1. Introduction

La Convention des Droits de l’Enfant, en son article 24, traitant du Droit de tous les enfants à la santé, précise notamment que les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale de ce Droit et, en particulier, de prendre les mesures appropriées pour (…) :

  • Faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l’enfant (…) et bénéficient d’une aide leur permettant de mettre à profit cette information ;
  • Développer les soins de santé préventifs, les conseils aux parents et l’éducation et les services en matière de planification familiale.
  • Prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants[1].

La santé des enfants, la prévention des maladie et l’inclusion des enfants à besoins spécifiques dans tous les pans de la société sont une des missions de la Ligue des Droits de l’Enfant. Or, il se fait que les mesures efficaces en vue d’abolir les pratiques préjudiciables à la santé des enfants pèchent par leur absence. L’industrie a créé des substances nocives qu’elle intègre à la fois aux aliments mais également aux cosmétiques, aux objets du quotidien, aux produits sanitaires, etc. qu’il est devenu extrêmement impossible aux parents de faire la part des choses et d’éviter de mettre en contact leur.s enfant.s avec ces poisons.

Le nombre de cancer chez l’enfant a grimpé de 30 % ces 20 dernières années[2]. Plus exactement entre 1980 et 2000. Pire, cette augmentation du cancer s’aggrave de 1 à 3% en plus chaque année[3]. Aujourd’hui, nous parlerons une fois de plus des dangers des nanoparticules. Mais tous les problèmes de santé liés à l’environnement font parties de nos combats. Notre rôle, une fois de plus, est cette-fois-ci d’alerter les familles, mais également les associations qui organisent des plaines de jeux ou des séjours pendant les vacances quant à la dangerosité de certains crèmes solaires, afin qu’ils puissent avoir un jugement critique sur ces produits et donc une prise de conscience des dangers, afin de pouvoir les éviter au mieux.   

2. Les crèmes solaires – notre critique

C’est la saison du soleil. De nombreux vacanciers, tout en cherchant – fort justement – à se protéger et à protéger leurs enfants des dangers du soleil, sont confrontés sans le savoir à un autre danger, tout aussi important, l’exposition de leur peau aux nanoparticules contenues dans les crèmes solaires ! Ce danger est silencieux car l’industrie se garde bien d’avouer qu’elle utilise les nanotechnologies sans en connaître et en avoir étudié les risques sanitaires et environnementaux. Les dangers des nanoparticules commencent seulement à être connus. Elles mettent la santé des consommateurs en grand danger et risquent, à terme, de provoquer un désastre sanitaire et écologique sans précédent.

Depuis quelques années, les nanoparticules sont entrées dans notre vie quotidienne sans crier gare, notamment dans les cosmétiques et produits d’hygiène corporelle, les vêtements et même l’alimentation. Dès lors, que ce soit par voie cutanée, par inhalation ou par ingestion, des nanoparticules sont en mesure de pénétrer dans nos organes et nos cellules.

Les nanotechnologies exploitent les propriétés intimes de la matière à l’échelle du nanomètre (1 milliardième de mètre) pour réaliser de nouveaux dispositifs, objets et systèmes utilisant ces propriétés.

2.1. Pour comprendre ce que sont les nanoparticules

Les nanoparticules[4] appartiennent à la famille des « nanomatériaux ». Elles sont cinquante mille fois plus petites qu’un cheveu humain ! Elles ont ainsi été intégrées, depuis la fin des années 90, dans une grande variété de produits de la vie courante. Pour l’industrie, c’est un véritable succès. Hélas, celui-ci soulève aujourd’hui de nombreuses questions, à commencer par celle de leur éventuel impact sanitaire et leurs effets à long terme sur la santé humaine.

L’ensemble des techniques et des procédés permettant de fabriquer et manipuler les nanomatériaux s’appelle les nanotechnologies. Plus d’un quart des nanoparticules produites chaque année finissent dans nos cosmétiques et produits d’hygiène. Mais on en retrouve également dans les couches pour enfants ou les serviettes hygiéniques, dans les vêtements pour prévenir les mauvaises odeurs ou les rendre waterproof. De même, il faut savoir que les nanoparticules sont présentes en grande majorité dans les produits alimentaires.

  • Revenons aux nanoparticules présentes dans les cosmétiques et les crèmes solaires.

Il y a essentiellement 3 éléments qui sont présents sous forme de nanoparticules dans nos crèmes solaires :

  1. Le dioxyde de titane (TIO2) est un colorant blanc à l’état naturel qui devient transparent à l’état nanométrique. Il est largement utilisé comme agent protecteur anti- UV
  2. L’oxyde de Zinc (ZnO) est lui aussi un bon agent protecteur anti-UV ; il est présent dans certains produits de maquillage. Pour ses propriétés antiseptiques, il est aussi utilisé pour les soins de la peau.
  3. Les fullerènes, qui sont des molécules de carbone, sont utilisées dans certaines crèmes et produits hydratants, parce qu’elles ont des propriétés antibactériennes.
  • Ces nanoparticules posent de graves questions sur le plan de la santé.

Cette toxicité est réelle :

  1. Le Dioxyde de titane (TIO2) est considéré comme biologiquement inerte sous forme brute et est, d’ailleurs utilisé comme additif alimentaire (E172).

Cependant, des expériences en laboratoire montrent qu’à l’état de nanoparticule ou de particule de quelques centaines de nm, le dioxyde de titane endommage l’ADN[5], ce qui peut entraîner la mort de cellules. Si celui-ci est utilisées au-delà d’un certain seuil de concentration, il désorganise les fonctions cellulaires, interfère avec les activités de défense des cellules immunitaires et, en absorbant des fragments bactériens et en les faisant passer à travers le « tractus gastro intestinal », peut provoquer une inflammation[6]. Le tractus gastro-intestinal est la plus grande partie du tube digestif, composé de l’estomac et des intestins.

Des tests sur des souris dépourvues de poils, ont démontré que les nanoparticules de dioxyde de titane peuvent pénétrer à travers la peau, atteindre différents tissus et créer diverses lésions pathologiques au niveau de plusieurs organes majeurs. Les tests indiquent qu’après une « exposition subchronique » par voie cutanée, les nanoparticules de dioxyde de titane s’accumulent principalement dans la rate et le foie[7]. Une « exposition subchronique » est une exposition de durée intermédiaire entre une exposition aiguë et une exposition chronique (se rapporte à une période de vie comprise entre quelques jours et quelques années).

  • L’Oxyde de Zinc (Zn0) est un composé chimique d’oxygène et de zinc. Cet oxyde est quasiment insoluble dans l’eau

Depuis le début du XXe siècle, les fumées des fonderies (contenant de très fines particules – 60 nanomètres[8] – de ZnO) ont causé de graves inflammations pulmonaires chez les ouvriers qui y étaient exposés. Des expériences en laboratoire sur des rats, des coyotes, des lapins et des hommes ont confirmé les données empiriques.

Une exposition à de fortes concentrations à ce composé minéral est susceptible de provoquer une inflammation des voies respiratoires ainsi que des problèmes pulmonaires. L’oxyde de zinc peut servir de colorant. Toutefois, cette utilisation est limitée à un taux maximum de 5 % pour les lotions et les crèmes pour corps et à 25 % pour les poudres en raison de la toxicité de cet oligoélément. Un contact direct avec les muqueuses nasales, oculaires et vaginales peut être dangereux.

  • Les fullerènes de carbone, sont une famille de composés du carbone possédant au minimum 60 atomes de carbone

Les fullerènes de carbone ont des propriétés antibactériennes. Cependant, il a été montré qu’ils provoqueraient des lésions dans le cerveau des poissons ainsi que dans le foie humain. Une étude récente a d’ailleurs démontré que certains d’entre eux induisaient des effets similaires à ceux des fibres d’amiante et donc un risque de cancer.

Dans le cas des fullerènes, certaines études montrent que ces peuvent passer la barrière hémato-encéphalique, c‘est-à-dire la membrane qui sépare la circulation sanguine et le liquide céphalo-rachidien (le fluide dans lequel baigne le cerveau et la moelle épinière). Quand on sait que cette barrière évite le passage d’un certain nombre de bactéries ou de toxines dans le cerveau, on mesure les risques possibles de ces nanoparticules.

3. Mises en gardes ou « Comment se forger un jugement critique pour protéger les enfants ? »

3.1 Mises en gardes

L’EFSA (Autorité européenne pour la sécurité alimentaire) a publié un rapport[9] sur les risques potentiels liés à l’utilisation des nanotechnologies dans l’alimentation qui confirme largement le manque de connaissance actuel en ce qui concerne les effets potentiels et les impacts de matériaux nanodimensionnés (un milliardième de mètre) sur la santé humaine et l’environnement. Le Comité scientifique de l’EFSA insiste en conclusion sur le haut degré d’incertitude qui frappe toute évaluation du risque en la matière.

L’AFSSET (l’Agence Française de Sécurité Sanitaire, de l’Environnement et du Travail), dans un rapport sur l’exposition du consommateur aux nanomatériaux, affirmait en 2008[10] que « si certaines études in vitro et in vivo (en laboratoire NDLR), utilisant différents modèles de peau, montrent que les nanoparticules de dioxyde de titane ne pénètrent pas dans les tissus cutanés vivants et restent limités aux premières couches du ‘Stratum corneum’. A l’inverse, d’autres semblent indiquer que le passage cutané existe et que les nanoparticules de dioxyde de titane peuvent se retrouver dans la couche profonde de l’épiderme ».

Quatre ans plus tôt, le rapport de la Royal Society du Royaume Uni recommandait que « les composants sous forme de nanoparticules devraient être soumis à une étude de risque complète menée par le conseil scientifique adéquat, avant qu’elles ne soient autorisées à être utilisées dans des produits ». Malgré cet avertissement, les entreprises se précipitent pourincorporer des nanomatériaux dans leurs produits et cosmétiques, profitant de l’absenced’étude de risque indépendante.

Les Amis de la Terre / Friends of the Earth demandent un moratoire sur toute commercialisation de produits corporels qui contiennent des produits issus des nanotechnologies et que les produits actuellement sur le marché soient retirés jusqu’à ce que des études de risques, indépendantes, adaptées, soumises à la critique et accessibles au public n’aient été menées.

Le GRAPPE[11] rappelle qu’il plaide pour l’adoption d’un moratoire sur la mise sur le marché de produits manufacturés contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux et susceptibles d’être inhalés, ingérés ou absorbés par voie cutanée. De toute manière, un étiquetage distinctif doit être apposé.

3.2. Les risques pour l’environnement

Selon l’usage qu’on en fait, les nanoparticules peuvent être diffusées en plus ou moins grande quantité dans les eaux, l’air et en fin de compte contaminer les sols et les eaux souterraines. Même lorsque les nanoparticules sont intégrées dans des produits manufacturés et durables (articles de sport, composants électroniques, …), elles se retrouveront en fin de vie de ces produits dans l’environnement et constitueront une nouvelle classe de polluants non biodégradables. Le GRAPPE précise que leur comportement à long terme et leurs effets sur les écosystèmes sont difficiles à prévoir, en l’absence d’expérience préalable. Au mieux, les nanoparticules formeront des conglomérats de taille classique et qui pourront être traités comme des déchets industriels familiers. Les études restent, à ce jour, peu nombreuses et insuffisamment approfondies pour qu’on puisse disposer de résultats concrets.

Concernant la pollution des sols, la réactivité très grande des nanoparticules implique que la probabilité de les voir se combiner avec des substances présentes dans les sols est grande. Il est donc parfaitement concevable, ajoute le GRAPPE, que de nouveaux composés toxiques apparaissent.

Enfin, en ce qui concerne la pollution des eaux[12], la recherche scientifique a démontré que l’on a retrouvé dans les glaces polaires les polluants organochlorés[13] produits dans les pays industrialisés. On peut donc imaginer que le cycle de l’eau transporte les nanopolluants sur l’ensemble de la planète.

4. Comment protéger les enfants des risques sanitaires liés aux nanoparticules contenues dans les crèmes solaires ?

Il est fondamental de protéger des nanoparticules les enfants, surtout les plus petits, en choisissant une crème solaire exempte de dioxyde de titane. Ces dernières années, la recherche biomédicale a clairement démontré que les premiers stades de la vie, de la conception aux deux premières années de l’enfance, sont des périodes de très grande vulnérabilité à la toxicité des substances chimiques.

Les femmes enceintes doivent éviter, également, d’utiliser des crèmes solaires contenant des nanoparticules afin de protéger leur enfant.

Ne jamais mettre de crème solaire contenant du dioxyde de titane sur un coup de soleil ou une peau abimée (blessure, eczéma, peau atopique, psoriasis, …). 30 à 50 % des individus sont atopiques (c’est-à-dire qu’ils ont une prédisposition aux allergies) et 2 à 3 % souffrent de psoriasis.

5. Conclusion

En général, il est toujours préférable de choisir une crème solaire sans Titane (dioxyde de titane, TiO2, E172). Il faut lire correctement la composition du produit avant d’acheter. Les crèmes solaires bio ne sont pas une garantie car elles ne sont nécessairement exemptes de dioxyde de titane. Dans le cas des crèmes solaires, comme de tous les produits cosmétiques en général, c’est le principe de précaution qui doit guider chaque consommateur, prioritairement à l’égard des enfants.


[1] Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE), ONU 1989.

[2] Le nombre de cancer chez l’enfant a grimpé de 30 % ces 20 dernières années, Sciences et Avenir, le 12.04.2017

[3] L’inquiétante augmentation du cancer chez l’enfant: 1 à 3% en plus chaque année, RTBF, 01 févr. 2013

[4] Le préfixe « nano » vient du grec « nanos » qui signifie nain. Un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre soit approximativement 1/50 000 de l’épaisseur d’un cheveu humain.

[5] L’ADN est la molécule qui porte l’information génétique chez les vivants.

[6] Friends or Earth Australia, Europe and USA : « Out of the laboratory and on to our plates ; a report by G. Miller and Dr Rye Senjen, mars 2008. En ligne sur www.foeeurope.org/activities/nanotechnology/index.htm

[7] AFSSET « Nanomatériaux et exposition du consommateur » p 101 et 102

[8] 1 nanomètre (nm) correspond à un milliardième de mètre.

[9] Scientific opinion of the Scientific Comittee on a request from European Commission on the Potential Risks from Nanoscience ans Nanotechnologies on Food and Feed Safety ; the EFSA Journal (2009) 958, 1-39

[10] AFSSET Rapport « Nanomatériaux et exposition du consommateur » p107

[11] Les dossiers du Grappe : Nanotechnologies : les nanoparticules sont parmi nous.31 octobre 2009 http://www.grappebelgique.be/spip.php?article894

[12] Selon l’AFSSET, l’achat de crèmes solaires en France correspondrait à 2 300 tonnes et la part de TiO2 disséminé annuellement dans l’environnement en France serait de 230 tonnes par an !

[13] Les organochlorés ont la particularité d’être très persistants dans l’environnement (eau, air, sol) et de pouvoir s’accumuler dans les tissus graisseux animaux et humains.

Accessibilité