L’éducation est, avant tout, un droit de l’enfant.

 Des valeurs humanistes …

Critiqué, démonté, vilipendé par beaucoup, le projet de Contrat stratégique de la Ministre de l’enseignement, Marie Arena, a été la cible de groupes divers, parfois les plus extrêmes, souvent partisans, corporatistes voire carrément poujadistes. Ceux-là défendent des intérêts divers, souvent personnels mais oublient, qu’en réalité, ce projet est destiné, avant tout, aux enfants. Il nous paraît donc important de rappeler, avant sa rédaction finale, que l’enseignement est un droit de l’enfant et donc que le rôle de l’école doit être de rendre accessible à tous les enfants le bagage de connaissances et de compétences nécessaires pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice.

Dans cet esprit, le projet de Contrat stratégique est, jusqu’ici, porteur de valeurs égalitaires qui ne peuvent que réjouir les défenseurs des droits humains et en particulier des droits de l’enfant. Aussi, il nous semble important d’insister prioritairement sur les qualités du projet.

L’idéologie égalitaire du contrat stratégique ne peut que nous réjouir. Elle prend acte des inégalités présentes dans l’enseignement en Communauté française et a la volonté d’y remédier. Pour la première fois un gouvernement dit clairement qu’il veut réinvestir dans enseignement primaire. Le fondamental, nous tenons à le rappeler, commence en première maternelle. Il est le parent pauvre de notre enseignement obligatoire. Alors qu’il est sensé poser toutes les bases, il est nettement sous-financé par rapport à l’enseignement secondaire. Réinvestir massivement dans le fondamental est la condition première d’une réussite dans le secondaire de transition mais également pour donner la même égalité de chance à tous dans la vie.

Nous sommes loin de la prétendue utopie vilipendée par les réactions au projet de Contrat stratégique. En effet, il est loin d’être utopiste d’exiger de l’Ecole qu’elle mène tous les jeunes à atteindre un niveau élevé, ni que 100 % des élèves doivent obtenir leur certificat d’étude de base. Il est également loin d’être utopiste d’instaurer un tronc commun afin de retarder le plus tard possible la sélection et d’éviter les relégations. Ce système existe à l’étranger où il fonctionne parfaitement. Il s’agit simplement de droits de l’enfant. Depuis les années 60 et Piaget, on sait qu’il est faux de penser que certains élèves sont doués pour les études et d’autres pas[1].

Le principe d’inégalité des chances est un principe fasciste, intolérable dans un Etat de Droit, qui doit être combattu par tous les démocrates !

… mais des miettes de bonnes idées

Malgré ces bonnes intentions, le projet de CS nous laisse sur notre faim. En terme de programme, il ne propose pas grand-chose. Il s’agit essentiellement d’un saupoudrage de « bonnes idées ultra timides ». Sans entrer dans les détails, épinglons néanmoins quelques points exemplatifs de notre propos :

  • Le tronc commun: celui-ci ne doit pas se limiter au premier degré de l’enseignement secondaire de transition mais doit être étendu jusqu’à 16 ans (4e année du secondaire de transition) et comprendre une formation pluridisciplinaire, c’est-à-dire générale, technique, artistique et sportive identique pour tous, ceci afin de retarder le plus tard possible la sélection et d’éviter les relégations. Il est contraire aux droits de l’enfant d’orienter précocement ceux qui mettent plus de temps que les autres à acquérir les savoirs. Chacun a le droit de prendre le temps pour mûrir un projet de Vie. Exiger d’un enfant qu’il fasse ce choix avant 16 ans est un déni de droit !
  • La diminution du nombre d’élèves à 20 de moyenne par classes pour les deux premières années du primaire : Aux dires de la Ministre, c’est déjà la moyenne. Où est le progrès ? L’effort doit être porté sur les premières années du primaire. 15 élèves par classes au premier degré doit être l’objectif à court terme.
  • Volonté de remédiation immédiate: Il importe d’apporter la remédiation au moment même où l’enfant en a besoin. Cela nécessitera un engagement important d’enseignants spécialistes des difficultés d’apprentissage, et d’encadrants professionnels : logopèdes, spécialistes de la dyslexie, dyscalculie, maîtres d’adaptation à la langue … Comment cela sera-t-il possible puisqu’aucune augmentation de l’enveloppe budgétaire n’est prévue ?
  • Gratuité progressive. Pourquoi progressive ? Il nous semble, en outre, que ne demander qu’à l’école de veiller à cette gratuité est insuffisant. La piscine, l’accès à la culture (musées, parcs à thème, connection à Internet, théâtre, …), transports publics, sont des domaines où la gratuité doit être la règle pour les écoles.
  • La concurrence entre établissements scolaireset les filières de hiérarchisation sont de la ségrégation à l’état pur, un réel apartheid scolaire. Nous rappelons qu’un enfant a le droit de se construire dans son milieu de Vie et non être contraint à faire des kilomètres pour trouver une école. L’hétérogénéisation de tous les établissements doit être programmée selon un calendrier   Tous les établissements scolaires doivent recevoir les moyens de permettre à chaque enfant d’arriver au même niveau que les autres, en bannissant toute discrimination socioculturelle et avec un objectif d’hétérogénéisation.
  • 2013. Nous sommes conscients que les changements indispensables à la réforme de notre enseignement nécessitent un phasage mais c’est dès aujourd’hui que des enfants sont en difficultés scolaires, et il y a lieu de mettre en place des mesures transitoires afin de sauver ceux qui peuvent l’être encore. On en peut faire une croix sur 272 000 jeunes wallons[2] et bruxellois qui seront, si rien ne change, irrémédiablement condamnés à n’avoir aucun diplôme pour aborder la vie. Ce plan stratégique se définit comme étant à moyen et long termes, alors que nous sommes dans l’urgence et ce, depuis des années. Une réelle volonté politique de résorption des inégalités doit être mise en place en priorité.

Les enfants les plus fragiles

Nous nous étonnons que le Contrat stratégique se soucie peu des enfants les plus fragiles, malades ou handicapés.

En effet, ceux-ci sont considérés comme quantité négligeable, comme si le statut qui leur était réservé par la société actuelle, c’est-à-dire d’être mis en marge de celle-ci, ne méritait pas d’autres considérations. Un projet humaniste se doit de commencer par les plus fragiles. Dans le Contrat stratégique ils restent marginalisés.

En effet, une seule page sur les 78 que comprend le projet de Contrat stratégique traite de l’enseignement spécialisé, et encore, pour le considérer comme une structure spécifique à l’écart de l’enseignement ordinaire, à partir duquel certains doivent passer s’ils veulent entrer dans me cadre du système éducatif.

Une société qui se voudrait égalitaire, humaniste et progressiste se doit de donner à chacun le maximum de chances dans la vie. A commencer par pouvoir se construire dans son tissu social. Au contraire de ce principe basique, notre système scolaire oblige ces enfants à passer plusieurs heures, chaque jour, dans des transports scolaires abrutissants pour se rendre dans l’école la plus proche – souvent lointaine, adaptée à leur problématique. Il en ressort des situations inégalitaires. Il y a lieu d’enrayer la discrimination en adaptant le système à l’enfant et non uniquement l’enfant au système.

L’égalité des chances et le droit à la participation sociale de la personne handicapée, supposent une Ecole pour Tous et pour Chacun, quel que soit le niveau d’enseignement et de formation, et ce tout au long de la vie.

Une éducation en milieu ordinaire est un principe de base pour l’Ecole pour tous et chacun.

Les Etats membres doivent adopter une législation garantissant à tous les enfants en âge scolaire et à tous les adultes, le droit d’accéder à un système d’enseignement ordinaire. »

 Charte de Luxembourg, novembre 1996

 Tout enfant a le droit d’être scolarisé avec un projet scolaire dans lequel il trouve sa place et qui réponde adéquatement à un ensemble d’exigences propres à ses besoins. L’intégration au travers de la scolarité est un moyen pour atteindre l’intégration sociale au sens large et vise à terme une société ouverte et accessible à tous.

Nous demandons donc que le Contrat stratégique pour l’Education comprenne une réelle politique d’intégration de tous les enfants handicapés ou malades chroniques en tenant compte, par ailleurs, des engagements internationaux pris par la Communauté française de Belgique.

[1] 34 % des enfants quittent l’enseignement avant la fin du secondaire, sans diplôme, hypothéquant leur intégration sociale et influençant leur vie entière.

[2] L’intelligence se construit. Il est faux de penser que certains élèves ne sont pas faits pour des études. Ce qui distingue le plus les élèves c’est leur vitesse d’apprentissage. La qualité de l’apprentissage réalisé n’a aucun rapport avec le temps mis pour y arriver. (Que savons-nous ? Marcel Crahay)

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