La dyscalculie est un trouble spécifique des apprentissages, durable. En effet, il persiste tout au long de la vie. Le terme « dyscalculie » est utilisé par le courant neuropsychologique pour désigner un déficit dans les acquisitions numériques et/ou du calcul. L’enfant (et l’adulte) porteur d’une dyscalculie a des difficultés pour acquérir et maîtriser les connaissances et les compétences nécessaires aux mathématiques La notion des nombres est difficile à acquérir, de même que l’apprentissage des opérations mathématiques telles que l’addition, la soustraction, la multiplication et la division, tout comme la résolution de problèmes ou la géométrie.

La dyscalculie est un trouble d’origine cognitive qui est rarement isolé. Elle est régulièrement associée à une dyslexie/dysorthographie (dans environ 60% des cas) ou une dyspraxie (trouble du geste et de l’orientation spatiale). D’autres troubles spécifiques des apprentissages peuvent plus rarement être associés à une dyscalculie, comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ou une dysphasie (trouble du langage).

Il y a diverses formes de dyscalculie :

  • La dyscalculie dite « des faits arithmétiques », est la plus courante. Elle est souvent rencontrée chez les enfants dyslexiques et dysphasiques.  L’enfant éprouve des difficultés pour apprendre et retenir les tables d’additions ou de multiplications. Il éprouve des difficultés dans la résolution d’additions et de soustractions simples. L’enfant compte souvent sur ses doigts, d’où une grande lenteur. 
  • La dyscalculie de type numérale est un trouble du transcodage numérique (difficulté pour passer du code verbal numérique au chiffre et inversement). L’enfant éprouve des difficultés pour lire des nombres : 356 = trois cinq six, ainsi que pour écrire des nombres : cinq mille trois cent quatre-vingt-trois = 5100031004203.
  • La dyscalculie de type procédurale. L’enfant éprouve des difficultés dans les procédures de calcul. Par exemple, pour résoudre une opération écrite. Il se trompe dans le sens des opérations et ne maîtrise pas les priorités dans une chaîne de calcul :       

Exemples : le calcul 897 – 665 = 232 ne lui pose pas de problème.     

le calcul 865 – 697 = 232 lui pose problème : il soustrait toujours le plus petit chiffre au plus grand, quelle que soit sa position.

  • La dyscalculie de type visuo-spatiale, souvent retrouvée chez les enfants avec une dyspraxie. L’enfant éprouve des difficultés pour reconnaître les signes mathématiques. Il prendra, par exemple le « x » pour un « + » ou les signes « < » et « > ». Il éprouve des difficultés à disposer des opérations (erreurs d’alignements des chiffres), a difficile à dénombrer. Il compte deux fois un même objet ou en oublie. Il confond des chiffres visuellement proches comme 8 et 3, ce qui l’amène à faire des erreurs dans la séquence des chiffres dans un nombre : 340 lu 304. L’enfant éprouve également des difficultés d’orientation gauche-droite.,

La dyscalculie touche autant les garçons que les filles. Les personnes qui sont atteintes d’une dyscalculie n’ont aucun retard intellectuel ou déficit neurologique. Les enfants ne manquent pas d’attention et encore moins de volonté. C’est le raisonnement logico‐mathématique qui est touché, entraînant un retard ou une absence des structures logiques nécessaires au raisonnement et à l’apprentissage du nombre. On estime que la dyscalculie touche en moyenne 5 à 7% de la population d’âge scolaire[1] avec des variations de 1% à 11% de la population, selon les études et les critères de diagnostic[2]. De ce fait, il est relativement peu connu des professionnels de l’éducation. Les personnes atteintes de dyscalculie n’ont pas de déficit cognitif. Grâce à la rééducation, elles sont capables de développer des stratégies de travail pour compenser leurs lacunes, souvent dans la sphère langagière.

Les jeunes avec une dyscalculie voient souvent leurs difficultés amplifier durant leur cursus scolaire. Nombreux sont ceux qui sont orientés en cours de route vers des filières techniques ou professionnalisantes. Les professeurs de mathématique ne connaissant pas ce trouble spécifique des apprentissages qui, pourtant, les touche directement dans leur quotidien professionnel, et ont tendance à les mettre en échec, sans tenter de comprendre la cause, ni ce qu’ils peuvent mettre en place pour aider ces élèves.

La nature persistante de ce trouble des apprentissages ne doit pas empêcher la mise en place d’une rééducation. Celle-ci est fondamentale pour offrir à l’enfant ou le jeune qui en souffre d’évoluer dans ses apprentissages. Il a besoin de s’outiller afin de pouvoir pallier autant que possible à ses difficultés durant toute sa scolarité.

Le diagnostic de dyscalculie est généralement fait par une équipe pluridisciplinaire (neuropsychologue, psychologue, orthophoniste) suite à la réalisation de plusieurs bilans. La rééducation de la dyscalculie repose sur une rééducation orthophonique, mais on peut également mettre en place de la psychomotricité. En classe, la prise en charge nécessite la mise ne place d’aménagements raisonnables.

La rééducation est effectuée par un orthophoniste spécialisé. L’orthophoniste est spécialisé dans les troubles du langage écrit et oral ainsi que dans les troubles logicomathématiques. Il part du niveau de raisonnement actuel de l’enfant et l’aide à construire progressivement ses connaissances par le jeu et la manipulation d’objets concrets ; ceci, pour l’amener à franchir les étapes nécessaires pour accéder à un mode de raisonnement plus complexe et plus abstrait.

D’autres professionnels peuvent être amenés à intervenir selon les nécessités établies par le bilan pluridisciplinaire (ergothérapeutes, psychoéducateurs, …).

Signes qui doivent alerter

Tous les enfants qui se trompent en calculant ne sont pas porteurs d’une dyscalculie. C’est la fréquence et la persistance de difficultés qui doivent nous alerter. La liste ci-dessous est purement indicative et loin d’être exhaustive :

  • L’enfant ne parvient pas à acquérir la chaîne numérique orale et a des difficultés à manier la numération en base 10 (en maternelle : la comptine des nombres). Il fait des erreurs persistantes dans un comptage (dénombrement : il se trompe en montrant un certain nombre d’éléments, en les comptant un par un, par exemple) ;
  • L’enfant a des difficultés (ou n’arrive pas ) pour compter sur ses doigts ;
  •  L’enfant ne parvient pas à lire des nombre (1 067 lu « 167 ») ou à en écrire des nombres (13 pour 31, 603 pour 63… ou 63 pour 603) ;
  • L’enfant a des difficultés à reconnaître les chiffres arabes ;
  • L‘enfant éprouve des difficultés à comparer deux nombres (« plus que », « moins que », « deux fois plus que », lequel est le plus grand « > », le plus petit « < » ?) ;
  • On constate des troubles du langage oral sur certains concepts mathématiques (la somme, la différence, la quantité, le produit, le « tout » ou « en partie »,  la condition (si… alors), il a difficile à émettre des hypothèses ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à manipuler des sommes d’argent (pour faire les courses par exemple) ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à estimer la réponse d’un calcul ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à acquérir des notions telles que la durée, la quantité, la distance, … ;
  • L’enfant est lent en calcul mental et commet beaucoup d’erreurs. Il utilise ses doigts ou d’autres objets pour compter ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à apprendre les faits numériques (tables de multiplications, tables d’additions et de soustractions, par exemple) ;
  • L’enfant a des difficultés pour poser une opération (calcul écrit, par exemple) ;
  • L’enfant prend du retard dans l’acquisition des opérations mentales (ex : conservation du nombre, sériation…) ;
  • L’enfant éprouve des difficultés à résoudre des problèmes. Les formulations contenues dans les énoncés sont difficilement compréhensibles pour lui ;
  • L’enfant éprouve des difficultés dans la planification d’une tâche. Il parvient difficilement à se créer des images mentales ;
  • L’enfant a des problème d’orientation spatio-temporelle. Il éprouve des difficultés à s’orienter dans l’espace. Celle-ci gène la mise en place de la numération et des opérations mathématiques ou la géométrie (tracé, différenciation des figures géométriques) ;
  •  L’enfant a des difficultés à lire l’heure ;

Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)

De nombreux aménagements raisonnables sont possibles. La liste ci-dessous n’est qu’informative. Les aménagements raisonnables doivent être réfléchis avec les différents intervenants spécialisés dans les troubles logicomathématiques qui suivent l’enfant. De même, les parents sont des partenaires incontournables ; ce sont eux qui connaissent le mieux l’enfant. Rappelons que les aménagements mis en place pour un élève peuvent (devraient) bénéficier à ses pairs, s’ils éprouvent des difficultés en mathématique, selon leurs profils particuliers.

Il est important de cerner avec précision les difficultés de l’enfant afin de lui éviter des aides qui se révèleraient finalement des entraves. Il est important d’avoir un contact avec le professionnel troubles logicomathématiques qui s’occupe de l’enfant.

Il est à noter que de nombreux aménagements raisonnables sont déjà mis naturellement en place par les enseignants (donner plus de temps, diminuer le nombre d’exercices à faire, adapter les évaluations, tutorat entre pairs, supprimer les devoirs à la maison, …).

  • En conseil de coopération[3], expliquer à la classe la raison et l’importance des aménagements raisonnables qui seront mis en place. Leur expliquer que, grâce à l’enfant qui a une dyscalculie, ces aménagement raisonnables bénéficieront à tous ceux qui ont des difficultés en mathématique. Il est important d’éviter toute stigmatisation.
  • Avoir de l’empathie avec tout enfant ayant une dyscalculie (comme pour tout enfant avec un ‘Dys’ ou un handicap), accepter sa lenteur dans la construction mathématique, lui donner du temps, limiter les travaux (préférer la qualité à la quantité) ;
  • Le placer à un endroit « stratégique » de la classe, proche de l’enseignant et des documents de référence qui sont affichés dans la classe. De même, le tenir loin des zones d’inattention (fenêtres, lieux de passage, …) ;
  • Ne pas donner de devoirs à faire à la maison ou les limiter drastiquement, la classe étant le seul lieu des apprentissages scolaires ;
  • Lire, relire et reformuler les consignes, surligner les éléments importants ;
  • Ne pas dévaloriser l’utilisation des doigts pour compter[4] ;
  • Limiter le nombre d’exercices en tenant compte de la lenteur due aux difficultés habituelles ;
  • Donner du temps supplémentaire ;
  • En cas de difficultés avec les nombres, prioriser la comptine numérique à l’oral ;
  • En cas de difficultés avec les tables de multiplication, donner une fiche avec les tables ;
  • Permettre l’utilisation de la calculatrice pour la résolution de problèmes ou de situations complexes ;
  • En résolution de problèmes, viser prioritairement la compréhension de la situation-problème sans insister sur le calcul de l’opération de côté, à moins de lui fournir une calculette (ou des tables de comptages, par exemple). Illustrer le plus possible les situations problèmes et dDiviser les consignes complexes en sous-étapes pour faciliter le raisonnement ;
  • Faire attention à l’inversion possible des chiffres, aux signes mathématiques ;
  • Vérifier la lecture, la copie et l’utilisation des nombres pouvant s’inverser ou complexes et des signes (>,<)
  • Utiliser un abaque avec des colonnes de couleurs pour poser les calculs. Utiliser des couleurs pour différencier centaines, dizaines et unités ;
  • En cas de troubles visuo-spaciaux, éviter les manipulations complexes

De manière générale, les aménagements raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous les élèves de bénéficier des mêmes facilités en cas de difficulté d’apprentissage, on évite non seulement la stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques, d’en bénéficier. Cela permet également d’introduire un peu de justice et d’égalité dans les apprentissages.


[1] Shalev, 2007; von Aster & Shalev, 2007

[2] Butterworth, 2005

[3] Le Conseil de coopération est un des éléments fondamental de la pédagogie institutionnelle (cfr Fernand Oury). A ne pas confondre avec le simple conseil de classe « traditionnel ».

[4] Les études les plus récentes sur la question semblent confirmer un lien entre l’utilisation des doigts et les performances en arithmétique.

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