L’implication des familles a des effets positifs sur les devoirs…
Selon une méta-analyse américaine[1], l’influence des parents sur les devoirs à la maison varie selon l’âge des enfants et leur implication. Plus les parents sont impliqués dans l’aide aux devoirs, plus les devoirs sont rendus complets et corrects. Ce n’est plus vrai en début de secondaire (collège ou middle school) mais le redevient en fin de secondaire (lycée ou high school).
… Mais pas sur les apprentissages
Ces études ne disent rien de la qualité des apprentissages réellement faits par les élèves pendant les devoirs à la maison. D’autres études ont mis en évidence les effets négatifs de l’aide des parents sur les apprentissages, notamment les difficultés rencontrées par les familles de milieux populaires vis-à-vis des devoirs[2].
L’implication des parents dans les études de leur enfant n’a pas d’incidence sur sa réussite. Au contraire, révèle une méta-étude américaine menée par les professeurs de sociologie Keith Robinson et Angel Harris et publiée dans un livre intitulé « La boussole cassée »[3]. La plupart des formes mesurables de la participation des parents (aider les enfants à faire leur devoir, parler avec eux, faire du bénévolat à l’école…) ne semble pas apporter les résultats escomptés. Pire, à partir du collège (12 ans), l’aide apportée aux enfants semble tirer les résultats scolaires vers le bas, et ce quelle que soit la classe sociale, l’origine ethnique ou le niveau d’éducation des parents. Les ingérences des parents ont surtout pour résultat de rendre les enfants plus anxieux qu’enthousiastes à propos de l’école.
L’aide parentale n’est pas toujours gage d’efficacité et n’aboutit pas forcément à un effet positif. Celle-ci peut même s’avérer être inappropriée. Par exemple par l’apprentissage de méthodes différentes de celles de l’école, telles que les parents les ont apprises en leur temps[4]. Si l’engagement des parents semble positif aux enfants, plus de la moitié d’entre eux déclarent n’aimer travailler avec leurs parents que « parfois » ou « pas du tout ». Les raisons invoquées sont liées aux décalages des méthodes, aux décalages de langage et aux tensions qu’engendrent parfois les devoirs au sein de la famille[5].
Il semble, en effet qu’environ 2/3 des parents apportent une aide parfois inappropriée. Soit parce que celle-ci vise à terminer au plus vite les devoirs, soit en tentant d’expliquer les concepts et méthodes avec des termes différents de ceux utilisés en classe ou, enfin, parce que certains exercices mériteraient d’être faits seul pour assurer une certaine efficacité[6].
Si certains parents sont trop effacés par manque de confiance ou de compétence, d’autres sont trop intrusifs[7]. Trop aider les enfants à la maison peut avoir des effets contre-productifs en entravant l’acquisition des savoirs, en développant chez l’enfant le sentiment qu’il est incompétent (papa ou maman sait tout, je ne serai jamais comme lui/elle) et qu’il ne pourra jamais rien faire seul, sans ses parents[8]. Mais, cela peut aussi, engendrer un sentiment d’obligation de réussite et créer des tensions au sein de la famille. Les effets néfastes du phénomène de « surparentalité » (overparenting) sur les résultats des enfants sont connus. Les devoirs sont l’occasion pour certains parents de réparer leurs propres échecs scolaires, ce qui génère des dysfonctionnements familiaux, corrélés à une communication intrafamiliale de mauvaise qualité.
N’oublions pas les risques psychologiques de cette surparentalité : niveaux d’aide inappropriés de la part des parents, stress et anxiété tant chez les parents que chez les enfants, manque de confiance et de persévérance chez l’élève, incapacité à gérer ses devoirs, à être autonome et responsable[9], …
Philippe Meirieu précise que « Si on veut que les parents soient efficaces pour aider leurs enfants à l’école, il vaut mieux qu’ils s’intéressent moins directement au travail scolaire qu’à la vie de l’enfant dans la famille. Les recherches que nous avons menées en Belgique, en Suisse, en France ou au Canada montrent que le temps passé par les parents à faire travailler leurs enfants sur les devoirs scolaires n’a pas d’incidence directe sur la réussite scolaire. Cela ne veut pas dire que les parents ne sont pas importants pour la réussite scolaire: ce qui est déterminant, c’est moins le fait de contrôler le travail que d’avoir, en famille, des attitudes qui contribuent à la construction de l’intelligence. Saisir dans la vie familiale le prétexte de l’organisation d’un voyage, d’un goûter d’anniversaire, de la rénovation d’une chambre, ou d’une émission de télé que l’on regarde ensemble, pour échanger avec l’enfant, pour le faire anticiper, le faire réfléchir, c’est cette réalité-là qui est déterminante. Elle forme chez l’enfant des capacités d’écoute, de dialogue, d’anticipation qu’il transférera dans ses activités scolaires[10]. »
A suivre… Quel est le temps passé à faire des devoirs ?
[1] Patall et al., 2008
[2] Kakpo Séverine : Les devoirs à la maison : Mobilisation et désorientation des familles populaires. PUF 2012
[3] Keith Robinson, Angel L. Harris. The Broken Compass, Parental Involvement with Children’s Education. Harvard University press. 2014
[4] Van Hooris, 2003, citée par Glasman Dominique & Besson Leslie (2004). Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école. Rapport public. Paris: Haut conseil de l’évaluation de l’école. France
[5] Balli, 1998, “When mom and dad help : student reflexions on parent involvement with homework”, Journal of research and development in education, n°31 (3) – 1998, p 142 – 146
[6] Van Voorhis, 2003, “Interactive homework in middle school : effects on family involvement and science achievement”, The Journal of Educational Research, n°96 (6) – 2003
[7] Caille, 1993, cité par Glasman & Besson,2004 – ibid.
[8] Pomerantz Eva & Eaton Missa (2000). Developmental differences in children’s conceptions of parental control: “They love me, but they make me feel incompetent”. Merrill-Palmer Quarterly, vol. 46, n° 1.
[9] Segrin Chris et al. (2013). Parent and child traits associated with overparenting. Journal of Social and Clinical Psychology, vol. 32, n° 6, p. 569-595.
[10] Bas du formulaire
Philippe Meirieu : sur le rôle des devoirs et celui des parents dans le développement de l’autonomie de enfants, Interview dans LE SOIR du 17 mars 2000