En Belgique, par définition, un·e élève en décrochage scolaire est un·e jeune en âge d’obligation scolaire qui n’est ni inscrit·e dans un établissement scolaire, ni inscrit·e à des cours par correspondance. Est aussi considéré·e en décrochage un·e élève qui présente plus de 20 demi-journées d’absences non-justifiées.
Qui sont ces jeunes à risques ?
D’après Catherine Blaya, une pédagogue française, Il n’existe pas qu’un seul profil de décrocheur·euse. En effet, celle-ci a relevé quatre “profil” de jeunes à risque de décrochage scolaire1 :
- Le premier groupe concerne des élèves aux comportements appelés “contestataires”, qui tendance à montrer leur mécontentement de façon voyante ;
- Le deuxième groupe est composé d’élèves qui ne trouvent aucun intérêt à suivre une scolarité et adoptent une attitude passive ;
- Dans le troisième groupe, on retrouve des jeunes dont les problèmes familiaux prennent le dessus sur leur quotidien et, de ce fait, ont un impact négatif sur leurs résultats scolaires ;
- Le quatrième et dernier groupe regroupe des élèves en état dépressif et qui ont du mal à se concentrer.
Malgré la volonté de vouloir énumérer les différents portraits de jeunes en décrochage scolaire, il existe une multitude de profils différents. Cette variété implique qu’un “groupe homogène”2 n’existe pas. Divers facteurs comme la relation avec le corps enseignant, la pédagogie, l’ambiance scolaire, la relation avec la famille, influencent fortement les jeunes.
Quelles en sont les causes?
Les facteurs qui influencent le/la jeune sont multiples. Ce phénomène complexe est “Multidimensionnel et multifactoriel, résultant d’une combinaison de facteurs interagissant les uns avec les autres”3 et ou chacun·e des act·eurs·rices de la vie du jeune a une part de responsabilité ».
Il est notamment important de noter qu’un facteur à lui tout seul ne peut expliquer le décrochage scolaire du/de la jeune et en être la seule cause. C’est un phénomène à analyser de façon systémique, c’est à dire en tenant compte du réseau entier de l’élève et non pas en se focalisant sur une cause unique.
- Les facteurs individuels
Ce phénomène peut être lié à des facteurs propres à l’élève comme une inadaptation au système scolaire traditionnel ou encore à la question du genre (on remarque que les garçons sont le plus touchés), à un comportement inadapté et/ou violent, à un état dépressif, à une démotivation, à des difficultés d’apprentissages, à un haut potentiel, etc.
- Les facteurs familiaux
La famille a un rôle important dans la réussite scolaire de l’enfant. En effet, si la/le jeune ne se sent pas épaulé·e ou soutenu·e dans son parcours, ceci aura un impact sur sa motivation ou son intérêt à suivre une scolarité et donc, sur sa réussite.
Les relations conflictuelles peuvent également être un facteur considérant du décrochage scolaire.
De plus, Il est important de souligner que tous les jeunes ne sont pas égaux face à l’institution scolaire. Les enfants issus de familles ayant une situation socioéconomique familiale faible, sont plus susceptibles de décrocher que les autres.
- Les facteurs scolaires
Ce facteur est prédominant. Le fonctionnement général du système scolaire est souvent problématique pour ces jeunes qui ont du mal à trouver leur place. Le climat qui règne dans l’établissement scolaire, l’implication et le soutien des professeurs dans les apprentissages, l’étiquetage, la clarté du règlement d’ordre intérieur de l’école, l’orientation, etc. sont “un tout” qui fait que l’élève peut se retrouver en décrochage.
Catherine Blaya et al., met l’accent sur deux points centraux4:
- L’étiquetage
Soit on rentre dans la colonne “bon élève”, soit on rentre dans la colonne “mauvais élève”. De façon implicite, quand un·e jeune est face à une difficulté, celui-ci ou celle-ci va intérioriser son sentiment d’échec. L’institution aura tendance à “naturaliser” la situation et pire, à le/la maintenir dans cette croyance. Conséquence : L’élève pensera qu’il/elle n’est pas fait·e pour apprendre car le système scolaire le/la rejette. Le/la jeune devra faire face au redoublement mais aussi à la relégation et à la ségrégation.
Ce sentiment d’échecs à répétition et cette impression de ne pas “être à sa place”, aura tendance à les regrouper dans “une sous-culture d’opposition au système et à l’image qu’il leur renvoie, dans un processus réactionnel à la stigmatisation ou à l’exclusion qu’ils subissent”4.
- Le climat scolaire
Le climat d’une classe, la motivation ainsi que la pédagogie apportée par les enseignants sont des facteurs primordiaux dans la réussite scolaire de l’élève.
Si les relations entre les différent·e·s acteurs/actrices (professeur-élèves, élèves-élèves) intramuros sont mauvaises, il est clair que la/le jeune aura tendance à décrocher. Sans oublier la problématique du harcèlement scolaire qui n’est pas à exclure et qui doit être prise en charge en amont afin d’éviter le repli sur soi, le décrochage, voir même le suicide.
La question de l’orientation choisie ou subie est aussi une véritable problématique. C’est dans les filières professionnelles que l’on retrouve le taux de décrochage le plus élevé. D’après l’étude PISA de 2009, les élèves issus d’une famille pauvre seraient plus sujets au décrochage.
La culture de l’école est aussi à prendre en compte. Bien souvent, des élèves ne comprennent pas ce qu’on leur demande et se sentent donc exclus du système scolaire.
- L’absentéisme et l’ennui
L’absentéisme est à la fois une cause et une conséquence de ce phénomène sociétal. Ainsi, l’élève qui adopte une “stratégie d’évitement” et obtient des absences à répétitions sera à terme, déscolarisé·e. Le/la jeune se sent donc “inadapté·e” en milieu scolaire. Un sentiment qu’il/elle traînera une fois qu’il/elle entrera sur le marché du travail.
En ce qui concerne l’ennui, celui-ci n’augmente pas le phénomène de décrochage scolaire mais il doit être considéré comme “symptomatique” d’un dysfonctionnement institutionnel et social.
- L’intériorisation
Cette problématique est décelable chez des jeunes en difficulté scolaire. Bien souvent, ils/elles ont intériorisé l’échec comme une normalité par conflit de loyauté envers les parents (papa, maman qui ont arrêté prématurément leur scolarité) ou parce qu’elles/ils sont harcelé·e·s et cela va parfois jusqu’à la phobie scolaire. Ou encore, parce que l’enseignement traditionnel n’est pas adapté à leur besoins. Tout ceci conduit à une sorte de fatalité dont ils/elles pensent ne pas pouvoir y échapper. Cela les plonge plus facilement dans le décrochage scolaire.
Quelles sont les pistes de solutions ?
L’accrochage : “Mieux vaut prévenir que guérir”.
Et pour cause, le décrochage scolaire n’est pas un phénomène qui s’opère du jour au lendemain, mais bien une situation que l’on peut prendre en main, voire éradiquer en amont si les moyens mis en place sont présent. Et c’est l’école qui y joue un rôle essentiel!
- Nous devons penser à “un changement de culture de l’école”, revoir le fonctionnement scolaire et renverser la tendance.
- La formation des enseignants face à ce fléau est insuffisante. C’est un point important dont il faut y remédier absolument. Trop de futurs enseignant·e·s manquent d’informations sur la gestion de situations de décrochage scolaire et se sentent donc impuissant·e·s.
- Un “climat scolaire positif” semble avoir toute son importance pour répondre aux besoins de l’élève. Adopter un comportement bienveillant, empathique et à l’écoute peut apporter à l’élève un soutien tout au long de son parcours et ainsi, le faire progresser.
- Un travail de réseau entre les écoles, les intervenants sociaux et les familles est nécessaire pour que les mesures d’interventions soient efficaces. Adopter une intervention plus individualisée, s’assurer que la/le jeune ait trouvé sa place au sein de sa classe (et donc, dans la société) et refuser les étiquettes qu’on pourrait lui coller, peut anticiper la situation de décrochage.
Dans le cas de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’accrochage scolaire est pris en charge par différents organismes comme :
- Les Centres Psycho Médicosociaux (CPMS);
- Le service de la médiation scolaire bruxellois et wallon;
- Les éducateurs de quartiers ainsi que les Maisons de Jeunes (MJ);
- Des contrats de préventions sont financés par les 19 communes de façon individuelle pour la mise en place d’écoles de devoirs, par exemple.
Le « raccrochage » : Une utopie?
Plus difficile mais pas impossible! Il existe différentes mesures dites de “réparation ou de compensation” dans l’enseignement comme, par exemple, la formation qualifiante (filières techniques, professionnelle et en alternance qui semblent bien fonctionner pour certains jeunes mais qui souffre de visibilité). Elle se fait soit par la formation qualifiante, soit par les études.
- Par formation qualifiante :
Par ce biais, le jeune peut se former à un métier bien spécifique ou entrer directement dans le monde du travail. Cependant, sans diplôme, il risque d’avoir des difficultés à trouver un travail sans pénibilité et précarité.
Il existe des médiateurs emploi qui ont pour mission de rencontrer les jeunes en conflit avec l’école et les informer sur le système du marché du travail et les familiariser avec celui-ci.
Ensuite, les Missions Locales, Bruxelles-Formation et le Forem qui proposent des formations professionnelles.
Et pour finir, le système de la formation par alternance qui réoriente le/la jeune dans l’enseignement technique ou professionnel.
Le service citoyen peut aussi être efficace pour ces jeunes en rupture scolaire car il vise le “développement personnel” et responsabilise la/le jeune en tant que citoyen actif et critique dans la société par une réinsertion aux études ou formation professionnelle.
- Par la réinsertion aux études :
Il existe les services d’accrochage scolaires (S.A.S) et sont au nombre de 12 en Wallonie et à Bruxelles. Ceux-ci accueillent les jeunes qui sont en décrochage scolaire de façon provisoire, avec comme objectif de les réinsérer dans le milieu scolaire le plus rapidement possible. Le but est que la/le jeune se rende compte de ses compétences et qu’il/elle puisse reprendre confiance en lui.
Des dispositifs d’accrochages scolaires (DAS) sont également mis en place pour apporter un réel travail de prévention. Le but est de créer une “dynamique autour de l’école” en rassemblant les divers acteurs sociaux et scolaire autour de la table pour agir ensemble sur la question de façon la plus efficace possible.
Les “alliances éducatives” sont sans nuls doutes la bonne marche à suivre pour aider les élèves en décrochage scolaire. Penser à réorganiser le système est loin d’être impossible mais prendra du temps. Une voie développée au Québec et en Allemagne propose aux jeunes d’être confrontés au monde du travail, parallèlement à deux jours de cours généraux en centre de formation.
1 Marie SCHULLER, “Décrochage scolaire, un phénomène complexe et multifactoriel”, Novembre 2017.
2Ibid.
3Ibid.
4Ibid.