Une autre mauvaise surprise de la déclaration de politique communautaire réside dans la volonté du Gouvernement de maintenir une épreuve externe obligatoire en fin de sixième primaire et ce pour tout élève. Cette évaluation serait « je cite » certificative et l’octroi du certificat d’études de base (CEB) serait lié à sa réussite. Voilà qui nous étonne déjà. Là où la mesure devient inacceptable c’est quand on apprend que le Gouvernement renforcera le niveau d’exigence du CEB.

Cette idée ne peut sortir que de la tête de quelqu’un qui ne connait pas vraiment l’école et ses réalités actuelles, ou pire, qui ne connait qu’un type d’école : celle qui est élitiste ou qui travaille avec un public homogène issu des catégories les plus aisées.

C’est tout le contraire de ce que nous voulons. En effet, les études sont nombreuses pour démontrer que trop d’évaluation tue l’évaluation. Le véritable tronc commun (qui plus est polytechnique et pluridisciplinaire) est celui qui permet à TOUS les élèves d’acquérir des compétences en leur donnant le temps.

Ces évaluations « sanction » engendre du stress inutile chez les élèves et surtout les plus faibles qui se sentent sans cesse « traqués », observés, jugés et, osons le terme « classés » et pire « cassés ». C’est le meilleur moyen de reléguer les élèves. Tout le contraire de ce qui est envisagé dans le Pacte pour un enseignement d’excellence qui s’appuie sur un pilier essentiel : une véritable mixité sociale.

Quel est le but recherché par un renforcement du niveau d’exigence à ce moment de la scolarité ? La véritable évaluation est celle qui permet le diagnostic pour l’élève et le pilotage pour le système. Pour cela, pas besoin d’épreuve compliquée à la fin de la sixième primaire.

Tous les professionnels s’accordent pour dire que l’échec et le redoublement ne résolvent pas les difficultés.

Comment dès lors imaginer que l’on puisse certifier avant l’issue de ce tronc commun ? Pour nous, une seule épreuve certificative est nécessaire et indispensable : celle de fin de parcours.

Il est grand temps que nos décideurs politiques revoient leur copie à ce sujet sinon ils prennent le risque de détruire le système pour lequel tous les acteurs se sont accordés. Ils seront responsables de la prise en otage de toute une génération d’élèves.

C’est dans le même esprit que nous sommes étonnés de voir l’entrée en vigueur de la formation initiale repoussée d’un an. Pendant ce temps, le Gouvernement demandera à l’ARES d’examiner la capacité opérationnelle de la mise en oeuvre de la réforme par les établissements d’enseignement supérieur, d’adapter la réforme quant à ses modalités de mise en oeuvre, d’évaluer le coût d’organisation de la réforme et son intégration dans la trajectoire budgétaire. On se pince pour vérifier qu’on ne rêve pas quand on sait le temps et l’énergie déployés par les acteurs du terrain pour préparer cette réforme. C’est comme si rien n’avait été fait ! C’est une injure aux professionnels qui se sont employés à réfléchir cette réforme pas seulement dans ses aspects organisationnels.

Permettez-moi donc d’analyser le choix fait par le nouveau Gouvernement dans le contexte qui nous préoccupe aujourd’hui, celui de la lutte contre l’échec scolaire.

Cette lutte contre l’échec passe aussi par un renforcement des compétences des enseignants, dans des outils de renforcement de français comme langue d’enseignement, de remédiations immédiates, de gestion de l’hétérogénéité des classes et d’inclusivité, avec ou sans le support du numérique.

C’est ce que le PACTE souhaite mettre en place et dans une certaine mesure, la réforme de la formation initiale tente de répondre à ces objectifs. Elle ne pourra le faire seule, la formation continue jouant également un rôle déterminant dans le déploiement d’expertises à ce niveau.

La réforme de la formation initiale ainsi que le PACTE sont très ambitieux, il est donc vital de mettre les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Ainsi, même si la réforme de la formation initiale prévoit de mieux outiller les nouveaux enseignants pour lutter contre l’échec au travers d’un renforcement de la formation telle qu’elle avait été souhaitée au départ en 5 ans par le GT4O, le passage à 4 ans les préparera essentiellement à travailler dans de nouveaux empans et de nouvelles disciplines.

S’il est vrai que la formation sera aussi plus développée au niveau de la lutte contre l’échec avec un renforcement de la remédiation au sein même des disciplines et de la prise en compte d’un renforcement du français comme langue de scolarisation, c’est surtout au travers des spécialisations techno-pédagogiques, dans la différenciation et dans l’orthopédagogie que les nouveaux enseignants seront véritablement préparés à ces nouveaux défis. Ces spécialisations ne se développent réellement que lors de la 5ème année d’étude qui est le master de spécialisation en enseignement.

Le risque, induit par la DPC, serait de demander à la formation initiale de renforcer l’ensemble des axes et des besoins des nouveaux enseignants, dont le PACTE a besoin, dans un temps de formation trop court et avec des moyens réduits, ce qui conduirait indubitablement à une formation trop généraliste et superficielle.

Les études montrent que la majorité des enseignants débutants qui quittent la carrière, le font par manque de formation et de préparation à la gestion de classes hétérogènes (étude Saint Louis). Une formation qui ne se préoccuperait pas du coeur du métier d’enseignant qui est d’accompagner tous les enfants pour les amener le plus loin possible ne pourrait que conduire à l’accentuation de la pénurie et à une diminution de la qualité de l’encadrement pensé par le PACTE.

Enfin, il y a le bouquet final … Que vont coûter toutes ces mesures. Si l’on connait la trajectoire budgétaire du Pacte (qui repose en grande partie sur le tronc commun) nous n’ignorons pas les difficultés que connait la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de finances.

Aucune mesure proposée par le Gouvernement n’est chiffrée.

Comment seront-elles financées ? La Déclaration est particulièrement muette. Nous l’avons déjà dit et nous le redirons probablement encore, sans une politique de refinancement, l’enseignement (et plus particulièrement l’enseignement secondaire) risque de payer dans quelques années les frais des politiques actuelles. Que les politiques n’agissent pas pour cette matière comme ils le font pour le climat. N’attendons pas qu’il soit trop tard.

Pour la Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire :

Roland Lahaye, CSC-enseignement

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