Les psychologues connaissent bien, depuis de nombreuses années, les effets du redoublement sur les élèves qui le subissent. Ceux-ci sont dévastateurs ! Tout échec implique chez qui que ce soit – et à fortiori chez des enfants – une atteinte à l’image de soi.

Plus que l’adulte, l’enfant a besoin de l’estime des autres (ses camarades, ses parents, ses enseignants, …). L’échec scolaire, en entamant gravement l’estime des autres, prive cet enfant de cet étayage narcissique psychologiquement vital pour lui[1].

Souvent l’échec est précoce. Il touche plus profondément encore ces élèves qui sont déjà fragiles. On remarque que ces enfants sont en difficulté depuis le début de leur scolarité. C’est normal : nous verrons dans l’annexe 8 que ce qui différencie les enfants c’est leur vitesse d’apprentissage. Certains enfants sont naturellement plus lents et ont besoin de plus de temps. Ne pas le leur donner ne peut que les mettre en grande difficulté et participe de cette maltraitance.

Le redoublement opère un marquage social des élèves qui le subissent : « les mauvais élèves » ! A partir de celui-ci se développe un processus de stigmatisation. Ces élèves sont affublés d’une série de stéréotypes négatifs : bête, idiot, têtu, lent, mauvais, médiocre, faible, nul, paresseux, fait le pitre, indiscipliné, lent d’esprit, travaille mal, méchant, pas développé, étranger, …

Ils vivent la peur des sarcasmes des camarades, voire des enseignants. La perte des tissus sociaux établis n’est pas la moindre des souffrances. Se retrouver dans une classe avec de plus jeunes élèves fait  perdre le lien qui existait avec les copains d’avant. Il faut tout recommencer avec, en plus, une étiquette très lourde à porter.

Les élèves qui ont vécu un redoublement ressentent divers sentiments : de honte, de tristesse, de gène. Ils vivent un véritable malaise intérieur, ont des sentiments d’incapacité et d’infériorité. Le doute s’installe, la confiance s’étiole, l’auto-dévalorisation se développe[2].

La loi du silence est générale. Ces élèves taisent leur souffrance, leur honte vis-à-vis de leurs condisciples. La plupart ne savent même pas pourquoi ils redoublent. A l’école, tout est fait pour faire taire les redoublants. Rien n’est mis en place pour rencontrer leurs difficultés propres.

Il semble que ce n’est qu’à la maison que l’on parle du redoublement. Le plus souvent c’est l’engueulade, alors que l’élève n’y est pour rien. Mais la pression de l’école et le discours culpabilisant des enseignants et des directions font retomber, aux yeux des parents, la faute de l’échec sur le dos de l’élève. Il ne faut pas oublier la souffrance et la honte des familles qui sont importantes. Non contente de maltraiter l’élève, l’Ecole met des dizaines de milliers de familles en souffrance et les culpabilise de ses propres manquements.

Le redoublement engendre, chez les élèves qui le subissent, ce que les psychologues appellent le sentiment d’incompétence acquis[3]. L’élève se résigne à ne pas être compétent (il a acquis le sentiment d’être incompétent). Ses expériences ainsi que les messages envoyés par l’école lui ont démontré qu’il « ne savait pas », qu’il était incompétent et que rien ne pouvait modifier cet état. Le sentiment d’incompétence acquis est difficilement modifiable chez l’enfant qui le ressent. Il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle des causes qui l’ont amené à cet échec et qu’elles ne pourront jamais changer. Il est persuadé d’être bête et incapable, une fois pour toute[4].

Il faut ajouter à ce chapitre un phénomène en nette progression, même s’il demeure encore largement tabou, les élèves « malades de l’école » qui toucherait, selon les sources, 4 à 5 % des élèves, les empêchant de se rendre normalement en classe. Parmi eux, près d’1% souffriraient d’une forme plus sévère encore : la phobie scolaire.

Conclusion

 Le redoublement et l’orientation précoce engendrent une profonde souffrance chez les élèves qui en sont victimes.

Leurs familles sont également touchées par les mêmes sentiments.

[1] Daniel Calin : http://dcalin.fr/textes/echec.html

[2] Crahay 2003 : Peut-on lutter contre l’échec scolaire p 228 et suivantes.

[3] Learned helplessness aussi appelée théorie de la résignation apprise (Seligman, Maier & Solomon 1969).

[4] Tous les élèves sont capables – Voir annexe 8. Un élève ne devrait donc jamais être persuadé qu’il est incompétent puisque, précisément, il est parfaitement doué pour l’étude. C’est l’Ecole en CF qui n’est pas capable.

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