Communiqué de presse août 2011

La Ministre Simonet lance une réforme du troisième degré de l’enseignement qualifiant. Comment ?   Les  élèves conserveront  comme acquises les unités de formation qu’ils auront réussies, à l’image des crédits dans l’enseignement supérieur. Le Gouvernement espère ainsi que les élèves qui ne seront pas parvenus à décrocher leur diplôme de fin du secondaire pourront tout de même revendiquer des compétences sur le marché de l’emploi.

Nous partageons l’intention du Gouvernement de lutter contre l’échec et l’abandon scolaires ; mais la réforme telle qu’envisagée pose de multiples questions et les réponses restent inexistantes, vagues ou peu consistantes :

  • Chaque jeune, quelle que soit son orientation, doit pouvoir avoir accès à une formation générale et citoyenne de qualité (historique, sociale, culturelle etc..) pour apprendre à communiquer avec les autres, acquérir un esprit critique et accéder à la citoyenneté.  La formation générale envisagée n’est-elle pas encore plus déforcée qu’elle ne l’est déjà actuellement ? Un Groupe de Travail est, paraît-il, constitué pour réfléchir à la  formation générale dans le cadre de la réforme.
  • N’est-ce pas un leurre de faire croire aux jeunes que la connaissance partielle d’un métier représente une certaine valeur sur le plan de la maîtrise professionnelle ? Quelle sera l’attitude des employeurs ? Hésiteront-ils à engager ces jeunes, quelque peu dégrossis professionnellement au tarif de manœuvre ou d’employé non qualifié ?
  • Les élèves non diplômés pourront toujours se tourner vers des organismes de formations professionnelles (FOREM, Bruxelles formation, …) afin de compléter leur formation et espérer, un jour, obtenir un diplôme. Comment va-t-on y arriver ? Quelle instance va arbitrer les productions des différents opérateurs et trancher en cas de divergence ? Quel sens cela a-t-il pour la Communauté française de s’avancer seule dans ces transformations des cursus de formation professionnelle ?
  • Quels moyens seront octroyés aux écoles pour leur permettre d’organiser la remédiation et l’aide aux élèves en difficultés ?  Rien n’est prévu ; l’école devra alors organiser l’emploi du temps des élèves voulant recommencer leurs unités ratées. Comment cela ? Comme les directions l’entendent ! Liberté pédagogique oblige…
  • Comment concilier l’individualisation du parcours de formation  et l’organisation des institutions de formation qui reposent sur un principe collectif, commun et obligatoire ?
  • Que fait-on au 2e degré qualifiant, degré qui accueille beaucoup trop d’élèves qui y arrivent suite à un échec ? On réforme  le 3e degré ; mais rien n’est prévu pour le 2e degré .
  • Quelle concertation avec les équipes éducatives et les enseignants du terrain ?  Les groupes de travail sont constitués essentiellement de chefs d’établissement,  inspecteurs, conseillers pédagogiques, chefs d’atelier, …
  • A-t-on préparé la réforme ? Les formateurs seront formés en août 2011 ; la circulaire sur les référentiels expérimentaux (246 pages) a été diffusée le 20 juin 2011.

Vouloir revaloriser l’enseignement technique et professionnel sans s’attaquer à ces questions  ne peut que mener à l’échec. On ne rendra l’enseignement qualifiant plus efficace qu’en améliorant la pédagogie, en généralisant les bonnes pratiques et en associant les équipes éducatives.

Selon nous, les difficultés des jeunes de l’enseignement qualifiant proviennent des défaillances de notre système éducatif, source de nombreuses inégalités.  Il s’ensuit une pratique systématique de la relégation.  C’est donc prioritairement en amont qu’il faut mettre en place une réforme.   Diverses recherches ont d’ailleurs montré que l’orientation précoce des élèves vers des filières différenciées accroissaient les inégalités. Face à cela, la plate-forme contre l’échec scolaire propose d’instaurer un tronc commun dans un premier temps jusque 14 ans  pour, progressivement, et après évaluation, aller jusqu’à 16 ans afin de retarder le plus tard possible la sélection, de laisser les jeunes mûrir leur projet d’avenir et d’éviter les relégations.

Si on ne s’attaque pas à ses causes majeures, si on ne renforce pas la formation générale dans  les filières qualifiantes, il est vain de lutter contre l’échec scolaire dans l’enseignement technique et professionnel. A moins que la stratégie envisagée repose sur une volonté plus ou moins consciente de supprimer le problème en diluant l’échec dans une multitude de mini-certifications ?   Pour rétablir son image d’une institution sans échec, l’école aura ainsi renoncé à former des jeunes qualifiés et citoyens.

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