1.    Les perturbateurs endocriniens, sont-ils dangereux pour nos enfants ?

La santé des enfants est une préoccupation importante à la Ligue des Droits de l’Enfant. Régulièrement, nous reviennent des questions sur la santé, au travers des combats que nous portons pour l’école inclusive. Permettre à des enfants en situation de handicap de bénéficier d’une école inclusive est une chose, mais il faut également penser aux enfants malades, ou ceux dont la santé se dégrade de par l’alimentation : troubles de l’attention, hyperactivité, boulimie, compulsion alimentaire, anorexie mentale, difficultés de concentration et de mémorisation etc. Comment l’école inclusive doit-elle faire pour inclure ces enfants et les éduquer à une meilleure alimentation ?

Une question que se posent ces parents pour la santé de leurs enfants est « Sont-ils menacés par les objets de la vie quotidienne, par la nourriture que nous leur faisons avaler ? A quoi devons-nous être plus attentifs ? ».

Cette crainte est-elle réelle ? Ces objets et la nourriture seraient-ils envahis de produits chimiques qui contamineraient toute la famille ? Et si on jetait un coup d’œil à ce que contiennent nos armoires, nos frigos, nos réserves, mais aussi nos meubles, nos objets de tous les jours comme la brosse à dents ou l’aspirateur, voire encore notre mobilier, pour en savoir un peu plus ?

Nous n’avons pas les moyens de l’Association pour les Générations futures, mais nous avons aussi pour objectif la protection des enfants et, donc, de l’information des parents et des associations de terrain qu’ils côtoient et avec qui nous travaillons. Ces associations de terrain ont la possibilité de sensibiliser les familles aux dangers qui se retrouvent dans la nourriture que l’on achète.

2.    Où se cachent les perturbateurs endocriniens ?

Les objets et la nourriture que nous achetons contiennent parfois des produits chimiques qui peuvent être dangereux pour notre santé. Certains sont à l’origine de malformations ou d’infertilité.

Prenons une journée au hasard et voyons à quels moments nous –  et donc nos enfants aussi – sommes en contact avec des produits chimiques potentiellement dangereux.

Dès le lever, on commence souvent par se rendre à la salle de bain. Dans celle-ci se trouve tout une collection de savons, de produits cosmétiques ou de produits de nettoyage.  En se brossant les dents, il n’est pas impossible qu’on ingère du Triclosan. Cette molécule est un antibactérien, suspectée d’être un perturbateur endocrinien et un cancérigène. Et ne parlons pas des fonds de teint (Benzophenone), des rouges à lèvres (Parabène) ou des parfums (Phtalates) que se mettent les mamans, montrant ainsi l’exemple à leurs filles. Les shampoings ne sont pas aussi neutres qu’on pourrait le penser.

Mettre un shampoing anti-poux à son enfant, revient à l’asperger de Perméthrine, un produit très toxique pour de nombreux animaux, et en particulier les chats et les animaux à sang froid comme les batraciens ou les insectes. Il semble qu’elle ne soit pas encore classée pour l’être humain, mais que devons-nous en penser quand d’autres mammifères ne la supportent pas ?

Passons ensuite à table, un moment qui ne devrait pas poser de problème. A priori, nous ne nourrissons pas les enfants avec des produits chimiques. Manger une tartine à la confiture devrait être un geste sans danger. Pourtant, en avalant, nous ingérons une dose non négligeable de pesticides, des produits chimiques complètement invisibles. Les soupes industrielles, yaourts aromatisés, charcuteries, moutardes, sauces, olives, fruits confits, viandes transformées[1], etc. contiennent une nombre important de restes de produits chimiques, mais également des conservateurs ou des colorants qui y ont été ajoutés.

Les collations et les aliments « plaisir » comme les bonbons qui sont si bons, le chewing-gum, la pâtisserie ou encore les biscuits ne sont pas épargnés.

Faire le ménage n’est pas moins dangereux. Des retardateurs de flammes bromés se retrouvent couramment dans les plastiques, les textiles (tentures, draps, couvre-lits, moquettes, …), les matériaux synthétiques (mousses plastiques), et les équipements électriques (aspirateurs) et électroniques (électroménager, téléviseurs, ordinateurs). Selon l’association Santé Environnement France, il semble qu’ils aient un effet sur le système endocrinien, notamment sur la thyroïde et les fonctions reproductrices[2]

3.    Quels sont les effets des perturbateurs endocriniens sur les enfants ?

Toutes ces substances sont des perturbateurs endocriniens. On ne peut pas y échapper, elles se retrouvent dans toutes les pièces de la maison et dans la plupart de nos aliments. Ils sont suspectés de provoquer des cancers, des malformations génitales chez des bébés et de provoquer des problèmes d’infertilité.

Ce sont des produits persistants que l’on retrouve dans nos organismes des années après avoir été interdits. Nous les accumulons tout au long de notre vie sans parvenir à les éliminer. Il en va de même pour la nature. Le Lindane, un pesticide classé comme polluant organique persistant, est interdit depuis près de 25 ans. Malgré cela, on le retrouve toujours dans l’environnement et, de ce fait, nous y sommes toujours exposés.

Aujourd’hui, 2 cancers sur 3 surviennent chez des personnes âgées. Or, celles-ci ont été un peu plus épargnées durant leur enfance et, de ce fait, hébergent moins de perturbateurs endocriniens et de pesticides que les jeunes générations qui sont nées avec 300 résidus chimiques qui n’étaient pas présentes dans le sang des générations antérieures. Tous les enfants naissent dans un environnement complètement pollué par ces substances persistantes. Quel risque ont-ils de développer à leur tour un cancer après 60 ans ? Voire de plus en plus jeunes ?

Les produits les plus répandus dans nos organismes aujourd’hui, sont les pesticides. L’alimentation n’est pas étrangère à cela. Les fruits et légumes subissent de nombreux traitements de pesticides. Les pommes, par exemple, subissent jusque… 35 traitements. Les fraises, en subissent jusqu’à 8 et cela peut aller jusque 19 pour le raisin.

Un des principaux problèmes des perturbateurs endocriniens est qu’ils sont capables de dérégler le système hormonal, depuis l’hypotalhamus[3] jusqu’aux glandes reproductives (ovaires et testicules), en passant par la thyroïde et le pancréas.

Les perturbateurs endocriniens modifient le comportement des enfants, notamment en générant des troubles de l’attention, parfois avec hyperactivité, ainsi que des difficultés de concentration et de mémorisation. On remarque dans les écoles que le nombre d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage a augmenté au fil des ans. De même les troubles autistiques sont en progression à travers le monde. Aux Etats-Unis, le taux d’enfants autistes est passé de 1,5% de la population à 1,7% en trois ans. Les causes environnementales causées par la pollution industrielle et les pesticides, hauts perturbateurs endocriniens, sont pointées du doigt[4].

Et, comme leur nom l’indique, les perturbateurs endocriniens perturbent fortement le système endocrinien. L’Union Européenne a établi un règlement, REACH[5], qui alertait déjà en 2004 que « L’un des effets les plus alarmants, susceptibles d’être liés aux perturbateurs endocriniens est la puberté prématurée chez les filles ».

Les troubles de la stérilité touchent de plus en plus de femmes et d’hommes. Un couple sur huit consulte parce qu’ils ne savent pas avoir d’enfants. C’est deux fois plus que dans les années 60. De même, dans les années 60, le risque pour une femme d’avoir un cancer du sein au cours de sa vie était de 1 sur 20. Aujourd’hui, il est de 1 sur 8 [6]. Et le cancer de la prostate est au premier rang des cancers chez l’homme, représentant 25% de l’ensemble des cancers masculins. Ces cancers sont de type hormono-dépendants. Ils mettent en cause le système endocrinien qui est la cible de nombreux polluants chimiques suspectés ou reconnus comme étant des perturbateurs endocriniens.

Durant la maternité, les perturbateurs endocriniens n’épargnent pas les fœtus. On a remarqué ces dernières années une augmentation inquiétante des malformations génitales touchant les nouveaux nés.

Une étude publiée dans la revue Europeen Urology[7] a démontré que les garçons ont trois fois plus de risques de naître avec une hypospadias[8] ou un micropénis s’ils ont été exposés à des perturbateurs endocriniens durant la grossesse, au moment de la différenciation sexuelle. L’hypospadias n’est pas une malformation rare. Pourtant, d’année en année, elle touche de plus en plus de petits garçons. Fort heureusement, la chirurgie est capable de corriger cette anomalie génitale dès les premiers mois de vie du bébé. Mais, malheureusement, ces enfants sont plus à risque d’attraper un cancer des testicules durant leur existence. Ils devront être suivis toute leur vie.

4.    Les prochaines générations sont en danger

Le métier de la maman se révèle un facteur de risques très important. Le fait d’occuper une profession « à risques », comme coiffeuse, esthéticienne, femme de ménage, agricultrice, ou qui habite dans une zone où l’on pratique une agriculture intensive multiplie par onze le risques d’avoir un enfant porteur d’un hypospadias. Le fait d’être exposé à des perturbateurs endocriniens durant la grossesse, est un facteur aggravant[9][a].

Malheureusement, dans certaines professions, les femmes sont exposées en permanence, comme les coiffeuses et les esthéticiennes. Les produits employés dans ces métiers sont extrêmement dangereux pour les fœtus. Les shampoings, les colorations, les vernis à ongles, etc., contiennent des substances extrêmement dangereuses pour le système endocrinien des bébés.

Si les métiers de coiffeuses et d’esthéticiennes sont particulièrement à risques, vivre une vie de petite fille ne l’est pas toujours moins. On retrouve, par exemple des perturbateurs endocriniens dans les produits cosmétiques qui leur sont destinés : vernis à ongles pour enfants, colorants, shampoings, parfums, etc. Les garçons ne sont pas épargnés quand ils se lavent les cheveux. On retrouve ces composés chimiques dans les crèmes solaires où ils sont employés comme anti UV. Il faut savoir que les perturbateurs endocriniens peuvent avoir un impact, non seulement sur l’avenir de ces enfants, mais également sur l’avenir de leurs propres enfants.

Les enfants sont le plus exposés car leur développement cellulaire est vulnérable à l’exposition aux polluants. Dans les premiers mois de la vie, leur métabolisme est immature et n’a pas la capacité d’éliminer les produits chimiques. Durant leur enfance, ils sont proportionnellement plus lourdement exposés par unité de poids corporel. L’industrie alimentaire doit respecter les doses maximales d’additifs dans la nourriture, mais celle-ci sont calculées sur la base d’une exposition admise au cours d’une vie d’adulte. Ces doses sont, dès lors, trop hautes pour les enfants qui en accumulent plus, proportionnellement aux adultes. Mais l’adolescence est particulièrement à risque. C’est la dernière période de croissance rapide et le moment de la complète différenciation de l’appareil reproducteur. Les expositions aux perturbateurs endocriniens peuvent alors s’avérer cruciales.

La meilleure manière de protéger les fœtus pendant la grossesse, est d’informer les mamans et de leur apprendre à s’auto-protéger. Cette bonne habitude permettra ainsi aux enfants de continuer à être mieux protégés au cours de leur jeunesse.

5.    Comment se protéger des perturbateurs endocriniens ?

Il n’est pas facile de s’y retrouver dans valse des additifs alimentaires. Généralement indiqués avec leur nom de code commençant par un E suivi de trois chiffres ou par un nom scientifique, ils avancent masqués. Certains sont absolument inoffensifs comme la cannelle dans les compotes, tandis que d’autres sont chimiques inventés pour augmenter la conservation, rendre plus appétissant ou camoufler la mauvaise qualité des produits.

Quand un additif est autorisé, il reçoit un code qui commence par le E d’Europe, suivi d’un nombre à 3 ou 4 chiffres entre 100 et 900, chaque centaine représentant une famille d’additifs précise. Mais le fait d’être autorisé, ne veut pas dire que cet additif est inoffensif. En outre, le fabriquant a la possibilité de choisir entre le code européen et le nom scientifique. Par exemple, E250 ou Nitrite de sodium, histoire de nous perturber un peu plus encore.

Pour les éviter les perturbateurs endocriniens au maximum, il n’y a qu’une chose possible à faire, il est important de bien lire les étiquettes et de manger si possible bio, tout en évitant les produits préparés qui sont chargés massivement d’additifs alimentaires. 

Comme nous l’avons vu, dans la maison il est difficile de se protéger des perturbateurs endocriniens tant ils sont dans tout.

Sur les produits de lessives, privilégier le bio ou les recettes de grand-mère, qui utilisent des produits naturels comme les copeaux de savon de Marseille, le jus de citron, le vinaigre blanc et ou encore le bicarbonate de soude. On trouve des dizaines de recettes sur le Web.

Dans la cuisine éviter les contenants en plastique (boîtes, plats, tasses, assiettes et couverts). Lorsque l’on fait les courses, il vaut mieux acheter des produits sans emballage plastique. Ne pas acheter de nourriture préparée, mais cuisiner soi-même les repas. Eviter les conserves en métal, l’intérieur étant tapissé d’un film plastique. Eviter les revêtements anti-adhésifs.

Dans la salle de bain, acheter des savons et dentifrices bios. Limiter les cosmétiques inutiles (parfums, vernis à ongle, rouges à lèvres, fonds de teint). Privilégier le savon de Marseille et des produits bios. De même pour les crèmes solaires, privilégier les vêtements couvrants ou les toiles suspendues (parasols, toiles et stores d’ombrage).

Pour plus d’exemples afin de changer ses habitudes, le site d’Ecoconso est fort intéressant et donne de précieux conseils : https://www.ecoconso.be/fr/content/comment-eviter-les-perturbateurs-endocriniens

6.    Conclusion : L’Europe traîne les pieds mais nous, on n’a pas le choix. Nous devons avancer.

L’Europe s’est engagée à limiter les perturbateurs endocriniens mais traîne à le faire. Connaissant ses habitudes à privilégier les intérêts des lobbies industriels et leur poids économique plutôt que ceux des enfants et de leurs familles, nous n’avons d’autre choix que de défendre nos enfants nous-mêmes, en utilisant les alternatives qui existent.

En devenant des consommateurs plus conscients des risques pour la santé des enfants, nous pourrons modifier nos habitudes. En cessant d’acheter des produits contenant des perturbateurs endocriniens, nous pourrons forcer les industriels à produire plus propre. En n’achetant plus d’aliments contenus dans du plastique, en n’utilisant plus de pesticides ni dans la maison (insecticides), ni dans le jardin, l’industrie s’adaptera et proposera enfin des produits plus respectueux de la santé. Il faudra des années, car peu de personnes sont conscientes des risques dûs aux perturbateurs endocriniens. Conscientiser prendra des années, voire plusieurs générations. Mais en attendant nous n’avons pas le choix. C’est la santé de nos enfants qui importe. Et cela passe avant tout. 


[1] Que Choisir a publié la liste des additifs alimentaires et les aliments dans lesquels ils sont utilisés, sur leur site https://www.quechoisir.org/comparatif-additifs-alimentaires-n56877/?#filtres

[2] https://www.asef-asso.fr/production/les-retardateurs-de-flamme-la-synthese-de-lasef/

[3]     Partie du cerveau qui joue un rôle capital dans la régulation des fonctions vitales (sommeil, activité sexuelle…).

[4] TV5 Monde, 27 avr 2018, Autisme : les Etats-Unis s’alarment de l’augmentation des cas.

[5]  Règlement de l’Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques, tout en favorisant la compétitivité de l’industrie chimique de l’UE.

[6] https://pink-ribbon.be/fr/sur-le-cancer-du-sein/cijfers-over-borstkanker-1

[7] https://www.europeanurology.com/article/S0302-2838%2815%2900409-1/fulltext#aff0010

[8] Malformation de l’urètre caractérisée par un méat urinaire situé à la face inférieure de la verge ou même au niveau du périnée (et non à l’extrémité de la verge).

[9] Bernardita Troncoso, Imran Mushtaq, Asif Muneer

Environmental Exposure to Endocrine Disruptors: Can We Identify the Link with Genital Disorders?

European Urology, Volume 68, Issue 6, December 2015, Pages 1031-1032


 

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