on ne peut enseigner quelque chose à un enfant que s’il a atteint le stade requis pour cet apprentissage. Or, Vygotski a constaté que de nombreux élèves acquièrent très bien les disciplines scolaires, tant en mathématique, qu’en lecture et écriture ou en sciences naturelles, alors qu’ils n’ont pas encore le stade défini par Piaget. Si Piaget considère que le développement doit toujours précéder l’apprentissage, Vygotski affirme de son côté que « l’apprentissage devance toujours le développement. »

Vygotsky va alors émettre la théorie de la « zone proximale[31] de développement ». Admettons, écrit-il, que nous ayons déterminé chez deux enfants un âge mental équivalant à huit ans. Avec l’aide d’un adulte, l’un résout des problèmes correspondant à l’âge de 12 ans, tandis que l’autre ne peut résoudre que des problèmes correspondant à l’âge de 9 ans. C’est précisément cette différence qui définit la zone prochaine de développement. Elle est de 4 pour le premier enfant et de 1 pour le second. Ainsi, la zone prochaine de développement d’un élève est pour Vygotski « l’élément le plus déterminant pour l’apprentissage et le développement ». Car « ce que l’enfant sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain »[32].

En somme, la zone proximale de développement se situe entre la zone d’autonomie (je peux le faire seul) et la zone de rupture (je suis incapable de le faire sans aide). La zone proximale de développement est définie comme la zone où l’élève, avec l’aide de ressources extérieures, est capable d’exécuter une tâche. L’élève considère le défi comme réaliste et la tâche à réaliser devient mobilisatrice.

L’enseignant doit donc veiller à proposer des situations d’apprentissage qui évitent soit de se retrouver en zone de rupture (trop difficile), soir en zone d’autonomie (trop facile). Il lui faudra différencier les contenus, les structures et proposer des situations d’apprentissage diversifiées visant la zone proximale de développement de chaque élève.

Respecter la zone proximale de développement des élèves est donc fondamental pour permettre à chacun de progresser et donc, d’être capable d’apprendre. Cela nécessite, évidemment, de pratiquer une pédagogie différenciée, et de mettre en place des pratiques pédagogiques telles que, par exemple, celles décrites plus haut dans le texte.

Conclusion

Le chemin vers l’école inclusive implique avant tout de croire en les capacités de tous ses élèves. Il n’en est aucun qui ne soit capable d’apprendre et ce, même les plus fragiles (enfants de milieux défavorisés, enfants malades, enfants avec un ‘dys’ ou encore enfants ayant une déficience intellectuelle).

C’est donc bien à nous, enseignants, à tout mettre en œuvre pour leur permettre d’apprendre et d’apprendre avec les autres. Pas nécessairement au même rythme, mais bien avec la même qualité d’apprentissage. Bloom l’a démontré, ce qui différencie les élèves, ce n’est pas leurs capacités d’apprendre, mais leur vitesse d’apprentissage.

Piaget éclaire le chemin de l’éducabilité : Les enfants doivent reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent évidentes aux adultes. Piaget nous a aidé à nous convaincre que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit. Bloom, a démontré à son tour, grâce à la pédagogie de maîtrise, que ce qui différenciait principalement les enfants étaient, non leurs compétences intellectuelles, mais leur vitesse d’apprentissage. Tous peuvent donc bien apprendre et apprendre les mêmes choses, mais à des vitesses différentes.

Enfin, Vygotski nous montre le chemin pour y arriver. C’est en respectant la « zone proximale de développement » de chaque enfant, qu’un enseignant adhérant au postulat d’éducabilité, parviendra à les faire acquérir les savoirs qu’il doit leur transmettre.

C’est aussi parce que nous postulons que tous les enfants peuvent apprendre, que nous pourrons accueillir tous les élèves, même ceux que la vie a privé d’une partie de leurs capacités intellectuelles. Car une école n’est inclusive que si elle accueille tout le monde et que tout le monde apprend ensemble, au-delà de ses différences.   


[1] Communauté française de Belgique est l’appellation constitutionnelle de la « Fédération Wallonie-Bruxelles » qui regroupe les francophones vivant à Bruxelles et en Wallonie.

[2] Ceci concerne les élèves ‘ordinaires’, c’est-à-dire n’ayant aucune déficience intellectuelle. Pour ces derniers, le Postulat d’éducabilité reste de mise : ils sont tous capables d’apprendre, mais sans doute pas autant que les autres. Pour ces enfants, les objectifs seront modifiés et adaptés à leurs compétences au travers d’un Plan Individuel d’Apprentissage et le but ne sera plus nécessairement d’arriver à une certification. L’importance sera mise sur l’apprendre ensemble (enfants ‘ordinaires’ ET enfants ‘avec une déficience intellectuelle’).

[3] https://soirmag.lesoir.be/244435/article/2019-08-28/le-prince-gabriel-change-decole

[4] = dotés d’humanité.

[5] Régime politique de l’histoire de France qui prévalait durant les deux siècles antérieurs à la Révolution française

[6]  Nico Hirtt. L’Ecole et le Capital: deux cents ans de bouleversements et de contradictions. L’école démocratique, Aped, 2013.

[7] Wade, John. History of the Middle and Working Classes. Wilson, 1835

[8] Terral, Hervé. Les Savoirs Du Maître. Editions L’Harmattan, 1998, cité par Hirtt, ibid.

[9] Du 18 mars 1871 au 28 mai 1871

[10] En 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l’accès au crédit et la solidarité. La loi sur la liberté de la presse de 1868 a permis l’émergence publique de revendications économiques anticapitalistes (« nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer…). Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Commune_de_Paris_(1871)

[11] Cité par Edwy Pénel dans Le Monde du 14 septembre 1980, lui-même cité par Hirtt, Les trois axes de la marchandisation scolaire, 2001

[12] Un appareil idéologique d’État apparait comme une superstructure, une formation que l’on pourrait qualifier de « psycho-sociale » du fait qu’elle a pour but d’inculquer des « façons de voir », d’évaluer les choses, évènements et relations des classes sociales entre elles (institution scolaire, religion, famille, syndicats, sport, mass media, etc.). Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Appareil_id%C3%A9ologique_d%27%C3%89tat

[13] Philippe Meirieu, https://www.youtube.com/watch?v=ugocCSf74r4

[14] Le progressisme est une tendance politique favorable aux réformes sociales et économiques, en opposition au conservatisme. En tant que philosophie, le progressisme se fonde sur le progrès social et l’idée que les avancées en matière de science, technologie, développement économique et l’organisation sociale sont vitaux à l’amélioration de la condition humaine (Wikipedia).

[15] La solution est simple : il suffit de supprimer les poubelles en créant une société zéro déchets. Des mouvements citoyens s’y emploient déjà. Mais il resterait le problème de tous ces boulots de « pauvres » : facteur, ouvrier, agent de quartier, chauffeur, machiniste, … I 

[16] Meirieu Philippe 2104, https://www.youtube.com/watch?v=ugocCSf74r4

[17] Quand je parle de « faire réussir », je ne parle pas de « donner des points », mais de transmettre tous les savoirs, toutes les connaissances de « base » à tou.te.s les élèves. Et cette « base » doit être la plus élevée possible. Nous devons avoir des exigences élevées pour tout ce que nous transmettons aux élèves. Notons que pour les enfants ayant une déficience intellectuelle et qui seraient présents dans nos classes (où c’est pleinement leur place), les connaissances de bases seront les plus élevées possible, mais en fonction de leurs capacités d’apprentissage. Pour ces élèves-là, la certification n’est pas toujours une priorité. Mais, si nous y arrivons, alors tant mieux.

[18] Victor était un enfant trouvé dans les bois près de Rodez (France). Il était nu, vivait comme un animal en mangeant des baies sauvages. Itard a décidé de l’éduquer, alors que tout le monde pensait que Victor était débile de nature. Itard va postuler que ce n’est pas le cas et va passer plusieurs années de sa vie à tenter d’éduquer Victor. Victor ne parlera jamais mais va progresser considérablement, se socialiser et même entrer en communication avec les autres alors que cela lui était radicalement impossible. Jean Itar a démontré qu’un enfant considéré comme débile, sans éducation, peut apprendre, progresser et se socialiser. Pour comprendre cette belle aventure, on peut aussi voir ou revoir le film de François Truffaut « L’enfant sauvage ».

[19] Jean William Fritz Piaget, 1896-1980 à Genève, biologiste, psychologue, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie.

[20] Cognition : Ensemble des structures et activités psychologiques dont la fonction est la connaissance, par opposition aux domaines de l’affectivité. Larousse 2019

[21] Philippe MEIRIEU., Le choix d’éduquer : éthique et pédagogie. Paris : E.S.F., 1991, p. 25.

[22] Philippe Meirieu, 2008, Le pari de l’éducabilité

[23] Le terme « pédagogie active » est un pléonasme. La pédagogie inactive n’existe pas. Cependant, le terme « pédagogie » est galvaudé dans les écoles méritocratiques qui prétendant en faire, alors qu’elles sont essentiellement dans le frontal et donc la mise en compétition qui, plutôt que de faire apprendre les élèves ensemble, les met en concurrence. Voilà pourquoi, on en est à devoir toujours préciser « pédagogie…. active », chaque fois que l’on parle, simplement, de pédagogie.

[24] https://www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/educabilite.htm

[25] Tommy Terraz et Amandine Denimal, « Construire la relation éducative : postulat d’éducabilité, bienveillance et altruisme », Questions Vives [En ligne], N° 29 | 2018, http://journals.openedition.org/questionsvives/3409

[26] Crahay Marcel 1997 « Une école de qualité pour tous », Bruxelles, Labor.

[27] De Ribaupierre, A. et L. Rieben (1996), « Piaget’s Theory of Human Development », E. De Corte et F.E. Weinert (éd.), International Encyclopaedia of Developmental and Instructional Psychology, Elsevier Science, Oxford, RU, pp. 97-101.

[28] Marcel Crahay, 1997, Une école de qualité pour tous, Bruxelles, Labor.

[29] Lev Vygotski (1896-1934) est un pédagogue psychologue biélorusse puis soviétique, connu pour ses recherches en psychologie du développement et sa théorie historico-culturelle du psychisme.

[30] Le béhaviorisme, behaviorisme ou comportementalisme est un paradigme de la psychologie scientifique selon lequel le comportement observable est essentiellement conditionné par des réflexes conditionnés.

[31] Ou « zone de proche développement »

[32] Jacques Lecomte, 1998, Lev Vygotski (1896-1934). Pensée et langage, Sciences Humaines Mars 1998



[1] https://www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/educabilite.htm

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS »    2. La Dysgraphie

Les troubles spécifiques des apprentissages ou « DYS » 2. La Dysgraphie

La dysgraphie est un trouble spécifique d’apprentissage qui affecte le geste graphique, entraînant une lenteur importante dans la réalisation des productions graphiques et l’écriture manuscrite, entraînant une malformation des lettres. La calligraphie lente et inégale est souvent accompagnée d’une grande fatigabilité, voire de douleurs. En effet, écrire ou dessiner requiert une énorme tension et des efforts permanents chez une personne avec une Dysgraphie, alors que de tels gestes s’effectuent normalement automatiquement.

C’est en fait un trouble spécifique d’apprentissage qui se traduit par des difficultés de coordination et de la conduite du trait. Ce trouble n’est pas causé par un déficit neurologique spécifique ou intellectuel. En effet, les personnes qui en sont atteint n’ont aucun retard intellectuel ou déficit neurologique. Les enfants ne manquent pas d’attention et encore moins de volonté. C’est l’organisation même de la fonction graphique qui est touchée.

Ce trouble peut apparaître dès l’apprentissage de l’écriture, en cours de scolarité ou plus tard. En général, l’écriture, une fois maîtrisée, devient automatique. Malheureusement, chez la personne avec dune dysgraphie, les gestes appris ne s’automatisent pas, malgré une rééducation intensive faite par un professionnel. Les productions écrites restent de pauvre qualité, souvent illisible. Ces enfants se révèlent souvent incapables d’être multitâches : dans le même temps réfléchir au mot à écrire, à la manière de former les lettres et orthographier les mots.

La dysgraphie peut avoir plusieurs causes. Elle peut être la conséquence d’autres troubles spécifiques des apprentissages comme la dyspraxie, la dysorthographie ou la dyslexie, les hésitations créant des gestes inadaptés. Elle peut également être une conséquence d’une trouble de l’attention avec ou sans l’hyperactivité (TDAH) ou être liée à la précocité. Environ 70 % des enfants précoces sont touchés par une dysgraphie.

On distingue plusieurs formes de dysgraphies :

  • Les dysgraphies raides, quand l’écriture est raide et qu’il y a une crispation lors de l’écriture. Le tracé est régulier mais anguleux, les droites sont prédominantes sur les courbes avec des changements brutaux de direction. Le crayon est fortement appuyé, on sent le tracé au dos de la feuille qui peut se déchirer ;
  • Les dysgraphies molles : l’écriture de l’enfant est irrégulière dans la dimension des lettres, elle manque de tenue et donne une impression de négligence. Le tracé est petit et arrondi, peu précis, voire atrophié (diminue de volume). Les lignes d’écriture sont ondulantes et les pages peuvent paraître négligées ;
  • Les dysgraphies maladroites : Le trait est de mauvaise qualité, les lettres sont mal proportionnées et les formes sont lourdes avec parfois des pochages[1]. Les pages sont confuses et désordonnées, remplies de multiples retouches, de reprises et de soudures maladroites ;
  • Les dysgraphies impulsives : l’enfant écrit vite au détriment de la forme des lettres qui perdent toute structure ; les gestes sont rapides, parfois saccadés et non contrôlés entraînant une écriture désorganisée. L’enfant préfère la précipitation à la qualité, dès lors ses pages paraissent négligées ;
  • Les dysgraphies lentes et précises dans lesquelles, à l’inverse des dysgraphies impulsives, l’enfant parvient à écrire correctement, avec une écriture très appliquée et un excès de précision mais en fournissant un effort épuisant. L’écriture est ainsi excessivement lente, appliquée et précise. Elle a parfois un aspect calligraphique. Cela explique pourquoi c’est la dysgraphie la plus difficile à diagnostiquer, car qui penserait qu’un enfant ayant une jolie écriture puisse avoir des difficultés ?

La dysgraphie concerne environ 10 % des enfants, et surtout des garçons.

Signes qui doivent alerter

Il est de nombreux signes différents qui peuvent indiquer la présence d’un trouble dysgraphique. Ce n’est pas parce qu’un enfant présente un des signes suivants qu’il est automatiquement porteur de ce trouble. Seul des spécialistes sont à même de détecter un trouble de la dysgraphie. En général, un diagnostic de dysgraphie est posé par une équipe pluridisciplinaire: psychologue, ophtalmologiste, orthoptiste, orthophoniste, psychomotricien, … . L’avis d’un neuropédiatre sera nécessaire pour interpréter les bilans médicaux et paramédicaux établis par l’équipe pluridisciplinaire.

  • Une mauvaise connaissance de son schéma corporel, c’est-à-dire de sa morphologie (ses limites dans l’espace), de ses possibilités motrices (souplesse, rapidité, …), de ses possibilités d’expression à travers le corps (attitudes, mimiques, …). L’enfant n’arrive pas à utiliser le vocabulaire corporel, à se représenter correctement sur un dessin, à assembler les morceaux d’un pantin. L’enfant ne se perçoit pas comme un tout ;
  • Une mauvaise organisation spatiotemporelle : l’enfant a des difficultés à écrire correctement ou à écrire sur la ligne, ses opérations mathématiques ne sont jamais alignées correctement, il est dans l’incapacité de comprendre une carte de géographie. Il est vite perdu dans l’organisation, dans la méthodologie, il ne sait plus où il en est dans un apprentissage, il fait les choses dans le désordre ou à l’envers. Les notions de temps, d’heure, de chronologie, de suites logiques lui sont incompréhensibles. La lecture et l’écriture sont touchées : il s’embrouille, inverse les lettres, perd la structure et la syntaxe de la phrase, … On constate une lenteur et des difficultés à l’école dans les exercices réclamant un passage à l’écrit. De même, des difficultés persistantes dans la reproduction de formes. Il a difficile à visualiser la page et ne parvient pas à écrire sur les lignes ;
  • Des difficultés de latéralisation : l’enfant est malhabile, gauche, a une démarche souvent raide et lourde. Il ne sait pas comment « bien bouger ». Il n’’investit pas les activités sportives ;
  • Un retard dans le développement psychomoteur ou des troubles praxiques (difficultés dans l’enchaînement automatique, c’est à dire l’élaboration, la planification et l’automatisation de mouvements volontaires et de gestes précis), mauvaise tenue persistante des outils (ciseaux, règle, crayon). Crispation dans la tenue du crayon, l’enfant peut trouer la feuille sur laquelle il écrit, tellement il appuie fort ;
  • Des difficultés de concentration entraînant une écriture plus irrégulière, saccadée. Les automatismes sont plus difficiles à intégrer. Le rythme d’écriture est inadapté : l’enfant peut être très lent et faire beaucoup d’efforts pour obtenir un résultat plus ou moins correct ou à l’inverse écrire trop rapidement de façon impulsive. L’écriture peut être peu lisible : l’enfant colle les lettres, les superpose, juxtapose des lettres trop grandes à d’autres plus petites, il y a des télescopages, des tracé trop légers ou trop écrasés, le geste tremble ou est très mal maîtrisé, les lettres sont de mauvaises dimensions, le sens de la graphie n’est pas respecté, le travail semble très peu soigné. En grandissant, le jeune adopte souvent une écriture scripte[2] ;
  • Des enfants hypertoniques ou hypotoniques. Leur geste graphique manque de contrôle et produit une écriture maladroite. Il y a souvent fatigue et des crampes peuvent survenir lors de l’écriture. Le poignet est rigide ;
  • Des problèmes d’ordre psychologique tels que le manque de confiance en soi, anxiété à l’approche de l’écriture, le refus d’écrire ou le désir de non-communication, voire encore le désir de ne pas grandir.

Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)

  1. Au niveau de l’écrit
  • Eviter les pressions. Un élève dysgraphique ne sait pas écrire plus vite, ne pas culpabiliser l’enfant sur l’état de ses cahiers et de ses productions écrites, ne jamais obliger un élève à recommencer un travail écrit jugé non-satisfaisant ;
  • Veiller à ce que son crayon ou le stylo soit correctement tenu. Pour les dysgraphiques, l’écriture manuelle n’apporte rien sur les apprentissages, pire elle peut même les retarder ;
  • Faites attention à ce qu’il n’ait pas tendance à écriture trop vite ;
  • Veiller à ce qu’il soit attentif au sens de rotation des lettres rondes, continuer l’entraînement graphique (via des séquences courtes) ;
  • Dans les petites classes, privilégier les lettre mobiles (façon Montessori ou autre) ;
  • Privilégier des productions écrites courtes ET lui donner du temps supplémentaire, mais rester exigent sur la qualité de l’apprentissage lui-même ;
  • Adaptez les exercices pour limiter la quantité d’écrits ;
  • Privilégier l’oral à l’écrit ;
  • Inviter l’élève à montrer ses connaissances et à ne pas se focaliser sur l’écrit ;
  • Privilégier la qualité du travail à sa quantité. On peut souvent faire aussi bien en faisant moins. L’école à tendance à multiplier les mêmes exercices alors que ce n’est pas nécessaire ;
  • Organisation spatiale et temporelle
  • Veiller à lui fournir des cours complets et exploitables (photocopies, …) ou veillez à ce que ceux qu’il a copiés soient clairs et compréhensibles. En échange, exigez qu’il sache possède la matière ;
  • Soyez attentif à ce qu’il soit correctement installé. Son banc ou sa table doit être adaptée à ses difficultés. Elle doit être large et à la bonne hauteur. De même, sa chaise doit être adaptée à sa taille et qui lui permettre d’avoir un bon appui sur le sol ;
  • S’il lui en manque, veillez à lui fournir les outils nécessaires et adaptés aux apprentissages (stylo, latte, crayon, feuille, etc.) ;
  • Via le tutorat, proposer une tournante dans la classe afin qu’un élève puisse lui servir de secrétaire ou de relecteur ;
  • Les solutions techniques
  • Passer au clavier. L’école est presque exclusivement axée sur l’écrit. L’enfant va écrire pratiquement jusqu’à 6 heures à 8 heures par jour selon son niveau de scolarité. Il est indispensable de soulager l’écriture manuelle et de proposer un passage au clavier (tablette, ordinateur, imprimante) ;
  • Privilégier les outils de dictée vocale ;
  • Fournissez-lui des photocopies pour chaque cours[3], afin qu’il ait la possibilité de les revoir et de les étudier ;
  • Avant l’évaluation
  • S’assurer de la mise en place de remédiations immédiates (ou de tutorat) dans chaque cours. Sans remédiation l’élève se décalerait de plus en plus par rapport à la vitesse et la qualité d’écriture de son âge.
  • Au niveau de l’évaluation
  • Privilégier l’oral, quel que soit le niveau d’études pour vérifier les connaissances ;
  • Se focaliser sur les connaissances et non sur l’orthographe, évaluer la réponse et non la manière dont elle a été écrite ; 
  • Accepter les productions faites au clavier, avec correcteur orthographique.

De manière générale, les aménagements raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous les élèves de bénéficier des mêmes facilités, on évite non seulement la stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques mais qui ont des difficultés d’apprentissage, d’en bénéficier. C’est aussi introduire un peu de justice dans les apprentissages.  

En période de stage ou en enseignement en alternance

Même lorsqu’une prise en charge a été correctement mise en place dès le plus jeune âge, les difficultés de graphie persistent et ne disparaissent jamais. Les troubles orthographiques demeurent. Le jeune aura toutes les difficultés du monde à rédiger un texte graphique (vitesse), sera difficilement lisible et fera régulièrement des fautes d’orthographe qui peuvent avoir des conséquences dans le cadre professionnel, voire dans la vie quotidienne. Cela peut se révéler pénalisants pour un adulte dans l’emploi.

Lorsqu’un jeune ayant une dysgraphie entre en stage dans une entreprise, ou quand un jeune travailleur commence un premier (ou un nouvel) emploi, il est nécessaire de mettre des aménagements raisonnables en place.  Par exemple (ceci est loin d’être exhaustif) :

  • Privilégier l’oral à l’écrit. La relation entrepreneur/travailleur doit se faire de vive voix ;
  • Eviter de lui demander de prendre des notes. En cas de nécessité, mettre à la disposition du travailleur des stylos-billes ergonomiques (qui améliorent la préhension et réduisent la fatigue de l’écriture) et ou des crayons triangulaires qui fatiguent moins l’écriture ;
  • Informatique : mettre en place un outil de dictée vocale ;
  • Durant les formations, fournir un syllabus suffisamment explicite pour que les prises de notes soient inutiles et permettre l’enregistrement par la personne qui suit la formation.

Pour plus d’informations, prendre contact avec l’Aviq (Wallonie) ou avec Phare (Bruxelles).


[1] Lettres teinte à l’encre.

[2] L’écriture scripte est une écriture manuscrite dans lequel les lettres ne sont pas liées les unes aux autres et dont le tracé correspond approximativement, en le simplifiant, à celui des caractères typographiques utilisés en imprimerie.

[3] Sur les photocopies, voir notre fiche sur la dyslexie et la dysorthographie.