Editorial rédigé pour la revue Bajeinfo

La Belgique est le second pays d’Europe à défendre le mieux les droits des personnes LGBT et l’un des 14 pays dans le monde qui assurent une protection juridique complète aux femmes . Nous pourrions être tentés de nous dire que tout va bien et que l’égalité entre êtres humains est une réalité chez nous.

Malheureusement, les lois les mieux faites ne peuvent empêcher la violence imbécile, qu’elle soit verbale, physique ou psychologique.

Si Unia ne constate pas d’augmentation du nombre de signalements liés à l’orientation sexuelle, ceux-ci sont devenus largement plus violents. Sur 54 dossiers d’actes de haine contre les personnes LGBT clôturés en 2022, près de la moitié (44%) concernaient de la violence physique . Selon Patrick Charlier, co-directeur d’Unia , « Il y a une sorte de réaction plus viscérale qu’intellectuelle lorsque les personnes sont confrontées à l’homosexualité : lorsque des hommes se donnent la main, des femmes s’embrassent… Les agresseurs se sentent insécurisés parce que cela perturbe les représentations genrées que l’on a acquis globalement dans la société et ils réagissent par la violence parce qu’ils ne le supportent pas. ».

La violence faite aux femmes est trop peu prise en compte. Rien qu’en 2022, 24 féminicides ont été recensés chez nous. C’est un chiffre a minima. A côté de ces meurtres, combien de scènes de violences les femmes doivent-elles subir ? Chaque année, plus de 45 000 dossiers de violences faites aux femmes sont enregistrés par les parquets. En 2010, l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes estimait qu’une femme sur sept avait été confrontée à au moins un acte de violence commis par son (ex-) partenaire au cours des 12 mois précédents . Une femme sur cinq a déjà subi un viol. Chez les jeunes, cela monte même à une personne sur quatre. En outre, 23% des femmes ont subi des relations sexuelles forcées par leur partenaire et 48% des victimes d’agression sexuelle l’ont été pour la première fois avant leurs 19 ans .

Un homme sur deux estime qu’une victime peut être en partie responsable de son agression. Près de 20% des jeunes pensent qu’ils ne peuvent pas être accusé de viol au sein du couple. Un jeune sur trois estime que si une personne ne dit pas explicitement «non», cela ne peut pas être un viol . Nous devons constater que notre société a loupé l’essentiel : l’éducation au respect de toutes les différences de genres.

Ces violences concernent aussi les hommes. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes estimait en 2017 que si 33,7% des femmes ont subi des violences conjugales, il en allait de même pour 14,9% des hommes .

L’éducation à la lutte contre les stéréotypes de genres doit se faire au quotidien. Ce ne sont pas quatre périodes d’Evras sur la scolarité qui vont changer les choses. L’éducation au respect de toutes les différences est un sujet transversal. Elle doit être inclue dans tous les cours.

L’Institut de Physique anglais (IoP) a publié en 2015 un rapport sur le sexisme et les stéréotypes sexuels à l’école. Le constat était que « l’utilisation d’un langage sexiste et misogyne est monnaie courante dans les écoles ». Si l’ensemble du personnel des écoles secondaires ont déclaré entendre ce genre de langage quasiment tous les jours, ce problème était souvent rejeté comme un « badinage inoffensif » et peu pris en compte. L’Ecole doit donc remettre en cause ses pratiques.

Les écoles sont mixtes et doivent apprendre aux filles et aux garçons à vivre ensemble, dès le début de l’enseignement maternel et tout au long de la scolarité. Les écoles accueillent également des jeunes qui se vivent différent.e.s parce que le genre qui leur a été assigné à la naissance ne correspond pas à ce qu’ielles sont profondément, ou parce qu’ielles aiment différemment que ce que les représentations genrées ont « codifié ». Les écoles doivent donc devenir pleinement « Pour Tou.te.s » , afin de montrer l’exemple.

Ce combat doit également être porté par l’ensemble de l’associatif, de l’extrascolaire, des académies, des maisons de quartiers, des lieux d’accueil, etc. Nous avons toutes et tous la mission d’éduquer. Les articles 28 et 29 de CIDE , imposent, non seulement le droit à aller à l’école, mais surtout le Droit à l’éducation. Tous les lieux où passent des enfants ont l’obligation d’éduquer au vivre ensemble .

Si nous voulons voir disparaître à terme les violences sexistes, homophobes ou transphobes, c’est toute la société qui doit éduquer les enfants, dès leur plus jeune âge.

Jean-Pierre Coenen
Président de la Ligue des Droits de l’Enfant

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