Les Droits de l’Enfant ont plus d’un quart de siècle.

Nous n’avons pas vu le temps passer !

Le 20 novembre 1989 l’ONU votait la Convention relative aux droits de l’Enfant à l’unanimité. Celle-ci affirme que les enfants ont besoin d’une protection et d’une attention particulière en raison de leur vulnérabilité. Il est temps de se demander ce que ces droits ont apporté aux enfants de notre planète et plus spécifiquement de notre Communauté française ?

Chaque année dans le monde, huit millions et demi d’enfants meurent de faim ou du manque d’eau potable. Des maladies aujourd’hui disparues de nos contrées font toujours des ravages dans les pays sous-développés. Deux millions d’enfants meurent de maladies qui auraient pu être évitées grâce à des vaccins coûtant moins d’un dollar. Année après année, 200 000 enfants meurent victimes de combats armés, tués parfois par d’autres enfants. 300 000 mineurs sont engagés de force dans des conflits locaux.

Ce jour, 8 millions d’enfants abandonnés dorment dans les rues et 3 millions sont victimes des réseaux de prostitution. Enfin, comment ne pas rappeler que 211 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans sont exploités économiquement. Parmi ceux-ci 115 millions ne sont pas scolarisés.

Qu’en est-il chez nous, dans cette Communauté française que nous voulons respectueuse des droits fondamentaux ?

Fort heureusement, très peu d’enfants meurent de faim en Belgique et les rares cas recensés relèvent de maltraitance parentale. Mais tous ne sont pas égaux face à l’alimentation. Les cas d’obésité sont en croissance, essentiellement dans les milieux les plus précarisés. De plus en plus de familles n’ont plus les moyens d’accéder aux soins de santé. De nombreuses parents repoussent la visite chez le médecin le plus longtemps possible et limitent les médicaments qu’ils ne peuvent pas payer.

Nos villes aussi ont leurs enfants des rues. On y voit des familles entières ou des adolescents isolés dormir sous des bâches, dans des parcs. Ils viennent d’Afrique ou d’Europe de l’Est. La rue c’est aussi la faim, la soif, les maladies, la peur. Ce n’est jamais l’école, les visites chez le médecin, la chaleur d’un repas chaud ou d’un lit douillet.

Des enfants esclaves, il y en a aussi en Belgique. En France, le Comité contre l’esclavage moderne, estime leur nombre à plusieurs milliers. Ils sont principalement issus d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’un esclavage domestique qui, par définition est très peu visible. En quoi la Belgique serait-elle épargnée ? Il est plus que probable que plusieurs centaines d’enfants esclaves sont exploités en Communauté française.

Le travail des enfants est, fort heureusement interdit. Pourtant, qui d’entre nous n’a pas rencontré un enfant qui donnait un coup de main dans un commerce, une exploitation agricole, un stand de foire ? Enfant de commerçant ou petite main payée quelques euros ? Quoiqu’il en soit, le travail des enfants est illégal et contraire à leurs droits fondamentaux. Mais il continue à bénéficier de la bienveillance de madame et monsieur tout le monde.

Si, par-dessus toutes les autres, il y a une institution qui a le devoir de respecter, promouvoir et défendre les droits de tous les enfants, c’est l’Institution scolaire. L’Etat l’a chargée de remplir son propre engagement d’éduquer tous les enfants.

Malheureusement, nous devons constater plus d’un quart de siècle plus tard, que le Droit n’a pas encore trouvé sa place à l’Ecole. Pire, celle-ci est devenue un lieu de non Droit qui brise l’avenir de plus de deux tiers des enfants qui lui sont confiés. Bien sûr, il y a des écoles qui sont de véritables îlots de paix où les droits sont respectés. Mais elles sont trop rares.

Les chiffres sont éloquents. Chaque année, 60 000 élèves redoublent et 17 000 jeunes sont orientés précocement vers des formations dévalorisées dont ils ne veulent pas. Il est scientifiquement prouvé, depuis près de 50 ans, que les redoublements ne servent à rien et sont néfastes (ils engendrent d’autres redoublements et intensifient l’abandon scolaire). Pire, les effets psychologiques qu’elles génèrent sur les jeunes et leurs familles doivent nous faire considérer les pratiques du redoublement et de l’orientation précoce comme de véritables maltraitances. A cela s’ajoutent 20 000 abandons annuels. Vingt mille jeunes qui, chaque année, se retrouvent sur la rue sans le moindre diplôme. En comptant les 1 400 jeunes qui sont mis à la porte des écoles, le bilan de l’Ecole est lourd : ce n’est rien moins que 100 000 élèves qui, chaque année, sont socialement détruits!

Il y a aussi des milliers d’enfants déscolarisés à domicile ou hospitalisés dans le seul objectif de pouvoir bénéficier d’un enseignement. Le nombre de phobiques scolaires est en augmentation constante. Il y a les dizaines de milliers d’enfants physiquement présents dans les classes mais psychologiquement exclus.

Et les milliers d’enfants handicapés que les écoles refusent d’intégrer. Leur inclusion dans un enseignement ordinaire, avec tous les autres enfants, est un droit défini par la Convention relative aux droits de la personne handicapée que l’Ecole, trop souvent encore, refuse.

Au terme d’une scolarité de 12 ans, seulement moins d’un tiers des élèves (27 %) s’en sort sans échecs. Mais avec quel message, quelle éducation donnée par le système scolaire ? Ils doivent être les meilleurs, battre les autres pour réussir, marcher ou crever… Et, surtout ne pas devenir de vrais citoyens solidaires.

Il y a aussi ces filles éduquées autrement que leurs frères, avec moins de droits et plus de devoirs ; ou ces jeunes qui cachent leur homosexualité, voire subissent l’ostracisme de leurs camarades, le rejet de leurs parents. Enfin des mineurs qui sont victimes de la prostitution ne sont pas une simple illusion. Et ce sont de « bons » citoyens belges qui en sont les clients…

Bien sûr, il est des choses positives, des enfants dont les droits sont vraiment respectés. Mais, finalement, c’est une minorité. Au moins un jeune appartient à un milieu social plus fragile, au plus ses droits sont piétinés. Il y a encore beaucoup à faire pour permettre à tous les enfants de bénéficier de leurs droits les plus fondamentaux. Nous aurions bien besoin des citoyens pour nous y aider. Malgré l’adoption de la Convention relative aux Droits de l’Enfant par l’ONU, les sociétés de protection animales ont toujours cent fois plus de militants et de membres de soutiens que les associations de défense des droits de l’enfant. Cherchez l’erreur…

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