Avant les élections, le MR s’était fait le champion des opposants au tronc commun. Non parce qu’il jugeait, comme nous, le projet insuffisant, mais au contraire, parce qu’il estimait qu’il allait déjà trop loin. Il a donc obtenu de : « … renforcer les activités orientantes en troisième année de l’enseignement secondaire… » .

Désormais, pour la troisième année, on ne parle donc plus de tronc commun mais de « tronc commun modalisé ». Ainsi, les écoles secondaires qui organisent des filières qualifiantes pourront commencer à y préparer leurs élèves dès la troisième et proposeront une offre en fonction de leurs propres sections.

Cette liberté donnée aux établissements est dangereuse : par rapport à ce que prévoyait initialement le Pacte, on n’ira donc pas vers un tronc commun davantage structurel mais, au contraire, vers un renforcement de la division entre les filières, avec, en prime, une vision utilitariste de celles-ci.

En effet, on revient avec cette obsession de l’orientation professionnalisante qui serait tellement nécessaire et urgente à réimposer avant la fin du tronc commun. C’est un non-accord sur le fond du projet que le gouvernement veut porter pour cette législature.

La dimension polytechnique, c’est à dire de compréhension globale, est comprise comme utile, une aide à l’orientation. Mais avant 15 ans, ce n’est pas le temps du choix d’une orientation professionnelle, c’est le temps de mettre en place des bases solides qui devront permettre d’apprendre plus aisément ultérieurement, quel que soit le métier visé.

Des 13.349 élèves orientés en 3P en 2014, il y en a, en 2017, 25% en 6P, 6% en alternance et 48% d’entre eux sont sortis sans aucun diplôme (autre que le CEB s’ils l’avaient). Et des 11.443 élèves orientés en 3TQ en 2014, il y en a, en 2017, 37% en 6TQ, 3% en alternance et 18% d’entre eux sont sortis sans aucun diplôme (autre que le CEB s’ils l’avaient).

L’un des aspects de cette réforme concernera l’enseignement en alternance, dont le gouvernement souhaite ouvrir l’accès aux jeunes dès 15 ans (donc sans avoir terminé le tronc commun). Pour qui ? pour ceux qui sont en difficultés à l’école ? On voit mal comment cette relégation, pourrait être compatible avec la promesse de « faire de l’alternance un parcours d’excellence »…

Qui oserait prétendre que c’est une solution quand on y regarde de plus près ? Les chiffres disponibles sur ce que produit la formation en alternance sur Bruxelles sont jalousement gardés parce qu’ils ne sont pas brillants : malgré un tri des élèves à l’entrée, en 2018, 63% seulement sont allés au bout de leur année (ce qui ne veut pas dire qu’ils l’ont réussie) et 30% d’entre eux n’avaient pas trouvé de patrons parce que leur formation de base était insuffisante, aux dires de ces mêmes patrons.

L’idéal serait d’ apporter à tous une formation théorique et pratique ambitieuse et polytechnique, c’est à dire qui mène à une compréhension globale de notre société.

Vision utilitariste et marchande de l’école

Or, depuis plus de vingt ans, les politiques éducatives sont dominées par une vision utilitariste et marchande. Ce processus de marchandisation et de rationalisation de l’enseignement implique d’élargir le champ des compétences de base aux langues étrangères, au numérique et aux STEM (sciences, technologies, engineering et mathématiques). La DPC insiste sur la nécessité absolue de renforcer ces filières, afin de développer l’économie.

Cette adéquation école-travail n’a pourtant qu’un impact marginal et individuel sur l’accès à l’emploi et ne tient pas compte de la situation de terrain (la pénurie des enseignants se fait lourdement sentir, précisément en langues, math, sciences… )

Cette vision reflète les intérêts du monde économique et des grandes entreprises, pas celui de nos élèves. Le mérite de la DPC est d’avoir clarifié cela.

Ce gouvernement dopé par l’idéologie MR veut une « réforme de l’enseignement qualifiant en concertation avec les acteurs » et « revoir l’offre d’options en mettant en avant celles qui sont le plus porteuses d’emplois » (notamment celles « s’inscrivant dans la transition sociale et écologique » a fait ajouter Ecolo). Il n’y a là rien de critiquable en soi. Mais cela participe d’une conception qui réduit l’enseignement qualifiant à une fabrique de main d’oeuvre, sans grande ambition de formation générale.
Nos élèves ont besoin qu’on les forme, qu’on les éduque, qu’on les instruise, afin qu’ils puissent comprendre. Une école progressiste exige l’émancipation et la citoyenneté critique.

Pour la Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire :

Michèle Janss, APED (Appel Pour une Ecole Démocratique)

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