Toutes les recherches en docimologie ont démontré le contraire. Résumons-nous :

On a vu que les notes évaluent très imparfaitement les savoirs des élèves. Elles servent surtout à les classer et à pratiquer une sélection, les plus « forts » pouvant passer en classe supérieure et les plus « faibles » devant redoubler ou être orientés vers des filières professionnelles (en secondaire) ou vers l’enseignement spécialisé (essentiellement en primaire). La note n’est donc pas un thermomètre[1] qui indiquerait la température (le niveau de savoir) de l’élève. Pour la majorité des notes entre 7 et 13 sur 20, la différence réelle de compétences est imprécise et variable selon le correcteur[2], ceux-ci évaluant différemment les copies selon l’ordre de celles-ci.

On a vu aussi que les biais sociaux de notation liés aux information extrascolaires relatives aux élèves influencent largement les professeurs, notamment l’âge, le sexe, l’origine sociale, …, de l’élève. L’existence de ces biais est avérée par toutes les études psychologiques et sociologiques sur la notation.

La note ne sert certainement pas de motivation. Les 20 000 élèves qui, en moyenne, quittent chaque année notre système scolaire sans diplôme n’ont certainement pas été motivés par les notations qu’ils ont reçues de leurs professeurs. Au contraire, ceux-ci, par une notation sélective, les ont cassés parfois pour la vie entière. Chacun le sait sans avoir lu les études en question : la bonne note motive, tandis que la mauvaise note crée une image négative de soi et handicape les futurs apprentissages. Les résultats ne sont pas plus favorables aux « bons » élèves puisque la notation favorise la compétition et l’individualisme égoïste, tout comme les comportements antisociaux[3].

Parmi ces comportements antisociaux, on trouve le besoin de savoir où on se situe par rapport aux autres, afin de s’assurer qu’on fait partie des « meilleurs ». La notation est un système d’évaluation qui incite à la tricherie[4]. Pour assurer ces premières places, ces mêmes « bons » élèves sont parfois amenés à tricher. Cela pose un problème à la société toute entière puisque ces jeunes seront sans doute ceux qui occuperont les places à responsabilité dans le futur. De leur côté, les élèves en difficulté ne cherchent en aucune manière à savoir où ils se situent par rapport à leurs pairs. Ils craignent les dernières places comme la peste. La notation fait détester l’école et crée l’anxiété et la phobie scolaire.

Enfin, contrairement aux discours de certains professeurs qui savent tout et peu soucieux des résultats des recherches en docimologie, travailler pour des « points » ne permet pas aux élèves d’apprendre. Dès qu’ils savent qu’un travail sera noté, ils vont travailler uniquement pour la note, en espérant avoir la meilleure ou la moins mauvaise qui soit.  Ils sont focalisés sur les notes et non sur les connaissances. Une fois le travail rendu, ou le contrôle passé, le cerveau fait son travail d’oubli. Seule la mémoire à très court terme a été employée par les élèves et, en somme, ils n’ont rien appris, ou si peu. 

La seule manière d’apprendre, à quelqu’âge de notre vie – et à fortiori quand on est enfant ou étudiant – sont l’envie, l’intérêt, la curiosité, la passion et le plaisir. La note empêche ces sentiments d’émerger.

Pour toutes ces raisons, il est impérieux de choisir d’autres formes d’évaluations sans notations, même par appréciation (les fameux ‘Très bien’, ‘bien’, ‘satisfaisant’, etc.). La meilleure manière d’évaluer est l’évaluation des compétences et des savoirs progressivement, sur base d’évaluations formatives. Cette évaluation est beaucoup plus précise. Elle favorise les progrès scolaires mais nécessite de ne plus « donner cours », mais d’ « enseigner ». Ne plus mettre en compétition dans un objectif de sélection, mais avoir la volonté de transmettre à tous les élèves, sans distinction aucune, tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui leur permettront de maîtriser toutes les compétences à acquérir.


[1] «« Ce n’est pas une bonne idée de supprimer les notes. C’est absolument indispensable d’avoir des points de repère (…). Casser le thermomètre ne sert absolument à rien. » Luc Ferry, RTL, 9 octobre 2012. Luc Ferry était opposé à la suppression de la notation comme l’avait envisagé un temps Najat Vallaud-Belkacem.

[2] Jean Aymes, « Une expérience de multicorrection », Bulletin de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, n° 321, 1979 ; Pierre Merle, Les notes. Secrets de fabrication, PUF, 2007 ; Bruno Suchaut, La loterie des notes au bac. Un réexamen de l’arbitraire des notes au bac, IREDU, 2008.

[3] Fabrizio Butera, Céline Buchs, Céline Darnon, L’évaluation, une menace ? PUF, 2011.

[4] Pascal Guibert, Christophe Michaut, « Les facteurs individuels et contextuels de la fraude aux examens universitaires », Revue française de pédagogie, n°169, 2009.

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